Architecture et psychologie
DOSSIER
Introduction : Architecture et Psychologie
Mental Obsessions
La fondation Goodplanet
DĂ©bat : Peut-on guĂ©rir grĂące a lâarchitecture ?
p.5
Interview avec Emmanuel Negroni
« Lâarchitecture nâest quâun outil. Un rĂ©sultat dâobservation de la vie qui passe autour de nous»
p.15
Trieste comme ma poche
p.16
PFE : Architecture et psychologie
p.18
Theatre 13 : critique de la piece «Dans les cordes» de Pauline Ribat
p.19
p.7-11
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SOMMAIRE
p.4 VIE ĂTUDIANTE
PAR NAWEL BADJA
Il est Ă©vident que notre environnement a un impact sur nous : un bureau mal rangĂ©, une piĂšce avec du bruit ou encore un espace avec beaucoup trop de personnes peuvent influencer notre maniĂšre de travailler et plus gĂ©nĂ©ralement notre bien-ĂȘtre.
Cet impact sur notre bien-ĂȘtre, les chercheurs ont tentĂ© de le comprendre dĂšs les annĂ©es 30 en essayant de voir comment notre lieu dâhabitat pouvait nous impacter. Le rĂ©sultat a rĂ©vĂ©lĂ© que le fait de grandir dans une ville, double le risque de dĂ©velopper des psychoses plus tard (Source: Dr Evangelos Vassos ) et dâautres Ă©tudes commencent aussi Ă dĂ©montrer que les environnements urbains peuvent augmenter le risque de troubles mentaux tels que la dĂ©pression ou lâanxiĂ©tĂ© ( The British Journal of Psychiatry) . Enfin, des chercheurs ont Ă©voquĂ© le lien possible entre le mode de vie urbain et la schizophrĂ©nie ( Source : Faris, R. E. L., & Dunham, H. W. (1939).
Les grandes villes ont Ă©tĂ© conçues majoritairement avec une verticalisation de lâarchitecture, et contrairement Ă ce que nous pourrions croire, vivre en hauteur pourrait avoir quelques avantages sur notre Ă©tat psychique : les habitants des tours disent se sentir comme dans un â cocon coupĂ© du mondeâ, car grĂące Ă la diminution des bruits urbains et au cadre de vue offert par la hauteur, ils se sentiraient plus dĂ©tendus. Cependant, dâautres, au contraire, se sentiraient âĂ©touffĂ©s et enfermĂ©s â, car les contraintes techniques nâoffrent pas la possibilitĂ© dâune ouverture sur lâextĂ©rieur.
Ainsi, autant les choix dâurbanisme que dâarchitecture influencent notre Ă©tat psychologique. La question que nous pourrions nous poser serait : de quelle maniĂšre nous pourrions penser et crĂ©er des espaces dans lesquels nous nous sentirions tous Ă lâaise.
Nous avons rencontré Emmanuel Negroni, architecte spécialisé dans la construction de bùtiments dédiés aux personnes souffrantes de troubles mentaux, qui nous a donné des éléments de réponse au cours de son interview. Ce dernier, nous a expliqué travailler tout en prenant en compte la sensibilité de nos sens afin de pouvoir répondre au mieux à leur besoin.
Ainsi, nous ne parlons pas âdâarchitecture psychologiqueâ comme nous lâavions tout dâabord imaginĂ©, mais plutĂŽt dâarchitecture sensorielle et thĂ©rapeutique : termes que vous pourrez dĂ©couvrir dans lâinterview dâEmmanuel Negroni.
4 Dossier PremiĂšre partie Introduction
@dlr Agora
AGATHE-PALOMA PASTRĂ, PIERRE GUIGNOT
ILLUSTRATION PAR BĂATRICE ZINGAN
Débat : Neuro-Architecture, Psychologie environnementale...
Peut-on guĂ©rir grĂące Ă lâarchitecture ?
« La construction, câest pour faire tenir. Lâarchitecture, câest pour Ă©mouvoir ».1 Et si lâarchitecture et la psychologie nâĂ©taientpas des disciplines si Ă©loignĂ©es ? On pourrait dĂ©finir lâarchitecture comme lâart de concevoir des espaces et la psychologie en tant que science de lâesprit. Or, lâespace a un impact rĂ©el sur la psychologie. Qui ne sâest jamais senti oppressĂ© dans un bureau Ă la superficie minimale, Ă lâĂ©clairage artificiel et entiĂšrement coupĂ© de lâextĂ©rieur ? La psychologie environnementale (champ de la psychologie sociale Ă©tudiant lâinterrelation entre lâindividu et son environnement) fait aujourdâhui parti du processus de conception des projets architecturaux. De mĂȘme, de nouvelles architectures qualifiĂ©es de « thĂ©rapeutiques » se multiplient. DĂšs lors si lâarchitecture a un impact sur lâĂ©tat mental des gens, peut-elle devenir en soi un moyen de guĂ©rison en faveur de certaines pathologies ?
La neuro-architecture amĂšne Ă crĂ©er des espaces avec une meilleure qualitĂ© de vie pour des bĂątiments rĂ©duisant stress et anxiĂ©tĂ©. Elle unit alors obligatoirement le travail collaboratif dâarchitectes et de neuroscientifiques. Cette jeune science « partagĂ©e » porte son attention directement sur la neuroplasticitĂ©2 et la façon dont lâenvironnement modifie la chimie du cerveau. Le cerveau interprĂ©tant, analysant et reconstruisant lâespace perçu, il offre des indices utiles aux architectes pour penser espaces et rĂ©partitions
Les cartographies des stimulations du cerveau offrent la comprĂ©hension de ce qui active la crĂ©ativitĂ© avec par exemple de haut plafonds ou la productivitĂ© avec de bas plafonds pour la concentration et le travail plus routinier. Il en est de mĂȘme avec lâanalyse du cortex auditif sensible aux sons et la production hormonale liĂ©e : lâĂ©coute de certaines musiques amĂ©liore la concentration. Toutefois, lâarchitecture peut-elle alors devenir un remĂšde en faveur de la guĂ©rison mĂ©dicale ? « Lâarchitecture Ă©motionnelle ne se prescrit pas » 3 ?
En effet, loin de ce rapport scientifique Ă lâarchitecture, un espace peut dans sa seule observation faire Ă©prouver des Ă©motions plus personnelles et alĂ©atoires. « Lâespace nâexiste pas en soi » 4? Notre affect perçoit et modifie notre comportement et notre humeur. « Lâespace lui-mĂȘme est un vide, en tant quâarchitectes nous ne dĂ©finissons que lâenveloppe de lâespace, peut ĂȘtre sa forme, et vous percevez cela par les sens. »5 ? Câest alors tout lâenjeu de la psychologie environnementale : un lieu traversĂ©, visitĂ©, habitĂ© nous transmet quelque chose, produit un effet sur nous. Les objets dâinfluences dâexpĂ©rience dâun lieu sont multiples : amplitude, complexitĂ©, texture, couleur, dĂ©sordre, espace minimaliste, saletĂ© mais Ă©galement lâidentification⊠Comment la dĂ©coration peut influencer notre humeur ? Notre cerveau rĂ©agit de façon sĂ©lective aux lieux 6 .
corbusĂ©en du Colloque international d'Architecture Ă©motionnelle, mars 2011, GenĂšve, initiĂ© par Barbara Poila : mĂ©decin, galeriste et Ă©crivain. Elle publia en 2011 avec Paul Ardenne Ă©galement, Architecture Ă©motionnelle, matiĂšre Ă penser. Lâarchitecture Ă©motionnelle est aussi un terme souvent attribuĂ© Ă lâarchitecte mexicain Luis BarragĂĄn et au sculpteur-peintre Mathias GoĂ©ritz. Ce dernier publia en 1954, Le Manifeste de lâarchitecture Ă©motionnelle.
2Abordée notamment en lien avec les espaces au Salk Institute par le Dr Fred Gage, neuroscientifique
3Nicolas Gilsoul
4Heidegger
5BĂHM, Ursula : Peter Zumthor: Der eigensinn des schönen, Arte, 2000
6EPSTEIN, R., & KANWISHER, N. (1998). A Cortical representation of the local visual environment. Par exemple, le cortex parahippocampique sâactive quand nous regardons une piĂšce vide ou remplie mais cette zone du cerveau sâactive peu lorsque les mĂȘmes objets prĂ©sents dans la piĂšce sont exposĂ©s Ă notre vue sur un simple fond blanc uniquement. Notre cerveau est alors sensible Ă des attributs spatiaux physiques qui nous amĂšnent Ă penser ce que lâon nomme alors lieu.
7VARTANIAN, O., NAVARRETE, G., CHATTERJEE, A., FICH, L. B., GONZALEZ-MORA, J. L., LEDER, H., ... & SKOV, M. (2015). Architectural design and the brain : effects of ceiling height and perceived enclosure on beauty judgments and approach-avoidance decisions. Journal of environmental psychology.
8BAR, M., & NETA, M. (2006). Humans prefer curved visual objects. Psychological science.
9GĂMEZ-PUERTO, G., MUNAR, E., & NADAL, M. (2016). Preference for curvature : an historical and conceptual framework. Frontiers in human neuroscience.
5
Débat PAR
1Epigraphe
Le degrĂ© dâouverture dâune piĂšce a un impact sensible sur lâapprĂ©ciation dâun espace : plus la possibilitĂ© dâexploration visuelle et motrice est grande, plus le sentiment est positif7 . Les formes courbes sont gĂ©nĂ©ralement plus agrĂ©ables que les contours rectilignes8 . PeutĂȘtre parce que ce sont des formes naturellement associĂ©es Ă des formes dangereuses 9 ? Espace et humeur sont donc liĂ©s mais ils font Ă©galement appel Ă la mĂ©moire et donc aux souvenirs et ses Ă©motions. LâexpĂ©rience dâun lieu nâest donc pas gĂ©nĂ©ralisable. Sâil existe des recommandations pensĂ©es comme thĂ©rapeutiques10 , un sentiment de tranquillitĂ© peut tout Ă fait en effet ĂȘtre ressenti comme un sentiment dâoppression par une autre personne.
Ces rĂ©actions ne relĂšvent pas seulement dâenvironnements intĂ©rieurs et intimes adaptables sur mesure pour chacun mais ils se font ressentir Ă©galement sur les espaces extĂ©rieurs11. La psychologie environnementale unie la double interaction entre lâenvironnement et la personne. Nous influençons notre environnement, lâenvironnement nous influence. Nous nous adaptons comme nous le montre notre capacitĂ© Ă trouver son chemin dans un bĂątiment ou une ville inconnue. Si la psychologie fut historiquement centrĂ©e sur lâindividu, son champ dâaction sâest ouvert Ă lâenvironnement aussi social et physique12. Un trajet en interaction avec un certain type de paysages urbains peut avoir un impact diffĂ©rent sur notre capacitĂ© Ă rĂ©cupĂ©rer de la fatigue de la journĂ©e : cognition et sensibilitĂ© visuelle architecturale Ćuvrent de concert sur notre Ă©tat psychologique13. Cependant, comment alors penser la cohabitation du multiple plus que le seul individu en un lieu ?
e ne sont pas des Ă©lĂ©ments statiques qui rĂ©sumeraient le lien entre architecture et psychologie. Nous tentons de percevoir ces impacts statiques sur notre Ă©tat cĂ©rĂ©bral de plus en plus mais lorsquâil sâagit de mouvement, nous peinons encore Ă en comprendre tous les ressorts. Toutefois, certains invariants apportĂ©s par la psychologie environnementale visant au bien ĂȘtre des gens sont aujourdâhui pris en compte dans le processus de conception architectural. Des architectes emploient mĂȘme le terme « dâarchitecture thĂ©rapeutique » allant jusquâĂ favoriser la guĂ©rison de certaines pathologies. Nous pouvons citer pour exemple le travail de Emmanuel Negroni (interviewĂ© dans ce numĂ©ro) dont lâarchitecture devient un moyen pour traiter les maladies mentales (autisme, trisomie...). En effet, les stimulations sensorielles crĂ©ent par lâarchitecture sont des vecteurs dâamĂ©lioration de la santĂ©. La forme de lâenveloppe architecturale dâun projet peut notamment apaiser les sens des personnes souffrant dâautisme. Par exemple, dans un Ă©tablissement pour personnes autistes Ă Ecouen, lâarchitecte explore un univers vĂ©gĂ©tal favorisant la guĂ©rison des patients. En Corse, il rĂ©alise un centre pour autistes composĂ© de cellules proposant une autonomie aux occupants. Ainsi, les recherches en psychologie environnementale constituent bien une avancĂ©e dans le traitement des maladies mentales par lâarchitecture.
Cependant, si nous prenons aujourdâhui conscience et essayons dâappliquer certaines approches aux environnements intĂ©rieurs ou extĂ©rieurs de façons statiques, les environnements plus changeants tels que la ville reste des terrains peu rĂ©ellement compris aux rĂ©sultats contradictoires14. Une Ă©tude plus grande pour une meilleure comprĂ©hension permettrait pourtant une inclusion plus adaptĂ©e pour chacun oĂč les sensibilitĂ©s variables aux environnements allant de lâhumeur personnelle Ă des degrĂ©s plus complexes liĂ©s Ă la santĂ© mentale seraient mieux apprĂ©hendĂ©es.
6 Dossier PremiĂšre partie
10 Etude de lâUniversitĂ© de Palermo en Argentine en 2013 analysant lâimportance des espaces pour des patients
11 CHOO, H., NASAR, J. L., NIKRAHEI, B., & WALTHER, D. B. (2017). Neural codes of seeing architectural styles. Scientific reports.
12 Travaux de Kurt Lewin (1890-1947), Egon Brunswik (1903-1955), Roger Barker (1903-1990)
13 LINDAL, P. J., & HARTIG, T. (2013). Architectural variation, building height and the restorative quality of urban residential streetscapes. Journal of environmental psychology.
14 BMW Guggenheim Lab Urban Project by Collin ELLARD & Charles MONTGOMERY âTESTING,TESTING!â : rĂ©sultats de marches organisĂ©es Ă New York, Berlin et Bombay visant Ă la descriptions des Ă©motions Ă diffĂ©rents points du parcours. Les donnĂ©es subjectives associĂ©es Ă des donnĂ©es objectives relevĂ©es Ă lâaide de capteurs Ă©lectrodermales pour la mesure physiologique du stress ne correspondaient cependant pas.
BADJA, MATHILDE HAUZY ET NISRINE BOUAZZA INTERVIEW PAR
PROPOS RECUEILLIS PAR
7 Interview
NAWEL
Quâest-ce que lâarchitecture sensorielle ? Le gros problĂšme en France câest que les cahiers des charges sont tous faits dâune certaine maniĂšre qui font quâil ne faut pas suivre les cahiers des charges car ça ne correspond pas du tout. La grande philosophie de lâarchitecture sensorielle câest de mettre au cĆur du dispositif la personne dĂ©ficiente alors que le cahier des charges fonctionne diffĂ©remment, câest la fonction du bĂątiment, les encadrants et ensuite la personne dĂ©ficiente intellectuel alors moi je propose la personne dĂ©ficiente, les encadrants et la fonction du bĂątiment qui est secondaire. Câest difficile Ă faire comprendre Ă des maitres dâouvrage car si vous voulez quâun bĂątiment fonctionne bien il faut que les gens soient bien Ă lâintĂ©rieur. LâĂ©lĂ©ment phare câest la personne avec autisme. Si elle est dans un environnement rassurant, apaisant Ă ce moment-lĂ les personnes encadrante auront moins de travail et pourront appliquer les thĂ©rapies sur ces personnes mais si lâenvironnement est chaotique câest plus difficile. Par exemple derniĂšrement jâai eu un gros concours sur un centre sur AGHATE-PALOMA PASTRĂ, ROMANE-LIFANG BĂNARD
Je suis Emmanuel Negroni, je suis designer et je dĂ©veloppe depuis une vingtaine dâannĂ©es lâarchitecture sensorielle thĂ©rapeutique. Au dĂ©but jâintitulais ça architecture thĂ©rapeutique et cela mâa Ă©tait reprochĂ© par des scientifiques qui disaient que lâarchitecture nâĂ©taient pas thĂ©rapeutique mais câest Ă peu prĂšs la mĂȘme chose. Câest adaptĂ© des environnements Ă des personnes hypersensibles, Ă toutes les personnes dĂ©pendantes dans des Ă©tablissements spĂ©cialisĂ©s et donc de concevoir des lieux aussi bien sur lâarchitecture que sur lâarchitecture dâintĂ©rieur jusque dans le mobilier adaptĂ© Ă leur sensibilitĂ©. En fait il faut repenser complĂštement ce quâon a lâhabitude de faire et presque Ă lâinverse de ce que lâon fait. La base de lâarchitecture sensorielle est de mettre au cĆur du cahier des charges la personne Ă dĂ©ficience intellectuelle car petite prĂ©cision câest trĂšs souvent des personnes Ă dĂ©ficience intellectuelle, autisme, trisomie.
Quand jâai expliquĂ© cela, on mâa repris en me disant que câĂ©tait les personnes qui encadrent lâimportant. LâidĂ©e nâavait pas Ă©tĂ© comprise, si vous trouvez lâapaisement auprĂšs dâune personne dĂ©ficiente ce sont les encadrants qui vont en bĂ©nĂ©ficier. Cela montre bien lâincomprĂ©hension et la difficultĂ© quâil peut y avoir entre cette forme, cette adaptation de lâarchitecture sur des gens juste diffĂ©rents et pas moins bien ou quoi que ce soit mais il faut adapter lâenvironnement Ă leurs diffĂ©rences. Ce sont les grandes lignes de lâarchitecture sensorielle. Pour en revenir Ă cet oral jâai compris quand jâai entendu cela que le concours on ne lâavait pas. Lâarchitecture sensorielle reste de lâarchitecture. Moi je suis designer de formation mais je travaille avec un confrĂšre architecte. Câest avoir une approche diffĂ©rente de concevoir un bĂątiment. On ne peut pas concevoir pour des gens diffĂ©rents des lieux de la mĂȘme façon. Regardez, une piĂšce comme celle-ci câest une piĂšce qui ne correspond pas du tout Ă des hypersensibles car rien ne fonctionne ici. LâĂ©clairage ne peut pas ĂȘtre comme ça car câest une source dâagression. LâĂ©cho est une deuxiĂšme source dâagression. Le mobilier disposĂ© comme ça. Les arrĂȘtes sur les murs ça ne peut pas fonctionner car pour des hypersensibles qui vont avoir envie de sâauto mutiler ils vont foncer dedans alors que câest une salle de classe. Vous avez ce type de volumes dans les Ă©tablissements spĂ©cialisĂ©es donc vous avez en France 98% des Ă©tablissements qui ne fonctionnent pas pour les hypersensibles, pour les personnes avec autisme.
Dans ce domaine on est peu mĂȘme Ă travers le monde. Ce projet est un bĂątiment expĂ©rimentale oĂč finalement toute la recherche que jâai pu dĂ©velopper aprĂšs par ce bĂątiment câest une rencontre avec maitre dâouvrage, un directeur dâĂ©tablissement qui avait compris depuis un bon moment car on sâest rencontrĂ© en 2012 qui avait compris quâil fallait repenser les bĂątiments et dans le cahier des charges ils demandaient de faire en gros comme des clapiers pour des lapins comme câest le cas encore maintenant. On a un peu Ă©voluer mais pas beaucoup. Jâai jetĂ© le cahier des charges Ă la poubelle et Ă partir de ce moment-lĂ . On a eu la chance de le gagner et on a mis sept ans Ă tout redĂ©velopper en partant dâune page blanche avec ce maitre dâouvrage Ă©tant jean pierre blanchi, entre les Ă©tudes sur le bĂątiment et la rĂ©alisation. Le bĂątiment est sorti en 2017. On a travaillĂ© les volumes, les circulations, les cours, la luminothĂ©rapie trĂšs importante pour les ambiances par exemple. Et aujourdâhui ce bĂąti fonctionne, porte ses fruits et ce nâest quâun dĂ©but et aprĂšs jâai dĂ©veloppĂ© autre chose pour aller plus loin.
Avec ce projet vous avez dĂ©veloppĂ© cela. Vous avez fait lâĂ©cole Boule
Oui et jâai fait lâĂ©cole de belingen ensuite.
Dans le projet « lâĂ©veil du scarabĂ©e », on peut voir Ă lâintĂ©rieur un jeu de lumiĂšre et un usage des couleurs en lien avec le bien-ĂȘtre des personnes hypersensibles. Comment vous vous y ĂȘtes pris pour prendre en compte cette sensibilitĂ©. Vous avez travaillĂ© avec des mĂ©decins, des psychologues ou en simple observations comportementales et en parlant avec les personnes concernĂ©es ?
Vous avez dĂ» travailler plutĂŽt les ambiances. Jâai enseignĂ© aprĂšs et cela ne ce faisait pas tant que ça. Jâai essayĂ© par mon cours de dĂ©velopper ça. Ce nâest pas une spĂ©cificitĂ© de designer, dâarchitecte dâintĂ©rieur ou un architecte aprĂšs câest une sensibilitĂ©. Les trois professions sont trĂšs proches. Câest français de sĂ©parer les professions mais vous avez dans dâautres pays câest une mĂȘme chose, un concepteur.
Quand vous Ă©tiez Ă©tudiant comme nous ce nâĂ©tait pas quelque chose auquel vous pensiez dĂ©jĂ ?
8 Dossier PremiĂšre partie
Pas du tout. Câest plutĂŽt un geste de rĂ©volte quand jâai vu comment on traitait ces gens-lĂ , ces personnes diffĂ©rentes, câĂ©tait presque les considĂ©rer comme des sous-hommes et je pĂšse mes mots parce que je connais bien le domaine maintenant et donc je nâai pas acceptĂ© tout simplement et je me suis dit si mon mĂ©tier doit servir Ă quelque chose au moins quâil serve à ça. Sept ans pour dĂ©velopper un projet câest trĂšs long surtout que ce nâĂ©tait pas un gros projet mais 1 200 m2 mais je me suis formĂ© grĂące Ă cela, jâai appris et aprĂšs jâai continuĂ© Ă dĂ©velopper ça.
il faut avoir une relation au terrain car je ne suis pas touchĂ© personnellement autour de moi par des personnes avec autisme. Des conseils Ă donner par rapport Ă la vie Ă©tudiante. Comment on peut concilier les Ă©tudes dâarchitecture ou la profession avec une autre passion ou autre chose qui pourrait nous aider Ă mieux comprendre lâarchitecture ?
Vous avez dĂ©veloppĂ© dans votre agence une cellule appelĂ©e « lâarchitecture et le design sensoriel », quâentendez-vous par lĂ et quels ont Ă©tĂ© les fruits de ces recherches ?
Les projets classiques je ne mâen occupe plus maintenant et moi je travaille que les projets dâarchitecture sensorielle et au travers de cela. LâĂ©volution de ce domaine-lĂ je le fais beaucoup au travers des concours dâarchitecture ou de projets. Je le dĂ©veloppe aussi au travers dâun vĂ©cu sur le terrain câest trĂšs important. La thĂ©orie câest bien mais il faut ĂȘtre confrontĂ© Ă la rĂ©alitĂ©. A cĂŽtĂ© de ça je dirige une salle de boxe anglais Ă Paris, « le ring parisien », et dans cette salle jâai dĂ©veloppĂ© des cours pour personnes dĂ©ficientes intellectuelles et notamment dâautisme et aussi des projets pour des personnes atteintes dâAlzheimer. Jâai quatre groupe, un plus spĂ©cifique Ă lâautisme, un Ă la dĂ©ficience intellectuelle et Ă la trisomie, un avec des troubles cognitifs et lĂ jâessaye de dĂ©velopper un groupe pour personnes atteintes dâAlzheimer. Donc je suis confrontĂ© au terrain constamment. Demain jây serais donc ça aussi ça me permet dâobserver, dâĂȘtre en contact avec eux, de comprendre les choses. Jâai aussi visitĂ© Ă©normĂ©ment dâĂ©tablissement Ă travers la France, jâai fait des enquĂȘtes pour les ARS pour les bĂątiments dĂ©jĂ en place ce qui me permet de dire quâil y a 90% des bĂątiments qui ne fonctionne pas, trĂšs mal ou en tout cas pas adaptĂ©. Je ne mets pas en cause les gens qui sont Ă lâintĂ©rieur qui y travaillent mais le fonctionnement du bĂątiment et je fais aussi des recherches mais
Il faut observer. Lâarchitecture nâest quâun outil. Un rĂ©sultat dâobservations de la vie qui se passe autour de nous. Lâarchitecture doit supporter la vie. Ce ne sont pas que des traits, des barres ou des dessins. Je vois plus lâarchitecture comme un outil donc toutes passions autour peut amener quelque chose. Il faut rester ouvert, sâinspirer de ce qui se passe autour de nous et câest surtout une rĂ©flexion sur comment on voit lâavenir. Lâarchitecture nâest pas un instant T, câest un bĂątiment que lâon construit pour les vingt ou trente ans qui vont venir et donc il faut anticiper la sociĂ©tĂ© de demain constamment. Lâarchitecture sensorielle est une rĂ©ponse Ă cela. On anticipe la sociĂ©tĂ© de demain. Une rĂ©flexion des annĂ©es Ă venir. Et vous vous ĂȘtes dans une pĂ©riode trĂšs intĂ©ressante pour cela car un peu bousculĂ©e philosophiquement et donc une charniĂšre trĂšs intĂ©ressante beaucoup plus que notre Ă©poque en tant que concepteur et architecte.
«Lâarchitecture nâest quâun outil. Un rĂ©sultat dâobservations de la vie qui se passe autour de nous.
Lâarchitecture doit supporter la vie.»
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Vous travaillez aussi sur le mobilier, pour vous il faut travailler lâarchitecture avec le mobilier ou vous avez travaillez le mobilier pour permettre une meilleure vie pour les personnes atteintes dâautisme ?
Oui tout est liĂ©. On ne peut pas faire une piĂšce vide. Jâai remarquĂ© que tout ce qui est au mur nâest pas touchĂ© par les personnes en crise. Câest quand lâenvironnement lâagresse. Pour une lumiĂšre comme ça nâest pas trĂšs agrĂ©able, pour une personne hyper sensible câest une souffrance. LâĂ©cho est une souffrance. Le mobilier a donc une grande importance car dĂšs la premiĂšre crise câest ce qui va ĂȘtre touchĂ©, dĂ©placĂ©, volĂ©. Jâai remarquĂ© que quand le mobilier est intĂ©grĂ© au mur ils nây touchent pas. Câest un constat, je ne pourrais pas en faire une gĂ©nĂ©ralitĂ©, je ne suis pas scientifique. On parle dâinclusion. On dit quâil faut les intĂ©grer dans les Ă©coles mais il faut penser Ă la suite car ces environnement ne correspondent pas. Le mobilier a donc son importance autant que les volumes, que la forme du bĂątiment Ă lâextĂ©rieur. Il ne faut pas que le bĂątiment soit dominant car ça va impressionner la personne. La frontiĂšre entre lâextĂ©rieur et lâintĂ©rieur est trĂšs importante. Il ne faut pas de frontiĂšre trop importante avec des contrastes, des ombres. Il faut que ce soit le plus fluide possible. Lâarchitecture, la volumĂ©trie du bĂątiment, lâintĂ©rieur et le design doivent ĂȘtre liĂ©
Jâai du mal Ă le faire comprendre et tant que lâon ne changera pas cette approche par rapport Ă cette diffĂ©rence on aura que des bĂątiments inadaptĂ©s.
Il y a beaucoup de projets pour les personnes en situation de handicap ?
Il nây en a pas assez. La France a Ă©tĂ© condamnĂ©e plusieurs fois par la cour europĂ©enne parce quâen France ils envoient tout le monde en Belgique et que câest devenu en Ă©nergique un peu un business avec des Ă©tablissements pour accueillir un maximum de monde. Il faut changer la pensĂ©e, la rĂ©flexion que lâon a sur le cahier des charges, câest primordial.
Faire des établissements spécialisés pour les personnes en situation de handicaps ça ne serait pas les exclure ?
Je parlais des personnes handicapĂ©es non verbaux ce qui reprĂ©sente environ 40%. En revanche vous avez des personnes autistiques qui peuvent trĂšs bien sâintĂ©grer. On va de la dĂ©ficience intellectuelle au haut potentiel. Il y a donc une partie qui peut sâintĂ©grer et une autre partie que lâon cache, ceux que lâon ne veut pas voir et lĂ il leur faut des Ă©tablissements spĂ©cialisĂ©s qui existent pour les apaiser. Il faut les prendre comme des cocons et pas comme un enfermement qui est la philosophie dâavant. Un bĂątiment spĂ©cialisĂ© doit ĂȘtre ouvert sur lâextĂ©rieur, ouvert sur la ville. Je refuse que mes coachs aillent dans les Ă©tablissements mais que les personnes viennent au « ring parisien ». Câest important mais il faut aussi un lieu apaisant pour quâils puissent se reposer, que lâon puisse appliquer les thĂ©rapies que lâon appellent IEM, des Ă©coles spĂ©cialisĂ©es. Moi je parlais plutĂŽt des personnes non verbales, des diffĂ©rences trĂšs grandes avec le monde ordinaire.
10 Dossier PremiĂšre partie
Archivision - mobilier pour le repli sur soi
Dans ces projets il y a un bureau dâĂ©tude, des architectes, des constructeurs, pensez-vous quâune Ă©quipe mĂ©dicale avec des mĂ©decins et psychologues doivent aussi intervenir ?
Bien sĂ»r. On considĂšre souvent lâarchitecte comme un exĂ©cutant beaucoup trop qui nâa pas son mot Ă dire et doit faire ce quâon lui dit ce qui est faux car les spĂ©cialistes de la volumĂ©trie câest eux. Ce doit ĂȘtre un Ă©change. Il y a un gros problĂšme dâĂ©change entre le onde mĂ©dicale, le monde scientifique et le monde artistique. Câest dommage car lâĂ©volution pour ce domaine ne peut se faire que par-lĂ par un Ă©change de compĂ©tences. Câest difficile de le faire comprendre Ă des scientifiques soit disant spĂ©cialisĂ©e lĂ -dedans. Ils sont spĂ©cialisĂ©s mĂ©dicalement mais lâenvironnement câest plus le problĂšme de lâarchitecte. Il sâagit dâhypersensible donc tout est liĂ© Ă lâenvironnement. Il faut le mĂ©lange des professions et il nây en a pas assez.
Jâai beaucoup de mail dâĂ©tudiants en architecture du monde entier qui me pose des questions sur mon travail et je mâaperçoit que ma gĂ©nĂ©ration aussi bien du cĂŽtĂ© concepteur que du cĂŽtĂ© maitre dâouvrage nâest pas intĂ©ressĂ©e. Câest un problĂšme gĂ©nĂ©rationnel. Ăa nâintĂ©resse que vous et notamment les pays du Maghreb tunisiens, marocains et algĂ©riens. Le QuĂ©bec aussi, anglo-saxon, peu lâEurope France, Espagne, Italie non. Câest surtout votre gĂ©nĂ©ration qui sâintĂ©resse peut-ĂȘtre plus Ă la sante mentale quand avant câĂ©tait plus cachĂ©.
Câest un domaine passionnant qui donne une utilitĂ© au mĂ©tier et Ă dĂ©velopper Ă©normĂ©ment encore.
Je faisais des mĂ©diathĂšques, des bĂątiments et quand jâai dĂ©couvert ça câest trĂšs intĂ©ressant dans la mesure oĂč ça vous remet en cause pour tout constamment et tout lâintĂ©rĂȘt est lĂ .
Pourquoi avoir acceptĂ© lâinterview ?
Et pour finir avec la traditionnelle derniÚre question en lien avec le titre de notre journal, que vous évoque la double hauteur ?
Une vision différente.
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Archivision - Unité de vie