portrait
De Courtrai aux Fioz
P
our Nelly, ce trajet a représenté un aller définitif. Rencontrer un Anniviard à Courtrai, comme une surprise du chef, passer des chicons à la raclette et apprécier la plongée dans un milieu si différent du sien, voilà le surprenant chemin parcouru par Nelly Kittel.
Une première étape au plat pays Nelly a grandi à Courtrai, dans le milieu de la bourgeoisie belge des années trente et quarante. Le style de vie paraissait contraignant avec ses codes et ses obligations, ses craintes du qu’en-dira-t-on, ses restrictions dues à la guerre. Courtrai est situé tout près de la frontière française, sur les bords de la rivière Leie, dans la partie flamande du pays. C’est d’ailleurs dans cette langue que Nelly a accompli sa scolarité et ses études, ce qui la mettait un peu en marge de ses amis suivant leur formation en français et de sa famille wallonne originaire de Mouscron. Pour équilibrer cette forme de solitude, Nelly s’est engagée très tôt chez les scouts dans une troupe francophone, où elle était l’une des plus jeunes participantes. Elle a gravi les échelons hiérarchiques propres à cette institution et a vraiment adoré toutes les expériences vécues dans ce milieu, grâce à la générosité et à l’empathie ancrées dans son caractère, qualités qui ont donné un sens à sa vie. Les vacances se passaient « avec la mer du Nord pour dernier terrain vague… Avec des cathédrales pour uniques montagnes… Et des chemins de pluie pour unique bonsoir… Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité… Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner ». Le plat pays chanté par Jacques Brel reflète particulièrement bien l’ambiance de cette région, il n’y avait pas grand-chose pour
égayer le regard, pour distraire des contraintes ordinaires. D’où peut-être l’importance que les habitants donnaient à leurs belles maisons, à leurs familles, aux fêtes et anniversaires. Comme un placement sûr dans une contrée morose. Du calme à l’aventure Nelly travaillait comme secrétaire dans la société de son père, elle se déplaçait à vélo, son quotidien suivait un cours tout tracé, rassurant. Et voilà qu’un jour de neige, ça peut arriver même à Courtrai, Nelly ne pouvait plus avancer avec son vélo pas du tout adapté à cette rare météo. Tiens donc, une petite voiture verte s’arrête à sa hauteur et le conducteur lui propose de l’amener à bon port. Nelly a déjà aperçu ce véhicule et son chauffeur, architecte d’une usine en construction en face du bureau de son père. Le chauffeur ? Eh oui, Urbain Kittel en personne. De là à dire qu’il avait déjà repéré cette belle jeune fille… Les rapprochements qui ont suivi ont d’abord fait peur aux
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Mariage en 1957
parents de Nelly: un étranger, aïe. Mais heureusement, il était catholique, de plus la Suisse avait bonne réputation là -bas et surtout pas eu la guerre ce qui les a un peu rassurés. L’épisode n’a pas été facile à vivre jusqu’au moment où la confiance parentale a fini par s’installer. La majorité étant fixée à 21 ans en Belgique à cette époque, Nelly a été obligée de demander la signature de son père pour se marier, n’ayant pas encore atteint l’âge fatidique. Et l’aventure pouvait commencer.