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Jouer avec les jeunes enfants

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avec les jeunes enfants

La crèche est un lieu où prendre de bonnes habitudes. Dans la Maisonnette (La Mijonèta), structure d’accueil anniviarde pour les enfants de 3 mois à 4 ans, on utilise le concept Youp’là bouge. YLB c’est en quelque sorte «la gym dans les crèches», c’est offrir au quotidien du mouvement.

La structure d’accueil d’Anniviers La Mijonèta

Dans le numéro d’automne 2021 du journal des 4 Saisons, je vous avais parlé du concept Signe avec moi mis en place à La Mijonèta. Aujourd’hui je vais vous instruire à propos d’un autre concept pédagogique Youp’là bouge mis en pratique avec les enfants de 3 mois à 4 ans depuis 2012 déjà.

Origine de la méthode

Le concept qui est à l’origine de Youp’là bouge s’inspire de Burzelbaum, un projet similaire né dans le canton de Bâle-Ville, puis mené avec succès dans de nombreux cantons alémaniques. Depuis mars 2009, il a franchi le Röstigraben. Ce concept vise à répondre au défi de santé publique que représentent aujourd’hui la sédentarité et le surpoids chez les plus jeunes. En Suisse, un enfant sur cinq présente une surcharge pondérale et plusieurs études ont mis en évidence une diminution significative des capacités physiques (agilité, coordination) de cette population depuis une vingtaine d’année (Bös, Tomkinson, 2003). C’est face à ce constat que le projet Youp’là bouge a été lancé.

Pour un développement sain

Dans leurs recherches les spécialistes de l’enfant ont montré que dès la naissance,

Parcours intérieur

pour leur développement les enfants ont besoin de bouger. Il est important de les soutenir dans leurs activités physiques spontanées, pour cela il est nécessaire de leur offrir des expériences variées et ludiques. Afin d’éviter les périodes d’inactivité prolongées, des jeux interactifs et des espaces libres appropriés à l’âge doivent leur être proposés. Comme les études scientifiques le confirment, en bougeant, les enfants deviennent plus habiles et ont ainsi moins de risques de se blesser. Les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire qui sont capables de marcher sans aide doivent être physiquement actifs au minimum 3h par jour, seuls ou à plusieurs. Il est important de leur apporter soutien et accompagnement, de les motiver par des activités diversifiées et un environnement varié. Cela ne favorise pas seulement le développement des compétences motrices, mais également celui des capacités cognitives et relationnelles. Le corps en bénéficie, la densité osseuse, le coeur et la résistance musculaire sont renforcés par l’exercice. Cela est aussi primordial pour le développement neurologique, en effet le cerveau évolue en fonction des expériences de l’individu. Le mouvement est bon pour l’estime de soi, l’autonomie, la connaissance de ses limites. Cela permet de stimuler la curiosité des petits, leur attention et leur confiance, ce qui leur permettra plus tard de s’investir dans de futurs apprentissages physiques et intellectuels.

• Le mouvement rend habile • Le mouvement favorise la concentration • Le mouvement fait plaisir • Le mouvement aide à rester en bonne santé • Le mouvement chez les petits donne naissance à des adultes actifs

La formation et la labellisation

Le label n’est pas une obligation mais un choix pédagogique fait par les crèches. En Anniviers, nous sommes chanceux, La Mijonèta a fait le choix de ce label. Marion Passera et Isabella Blessing Porchet ont été formées en 2012. Elles ont suivi la formation de base, théorique et pratique de 5 demi-journées par an sur 2 ans. Ensuite, elles ont eu pour tâche d’introduire le projet dans l’établissement. Elles ont bénéficié d’un suivi lors de la mise en place du concept au sein de la crèche. Cette labellisation est gratuite, mieux, elle donne même droit à une subvention de Chf 1000.- la première année. Avec cet argent, elles ont acheté du matériel qu’elles avaient en partie pu tester durant la formation ou qui leur paraissait adapté à la structure. Le projet est mis en place par les cantons avec le soutien de Promotion Santé Suisse. Le label a été validé pour la première fois pour les années 2012/2013 et elles l’ont renouvelé chaque deux ans. Le renouvellement se fait dorénavant tous les trois ans. Pour prolonger le label, il faut avoir au sein de la structure au minimum une personne formée qui assure la référence du projet, remplir un dossier et une visite est faite par la déléguée de YLB s’occupant du canton du Valais. Ce label implique encore la condition suivante: les enfants doivent pouvoir pratiquer 3h d’activité physique par jour. Ce label permet aussi au personnel de la crèche de participer : • à des formations d’ancrage, pour initier le personnel au concept • à différentes formations spécifiques, adaptées à la réalité du terrain, avec des thèmes divers : ma crèche, mon matériel, le mouvement bébé, YLB nature, YLB santé psychique... en relation avec l’âge des enfants. Ces formations ont été suivies par de nombreux (ses) collègues d’Isabella et de Marion. Certains (nes) ont aussi participé à une journée intercantonale de mise en réseau et d’échanges organisée chaque année en novembre (hors covid).

Exemples d’activités pratiquées à Vissoie

Comme je viens de vous l’expliquer, tout

Balade en forêt

le personnel éducatif de La Mijonèta s’investit activement dans le programme d’activités en relation avec le mouvement, sous l’impulsion des deux formatrices. Concrètement, cela se traduit par la mise à disposition du groupe des préscolaires (3-4 ans) d’une grande salle en commun avec le groupe des trotteurs (18 mois-3 ans) et d’un grand espace modulable (avec dînette, legos, maison en tissu que le personnel peut monter) qui est utilisé tous les jours pour des activités en mouvement. Il y a également un grand jardin (c’est le grand atout de La Mijonèta !!!) avec toboggan, talus, installations fixes pour grimper et un grand bac à sable. Les éducateurs (trices) disposent aussi d’une cabane avec passablement de matériel pour mettre en place des parcours. Les enfants peuvent aussi explorer par eux-même les différents objets. Le personnel éducatif a aménagé un jardin potager. Les enfants peuvent ainsi expérimenter, observer et prendre soin du vivant (planter, arroser, cueillir, cuisiner, …) Les enfants sont très demandeurs : ce n’est pas un besoin que l’on a créé mais un besoin réel, ils ont accès librement à l’extérieur quelles que soient les conditions climatiques. Au départ, cela a demandé un temps d’adaptation aux parents qui ont dû fournir des vêtements adéquats, qui parfois récupèrent leurs enfants dans un état de propreté... laissant à désirer, mais au final que de joies et d’expériences enrichissantes. Les enfants, accompagnés, partent en balade dans le village et les responsables organisent des sorties aux quatre coins de la vallée (grillades, découvertes des différentes places de jeux, chemin des planètes, visite de l’observatoire, îlot Bosquet, sorties luges dans les stations, découverte d’une dameuse et chien d’avalanche….) Chez les minis (environ 12-18 mois) des aménagements ont été faits dans le jardin de la nurserie et à l’intérieur pour mieux répondre aux besoins de mouvements chez les tout-petits. Dès qu’ils peuvent se déplacer, ramper ou marcher, ils ont un accès extérieur, sous surveillance évidemment. Lorsqu’il fait beau on y met parfois les poussettes.

Projet pédagogique de La Mijonèta

Le projet pédagogique est tout d’abord une discussion d’équipe qui permet de donner du sens aux actes du quotidien de manière professionnelle.

Réflexion théorique sur les sorties

Au sein de la structure, les sorties sont un élément important de l’accompagnement des enfants au quotidien. Pour cela, différentes manières d’agir peuvent être mises en œuvre : dans le jardin, dans la forêt, en promenade dans le village et dans la vallée...

Afin d’aiguiller notre réflexion autour des sorties, nous nous référons à diverses études. L’une, réalisée par Pro Juventute en 2016, démontre l’évolution du temps passé dehors par les enfants: «Dans les années 1970, les enfants passaient en moyenne trois à quatre heures par jour dehors pour jouer, bouger ou s’aérer. Mais aujourd’hui, le temps passé dehors sans surveillance est réduit à 32 minutes en Suisse alémanique et seulement 2 minutes en Suisse romande.»1 En 2007, une lettre signée par 270 experts de l’enfance était publiée dans le Daily Telegraph de Londres. Dans son contenu, nous pouvons lire : « Nous pensons qu’un facteur primordial expliquant l’explosion des problèmes de santé diagnostiqués chez les enfants est le déclin marqué du jeu depuis 15 ans. Le jeu, particulièrement à l’extérieur, non structuré et peu surveillé, est vital dans le développement de la santé et du bien-être des enfants. »2 Profiter du plein air permet à l’enfant de se dépenser physiquement, stimule son appétit, son sommeil, sa concentration et canalise son énergie ; en somme, cela lui permet de se développer harmonieusement. S’asseoir avec eux dans l’herbe, admirer les insectes et se questionner sur les saisons lorsqu’un enfant découvre une feuille jaunie sont autant de pistes que l’adulte peut explorer dans son accompagnement quotidien auprès des enfants. Oui, l’exploration de la nature salit et comporte des risques. Mais au fond, n’est-ce pas notre rôle d’amener l’enfant vers l’autonomie en lui faisant confiance ? En lui laissant la chance d’expérimenter par lui-même le fait que la terre devienne de la boue lorsque nous la mélangeons à de l’eau, il acquiert des connaissances. En le laissant essayer de grimper sur un tronc et retomber dans l’herbe, il acquiert des compétences et sa confiance en lui grandit lorsqu’il y parvient. Oublions donc les « Touche pas ça tu vas te salir ! » et les « Attention tu vas tomber !» au profit de phrases encourageantes ! Et attrapons au vol les grandes leçons que l’enfant peut apprendre en exploitant simplement ce qui l’entoure.

L’un des aspects que nous devons également prendre en compte est celui de la notion de respect envers la nature. Sensibiliser les enfants au fait que la vie est partout autour d’eux, qu’un arbre souffre si nous l’entaillons ou qu’il a fallu beaucoup de travail aux milliers de fourmis pour construire leur habitat, aidera l’enfant à mieux cohabiter avec la nature et lui permettra d’acquérir la notion de respect des éléments qui nous entourent. Nous avons tous au fond de notre mémoire archaïque un lien profond avec la terre. Le fait de s’immerger dans la nature fait ressurgir ce lien.

Le lien avec les parents

Pour impliquer les parents deux fêtes ont été organisées en fin d’année scolaire. Une fois dédiée uniquement à YLB (juin 2013) et la deuxième fois YLB était présente comme poste (2015). L’année passée un flyer a été distribué (faute au covid !). Mais les retours sont tous positifs. Parents intéressés, vous pouvez consulter les deux sites suivants, vous y trouverez à télécharger des fascicules pleins de bonnes idées à expérimenter à la maison : https://www.youplabouge.ch https://www.paprica.ch

Pour conclure

Si les enfants bougent moins, c’est peutêtre la faute des médias, on passe du temps devant les écrans, aux trajets qui ne se font plus à pied, aux parents qui ont peur de laisser jouer leurs enfants dehors.... Parfois, à l’intérieur du domicile l’espace est limité, les voisins sont sensibles au bruit... Parfois les bébés vivent certaines contraintes des adultes, quotidien stressé, transports motorisés... Mais soyons conscients, ici nous vivons dans un environnement privilégié même si le nomadisme ne se fait plus à pied, même si on ne pose plus les couffins au pied de l’arbre pendant les foins ... Et grâce à toute l’équipe qui dans l’ombre fait un travail intelligent et investi, nous pouvons dire qu’en Anniviers, le mouvement c’est la vie depuis tout petit.

Christine Torche Mercier

Ressources :

• Merci à Isabella Blessing Porchet et à Christelle Crettaz • Recommandations d’activités physiques pour les nourrissons, les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire : www.paprica.ch • Youp’là bouge, projet de promotion du mouvement au quotidien dans les crèches, garderies et jardins d’enfants www.youplabouge.ch • réflexion théorique sur les sorties, tiré du projet pédagogique de La Mijonèta

1https://www.rts.ch/info/suisse/8181461les-enfants-ne-jouent-presque-plus-a-l-exterieur-s-alarme-pro-juventute.html 2(Traduction française citée de Cardinal, 2010, p.29) in Sarah Wauquiers p. 72-73

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