Témoignages
témoignages
sur les séismes de 1946 en Valais
e Valais se prépare à un puissant tremblement de terre qui devrait se produire d’ici la fin du siècle.
Un séisme de magnitude 6 ou plus sur l’échelle de Richter secoue notre région tous les cent ans environ : en 1524 à Ardon, en 1584 à Aigle, en 1755 à Brigue, en 1855 à Viège et en 1946 à Sierre. Le dernier violent ébranlement a donc eu lieu il y a 75 ans ; chaque année qui passe augmente par conséquent la probabilité qu’une telle catastrophe se reproduise, puisque la période de retour est estimée à une centaine d’année. Que peuvent nous apprendre les témoignages des victimes du séisme de 1946 pour que nous puissions nous préparer, comprendre comment réagir et éviter de coûteuses erreurs ? Le 25 janvier 1946 à 18h32 débute le plus fort tremblement de terre des Alpes suisses du XXème siècle, d’une magnitude de 5.8. La Terre se rompt, semant la panique parmi les habitants du val d’Anniviers : « On avait l’impression qu’il y avait la montagne qui tombait sur notre maison. La lumière est partie, tout était noir. […] Mon petit frère a eu un choc. Pendant quatre jours, il n’a plus parlé ni dormi, il avait les yeux grands ouverts et quand on lui parlait, il ne répondait pas.»1 Marguerite Epiney est en Anniviers, elle aussi, au moment du séisme : « On a cru que la montagne de Sorebois tombait. On était tous dehors sur la route, et tous comme ça [elle se protège la tête de ses mains], mais on avait beau faire comme ça, les cailloux, on les attrapait quand même! Il y en avait de ceux qui se faisaient plaisir de nous faire peur. Un disait : «dans un moment, ils ont annoncé le double…»2
Les rumeurs se répandent à toute vitesse, nourries par la panique générale. Beaucoup croient à l’annonce d’une secousse encore plus violente soidisant prévue pour le lendemain : «On pouvait voir les employés d’Etat quitter gravement leur bâtiment pour s’en aller mourir en famille.»3 L’épicentre du séisme, c’est-à-dire la région où le tremblement de terre est ressenti le plus fortement, se trouve dans une zone comprise entre Sierre, Ardon, Montana et Veysonnaz. Pierre Gasser raconte qu’à Montana, son « papa a cru que c’était la grange d’à côté qui était tombée et il a sauté par le balcon, en bas dans le jardin ! »4 A l’époque, les informations sont rares, et la plupart des gens ne comprennent pas ce qui est en train de se passer. Les Valaisans n’ont été ni prévenus, ni préparés. La peur se mêle à l’incompréhension et à la surprise : « On entendait des gens crier: c’est la fin du monde ! Et un des plus anciens : c’est la bombe atomique! C’était assez dramatique et particulier comme situation. »5 Les angoisses et les fantômes de la deuxième guerre mondiale, encore très présents dans les esprits, se réveillent. Gérard Morand, alors à Hérémence, ra-
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© Raymond Schmid, Médiathèque Valais - Martigny.
conte : « Je me lève, j’ouvre la fenêtre en criant : les Allemands ! Les Allemands ! J’ai cherché à voir si je voyais les Allemands qui dynamitaient notre maison. »6 D’autres interprètent le tremblement de terre comme l’expression de la colère divine et tentent d’apaiser ce déchaînement de fureur par tous les moyens : les processions se multiplient les mois suivants et le nombre de confessions bat des records en février. Mais certaines personnes comprennent tout de même quelle est la cause de ce phénomène étrange et affolant : «J’avais 6 ans et j’habitais à Vissoie, au-dessus de l’actuelle imprimerie. Mes grands-parents y avaient le magasin. Ce soir-là, on était à l’étage et papa était en train de nous lire une fable de La Fontaine. J’étais à table avec mes
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