CHRONIQUE JURIDIQUE LA COVID-19
Un risque financier à plusieurs facettes pour les municipalités du Québec !
Me SIMON FRENETTE, AVOCAT
JUIN-JUILLET 2020
La démonstration n’est plus à faire : la COVID-19 touche à peu près toutes les facettes de nos vies et continuera de nous affecter pendant encore un bon moment. Pour nos municipalités, outre les mesures mises en place pour protéger la population ou encore maintenir les activités essentielles, l’impact se fait déjà sentir tout particulièrement au niveau des finances municipales. En voici quelques exemples bien concrets.
URBA
34
LE MANQUE DE LIQUIDITÉ Puisque les revenus municipaux sont à la baisse, notamment en raison de la baisse des transactions immobilières qui impliquent des versements de droits de mutation immobilières, ou encore de la baisse des revenus provenant du transport en commun ou d’autres sources de financement, et que les dépenses peuvent être à la hausse notamment pour subvenir aux besoins de la population, plusieurs municipalités font face à un déséquilibre dans leur budget. Or, on le sait, les municipalités au Québec ne peuvent adopter de budgets déficitaires en vertu de leurs pouvoirs et doivent donc prendre des mesures pour s’approprier les deniers nécessaires pour faire face aux dépenses qui leurs incombent. Dans ce cas, le conseil peut notamment adopter un budget supplémentaire pour combler le déficit anticipé1 et adopter avec ce budget un règlement imposant une taxe spéciale sur tous les immeubles imposables2 . Également, les municipalités peuvent décréter des emprunts temporaires pour faciliter le paiement des dépenses courantes. Une chose est certaine, chaque municipalité a l’obligation d’équilibrer les revenus et les dépenses en posant les actions appropriées notamment en utilisant un surplus accumulé non affecté et/ou en effectuant un emprunt.
BAISSE DU TAUX D’INTÉRÊT SUR LES ARRÉRAGES DE TAXES Plusieurs municipalités ont été proactives à ce sujet et ont modifié le taux d’intérêt pour les arrérages de taxes, la plupart du temps en réduisant à 0 % le taux d’intérêt afin d’aider la population et en reportant les échéances de paiement. Cette situation comporte néanmoins le désavantage évident de baisser les revenus municipaux. Les municipalités peuvent également de la même façon modifier à nouveau à la hausse leurs taux d’intérêt si elles le jugent à propos. Il est à noter que lorsque la municipalité doit rembourser des taxes payées en trop suite à une modification à la baisse de la valeur au rôle d’un immeuble, les intérêts applicables sont également baissés de la même façon.
DEMANDE DE RÉVISION DU RÔLE D’ÉVALUATION Selon l’article 174 (19o) de la Loi sur la fiscalité municipale, un contribuable peut demander à l’évaluateur municipal de modifier la valeur d’une unité d’évaluation compte tenu de l’imposition d’une restriction juridique aux utilisations possibles de l’immeuble. Ainsi, il est à prévoir que des propriétaires tenteront de convaincre les tribunaux que la COVID19 constitue un tel événement justifiant la modification du rôle d’évaluation. Certaines instances ont d’ailleurs pris position à l’effet qu’une telle demande ne serait pas justifiée puisque les mesures prises sont temporaires et sont susceptibles de s’appliquer à certaines entreprises qui exercent, en totalité ou partiellement, leurs activités dans un immeuble.
LA PERCEPTION DE TAXES IMPAYÉES De la même façon, il est à prévoir que plusieurs municipalités feront face au défaut de paiement des taxes foncières de plusieurs propriétaires, lesquels feront peut-être euxmêmes face à un manque de liquidité.
Également, il est à prévoir que plusieurs con tribuables n’ayant pas déposé de demande de révision avant le 1er mai pour les rôles triennaux 2020-2021-2022 tenteront de convaincre les tribunaux qu’il s’agit d’une situation de force majeure au sens de cette loi, leur permettant de bénéficier d’un délai de 60 jours additionnel pour le dépôt de leur demande.
Il est à noter que la perception de taxe par le biais d’une vente pour taxe n’est pas une mesure automatique et que les municipalités peuvent choisir de retarder le début d’un tel processus pour tenter d’obtenir entre temps paiement sur un maximum d’immeubles.
CONCLUSION Les situations mentionnées précédemment ne sont que quelques impacts financiers auxquels feront face nos municipalités.
1- Art. 474.4 de la Loi sur les cités et villes (« LCV ») et 957.1 du Code municipal (« CM ») 2- Art. 474.6 LCV et 957.3 CM
La bonne nouvelle est que plusieurs solutions sont présentes afin d’équilibrer les budgets pendant cette période exceptionnelle que nous vivons tous et devront prévoir rapidement un plan à ce sujet.