Plaidoyer L’utilisation de la taxation de produits nocifs pour financer des fondations en promotion de la santé : introduction au débat proposé par l’article de Karen Slama. Commentaire de Michel O’Neill Trouver des ressources pour financer les institutions et les interventions de promotion de la santé est un problème important et récurrent pour tous les pays qui, en général, ne consacrent à ces entreprises qu’une très faible part de leurs investissements en santé. Afin de pallier cette situation, quelques pays innovateurs ont décidé de dédier une portion de leurs revenus de taxes à la promotion de la santé, ces sommes étant à l’occasion totalement ou partiellement dévolues à des fondations publiques ayant la promotion de la santé pour mandat. L’état australien de Victoria a ouvert la voie dans cette direction il y a plusieurs années déjà, suivi par d’autres états australiens puis des pays aussi diversifiés que la Suisse, la Thaïlande ou la Pologne par exemple. Ces fondations publiques se sont regroupées dans un Réseau international des fondations en promotion de la santé <www.hp-foundations.net/>. Elles diffèrent de manière importante des fondations privées oeuvrant dans le domaine de la santé qui, comme celle de Melinda et Bill Gates par exemple <http://www.gatesfoundation.org/ default.htm>, ont un programme de travail plutôt autonome <http://www.gih.org/usr_doc/2003_ Conversion_Report.pdf> ou encore en partenariat avec les instances gouvernementales comme la fondation Lucie et André Chagnon <http://www.fondationchagnon.org>. En effet, dans de nombreux cas, ces fondations publiques sont financées à même des taxes prélevées sur des produits nocifs à la santé comme l’alcool ou le tabac, souvent désignées en anglais sous l’expression « sin taxes », i.e. « taxes du péché ». Afin de réfléchir à ces sujets et éventuellement de prendre position à leur égard, le Conseil d’administration (CA) de l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé (UIPES) a commandé une étude1 qui a été présentée à son exécutif à Paris, en décembre 2005. Analysant la situation dans plusieurs pays, ce document se penche d’abord sur l’utilisation de la
taxation du tabac et de l’alcool comme instrument de promotion de la santé ; il analyse à cet effet les problèmes et les bénéfices potentiels reliés à cette pratique et montre qu’ils sont différents pour le tabac et l’alcool. L’étude s’attarde par la suite sur le fait de dédier de manière spécifique le produit de ces taxes à des fins de santé et soulève quelques-uns des dilemmes éthiques et économiques potentiels de cette forme d’utilisation de fonds publics. Finalement, l’enjeu de canaliser en tout ou en partie à travers des fondations publiques de promotion de la santé le produit des « taxes du péché » est abordé et les apprentissages faits à cet égard au cours de la dernière décennie sont également évoqués. La présentation de ce document a soulevé beaucoup d’intérêt et de débats lors de la réunion de l’exécutif de décembre dernier. D’abord, même si elle est fort utilisée dans certains groupes anglo-saxons de militants pour la santé, l’expression « sin tax » y est apparue excessivement moralisatrice, trop culturellement spécifique et en conséquence inappropriée à de nombreuses personnes. Le fait que l’étude avait été demandée pour montrer comment la taxation dédiée et les fondations de promotion de la santé étaient des mécanismes appropriés de promotion de la santé, plutôt que de se poser de manière plus neutre la question si oui ou non ces mécanismes avaient fait la preuve de leur efficacité, a aussi été soulevé. Finalement, de traiter dans le même document de la taxation comme instrument de promotion de la santé et de l’utilisation des taxes prélevées sur des produits nocifs à la santé comme mécanisme de financement de fondations de promotion de la santé est apparu comme une source de confusion à certains membres de l’exécutif. En conséquence, il a été décidé que deux types de réactions seraient recueillies en regard de l’étude de manière à alimenter encore davantage la réflexion du CA sur ces sujets en vue de les débattre et, éventuellement, de prendre position sur le
Sites Web de quelques fondations en promotion de la santé Austrian HPF : www.fgoe.org BC Coalition for Health Promotion : www.vcn.bc.ca/bchpc/ Health 21 Foundation (Hungary) : www.health21.hungary.globalink.org Health Promotion Switzerland : www.promotionsante.ch Health Promotion Foundation (Poland) : www.promocjazdrowia.pl Healthway : www.healthway.wa.gov.au ThaiHealth : www.thaihealth.or.th VicHealth : www.vichealth.vic.gov.au/
sujet. D’une part, sous la direction de la Vice présidente à la prise de positions publiques de l’UIPES, Marilyn Wise, des échanges structurés ont été entrepris à cet effet entre les membres CA sur leur forum de discussion électronique. D’autre part, il a été convenu que l’avis de l’ensemble des membres de l’UIPES serait sollicité à travers la revue électronique de l’Union, RHP&EO. Les membres de l’Union sont donc invités à se rendre sur le site de la revue au www.rhpeo.org et, à travers les mécanismes usuels de réaction aux textes de la revue indiqués en cliquant sur le rectangle vert au bas de la version électronique du présent texte qui se trouve dans la série Nouvelles ressources que nous vous invitons à consulter, à exprimer leur position. Même si vous ne souhaitez pas participer au débat, nous vous encourageons fortement à consulter l’étude de Slama car elle soulève de manière fort appropriée la plupart des enjeux qui se posent si l’on souhaite utiliser la taxation de produits nocifs à la santé (tabac, alcool mais aussi éventuellement malbouffe, armes, etc.) pour le financement d’institutions ou de programmes de promotion de la santé.
Michel O’Neill Rédacteur en chef, RHP&EO Université Laval, Québec Email : Michel.ONeill@fsi.ulaval.ca
1. Slama, K. (2006) « Informations de référence pour l’adoption d’une politique en faveur de taxes sur le tabac et l’alcool qui soient affectées a la création de fondation de promotion de la sante » Promotion & Education. XIII (1) : 56-62.
IUHPE – PROMOTION & EDUCATION VOL. XIII, NO. 1 2006
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