6 minute read

AFFAIRES JURIDIQUES EXCÈS EN ACCÈS À L’INFORMATION Comment y faire face?

Excès en accès à l’information : comment y faire face?

Tôt ou tard, chaque municipalité recevra une demande d’accès à l’information qui, par sa nature, sème le doute sur la nécessité d’y répondre, par exemple lorsqu’une personne formule de multiples demandes d’accès à l’information ou formule des demandes de révision qui s’apparentent à une conduite douteuse ou illégitime. Bien que la Loi sur l’accès aux documents détenus par des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (LAI) prévoit une grande accessibilité aux documents détenus par les municipalités, ce droit n’est pas sans limites. Dans une telle situation, quels recours s’offrent donc à une municipalité?

Advertisement

La LAI prévoit deux principaux mécanismes : l’autorisation de ne pas tenir compte d’une demande d’accès 1 et la permission de refuser ou cesser d’examiner une affaire 2. Bien que ces deux recours puissent se ressembler énormément à première vue, il y a lieu de les distinguer, comme l’enseigne la Commission de l’accès à l’information (ci-après « Commission ») dans une décision récente 3. En effet, une municipalité ne peut juxtaposer les deux recours puisque la finalité de ceux-ci n’est pas la même et leurs éléments constitutifs sont différents.

Le premier recours en vertu de l’article 137.1 de la LAI permet à une municipalité de formuler une demande auprès de la Commission afin d’être autorisée à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif, leur caractère systématique ou lorsque leur traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l’organisme.

Avant d’entreprendre ce recours, le responsable de l’accès à l’information doit informer le demandeur qu’il saisira la Commission afin de ne pas tenir compte de ladite demande 4 , et ce, dans le même délai normalement prévu pour répondre à la demande d’accès. Ainsi, la municipalité ne peut formuler un recours en vertu de l’article 137.1 de la LAI si le responsable de l’accès a déjà formellement répondu à la demande d’accès. Selon la tendance jurisprudentielle récente, la Commission démontre que l’intention malicieuse ou la mauvaise foi du demandeur ne sont pas des éléments constitutifs d’abus au sens de l’article 137.1 de la LAI. Le caractère abusif des demandes se manifeste plutôt par le nombre, le caractère systématique et répétitif des demandes, lesquelles s’apparentent à une conduite excessive.

Le deuxième recours en vertu de l’article 137.2 de la LAI prévoit que la Commission peut refuser ou cesser d’examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole, de mauvaise foi ou que son intervention n’est manifestement pas utile. Cette demande peut être soulevée alors que le demandeur produit une ou des demandes de révision auprès de la Commission à la suite d’une réponse défavorable du responsable de l’accès à l’information d’une municipalité.

Ce recours se distingue de celui prévu à l’article 137.1 de la LAI alors que la mauvaise foi du demandeur est un élément crucial qui sera examiné par la Commission afin de déterminer si elle peut refuser ou cesser d’examiner une affaire. Bien qu’il n’existe pas de définition de ce qui constitue de la mauvaise foi dans la LAI, la Commission a déjà statué qu’un recours en révision d’une demande d’accès à l’information est fait de mauvaise foi lorsqu’il est exercé de façon à nuire aux droits d’autrui 5 et constitue davantage qu’un mauvais jugement ou de la négligence 6. Il s’agit plutôt du fait d’utiliser

Me JASON PRÉVOST

Conseiller juridique en droit municipal jprevost@umq.qc.ca

le mécanisme d’accès à l’information pour des fins détournées et pour des motifs illégitimes, malhonnêtes ou déloyaux, dans le but de consciemment causer du tort à autrui 7 .

Dans une décision récente de la Commission 8, celle-ci a déterminé que les demandes de révision déposées par le demandeur étaient empreintes de mauvaise foi notamment puisque l’une d’entre elles visait à obtenir les mêmes documents faisant l’objet de six demandes d’accès antérieures et que les demandes de révision servaient plutôt de prétexte à nourrir son acharnement contre l’organisme public. Bien qu’il n’existe pas une jurisprudence abondante sur le sujet, dans la même décision, la Commission fait un survol de décisions récentes dans lesquelles elle a cessé d’examiner des demandes de révision au motif qu’elles étaient frivoles ou faites de mauvaise foi. Voici quelques exemples :

aLa Commission a cessé d’examiner 44 demandes de révision de la demanderesse puisque les agissements de celle-ci démontraient qu’elle était en croisade contre l’organisme et ses représentants.

Par ses multiples demandes, la demanderesse utilisait la Commission comme forum pour formuler une multitude d’allégations contre l’organisme et n’était pas tant intéressée par l’obtention des documents faisant l’objet de ses nombreuses demandes d’accès 9 ;

aLa Commission a cessé d’examiner une demande de révision qui visait à obtenir le nom des personnes qui ont expulsé le demandeur de l’hôpital après avoir conclu que la demande d’accès était formulée dans l’unique but de nuire aux intervenants de l’organisme 10 ;

aLa Commission a conclu que son intervention n’était plus utile puisque l’objectif de la demanderesse était plutôt de dénoncer des abus de procédures dont elle se disait victime, de contester le contenu du rapport en litige, de faire annuler la décision de l’organisme et d’obtenir une indemnisation et une réparation pour les dommages qu’elle aurait subis, ce qui est en dehors de la compétence de la Commission 11 . Les dispositions de la LAI reconnaissent clairement un droit général d’accès pour toute personne aux documents détenus par les municipalités dans l’exercice de leurs fonctions. Il est même encouragé pour les municipalités de faire preuve d’une grande transparence dans la gestion de leurs dossiers compte tenu notamment des outils technologiques mis à leurs dispositions pour garder la population informée des affaires courantes. Cependant, cet esprit de transparence fait en sorte que des municipalités peuvent faire face à certains défis lorsqu’une personne exerce son droit d’accès de manière abusive ou pour des fins détournées. C’est pour cette raison que le législateur a prévu les recours exposés au présent article permettant ainsi à la Commission de tracer la ligne entre ce droit d’accès général et ces situations excessives ou empreintes de mauvaise foi.

ANCAI-URBA 2022.qxp 2022-01-13 20:36 Page 1

c’est...

DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES LOCALES

Près de 500 municipalités se sont déjà prévalues de la possibilité que leur offrent la Loi des Cités et Ville et le Code municipale de s’assurer d’un maximum de retombées économiques locales. Elles ont voté par résolution municipale une clause priorisant l’utilisation des camionneurs membres d’organismes titulaires d’un permis de courtage en services de camionnage en vrac délivré par la Commission des transports du Québec.

UN VASTE BASSIN DE CAMIONS

Plus de 5 000 camions couvrant tout le Québec, disponibles 24/7.

Consultez la liste des 72 organismes de courtage affiliés à l’ANCAI à l’adresse : www.ancai.com/courtage/12 Information : 418-623-7923

1 R.L.R.Q. chapitre A-2.1. 2 Ibid. Art. 137.1. 3 Ibid. Art. 137.2. 4 Girouard c. Municipalité de St-Dominique, 2022

QCCAI 131. 5 LAI, préc. Note 1, Art. 47 al.1 par. 8. La jurisprudence reconnaît toutefois que le délai prévu à l’article 47 de la LAI n’est pas un délai de rigueur et donc, la municipalité peut être relevée du défaut d’en informer le demandeur dans le délai prévu si des motifs raisonnables le justifiaient. Il est aussi important de noter que le dépôt de la requête en vertu de l’article 137.1 de la LAI n’est pas assujetti au délai de l’article 47, mais seulement la communication de l’intention de la municipalité de déposer une telle requête auprès du demandeur. 6 Sherbrooke (Ville de) c. R.G., 2010 QCCAI 339. 7 Idem. 8 Midland (Town) (Re), 1996 CanLII 7555 (ON IPC). 9 Dorion c. Université McGill, 2022 QCCAI 52. 10 Mateescu c. Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM), 2021 QCCAI 387. 11 N.F. c. Centre de santé et de services sociaux d’Ahuntsic et Montréal-Nord, 2014 QCCAI 158. 12 M.L. c. Université de Montréal, 2016 QCCAI 274.

This article is from: