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AMÉNAGEMENT TERRAINS SCOLAIRES Entrevue avec Doreen Assad

ENTREVUE AVEC Mme DOREEN HASSAAD, MAIRESSE DE LA VILLE DE BROSSARD

Terrains scolaires : une collaboration à redéfinir entre les municipalités et les centres de services scolaires

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Avec l’adoption de la «Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires» (projet de loi no 40), les municipalités se sont vues imposer l’obligation de céder gratuitement aux centres de services scolaires (CSS) les immeubles nécessaires à la construction d’écoles.

De plus, à défaut d’entente entre une municipalité et son CSS, ce dernier peut identifier un immeuble répondant à ses besoins et exiger que la municipalité l’acquière pour ensuite le lui céder gratuitement. L’UMQ s’était fortement opposée à ce projet de loi tel qu’amendé dans la nuit du 7 au 8 février 2020, soit tout juste avant son adoption.

Cette nouvelle responsabilité municipale implique des dépenses considérables, en particulier dans les milieux déjà fortement urbanisés. Il est important de noter que ce transfert de fardeau financier ne s’est pas accompagné d’un transfert des revenus issus de la taxe scolaire qui servaient à l’acquisition de ces immeubles au préalable. L’UMQ demande formellement au gouvernement du Québec d’assumer pleinement ses responsabilités dans ses champs de compétences.

De plus, au-delà de la question financière, les membres de l’UMQ ont rapporté que l’entrée en vigueur du nouveau régime, il y a un peu plus de deux ans, a parfois compliqué les relations entre les CSS et les municipalités en modifiant les rapports de force qui les unis. L’UMQ propose plusieurs pistes de solutions pour développer, ou maintenir selon les cas, une dynamique de collaboration entre le monde municipal et les CSS. Q Pour une ville en pleine croissance comme Brossard, le besoin pour de nouvelles écoles doit être bien réel. Quel défi cela représente-t-il?

RNous avons effectivement des défis de taille parce que d’une part, les besoins en nombre de classes augmentent avec le développement, mais d’autre part, nos secteurs plus anciens attirent de nouvelles familles, ce qui augmente également la demande.

Pour les nouveaux secteurs, nous pouvons prévoir des espaces pour de nouvelles écoles et je dirais même que nous insistons pour qu’il y ait des écoles afin de créer de véritables milieux de vie.

Toutefois, la méthode de planification des Centres de services scolaires (CSS) est plutôt hasardeuse, se basant sur les numéros d’assurance maladie pour faire des prévisions, sans tenir compte des développements à venir et de l’immigration par exemple. La tâche est vraiment complexe lorsque vient le temps de réserver des espaces sur plusieurs années d’avance, puisqu’on se base sur des prévisions floues du CSS, et ce flou devient un immense brouillard si l’on regarde sur un horizon à long terme. La question du coût des terrains est également névralgique. À Brossard, les nouveaux secteurs sont principalement près des nouvelles stations du REM et le prix des terrains est par conséquent très élevé. On compte en dizaines de millions la valeur des terrains cédés et à léguer prochainement. Ces dizaines de millions investis pour accueillir des infrastructures scolaires, un champ de compétence provincial, privent les citoyens d’investissements dans les rues, les parcs, l’eau et autres responsabilités municipales. J’y vois une forme d’injustice. Le citoyen est déjà imposé par Québec pour financer l’éducation et ne devrait pas voir ses taxes municipales détournées pour les mêmes fins.

En ce qui concerne les quartiers existants, le défi est encore plus important, car malgré notre grande volonté d’y implanter de nouvelles écoles, ces secteurs résidentiels sont souvent construits à 100 %. Les écoles existantes sont insuffisantes ou leur capacité n’est pas encore optimisée. Considérant les limites des règles d’expropriation et des critères d’implantation d’une école, les solutions ne sont jamais simples.

Depuis l’adoption du projet de loi 40 en février 2020, comment définiriez-vous votre relation avec le CSS?

Les CSS ont maintenant avec les ordonnances un super pouvoir qui déséquilibre totalement la recherche de solutions gagnantgagnant. Rappelons que les ordonnances sont utilisées avec la nouvelle loi pour forcer les villes à céder un terrain dans un secteur ciblé si une entente n’intervient pas.

Doreen Hassaad, mairesse de la ville de Brossard

Je ne peux pas blâmer les CSS d’avoir obtenu du ministre ce nouveau pouvoir et de l’utiliser, mais où est donc maintenant l’intérêt pour eux de trouver des solutions alternatives ou de trouver le juste compromis alors qu’ils savent qu’en fin de compte, ils n’ont qu’à cogner à la porte du ministre pour obtenir gain de cause. Cette loi bafoue notre compétence municipale en aménagement urbain en plus de nous imposer une facture illégitime.

À part les coûts supplémentaires assumés par votre ville, quels sont les autres enjeux que vous percevez dans ce nouveau rapport avec le CSS ?

Cette nouvelle inflexibilité du CSS met nos parcs de quartier en danger. Rien de moins. Pour prendre l’exemple d’un cas actuel à Brossard, nous avons une ordonnance nous exigeant de céder un terrain au CSS d’une superficie de 15 000 m2. Or, le seul site du secteur ciblé qui satisfait les critères est le parc de quartier. On adhère totalement à l’importance d’offrir des écoles de quartier aux enfants, mais on tient aussi mordicus à donner à ces mêmes enfants des parcs et espaces verts pour s’épanouir.

Un autre enjeu important est que, malgré toutes les démarches gouvernementales pour bâtir de nouveaux modèles d’écoles, on ne tient pas compte de la réalité de la ville où on la construit. À Brossard, les terrains sont tellement rares et dispendieux qu’il est impensable de construire un nouveau bâtiment sans stationnement sous-terrain. Pourquoi les écoles ne pourraient-elles pas également avoir un stationnement sous-terrain plutôt que d’asphalter un parc ? Enfin, comment réagissez-vous à l’engagement du premier ministre, pris lors du Sommet électoral de l’UMQ, tenu le 16 septembre dernier, d’obliger les municipalités à donner des terrains scolaires uniquement pour les nouveaux quartiers?

Je vois cet engagement comme une sorte d’ouverture à trouver des solutions, mais pour l’instant, la menace de mettre à exécution l’ordonnance est toujours brandie par notre contrepartie.

Le projet de loi 40 a été rédigé sans mettre à contribution ou sans même consulter les municipalités alors qu’elles sont les premières à en subir les conséquences. Il faut reprendre le processus et impliquer les villes si l’on veut trouver des solutions qui fonctionnent.

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