Touring 02 / 2022 français

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MOBILITÉ

La surdicécité, ce double handicap si peu (re)connu La Lausannoise Catherine Hutter, aveugle et très atteinte dans son acuité auditive, se bat de longue date pour faire reconnaître la surdicécité. A commencer par un attribut distinctif qui n’a trouvé place ni dans notre corpus de lois ni dans nos usages.

Inlassable engagement

Sourds-Aveugles, Malentendants-Malvoyants (GERSAM), qu’elle préside encore, mais qui ne compte plus qu’une dizaine de membres sur les 24 présents à l’origine. La faute au vieillissement de la population, qui ne la démotive pas, au contraire: «Les personnes âgées concernées se renferment sur elles-mêmes et s’isolent trop souvent car elles se heurtent à la méconnaissance et à un manque de respect. Je me bats depuis 22 ans pour les exhorter à sortir, à se montrer, et expliquer au public qu’il existe une manière de communiquer avec elles.» Rompue à la méthode de communication sensorielle dite Lorm, Catherine Hutter a aussi adopté une forme de communication tactile simplifiée ou communication haptique, à laquelle elle a apporté sa contribution sous la forme de deux manuels, élaborés en collaboration avec un groupement alémanique.

Un combat doit donc être mené, et la Lausannoise n’en est pas à ses premières armes en la matière. En 1999, elle a fondé le Groupe Entraide Romand de

Corinne Bouillant, sa fille, a suivi l’exemple maternel en se formant aux deux méthodes évoquées pour devenir

TEXTE JÉRÔME LATHION | PHOTOS OLIVIER VOGELSANG

S

cène de rue dans les hauts de Lausanne. Plus d’un automobiliste stoppe son véhicule avec une expression de surprise en voyant Catherine Hutter dresser sa canne de couleur rouge et blanche au passage pour piétons. C’est que l’instrument est rare, voire unique en Suisse. Un cadeau du président de la Fédération bulgare de surdicécité, que Catherine Hutter a rencontré il y a cinq ans en Finlande lors d’une assemblée de l’European Deafblind Union (EDbU), organisation européenne gérée par des membres atteints de ce double handicap sensoriel dans 20 pays. Ce présent est cher au cœur de la Lausannoise, atteinte depuis l’enfance par le syndrome d’Usher: «Je suis née quasi sourde et atteinte de la déficience visuelle appelée rétinite pigmentaire, ce qui a aussi généré un mutisme jusqu’à mes 5 ans. Mon entourage n’était pas conscient de ma maladie et ne voyait que maladresse de ma part», explique-telle. Installée au calme dans son salon, la septuagénaire communicative, dont la vue s’est éteinte il y a quatre ans et qui entend nos questions grâce à une assistance auditive, exhibe à nouveau sa canne et souligne: «C’est notre carte d’identité, elle montre que nous voyons et entendons mal ou pas du tout.»

l’Union centrale pour le bien des aveugles (UCBA), mais mes démarches n’ont pas encore abouti.» Sans compter les réticences des assurances sociales à admettre le double handicap, qui toucherait selon elle environ 100 000 personnes à des degrés divers dans notre pays. «Les aveugles se reconnaissent à leur canne blanche, les sourds à leur communication par signes. Nous, nous ne sommes pas reconnus et n’avons notre place nulle part», résume-t-elle.

Reconnaissance laborieuse Plus précisément, elle veut remplir cette mission. Car si le Parlement européen a admis cet attribut, si en Italie, connaître le signe distinctif des handicapés malvoyants et malentendants est une condition à l’obtention du permis de conduire, la Suisse n’a pas encore franchi le pas et ne reconnaît que la canne blanche des aveugles (lire note ci-dessous). Malgré les efforts déployés par Catherine Hutter: «Je me suis adressée à la Fédération Suisse des Aveugles (FSA), j’en ai parlé à 34 touring | février 2022

Catherine Hutter et sa canne précieuse accompagnée par sa fille, Corinne Bouillant.


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