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L’expert TCS

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Chemin faisant

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Quid des carburants de synthèse?

RÉDACTION TOURING

Nombreux sont nos concitoyens souhaitant pouvoir faire le plein de leur voiture avec un carburant propre et neutre en CO2, plutôt que de passer à la mobilité électrique. Les carburants de synthèse, également appelés e-fuels, peuvent remplacer l’essence ou le diesel dans les moteurs à combustion interne.

Pour savoir comment ils sont produits, voir l’article «Solutions énergétiques» dans le dossier de cette édition.

Quelle est l’efficacité réelle des carburants de synthèse? Dans un moteur thermique conventionnel, 10 à 35% de l’énergie se transforme en force, le reste étant dissipé sous forme de chaleur. Pour produire une unité d’énergie synthétique, il faut compter deux unités d’énergie électrique, ce qui correspond à un rendement d’environ 50%. Etant donné qu’en Suisse, comme ailleurs, on consomme aujourd’hui à peu près autant d’unités d’énergie de carburant que l’on produit d’électricité, le besoin en courant électrique triplerait si l’on voulait stopper les émissions de CO2 grâce aux carburants synthétiques. Et cette production accrue d’électricité devrait provenir de sources renouvelables pour que le calcul des émissions de CO2 soit correct.

Constituent-ils une alternative? Le grand avantage des carburants synthétiques réside dans le fait qu’ils ne nécessitent pas de changement de technologie moteur. Mais cet avantage n’est pas gratuit. Ce n’est pas un hasard si tous les acteurs misent aujourd’hui sur les moteurs électriques et les batteries, dont le rendement se situe entre 65 et 75%.

Comment bien utiliser les e-fuels? Les carburants de synthèse seront utilisés là où l’électrification directe est difficile, voire impossible. A savoir dans le transport aérien, la navigation, l’industrie chimique et sidérurgique, le transport de marchandises lourdes sur de longues distances. Ils pourraient aussi être utiles pour stocker de l’énergie sur le long terme. Les e-fuels peuvent en outre contribuer à surmonter les limites des ressources renouvelables dans les pays à forte densité de population. Ils représentent aussi une opportunité d’exportation pour les régions riches en énergies renouvelables, comme le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, l’Amérique latine et l’Australie.

Que faut-il prendre en compte en cas d’utilisation à grande échelle? Miser sur la disponibilité future des carburants de synthèse à grande échelle, c’est prendre le risque de s’enfermer dans la dépendance aux combustibles fossiles si leur diffusion n’est pas à la hauteur des attentes. Les espoirs placés dans les e-fuels peuvent détourner l’attention de l’urgence de rendre l’utilisation de l’énergie moins chère, plus propre et plus efficace à grande échelle. Dans de nombreux secteurs, c’est déjà possible grâce aux moteurs électriques et aux pompes à chaleur. ◆

poirs placés dans les e-fuels peuvent détourner l’attention de l’urgence de rendre l’utilisation de l’énergie moins chère, plus propre et plus efficace à grande échelle. Dans de nombreux secteurs, c’est déjà possible grâce aux moteurs électriques et aux

Les carburants de synthèse sont une option pour les poids lourds. H₃C O O CH₂ CH₃ n

Carburants synthétiques et impact sur la pollution L’OME (abréviation d’oxymethylenether) est un carburant synthétique et propre très prometteur. La synthèse de l’OME part du méthanol, qui est oxydé en formaldéhyde et transformé ensuite en OME. A ce jour, l’OME n’est produit que dans le cadre de projets pilotes. Le produit final présente l’avantage d’intégrer de l’oxygène. De ce fait, sa combustion dans un moteur diesel dégage moins de suie et d’oxydes d’azote, au profit de l’environnement. L’OME a du potentiel, mais également des limites, car il n’est, par exemple, pas compatible avec tous les matériaux d’étanchéité.

SASCHA GRUNDER

Fonction: Fonction: Responsable environnement et soutien ronnement et soutien

Profession:

Diplômé en sciences Diplômé en sciences de l’environnement de l’environnement EPFZ EPFZ Contact:

Jardinière de légumes pour camions affamés

Alors que les voitures fonctionnant au gaz naturel font du surplace, les camions roulant au gaz, eux, ont le vent en poupe. Certaines entreprises utilisent déjà ce carburant écologique issu de la fermentation de matières organiques. Migros Bâle souhaite même recycler ses déchets pour produire du biogaz. Mais son utilisation se heurte à certaines barrières.

TEXTE JULIANE LUTZ | PHOTO LINDA POLLARI

Musa Sulja s’enthousiasme: «En roulant au biogaz, nous réduisons considérablement nos émissions de CO2 et n’émettons aucune particule fine», explique ce chauffeur travaillant pour Migros Bâle. Il conduit l’un des 5 camions alimentés par du gaz issu de déchets fermentés. «Ils ont de meilleures reprises que les camions diesel, sont plus silencieux et très fiables.» Le remplissage des 8 bonbonnes de gaz d’un camion contenant chacune environ 115 kg de gaz, ne prend pas non plus beaucoup de temps (10 à 15 minutes). Depuis novembre dernier, Migros Bâle dispose même de sa propre station-service de biogaz sur le site de l’entreprise.

Objectif: neutralité CO2

«Nous souhaitions réduire nos émissions de CO2 le plus rapidement possible, d’où l’acquisition de ces camions», explique Pierre Müller, chef de la logistique auprès de Migros Bâle. La technologie du biogaz était déjà prête à être commercialisée, et utiliser un tel véhicule permettait de réduire sans délai nos émissions. Autre raison: le biogaz sera produit à l’avenir à partir des déchets et produits invendus du géant orange et acheté par le producteur d’électricité IWB. Une stratégie est en cours d’élaboration et devrait être mise en œuvre à la mi-2022. 65 000 kg de biogaz devraient permettre aux 5 camions de rouler durant une année. Actuellement, le réseau gazier communal de la ville de Bâle contient 21% de biogaz. «Nous payons plus et obtenons ainsi 100% de biogaz», ajoute Pierre Müller.

Migros Bâle n’est pas la seule à miser sur les poids lourds au biogaz. D’autres coopératives, telles Migros Aar et Migros Suisse orientale en font de même. Au total, ce sont 79 de ces camions qui sont en circulation. A cette fin, Migros met le prix, car ces véhicules utilitaires sont environ 15% plus onéreux que les camions diesel comparables. Ces derniers coûtent entre 85 000 et 95 000 fr., alors que les camions roulant au biogaz sont facturés entre 115 000 et 120 000 fr.

Une redevance coûteuse

L’Association suisse des transports routiers (Astag), ainsi que le service spécialisé de la branche suisse du gaz, CNG-Mobility.ch, observent cette tendance à rouler au gaz, solution plus écologique et moins chère. «Le GNL connaît un boom dans le transport international de marchandises sur de longues distances en raison de sa plus grande autonomie. Mais de nombreuses entreprises misent aussi sur le GNC», explique Pascal Lenzin, de CNG-Mobility.ch. Les camions roulant à 100% au biogaz sont toutefois encore peu répandus. Sabine Krummen, responsable du développement durable au sein de l’entreprise de transport Krummen, à Chiètres (FR), s’en explique: «Les véhicules roulant au biogaz, qui émettent au moins 80% de CO2 en moins, sont soumis à la même redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP) que les véhicules diesel traditionnels.» Krummen utilise 32 camions GNL et 2 camions au biogaz. Certes, le Conseil des Etats et le Conseil national ont décidé en 2020 que les camions à propulsion électrique

ne seraient plus les seuls à bénéficier de réductions sur la RPLP, mais que d’autres propulsions exemptes d’énergies fossiles en profiteraient également à l’avenir. Reste à savoir quand cette mesure sera mise en œuvre. «Nous nous engageons par conviction entrepreneuriale et personnelle pour la réduction des gaz à effet de serre dans le transport de marchandises», déclare Sabine Krummen. Mais il manque malheureusement encore les conditions cadres politiques afin de pouvoir s’y investir en toute sécurité. ◆ GNC = Gaz naturel compressé GNL = Gaz naturel liquéfié GPL = Gaz de pétrole liquéfié Musa Sulja (à g.) et Pierre Müller apprécient les nouveaux camions écologiques de Migros Bâle.

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