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Sur nos monts quand le soleil… levant

Le Japon à notre porte

La situation sanitaire nous contraint à limiter nos voyages, voire à nous en priver pour ce qui est des destinations lointaines. Mais il est parfois possible de se dépayser sans trop se déplacer. Partons à la découverte de la culture nippone en Suisse.

TEXTE JULIANE LUTZ | PHOTOS EMANUEL FREUDIGER

Le maître de thé nous apporte tout d’abord un récipient d’eau, puis un bol à thé avec un petit balai à l’intérieur, ainsi qu’une petite boîte. Lorsque tous les ustensiles sont enfin réunis et que l’eau commence à bouillir, il prépare le matcha (thé vert) en provenance d’une plantation renommée, près de Kyoto. Il s’incline en face de moi, puis m’invite à manger la douceur se trouvant devant moi. Ensuite, le maître de thé prend le bol, le tourne jusqu’à ce que son plus beau motif soit visible et me le confie. L’heure est venue de le déguster: au Japon, il est considéré comme parfait au moment où il est servi.

Ensuite, le maître de thé débarrasse les ustensiles avec des gestes aussi élégants que calculés. Une chorégraphie parfaitement étudiée.

Nous sommes dans le salon de thé du Musée Rietberg, à Zurich. Tous les éléments de la pièce ont été fabriqués sur mesure à Kyoto, puis expédiés en Suisse et montés par des artisans japonais venus spécialement sur place. Le maître de thé, lui, est argovien. Christoph Meier, éducateur social de formation, est venu à la méditation zen et à la calligraphie, puis à la céré- →

Le maître de thé Christoph Meier apporte les ustensiles dans le salon de thé du Musée Rietberg, à Zurich.

La cérémonie du thé est une expérience très singulière. Au Japon, y être convié est un grand honneur.

monie du thé, de par son intérêt pour la philosophie. Il est fasciné par l’esthétique de la sobriété et la culture de l’attention et du respect. En 2009, il a entamé une formation de maître de thé. Le chemin fut long car, pour maîtriser tous ces processus complexes, il faut compter dix à douze ans d’apprentissage. Il nous explique qu’au Japon, l’invitation à la cérémonie du thé est un immense honneur. Les invités s’y présentent dans de sobres et élégants kimonos et sans bijoux apparents, car rien ne doit détourner l’attention lors de ce rituel. Le tout peut durer jusqu’à quatre heures. On ne parle pas. On sert d’abord un thé «épais», très concentré, puis un thé «léger». Il s’agit d’une expérience très particulière.

L’ikebana, l’art floral des samouraïs

Des branches, des herbes colorées et des arums blancs (ou callas) sont disposés sur la table d’Ursina Früh. D’un geste maîtrisé, elle réalise un arrangement floral freestyle, de forme linéaire. Le style freestyle, en ikebana, ne signifie pas qu’il n’y a pas de règles. Bien au contraire. «Comme le vase est plat, les plantes se dressent à la verti-

Art floral vivant La pratique de l’ikebana nécessite des années d’expérience.

cale. Et la longueur des branches doit être adaptée au vase», explique-t-elle. Ursina Früh habite la région bâloise et a vécu quatre ans au Japon. Sur une commode de l’école d’ikebana Misho, à Sissach (BL), se trouve une coupe plate remplie d’eau. Elle contient des branches, dont les rameaux grimpent vers la gauche, ainsi que des tulipes rouges. C’est Regula Maier qui a réalisé ce magnifique paysage en miniature. Il s’agit d’un kakubana, une forme classique d’ikebana qui nécessite beaucoup d’expérience avant d’être accompli de la sorte. Cette institutrice d’école primaire s’est formée à l’art de la composition florale durant dix ans au Japon. Elle apprécie cette quête quasiment sans fin de la perfection et de l’harmonie et le fait qu’il s’agisse là d’un art éphémère. Après son retour du Pays du soleil-levant, elle a fondé l’Ikebana International Chapter Basel. Et elle a ouvert son école dans une pièce de l’immeuble qui abritait le siège de l’entreprise de son mari. Elle occupe depuis longtemps l’un des plus hauts rangs dans cette discipline et enseigne régulièrement cet art floral à 25 passionnés, tandis qu’Ursina Früh, présidente de l’association, organise des ateliers plusieurs fois par année. Pour elle, l’ikebana est une forme de méditation qui lui permet de trouver de l’apaisement dans le monde d’aujourd’hui, où tout va très vite. L’apprentissage de l’ikebana est ouvert à tout le monde. Un art qui, longtemps, n’était pratiqué que par les samouraïs, affirment-elles. Et qui nécessite beaucoup de patience et le suivi de règles particulièrement strictes.

Izakaya chaleureux

Lorsque l’on entre au Gaijin, à Zurich, on se sent très vite à l’aise. Car George, Dan et leur équipe travaillent dans la bonne humeur et leur joie est contagieuse. Ouvert en février 2020, l’établissement s’est imposé comme une valeur sûre parmi les expa- →

Concentrées: Regula Maier (devant) et Ursina Früh confectionnent un arrangement floral, à Sissach.

Bonne humeur et succès. Dan et George, les patrons du Gaijin, dans leur izakaya, à Zurich.

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