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Mission d'étude aux Pays-Bas
from L'Adresse - Printemps 2024
by RQRA
Les soins de longue durée, une responsabilité qui appartient à tous !
PAR DIANE BEAUDIN, ÉDITRICE DU MAGAZINE L’ADRESSE, RQRA
EN NOVEMBRE DERNIER, LES PARTICIPANTS À LA MISSION D’ÉTUDE AUX PAYS-BAS ONT EU L’OPPORTUNITÉ D’EN APPRENDRE DAVANTAGE SUR LES PRATIQUES EN SOINS DE LONGUE DURÉE QUE LE SYSTÈME NÉERLANDAIS A MIS EN PLACE ET QUI A AUJOURD’HUI UNE RENOMMÉE INTERNATIONALE.
AVEC UN PROGRAMME DE VISITES ORGANISÉES DANS DIFFÉRENTS ÉTABLISSEMENTS AYANT DES DÉFIS SIMILAIRES AUX NÔTRES, MAIS DONT LES PRATIQUES SONT VARIÉES, CETTE EXPÉRIENCE A ÉTÉ À LA FOIS ENRICHISSANTE ET INSPIRANTE. CES VISITES ONT PERMIS AUX PARTICIPANTS DE DÉCOUVRIR DE NOUVELLES FAÇONS DE FAIRE EN ÉTANT OUVERTS À DES IDÉES INNOVANTES ET CRÉATIVES POUR AMÉLIORER LE SYSTÈME DE SOINS QUI EST ACTUELLEMENT DÉFICIENT AU QUÉBEC.
UNE RÉFORME POUR PRÉVENIR LE PIRE
Il y a une vingtaine d’années, les Pays-Bas ont vu augmenter, de manière considérable, le nombre de personnes dépendantes nécessitant des soins de longue durée. En 2006, avec l’ampleur du phénomène et les risques de voir le système gouvernemental subir de graves déficits avec le temps, une réforme majeure a eu lieu. Pour répondre aux besoins et assurer des soins de qualité aux personnes dépendantes, le gouvernement a mis sur pied un système de partage de responsabilités. Depuis ce temps, il assure la responsabilité des soins de longue durée avec l’ensemble de la population, les municipalités et les assureurs.
Avec un régime national d’assurance pour tous, un régime d’assurance privée obligatoire pour les salariés et un régime de prestations sociales pour les personnes moins nanties, le système de sécurité sociale néerlandais s’assure de l’implication de tous les intervenants à fournir des
soins de bonne qualité, accessibles financièrement aux personnes dans le besoin. Aussi, le gouvernement a choisi de partager la responsabilité des soins de longue durée avec les individus traités, les aidants familiaux, les communautés locales, les municipalités et les assureurs.
Ainsi lorsque la personne a recours à des soins de longue durée, elle a l’option de choisir le type de soins qui lui convient le mieux, dans le lieu qu’elle désire et qui répond le plus à ses besoins. Des soins à domicile ou dans les différents types d’hébergement, l’offre est à la fois très variée et accessible à tous.
LES ENJEUX DU SYSTÈME MÉDICO-SOCIAL NÉERLANDAIS
Pour faire face aux différents enjeux que rencontre maintenant le système de santé néerlandais, VILANS, l’organisme néerlandais dédié à la recherche, élabore un agenda jusqu’en 2040. Le projet porte sur la prévention et la qualité de vie, le déplacement des soins à domicile dans les quartiers et le remplacement des soins par de nouvelles technologies. Comme partout ailleurs dans le monde, la pénurie de main-d’œuvre se fait sentir aux Pays-Bas. C’est alors que les réseaux de soins sociaux et informels se développent pour contrer le manque de personnel. On travaille ainsi à mettre en place de nouveaux métiers de confiance qui ne requièrent pas de qualifications et qui permettent de réduire le fardeau administratif.
En adaptant ainsi le système, on comprend qu’il y a une suppression du ratio de personnel qualifié et que l’offre de service consiste en des soins appropriés basés sur la relation entre le patient et le soignant, la proximité, les prix abordables et sur la santé et l’autonomie du patient et non sur la maladie.
Dans la même optique, l’État offre des subventions pour favoriser l’habitation intergénérationnelle. Ce qui implique que les aidants doivent donner les soins et répondre aux besoins de la personne traitée à son domicile. Avec de telles initiatives, il sera alors important d’accepter qu’il y ait des risques, ce qui va à l’encontre de certaines règles strictes qui sont appliquées ailleurs dans le monde.
Quant à elle, l’organisation Buurtzorg, créée en 2006, offre aux usagers des soins de proximité de grande qualité. Munie d’une plateforme informatique efficiente, la gestion des soins s’organise par les équipes de quartier composées d’infirmiers et de personnel de soutien. Aux Pays-Bas, elle compte aujourd’hui plus de 4 000 équipes, 10 000 salariés et 100 000 clients. Les équipes autogérées prennent en main les besoins des patients en lien avec leur environnement et en collaboration avec les médecins et les hôpitaux sur leur territoire lors de retours dans les milieux de vie résidentiels.
De plus, on tend également à remplacer ou à compléter l’offre des services des soins par l’utilisation de nouvelles technologies telles que la robotique, les capteurs de mouvement, la géolocalisation, les culottes d’incontinence intelligentes, etc. Ces nouveaux outils de travail permettent ainsi de diminuer les tâches du personnel soignant.
DE LA DÉSINSTITUTIONALISATION À LA RÉHUMANISATION
Lors du parcours de visites dans les différents organismes et établissements des Pays-Bas, les participants à la mission ont pu constater que les milieux de vie sont variés et que, dans chacun d’eux, tous les efforts sont mis en place pour le bien-être des personnes traitées. Voici donc un aperçu des options d’établissement qui sont offertes à la population néerlandaise.
• Deerlijk Leven, une entreprise à but lucratif offre, depuis 2015, un concept d’habitation pour des personnes souffrant de démence avancée. Elle compte 91 maisonnettes et continue d’augmenter la construction pour répondre à la demande toujours grandissante.
Il s’agit d’un nouveau concept de maisonnettes construites en milieu rural à travers tout le pays, là où les frais de construction sont moins élevés. Chaque maisonnette compte 21 studios avec salle de bains, deux salons, une salle d’activité, une cuisine, un jardin et un bureau de soins. La supervision se fait avec plus d’une vingtaine d’employés à temps complet dont un professionnel de la santé disponible 24/7, un coach, un médecin et des bénévoles. Le milieu d’habitation est sécurisé électroniquement et est accessible aux personnes à faible revenu.
• Zorgspectrum est un complexe immobilier en milieu rural qui compte 6 centres d’hébergement. Le plus grand, Het Zand à Zwolle, accueille 180 résidents avec des troubles psychiatriques ou des séquelles cérébrales, en rééducation et même en soins palliatifs. Sur les lieux protégés, on retrouve des animaux, des espaces verts, des sites d’activités extérieures, un parc, un jardin, des potagers et un accès à une forêt et un étang. L’accent est mis sur l’innovation et les nouvelles technologies avec des capteurs de mouvements dans les appartements, la géolocalisation sur les lieux, la robotique pour la distribution de médicaments, le matériel d’incontinence intelligent, les lunettes intelligentes, les jeux interactifs, etc. Ainsi, les résidents circulent en toute liberté dans un environnement sain et sécuritaire.
Plusieurs activités avec accompagnement sont organisées avec la participation des résidents. Les autres sites d’hébergement du groupe se retrouvent dans des petits villages et des petites municipalités de proximité. Ils accueillent entre autres des gens avec des problèmes physiques ou de démence. Les bénévoles et les proches aidants assurent également le bienêtre des résidents et le bon fonctionnement des activités.
• Hogeweyk Dementia Village est un établissement spécialisé, à but non lucratif, accessible aux personnes ayant un niveau de démence sévère, entièrement dépendantes d’autrui et qui ne peuvent plus vivre à domicile. Il est ouvert à toute la communauté, laquelle y participe selon sa capacité financière.
Pour éviter le stress que cause le déménagement dans un environnement strict, le village offre aux résidents un concept basé sur la qualité de vie et le respect. Il compte 23 maisons, un théâtre, un restaurant, un café,
un bar, une épicerie et plusieurs petites boutiques, des rues et des cours intérieures. Les maisons hébergent sept résidents et deux professionnels. Elles sont disponibles en fonction des styles de vie de chacun et sont réparties en quatre catégories : urbain, cosmopolite, formel ou traditionnel. L’organisation de chaque maison est gérée par une personne responsable qui a un rôle multitâches : soins, repas, entretien et faire les courses. Encore là, les bénévoles sont très présents dans l’établissement.
Les 188 résidents circulent librement dans un environnement qui leur est familier. Ils sont stimulés par de simples activités comme participer à la préparation des repas ou à des ateliers de musique, discuter au café, prendre un verre au bar, faire des courses, etc. Ils vivent sur le terrain, à leur rythme et sans restriction. Des capteurs permettent de détecter les incidents. Toutefois, les risques sont grandement diminués par la réduction de la médication superflue au minimum afin d’éviter les chutes.
La durée moyenne du séjour est de deux ans et demi. Les résidents y vivent jusqu’à la fin de leurs jours. Les soins palliatifs sont dispensés sur place et la période d’alitement ne dure habituellement que quelques jours.
• Pennemes et Het Mennistenerf est un concept d’établissement basé sur l’innovation verte. À la suite d’études environnementales, les créateurs ont mis en place un concept innovant qui utilise les effets positifs de la nature sur la santé humaine.
En premier lieu, ils utilisent les plantes pour améliorer la qualité de l’air et éliminer les odeurs désagréables à l’intérieur des bâtiments et pour créer un environnement de verdure sain à l’extérieur avec des espaces jardins et potagers.
Étant prouvé scientifiquement que la luminothérapie a des effets positifs sur le corps humain, ils ont par la suite investi dans un environnement intérieur lumineux avec des lampes solaires. Ils ont également donné une place aux animaux au sein des établissements. Outre les poules, les oiseaux et les lapins que les résidents retrouvent dans les aires communes, ils ont la possibilité d’amener leurs animaux de compagnie dans leur appartement. Les employés et les bénévoles sont attitrés à l’entretien des sites aménagés en conséquence et assurent une hygiène adéquate dans les appartements.
Les immeubles regroupent plus de 1 500 personnes aînées dont certaines nécessitent une assistance 24 heures sur 24.
• La Ferme thérapeutique Weet hoe je leeft! est une serre qui offre des ateliers et des activités quotidiennes aux personnes nécessitant des soins permanents mais vivant dans la société. Fondée en 1998 par Jolanda van Adrichem pour répondre aux besoins de son fils handicapé, la ferme thérapeutique se veut écoresponsable. Les usagers fabriquent des objets avec des matériaux récupérés, réparent des vélos, prennent soin des animaux, cultivent des aliments, cuisinent des repas, etc. Cette initiative a connu un gros succès et, en 2013, elle est devenue une fondation.
UNE MISSION CONCLUANTE
Cette mission d’étude organisée par l’équipe de DialogHealth et le RQRA, a réuni des propriétaires de résidences et des professionnels du milieu de l’hébergement et des soins aux aînés au Québec. Des représentants du ministère de la Santé et des Services Sociaux étaient également présents à la mission afin d’en apprendre davantage sur les pratiques néerlandaises et les différentes façons de faire qui peuvent être adaptées au système québécois actuel, qui se trouve présentement dans un tournant critique.
La prochaine mission d’étude offerte par le RQRA se tiendra au Japon du 12 au 20 avril prochain. Les participants verront comment le Japon accompagne ses aînés avec une offre de soins proche de la population, comment les nouvelles technologies répondent aux besoins grandissants de la population vieillissante et comment les Japonais apportent des solutions innovantes à la pénurie de main-d’œuvre.