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Innovation de l’approche dans les services et soins aux aînés : vers une culture de l’acceptation des risques
from L'Adresse - Printemps 2024
by RQRA
PAR ME MIRIAM MORISSETTE, ASSOCIÉE THERRIEN COUTURE JOLICOEUR
AUX PAYS-BAS, LA QUALITÉ DE VIE EST AU CŒUR DE LA PHILOSOPHIE DANS
L’APPROCHE DES SOINS ET SERVICES AUX PERSONNES AÎNÉES. LA RÉCENTE MISSION DU RQRA DANS CE PAYS A AMENÉ LES PARTICIPANTS À DÉCOUVRIR, DANS LES DIVERS MILIEUX OFFRANT DES SERVICES AUX AÎNÉS, UNE APPROCHE DIFFÉRENTE DE LA GESTION DES RISQUES ET ASSURÉMENT PLUS RESPECTUEUSE DE LA LIBERTÉ ET DE LA QUALITÉ DE VIE. CETTE PHILOSOPHIE DEVIENT LE POINT D’ANCRAGE DANS L’ANALYSE DES POLITIQUES ET DES LOIS ENCADRANT LES SERVICES ET SOINS AUX AÎNÉS, ET CE, AU-DELÀ DE LA SÉCURITÉ.
La qualité de vie milite notamment en faveur du maintien des activités et d’une liberté similaire à ce dont bénéficiait la personne aînée avant le début de sa perte d’autonomie physique ou cognitive. La personne aînée ne doit pas se trouver emprisonnée dans un milieu qui la prive de sa liberté et de ce qui donnait un sens à sa vie dans le seul but de la préserver de tout risque, sans égard à sa qualité de vie. À quoi sert la sécurité si elle est au détriment de la qualité de vie ? La qualité de vie peut-elle exister dans le cadre de la privation de la liberté ?
À titre d’exemple, aux Pays-Bas, les aînés atteints de perte cognitive sont libres d’utiliser des ustensiles de cuisine pour éplucher et couper les fruits et légumes, ont accès au savon à linge et aux machines à laver pour faire leur lavage, peuvent sortir à l’extérieur et marcher dans des parcs dont le terrain n’est pas sans obstacle. Cette approche entraîne une augmentation des risques, mais ces risques sont jugés acceptables par la population, les gouvernements et les familles afin de permettre aux aînés de continuer à vivre tout en maintenant leur qualité de vie. Les activités occupationnelles sont celles que la personne avait avant le début de son déclin cognitif, l’approche étant de lui permettre de maintenir le plus longtemps possible son autonomie résiduelle en lui permettant de vaquer à ses activités régulières dans un cadre protégé.
Nous avons grandement évolué dans le contexte des débats et mémoires entourant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. La société a clairement manifesté son désaccord avec le principe de la vie à tout prix, au détriment de toute qualité de vie. Malgré ces débats, l’approche actuelle dans les lois, règlements et politiques québécoises et canadiennes sur les milieux privés et publics accueillant des personnes aînées, repose avant tout sur la sécurité, les privant en grande partie de leur liberté et par voie de conséquence de leur qualité de vie.
Nous sommes moins loin que nous le pensons de cette approche, puisque les principes de santé publique reposent déjà sur ces principes de gestion du risque, leur évaluation et les mesures qui doivent être prises ou non en lien avec les risques. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) offre notamment un cadre d’analyse de cette acceptabilité des risques dans le domaine de la santé, tout comme d’autres organismes :
« L’acceptabilité du risque correspond au niveau de tolérance face au risque estimé grâce à la démarche scientifique et sociale déployée. L’acceptabilité s’appuie notamment sur les données scientifiques et les valeurs éthiques en présence. Elle tient aussi compte du niveau de risque estimé et de l’importance relative entre les conséquences positives et négatives qui accompagnent le risque.
Les options d’intervention proposées pour contrôler le risque devraient bien entendu être proportionnelles au niveau de risque et au degré d’acceptabilité établi. Mettre en perspective les avantages et les inconvénients de chacune des options présentées ainsi que les critères d’évaluation des options favorisent la crédibilité des décisions de gestion qui se prendront à la phase suivante du processus. La collaboration entre évaluateurs et gestionnaires devrait être étroite au cours de cette phase afin de favoriser l’identification des options d’intervention les plus adaptées au risque et au contexte. » 1
Afin d’établir un meilleur équilibre entre la qualité de vie et la sécurité, il nous suffit de continuer cette discussion de société en nous basant sur une approche similaire à celle de l’INSPQ pour accroître le niveau de qualité de vie dans les approches de soins et services aux aînés et afin de dégager un consensus social, éthique et légal sur l’acceptation des risques. Les juristes, éthiciens et professionnels de la santé devront collaborer pour alléger certaines politiques. La population devra être partie prenante dans les discussions sur cette acceptabilité des risques et être informée à la suite du consensus.
Dans le but de leur assurer une meilleure qualité de vie, nous devons revoir ce que nous croyons être la qualité de vie de nos aînés, établir un cadre de gestion des risques et trouver des mesures d’atténuation des risques afin de maintenir la sécurité à un niveau de risque acceptable.
1. Institut national de santé publique du Québec, Cadre de référence de l’évaluation et gestion des risques en santé publique. Tiré du site web : https://www.inspq.qc.ca/evaluation-etgestion-des-risques/la-gestion-des-risques-en-sante-publique-au-quebec-cadre-de-reference/ le-processus/phase-3-acceptabilite-des-risques-et-proposition-d-options-d-intervention-pourdes-decisions-eclairees