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L'agisme : une discrimination encore trop méconnue

PAR L’ÉQUIPE DU RQRA AVEC LA COLLABORATION SPÉCIALE DU GROUPE MAURICE

SELON LE RAPPORT MONDIAL SUR L’ÂGISME DE L’OMS*, PRÈS D’UNE PERSONNE SUR DEUX À L’ÉCHELLE MONDIALE AURAIT UN COMPORTEMENT ÂGISTE ENVERS LES AÎNÉS. QUE CE SOIT PAR MALADRESSE, INCONSCIENCE OU MÉCANISME MALENCONTREUX, CELA RESTE INQUIÉTANT. QUAND ON APPREND QU’ENVIRON 25 % DES QUÉBÉCOIS SERONT DES AÎNÉS D’ICI 2030, IL EST FACILE DE COMPRENDRE QU’IL EST URGENT D’AGIR.

Il est question d’âgisme lorsque l’âge est utilisé pour catégoriser et diviser les personnes de telle façon qu’elles subissent des préjudices et des injustices, ou qu’elles sont désavantagées, réduisant ainsi la solidarité entre les générations. L’âgisme serait aujourd’hui encore plus répandu que le sexisme ou le racisme, mais si cette forme de discrimination est plus largement répandue envers les personnes âgées, elle se manifeste également auprès des générations plus jeunes, et ce, principalement en milieu de travail. Cette discrimination peut entraîner des changements de comportements fondés sur des préjugés, teinter des politiques institutionnelles et même des décisions corporatives ou gouvernementales. Il s’agit d’un problème complexe, méconnu, voire tabou qu’il est aujourd’hui plus que jamais essentiel de dénoncer.

LES CONSÉQUENCES

Selon le rapport de l’OMS, cette forme de discrimination a des conséquences profondes sur la santé, le bien-être et les droits de la personne. Ce sont chez les personnes âgées où les répercussions sont les plus graves. En effet, cela peut diminuer leur espérance de vie, provoquer des problèmes de santé physique et mentale, retarder leur rétablissement et amener des ralentissements cognitifs. L’âgisme réduit nécessairement la qualité de vie des personnes plus âgées en contribuant à leur pauvreté et à leur insécurité financière, en augmentant leur isolement social et leur solitude, ainsi que le risque de violence et d’abus à leur encontre. Chez les plus jeunes, l’âgisme peut notamment réduire l’engagement envers l’organisation pour laquelle ils travaillent. Il s’agit donc d’un phénomène à prendre au sérieux et pour lequel il est urgent de passer aux actes.

DES SOLUTIONS ?

Pour en arriver à éradiquer l’âgisme en société, il y aurait lieu de voir au renforcement des politiques et des législations visant à lutter contre toute discrimination liée à l’âge. Mais au-delà de cela, chaque personne et chaque organisation se doit de contribuer. Outre l’éducation, où des activités visant à renforcer l’empathie et à réduire les préjugés devraient être priorisées, c’est via les contacts intergénérationnels qu’il est, à court terme, plus aisé d’agir. Car pour diminuer les comportements âgistes, il faut comprendre l’autre et pour ce faire, la solution passe inévitablement par l’acceptation de la différence. Si des actions collectives telles que l’écoute, la solidarité et la mobilisation souhaitent voir le jour, une ouverture d’esprit sous-jacente est prioritaire.

EN RÉSIDENCE

Les RPA sont de toute évidence des environnements idéaux pour favoriser les contacts intergénérationnels puisque les interactions entre employés et résidents sont inévitables. Or, il ne faut pas oublier que, malgré le fait que l’âgisme sévisse principalement auprès de la population aînée, les comportements discriminatoires peuvent également être opérés auprès des jeunes. Les employés « juniors » peuvent aussi subir des remarques désobligeantes, telles que « tu es trop jeune, tu ne peux pas comprendre ». Ces paroles irrespectueuses, camouflées derrière un humour douteux, relèguent à tout coup la personne à un statut déshumanisant.

Les aînés n’ont par ailleurs jamais été aussi actifs sur le marché du travail ; la proportion de personnes de 65 ans et plus en situation d’emploi a considérablement aug-menté depuis une dizaine d’années, pour atteindre la barre historique de 11 %. Il est d’autant plus important d’être vigilant face aux comportements âgistes si les employeurs souhaitent s’assurer d’une main-d’œuvre diversifiée et fidélisée au sein de leur entreprise.

De ce fait, une des pistes de solution à exploiter en résidence consiste à encourager les rapports sains, respectueux et transparents entre employés et résidents, ainsi qu’entre gestionnaires et employés, afin de mieux connaître et comprendre l’autre. Offrir une voix à ces derniers est également un moyen efficace pour parvenir à éliminer les jugements, que ce soit par l’entremise de journaux internes, de réseaux sociaux ou de sondages. Tous les moyens visant à encourager la communication sont les bienvenus, car être au fait des opinions et à l’écoute des nouvelles idées permet d’ajuster les façons de faire et ainsi de répondre à des besoins qui autrement seraient sous-estimés.

ÊTRE « VIEUX »

Saviez-vous que, de nos jours, de plus en plus de personnes sont en pleine possession de leurs moyens jusqu’à 80 ou 85 ans… ce qui crée ainsi une nouvelle catégorie d’aînés : le « quatrième âge » (80 ans et plus) ? Cependant, « entrer dans la vieillesse » est socialement perçu comme une étape de vie qui se situe autour de 65 ans. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de l’âge auquel nous quittons habituellement la population dite « active », soit le monde du travail, pour prendre sa retraite. Mais il s’agit d’une norme administrative dépassée qui n’a aujourd’hui plus grand-chose à voir avec la réalité, car un nombre croissant d’individus poursuivent leur carrière bien au-delà de cet âge.

TOUS POUR LA CAUSE

Accepter les comportements âgistes c’est se mettre en danger, car nous serons tous aînés un jour. Voilà pourquoi il est important de parler de l’âgisme, de l’expliquer et de le dénoncer. Plus que jamais, il faut éduquer puisque le problème est trop complexe pour n’être réglé que par une poignée d’organismes et d’entreprises, incluant les instances gouvernementales. Une collaboration entre tous est nécessaire si les attitudes et les mentalités souhaitent être modifiées. Cette croisade contre l’âgisme revêt désormais une importance capitale. C’est en incitant les gens à la réflexion et, espérons le, à modifier certains de leurs comportements, qu’il sera possible de marcher vers un avenir empreint de respect, d’empathie et de considération envers autrui.

*Rapport mondial sur l’âgisme de l’Organisation mondiale de la santé, du HautCommissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, du Département des affaires économiques et sociales de l’Organisation des Nations Unies et du Fonds des Nations Unies pour la population, avril 2021.

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