Blequin Reporter n°4

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N°4 Magazine virtuel Parution Intermittente Foire aux croûtes, Jardins culturels Deux festivals brestois à hauteur d’exposant Et un récit illustré : gare aux arnaques à domicile !
LaBD

(Re)vivez la 32ème Foire aux croûtes !

Faisant mentir les craintes suscitées par les travaux de la Place Guérin, la 32ème Foire aux croutes s’est tenue comme prévu du 18 au 20 juin. Notre reporter y a planté son stand de caricaturiste ambulant : il témoigne.

Jeudi 18 mai

10h30 : La fréquentation commence mollement mais c’est normal, le jeudi matin. Après tout, si je ne m’étais pas engagé, j’aurais bien fait la grasse matinée moi aussi J’ai mon premier client, un homme assez âgé qui vient se faire caricaturer à chaque fois qu’il a la chance de me trouver à la foire, donc presque chaque année depuis dix ans : comme c’est un fidèle, je lui fais payer son dessin au tarif réduit. J’aimerais bien voir toutes les caricatures qu’il affirme posséder : ce serait un aperçu saisissant de l’évolution de mon style graphique – et, aussi, de son vieillissement…

11h30 : Je caricature un petit garçon. Rien de très nouveau, beaucoup de parents viennent me retrouver pour que je dessine leurs enfants : ça ne me gêne pas, le client est roi ! Cela dit, je suis impressionné par le sérieux dont font montre ces jeunes modèles : il n’est pas rare que les gens plus âgés soient mal à l’aise, s’esclaffent nerveusement, tremblent dans l’attente du résultat… Mais les enfants, non ! À leur âge, les problèmes d’image ne pèsent pas sur leurs frêles épaules avec la même pression que sur celles des adultes : ils ont bien raison de ne pas prendre au sérieux des questions si futiles ! Les adultes ne sont jamais que de grands enfants qui jouent à se faire du mal Et ils y arrivent plutôt bien !

Le duo Guillou-Lamanda et une jeune admiratrice.

12h45 : Sur la scène, le duo Guillou-Lamanda interprète quelques chansons populaires brestoises : je ne peux m’empêcher de pleurer en réécoutant à cette occasion «La complainte de Jean Quéméneur »… J’ai parfois entendu des gens déclarer que cette chanson les faisait rire ! Je ne vois pourtant rien de drôle dans l’histoire de ce pauvre homme, orphelin très tôt, abandonné par une drôlesse infidèle et mort noyé après avoir sombré corps et bien dans l’alcool Il faut croire que le cocu ivrogne ne peut pas inspirer la pitié : ça lui fait un point commun avec le premier de la classe…

13h50 : Un homme me fait caricaturer une femme malvoyante : il est un peu déçu du résultat qui, à ses yeux, vieillit le modèle mais, l’intéressée, qui arrive à apprécier mon dessin avec une loupe, est satisfaite. Il est fort peu fréquent que j’aie une réclamation quelconque et, les rares fois où ça se produit, ça ne vient jamais de l’individu caricaturé lui-même mais plutôt de l’éventuelle tierce personne qui lui a payé le dessin : paradoxal, non ? Enfin, celui-ci ne va pas jusqu’à me demander d’être remboursé…

14h45 : Je viens d’amortir mon emplacement. Ça n’a l’air de rien, mais je ne suis pas certain que tous les artistes aient la chance de gagner assez d’argent pour couvrir les frais de réservation de leur stand, surtout au bout de seulement une demi-journée ! La foire commence donc bien pour moi, mais je me garde de crier victoire trop tôt…

table ! Je n’ai jamais entendu quelque chose d’aussi con et j’ai presque envie de tuer l’individu qui brame ces inepties ! Que ce soit clair : le côte « C’est très con, mais on s’en fout, qu’estce qu’on rigole », ça va bien cinq minutes et le second degré n’excuse pas tout, surtout pas de faire de la merde !

16h : Le show de Manuel J. Grotesque me paraît interminable : c’est donc dans de mauvaises dispositions que je reçois un jeune couple qui a décidé d’être chiant ! Non seulement ils n’ont pas de monnaie, ce qui oblige mademoiselle à aller retirer du liquide aux halles SaintMartin mais, par-dessus le marché, cette péronnelle, qui s’était déjà fait tirer l’oreille par son compagnon pour s’asseoir sur mon tabouret, y renonce carrément au dernier moment, prétextant une « urgence » ! Heureusement que ce genre de rencontre est plutôt rare…

15h30 : Manuel J. Grotesque passe sur scène : je ne sais pas qui s’occupe de la programmation musicale, mais je ne lui dis pas merci ! Les textes se veulent décalés mais ils ne sont que débiles, et la musique est insuppor-

18h45 : Je remballe, satisfait de cette première journée où j’ai déjà plus que doublé la mise. Après mille difficultés pour tracter mon chargement sur à peine quelques mètres, je range le matos chez mon ami Jean-Yves, en me promettant de revenir demain avec trois autres contenants et de jeter dans la foulée cette vieille valise complètement pourrie ! Histoire de gagner du temps, je m’achète une saucisse-frites pour pouvoir manger sur place : ce n’est pas le nec plus ultra en matière de gastronomie, mais quand on s’est contenté d’une boîte de thon à midi et qu’on a eu une journée fatigante, ça fait un bien fou ! Je garde tout de même mon casque antibruit pour supporter la foule environnante et ce n’est pas le collectif de hip-hop qui joue sur scène qui me donne envie de m’ouvrir au monde…

Vendredi 19 mai

11h : Je n’ai toujours pas eu de clients, mais c’est normal le matin, surtout le vendredi. Je prends donc mon mal en patience, ce sont surtout les gosses qui crient sur le parc de jeux qui m’agacent… Quand je pense qu’on m’enguirlandait chaque fois que je haussais la voix parce que quelque chose me gênait, j’ai un peu de mal à digérer qu’on laisse les gamins hurler sous prétexte de défoulement !

11h30 : Je reçois ma première cliente de la journée. Je suis assez content du résultat mais je n’ai pas le réflexe de prendre une photo d’elle avec sa caricature : je ne sais pas exactement selon quels critères je décide de le faire ou non, ça dépend en grande partie du rapport que j’entretiens avec le client pendant ce court laps de

temps où nous établissons un lien très particulier. Ce qui m’étonne, c’est d’avoir fort peu de refus, alors même que je précise à chaque fois que c’est pour mon blog que je prends ce cliché ! Il est vrai que de nos jours, se retrouver en photo sur Internet est totalement banalisé…

12h45 : « Les petites chansons folk » sauvent l’honneur de la scène, bafoué hier par l’imbécile qui m’a tant cassé les oreilles : voilà un spectacle sympa, familial et bon enfant, on a même droit à des reprises des Beatles ! Vous voyez bien qu’on n’a pas besoin de chercher à tout prix quelque chose de totalement inédit pour plaire au public ! L’originalité, c’est comme toutes les bonnes choses, point trop n’en faut : si certaines choses sont faites et refaites depuis des années, c’est parfois pour de bonnes raisons…

Une œuvre de Glaoda Jaouen : « Le babyfoot de la duchesse Anne »

14h45 : Je réalise une caricature d’après une photo sur smartphone : je suis étonné qu’on ne me l’ait pas déjà demandé au moins deux fois depuis hier ! Y aurait-il donc un espoir que la civilisation du tout-numérique n’écrase pas tout ?

Samedi 20 mai

15h25 : Je ne voulais pas y croire en consultant le programme, mais c’est la vérité : c’est bien une sélection d’artistes familiers des scènes ouvertes Mic Mac qui nous est proposée ! Ainsi, j’ai l’immense plaisir de réécouter successivement Carlos et Morgane sur une scène à la hauteur de leur talent ! Non, on m’a pas sollicité et c’est tant mieux : j’aurais probablement refusé, on ne peut pas être à la fois au four et au moulin…

9h55 : Alors que j’ai déjà installé mon stand et que l’ouverture est pour dans cinq minutes, j’éprouve le besoin impérieux et urgent de passer un coup de balai : les mégots, les capsules et autres déchets ont cochonné l’espace situé devant moi, je ne peux supporter d’attendre que les bénévoles le nettoient à ma place, un mélange d’impatience et de culpabilité m’amène à faire ce sale boulot. Un gamin ratisse la place sous mes yeux, probablement poussé par ses aînés, il me fait penser à Zorrino dans Tintin, cet « enfant des rues voué à la débrouillardise et aux petits boulots pour survivre » (comme dit Albert Algoud), alors même que sa situation n’est certainement pas comparable : ça achève de me motiver à exécuter cette tâche désagréable pour laquelle je ne suis même pas compétent, j’emporte beaucoup de cailloux avec moi, j’en remplis les sacs poubelle, je suis obligé de ramasser certains déchets à la main… Je m’arrête quand j’estime que la place est suffisamment nette devant moi pour ne pas dégoûter les clients : une bénévole me remercie, m’assurant que je n’étais pas tenu de faire ça, qu’ils s’en seront occupés Est-ce que je dois être fier de moi ? En tout cas, j’espère que les fêtards qui ont à ce point salopé l’espace public ne le sont pas, eux !

La première grande scène de Morgane Meillour : espérons que ce ne soit pas la dernière !

11h30 : Comme chaque année, la dernière journée de foire s’est ouverte en « fanfares », au sens propre comme au sens figuré : il faut être honnête, les fanfares, c’est toujours plus ou moins la même chose, j’ai un peu de mal à comprendre qu’on puisse encore s’y intéresser à l’âge adulte ! Je ne devrais pourtant pas cracher dans la soupe car ces ensembles cuivrés attirent du monde et mon petit commerce en bénéficie. Il n’empêche que ça me casse vite les oreilles et que j’ai hâte que ça prenne fin…

16h30 : Une jeune et charmante cliente me demande l’autorisation de m’interviewer en vue d’un projet théâtral dans le cadre de ses études. Je n’ose pas refuser mais je le regrette assez vite, d’une part parce que ses questions sont beaucoup trop générales (c’est une erreur répandue chez les débutants) et auraient nécessité un temps de réflexion ou, au moins, un contexte un peu moins animé, d’autre part parce que les passants hésitent à me solliciter, pensant que je suis trop occupé : j’y remédie en improvisant un panneau précisant que ce n’est pas parce que je suis en train de répondre à la demoiselle que je ne peux pas

faire de dessins. Bien m’en prend, les clients reviennent aussitôt. Il n’empêche que j’ai l’impression que l’entretien a duré longtemps et je serais curieux de voir ce que cette jeune fille va tirer de nos échanges : je risque d’être surpris par mes propres réponses !

18h45 : Je suis en train de remballer, nageant jusqu’au cou dans la satisfaction : le bilan est on ne peut plus positif, j’ai plus que décuplé ma mise ! Un groupe de jeunes vient me retrouver pour me demander de les caricaturer : constatant leur dépit, je me déclare prêt à les prendre en troisième vitesse Mais ils me disent qu’ils sont six à vouloir se faire défigurer ! Je suis obligé de décliner : je n’ai pas le temps matériel de tous les faire passer, je risquerais de dépasser l’heure de la fermeture et de rater l’heure du rendez-vous qu’une amie m’a fixé. De toute façon, j’ai déjà bien gagné ma journée et je suis épuisé ! Je leur donne ma carte de visite en les exhortant à me recontacter pour prendre rendez-vous : mais je ne me fais pas d’illusion, sur toutes celles et tous ceux qui prennent ma carte, il n’y en pas un dixième qui me rappelle…

Notre reporter peut être fier de son expérience à la Foire aux croûtes ! Mais la vie n’est pas faite que d’éclatants triomphes… Tournez la page et découvrez, en dessins, comment il a failli être victime d’une escroquerie !

Les Jardins culturels comme si vous y étiez !

La cinquième édition du festival Les Jardins culturels, organisé par le Collectif Synergie, a eu lieu les 27 et 28 mai derniers sur le Cours Dajot. Notre reporter y était : il rend compte du déroulement de ce festival bon enfant bien que chahuté par les caprices de la technique...

Samedi 27 mai

10h30 : Me voici sur le Cours Dajot pour participer, en tant qu’exposant, à la cinquième édition du festival Les Jardins Culturels organisé par le Collectif Synergie : efficace comme à mon habitude, je suis déjà installé à une demiheure de l’ouverture officielle. Le soleil est au rendez-vous, de même que tous mes amis du collectif, tout semble annoncer une journée des plus agréables dans un cadre parmi les plus magnifiques de Brest, je ne vois pas ce qui pourrait entamer mon moral !

11h30 : La fréquentation démarre mollement, ce qui n’est pas fait pour m’étonner un samedi matin. Je prends donc mon mal en patience, me persuadant que ça ira mieux cet après-midi :

nous aurons tous les badauds du week-end et ils s’arrêteront pour voir les spectacles. Je me repose sur cet optimisme prudent quand, tout à coup, la grille sur laquelle j’avais accroché ma banderole tombe sous l’effet du vent ! Agacé, je crie à la cantonade qu’il est interdit d’en rire et de me proposer de l’aide : ma voisine, une artiste qui expose juste à côté de moi, me répond qu’elle me comprend et qu’elle ne rirait pas si ça lui arrivait. Après avoir redressé la grille, j’accepte néanmoins qu’on m’en apporte une seconde (il y a un petit surplus en stock) pour gagner en stabilité : ma banderole, dont j’avais dû replier le côté droit dans un premier temps, peut ainsi s’étaler dans toute sa largeur. De ce fait, les caricatures de Sarkozy et Borne, qui avaient été occultées dans un premier temps, sont à nouveau visibles : tant pis, on n’échappera pas à leurs

12h30 : Il faut croire que revoir Sarkozy et Borne porte malheur : la sono ne fonctionne pas ! Un festival privé de sono, c’est comme Rocco Siffredi gavé de bromure ! J’en suis doublement catastrophé, non seulement parce que ça compromet sérieusement l’attractivité de l’événement et, subséquemment, la visibilité des stands, mais aussi parce que je suis programmé en tant que slameur ! Je croise donc les doigts pour qu’on trouve une solution avant le premier spectacle prévu pour dans deux heures…

12h50 : Alors que nous attendons le retour du secrétaire général de l’association, parti chercher une sono de rechange et le repas promis aux exposants, je constate que la présidente-fondatrice du collectif est en pleine discussion animée avec une dame que je ne connais pas. Renseignement pris, cette femme visiblement peu aimable était programmée elle aussi en tant qu’exposante mais, non contente de ne rien avoir compris et d’être allée se perdre au Stang-Alar où elle s’étonnait de ne pas trouver le festival, elle a le culot, une fois arrivée à bon port, de juger que le marché des artisans-créateurs n’est pas à la hauteur de ce qu’elle espérait ! Nous la laissons partir sans regret : cette attitude de diva n’est pas compatible avec les valeurs du Collectif Synergie ! Il n’empêche que je suis vexé et que cette journée commence décidément moins bien que je ne l’espérais…

jourd’hui, l’asso avait pourtant tout fait pour communiquer, il y a même eu un article dans Côté Brest ! Je vais finir par penser que les Brestois sont attachés à l’image négative de leur ville et se complaisent dans la représentation d’une cité morte, déserte sur le plan culturel !

14h15 : Les spectacles commencent enfin avec une poétesse accompagnée d’un musicien. Ce spectacle est assez minimaliste, mais ce n’est pas désagréable, bien au contraire, il n’est pas nécessaire de surcharger une scène pour la rendre intéressante. Je me laisse bercer par les délicieuses rimes de cette autrice que je ne connaissais pas, et je déguste, comme il le mérite, ce qui fait tout l’intérêt des événements du Collectif Synergie, à savoir l’opportunité de découvrir des artistes que nous n’entendrons pas de sitôt sur France Inter… Et certainement jamais sur C8 ! La sono fonctionne, le festival est sur les rails, l’ambiance est au beau fixe : il ne peut plus rien arriver de fâcheux, maintenant !

14h30 : Mon enthousiasme devait être aussi bref que celui d’Icare : le micro saute. Je pense un instant me jeter à l’eau moi aussi.

14h50 : Mais qu’est-ce que c’est que cette sono qui marche une fois sur deux ? Agacé et légitimement inquiet, je m’approche de la scène en vue de mon spectacle que je suis censé donner dans dix minutes : j’espère aussi en savoir plus

13h30 : Les visiteurs commencent à arriver, en l’occurrence, comme je m’y attendais, des promeneurs que nos installations intriguent. Je suis quand même déçu de les entendre dire qu’ils ne savaient pas que ce festival se tiendrait au-

14h55 : Un personnage antipathique que je ne connais pas m’explique que le groupe électrogène n’est pas assez puissant pour faire fonctionner la sono, d’où les ratés de cette dernière : tout s’explique, mais je ne comprends pas pourquoi

sales
gueules !

cet individu me le dit sur un ton de reproche, comme si j’étais responsable de cette situation extrêmement déplaisante, et encore moins pourquoi il ponctue son discours de longs silences comme s’il attendait des réponses que je suis incapable de fournir… Encore quelqu’un qui est incapable de s’adresser à une personne avec autisme sans la mettre mal à l’aise ! Je sais, je ne peux pas le lui reprocher, mais ça commence quand même à faire beaucoup de trucs emmerdants que je ne peux reprocher à personne Je retourne à mon stand et prends le parti d’attendre sagement qu’on m’appelle pour passer sur scène.

15h30 : Après seulement dix minutes de spectacle, la sono, qui avait daigné montrer des velléités de fonctionnement, me lâche pour de bon : étant donné que le public n’est pas très nombreux mais que je ne veux pas le décevoir pour autant, je continue comme si de rien n’était, en parlant aussi fort que je le peux. Je n’ai pas la voix qui porte comme Claire, mais je fais de mon mieux. Il n’empêche que je suis déjà à bout de nerfs !

15h40 : J’ai fini de jouer. Je n’ai pas quitté la scène qu’une grosse musique se met à retentir, m’assourdissant presque ! C’est la goutte d’eau : je craque et je me mets à engueuler l’individu qui m’a pris à partie il y a un instant et qui était derrière moi sur scène depuis le début (comme ce n’est pas lui le responsable du son, je me demande ce qu’il fout là), persuadé qu’il est l’auteur de cette mauvaise plaisanterie ! Il s’avèrera plus tard que je me suis trompé de cible, mais même sans ça, le résultat est quand même là : j’ai perdu patience devant le public… Découragé, je décide de ne m’occuper que de mon

stand. Ce n’est quand même pas comme ça que je voyais la première de mon spectacle

17h30 : Après deux heures passées à ne vendre que quelques babioles anecdotiques et à passer à côté de la scène ouverte qui a eu lieu entretemps en acoustique, je décide de m’informer : le secrétaire général a réussi à louer un groupe électrogène plus puissant, l’espoir d’avoir à nouveau du son avant la fermeture (prévue pour dans deux heures et demie !) revient. Je croise les doigts, car un festival sans sono ne retient décidément pas l’attention

18h : Après avoir enfin réussi à vendre quelques caricatures, je n’entends toujours rien : on m’apprend que le nouveau groupe électrogène est parfait mais… Que la prise mise à notre disposition n’est pas compatible ! Bien entendu, le secrétaire a dû repartir chercher un adapta-

Un client de notre reporter avec sa caricature.

teur : Aymeric, notre magicien du son, commence à se faire des cheveux blancs, et moi, je suis à deux doigts de m’arracher les miens

18h10 : Tout fonctionne enfin ! Cette première journée de festival se termine beaucoup mieux qu’elle n’a commencé grâce au groupe Walden qui nous enchante de sa musique. Les clients s’arrêtent plus volontiers, mon bénéfice sur les caricatures commence à devenir intéressant… Bref, l’ambiance ressemble enfin à ce que j’espérais !

19h30 : La dernière animation musicale me plait moins : les « sets de DJ » où un type se borne à faire passer des disques, je trouve ça bidon ! C’est peut-être intéressant dans les festivals de grande ampleur, où il y a beaucoup de gens à faire danser, mais dans le cas des Jardins cultu-

rels, je trouve que ce n’est pas tout à fait dans l’esprit. Je termine néanmoins la journée en beauté grâce à une amie qui m’apporte une dernière cliente, m’offre un verre et m’aide à regagner le centre-ville sans ployer sous mon lourd chargement ! Le bilan n’est donc pas négatif, même si on ne peut que déplorer que les organisateurs se soient fait baiser par la ville sur le matériel Mais bon, il reste encore une journée !

Dimanche 28 juin

11h : Pour cette seconde journée, je profite du désistement d’une autre exposante pour occuper un barnum : le risque de pluie est très faible pour ne pas dire inexistant, mais le soleil cogne fort et le vent est aussi de la partie. Je peux donc ainsi me protéger des UV et limiter (sans l’annihiler) le risque que ma marchandise soit soufflée par

-
La compagnie
Eux en pleine action.

une bourrasque ! L’installation n’en a pas moins été laborieuse, surtout pour ma banderole : j’ai dû faire montre d’ingéniosité pour la fixer sur la devanture du barnum, j’ai même été obligé de percer un trou pour faire passer un crochet ! Je sais que c’est du matériel prêté par la municipalité, mais comme celle-ci s’est bien fichue de nous, c’est la moindre des réparations !

12h40 : Le premier spectacle de la journée consiste en une déambulation chorégraphiée sur le cours Dajot proposée par la compagnie Eux, que j’ai déjà vue à l’œuvre au Mac Orlan. Celle qui a l’air d’être la chef réussit à danser tout en portant son garçonnet qui lui tourne autour ! Je suis vivement impressionné, voilà typiquement le genre de performance dont je serais incapable sans au moins dix ans d’entraînement. Je ne com-

prends rien à la chorégraphie, mais qu’importe, au diable le jargon des critiques, je me contente d’apprécier et ça me suffit ! Il est juste dommage qu’il n’y ait pas eu plus de monde pour admirer ce spectacle, mais bon, à l’heure de midi, c’était couru d’avance

16h20 : La sono marche parfaitement mais on ne peut pas dire qu’il y a foule : on prétend que les Brestois, par ce temps ensoleillé, préfèrent aller à la plage ou aux Petites Folies qui se tiennent à Plouarzel. Nous récupérons donc les « miettes » de public qui restent, à savoir les gens qui ne se précipitent pas sur le sable pour se bricoler un cancer de la peau ni aux événements hyper-médiatisés où l’on entend des artistes déjà vus partout ailleurs. Bref, notre public a en qualité ce qu’il n’a pas en quantité et ce n’est pas plus

La poétesse Nathalie Od’ile participe à la scène ouverte.

mal ! Après la prestation d’une autre troupe de danse, nous avons droit maintenant à la scène ouverte, squattée depuis déjà un peu trop longtemps à mon goût par un chanteur qui ne casse pas trois pattes à un canard J’ai demandé à Claire à pouvoir passer moi aussi : j’attends avec impatience mon tour, bien décidé à rattraper ma déconvenue d’hier

16h30 : Comme mes chaussures neuves me faisaient mal aux pieds, j’arrive sur scène pieds nus, comme Yannick Noah ! La comparaison s’arrête d’ailleurs là : l’ancien vainqueur de Roland Garros a chanté Angela Davis, pour ma part, je parle de figures féminines non moins marquantes mais un peu plus difficiles à prendre pour modèles, à savoir Charlotte Corday, la meurtrière de Marat, Hélène Jégado, l’empoisonneuse qui a ensanglanté la Bretagne du XIXe siècle et dont Jean Teulé a romancé l’histoire dans Fleur de tonnerre et, last but not least, Marion Fraisse, la jeune fille poussée au suicide il y a dix ans par ses camarades qui la harcelaient… Que voulez-vous, c’est à ces deux criminelles et à cette victime innocente qu’étaient consacrés les trois premiers slams de mon spectacle, alors puisque j’ai les textes sous les mains, j’interprète ceux-là ! Mais l’ambiance est enjouée malgré tout et ma prestation ne semble pas saper le moral du public : avant de repartir à mon stand, pour ne pas partir sur une note trop sombre, je joue « Bienvenue en Finistère » : interpréter un tel texte dans ce cadre, en surplomb du port de commerce, face à la rade de Brest, c’est un rêve ! Je suis tellement ému que je bafouille plus que de raison sur ce texte que je devrais pourtant connaître par cœur… Mais peu importe : mon honneur bafoué hier est sauvé !

18h55 : Alors que les concerts continuent à battre leur plein (nous avons même eu droit à la prestation d’un duo sympathique et chaleureux), un coup de vent assez fort envoie par terre mes exemplaires de Blequin reporter : ce n’est pas la première fois en deux jours, mais c’est celle de trop ! Je remballe, bien conscient que je n’aurai de toute façon plus de client pour les caricatures. Le bilan est satisfaisant, même si je n’ai finalement gagné qu’un complément bienvenu mais modéré au bénéfice impressionnant de la Foire aux croûtes. Tout n’est cependant pas perdu puisqu’on m’a proposé de venir planter mon stand à Recouvrance dans le cadre de festivités prévues en juillet…

19h : Remballer mes affaires n’a pas été long : tout est déjà entassé dans mes sacs et dans ma valise. Pour ne pas partir comme un voleur, je tiens compagnie à deux amies qui sirotent quelques bières, me voilà donc le cul dans l’herbe avec elles (mon jean est déjà vieux et le salir ne me gêne pas), les pieds à nouveau chaussés car j’ai peur de marcher sur un morceau de verre et, surtout, les oreilles protégées par mon fidèle casque antibruit, la journée se terminant avec le même DJ qu’hier...

Pour en savoir plus sur le Collectif Synergie et ses événements, consultezsonsiteweb:

collectifsynergie2.wixsite.com/ collectifsynergie

: Quand j’avais dix ans...

Dernièrement, j’ai retrouvé une photo que j’avais prise en 1998 : j’avais dix ans, c’était il y a déjà un quart de siècle. Je peux y voir mes parents avec ma petite sœur, notre chienne qui est morte depuis longtemps déjà, ma cousine, son compagnon, mon oncle, et surtout, ma tante, qui nous a quittés il y a exactement dix ans cette année, emportée par un cancer. C’était une belle blonde souriante, radieuse, épanouie, un vrai soleil pour notre famille.

Naturellement, difficile de ne pas avoir un pincement au cœur quand on revoit l’image d’un être cher qui n’est plus de ce monde. Pourtant, je n’ai pas de raison personnelle d’être nostalgique de mon enfance, et surtout pas de l’année 1998 qui est quand même celle de mon entrée au collège, autrement dit le début de quatre années d’enfer que j’ai passées entouré de petits branleurs qui n’avaient que le foot et le rap pour tout horizon et qui m’ont traité comme le dernier des derniers parce qu’ils avaient vite compris que je n’étais pas tout à fait comme eux, le tout dans l’indifférence quasi-générale des adultes qui me disaient en substance qu’ils ne pouvaient pas demander à mes « camarades » d’être moins cons et que c’était à moi de faire l’effort d’être moins intelligent.

Cela dit, mis à part les malheurs de ma petite personne, cette époque n’avait pas que des inconvénients. Je me souviens qu’à l’époque, c’était la troisième cohabitation : le gouvernement, qui écoutait encore un peu les syndicats, instaurait les 35 heures, les RTT, le Pacs, le chômage baissait, j’attendais 2002 pour assister au triomphe définitif de la socialdémocratie. J’attends toujours, aujourd’hui. On n’aurait pas imaginé un seul instant, en ce temps-là, que l’extrême-droite pouvait dépasser les 15%, d’ailleurs

le Front National se déchirait entre Le Pen et Mégret. Bill Clinton était président des États-Unis, son bilan n’était pas mirobolant mais n’était pas complètement négatif, d’ailleurs les Républicains n’avaient rien trouvé d’autre qu’une relation sexuelle adultérine pour l’emmerder. Le Monde était loin d’être complètement pacifié, mais l’Europe de l’est était libérée du communisme et l’Europe de l’ouest bâtissait une union qui semblait indestructible et appelée à s’étendre indéfiniment. Le 11 septembre 2001 n’avait pas encore eu lieu, les jeunes Beurs des banlieues n’étaient encore vus par les braves gens « que » comme des délinquants, je suis sûr qu’ils regrettent cette époque où ils n’étaient pas encore vus comme des terroristes. La télé-réalité n’était pas encore arrivée en France, on n’en était pas à presque regretter le temps des soirées dans le style « Champs-Élysées », et Canal+ était encore une chaîne regardable même si ses plus belles années étaient déjà derrière elle. Le portable n’était pas encore généralisé, on pouvait encore passer des vacances peinardes et prendre les transports en commun sans que les autres voyageurs ne vous cassent les oreilles, les réseaux sociaux n’existaient pas, les smartphones non plus, on pouvait aller partout sans avoir à redouter de se retrouver en photo sur Internet le lendemain, on n’était pas tenu d’être au courant de tout en temps réel, les enseignants, les artistes, les soignants, les chercheurs étaient encore un peu respectés, les théories du complot n’avaient qu’une audience marginale

Mais j’arrête là, vous allez finir par croire que je suis nostalgique alors que ce n’est pas mon propos. Je ne peux absolument pas dire que c’était mieux avant. Le problème, c’est que ce n’est pas tellement mieux non plus maintenant…

Le mot de la fin

LAGRANDE GUEULE

N°3 : Karl Lagerfeld
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