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Les Jardins culturels comme si vous y étiez !

La cinquième édition du festival Les Jardins culturels, organisé par le Collectif Synergie, a eu lieu les 27 et 28 mai derniers sur le Cours Dajot. Notre reporter y était : il rend compte du déroulement de ce festival bon enfant bien que chahuté par les caprices de la technique...

Samedi 27 mai

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10h30 : Me voici sur le Cours Dajot pour participer, en tant qu’exposant, à la cinquième édition du festival Les Jardins Culturels organisé par le Collectif Synergie : efficace comme à mon habitude, je suis déjà installé à une demiheure de l’ouverture officielle. Le soleil est au rendez-vous, de même que tous mes amis du collectif, tout semble annoncer une journée des plus agréables dans un cadre parmi les plus magnifiques de Brest, je ne vois pas ce qui pourrait entamer mon moral !

11h30 : La fréquentation démarre mollement, ce qui n’est pas fait pour m’étonner un samedi matin. Je prends donc mon mal en patience, me persuadant que ça ira mieux cet après-midi : nous aurons tous les badauds du week-end et ils s’arrêteront pour voir les spectacles. Je me repose sur cet optimisme prudent quand, tout à coup, la grille sur laquelle j’avais accroché ma banderole tombe sous l’effet du vent ! Agacé, je crie à la cantonade qu’il est interdit d’en rire et de me proposer de l’aide : ma voisine, une artiste qui expose juste à côté de moi, me répond qu’elle me comprend et qu’elle ne rirait pas si ça lui arrivait. Après avoir redressé la grille, j’accepte néanmoins qu’on m’en apporte une seconde (il y a un petit surplus en stock) pour gagner en stabilité : ma banderole, dont j’avais dû replier le côté droit dans un premier temps, peut ainsi s’étaler dans toute sa largeur. De ce fait, les caricatures de Sarkozy et Borne, qui avaient été occultées dans un premier temps, sont à nouveau visibles : tant pis, on n’échappera pas à leurs

12h30 : Il faut croire que revoir Sarkozy et Borne porte malheur : la sono ne fonctionne pas ! Un festival privé de sono, c’est comme Rocco Siffredi gavé de bromure ! J’en suis doublement catastrophé, non seulement parce que ça compromet sérieusement l’attractivité de l’événement et, subséquemment, la visibilité des stands, mais aussi parce que je suis programmé en tant que slameur ! Je croise donc les doigts pour qu’on trouve une solution avant le premier spectacle prévu pour dans deux heures…

12h50 : Alors que nous attendons le retour du secrétaire général de l’association, parti chercher une sono de rechange et le repas promis aux exposants, je constate que la présidente-fondatrice du collectif est en pleine discussion animée avec une dame que je ne connais pas. Renseignement pris, cette femme visiblement peu aimable était programmée elle aussi en tant qu’exposante mais, non contente de ne rien avoir compris et d’être allée se perdre au Stang-Alar où elle s’étonnait de ne pas trouver le festival, elle a le culot, une fois arrivée à bon port, de juger que le marché des artisans-créateurs n’est pas à la hauteur de ce qu’elle espérait ! Nous la laissons partir sans regret : cette attitude de diva n’est pas compatible avec les valeurs du Collectif Synergie ! Il n’empêche que je suis vexé et que cette journée commence décidément moins bien que je ne l’espérais… jourd’hui, l’asso avait pourtant tout fait pour communiquer, il y a même eu un article dans Côté Brest ! Je vais finir par penser que les Brestois sont attachés à l’image négative de leur ville et se complaisent dans la représentation d’une cité morte, déserte sur le plan culturel !

14h15 : Les spectacles commencent enfin avec une poétesse accompagnée d’un musicien. Ce spectacle est assez minimaliste, mais ce n’est pas désagréable, bien au contraire, il n’est pas nécessaire de surcharger une scène pour la rendre intéressante. Je me laisse bercer par les délicieuses rimes de cette autrice que je ne connaissais pas, et je déguste, comme il le mérite, ce qui fait tout l’intérêt des événements du Collectif Synergie, à savoir l’opportunité de découvrir des artistes que nous n’entendrons pas de sitôt sur France Inter… Et certainement jamais sur C8 ! La sono fonctionne, le festival est sur les rails, l’ambiance est au beau fixe : il ne peut plus rien arriver de fâcheux, maintenant !

14h30 : Mon enthousiasme devait être aussi bref que celui d’Icare : le micro saute. Je pense un instant me jeter à l’eau moi aussi.

14h50 : Mais qu’est-ce que c’est que cette sono qui marche une fois sur deux ? Agacé et légitimement inquiet, je m’approche de la scène en vue de mon spectacle que je suis censé donner dans dix minutes : j’espère aussi en savoir plus

13h30 : Les visiteurs commencent à arriver, en l’occurrence, comme je m’y attendais, des promeneurs que nos installations intriguent. Je suis quand même déçu de les entendre dire qu’ils ne savaient pas que ce festival se tiendrait au-

14h55 : Un personnage antipathique que je ne connais pas m’explique que le groupe électrogène n’est pas assez puissant pour faire fonctionner la sono, d’où les ratés de cette dernière : tout s’explique, mais je ne comprends pas pourquoi cet individu me le dit sur un ton de reproche, comme si j’étais responsable de cette situation extrêmement déplaisante, et encore moins pourquoi il ponctue son discours de longs silences comme s’il attendait des réponses que je suis incapable de fournir… Encore quelqu’un qui est incapable de s’adresser à une personne avec autisme sans la mettre mal à l’aise ! Je sais, je ne peux pas le lui reprocher, mais ça commence quand même à faire beaucoup de trucs emmerdants que je ne peux reprocher à personne Je retourne à mon stand et prends le parti d’attendre sagement qu’on m’appelle pour passer sur scène.

15h30 : Après seulement dix minutes de spectacle, la sono, qui avait daigné montrer des velléités de fonctionnement, me lâche pour de bon : étant donné que le public n’est pas très nombreux mais que je ne veux pas le décevoir pour autant, je continue comme si de rien n’était, en parlant aussi fort que je le peux. Je n’ai pas la voix qui porte comme Claire, mais je fais de mon mieux. Il n’empêche que je suis déjà à bout de nerfs !

15h40 : J’ai fini de jouer. Je n’ai pas quitté la scène qu’une grosse musique se met à retentir, m’assourdissant presque ! C’est la goutte d’eau : je craque et je me mets à engueuler l’individu qui m’a pris à partie il y a un instant et qui était derrière moi sur scène depuis le début (comme ce n’est pas lui le responsable du son, je me demande ce qu’il fout là), persuadé qu’il est l’auteur de cette mauvaise plaisanterie ! Il s’avèrera plus tard que je me suis trompé de cible, mais même sans ça, le résultat est quand même là : j’ai perdu patience devant le public… Découragé, je décide de ne m’occuper que de mon stand. Ce n’est quand même pas comme ça que je voyais la première de mon spectacle

17h30 : Après deux heures passées à ne vendre que quelques babioles anecdotiques et à passer à côté de la scène ouverte qui a eu lieu entretemps en acoustique, je décide de m’informer : le secrétaire général a réussi à louer un groupe électrogène plus puissant, l’espoir d’avoir à nouveau du son avant la fermeture (prévue pour dans deux heures et demie !) revient. Je croise les doigts, car un festival sans sono ne retient décidément pas l’attention

18h : Après avoir enfin réussi à vendre quelques caricatures, je n’entends toujours rien : on m’apprend que le nouveau groupe électrogène est parfait mais… Que la prise mise à notre disposition n’est pas compatible ! Bien entendu, le secrétaire a dû repartir chercher un adapta- teur : Aymeric, notre magicien du son, commence à se faire des cheveux blancs, et moi, je suis à deux doigts de m’arracher les miens

18h10 : Tout fonctionne enfin ! Cette première journée de festival se termine beaucoup mieux qu’elle n’a commencé grâce au groupe Walden qui nous enchante de sa musique. Les clients s’arrêtent plus volontiers, mon bénéfice sur les caricatures commence à devenir intéressant… Bref, l’ambiance ressemble enfin à ce que j’espérais !

19h30 : La dernière animation musicale me plait moins : les « sets de DJ » où un type se borne à faire passer des disques, je trouve ça bidon ! C’est peut-être intéressant dans les festivals de grande ampleur, où il y a beaucoup de gens à faire danser, mais dans le cas des Jardins cultu- rels, je trouve que ce n’est pas tout à fait dans l’esprit. Je termine néanmoins la journée en beauté grâce à une amie qui m’apporte une dernière cliente, m’offre un verre et m’aide à regagner le centre-ville sans ployer sous mon lourd chargement ! Le bilan n’est donc pas négatif, même si on ne peut que déplorer que les organisateurs se soient fait baiser par la ville sur le matériel Mais bon, il reste encore une journée !

Dimanche 28 juin

11h : Pour cette seconde journée, je profite du désistement d’une autre exposante pour occuper un barnum : le risque de pluie est très faible pour ne pas dire inexistant, mais le soleil cogne fort et le vent est aussi de la partie. Je peux donc ainsi me protéger des UV et limiter (sans l’annihiler) le risque que ma marchandise soit soufflée par une bourrasque ! L’installation n’en a pas moins été laborieuse, surtout pour ma banderole : j’ai dû faire montre d’ingéniosité pour la fixer sur la devanture du barnum, j’ai même été obligé de percer un trou pour faire passer un crochet ! Je sais que c’est du matériel prêté par la municipalité, mais comme celle-ci s’est bien fichue de nous, c’est la moindre des réparations !

12h40 : Le premier spectacle de la journée consiste en une déambulation chorégraphiée sur le cours Dajot proposée par la compagnie Eux, que j’ai déjà vue à l’œuvre au Mac Orlan. Celle qui a l’air d’être la chef réussit à danser tout en portant son garçonnet qui lui tourne autour ! Je suis vivement impressionné, voilà typiquement le genre de performance dont je serais incapable sans au moins dix ans d’entraînement. Je ne com- prends rien à la chorégraphie, mais qu’importe, au diable le jargon des critiques, je me contente d’apprécier et ça me suffit ! Il est juste dommage qu’il n’y ait pas eu plus de monde pour admirer ce spectacle, mais bon, à l’heure de midi, c’était couru d’avance

16h20 : La sono marche parfaitement mais on ne peut pas dire qu’il y a foule : on prétend que les Brestois, par ce temps ensoleillé, préfèrent aller à la plage ou aux Petites Folies qui se tiennent à Plouarzel. Nous récupérons donc les « miettes » de public qui restent, à savoir les gens qui ne se précipitent pas sur le sable pour se bricoler un cancer de la peau ni aux événements hyper-médiatisés où l’on entend des artistes déjà vus partout ailleurs. Bref, notre public a en qualité ce qu’il n’a pas en quantité et ce n’est pas plus mal ! Après la prestation d’une autre troupe de danse, nous avons droit maintenant à la scène ouverte, squattée depuis déjà un peu trop longtemps à mon goût par un chanteur qui ne casse pas trois pattes à un canard J’ai demandé à Claire à pouvoir passer moi aussi : j’attends avec impatience mon tour, bien décidé à rattraper ma déconvenue d’hier

16h30 : Comme mes chaussures neuves me faisaient mal aux pieds, j’arrive sur scène pieds nus, comme Yannick Noah ! La comparaison s’arrête d’ailleurs là : l’ancien vainqueur de Roland Garros a chanté Angela Davis, pour ma part, je parle de figures féminines non moins marquantes mais un peu plus difficiles à prendre pour modèles, à savoir Charlotte Corday, la meurtrière de Marat, Hélène Jégado, l’empoisonneuse qui a ensanglanté la Bretagne du XIXe siècle et dont Jean Teulé a romancé l’histoire dans Fleur de tonnerre et, last but not least, Marion Fraisse, la jeune fille poussée au suicide il y a dix ans par ses camarades qui la harcelaient… Que voulez-vous, c’est à ces deux criminelles et à cette victime innocente qu’étaient consacrés les trois premiers slams de mon spectacle, alors puisque j’ai les textes sous les mains, j’interprète ceux-là ! Mais l’ambiance est enjouée malgré tout et ma prestation ne semble pas saper le moral du public : avant de repartir à mon stand, pour ne pas partir sur une note trop sombre, je joue « Bienvenue en Finistère » : interpréter un tel texte dans ce cadre, en surplomb du port de commerce, face à la rade de Brest, c’est un rêve ! Je suis tellement ému que je bafouille plus que de raison sur ce texte que je devrais pourtant connaître par cœur… Mais peu importe : mon honneur bafoué hier est sauvé !

18h55 : Alors que les concerts continuent à battre leur plein (nous avons même eu droit à la prestation d’un duo sympathique et chaleureux), un coup de vent assez fort envoie par terre mes exemplaires de Blequin reporter : ce n’est pas la première fois en deux jours, mais c’est celle de trop ! Je remballe, bien conscient que je n’aurai de toute façon plus de client pour les caricatures. Le bilan est satisfaisant, même si je n’ai finalement gagné qu’un complément bienvenu mais modéré au bénéfice impressionnant de la Foire aux croûtes. Tout n’est cependant pas perdu puisqu’on m’a proposé de venir planter mon stand à Recouvrance dans le cadre de festivités prévues en juillet…

19h : Remballer mes affaires n’a pas été long : tout est déjà entassé dans mes sacs et dans ma valise. Pour ne pas partir comme un voleur, je tiens compagnie à deux amies qui sirotent quelques bières, me voilà donc le cul dans l’herbe avec elles (mon jean est déjà vieux et le salir ne me gêne pas), les pieds à nouveau chaussés car j’ai peur de marcher sur un morceau de verre et, surtout, les oreilles protégées par mon fidèle casque antibruit, la journée se terminant avec le même DJ qu’hier...

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