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Retour vers nos racines
Depuis quelques années, sous l’impulsion de chefs comme Arnaud Marchand et Jean-Luc Boulay, la cuisine boréale est à la mode au Québec et semble devenir une vraie tendance de notre gastronomie. Elle suit le même mouvement que la cuisine autochtone « moderne » qui prend ses racines dans notre terroir nordique pour magnifier ses ressources comestibles, qu’elles soient plantes, champignons, fruits, bourgeons ou racines.
Témoigne de cet engouement la publication depuis une douzaine d’années de livres de recettes et d’initiation aux plantes sauvages comme Gourmand boréal , de Michèle Genest (2010), Saveurs boréales , d’Agro-Boréal (2012), Le garde-manger boréal , d’Arnaud Marchand et Jean-Luc Boulay (2017), Forêt, de Gourmet sauvage (2019), ou Cuisine sauvage, de Simon-Pierre S. Murdock (2021).
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Petit à petit, ces livres et ces chefs nous font découvrir de beaux produits de la cueillette sauvage, en forêt boréale notamment, et montrent la voie pour réduire l’utilisation de certains aliments et épices venus d’ailleurs et les remplacer par des plantes et fruits sauvages d’ici.
Des saveurs boréales dans l’assiette Porte-étendard de la cuisine d’inspiration nordique, Arnaud Marchand, chef de Chez Boulay-Bistro boréal à Québec, restaurant qu’il a ouvert avec Jean-Luc Boulay, comme leur Comptoir boréal, estime que chaque chef peut avoir son interprétation de la cuisine boréale. Lui-même ne renie pas ses origines et propose depuis plusieurs années une cuisine française faisant la part belle aux ingrédients nordiques pour leurs saveurs et textures inédites. Ainsi en va-t-il de sa blanquette de veau du Québec aromatisée au myrique baumier plutôt qu’au clou de girofle ou de sablés à la fleur de mélilot plutôt qu’à la vanille.
Plusieurs épices boréales remplacent ainsi facilement le romarin, le basilic ou le poivre de Sichuan dans la cuisine du chef, mais, parmi ses préférées, il cite les racines de céleri sauvage, le poivre des dunes (chaton de l’aulne crispé) et les aiguilles de peuplier baumier.
La cuisine autochtone d’aujourd’hui
Les Premières Nations, qui ont été les pionnières en matière d’utilisation des ressources naturelles dans leur alimentation, sont une source d’inspiration pour tous ceux qui s’intéressent à la cuisine boréale, y compris évidemment des chefs d’origine autochtone comme Martin Brisson. Le chef propriétaire de La Galouïne à
De gauche à droite et de haut en bas
De la fleur de sumac pour accompagner le poisson, du thé du Labrador pour goûter à l'une des richesses de nos forêts québécoises, la fleur de mélilot pour remplacer la vanille dans vos recettes sucrées et de la myrique baumier plutôt que des clous de girofle pour aromatiser vos plats principaux.



Tadoussac, et de la boutique Terroir Boréal, est convaincu que la cuisine autochtone témoigne du savoir-faire de leurs ancêtres cueilleurs et chasseurs, mais doit s’adapter à la cuisine contemporaine. Sa boutique regorge de produits concoctés avec les richesses de la forêt boréale (poudres de petits fruits nordiques, thé du Labrador aromatisé, confits et tartinades aux bleuets et airelles sauvages, épices et aromates, champignons séchés…). Sans compter des prêts-à-emporter issus de la carte du restaurant, dont une trilogie de saumon fumé maison ou la cuisse de canard confite aux herbes boréales.

D’origine malécite, Maxime Lizotte rappelle pour sa part que, dans les temps anciens, la cuisine autochtone en était une de subsistance. À la tête d’un service de chef privé et d’une boutique (produits Wigwam), celui qu’on a vu à MA.tv, dans l’émission Le Cuisinier locavore , s’identifie plutôt comme « u n créateur culinaire aux valeurs ancrées dans ses racines autochtones ». Il utilise les produits de la terre ou de la mer les plus locaux possible et de façon responsable « p arce qu’ils sont précieux ». Et adore remplacer les ingrédients importés par des ingrédients d’ici, issus si possible de plantes sauvages.
Fini le romarin, vive les aiguilles de conifères ! F inies les herbes de Provence, vive la comptonie voyageuse ! L es baies de genièvre nordique assaisonnent son gravlax ou sa choucroute, tandis que les graines de carotte sauvage, les fleurs de mélilot et les bourgeons de peuplier baumier parfument ses desserts préférés. En ce qui concerne les sauces, le raisin sauvage est selon lui à découvrir pour le gibier, et le sumac, pour le poisson.
D’autres ne jurent que par les sauces à base de baies indigènes, les hamburgers à la moutarde boréale et au ketchup de baies sauvages, le homard cuit au gin de bleuets, la crème de champignons à la poudre de cèdre ou le tartare de bœuf aux jeunes pousses de conifères… Et on est loin d’avoir fait le tour de tous les trésors de la forêt ou du littoral boréal !

Produits phares
La forêt boréale regorge de produits uniques, des boutons de marguerite qui viennent parsemer nos plats d’une acidité croquante, au thé du Labrador que les autochtones utilisaient pour ses vertus thérapeutiques, en passant par le sapin baumier, bien présent sous nos latitudes, gourmandise des orignaux, et dont l’odeur rappelle Noël. Mais ce sont les champignons qui, depuis quelques années, tiennent la vedette au Québec. On apprend à les trouver et à les cuisiner. Chanterelles, pleurotes, bolets, cèpes, morilles et truffes. Truffes ? Eh oui, on trouve de tout dans nos forêts !

