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Le Saint-Laurent dans notre assiette
Porte d’entrée du continent, le fleuve Saint-Laurent représente l’une des plus formidables réserves d’eau douce au monde. Un bassin titanesque qui foisonne en espèces comestibles. Pourtant, la population du Québec ne consomme qu’une fraction de ses ressources. Explications et pistes de solutions avec l’océanographe et amoureux du fleuve Guillaume Werstink.
Un riche terroir maritime Algues, crustacés, poissons ou mollusques, le Saint-Laurent constitue un vaste garde-manger garni d’espèces comestibles. Or, plus de 80 % d es produits de la mer québécois sont exportés sur le marché international ou ailleurs au Canada, selon différents organismes. Au point où nous en sommes réduits à importer des fruits de mer provenant de la pêche étrangère. Cette situation en laisse plus d’un perplexe, d’autant plus que nous disposons de ces mêmes ressources dans notre cour.
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« L e Saint-Laurent nous offre des produits de très grande qualité, lance d’emblée Guillaume Werstink, océanographe et cofondateur de Chasse-Marée, un organisme visant à promouvoir et à valoriser les ressources maritimes d’ici. Le problème, c’est que l’industrie s’est organisée en vue de l’exportation. C’est beaucoup plus facile pour un acteur industriel important de remplir un conteneur et de l’exporter que de ravitailler une multitude de points de chute locaux », ajoute-t-il.
Des espèces à apprivoiser
La méconnaissance de certaines espèces constitue également un obstacle à leur commercialisation : « Mon poissonnier m’a confié qu’il pourrait s’approvisionner en oursins, mactres de Stimpson ou bourgots, mais qu’il craint de les perdre puisque les gens ne savent pas quoi en faire, ajoute Guillaume Werstink. Je crois qu’on a perdu un savoir-faire quant à la préparation et à la manipulation de certains produits de la mer. »
G uillaume Werstink donne l’exemple d’autres régions du monde, où le patrimoine culinaire reste ancré d’une génération à l’autre. « P renez un marché à Barcelone : c’est rempli de poissons entiers et de coquillages. Les gens les achètent tels quels, rentrent chez eux et les apprêtent », indique-t-il.
Un homme qui récolte des algues en bordure du fleuve Saint-Laurent, une des richesses de notre estuaire qui tend à gagner en popularité auprès des Québécois. Guillaume Werstink, océanographe et chef de projet en pêche et en aquaculture de formation, et Emmanuel Sandt-Duguay, pêcheur aguerri, sur leur bateau. Ils sont les fondateurs de l'organisme Chasse-Marée, situé à Rimouski, qui vise à promouvoir la pêche responsable et à faire découvrir les ressources maritimes du Québec.

Une solution collective
Cet enjeu aux dimensions complexes nécessite donc une réponse multifactorielle, selon l’expert. « Pour commencer, il faut rebâtir la culture de la consommation des produits de la mer, réapprendre à les apprêter et à les préparer, explique le scientifique. Si la demande augmente pour ces produits, les poissonniers n’hésiteront plus à les offrir à leur clientèle. »
Certains acteurs du milieu, lassés de voir ces ressources maritimes précieuses s’échapper aux mains d’étrangers, ont fondé Mange ton Saint-Laurent, un collectif qui réunit chercheurs, chefs, artistes, professionnels de la santé et entrepreneurs souhaitant faciliter l’accès aux ressources comestibles du fleuve. Faisant partie de ce mouvement, la chef Colombe St-Pierre milite depuis plusieurs années pour inciter les épiceries et poissonneries du Québec à offrir les produits du Saint-Laurent. Elle-même se fait un devoir (et un plaisir !) d’inscrire les trésors gourmands de la mer au menu de son restaurant Chez Saint-Pierre, installé au Bic, dans le Bas-Saint-Laurent, afin de les faire découvrir à ses clients. Flétan, oursin, thon, crabe des neiges, pétoncles, bourgots, algues, huîtres sont quelquesuns des produits de la mer succulents apprêtés à merveille par la chef.
D’après Guillaume Werstink, les grandes épiceries ont également un rôle à jouer pour faciliter l’accès aux produits maritimes, de la mer à l’assiette. Il salue d’ailleurs les initiatives de Metro pour les mettre de l’avant : « I l s’agit d’une bannière où l’on trouve les plus belles poissonneries, indique-t-il. Il faut non seulement offrir ces produits à la clientèle, mais aussi fournir davantage d’information sur leur origine et la méthode de pêche. C’est un élément de marketing très vendeur. »


Produits phares
Sous le charme du SaintLaurent, nous sommes encore à l’orée de nos découvertes. Des algues comestibles ? Le fleuve regorge de ces trésors riches en minéraux, vitamines et antioxydants. Et qui ne connaît pas les crevettes de Matane ? Petite, rose et très savoureuse, la crevette de Matane est la princesse du fleuve Saint-Laurent depuis les années 1960. À son embouchure, le fleuve cache un autre délice, un emblème de notre gastronomie : le crabe des neiges. Depuis plus de 50 ans, le Canada fournit près de deux tiers de l’approvisionnement mondial en crabe des neiges. Aux premiers arrivages, dès avril, il est exquis.



