
4 minute read
Lampe Chiara de Mario Bellini
LA FORME PRÉCÈDE LE DESSIN
Dans les années 1960, la scène du design italien est marquée par une forte effervescence expérimentale. Les designers italiens réinventent l’industrie du meuble, en mettant à profit les nouvelles technologies permettant de travailler avec des matériaux inédits.
Advertisement
Mario Bellini né en 1935, qui débute sa carrière en 1963 chez Olivetti, fait partie de cette génération dorée.
En 1969, il livre à Flos un prototype en carton d’une lampe inédite, conçue de manière très originale, comme il explique lui-même dans le livre :
« Mario Bellini. Furniture,
Machines & Objects », édité chez Phaidon en 2015 :
« Un jour, dans mon studio, l’idée m’est venue à l’esprit que nous pourrions utiliser la lumière telle qu’elle se manifeste dans notre quotidien – rarement directement, mais quasiment toujours de façon réfléchie ou filtrée par les nuages, les murs de la ville ou de son intérieur. J’ai décidé de dessiner un dispositif qui prendrait la lumière d’une source artificielle et la renverrait dans notre environnement avec intelligence et grâce. J’ai pris des ciseaux, un gros morceau de carton, et j’ai commencé à découper quelque chose qui pourrait être transformé en un cylindre avec un large chapeau en deux parties sur le dessus qui agit comme un réflecteur de la source lumineuse logée dans la base. » Bellini expliquera par la suite comment le travail sur la forme a précédé les dessins de la lampe « J’ai décidé de dessiner un dispositif qui prendrait la lumière d’une source artificielle et la renverrait dans notre environnement avec intelligence et grâce. »

elle-même. La lumière est dynamique, car elle prend naissance dans la base, puis frappe l’écran supérieur qui la réfléchit et lui permet de s’ouvrir dans l’environnement. Même lorsqu’elle est teinte, cette lampe se distingue par une identité forte et charismatique, avec une image qui est à la fois un projet, une instance et une mise en scène. Facétieux, Bellini baptise sa création Chiara, un mot qui est à la fois un prénom, en l’occurrence celui d’une de ses filles, et signifie « claire ». Cet adjectif colle parfaitement à cette lampe qui propose une nouvelle façon de produire de la lumière dans les intérieurs. Sergio Gandini, l’emblématique patron de Flos, accueille cette maquette rudimentaire avec enthousiasme. Il fait travailler ses équipes sur un premier prototype, constitué d’une feuille de métal dont la base est découpée en trois endroits afin d’assurer sa stabilité et de fixer la douille de l’ampoule. La Lampe Chiara est donc vendue dans un emballage à plat (flatpack), constitué d’une seule feuille d’acier inoxydable poli que l’usager doit enrouler et plier pour lui donner sa forme finale. Cette volonté d’impliquer l’utilisateur final dans la fabrication de ses objets est alors en plein boom. Il suffit de songer à la Mama de Gaetano Pesce, un fauteuil autogonflant grâce à des gaz rares, désormais interdits, qui donnent sa forme finale à cette assise en mousse. Ou à Enzo Mari, qui préconise cette intervention dans tous ses objets. L’automne dernier, Flos a décidé de ressortir la Chiara de ses cartons et d’en livrer une version modernisée, réactualisée par Mario Bellini lui-même. Le liseré en caoutchouc, qui borde la feuille de métal, a été complètement retravaillé pour devenir plus solide, tandis que l’ampoule, qui faisait autrefois chauffer le cylindre, a été remplacée par une source LED avec variateur. Quant à l’intérieur du cylindre, sa surface est traitée pour concentrer au mieux la lumière. Bellini a aussi planché sur deux nouveaux coloris, gris foncé et or rose, et il a donné à Chiara une petite sœur, une version miniature que l’on peut poser sur un meuble, une table basse ou sur les étagères d’une bibliothèque. Cinquante ans après sa sortie, la Chiara demeure en effet une lumière idéale pour la lecture… « Le soir venu, il faut allumer la lumière. Je n’aime pas les lampes qui montrent des ampoules parce qu’elles agacent les yeux. J’ai donc toujours conçu des lampes comme je les aime. Réfléchir d’abord à la manière de faire la bonne chose quand il fait noir et ensuite à la forme à donner à cette lumière. J’ai donc conçu une lampe en forme de bonne sœur qui laisse sortir la lumière de son chapeau blanc », raconte Mario Bellini dans le volume « Le design expliqué aux enfants », publié par Bompiani. Mario Bellini continue son activité avec passion et en portant une grande attention aux détails. Il a été récompensé huit fois par le prestigieux prix Compasso d’Oro. 25 de ses créations font partie de la collection permanente du MoMA de New York, qui lui a consacré une rétrospective en 1987.

› Texte : Davide Galluccio
Photos : Flos - www.flos.com
Alessandro Furchino Capria