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Le Casino Display remplace l’ancienne galerie Konschthaus Beim Engel
UNE NOUVELLE PLATEFORME POUR SOUTENIR LES JEUNES ARTISTES
Depuis février 2021, le Casino Luxembourg a repris la programmation de l’ancienne galerie Konschthaus Beim Engel. Entièrement rénové et rebaptisé Casino Display, le nouvel espace se veut une plateforme d’orientation, d’échange, de travail et de recherche avec les écoles d’art de la Grande Région. Le but est de promouvoir et de soutenir la très jeune création.
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Pendant 40 ans, l’édifice a abrité la galerie d’art Konschthaus Beim Engel, directement gérée par le ministère de la Culture.
Composé de deux anciennes maisons contiguës « Helle » et « Engel », l’immeuble est établi entre la porte
« Hellepuert », marquant l’entrée de la rue Large, et la rue de la Loge, visà-vis de la tourelle portant la phrase
« Mir wölle bleiwe wat mir sin ».
Avec leurs façades libres sur trois côtés, les deux bâtisses font partie intrinsèque du « Fëschmaart » (ou
Marché-aux-poissons en français), le cœur historique de la vieille ville de
Luxembourg. Les constructions originales remontent au Moyen Âge et ont subi plusieurs transformations et accommodements au cours des siècles, n’ayant pas été épargnées par les vicissitudes de l’histoire.
Ces deux maisons, réunies en une seule entité, ont été reconnues comme patrimoine architectural en 1961 et acquises par l’Etat en 1980 et 1981. Pendant 40 ans, le rez-dechaussée et les sous-sols ont été utilisés comme espaces d’exposition pour jeunes artistes luxembourgeois ou étrangers. Cette galerie d’art publique « Konschthaus Beim Engel » a fermé ses portes le 1er septembre 2019. Souhaitant élargir son champ d’action, le ministère de la Culture a décidé au printemps 2019 de confier au Casino Luxembourg la gestion du lieu totalement réinventé. L’objectif est de soutenir spécifiquement les jeunes artistes qui sont encore dans les écoles d’art, au moyen principalement d’une résidence d’artiste sur une période de six mois. Ce dispositif s’inscrit dans le prolongement naturel du programme de résidences que le Casino a mené depuis 2010. Premier jeune artiste à bénéficier de ce coup de pouce, Andrea Mancini est un musicien, artiste sonore et plasticien multidisciplinaire luxembourgeois d’origine italienne. Pour mettre en place cette nouvelle affectation, les locaux ont fait l’objet d’un remodelage complet. La mission de réaménagement du bâtiment a été attribuée en août 2019 au bureau d’architecture NJOY ; l’objectif de cette démarche voulue par le ministère de la Culture et l’administration des Bâtiments publics étant une plus grande fonctionnalité des lieux pour les années à venir. Les travaux de rénovation, réalisés en collaboration avec le Service des sites et monuments nationaux, se sont étalés de septembre 2020 à février 2021. Ils ont permis une remise à niveau générale du rez-de-chaussée et des caves, nécessitant des adaptations techniques et une remise à neuf en termes de parachèvement. Permettant d’accéder à des ➔
Entièrement rénovée, l’ancienne galerie d’art est devenue le Casino Display, un espace d’échange et de recherche autour de la jeune création.

Christine Walentiny, coordinatrice de la programmation du Casino Display, et Nathalie Jacoby, architecte d’intérieur (NJoy)
endroits jusqu’alors enfouis, le chantier a également donné lieu à des recherches archéologiques qui ont conduit à une datation plus précise des éléments constituants du bâti. Pour ce qui est du réaménagement des intérieurs, les principes-clés ont été d’obtenir plus de clarté et de fluidité, à travers notamment l’uniformisation des sols, l’intégration de cimaises et l’élévation des faux-plafonds. NJOY a prôné une approche basée sur le dialogue et dans le respect de l’ancien, tout en insufflant une note contemporaine à l’architecture des lieux. Nathalie Jacoby, NJOY : « Notre approche a été d’assagir l’expression trop rustique que le lieu avait accumulée au fil des interventions passées, afin de retrouver les qualités intrinsèques de l’espace historique. Une fois ces couches enlevées, l’application de monochromes donne plus de fluidité et de lisibilité à l’espace. Son expression est comme adoucie, son ambiance éclaircie ce qui permet également une meilleure visibilité depuis l’extérieur à travers les vitrines. À certains endroits, des implants contemporains ont été rajoutés, comme un petit espace de lecture, une cellule d’eau pour un artiste en résidence ou des cimaises en forme de triptyque dans les caves voûtées. » Le projet a également compris la création d’un logement dans la partie arrière du bâtiment, ce qui était une condition indispensable pour la mise en place de la résidence d’artiste. Cet aménagement a impliqué des autorisations spécifiques tenant compte du contexte historique du bâtiment. « Notre approche a été d’assagir l’expression trop rustique que le lieu avait accumulée au fil des interventions passées, afin de retrouver les qualités intrinsèques de l’espace historique. »
Nathalie Jacoby, architecte d’intérieur (NJoy)




Exposition « Ons zerschloen Dierfer » Diekirch
LA RECONSTRUCTION D’APRÈS-GUERRE : UNE ÉPOQUE TOURMENTÉE ET SOLIDAIRE
Jusqu’au 5 septembre 2021, la Ville de Diekirch présente la double exposition « Ons zerschloen Dierfer - Der Wiederaufbau Luxemburgs (1944 - 1960) », consacrée à la reconstruction du Luxembourg après la Deuxième Guerre mondiale.
L’exposition se décline en deux volets dans les deux musées de la ville, le Musée national d’histoire militaire et le Musée d'histoire[s]
Diekirch (dans la Vieille Eglise
Saint-Laurent).
Cette exposition est importante à plus d’un titre. Elle ramène à la mémoire un épisode difficile du 20e siècle, qui, après plusieurs décennies, continue de hanter les esprits. Grâce à un savant mélange de photos, de films et de témoignages, l’exposition montre les conséquences de la guerre, de l’occupation allemande et des combats qui menèrent jusqu’à la libération du Luxembourg en février 1945. On a du mal à s’imaginer aujourd’hui l’envergure de la dévastation que le pays a connu à cette époque : en particulier dans les régions nord et est, des villages entiers et leurs infrastructures publiques
Carine Welter, directrice du Musée d’histoire[s] Diekirch, et Benoît
étaient réduits en ruines. La situation générale de l'approvisionnement était précaire, tout manquait. La reconstruction du pays s’est étalée sur plusieurs années et a mobilisé les efforts conjoints de la société civile et des responsables politiques. Pour mieux comprendre la portée de cette double exposition, nous nous sommes entretenus avec ses curateurs, Carine Welter, directrice du Musée d’histoire[s] Diekirch, et Benoît Niederkorn, directeur du Musée national d’histoire militaire.
Wunnen : Comment et pourquoi a surgi l’idée de cette exposition ? Les curateurs : Lors d’une réunion, le Musée national d’histoire militaire (MNHM) avait évoqué la planification d’une exposition de petite envergure sur ce sujet. Après un brainstorming, il est devenu très vite clair que les deux musées (MNHM et MHsD – Musée d’histoire(s) Diekirch) pouvaient joindre leurs forces et réaliser une exposition plus importante, montrant comment l’histoire nationale, locale et militaire s’est entremêlée à maintes reprises. La ville de Diekirch est un parfait exemple de cette imbrication, en raison de son passé lié à la Deuxième Guerre mondiale et de l’inauguration en 1955 des casernes au Herrenberg. Après l’Offensive des Ardennes, la ville se trouvait dans état désolant. C’est grâce au courage de ses habitants qu’elle a pu être reconstruite et modernisée assez vite après la guerre, devenant ainsi de nouveau attrayante aux yeux du public national et international.
L’exposition montre l’étendue de la dévastation dans le pays après la guerre – pourquoi est-il important de mettre en lumière cette période douloureuse ? Ce pan de l’histoire constitue un pilier non négligeable de la richesse du Grand-Duché tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il nous semblait ainsi important de montrer comment le pays s’est reconstruit après une guerre dévastatrice. Il s’agit aussi de comprendre les choix politiques ou autres qui ont dû être pris très rapidement, dans une situation hors norme. Des choix qui ont encore souvent des répercussions dans la vie actuelle. Au niveau de la recherche, c’est une période dont les études n’ont pas encore été très approfondies. De ce fait, l’un des buts de l’exposition est de sensibiliser le public à cette histoire et de l’ancrer dans la mémoire collective. En effet, il y a maints monuments commémorant l’Offensive des Ardennes, mais aucun qui valorise le courage et la performance des gens qui ont reconstruit leur pays.

Quels sont les principes qui ont prévalu à la reconstruction des villages et bâtisses ? Il fallait tout d’abord reconstruire au plus vite les demeures privées partiellement sinistrées, afin d’assurer le relogement des personnes. Ceci ne se fit pas toujours dans un souci d’esthétique, mais plutôt pour répondre à la nécessité de la fonctionnalité et de la réintégration des familles dans la vie quotidienne. Au-delà des évaluations officielles sur les dégâts ➔

subis et validés par l’Office des dommages de guerre et le Commissariat général à la reconstruction, la réédification de ces maisons dépendait de la volonté politique et de la main d’œuvre locale. Ce furent surtout les habitants eux-mêmes qui s’entraidaient pour faire avancer les chantiers privés. Dans une deuxième phase, l’Etat libérait de la main d’œuvre nationale et du matériel de construction, rare au temps d’aprèsguerre immédiat, pour l’édification de maisons neuves. Reconstruire à l’identique se fit ainsi, dans certains cas, par la nécessité de trouver des solutions au plus vite ; à d’autres endroits, cette option était écartée en conséquence des nouveaux plans d’urbanisme rédigés par l’Etat en vue de la modernisation. Il en fut un peu autrement pour les bâtiments publics. En effet, ici la volonté de la sauvegarde du patrimoine prévalait et les nouveaux plans en tenaient compte.
L’exposition est richement documentée et illustrée – quel travail de recherche est-ce que cela a représenté pour vous ? A-t-il été facile d’accéder aux documents ? Pour commencer, il fallait s’initier au sujet, ce qui requérait la lecture d’ouvrages thématiques déjà existants. Parallèlement, nous avons fouillé diverses archives,communales, nationales, etc., et bibliothèques afin de découvrir quel matériel existait et quel sujet avait déjà été traité. Les sources sont très variées : documents publics et privés, magazines, journaux, registres communaux etc. Il n’était pas toujours évident d’y voir
clair, car la plupart des documents n’avaient pas encore été travaillés. Mais, au fur et à mesure, nous avons pu dresser beaucoup de parallèles à travers les différents sujets. De belles découvertes fortuites furent évidemment aussi au rendez-vous : ainsi, un appel à la commune de Dudelange a suffi pour que nous puissions consulter un grand dossier d’évaluation des dégâts matériaux subis lors des bombardements à Diekirch ; un dossier que le secrétaire zélé avait retrouvé quelques jours auparavant par chance lors d’un rangement. Ou encore la découverte du plan d’urbanisme pour Diekirch signé par l’urbaniste d’Etat en fonction H. Luja lors des fouilles dans un dépôt communal provisoire. Beaucoup de photos sont issues de la Photothèque de la ville de Luxembourg, mais aussi d’archives de personnes privées. La plupart des documents étaient ainsi assez simples d’accès, mais il fallait les trouver !
Vous avez scindé l’exposition en deux volets, dans les deux musées… L’idée de présenter le sujet sur deux niveaux faisait partie du concept. Le premier volet, exposé au MNHM, raconte la grande histoire, l’histoire nationale du pays au temps de l’aprèsguerre : comment procèdent l’Etat et son gouvernement pour gérer la reconstruction ? Quelles sont les aides nationales et internationales qu’ils mettent en œuvre ? La deuxième partie, relevée par le MHsD, retrace la petite histoire au niveau local : comment la ville de Diekirch et ses habitants ont-ils vécu la reconstruction ? Comment ont-ils pu profiter des aides (inter)nationales ? Très vite, le visiteur peut tisser les liens directs et indirects entre les deux parties.
Au-delà de son contenu historique, l’exposition vibre également par de nombreuses histoires humaines et témoignages de survivants… Pourquoi était-il important pour vous de développer ce volet ? Les témoignages d’époque, même

Albert Leer, l’un des architectes ayant participé à la reconstruction des villages.
s’ils restent des constructions interprétatives personnelles et risquent parfois être victimes de l’oubli de la mémoire, demeurent une immense richesse. Les récits humains nous transmettent des impressions et un vécu propre qu’on ne peut pas cerner lors des recherches dans les sources écrites. Ce sont ces histoires personnelles qui font revivre les moments intenses du passé, et on se rend souvent compte à quel point ces émotions vécues sont encore aujourd’hui ancrées dans les esprits et ont formé des générations, pour le bien et pour le pire. Nous sommes de ce fait très reconnaissants pour chaque entretien que nous avons pu mener et nous avons été très touchés par les histoires qui nous ont été confiées.
Quelles sont les grandes leçons que l’on peut retenir de cette expérience de la reconstruction, à la fois traumatisante et source de grands efforts collectifs ? La réponse à cette question est ambiguë : d’une part, on a ressenti une forte solidarité au sein de la population, comme le prouve le programme
intercommunal des adoptions qui a été mis en place après la guerre. On a aussi constaté le soutien des pays vainqueurs – nous pouvons mentionner les exemples de la ville Mount Vernon (Iowa-USA) qui adopta la ville de Diekirch pour la soutenir matériellement, ou encore du « Don suisse ». D’un autre côté, les ressentiments étaient aussi très présents et continuent d’ailleurs de scinder certaines familles encore aujourd’hui. Force est de constater que cette époque était régie par un Zeitgeist hors pair et que le courage et l’envie de vivre des gens étaient énormes.
Depuis l’ouverture de l’exposition, quel est le feedback que vous avez reçu de la part du public ? Nous avons le sentiment que les gens sont heureux de voir le projecteur braqué sur cette période de l’histoire. Pour beaucoup de visiteurs, c’est encore du vécu. D’autre part, le moment est venu de sortir cette époque de l’ombre et d’inviter des passionnés à creuser les recherches.
L’exposition est-elle appelée à voyager dans le pays, pour être présentée dans d’autres lieux ? Oui, c’est ce qu’on espère ! L’exposition a été conçue pour être itinérante, sur des supports légers et facilement manipulables.
› « Ons zerschloen Dierfer », jusqu’au 5 septembre 2021
Musée national d’histoire militaire, 10,
Bamertal, L-9209 Diekirch www.mnhm.net
Musée d'histoire[s] Diekirch, Al Kierch, 13, rue du Curé, L-9217 Diekirch