Ibilka20

Page 5

PORTRAIT

PAGE 5 DATES CLÉS

1932 Naissance aux Aldudes.

1953

Entrée au Domaine de La Motte, le couvent des sœurs missionnaires, à Lamasquère.

1962

1975

En Argentine, elle travaille avec les sœurs Alice et Léonie, assassinées par la dictature militaire.

Elle quitte les ordres en compagnie de quinze autres religieuses.

ELLE MARCHE CONTRE LE VENT

HAIZEAREN AURKA DABIL Aldudarra sortzez, Gaby Etchebarnek kontinente guziak kurritu ditu lelo batekin : behartsuak lagundu, injustizien kontra borrokatu eta hitza berriz eman ez dutenei.

IL

nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions des soupçons à l'égard des immigrés, pas cette société où l'on met en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis… » (1) Ces mots de Stéphane Hessel, Gaby Etchebarne aurait pu les écrire, comme l'apophtegme de sa vie. Complice, elle nous sourit. Maitea, la chatte noire princesse des lieux, paresse sur la table du salon. Gaby la caresse tendrement. De son petit appartement, dans l'un des derniers quartiers populaires du centre de Toulouse, elle a fait une sorte d'oasis urbaine où très souvent se retrouvent amis et rencontres du moment. C'est d'ailleurs là, dans la petite cour - que l'on pourrait dire des Miracles - enguirlandée de verdure, que Robert Dumont, son éditeur chez Karthala, l'a rencontrée pour la première fois : « C'est une femme qui a une détermination et une passion intérieure pas possibles. » Les années qui passent ne les atténuent en rien. Au contraire. Et si elle accepte de parler d'elle, c'est uniquement >> pour évoquer ses combats. Sur sa jeunesse, elle reste laconique. Une naissance au petit village des Aldudes, à une époque où l'euskara était la langue de tous : « J'ai appris le français à l'école, à sept ans…», une adolescence écrasée par la vie « communautaire » : « Nous avions une existence “tribale”, nous étions trente-six cousins germains dans ce petit village ! Pour partir, il fallait choisir quelque chose qui plaise à la tribu. J'ai opté pour le couvent à Lamasquère, près de Toulouse. » Un souvenir douloureux. « J'ai pleuré huit jours dans ma cellule. J'y suis restée cinq ans. » Elle raconte les privations de nourriture, l'improbité des sœurs supérieures… « Il y aurait beaucoup à écrire sur la vie monacale », soupire-t-elle. En 1962, son monastère l'envoie à Mojón, près de Buenos Aires. Elle y restera six ans à travailler auprès des pauvres, en compagnie notamment d'Alice Domon et Léonie Duquet, deux sœurs assassinées ensuite par la junte militaire (2). Puis ce sera le Brésil, toujours auprès des plus démunis dans les bidonvilles, « nous avions fait une école dans un vieux wagon ». Plus tard, le Laos, jusqu'en 74 : « Je vivais dans une hutte, nous faisions davantage du social que de l'évangélisation, ils étaient animistes et nous respections leurs croyances. » 1975, marque un grand tournant. En compagnie de quinze autres sœurs du couvent, elle décide de quitter les ordres.

Croire, c'est être du côté des pauvres, lutter pour la justice…

Débute alors une vie de militante, pas très éloignée de celle de la religieuse. Installée à Toulouse « où étaient tous mes copains », elle exercera divers petits métiers, sera « virée » pour activité syndicale, « mais l'entraide était là. » Un mot référence qui aura donné le tempo à toute son existence, ici ou ailleurs. Gaby accompagnera les Motivé-e-s à Sarajevo pour réclamer la paix, elle ira même rencontrer Yasser Arafat en Palestine. Les murs du petit appartement en témoignent encore avec cette affiche de l'Intifada et une dédicace de Leila Shahid, alors déléguée générale de l'Autorité palestinienne en France : « À Gaby, en souvenir d'une belle soirée de solidarité avec la Palestine. » Ses combats, aujourd'hui plus sédentaires, n'en restent pas moins solidaires comme en témoigne son engagement auprès de CCFD-Terre Solidaire, une ONG catholique qui défend les populations des pays du Sud ou encore Alternatiba, mouvement écologiste né au Pays basque. Et lorsqu'on lui demande ce qui la pousse ainsi toujours vers les autres, elle sourit et nous renvoie à sa première vie : « Croire, c'est être du côté des pauvres, lutter pour la justice. Je suis toujours croyante, mais en désaccord avec les évêques et les curés. » À l'image de Stéphane Hessel, elle fait partie assurément partie de « Ceux qui marchent contre le vent » ! Maider Bedaxagar, qui l'a rencontrée à Toulouse et a eu envie de préparer un livre d'entretiens avec elle, témoigne : « Elle a passé sa vie à analyser la vie des autres et personne ne s'est intéressé à la sienne. » De passage à Toulouse pour des raisons professionnelles, la jeune femme allait régulièrement boire le café chez Gaby. Elle est tombée sous le charme. « Je la connaissais par ses livres, et on s'attache très vite à elle, on ne peut pas faire autrement. Elle est intemporelle, ouverte à tout. Elle a un côté éternel, on ne peut la classer nulle part. » Dans son dernier livre – le huitième – Gaby Etchebarne dresse les portraits d'artistes de cirque originaires d'Amérique latine, des exilés, comme ceux qu'elle avait rencontrés au Pays Basque (3). « J'ai longtemps vécu à l'étranger, et j'y ai vu tellement de misère que j'avais envie de parler de leur simplicité, leur chaleur…» Avant de nous quitter, Gaby nous informe malicieusement : « J'ai fait le test ADN et je suis basque à 100% ! » Qui en aurait douté ? (1) Stéphane Hessel, Indignez-vous, Indigène Éditions, collection « Ceux qui marchent contre le vent ». (2) Elle leur consacrera un livre, Sur les pas des Disparues d'Argentine (1976-1983), Karthala, 2015.

Mots-clés/Hitz gakoak Injustice : injustizia Solidarité : elkartasun Éxilés : erbesteratuak Latinos : latinoak


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.