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Le modèle éthiopien fortement fragilisé En 2017, le pays était célébré par la Banque mondiale comme l’économie la plus dynamique de la planète. Mais cet État très endetté démontre que l’investissement public atteint ses limites.
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Addis-Abeba, la capitale.
l’augmentation du prix des aliments de base, la hausse du chômage, le ralentissement de la croissance et l’augmentation de la pauvreté », analyse la Banque mondiale. Comme tous les pays africains qui ont considérablement emprunté à la Chine pour financer des infrastructures, l’Éthiopie est face à un mur de dette, renforcé par la crise sanitaire. Le pays doit ainsi rembourser 66 millions de dollars d’intérêts arrivés à échéance cette année pour un emprunt de 1 milliard de dollars. Incapable d’y
faire face, le gouvernement a annoncé début février qu’il sollicitait le G20 pour une restructuration de la dette. Ce pays de la Corne de l’Afrique perd de son éclat, conquis par une croissance moyenne du PIB de 8,5 % durant les années 2000, puis de 9,6 % depuis 2010. Le pays est alors comparé à une petite Chine : un « État développementiste », un peu marxiste et dirigiste, où le gouvernement contrôle et gère l’économie. Le modèle repose sur l’investissement public (23 % du PIB) dans les infrastructures (barrage
AFRIQUE MAGAZINE
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414 – M A R S 2021
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a carte postale a très vite vieilli. En quelques mois, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec ses 115 millions d’habitants, est passé d’un modèle de développement pour tous les pays du continent à un profond sujet d’inquiétude. Depuis sa nomination en 2018, le Premier ministre réformateur Abiy Ahmed a troqué sa couronne de lauriers de prix Nobel de la paix en 2019 – pour son rapprochement avec l’Érythrée – contre l’habit militaire de chef de guerre en 2020. Début novembre, le pouvoir central a en effet livré des combats avec la rébellion du Front de Libération du peuple du Tigré (FLPT), au nord du pays. Si officiellement la guerre est terminée, le conflit, qui évolue en crise humanitaire, ravive les dissensions ethniques, fragilisant l’unité du pays. L’Éthiopie est également frappée par des inondations et la pire invasion de criquets pèlerins depuis vingt-cinq ans, menaçant la sécurité alimentaire. Enfin, le pays a affronté, lui aussi, l’impact du nouveau coronavirus. À 7,4 % en 2019, la croissance du PIB n’aurait progressé que de 3,2 % en 2020. « Le choc du Covid-19 devrait être transitoire avec une reprise potentielle possible en 2021, mais l’impact économique négatif global sur l’Éthiopie sera substantiel, avec