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Le modèle éthiopien fortement fragilisé
from AM 414
BUSINESS
Le modèle éthiopien fortement fragilisé
En 2017, le pays était célébré par la Banque mondiale comme l’économie la plus dynamique de la planète. Mais cet État très endetté démontre que l’investissement public atteint ses limites.
La carte postale a très vite vieilli. En quelques mois, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec ses 115 millions d’habitants, est passé d’un modèle de développement pour tous les pays du continent à un profond sujet d’inquiétude. Depuis sa nomination en 2018, le Premier ministre réformateur Abiy Ahmed a troqué sa couronne de lauriers de prix Nobel de la paix en 2019 – pour son rapprochement avec l’Érythrée – contre l’habit militaire de chef de guerre en 2020. Début novembre, le pouvoir central a en effet livré des combats avec la rébellion du Front de Libération du peuple du Tigré (FLPT), au nord du pays. Si officiellement la guerre est terminée, le conflit, qui évolue en crise humanitaire, ravive les dissensions ethniques, fragilisant l’unité du pays. L’Éthiopie est également frappée par des inondations et la pire invasion de criquets pèlerins depuis vingt-cinq ans, menaçant la sécurité alimentaire.
Enfin, le pays a affronté, lui aussi, l’impact du nouveau coronavirus. À 7,4 % en 2019, la croissance du PIB n’aurait progressé que de 3,2 % en 2020. « Le choc du Covid-19 devrait être transitoire avec une reprise potentielle possible en 2021, mais l’impact économique négatif global sur l’Éthiopie sera substantiel, avec l’augmentation du prix des aliments de base, la hausse du chômage, le ralentissement de la croissance et l’augmentation de la pauvreté », analyse la Banque mondiale. Comme tous les pays africains qui ont considérablement emprunté à la Chine pour financer des infrastructures, l’Éthiopie est face à un mur de dette, renforcé par la crise sanitaire. Le pays doit ainsi rembourser 66 millions de dollars d’intérêts arrivés à échéance cette année pour un emprunt de 1 milliard de dollars. Incapable d’y faire face, le gouvernement a annoncé début février qu’il sollicitait le G20 pour une restructuration de la dette.
Ce pays de la Corne de l’Afrique perd de son éclat, conquis par une croissance moyenne du PIB de 8,5 % durant les années 2000, puis de 9,6 % depuis 2010. Le pays est alors comparé à une petite Chine : un « État développementiste », un peu marxiste et dirigiste, où le gouvernement contrôle et gère l’économie. Le modèle repose sur l’investissement public (23 % du PIB) dans les infrastructures (barrage
Addis-Abeba, la capitale.
de la Renaissance sur le Nil bleu, ligne ferroviaire Addis-Abeba-Djibouti et une vingtaine de parcs industriels), financé par des prêts chinois. Objectifs ? Positionner l’Éthiopie comme un hub et devenir un pays à revenus intermédiaires d’ici à 2025. En 2018, Abiy Ahmed promettait la montée en puissance du secteur privé, gagée par la privatisation partielle de joyaux publics (Ethiopian Airlines, Ethio Telecom, Ethiopian Electric Power…), que le gouvernement n’a pu mener à son terme en raison des crises dans le pays. Mais les investisseurs sont aujourd’hui dans le doute. Le parc industriel de la capitale du Tigré, Mekele, qui avait l’ambition d’employer à terme 20 000 personnes, est à l’arrêt. Trois des plus grands sous-traitants mondiaux du textile, dont le bangladais DBL qui fabrique des habits pour le géant suédois de la mode H&M, ont suspendu leurs activités au Tigré. Fer de lance du développement, l’industrie manufacturière reste sous les 10 % du PIB, tandis que le revenu par habitant, d’à peine 800 dollars par personne en 2020, est l’un des plus faibles du monde.
Pour les optimistes, l’État doit d’urgence libéraliser les secteurs des télécommunications et de la banque, « première étape cruciale pour lutter contre la vulnérabilité structurelle et réduire la dépendance vis-à-vis de la dette publique », avance le Sud-Africain Irmgard Erasmus, économiste en chef chez NKC African Economics. Pour d’autres, il doit faire le dos rond, comme le suggérait à Reuters Menzi Ndhlovu, analyste principal des risques pays et politique chez Signal Risk, en décembre dernier : « Il y a très peu de moyens de s’en sortir. Ils n’obtiendront pas plus d’argent du FMI. Ils ne peuvent pas aller sur les marchés. Leur meilleur pari est de compter sur une reprise économique mondiale à partir de 2021. » ■
LES MOTS
« L’OMC ne peut pas continuer à fonctionner comme si de rien n’était. Elle a besoin de quelqu’un qui soit prêt à faire des réformes et à diriger. »
NGOZI OKONJO-IWEALA, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
« Pour le Mali, l’emploi et le capital humain sont plus importants que les ressources naturelles et minières. »
MOHAMED SALIA TOURÉ, MINISTRE MALIEN DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
« Avec plus de 600 pôles A l d 600 ôl technologiques dirigés par des jeunes en Afrique, nous devons de toute urgence prendre en compte les droits de la propriété intellectuelle pour protéger leurs innovations. » s. »
VERA SONGWE, SECRÉTAIRE EXÉCUTIVE DE LA VE DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’AFRIQUE (CEA) AFRIQUE (CEA)

« Rien ne sert de restructurer les dettes africaines à l’égard de l’Europe et des États-Unis si c’est pour contracter plus de dettes à l’égard de la Chine. Ce qu’on a quand même très souvent vu faire ces dernières années. »
EMMANUEL MACRON, PRÉSIDENT DE LA FRANCE