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CÔTE D’IVOIRE LES EXIGENCES DE DEMAIN Un portfolio de 12 pages

INTERVIEW

Abd al Malik : « L’urgence de tisser des liens »

BUSINESS

Des emplois pour la jeunesse !

+ON EN PARLE 20 pages d’une Afrique en création

Elon Musk devant une fusée SpaceX.

ILS SONTT AFRICAINS ETT CHANGENT CHANGE T LE MONDE Avec Elon Musk (sud-africain, milliardaire, défricheur), Christian Happi (chasseur de virus), Juliana Rotich (créatrice open source), Roméo Mivekannin (révolutionnaire de l’art), Moncef Slaoui (Monsieur vaccin), Debora Kayembe (universitaire engagée), Mohamed Abid (chasseur d’étoiles) et la très universelle Malika Louback (mannequin).

N °414 - M A R S 2 0 2 1 France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0

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EXPOSITION ART CONTEMPORAIN ABIDJAN VERNISSAGES GALERIE AMANI 1er avril 2021

FONDATION DONWAHI 2 avril 2021

contemporarybenin.com contact@contemporarybenin.com

édito PAR ZYAD LIMAM

L’AFRIQUE FACE À L’URGENCE Pendant que les pays riches s’écharpent pour accéder aux doses vaccinales, pendant que l’Europe se divise sous l’effet de ses égoïsmes, pendant que les Chinois et les Russes tentent d’utiliser leurs technologies vaccinales pour accroître leur influence, pendant que les États-Unis « mettent le paquet » avec une offensive à coups de milliards de dollars, l’Afrique tente de trouver une réponse à la crise du Covid-19.

Avec son milliard et quelques d’habitants et ses structures de santé précaires, le continent est en danger, même si l’épidémie semble moins virulente ici qu’ailleurs. Un danger sanitaire pour les Africains eux-mêmes, malgré leur jeunesse et leur apparente résistance. Et vecteur d’un danger plus global pour « les autres ». Certains, cyniques, pourraient « penser » une Afrique devenue territoire endémique du Covid, un peu comme le paludisme, pendant que le reste du monde s’immunise. Un calcul à très courte vue. Le monde moderne n’a plus de frontières infranchissables, et le virus (et ses mutants) peut voyager quel que soit X… En clair, si le monde veut sortir de la crise du Covid, il faut que l’Afrique (et les autres pays pauvres ou émergents) s’en sorte aussi. L’égoïsme des uns sera une condamnation pour tous. Notre sort est lié. Début mars, on est pourtant loin du compte : les trois quarts des vaccinations dans le monde ont été faites dans 10 pays uniquement, lesquels représentent à eux seuls 60 % du PIB mondial…

L’Afrique est en danger aussi parce qu’elle risque de vivre un long Covid économique et social. Avant la crise, c’était le continent jeune, en pleine croissance, en progrès, avec une vision optimiste, positive de l’avenir, pendant que le monde occidental se déprimait dans un vieillissement des âges, des mentalités, des ambitions… Aujourd’hui, un an après, les données ont radicalement changé. Malgré le bazar et les égoïsmes, les pays riches vaccinent. Les variants compliquent tout, mais les perspectives d’immunité collective à fin 2021 deviennent raisonnables.

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Ces pays ont les moyens de redémarrer rapidement leur économie. Et de dépenser des centaines de milliards d’euros pour soutenir leurs secteurs productifs.

Selon différentes études, l’Afrique, elle, devrait « attendre » jusqu’en 2024 avant de pouvoir bénéficier d’une forme d’immunité collective. Une éternité… Malgré leurs résiliences, les économies et les sociétés du continent seront durablement impactées. Coupées du monde tout d’abord, avec une limitation drastique des échanges et du tourisme.

Quatre ans sans suffisamment de moyens budgétaires pour amortir le choc et opérer la relance. Une croissance quasi nulle, qui aurait un effet immédiatement appauvrissant, compte tenu de la démographie. Enfin, les coûts à moyen terme pourraient être dramatiques. On pense en particulier à la déstructuration du secteur scolaire, à la formation des jeunes.

Et au recul sur les autres enjeux de santé collective.

En tout état de cause, l’Afrique a besoin de 1,5 milliard de doses pour mener la lutte contre la pandémie.

Elle doit pouvoir compter sur ses alliés, ses amis et sur le mécanisme Covax, tentative assez stupéfiante et encourageante de solidarité mondiale menée par l’OMS et l’ONG Gavi.

L’Afrique a besoin des autres, mais l’histoire lui a aussi appris à compter sur elle-même. Elle doit mobiliser les peuples, renforcer la lutte quotidienne et les mesures de protection collective, elle doit mobiliser ses ressources, attirer les investisseurs, montrer l’exemple en assurant une solidarité entre nations plus riches et nations plus fragiles. L’Afrique peut aussi apporter au monde son expérience des épidémies et des virus. Elle doit enfin, au-delà du pic de la crise actuelle, s’émanciper, construire progressivement son indépendance médicale et pharmaceutique.

C’est le sens de l’idéogramme chinois du mot « crise ». Il se compose de deux caractères. L’un signifie « danger », l’autre « opportunité », le moment à saisir. ■ 3

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ÉDITO L’Afrique face à l’urgence

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TEMPS FORTS 32

À L’AVANT-GARDE !

Elon Musk : L’homme qui voulait sauver le monde (et être riche)

Ikoqwe, duo de choc

40

Moncef Slaoui : Le tsar des vaccins

PARCOURS Nyaba Leon Ouedraogo

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par Zyad Limam

ON EN PARLE

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C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN

26

par Fouzia Marouf

29

par Cédric Gouverneur

44

C’EST COMMENT ?

Test or not test ?

par Cédric Gouverneur

Côte d’Ivoire : Les exigences de demain par Zyad Limam

70

Abd al Malik : « L’urgence de tisser des liens » par Fouzia Marouf

Malika Louback : Djibouti style ! par Zyad Limam

Christian Happi : Relocaliser la recherche par Cédric Gouverneur

par Emmanuelle Pontié

90

58

46

VINGT QUESTIONS À…

Céline Banza

Mohamed Abid : Rien n’est impossible par Frida Dahmani

par Astrid Krivian

48

Juliana Rotich : La pionnière des TIC en Afrique par Emmanuelle Pontié

50

Roméo Mivekannin : Aux sources d’un art royal par Fouzia Marouf

56

Debora Kayembe : La rectrice d’Édimbourg

P.70

par Emmanuelle Pontié

P.06

CÔTE D’IVOIRE LES EXIGENCES DE DEMAIN Un portfolio de 12 pages

INTERVIEW

Abd al Malik : « L’urgence de tisser des liens »

BUSINESS

Des emplois pour la jeunesse !

+ON EN PARLE 20 pages d’une Afrique en création

Elon Musk devant une fusée SpaceX.

ILS SON NT AFRICAINS ET CHANGEN CHANGENT LE MONDE N °414 - M A R S 2 0 2 1 France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0

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04/03/2021 22:30

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Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps.

Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com

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AFRIQUE MAGAZINE

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AMANDA ROUGIER - CATARINA LIMÃO

Avec Elon Musk (sud-africain, milliardaire, défricheur), Christian Happi (chasseur de virus), Juliana Rotich (créatrice open source), Roméo Mivekannin (révolutionnaire de l’art), Moncef Slaoui (Monsieur vaccin), Debora Kayembe (universitaire engagée), Mohamed Abid (chasseur d’étoiles) et la très universelle Malika Louback (mannequin).

FONDÉ EN 1983 (37e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Laurence Limousin

llimousin@afriquemagazine.com RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Glez, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.

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VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF

avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.

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Être jeune et sans emploi, une fatalité ?

Ford investit 1 milliard de dollars en Afrique du Sud Lesieur Cristal rêve d’Afrique Le modèle éthiopien fortement fragilisé Afreximbank sort de l’ombre La dette à nouveau une source d’inquiétude

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AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

par Jean-Michel Meyer

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Décoder les anomalies des ongles Comment combattre le stress par Annick Beaucousin et Julie Gilles

AFRIQUE MAGAZINE

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31, rue Poussin - 75016 Paris.

SAS au capital de 768 200 euros.

PRÉSIDENT : Zyad Limam.

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet.

Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.

Commission paritaire : 0224 D 85602.

Dépôt légal : mars 2021.

P.42

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La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2021.

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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage

Les deux hommes se mettent en scène dans un duo fictionnel venant d’une autre galaxie, Iko et Coqwe.

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MUSIQUE

IKOQWE DUO DE CHOC Le DJ et producteur Batida et le rappeur angolais Ikonoklasta signent un MANIFESTE SONORE HYBRIDE politique.

CATARINA LIMÃO - DR

IKOQWE, c’est le chef de file de l’électro portugaise Pedro Coquenão, alias Batida (né à Huambo, en Angola, et élevé à Lisbonne), et le rappeur activiste angolais Luaty Beirão, alias Ikonoklasta. Amis de longue date, ils ont déjà collaboré sur deux disques avant de livrer aujourd’hui l’histoire d’un duo fictionnel venant d’une autre galaxie, Coqwe et Iko, qui découvre, stupéfait, le monde fou dans lequel nous évoluons. Le tout sur une trame mariant électro, rap et musiques traditionnelles angolaises. Son (beau) titre ? The Beginning, the Medium, the End and the Infinite.

Ici, les deux personnages réagissent « en étant politiques, provocateurs ou simplement complètement stupides », commente Batida. Ce qui fait la richesse des chansons. « En tant qu’artiste, il est vraiment difficile d’éloigner les questions sociales de mes propositions, explique le producteur. Ce n’est pas que je n’aime pas simplement danser, rire et célébrer l’amour. Une piste de danse est déjà une déclaration énorme à ce que nous avons négligé au fil des ans, mettant l’accent AFRIQUE MAGAZINE

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sur la performance plutôt que sur l’expression. Peut-être qu’un jour, je ne pourrai m’exprimer qu’à travers les instruments et la danse… Mais pour l’instant, je continue d’essayer de raconter quelque chose. » Dont acte avec son complice Ikonoklasta, qui a signé une grande partie des paroles, tandis que lui fouillait dans les archives de l’International Library of African Music, y dénichant puis samplant des sons captés en Angola durant les années 1950 par l’ethnomusicologue Hugh Tracey.

Le tout est nourri de featurings conséquents, de Spoek Mathambo à Kamicasio, ce qui les « rapproche le plus d’avoir un groupe parfait » : « Spoek est un ami depuis nos débuts.

C’est tellement facile de travailler avec lui. Avec Octa Push, nous avons pris du temps pour finalement nous réunir. Et concernant Celeste/Mariposa, je suis vraiment fier qu’il s’agisse de son premier enregistrement.

Au-delà des collaborations, ma relation avec Ikonoklasta est précieuse : c’est comme travailler avec son frère ou son ami d’enfance… » Ensemble, ils rendent hommage non seulement aux possibilités de la planète, mais aussi aux trésors cachés de la culture angolaise. ■ Sophie Rosemont BATIDA APRESENTA IKOQWE, The Begining, the Medium, the End and the Infinite, Crammed Discs.

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ON EN PARLE

Dans Kanawa, elle chante l’amour, la tolérance, les traditions.

SOUNDS

À écouter maintenant !

❶ Céline Banza

Praefatio, Bomayé MusikAfrica

NAHAWA DOUMBIA

L’HYMNE AU MALI La CÉLÈBRE CHANTEUSE s’adresse à la jeunesse dans son quinzième album. « NE PARS PAS. » C’est ce que signifie le titre de son nouvel opus, Kanawa. À qui la Malienne parle-t-elle ? Certainement pas à celui qu’elle aime : cette féministe dans l’âme a toujours milité pour les droits de ses sœurs. Non, elle parle aux jeunes de son pays, déchiré entre une politique exsangue et des attaques terroristes, où le chômage et la précarité sont indéniables, mais valent toujours mieux que de se retrouver sous une tente, dans le froid, dans un pays étranger et hostile. Dans Kanawa, elle chante aussi l’amour, la tolérance, les traditions et le pouvoir qu’on peut ressentir en affirmant ses convictions. Pour l’accompagner, des cordes maliennes, telles le n’goni et le kamale n’goni, des guitares, des percussions et boîtes à rythmes… Ainsi que sa fille, Doussou Bagayoko, sur « Adjorobena ». Le tout enregistré par son complice de toujours, N’gou Bagayoko, qui trouve le juste équilibre entre sonorités contemporaines et le didadi. ■ S.R. NAHAWA DOUMBIA, Kanawa, Awesome Tapes From Africa.

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❷ Gaidaa

Colors Live in NYC, ColorsxStudios Produite avec la structure Colors, cette poignée de chansons enregistrées en live à New York illustre ce que la soul peut offrir de plus élégant et authentique. Élevée aux Pays-Bas par des parents soudanais amoureux de leur tradition, la jeune Gaidaa est aussi bien influencée par Amy Winehouse que par Jazmine Sullivan et Anderson .Paak, sans oublier ses origines. Un beau mélange servi avec une acoustique qui résonne juste.

❸ Dominique Fils-Aimé Three Little Words, Modulor

Révélée par le télécrochet canadien La Voix en 2015, la Montréalaise a sorti son premier album plutôt bluesy, Nameless, en 2018.

L’année suivante, elle remportait le prix Juno de l’album de jazz vocal avec Stay Tuned! Dans ce troisième opus, Three Little Words, Dominique Fils-Aimé explore un territoire plus soul, parfois titillé par des échos funk, et dénonce le racisme systémique américain. D’une grande élégance. ■ S.R.

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EDOARDO GENOVA - DR (4)

D I DA D I

C’est en français et en ngbandi que chante cette jeune artiste congolaise [lire p. 90], remarquée depuis quelques saisons pour la douceur pénétrante de son timbre, mais aussi la fermeté de son engagement.

Cette ancienne ethnomusicologue cultive un folk acoustique et mélodique qui permet de mettre en avant ses textes. Le glaçant « Sur le pavé », « Legigi No Gbi » ou encore « Na Mileli » parlent d’un monde qui ne tourne pas toujours rond, et « Mbi Ndo Yemo » et « Mbi Gwe » des disparus qui nous manquent.

EXPO

REGARDS CROISÉS

« COLORS OF ABSTRACTION 2 » retrace la vitalité de l’art contemporain d’Abidjan à Casablanca, via les travaux de trois artistes phares.

UN TOTEM CONSTELLÉ de tonalités pop, des tabourets dentelés d’éclats vifs, symboles d’une génération d’artistes incarnant une néo-esthétique entre l’Afrique et l’Amérique latine : la 193 Gallery poursuit son tour d’art contemporain africain avec un nouveau group show, « Colors of Abstraction 2 ». Cette exposition réunit trois artistes phares, dont l’Ivoirien Jean Servais Somian, designer et sculpteur hors pair qui excelle dans l’art du bois, sa matière de prédilection, en transformant des pirogues en sofas.

La Marocaine Ghizlane Agzenai, elle, sublime la création de totems colorés et monumentaux, présentés en 3D en avril dernier via Emerge, projection murale sur l’un des plus hauts immeubles de Casablanca. Enfin, les œuvres de la Brésilienne Valentina Canseco évoquent la fameuse cagette, objet de récupération si présent en Afrique, que cette artiste ravive au cœur de sa géométrie, son trait dynamique faisant écho par touches flashy à la veine urbaine de Ghizlane Agzenai. ■ Fouzia Marouf « COLORS OF ABSTRACTION 2 », 193 Gallery, Paris (France), jusqu’au 31 mars (les dates peuvent évoluer avec l’actualité). 193gallery.com

Les tabourets Dentelle de Jean Servais.

IDEROSEN - GHIZLANE AGZENAI - VALENTINA CANSECO

Matrice 18, de Valentina Canseco.

Totem Naos, de Ghizlane Agzenai.

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ON EN PARLE INTE RVIEW

Jimmy Jean-Louis, citoyen du monde Rendu célèbre grâce à la série américaine Heroes, le comédien haïtien basé à Hollywood travaille également sur le continent. À l’affiche du drame nigérian La Convocation, il a en outre remporté le prix du meilleur acteur aux Africa Movie Academy Awards pour son rôle dans le thriller burkinabé Desrances.

qui méritent une visibilité internationale. C’est un rôle complexe. Dans un contexte de guerre civile en Côte d’Ivoire, mon personnage est pris dans différents engrenages, jusqu’à plonger dans une certaine folie. Il veut à tout prix avoir un fils pour perpétuer son nom. Interrogeons-nous : pourquoi la transmission du nom se fait-elle par le père, et non par la mère ? Pourquoi les femmes n’ont-elles pas la place à laquelle elles ont droit dans la société ? Et puis, ce héros, haïtien comme moi, est en quête de ses racines. J’ai aussi beaucoup de questions sans réponse à ce sujet. Savoir d’où l’on vient est très important pour mieux se comprendre.

Surtout pour les peuples noirs qui ont été déracinés pendant une période. Donc recevoir l’Africa Movie Academy Award du meilleur acteur au sein d’un continent de 1,3 milliard d’habitants est d’une grande importance pour moi. J’appartiens à l’Afrique. Depuis quinze ans, je vais vers elle et collabore avec ses talents. Et si je peux établir un pont entre l’Afrique et les États-Unis, les Caraïbes, et l’Europe, alors…

Vous trouvez votre équilibre entre ces trois continents ?

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Comment préparez-vous un nouveau projet ?

Et avez-vous une technique de jeu ?

La Convocation, de Kunle Afolayan, est disponible sur Netflix.

Oui, j’ai tracé ainsi mon chemin. Le septième art va se diriger vers l’Afrique, inéluctablement. C’est le continent le moins exploré, on a deux cents ans de cinéma devant nous !

On ne connaît pas ses pays, ses histoires, ses rois et reines, etc.

J’essaie de faire un projet par continent par an. Recommencer une vie dans un pays inconnu est devenu normal pour moi. Découvrir des cultures, des gens, des langues est une expérience excitante. Je m’adapte aux règles du métier, différentes selon les contrées. J’oublie le fonctionnement d’un tournage hollywoodien quand je suis au Nigeria.

Quelle est la différence entre un rôle dans un film et un dans une série ?

Dans un feuilleton, on connaît très vite son personnage, ça devient une routine. Le pouvoir est entre les mains des producteurs et des studios, un acteur ne peut pas changer un mot de son texte. Grâce au succès planétaire de Heroes, j’ai acquis une notoriété, je recevais des messages du monde entier. C’est touchant. Au cinéma, le travail artistique est beaucoup plus profond. On a le temps et la latitude pour composer son personnage.

On échange avec la réalisatrice ou le réalisateur.

Je n’ai pas de méthode. J’ai été formé par mon expérience de vie très riche, qui m’a mené de Haïti à mes galères parisiennes, de l’Espagne à l’Italie, de l’Afrique du Sud à l’Angleterre… J’ai été danseur, je sais comment jouer avec le corps, la présence, le regard. Le travail de préparation diffère selon les rôles.

Par exemple, pour incarner le personnage historique de Toussaint Louverture dans le téléfilm du même nom, il a fallu me documenter, lire, échanger avec des historiens, apprendre à me battre à l’épée, monter à cheval. Prêter mon visage à ce général et homme politique haïtien représentait un enjeu fort pour moi.

Comment fait-on sa place dans l’univers impitoyable de Hollywood ?

Mon parcours a forgé ma force mentale. Je savais ce que je pouvais apporter de différent, ça aide à garder le cap. On commence alors à vous faire confiance, mais c’est un travail très long. Il faut croire en soi-même, persévérer. Et ma rencontre avec Nelson Mandela, à 24 ans, a été déterminante. Nous avons longuement échangé, notamment sur la révolution haïtienne et ses artisans, dont il s’est inspiré. Cela m’a donné la foi pour réaliser mes rêves. Ce n’était pas le refus d’un directeur de casting ou d’un agent qui allait m’intimider. Plus rien ne pouvait m’arrêter. ■ Propos recueillis par Astrid Krivian AFRIQUE MAGAZINE

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MOUROT - DR

AM : Qu’est-ce qui vous a intéressé dans Desrances, dont vous êtes aussi coproducteur ?

Jimmy Jean-Louis : J’aime défendre des histoires méconnues,

Margaux Wong

COURTESY OF THE ETHICAL FASHION INITIATIVE IN PARTNERSHIP WITH THE EUROPEAN UNION

DESIGN

Des bijoux zéro déchet

Transformer les MATIÈRES PREMIÈRES disponibles en œuvres d’art à porter, c’est la devise de cette talentueuse designeuse guyanaise basée au Burundi.

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L’AMOUR DE LA CRÉATRICE pour les bijoux remonte à la période où elle vivait en Guyane et composait ses créations avec tout ce que la forêt amazonienne avait à offrir. Après avoir suivi son mari au Burundi il y a onze ans, il lui a fallu trois années pour retrouver son inspiration : « Je suis partie voir ce que faisaient les artistes dans la région. C’était intéressant, mais il y avait énormément de plastique et de produits chinois. Je voulais absolument utiliser des matériaux sourcés localement, durables. » Quand elle découvre des objets en corne de vache, elle a un déclic. Aujourd’hui, avec l’aide d’une quarantaine d’artisans dans tout le pays, elle en fait des œuvres d’art à porter, sous la forme de bijoux, masques, ceintures ou pochettes.

Sa dernière collection, « Glorious », comprend des créations qui rappellent des armures ou des boucliers et représentent la capacité des humains à surmonter les obstacles. Les bagues et les colliers en forme de feuilles ou racines, en laiton sculpté à la main, rendent hommage à la nature luxuriante du Burundi et à ses paysages. Si la crise sanitaire l’a poussée à repenser son modèle économique, Margaux Wong bénéficie néanmoins du support de l’Ethical Fashion Initiative, un programme qui soutient les designers africains. La marque devrait bientôt débarquer en Europe et développer de nouveaux bijoux en or, argent et pierres précieuses (rigoureusement locales). margauxwong.com ■ Luisa Nannipieri

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ON EN PARLE BANDE DE S S INÉ E

GUERRIER DE LÉGENDE

RIRE AVEC SANKARA COMÉDIE

INSPIRÉ D’UNE HISTOIRE VRAIE, ce récit raconte la vie de Yussuf, un jeune homme originaire de la tribu des Makua, au Mozambique.

Enlevé à la fin du XVIe siècle par des trafiquants portugais et réduit en esclavage, il est racheté par Alessandro Valignano, un jésuite italien, dont il devient le valet et le garde du corps. Après un périple qui le conduit dans l’Empire du soleil levant, il voit sa vie basculer lorsqu’un seigneur de guerre des plus puissants, Oda Nobunaga, fasciné par sa stature, sa puissance et sa clairvoyance, exige son rachat. Rebaptisé Kurusan, littéralement « monsieur noir », il gagne rapidement l’amitié et l’estime de son nouveau maître, qui en fait son homme de confiance et l’élève au rang prestigieux de samouraï. Le scénario de ce premier tome est efficace, le dessin précis et convaincant. Très documenté, il nous plonge dans le Japon de la fin de l’époque Sengoku. ■ Catherine Faye

Le CHE GUEVARA AFRICAIN est au cœur d’un film burkinabé, qui réussit à jouer avec la mauvaise conscience politique du pays.

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THIERRY GLORIS ET EMILIANO ZARCONE, Kurusan, le samouraï noir : tome 1, Yasuke, Delcourt, 56 pages, 14,95 €.

ROMAN

EN EAUX TROUBLES ON POURRAIT PRESQUE entendre sa voix.

Posée. Comme si elle prenait le temps de dire. Mot à mot. De choisir soigneusement la parole exacte.

D’en mesurer toute la portée. Son écriture suit la pensée. Elle inspire.

Elle expire. Dès les premières lignes de cette nouvelle intrigue sombre et inquiétante, Marie Ndiaye nous aspire, nous prend dans sa toile et nous englue dans les méandres de relations complexes et furieuses.

Entre thriller et roman social, son douzième récit explore les angles obscurs d’un triangle infernal : une avocate de seconde classe, une mère qui a tué ses trois enfants pour se venger de son mari, et ce même mari que la femme de loi croit avoir rencontré lorsqu’elle avait 10 ans.

Les images troubles de l’enfance télescopent l’horreur de l’infanticide.

La confusion des passions et la puissance de la solitude s’interpénètrent.

De l’autre côté des frontières morales, nous voilà confrontés aux fragilités, parfois insurmontables, à l’indicible et aux actes ultimes comme seule délivrance. Une plongée brûlante dans l’âme humaine. ■ C.F. MARIE NDIAYE, La Vengeance m’appartient, Gallimard, 240 pages, 19,50 €.

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DR

APRÈS LE FILM D’ARCHIVES (Capitaine Thomas Sankara, du Suisse Christophe Cupelin, 2014), après l’évocation poétique (Sankara n’est pas mort, de la Française Lucie Viver, 2019), voici une fiction 100 % burkinabée, autour de la célèbre figure africaine de l’anti-impérialisme !

Une comédie qui recourt à quelques archives, mais aussi à des effets spéciaux drolatiques.

C’est l’histoire d’un cadre supérieur d’une multinationale qui pille l’or d’un pays imaginaire (la République d’Afrique de l’Ouest, comme dans Un président au maquis, précédente production d’Afrique Films, 2016). Dans sa jeunesse, c’était pourtant un sankariste convaincu, mais alors qu’il négocie une promotion, le voilà confronté au fantôme de l’ancien président burkinabé, qui vient titiller sa mauvaise conscience sur le thème de « l’Afrique aux Africains ». Le rythme n’est pas toujours au rendez-vous, mais l’interprétation et la qualité de la réalisation assurent le spectacle et le rire sur un sujet politique toujours sensible. ■ Jean-Marie Chazeau SANKARA ET MOI (Burkina Faso), de Laurent Goussou-Deboise et Hilaire Thiombiano.

Avec Désiré Yaméogo, Claire Tipy.

DOCU

L’ORDRE DE TUER ?

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Un film édifiant sur les coulisses de la mort du journaliste JAMAL KHASHOGGI, démembré dans l’enceinte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul.

LE 2 OCTOBRE 2018, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi entrait dans le consulat de son pays à Istanbul pour ne plus en ressortir. Dix-huit jours plus tard, Riyad finissait par reconnaître qu’il avait été tué dans ses locaux diplomatiques, où il était simplement venu récupérer des papiers pour son remariage. Détail sordide : son corps avait été démembré pour le faire disparaître. Une affaire au retentissement mondial, cachant de lourds secrets : de quoi passionner le réalisateur américain Bryan Fogel. Son précédent documentaire, Icare (2017), sur le dopage de sportifs russes, lui avait valu un Oscar et empêche aujourd’hui Moscou d’envoyer des athlètes aux prochains Jeux olympiques de Tokyo et de Pékin…

Dans sa nouvelle enquête, il reprend la même forme, celle du thriller, et les mêmes ingrédients : un lanceur d’alerte (ici, un jeune opposant saoudien réfugié au Québec), des documents inédits (fournis par les services secrets turcs, jusqu’à la bande-son du bruit de la scie à os…) et des témoignages de première main (dont celui de la fiancée du journaliste, Hatice Cengiz, venue l’accompagner à la porte du consulat). Mais AFRIQUE MAGAZINE

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c’est aussi une analyse claire et percutante de la mainmise du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) sur la pétromonarchie des Saoud, avec des moyens modernes.

Jamal Khashoggi n’avait pourtant rien d’un opposant radical : avant d’écrire pour le Washington Post et d’être forcé de quitter son pays et sa famille, il avait cru en la capacité d’ouverture du régime, créant même une chaîne d’information publique… fermée au bout de 24 heures pour avoir donné la parole à des opposants à l’intervention au Yémen.

Le film démontre également comment le régime a usé de toute son influence pour lutter contre les Printemps arabes, et comment il contrôle les opinions de sa population via Twitter, réseau social auquel huit Saoudiens sur dix sont abonnés ! Il a même été jusqu’à hacker le téléphone de Jeff Bezos, le propriétaire du Washington Post et patron d’Amazon, qui diffuse le film… Contrairement à Netflix qui n’a pas voulu prendre le risque. ■ J.-M.C. THE DISSIDENT (États-Unis), de Bryan Fogel.

Disponible sur la plupart des plates-formes de VOD. 13

ON EN PARLE

JOHNY PITTS, Afropéens : Carnets de voyages au cœur de l’Europe noire, Massot Éditions, 560 pages, 24,90 €.

JA Z Z

Un OPUS AMBITIEUX, engagé et nécessaire, comme tout ce qu’entreprend le compositeur américain depuis quelques années.

EN 1982, UN JEUNE HOMME NOIR, nommé James Mincey Jr., est tué par des policiers blancs à Los Angeles. Il fait partie des disparus auxquels Adrian Younge rend hommage aujourd’hui, mais pas que… À l’occasion du mois de l’histoire des Noirs aux États-Unis, le compositeur, producteur et directeur du label Jazz Is Dead – dont nous suivons de près les parutions, lesquelles convoquent des figures cultes comme Doug Carn ou Roy Ayers – propose un album solo et pluridisciplinaire : The American Negro. « Ce nouveau projet dissèque les mécanismes cachés d’une forme de racisme aveugle, utilisant la musique comme un médium capable de restaurer la dignité et l’estime de soi des Afro-Américains comme moi », déclare-t-il. L’album, un spoken word raffiné où se croisent jazz et soul, est accompagné de la sortie d’un court-métrage qui revient sur l’assassinat de James Mincey Jr. ainsi que d’une série de podcasts. ■ S.R. ADRIAN YOUNGE, The American Negro, Jazz Is Dead.

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PA R C O U R S

ITINÉRAIRE D’UN AFROPÉEN EN QUÊTE de son « afropéanisme », l’auteur recueille dans son nouvel ouvrage les témoignages d’Européens issus des diasporas africaines. Et tente de comprendre comment elles composent avec leur identité hybride, leurs influences plurielles, leur expérience sociale sur un continent où subsistent racisme, inégalités, injustices.

D’activistes afro-surinamais à Amsterdam à des étudiants de l’Université russe de l’amitié des peuples en banlieue de Moscou, en passant par un ancien militant anti-apartheid près de Stockholm ou un restaurateur soudanais exilé à Berlin, l’auteur établit un lien entre le présent et l’histoire. Sur les pas de l’écrivain jamaïcain Claude McKay à Marseille, il voit en celle-ci la « Mecque afropéenne », lui donnant un profond sentiment d’appartenance. Sa démarche empirique, de connaissance « par la plante des pieds » pour citer le Suisse Nicolas Bouvier, s’étoffe d’éléments historiques et convoque des figures emblématiques (James Baldwin, Frantz Fanon…).

Un ouvrage foisonnant, esquisse d’une vaste mosaïque multiculturelle, qui témoigne, en dépit des difficultés, de la créativité et de la résistance de ces Afropéens qui font bouger les lignes du Vieux continent. ■ A.K. AFRIQUE MAGAZINE

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ADRIAN YOUNGE BLACK LIVES MATTER

FASHION PPS/BESTIMAGE

T E N DA N C E

Défilé de mode prêt-à-porter printemps-été 2021 à Paris, le 1er octobre 2020.

HAUTE COUTURE BAYADÈRE À 30 ans, le Nigérian KENNETH IZE puise dans le patrimoine textile de son pays d’origine pour des coupes contemporaines de luxe.

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IL TRAVAILLE avec de l’aso oke du Nigeria, une étoffe à larges rayures multicolores tissée à la main par le peuple yoruba pour confectionner les vêtements traditionnels des grandes occasions, et de la crêpe de soie brodée d’Autriche. Jugeant que l’Afrique a « mieux à montrer » que le wax, le jeune créateur se refuse à travailler ce tissu inspiré du batik indonésien, industrialisé en Europe, puis adopté par le continent, auquel il est aujourd’hui associé. Pour Kenneth Ize, le luxe signifie « quelque chose qui est fait avec soin ». Tout commence par la fabrication : « Quand je fabrique mon propre tissu, c’est là que la magie opère. » En se concentrant sur la réinterprétation de l’artisanat nigérian, il a su créer un univers original dans le monde de la haute couture. Ses coupes audacieuses ont déjà conquis Beyoncé, Naomi Campbell, Donald Glover, Adwoa Aboah ou encore Imaan Hammam, la première à s’élancer, il y a un an, avec une minijupe matelassée à rayures et une veste à fermeture éclair au col en entonnoir, lors de son très remarqué défilé parisien, durant la Fashion Week. Né à Lagos et diplômé de l’université des arts appliqués de Vienne, Kenneth Ize sait ce qu’il veut.

Finaliste en 2019 du prestigieux prix LVMH pour les jeunes créateurs de mode, il est désormais basé dans sa ville natale, où il choisit ses couleurs et ses fils sur les marchés. Une palette foisonnante et joyeuse. Mais l’homme partage aussi son temps entre Vienne, Paris et l’Italie. Là où il peut enfin faire connaître au monde entier ses collections bigarrées. Zébrées d’une infinité de lignes. kennethize.net ■ C.F. 15

ON EN PARLE

A F R O B E AT

JOEBOY

Une légende en marche

Plus de 500 millions de streams à ce jour, et ce n’est pas fini…

Ce NIGÉRIAN DE 23 ANS débarque en force sur la scène pop internationale avec son premier album, Somewhere Between Beauty & Magic.

de sortir, la réception correspond à tout ce que je pouvais rêver… J’habite entre Londres et Lagos, mais en ce moment même, je me trouve au Nigeria où, heureusement, nous sommes moins touchés par le coronavirus qu’en Europe.

Nous prenons beaucoup de précautions afin de ne pas nous retrouver confinés…

Et c’est ici que vous avez plongé, très tôt, dans le bain de la musique ?

Oui, mon père était claviériste à l’église, ma sœur chantait dans une chorale, et mon grand frère jouait de la guitare, notamment avec I.D. Cabasa.

Parfois, après l’école, je les rejoignais en studio. J’ai commencé à écrire et à chanter vers l’âge de 15 ans, et c’est en étant repéré par Mr Eazi, en 2017, que tout a changé. Il m’a introduit et protégé dans cette jungle qu’est l’industrie de la musique.

Somewhere Between Beauty & Magic fait le grand écart entre l’électro-pop européenne et l’afrobeat. En quoi est-ce important de cultiver ce mélange des genres ?

La beauté de la musique, c’est de brasser large, de proposer 16

d’autant que je suis le seul chanteur les alliances les plus improbables, et de l’album, il n’y a pas de featurings… néanmoins efficaces, autour de sujets Il y a déjà assez à faire avec toutes fédérateurs comme l’amour, de proposer des sentiments, une performance, un état les émotions qui me traversent. d’esprit. J’écoute énormément d’artistes C’est votre côté Gémeaux, de pays différents, du Portugal à la vous qui êtes né un 21 mai ?

France, en passant par l’Amérique latine Oui, je suis une personne et le Royaume-Uni… Cependant, Lagos ambivalente, qui peut connaître reste ma source. C’est là où j’ai grandi, des très hauts et des très bas, être découvert le pouvoir de la musique, euphorique et surexcitée, puis très où l’on me manifeste calme quelques heures beaucoup de soutien et plus tard… Mais sans d’amour depuis le début de perdre de vue mon ma carrière. Grâce à Internet objectif : compter dans et aux réseaux sociaux, le paysage de la pop le monde a compris à quel culture internationale. point notre scène est riche, Que le nom de Joeboy vibrante, accueillante, que efface la négativité des Fireboy et des Omah Lay et l’anxiété du monde. comptent. C’est à Lagos que Surtout en ce moment, JOEBOY, Somewhere Between se trouvent toutes les racines il faut se réapproprier Beauty & Magic, de mon album. le bonheur que peut emPawa apporter la musique.

Est-ce pour cette raison Africa/Because Music. que vous avez choisi de faire appel à un producteur différent pour chaque chanson, dont des pointures de l’afrobeat comme E Kelly, Killertunes ou Dëra ?

Oui, car j’aime travailler avec des personnes diverses pour conférer un maximum de texture à mes textes,

Quel est l’artiste actuel avec qui vous aimeriez faire un duo ?

Aya Nakamura. Je suis son plus grand fan ! Je veux qu’elle sache que j’adore sa voix, son univers, et que l’on pourrait partager un grand moment ensemble… ■ Propos recueillis par DR

AM : Pour commencer, comment allez-vous ?

Joeboy : À merveille. Mon album vient

Sophie Rosemont

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HORS CADRE

Une exposition où les silhouettes monumentales de MAHI BINEBINE se débattent pour exister.

Comme un appel d’air.

« HORIZON OBLIQUE », Comptoir des Mines Galerie, Marrakech (Maroc), jusqu’au 30 mars 2021 (les dates peuvent évoluer avec l’actualité). comptoirdesminesgalerie.com

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L’HUMAIN EST AU CENTRE DE SON ŒUVRE. Qu’il peigne, sculpte, écrive ou s’implique dans des actions sociales, cet artiste total fragmente, dilue et libère l’individu. Le désir, les tourments, les énigmes l’inspirent. La vie l’aspire. Ses personnages s’entremêlent, s’interrogent. Parfois fusionnent. Le monde devenant un prolongement organique, un être à part entière. Au cœur de cette quête d’identités multiples, de délivrance aussi, il explore la condition humaine, dénonce, cherche à comprendre, à réparer.

La beauté émotionnelle de ses productions est immédiate. Pour ce plasticien à la joie de vivre communicative, l’art et la mémoire sont indissociables. La création atemporelle. Ses œuvres ont rejoint la collection permanente du musée Guggenheim de New York, de l’Institut du monde arabe, et de nombreuses galeries et collections privées. Quatre-vingt d’entre elles sont exposées dans le nouveau centre d’art contemporain marrakchi. Une ode à la liberté. ■ C.F. AFRIQUE MAGAZINE

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L I T T É R AT U R E

BEYROUK LE FIL DE L’HORIZON

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Un drame intime qui est aussi le DRAME DE TOUT UN PAYS. La confrontation entre deux civilisations.

Entre deux mondes.

« JE VEUX effacer de ma mémoire le reste, annihiler ce qui fait souffrir, ne retenir que ces images édéniques où tu t’accrochais à moi, ivre sur les plages du bonheur. » Le dernier livre de Beyrouk est un récit à deux voix, qui va et qui vient, entre l’amour contrarié d’un père et l’égarement de son jeune fils. Deux monologues qui se répondent sans le savoir. Et au cœur desquels se joue une tragédie humaine et sociale, que le désir fou du premier pour la mère du second n’a pu absoudre. Car la femme qui relie ces deux êtres incarne ce que l’un et l’autre ne seront jamais : des citadins nantis, issus d’une lignée privilégiée.

Le père demeure le descendant d’une tribu bédouine, un homme du désert. Le fils, hybride, est un errant à l’identité fluctuante, enfant des faubourgs misérables de Nouakchott. Aimer l’impossible est-il un crime ? Que reste-t-il lorsque l’évidence, les injustices, le mensonge détruisent les passions et l’espoir ? Et que s’est-il passé pour que ce père ait été jeté BEYROUK, Parias, en prison ? L’auteur du Tambour Sabine Wespieser éditeur, 184 pages, 18 €. des larmes (prix Ahmadou Kourouma 2016) et du troublant Je suis seul explore une nouvelle fois les contradictions d’une Mauritanie complexe, où l’hérédité et le poids du passé imprègnent invariablement les rapports sociaux. Où la tradition et la modernité se télescopent dans un pays de sable, fleuri ici et là de concentrations urbaines grouillantes.

De cette confusion émergent l’exclusion, l’enfermement, la solitude. Des thèmes chers à Beyrouk. Car c’est peut-être là, au plus profond de la claustration, que naît la pensée.

Les deux personnages de son roman sont des parias.

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Leur introspection révèle une société en pleine mutation.

Chante un amour familial, même désespéré. Conseiller culturel à la présidence de son pays et défenseur acharné de la liberté de la presse et d’opinion, Beyrouk est né dans une tribu dont l’espace de nomadisme et de commerce allait du sud du Maroc à Tombouctou, au Mali. Il n’a de cesse d’interroger les habitudes ancestrales bédouines, le déterminisme, le rapport entre les hommes et les femmes, le silence des dunes, l’envie d’un ailleurs. Un adage nomade dit : « L’horizon est ma demeure. » Il préfigure la parution concomitante d’un autre récit poignant de l’auteur, aux éditions Elyzad, en Tunisie : Le Silence des horizons. ■ C.F.

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LE PAGNE GUINÉEN DE SITA INDIGO

Cette jeune marque de prêt-à-porter propose des pièces basiques et essentielles qui mettent en valeur ce TISSU TRADITIONNEL. RIEN DANS LA VIE ne prédestinait Nasita Fofana à évoluer professionnellement dans la mode, sauf un rêve d’enfant.

Née en France de parents guinéens, elle passe par Sciences Po, puis suit un master en droit des affaires, et devient consultante en stratégie pour un cabinet parisien. C’est dans le cadre de cette activité qu’elle remet les pieds en Guinée, où elle s’est déjà rendue quelques fois pour tourisme. Elle commence alors à s’impliquer dans la vie locale, et son travail auprès du gouvernement la sensibilise à la nécessité de créer de nouvelles occasions d’emploi dans le pays. Alors qu’elle tombe sur un artisan qui vend du pagne indigo sur le marché, elle est frappée par le potentiel de ce tissu ancestral et authentique et, en quelques mois, décide de lancer son entreprise.

La marque Sita Indigo voit ainsi le jour en mars 2019 et compte déjà deux collections de pièces basiques et modernes qui revisitent ce pagne, tissé et teint dans des coopératives artisanales guinéennes. Chaque région, chaque artisan, a sa spécialité : que ce soit tisser, dessiner et attacher 20

Ci-contre, la créatrice Nasita Fofana.

les motifs au tissu, ou bien le teindre avec une formule secrète, transmise de génération en génération. Obtenue grâce à la fermentation des feuilles d’indigotier, cette teinture bleu violacé ne pollue pas les sols, préserve la santé des teinturiers et ne consomme que très peu d’eau et d’énergie.

En plus de veiller attentivement au processus de production, fondamental pour revaloriser un tissu souvent décrié et sous-estimé, la designeuse cherche constamment à améliorer la qualité de fabrication de ses tops, robes ou pantalons. Elle envisage pour cela de délocaliser dans des usines modernes du Maghreb ses ateliers de confection de Dakar. L’objectif est de pouvoir produire en série des pièces qui se portent au quotidien.

Des modèles dernière tendance où le vrai protagoniste, ce qui en fait l’originalité, est toujours le pagne tissé. Même dans sa version lépi blanc (non teint), où l’indigo foncé est utilisé pour les motifs ou les rayures. sitaindigo.com ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE

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MODE

LÉGENDES

ASTRES DIVINS Un hommage poignant aux DIVAS DE L’ÂGE D’OR de la chanson et du cinéma arabes.

ELLES ONT VENDU des centaines de millions de disques, réuni des millions de spectateurs, tourné pour les plus grands. D’Oum Kalthoum à Warda al-Jazairia, d’Asmahan à Fayrouz, de Leila Mourad à Samia Gamal, en passant par Souad Hosni ou Sabah, sans oublier la toute jeune Dalida, ces chanteuses et actrices de légende symbolisent une véritable révolution artistique. Et plus encore un basculement sociétal en incarnant une nouvelle image des femmes. L’exposition met ainsi en lumière, à travers ces divas intemporelles, puissantes et adulées, l’histoire sociale des femmes arabes, la naissance du féminisme au sein de sociétés patriarcales, et leur participation au panarabisme et aux luttes d’indépendance.

Le voyage que propose l’Institut du monde arabe est un concentré de trésors visuels et sonores : extraits de films ou de concerts mythiques, photographies et enregistrements inédits, affiches, robes de scène somptueuses, objets personnels ou encore interviews rares.

L’exposition, qui rend hommage à ces divas à la voix d’or, aux productions cinématographiques de Nilwood (l’âge d’or égyptien), sans oublier les artistes d’aujourd’hui, est éblouissante. ■ C.F. « DIVAS : D’OUM KALTHOUM À DALIDA », Institut du monde arabe, Paris (France), jusqu’au 25 juillet (les dates peuvent évoluer avec l’actualité). imarabe.org Affiche du film libanais La Fille de Gardien (Bint al-harass), réalisé par Henry Barakat, avec Fayrouz, en 1968.

IMA - DR - ABBOUDI BOU JAWDE

Oum Kalthoum à Rabat, en 1968, photographié par Farouk Ibrahim.

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À LILLE ET LYON, LA CUISINE AFRO EST MÉTISSÉE

Avec la crise sanitaire, les restaurants se RÉINVENTENT, misant sur des menus gastronomiques qui mélangent saveurs du continent et d’ailleurs.

LES DEUX FRÈRES d’origine camerounaise Tonton Freddy et Tonton Gaudrey ont récemment ouvert un nouveau restaurant à Lille : Les Tontons Afro. Si leur premier coup d’essai, l’éphémère Burger Afro, avait eu un franc succès, cette table pousse plus loin le concept de cuisine afro Ci-dessus et ci-contre, métissée. Crise sanitaire oblige, Les Tontons Afro proposent l’incontournable Mafé burger et du click and collect à Lille. les Jerk Chicken Wings, des ailes de poulet marinées dans un mélange d’épices jamaïcaines, ont laissé la place à des menus thématiques à retrouver tous les week-ends en click and collect. Après la Saint-Valentin et l’afro-brunch, les deux frérots concoctent d’autres surprises, à découvrir sur leurs réseaux sociaux !

Plus au sud, à Lyon, c’est le chef Mathieu Filidori qui pousse le renouveau afro-culinaire avec son Cocody FoodSide. Un concept innovant, développé par ce jeune cuisinier d’origines ivoirienne, bretonne, corse et sarde, adepte de la cuisine de feeling : il prépare ses menus

Ci-dessus, le chef Mathieu Filidori livre les repas de son établissement lyonnais, Cocody FoodSide, avec son side-car.

découverte (un différent chaque semaine) dans son labo à domicile, avant de les livrer tous chauds avec son side-car.

Tout, du suprême de volaille fumée au Konro, accompagné d’une purée de patates douces à la vanille de Madagascar, au carpaccio d’ananas à la passion épicée, est cuisiné avec des ingrédients de qualité et dressé pour étonner les clients. Étant donné le soin qu’il met à préparer chaque plat, le service se réserve la veille pour le lendemain. ■ L.N. lestontonsafro.fr / cocody-foodside.fr

C R OW D F U N D I N G

AU PAYS DE DJIBRIL DIOP MAMBÉTY, un collectif mené par le cinéaste franco-sénégalais Alain Gomis donne un nouvel élan à l’industrie et à la création audiovisuelle du continent.

Le Centre Yennenga propose ainsi des formations en postproduction, soit tout ce qui se fait après le tournage (montage, étalonnage – le travail sur la couleur –, mixage audio…), encore très coûteuse car souvent réalisée en Europe. C’est aussi un lieu de rencontres et de diffusion. Déjà financé à 90 % (Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, ville de Dakar, Agence française du développement…), il a néanmoins besoin de dons et a donc lancé en ligne une campagne de crowdfunding jusqu’au 31 mars. À noter qu’une première promotion est attendue dès cette année. ■ J.-M.C. LE CENTRE YENNENGA, Dakar (Sénégal). Financement participatif sur fiatope.com.

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Ensemble pour le cinéma africain

La structure est enveloppée par une maille continue blanche, inspirée par les moucharabiehs.

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OMAR KOBBITÉ REVISITE LA GARE DE KÉNITRA

Le Marocain a livré un bâtiment qui fait office de nouveau POINT DE REPÈRE dans la ville.

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KÉNITRA ACCUEILLE l’une des cinq nouvelles gares TGV de la première ligne à grande vitesse du Maroc (et d’Afrique). Sa réalisation a été confiée à l’architecte originaire de Fès, Omar Kobbité, qui, avec Silvio d’Ascia, a voulu en faire un bâtiment remarquable, redessinant la ville. Véritable « pont habité », la gare chamboule les conventions qui veulent que le chemin de fer soit une ligne de démarcation du tissu urbain. La structure, en forme de L, comprend une passerelle aérienne chevauchant les voies ferrées et devient une artère passante bordée de boutiques. Dotés d’un double accès, les commerces séparent les espaces publics de ceux dédiés aux voyageurs.

La gare est enveloppée par une maille continue blanche, inspirée par les moucharabiehs, qui est à la fois structure, couverture, filtre solaire et élément emblématique du bâtiment. Parfois pleines, parfois habillées de cellules photovoltaïques, parfois évidées, les ouvertures triangulaires éclairent l’intérieur et projettent leur ombre à l’extérieur, en laissant entrer dans le grand hall et ses patios une brise rafraîchissante. La façade est aussi animée par de grandes arches à géométrie variable, lesquelles sont comme des portes ouvertes sur la ville historique, au nord, et invitent à rejoindre le nouveau campus universitaire et la forêt, au sud. ■ L.N. 23

ON EN PARLE

LES SEYCHELLES, VÉRITABLE PARADIS ACCESSIBLE

TOURISME

RELANCER LE TOURISME est un défi majeur pour nombre de pays, comme les Seychelles, où le secteur est prépondérant dans l’économie locale. C’est pourquoi l’archipel a été le premier pays à ouvrir ses frontières à toute personne ayant été vaccinée contre le Covid-19, peu importe sa provenance, dès fin janvier. Entre-temps, le gouvernement a lancé une campagne de vaccination, qui devrait permettre d’immuniser la majorité de la population adulte avant la mi-mars. À partir de cette date, les Seychelles entameront alors la deuxième phase de leur plan de relance. Fini les restrictions à l’arrivée, il suffira de présenter un test PCR de moins de 72 heures pour pouvoir mettre les pieds sur le sable fin des 115 îles de ce coin paradisiaque de l’océan Indien.

Véritables joyaux, les Seychelles sont une destination magique, capable de charmer tous les touristes, même les plus exigeants : resorts de luxe sur des îles privées ou guests house pour voyager autrement, plages blanches à perte de vue et atolls où se prélasser pour se détendre, ou encore parcs naturels marins et forêts quasiment intactes, pour y croiser 24

des poissons tropicaux et autres animaux dans leur habitat naturel. Comme sur la petite île Curieuse, où des centaines de tortues géantes se déplacent librement. Mais on peut aussi choisir d’arpenter les sentiers de randonnée ou de tester, en solo ou en compagnie, un large éventail de sports nautiques.

Parmi les endroits les plus célèbres du pays, on peut citer la plage Anse Source d’Argent, sur l’île de La Digue : parsemée d’impressionnantes roches granitiques, elle baigne dans des eaux limpides et peu profondes qui invitent à la détente. Autre étape incontournable, l’île de Praslin, où l’on peut admirer le coucher du soleil sur la mer et découvrir la Vallée de Mai, une réserve naturelle inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Enfin, pour une approche insolite et découvrir les criques secrètes de l’archipel, l’idéal est de réserver une excursion en bateau. C’est l’occasion, à ne pas rater, de se laisser bercer par les courants dans une intimité totale, avant de revenir sur terre pour déguster les savoureuses spécialités créoles locales. ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE

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Alors qu’il est le premier pays à accueillir les VOYAGEURS VACCINÉS contre le Covid-19, l’archipel s’apprête à enlever toutes les restrictions aux frontières.

La plage de Grand Anse, au sud de l’île de La Digue.

LES BONNES ADRESSES L’Escale Resort Marina & Spa, à Victoria, sur l’île de Mahé : l’une des nouvelles adresses luxueuses de l’île, entre mer et montagne.

Le marché Sir Selwyn Selwyn Clarke, à Victoria : un vrai bazar joyeux et bruyant, où se côtoient locaux et touristes.

Les Lauriers, sur l’île de Praslin : une guest house familiale composée de petits bungalows, tout près de la très belle plage Côte d’Or. À tester, la cuisine créole du restaurant, parmi les meilleures tables de l’archipel.

Ci-dessus, l’Escale Resort Marina & Spa. Ci-dessous, le Hilton Seychelles Labriz Resort & Spa.

Café des arts, à Baie Sainte-Anne, sur l’île de Praslin : un restaurant de fruits de mer dans un cadre sophistiqué et romantique.

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Coco Rouge, à Baie Sainte-Anne : un restaurant qui propose de la cuisine créole sur le pouce à des prix gourmands.

Le spa du Hilton Seychelles Labriz Resort & Spa, sur l’île de Silhouette : un lieu pour un moment de pure détente, entouré par une végétation luxuriante.

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PARCOURS

Nyaba Leon Ouedraogo

LES PHOTOS DE CE PORTRAITISTE BURKINABÉ montrent une esthétique contemporaine de l’Afrique.

Son œuvre L’Homme et la Matière a été sélectionnée pour illustrer l’affiche du prix Pictet en 2021. par Fouzia Marouf

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NYABA LEON OUEDRAOGO

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ffable, l’œil vif, Nyaba Leon Ouedraogo se confie sur les portraits de sa série colorée Le Visible et l’Invisible, offrant un spectacle intrigant dans l’antre de la 193 Gallery, à Paris, lors de l’exposition « Colors of Africa », en octobre dernier. Les tonalités pop sont autant de stigmates qui étayent la réflexion de l’interprétation du masque en Afrique : « J’ai réalisé ces photographies à Ouagadougou durant le confinement, j’avais une forte envie de couleur, c’était une période insaisissable. Le masque est un ultime signe de dialogue et de transformation, qui convoque le passé et le présent.

Il unit l’identité africaine et des forces en perpétuel mouvement », précise-t-il.

Réalisés en studio, à la façon des précurseurs comme Seydoux Keïta ou Malick Sidibé, ses travaux marquent une rupture nette avec l’art du portrait des anciens. Né au Burkina Faso en 1978, mais imprégné d’une double culture, il vit et travaille entre Ouagadougou et Paris. En 2008, cet autodidacte sillonne le Ghana, à l’affût de collecteurs de cuivre. Sa série L’Enfer du cuivre – présentée à la Biennale de Bamako en 2011 – retrace l’exploitation d’une jeunesse en quête de travail mais exposée à des intoxications chimiques.

En 2010, il met le cap sur le Burkina pour y photographier des casseurs de pierre, car sa « matière première reste l’humain, [s]a source d’inspiration incessante » : « Je suis en questionnement constant, mon regard interroge les problématiques et les enjeux contemporains du continent », assène-t-il. Poussant plus loin les limites de son art, il signe The Phantoms of Congo River, entre 2011 et 2013 : il s’inspire du roman culte de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, pour raviver les esprits du fleuve propice aux croyances et partage le quotidien des riverains durant plusieurs mois au bord du Congo. « En photographiant ces corps dénudés, je voulais aborder la représentation du corps noir, car on le regarde sous le prisme du fantasme.

J’essaie de le traiter avec pudeur, en racontant la vie de cette jeune génération qui s’est réapproprié les rives. C’est un véritable espace social où l’on fait de nouvelles rencontres, la jeunesse y exprime sa sexualité », avance-t-il. Nyaba Leon Ouedraogo continue de naviguer dans les interstices mystiques de l’Afrique et signe, en 2015, Les Dévoreuses d’âmes, série de diptyques à la veine documentaire présentée au Musée du quai Branly : une œuvre énigmatique, ouverte aux croyances mystiques. En 2019, son inclination pour l’humain l’amène à un retour aux sources : avec sa série Théâtre populaire, il rend hommage au lieu du même nom créé à Ouagadougou par Thomas Sankara. « Saisir ce lieu mythique est un acte poétique et politique.

Il n’y a pas de société sans culture », déclare-t-il. Celle-ci a été exposée lors de la foire en ligne 1-54 New York en 2020, avec la galerie Afikaris. Cette année, sa photo L’Homme et la Matière illustrera l’affiche du prestigieux prix Pictet pour un autre regard sur la condition humaine. ■ L’Homme et la Matière, 2020.

ANDREAS ARNOLD/DPA/DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP

«Il n’y a pas de société sans culture.»

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C’EST COMMENT ?

PAR EMMANUELLE PONTIÉ

DOM

TEST OR NOT TEST ?

Voyage en Afrique, depuis Paris, au moment où les restrictions de déplacement font rage. Avec un vrai motif, dûment attesté par trois ou quatre documents.

Et le fameux test PCR négatif, exigé par tous les pays. Normal, avec cette épidémie de Covid-19 qui ne faiblit pas, c’est évidemment le plus important.

Pourtant, ce Graal perd sacrément de sa valeur au retour. Car certains infirmiers et toubibs africains ont trouvé là un joyeux motif de s’enrichir. Une fois que vous êtes sur le continent, on vous informe tout de suite qu’obtenir le résultat d’un test dans les 72 heures – le délai maximum exigé par la France pour entrer sur son territoire – est presque impossible. Ce qui est évidemment faux. Mais ainsi, afin de verrouiller votre retour, vous êtes pratiquement obligé de vous mettre en cheville avec un personnel de santé qui, moyennant quelque 20 000 ou 30 000 francs CFA d’encouragement, vous garantit la sortie du résultat dans les temps. En général, ça marche. Surtout si vous lui promettez de lui envoyer des clients supplémentaires s’il est « réglo ». À la limite, on peut se dire que le graissage de patoune, c’est de bonne guerre, vu les salaires minables du monde médical local.

Ce qui est plus inquiétant, c’est la grosse dérive du système. L’infirmier vous demandera si vous voulez vraiment faire le test. Sousentendu, il peut vous sortir un négatif sans l’épreuve du coton-tige dans le nez. Mieux, il vous demande ce qu’il doit faire si, par hasard, votre test est positif. « Je vous sors un négatif, si vous voulez voyager ?» Et là, on se dit que l’on n’est pas sorti de l’auberge ! Il y a donc des vrais positifs qui voyagent et propagent le virus à qui mieux mieux. Les États ont beau installer les systèmes les plus verrouillés, à grand renfort de nouvelles technologies, y a rien à faire, l’ingéniosité et l’inconscience de l’être humain sont sans limites…

Et je précise qu’il ne serait pas juste de ne brocarder que l’Afrique, bien sûr. Tous les pays « pauvres » ont mis en place les mêmes détournements du processus. On me dit aussi que les tests s’achètent sur Internet, donc dans le monde entier. Y compris des faux positifs, pour ceux qui veulent rester en vacances au soleil deux semaines de plus, en famille ou dans le bel hôtel payé par sa boîte.

Bref, espérons que l’on trouve vite des martingales pour lutter contre ces trafics. Dans l’attente que le monde entier soit vacciné… C’est-à-dire, sans être trop pessimiste, à la saint-glinglin ! D’ici là, essayons de s’imposer de vrais tests. Je vous assure que ce sera mieux pour tous. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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ELON MUSK CHRISTIAN HAPPI

JULIANA ROTICH

À L’AVANT GARDE !

Ils sont précurseurs, ce sont ceux qui « précédent » et qui « annoncent », qui montrent une voie différente. L’un est venu révolutionner le monde de l’automobile et celui de la conquête de l’espace. L’autre – certes au service de Donald Trump – a mis en marche la formidable machine US pour « sortir » en un temps record les vaccins contre le Covid-19. Une troisième, de son côté, transforme l’image de la beauté et de l’élégance, imposant un autre tropisme de la mode. Et celui-ci, dans son laboratoire au cœur du continent, lutte avec énergie et efficacité contre les virus et les pandémies existantes ou à venir. Lui était à la manœuvre, l’un des cerveaux de la mission américaine Mars 2020 (avec 30

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ils veulent changer le monde

DEBORA KAYEMBE

ROMÉO MIVEKANNIN

MONCEF SLAOUI

le rover Perseverance). Pendant que celle-là a participé à la création du premier logiciel open source africain pour recenser les témoignages sur les situations de crise. Celui-là, audacieux, bouscule radicalement les codes de la peinture contemporaine, de l’expression artistique, tandis qu’elle, dernière de notre liste, s’installe à la tête d’une prestigieuse institution universitaire écossaise, faisant face au racisme et à l’intolérance.

En ces temps de Covid-19, de pandémie, de déprime globale, il nous a semblé salutaire de nous intéresser à ces précurseurs, à ces femmes et hommes qui veulent changer le monde, à leur manière et avec leurs talents.

Elles et ils sont tous africains (d’origine, de résidence, de naissance, whatever), ce qui confirme, pour ceux qui en douteraient encore, à quel point le continent est créateur, engagé dans la marche et les changements du monde. Et que pour celles et ceux qui grandissent aujourd’hui de Tunis à Casablanca, d’Abidjan à Lagos, de Yaoundé à Johannesbourg, tout est possible, y compris la conquête des étoiles…

LAURENT BELET - PHIL MCAULIFFE/POLARIS/STARFACE - DR (2) - KAY-PARIS FERNANDES/GETTY IMAGES

MOHAMED ABID

MALIKA LOUBACK

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À L’AVANT-GARDE !

Elon Musk L’homme qui voulait sauver le monde (et être riche) Né à Pretoria avant d’émigrer aux États-Unis, cet entrepreneur de génie s’est hissé sur le podium des premières fortunes de la planète. Visionnaire aux ambitions sans limites, il concurrence la NASA et aspire à coloniser Mars. Fantasque et provocateur, l’homme envoûte ou agace, mais jamais ne laisse indifférent. par Cédric Gouverneur

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ébut janvier, Elon Musk a brièvement détrôné le patron d’Amazon, Jeff Bezos, de sa place de plus grande fortune mondiale.

Entre mars et décembre 2020, ce Sud-Africain naturalisé américain s’est en effet enrichi d’au moins 165 milliards de dollars !

Une conséquence directe de la hausse vertigineuse du cours de l’action Tesla, qui a progressé de 743 % en 2020. Estimée à 800 milliards de dollars, la capitalisation boursière de l’entreprise dépasse désormais celles – cumulées ! – des trois constructeurs historiques de Détroit : Ford, General Motors et Chrysler.

C’est d’autant plus surprenant que le constructeur de voitures électriques n’a produit l’an dernier qu’un demi-million de véhicules, contre 1,7 million rien que pour Ford. Mais la différence entre les mastodontes de Détroit et Tesla réside dans leurs perspectives respectives : en 2020 – millésime maudit, plombé par la pandémie –, la production de cette dernière a grimpé de 36 %, tandis que celle de Ford s’effondrait de 28 % ! Et dans un monde en transition énergétique, le constructeur californien incarne clairement l’avenir, tandis que ses concurrents accros au pétrole peinent à négocier le virage de l’économie décarbonée : General Motors promet ainsi de ne plus fabriquer de véhicules à émissions polluantes d’ici 2035. Quasiment dans une génération… « Tellement fier des équipes de Tesla, a tweeté Elon Musk à l’annonce de ces résultats. Aux débuts de Tesla, je pensais que nous avions (avec optimisme) 10 % de chance de réussir. » Aurait-il donc douté ? Ou ce tweet avait-il pour seul objectif d’encourager les investisseurs, en renforçant leur confiance quant au potentiel de la firme ? Difficile à dire. Après tout, le fondateur de Tesla et de SpaceX est devenu maître dans l’art de façonner son image et son propre personnage, telle une rockstar dont chaque provocation a pour but de doper ses ventes de disques.

Présentation de la Model 3, à Fremont, en Californie, le 28 juillet 2017.

UN ADO SOUFFRE-DOULEUR

Fils d’Errol Musk, riche ingénieur sud-africain, et de Maye Haldeman, nutritionniste et mannequin d’origine canadienne, Elon Musk est né le 28 juin 1971 à Pretoria, en plein apartheid.

Derrière les murs de sa somptueuse villa, le garçon avait-il conscience de l’arbitraire qui l’environnait ? Il ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Mais les Sud-Africains blancs de cette génération admettent souvent que, isolés dans leur bulle privilégiée 34

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En 2004, il entre au capital du fabricant de voitures électriques de luxe Tesla Motors.

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le week-end afin de payer le loyer. Déjà visionnaire, le jeune homme est l’un des premiers à comprendre toutes les possibilités qu’offrent ce qu’Al Gore dénomme alors « les autoroutes de l’information » : Internet. En 1995, alors qu’il poursuit un doctorat en physique énergétique à l’université Stanford, il plaque ses études pour cofonder Zip2 avec son frère Kimbal, une start-up qui édite un logiciel de publication de contenus en ligne. Bien lui en a pris : quatre ans plus tard, la société d’informatique Compaq la rachète plus de 300 millions de dollars ! S’il est un peu flambeur – il s’offre par exemple une McLaren F1 (d’une valeur de 1 million) –, il décide néanmoins d’investir cette manne. Avec la moitié de sa part du gâteau (22 millions), Musk commence par cofonder X.com, l’une des premières banques en ligne. Pour cela, il a besoin d’une solution de paiement fiable et fusionne en 2000 avec Confinity, une start-up pionnière en ce domaine puisqu’elle est en train de développer le système de paiement PayPal – lequel donnera rapidement son nom à la nouvelle société ainsi créée. Mais le jeune patron agace ses équipes. Au point que le conseil d’administration profite de ses vacances – tellement rares – pour le débarquer ! Musk n’en demeure pas moins actionnaire majoritaire, à hauteur de 11,7 %. Ce qui lui permettra de réaliser une formidable plus-value lorsque, en octobre 2002, eBay rachètera PayPal pour 1,5 milliard de dollars ! À 30 ans, l’entrepreneur empoche donc 165 millions. Sa fortune lui offre désormais les moyens de concrétiser ses projets les plus fantasques.

Guère étonnant qu’il ait inspiré le personnage de Tony Stark, dans les films Iron Man.

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UN VÉRITABLE TOUCHE-À-TOUT

Rappelons qu’au début des années 2000, les climatosceptiques sont encore fort nombreux. Mais Elon Musk est déjà convaincu qu’il faut réinventer nos modes de vie. Pour ce grand lecteur de science-fiction, le destin de l’humanité est, à terme, interstellaire. En mai 2002, le jeune millionnaire s’était déjà carrément lancé dans la conquête spatiale en fondant SpaceX, dont l’objectif était de diminuer drastiquement les coûts en réutilisant l’étage principal des fusées – jusqu’alors à usage unique. Impossible n’est pas Musk ! SpaceX effectue son premier tir en 2006 et met en orbite son premier satellite, trois ans plus tard. Depuis 2012, elle ravitaille la Station spatiale internationale (ISS). Guère étonnant qu’Elon Musk ait inspiré le personnage de Tony Stark dans l’adaptation au cinéma des comics Iron Man de Marvel. L’homme fait d’ailleurs une apparition dans une scène du deuxième opus, aux côtés de l’acteur Robert Downey Jr. En mai dernier, SpaceX a convoyé deux astronautes de la NASA vers l’ISS, une première pour une AFRIQUE MAGAZINE

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et abreuvés de propagande sur les « terroristes communistes » du Congrès national africain (ANC), ils n’ont ouvert les yeux qu’à l’affaissement du régime raciste, entre la libération de Mandela (1990) et les premières élections non ségrégationnistes (1994).

Le jeune Elon a des soucis personnels plus immédiats : ses parents divorcent, et ses rapports se tendent avec son père, « un homme brillant mais mauvais », résume-t-il. Alors, le garçon s’isole et lit, jusqu’à deux livres par jour, sur tous les sujets. Il se passionne pour les premiers ordinateurs. Et ça paye : à 12 ans, il élabore un code pour jeu vidéo et le cède à un magazine informatique pour l’équivalent de 500 dollars. Mais dans les cours de récré, les « intellos » introvertis sont rarement populaires : dans son lycée, une bande de brutes le prend en grippe. Le tabasse.

Le balance dans l’escalier. L’expédie aux urgences. Il évoquera à son biographe, Ashlee Vance, un épisode particulièrement traumatisant : un jour qu’il se cache de ses harceleurs, son « meilleur ami » le trahit et le livre à ses bourreaux… À l’âge de 17 ans, il profite de la nationalité canadienne de sa mère pour partir étudier dans l’Ontario. Cet exil lui permet de contourner prudemment le service militaire obligatoire – le régime d’apartheid guerroyait alors en Namibie et en Angola. A-t-il bénéficié de la fortune paternelle, accumulée notamment dans une mine d’émeraudes zambienne ?

Elon Musk l’a démenti, précisant que son père désapprouvait son exil et avait refusé de l’aider : « Je suis parti au Canada avec un sac à dos et une valise de bouquins. » Entre le harcèlement scolaire et un contexte familial pour le moins pesant (son père, coureur invétéré, a fini par concevoir un bébé, à 70 ans passés, avec la fille de son ex-femme, qu’il a vu grandir…), Elon Musk n’a depuis jamais regardé en arrière. Le site The South African écrivait d’ailleurs en avril 2019, lucide : « Nous pouvons être fiers de le voir comme l’un d’entre nous, mais Musk est-il fier de son héritage sud-africain ? À dire vrai, la réponse est non. Son affinité avec l’Afrique du Sud est proche du néant. » Ces traumatismes constituent sans nul doute l’un des moteurs de sa soif inextinguible de réussite : « Si vous regardez la jeunesse des entrepreneurs à succès, vous trouvez beaucoup d’adversité », analyse le président de la British Academy of Management, Sir Cary Cooper, dans le documentaire Elon Musk: The Real Life Iron Man (2018). Le besoin de faire ses preuves. De parvenir à contrôler un environnement sur lequel on ne trouvait jadis aucune prise.

Depuis le Canada, Elon Musk décroche une bourse pour étudier aux États-Unis, à l’université de Pennsylvanie. Avec son colocataire, ils transforment leur maison en bar clandestin

La capsule Crew Dragon, de SpaceX, le 3 janvier 2019, dans un hangar du centre spatial Kennedy, en Floride.

Le modèle économique de celui qui convoitait Mars

SPACEX/ZUMA-REA

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ertains pensent que j’ai beaucoup d’argent, a confié Elon Musk fin 2019, mais en fait, non ! » L’entrepreneur réinvestit à peu près tout ce qu’il gagne. Et s’est endetté à hauteur de 500 millions de dollars auprès de Morgan Stanley et de Goldman Sachs. SpaceX est en outre largement dépendante des contrats de la NASA. « Ce n’est pas la voie à suivre pour maximiser les richesses », résumait-il en 2015 à son biographe, Ashlee Vance. Selon le magazine Forbes, en décembre 2019, « 99 % de la fortune de Musk [était] constituée d’actions de ses sociétés ». Il refuse d’ailleurs son salaire chez Tesla (56 000 dollars par an). Et ses deux principales entreprises, SpaceX et Tesla, paraissent surcotées par rapport à leur valeur intrinsèque.

En janvier 2020, il tweetait qu’il comptait envoyer 1 million d’êtres humains sur Mars d’ici 2050… Y croit-il sincèrement, ou fait-il la promotion de SpaceX ? Certes, sa société a remporté le pari de concevoir un lanceur réutilisable, permettant un gain économique de 30 à 40 %. Le Falcon 9 met en orbite des satellites avec succès et ravitaille la Station spatiale internationale (ISS).

Mais rappelons que ces derniers mois, trois prototypes du vaisseau Starship (l’engin censé conduire l’humanité sur Mars) se sont crashés. À coups de tweets, Elon Musk vend ainsi du rêve. Et ça marche : la capitalisation boursière de SpaceX est de 74 milliards de dollars. Idem pour le fabricant de voitures électriques Tesla, dont la valeur

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en Bourse est supérieure à celles des constructeurs géants américains de l’automobile. Fondée en 2003, Tesla n’a engrangé ses premiers bénéfices qu’en 2020. Ce décalage entre le rêve et la réalité, entre le projet et sa concrétisation, agace : « Pourquoi cette distorsion entre la réalité économique décevante et cette valorisation (boursière) mirobolante ? » fulminait l’économiste Georges Nurdin l’an passé dans Capital, osant même un rapprochement avec les différentes bulles financières qui ont éclaté dans un passé récent.

Il s’agit selon lui d’une « anticipation irrationnelle », d’un « schéma purement spéculatif », dans la droite ligne de ce que le prix Nobel d’économie 2017 Richard Thaler analyse dans ses travaux sur l’économie comportementale.

Toujours est-il que, même si Musk ne colonisera (peut-être) pas Mars, le marché de ce que l’on nomme le « New Space » – l’ouverture de l’espace à des sociétés privées, alliées aux États – pourrait atteindre 485 milliards de dollars en 2028, selon le cabinet de conseil Euroconsult.

Et les événements donnent raison au pari qu’il a fait, dès 2003, sur l’avenir prometteur de la voiture électrique.

Selon les chiffres de l’IFP Énergies nouvelles dévoilés le 16 février, les investissements dans les hydrocarbures, après quatre années de stagnation, ont chuté de 30 % en 2020, alors que ceux effectués dans la transition énergétique croissaient de 9 %. Reste que, selon le Smithsonian Magazine, chaque tir de Falcon 9 dégage 150 tonnes de CO2… Musk n’est pas à une contradiction près ! ■

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société privée. Surtout, Musk a remporté son pari de concevoir un lanceur réutilisable : l’étage principal d’un Falcon 9, récupéré en mer après chaque vol, a déjà été utilisé à six reprises, permettant à SpaceX de réaliser d’énormes économies. L’entrepreneur a rappelé fin 2020 qu’il aspirait à envoyer des astronautes sur Mars d’ici environ six ans, soit avant l’objectif de 2033 que s’est fixé la NASA. Trois prototypes de fusées Starship se sont cependant crashés en décembre, en février et début mars (heureusement sans faire de victimes) : même pour Musk, la planète rouge demeure tout de même encore un peu loin.

En attendant de coloniser Mars, l’homme veut rendre notre Terre davantage vivable, notamment en « décarbonant » nos transports. L’entrepreneur entre en 2004 au capital du fabricant de voitures électriques de luxe, Tesla Motors – nommé en l’honneur d’un autre inventeur de génie, l’Américain d’origine serbe Nikola Tesla (1856-1943). Cette société l’intéresse car ses véhicules ne sont pas de petites voitures de villes poussives et austères, mais de belles berlines sportives et racées. Musk devient PDG de Tesla en 2008 et entreprend alors d’élargir sa gamme, réinvestissant les bénéfices des ventes dans le but de concevoir des voitures davantage accessibles : en 2018 est commercialisée la Model 3 à 50 000 euros (aujourd’hui disponible à moins de 40 000 euros), deux fois moins chère que la Model S. Tesla planche aussi sur un système de stockage d’électricité, Powerwall, qui permettrait de l’accumuler – une solution intéressante pour les villages non raccordés au réseau, notamment en Afrique !

Musk rêve en outre d’un train à énergie solaire et à très (très !) grande vitesse : Hyperloop est un projet futuriste sur lequel travaille d’arrache-pied pléthore de start-up, motivées par des concours de conception financés par SpaceX. Le milliardaire préside également le conseil d’administration de SolarCity, une société de panneaux voltaïques. Et il vient de lancer le prix X Prize Carbon Removal, doté de 100 millions de dollars, afin d’encourager la recherche de solutions innovantes pour lutter contre le réchauffement climatique.

Lassé de perdre son temps dans les embouteillages de Los Angeles – une mégalopole sans métro –, il imagine en 2016 un moyen de désengorger le trafic routier grâce à des tunnels souterrains. Et, non sans humour, baptise sa nouvelle société The Boring Company (pouvant se traduire « la compagnie qui fore » ou « la compagnie ennuyeuse ») ! Ses travaux de creusement débutent en 2017, sur un terrain appartenant à SpaceX. À noter que ce grand lecteur a baptisé son premier tunnelier « Godot », comme dans la pièce En attendant Godot de Samuel Beckett.

DES COUPS DE PUB GÉANTS

Comme tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, Elon Musk se passionne pour l’intelligence artificielle (IA) : en 2015, il cofonde l’OpenAI, une association collaborative – aujourd’hui entreprise à but non lucratif – cherchant à créer une IA en open source, au service de toute l’humanité. Sa crainte est en effet de voir les IA surclasser les humains et les mépriser (« Ce sera comme parler à un arbre »). Pas de panique cependant, face à ce péril, Musk réfléchit déjà à une parade : il crée l’année suivante Neuralink, qui cherche à fusionner les intelligences humaines et artificielles, grâce à une puce implantée dans le cerveau. Le dispositif est déjà testé depuis quelques mois sur des porcelets, et ses résultats seraient encourageants. Grâce à Neuralink, Elon Musk entend réaliser une aspiration inassouvie de la médecine : redonner de la mobilité aux personnes paralysées. Noble intention, certes. Mais d’aucuns s’inquiètent des vertigineuses conséquences éthiques et philosophiques qu’implique ce transhumanisme, la création d’un être humain « augmenté »… Le 31 janvier, sur Twitter, il a en tout cas répondu à Hamoon Kamai, un homme tétraplégique vivant en Allemagne, que les expérimentations sur l’humain pourraient débuter « dans l’année ».

Sa vie privée est, à son image, complexe. En 2000, il épouse l’autrice canadienne Justine Wilson, avec qui il a cinq fils (des jumeaux et des triplés). Divorcé en 2008, il épouse en 2010 l’actrice anglaise Talulah Riley. Ils divorcent moins de deux ans plus tard. Puis, se remarient en 2013. Avant de divorcer à nouveau en 2016 ! Elon a ensuite une brève liaison avec l’actrice américaine Amber Heard, puis fréquente la chanteuse canadienne Grimes. Le 4 mai 2020, celle-ci donne naissance à un garçon, que le couple prénomme… X Æ A-12. Elle en a précisé la signification sur Twitter : X désigne l’inconnu d’une équation, Æ l’intelligence artificielle, et A-12 l’avion favori de Musk… Le tout se prononçant « Ex Ash A Twelve ». Le bébé est toutefois rebaptisé X Æ A-XII, la loi californienne interdisant les chiffres dans un prénom.

Le fait qu’il affuble son enfant d’un patronyme imprononçable en dit long sur son égocentrisme. Tel un rocker déjanté des années 1970, l’imprévisible génie adore provoquer. En 2018, il a fumé du cannabis lors d’une interview sur YouTube, réalisée en Californie (où son usage est légal). Et son sens de l’humour est parfois limite : en 2018, The Boring Company a en effet vendu sur son site 20 000 lance-flammes, à 500 dollars l’unité ! Afin de contourner les législations sur le transport de produits dangereux, l’engin a été dénommé – clin d’œil au tableau de Magritte – « Not a flamethrower » (« Ceci n’est pas un lance-flammes »). Mais

Certains de ses tweets, partagés des milliers de fois, suscitent des réactions en chaîne irrationnelles.

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cela fait moyennement rire les forces de l’ordre, deux d’entre eux ayant été impliqués dans des crimes aux États-Unis, et d’autres ayant été saisis chez des narcotrafiquants.

L’entrepreneur mise donc sur des coups de pub géants.

Comme en février 2018, quand SpaceX a placé sur orbite une décapotable rouge de Tesla (lors du vol inaugural de la fusée Falcon Heavy), un mannequin déguisé en astronaute assis derrière le volant ! Sa trajectoire peut d’ailleurs être suivie sur le site whereisroadster.com : aux dernières nouvelles, le bolide se trouve à près de 60 millions de kilomètres du globe. Et l’homme peut aller vraiment trop loin. En juillet 2018, les caméras du monde entier sont rivées sur la Thaïlande, où spéléologues et plongeurs s’acharnent pendant des jours à sauver un groupe d’adolescents piégés dans une grotte inondée. Musk propose son aide, avec un mini sous-marin développé à partir d’un étage de fusée SpaceX. Il se rend même en Thaïlande pour livrer l’engin. Problème : le prototype, expédié sans concertation avec les sauveteurs, s’avère inutilisable. Cette vulgaire opération de com paraît d’autant plus déplacée qu’un plongeur thaïlandais de 38 ans, Saman Kunan, est mort pour sauver les enfants… Par tweets interposés, Musk finira par échanger des insultes avec l’un des sauveteurs (un expatrié britannique), avant de mollement s’excuser devant le malaise grandissant – et la baisse de l’action Tesla.

la fameuse opération GameStop, du nom de cette société de jeu vidéo sauvée par des boursicoteurs particuliers, humiliant ainsi les fonds spéculatifs de Wall Street. Mais attention : le gendarme boursier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC), veille au grain… En août 2018, Elon Musk s’était attiré de sérieux ennuis, après un tweet où il disait envisager de retirer Tesla de la Bourse lorsque l’action atteindrait 420 dollars. Une idée qui est ensuite tombée à l’eau, mais qui avait provoqué un effet de yoyo sur le cours de l’action. Après un accord à l’amiable avec la SEC, Musk avait dû payer une amende de 20 millions de dollars (une broutille pour lui !) et s’engager à restreindre sa communication sur les réseaux sociaux lorsqu’elle implique des informations sensibles pour ses entreprises.

Les règles et les lois, ce libertarien (courant politique américain ultralibéral et opposé à l’État) assumé s’en moque.

Fin 2016, il avait même rejoint l’équipe de Trump, avant de démissionner en juin 2017, quand le président avait renié l’accord de Paris sur le climat.

Musk est aussi un fervent partisan des cryptomonnaies, lesquelles remettent en cause de facto le monopole, étatique, de l’émission monétaire. L’appui du gourou de Twitter n’est pas sans influence sur l’envolée actuelle de leur cours (le 16 février, le Bitcoin a dépassé la barre symbolique des 50 000 dollars). L’incorrigible provocateur a même apporté son soutien au Dogecoin, une Avec son ex-femme, Talulah Riley, deux de ses fils, et son frère Kimbal. monnaie à l’effigie d’un chien, lancée en 2013 comme une FEU VERT POUR LE BITCOIN farce, faisant passer son fort modeste cours de moins de 1 cent À ses coups de com s’ajoute son usage compulsif de Twità 5 cents… Plus sérieusement, Tesla a annoncé début février ter, réseau social sur lequel il s’est érigé en gourou, suivi par avoir investi 1,5 milliard de dollars (près de 8 % de sa trésorerie) des dizaines de millions de followers. Certains de ses tweets, dans le Bitcoin. Et prévoit de l’accepter comme moyen de paiepartagés des milliers de fois, suscitent des réactions en chaîne ment ! Une première pour une société de cette envergure. Ce qui proprement irrationnelles : nos confrères du journal Le Monde étonne les experts, le Bitcoin étant un objet d’investissement et se demandent même s’il ne faut pas considérer Musk comme « le non de transaction, et son extrême volatilité risquant, en foncplus puissant troll d’Internet ». Exemples aussi édifiants que grotion de l’évolution des cours, de nuire aux acheteurs ou au bénétesques : il a suffi qu’il raconte avoir acheté sur Etsy un vêtement fice de l’entreprise, souligne le site L’Usine Nouvelle. Musk offre (en l’occurrence un bonnet canin…) pour que la cotation du site ainsi un surcroît de légitimité pour une devise jusque-là surtout marchand grimpe de 8 % ! Des sociétés ont même vu leur cours utilisée par les pirates informatiques pour encaisser le butin de s’envoler par accident, après qu’il a mentionné leur homonyme : leur ransomware (logiciel d’extorsion). Et propose un discours Musk participe à un débat sur le réseau social Clubhouse ? à contre-courant de celui de Janet Yellen, la nouvelle secrétaire +45 % pour le cours de Bourse de Clubhouse Media Group, une au Trésor américain, qui s’est déclarée en janvier préoccupée boîte de marketing sans lien avec le réseau social ! Musk évoque par les cryptomonnaies, qu’elle associe au blanchiment. La lutte les mérites de la messagerie Signal (non cotée en Bourse par d’influence est ouverte entre les États et le gourou de la tech… ailleurs) ? Aussitôt décollent les actions d’une société du même Vous n’avez donc pas fini d’entendre parler d’Elon Musk ! ■ nom ! Fin janvier, Musk a aussi encouragé ses followers à rallier AFRIQUE MAGAZINE

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Moncef Slaoui Le tsar des vaccins

par Cédric Gouverneur

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e 13 janvier dernier, la parenthèse politique de Moncef Slaoui s’est brusquement refermée. Ce jour-là, les médias américains annonçaient la démission de celui qu’ils surnommaient le « tsar des vaccins ». Joe Biden ne veut plus du scientifique d’origine marocaine, nommé par Donald Trump afin de piloter la lutte contre le Covid-19.

Pour le remplacer, la Maison Blanche a choisi David Kessler, ancien directeur de la Food and Drug Administration (FDA, l’agence américaine en charge des denrées alimentaires et des médicaments). Beau joueur, Moncef Slaoui a accepté de demeurer « consultant » pendant un mois, afin d’assurer la transition avec les équipes du nouveau président. « Comme vous le savez, je soutiens cette administration », a-t-il rappelé à CNN juste après son éviction. « Je ferai tout mon possible pour les aider à réussir. » Trois semaines plus tard, à l’antenne de France Inter, il se disait toutefois « étonné que la politique se mêle de la pandémie ». La vie politique américaine est un western sans pitié. L’homme est pourtant proche des démocrates. Et il n’a jamais AFRIQUE MAGAZINE

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Le chercheur n’a jamais apprécié Trump. Mais avait cependant accepté de piloter son opération « Warp Speed » contre le Covid-19. L’administration Biden lui a demandé de démissionner.

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apprécié Trump. Mais celui-ci lui avait fait une offre difficile à refuser, le nommant à la tête de son opération « Warp Speed » (« vitesse fulgurante », une référence à la série Star Trek !). Le budget alloué est faramineux : « J’avais carte blanche. On a dépensé 14 milliards de dollars. Mais c’est à comparer au coût du confinement, qui était chaque jour de 23 milliards. » Le but est de trouver un vaccin au plus vite. Mi-2020, Trump est plombé dans les sondages par sa gestion foutraque de la pandémie, qu’il minimise. Avec Warp Speed, il rêve de vacciner 100 millions d’Américains avant l’élection du 3 novembre, et si possible la totalité avant l’investiture du 20 janvier. Finalement, ce ne sera que courant novembre, juste après l’élection de Biden, que plusieurs laboratoires annonceront, tour à tour, la découverte de vaccins.

Si le choix de Trump s’est porté sur Moncef Slaoui, c’est parce que le scientifique à la triple nationalité (marocaine, belge et américaine) est aussi réputé aux États-Unis qu’au Maroc. Né en 1959 à Agadir, Slaoui a étudié l’immunologie et la biologie moléculaire en Belgique. Dans les années 1980, il a épousé une virologue belge, Kristen Belmonte, qu’il a suivi aux États-Unis, où elle travaille sur le sida. Il est recruté par l’un des géants de l’industrie pharmaceutique, le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK). Et en gravit les échelons, jusqu’à devenir numéro 2.

Entre 2006 et 2016, sous sa férule, la découverte de nouveaux vaccins et médicaments grimpe en flèche. On lui doit l’élaboration de 14 vaccins : contre le cancer du col de l’utérus, contre la gastro-entérite infantile, ou encore le Mosquirix, le premier vaccin contre le paludisme autorisé. Ce tableau de chasse lui vaut, en 2016, de figurer au 29e rang du classement du magazine Fortune des « 50 personnalités qui changent le monde ». Au Maroc, les médias l’érigent comme « fierté nationale ».

Slaoui prend sa retraite de GSK en 2017, mais intègre le conseil d’administration de sociétés de biotechnologies, dont Moderna. C’est là que le bât blesse : en mai 2020, celle-ci annonce des résultats prometteurs pour son vaccin à ARN messager. Or, ses recherches sont en partie financées par l’État fédéral. Donc, par Warp Speed. Et si Moncef Slaoui a quitté ses fonctions au sein de Moderna après sa nomination, il en détenait encore des stock-options… Un risque de conflit d’intérêts que n’ont pas digéré les démocrates : dès le 17 mai, sur Twitter, la sénatrice Elizabeth Warren le sommait de « s’en départir immédiatement ». Slaoui a revendu ses stock-options le lendemain, promettant d’en reverser la plus-value à la lutte contre le cancer.

Mais ce geste n’a visiblement pas suffi à Joe Biden.

Libéré de ses obligations, le « tsar des vaccins » a toujours l’oreille des grands de ce monde – Emmanuel Macron l’a récemment appelé pour lui demander conseil. Slaoui ne doute pas qu’il y aura « un après-Covid ». Que le monde va pouvoir reprendre une vie normale, lorsque la proportion de gens vaccinés aura atteint une masse critique. Mais il recommande aux États « d’allouer à la lutte contre les virus l’équivalent de 10 % du budget de la Défense nationale ». Car « il y aura d’autres pandémies ». ■ 42

Malika Louback Djibouti style !

Mannequin à succès depuis 2019, la jeune femme impose dans la mode un nouveau regard sur la beauté. par Zyad Limam

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lle change le tropisme de la mode, notre regard sur la beauté et l’élégance, elle porte notre imaginaire loin, vers la Corne de l’Afrique, vers cette terre des origines du monde.

Son prénom signifie « reine » en arabe, et son nom « lionne » en afar.

Elle est djiboutienne et fière de l’être. Ingénieure de formation, avec six ans d’études en poche (« Les polymères, le béton, le bois, même les fibres textiles, je connais tout ça »), elle pousse la porte en septembre 2019 de la célèbre agence de mannequinat IMG. Et quelques mois suffiront à la porter en haut de l’affiche. En février et mars 2020, elle faisait déjà ses tout premiers pas sur les catwalks. Elle marque de sa présence et de son allure les défilés Jil Sander à Milan et Saint Laurent à Paris.

Fait rare : on lui attribue très vite le statut de mannequin « mainboard », sans passer par l’étape « scouting ».

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KAY-PARIS FERNANDES/GETTY IMAGES - DR

Et en septembre 2020, elle fait la couverture du Vogue Paris, la bible de la mode internationale. Devenue l’un des visages du mannequinat moderne, contemporain, en phase avec son époque, elle affiche son aisance, son rapport sans complexe à son métier. Une silhouette venue de loin, mais aussi une personnalité universelle, un message vivant sur l’égalité, la diversité, l’Afrique et sa place dans le monde. Malika Louback a de qui tenir. Sa mère, Moumina Houmed Hassan, est ministre djiboutienne de la Femme et de la Famille depuis 2016, après une carrière remarquée dans le monde des ONG et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). ■ AFRIQUE MAGAZINE

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Couverture de Vogue Paris, septembre 2020.

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ILSL’AVANT-GARDE À CHANGENT LE MONDE !

Ce professeur camerounais, passé par Harvard, a fondé au Nigeria l’ACEGID, un centre d’excellence en génomique des maladies infectieuses. par Cédric Gouverneur 44

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PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Christian Happi Relocaliser la recherche

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l y a un peu plus d’un an, fin février 2020, à Lagos, un expatrié italien est identifié comme premier cas du nouveau coronavirus apparu à Wuhan… Un échantillon du virus est expédié à 200 km de là, à l’université Redeemer, à Ede, où se trouve l’African Center of Excellence for Genomics of Infectious Disease laboratoire (ACEGID). Ce centre d’excellence en génomique des maladies infectieuses procède alors au séquençage du virus en moins de 72 heures, permettant aux autorités nigérianes de réagir au plus vite afin de freiner la contagion.

Un gain de temps vital : jadis, les échantillons récoltés sur le continent étaient envoyés en Occident pour y être analysés…

Derrière la prouesse de l’ACEGID, la volonté et la réussite de son fondateur : le professeur Christian Happi. L’homme a grandi à Sangmélima, dans le sud du Cameroun. Enfant, il souffre de crises de paludisme et rêve de consacrer sa vie à la médecine.

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À la bibliothèque de l’école, il a une révélation en lisant un article sur l’Américain James Watson et le Britannique Francis Crick, prix Nobel de médecine pour leur codécouverte de la structure de l’ADN en 1953 : « Je pouvais acquérir une sorte de superpouvoir pour trouver un remède. Le pouvoir de la biochimie », raconte-t-il à nos confrères du Financial Times.

Il déménage au Nigeria afin de poursuivre des études de biologie cellulaire à l’université d’Ibadan. Il s’y efforce de séquencer le génome d’un parasite responsable du paludisme, le coriace Plasmodium falciparum. Et veut comprendre pourquoi celui-ci développe des résistances à certains médicaments, telle la chloroquine. Mais l’excellence et la détermination du jeune chercheur ne peuvent guère compenser le dénuement de son université, qui ne dispose pas d’un laboratoire digne de ce nom : « Tout notre travail était théorique… » L’étudiant est remarqué par une immunologiste américaine de passage au Nigeria, Dyann F. Wirth, une sommité mondiale de la lutte contre le paludisme. Et part pour l’université de Harvard, où il a enfin accès à un vrai laboratoire. Il y travaillera durant douze ans.

Le chercheur, qui se revendique panafricain, retourne au Nigeria en 2011, avec 1,25 million de dollars récoltés auprès d’institutions et de philanthropes. Son but ? Lancer sur le continent un programme de séquençage génétique des agents pathogènes. Relocaliser la recherche africaine lui paraît d’autant plus vital après l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola en 2014. Il contribue alors au séquençage du génome du virus et élabore un test pour le diagnostiquer en quelques minutes. Le professeur Happi fustige l’attitude de moult médecins et chercheurs occidentaux, qu’il estime « parachutés » : « Ils vous disent ce que vous devez faire, dans un pays qu’ils ne comprennent même pas. » Et déplore que des échantillons sanguins de malades d’Ebola aient été exportés vers des labos en Occident… Il veut ainsi assurer l’autonomie scientifique du continent, trop longtemps perçu comme sujet de la recherche – un reste de colonialisme ? –, et non comme acteur. En 2016, il décide donc de fonder l’ACEGID, avec notamment le soutien de la Banque mondiale et de « grands noms » de la Silicon Valley, qui lui ont promis 100 millions de dollars sur cinq ans ! En 2020, il met au point un test accéléré de dépistage du Covid-19, à moins de 3 dollars. Et en cette année 2021, les nouveaux locaux de son laboratoire de recherche génomique, le plus moderne d’Afrique, doivent être inaugurés.

Selon lui, avec la pandémie, le monde a compris qu’il valait mieux « investir quelques milliards, plutôt que de perdre des trillions » dans un cataclysme sanitaire et social global. En novembre dernier, le chercheur s’est vu décerner par l’American Society of Tropical Medicine and Hygiene la médaille Bailey K. Ashford, qui récompense les travaux en médecine tropicale. « Je suis un chasseur de pathogènes. Nous étions sur la défensive. Avec la connaissance, les compétences, les technologies disponibles, nous pouvons désormais passer en mode offensif. » Sans nul doute, le chemin vers le monde post-Covid passe par les labos du professeur Happi. ■ 46

Mohamed Abid Rien n’est impossible Ingénieur en chef adjoint en mécanique de la mission Mars 2020 de la NASA, ce Tunisien a un parcours impressionnant. Après des études couronnées de succès, il a pu réaliser ses rêves d’aérospatiale. par Frida Dahmani

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le voir débouler en vélo dans les rues de Pasadena, en Californie, nul ne penserait que Mohamed Abid est une personnalité qui compte dans le domaine de l’aérospatiale.

Rien ne l’y destinait d’ailleurs. Son parcours a été influencé par les récits de sa grand-mère, laquelle lui racontait durant son enfance à Sfax les péripéties de Habib Maazoun, militant de la lutte nationale et géologue qui a identifié en premier des nappes de pétrole au large de l’archipel de Kerkennah et tenu secrètes ses découvertes par patriotisme. À 51 ans, le fringant cycliste, adepte d’une vie saine à la californienne, est ingénieur en chef adjoint en mécanique au sein du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la National Aeronautics and Space Administration (NASA). L’homme, qui s’exprime en français avec désormais un mélange d’accent sfaxien et américain, participe avec son équipe du JPL à la mission spatiale d’exploration Mars 2020. L’objectif est de déployer

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le rover Perseverance sur le sol de la planète rouge pour y prélever des échantillons et récolter des données permettant d’étudier sa géologie et son climat. Un sujet que Mohamed Abid connaît bien pour avoir notamment étudié les cycles des sécheresses sur Terre.

Interpellé par les questions soulevées par l’explosion de la navette Challenger en janvier 1986, le jeune élève du lycée de garçons de Sfax avait déjà la tête dans les étoiles et savait que pour atteindre son rêve, il lui fallait être parmi les meilleurs. « Il faut d’abord de la détermination et avoir la volonté d’apprendre, quitte à sacrifier une partie des vacances pour des stages »,

conseille celui qui a effectué des études de maths et de physique en France, avant d’obtenir une bourse pour préparer un doctorat en ingénierie aérospatiale et génie mécanique à l’université de Californie du Sud. Avec patience, il construit son parcours étape par étape et ne perd pas de vue son objectif : l’espace.

Il se forge d’abord une solide réputation académique en enseignant l’aéronautique à l’université dont il est issu pendant dix ans. Et enchaîne ensuite des missions en tant que chercheur associé et conducteur de test sur la combustion, à l’occasion de vols de navettes Columbia.

Père de deux adolescents, une fille et un garçon, dont il stimule la curiosité et l’intérêt pour les sciences et l’expérimentation, Mohamed Abid aligne les projets à succès : il est l’ingénieur système de la Mission de topographie de la surface des océans

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(OSTM), lancée en 2008, puis travaille sur le télescope spatial Wide-field Infrared Survey Explorer (WISE), mis en orbite en 2009. Il a également été ingénieur en chef sur la mission Soil Moisture Active Passive (SMAP), un satellite lancé en 2015 qui collecte différentes données hydrologiques sur la Terre, avant de finalement rejoindre la mission Mars 2020.

Cette trajectoire d’exception fait de Mohamed Abid un exemple en Tunisie, notamment dans le cercle des étudiants et des ingénieurs de sa ville natale, qu’il avait rencontrés à l’occasion de la manifestation « Sfax, capitale de la culture arabe 2016 ». Un moment de retrouvailles avec sa terre, dont sa mère lui donne régulièrement des nouvelles, et où il découvre le pouvoir des médias, qui l’ont rendu très populaire. Cette célébrité imprévue lui a permis de dispenser des conseils et d’évoquer, avec un certain talent de pédagogue, la patience et la nécessité de s’investir dans le travail pour réussir.

On se serait presque attendu à ce que cet homme qui semble avoir la bougeotte entraîne ses interlocuteurs dans un footing improvisé pour conclure les rencontres.

Le 20 mars prochain, il assistera à la mise en orbite de Challenge One, premier satellite made in Tunisia, par la navette spatiale russe Soyouz 2, à Baïkonour, au Kazakstan. Il y sera aux côtés d’un autre Mohamed, Sfaxien connu lui aussi : Mohamed Frikha, patron de Telnet Holding, société de conseil et d’ingénierie spécialisée dans l’innovation et les hautes technologies, mais également maître d’œuvre du projet.

Ce satellite a eu l’agrément de l’Union internationale des télécommunications et a été confié à l’entreprise russe GlavKosmos pour son lancement. Il est spécialisé dans l’Internet des objets et utilise pour la première fois au monde le protocole de communication spatiale LoRa. Il y a fort à parier que comme celui de Mohamed Frikha – qui a été député d’Ennahdha –, le parcours de Mohamed Abid retiendra l’attention de partis politiques, dont il pourrait être le porte-voix auprès de la communauté tunisienne aux États-Unis. ■

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À L’AVANT-GARDE !

Juliana Rotich La pionnière des TIC en Afrique

Grâce à sa plate-forme en ligne Ushahidi, qui cartographie les situations de crise, cette Kényane est à l’origine du premier logiciel en open source du continent.

WALDO SWIEGERS/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

par Emmanuelle Pontié

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ée au Kenya en 1977, Juliana Rotich effectue une partie de ses études aux États-Unis, où elle travaille ensuite pendant plus de dix ans dans l’industrie informatique. Loin de son pays natal, la jeune Kényane blogue et devient vite célèbre sur les forums. En 2007, elle est invitée à la conférence TEDGlobal d’Arusha, en Tanzanie, où elle sympathise avec Erik Hersman et Ory Okolloh, deux autres blogueurs. La même année, lors des heurts qui suivent la présidentielle au Kenya, le trio crée une plate-forme en ligne sur laquelle les foyers de violence sont indiqués, vite relayée par une mise à jour par SMS pour les utilisateurs n’ayant pas Internet. C’est la naissance d’Ushahidi (« témoignage » en swahili). Le principe : collecter les déclarations et localiser les points chauds sur une carte.

Le succès est foudroyant, et plus de 50 000 témoignages sont rapidement rapportés. Le projet séduit la Fondation MacArthur, puis l’Omidyar Network, deux organisations philanthropiques américaines, qui financent une conversion du logiciel en open source, donc accessible à tous gratuitement. Depuis, Ushahidi a été utilisée dans des dizaines de pays, comme au Nigeria ou en Colombie pour détecter les fraudes électorales, ou encore en Inde pour dénoncer les violences faites aux femmes.

Le programme pouvant se télécharger, en principe, sans demande préalable, son utilisation est infinie.

En 2013, la société (qui emploie aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs) lance le BRCK, un boîtier qui utilise la meilleure source disponible dans des zones (ou des moments) de faible connexion pour continuer à fournir un accès Web. Juliana Rotich collectionne aussi les distinctions : elle a entre autres été nommée entrepreneuse sociale de l’année 2011 par la Fondation Schwab pour l’entrepreneuriat social et a reçu le Prix allemand pour l’Afrique 2019, qui récompense son engagement en faveur de la liberté d’expression. ■

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Roméo Mivekannin Aux sources d’un art royal Plasticien atypique, l’artiste béninois ravive la mémoire de l’âme noire dans une œuvre prolifique d’où jaillissent le culte vaudou, le passé et la richesse de l’Afrique. Après la foire 1-54 à Paris en janvier, ses réalisations sont présentées ce mois-ci à la galerie Cécile Fakhoury, à Dakar. propos recueillis par Fouzia Marouf

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ort altier, promenant sa silhouette d’esthète avec grâce, Roméo Mivekannin allie l’élégance du dessin à la liberté de la matière. Ses regards profonds, ses autoportraits peints sur des toiles monumentales (constituées de draps français datant du XIXe siècle cousus entre eux et trempés dans un élixir vaudou) sont autant de stigmates de son héritage familial lié à l’histoire coloniale.

Né à Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 1986, il déménage avec sa famille dès sa prime enfance au Bénin, terre de ses ancêtres.

En 2004, il part en France pour ses études, et on le renvoie alors sans cesse à sa couleur de peau. Exil et résistance auréolent le souvenir de son arrière-arrière-grand-père, Béhanzin, le dernier roi de Dahomey, déporté en Martinique par les autorités coloniales françaises en 1894. Incarnant un entre-deux, vivant entre Cotonou et Toulouse, cet artiste singulier explore son identité et interprète ce passé afin de déconstruire le rapport de domination du corps noir dans l’histoire de l’art occidental : sur sa pièce majeure, Le Radeau de La Méduse d’après Théodore Géricault, exposée à la foire d’art contemporain africain 1-54, à Paris, en janvier, il prend la place de trois des naufragés. Son univers captivant, ses travaux prolifiques l’ont amené l’année dernière à rejoindre la galerie Cécile Fakhoury d’Abidjan et celle d’Éric Dupont, à Paris. À l’heure où la France doit rendre le Trésor de Béhanzin (26 œuvres royales) au Bénin, Roméo Mivekannin présentera son exposition personnelle « Hosties noires », en hommage aux tirailleurs sénégalais, à la galerie Cécile Fakhoury de Dakar, du 27 mars au 25 juin prochain.

Alchimiste, plasticien renouant avec la mémoire de l’âme noire, il s’est confié à Afrique Magazine entre deux toiles de maître.

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LAURENT BELET

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AM : Comment êtes-vous venu à l’art ?

Roméo Mivekannin : Je suis arrivé en France pour suivre une

formation d’ébénisterie, puis j’ai choisi de poursuivre des études à l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse. La place que j’occupe aujourd’hui, en tant qu’artiste et créateur, s’inscrit dans la continuité. L’essence de l’architecture est présente dans mon travail. J’interroge le temps et l’espace. Mon rapport à l’art, en tant que public, a toujours été de l’ordre de la fascination. Je peins des images, des visages ou des compositions qui ont marqué ma mémoire, mon imaginaire et qui, depuis, m’obsèdent. Ce sont ce que j’appelle des « revenances ».

Le travail de création m’est rapidement apparu comme inévitable : je devais composer avec la puissance et la violence dégagées par ces images, puisque je ne pouvais y échapper ou y être indifférent.

Vos œuvres, d’une rare force, sont très surprenantes.

Pour la toile de fond de mes peintures, j’utilise de vieux draps du XIXe siècle provenant de trousseaux de familles françaises, destinés aux jeunes mariées. Portant les initiales de ces femmes qui perdaient leur nom en se mariant, ils parlent aussi d’une certaine époque, d’une représentation et de systèmes de pouvoir. Ces draps sont comme des linceuls que je peins dans l’espoir d’opérer une libération, laquelle commence par un hommage aux victimes, à ces êtres humiliés. Je les fais longtemps macérer dans des élixirs dits réparateurs, utilisés dans des rites vaudous du royaume du Dahomey – aujourd’hui le Bénin, dont je suis originaire. Dans cette société initiatique, les rituels nous accompagnent au quotidien, au moment des naissances, des rencontres, des alliances, des décès ou des voyages. Ainsi, ils interviennent naturellement dans mon processus de conception.

Mon travail prend racine dans un héritage secret. Mes ancêtres, les rois d’Abomey, m’ont transmis des charges. J’en suis garant, et je me trouve dans la position d’intermédiaire, d’intercesseur entre la tradition héritée et le monde qui s’offre à moi. Je deviens ainsi médium, comme le masque vaudou.

C’est important pour vous d’allier art et ancestralité ?

Et de faire apparaître votre visage sur vos toiles ?

Comme tout individu, je véhicule avec moi tout un passé, celui de mes ancêtres, fait de rituels, de récits et de croyances.

En tant qu’artiste, je choisis de mettre en exergue ces histoires qui sont les miennes, sans pour autant m’appartenir, afin de me les réapproprier et de les mettre en cohérence non seulement avec la personne que je suis, mais aussi avec le monde actuel.

La question centrale de mon travail est double : quel regard le contemporain que je suis peut-il porter sur le passé ? Et quel sens les forces du passé (les ancestralités) qui m’habitent peuventelles insuffler aux choses du présent ? Le recours à certaines formes d’ancestralités africaines me permet dès lors de redéfinir mon héritage – ce que l’on m’a transmis, mais aussi ce que je considère comme important d’être transmis. Enfin, l’ancestralité est selon moi une force qui nous habite, elle nous relie à nos ancêtres, mais aussi à la terre et aux origines du monde.

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J’avais envie de me confronter au Radeau de La Méduse, de Théodore Géricault, comme pour retourner à la genèse de sa création.

L’art peut et doit prétendre au même pouvoir transcendantal : celui d’habiter et de sublimer notre imaginaire et nos croyances.

Quand je m’inscris dans la continuité de rituels vaudous par exemple, je ne le fais pas à la légère. Les bains d’élixir dans lesquels je trempe les draps sont des potions fortes, dont l’effet n’est pas qu’esthétique. Et lorsque je peins mon visage à la place de celui des personnes noires ou invisibilisées, c’est un choix à la fois culturel et politique. J’initie un rituel vaudou afin d’aider les âmes de ces hommes et de ces femmes à se libérer de ces oppressions qui les maintiennent dans l’ici-bas. Il faut qu’elles puissent partir pour nous laisser vivre en paix. Mes visages fixent le regard des gens qui viennent observer mon travail. Le rapport dominant-dominé change, nous sommes sur un pied d’égalité.

Je me nourris, je m’emplis de ces regards et me recompose ainsi une nouvelle identité.

Parlez-nous de votre œuvre monumentale, Le Radeau de La Méduse d’après Théodore Géricault, présentée lors de la foire 1-54 à Paris, en janvier dernier.

Le Radeau de La Méduse, de Théodore Géricault, est une peinture dont l’histoire et la composition me fascinent. Du point de vue de la représentation des figures noires dans l’histoire de l’art classique, ce tableau est d’une grande importance. Critiqué à son époque pour ses vues anticolonialistes, Géricault est l’un des premiers peintres en Europe à faire apparaître un Noir ou un métis sur ses toiles. Cette figuration est significative, puisque le Noir y apparaît en héros de cette scène, comme personnage principal. Au sommet de la pyramide, il brandit un drapeau à l’attention d’un navire dont on aperçoit les voiles au loin. La charge humaniste de cette œuvre et le sujet qu’elle dépeint ont un caractère presque futuriste à mes yeux. J’avais envie de me AFRIQUE MAGAZINE

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Le Radeau de La Méduse d’après Théodore Géricault, 2021.

confronter à cette œuvre immense, comme pour retourner à la genèse de sa création. C’est un acte gargantuesque, il y a un moment où l’observation ne me suffit plus, il me faut entrer dans un corps à corps avec l’œuvre, pour la saisir et la digérer.

Votre histoire familiale est singulière : votre ancêtre était le dernier roi d’Abomey, Béhanzin. Emprisonné en Martinique en 1894, il a ensuite été transféré en Algérie en 1906, où il a vécu jusqu’à sa mort.

Selon vous, sa force tient dans l’évocation de l’immigration…

Il y a un dicton béninois qui dit « tout acte posé par un homme doit entrer dans l’histoire ». Effectivement, le dernier roi fut Béhanzin. Il est mort en exil à Blida, en Algérie, le 10 décembre 1906. Son corps n’a été rapatrié au Bénin, à Djimé (actuelle Abomey), que le 9 mars 1928. On ne va pas refaire l’histoire.

Il n’y a rien à déclarer. Cependant, en tant que descendant de Béhanzin et en tant qu’artiste, j’ai le devoir de rappeler tout cela.

J’ai commencé un corpus d’œuvres qui traite de sa résistance à la colonisation, de sa déportation et de sa fin. Je le répète, il est de mon devoir de faire vivre sa mémoire et de montrer au monde la puissance à la fois symbolique et économique que revêtait son nom. Une mémoire encore aujourd’hui très vivace en Afrique, et pas seulement au Bénin, que je tiens à faire connaître et à partager. Dans quelques mois, je présenterai ce travail à la galerie Éric Dupont, à Paris. À l’occasion de l’exposition, celle-ci éditera un livre dans lequel Gaëlle Beaujean, conservatrice au Musée du quai Branly et experte du royaume d’Abomey, écrira un texte.

Le Radeau de La Méduse représente le naufrage d’une frégate française en partance pour le Sénégal, transportant à son bord des militaires et des gens du peuple (fonctionnaires, médecins, agriculteurs, contremaîtres, etc.) quittant la France pour créer une colonie, dans l’espoir d’une vie meilleure. À la suite d’une erreur de navigation du capitaine, la frégate est prise dans une tempête et s’échoue. Est ensuite construit un immense radeau, sur lequel grimpent 147 personnes, et dont seules 15 survivront.

Théodore Géricault, en quête de reconnaissance à l’époque, peint précisément cette tragédie, le naufrage d’individus qui avaient pris la mer dans l’espoir d’un ailleurs plus heureux.

Aujourd’hui, la scène résonne de manière troublante avec l’actualité, et c’est ce retournement de l’histoire qui m’intéresse.

Elle constitue aussi un témoignage des relations entre les Blancs et les Noirs, les Européens et les Africains, de ces rencontres déséquilibrées, de ces histoires communes, faites de souffrance et de jeux de pouvoir, tour à tour récits intimes et politiques.

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La loi autorisant la restitution par la France d’une trentaine d’objets d’art au Sénégal et au Bénin a été

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promulguée en décembre dernier. Parmi ces œuvres, on trouve le Trésor de Béhanzin, soit 26 pièces qui proviennent du pillage du palais d’Abomey en 1892 par les troupes coloniales françaises.

90 000 pièces d’Afrique subsaharienne : le Musée du quai Branly en possède 70 000, dont les deux tiers auraient été rapportés durant la période des colonies françaises entre 1885 et 1960. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

On ne peut qu’encourager la volonté du gouvernement français à échanger, à restituer. Il y a aussi des accords qui ont été signés pour la circulation des œuvres, car si les Africains ont le droit d’avoir accès à leurs patrimoines, ils ont aussi droit à celui de l’humanité. C’est tout à fait légitime. C’est important de regarder son histoire, de reconnaître les moments positifs, mais aussi ceux où l’on n’a pas été juste envers les autres. Regarder ces moments en face, c’est une manière de réparer autrui.

Un rapport existe en effet sur ce sujet. C’est le fruit du travail de l’historienne de l’art Bénédicte Savoy et de l’écrivain Felwine Sarr. C’est un texte très juste, car il repose sur des faits historiques. Il propose, à travers une série de recommandations, les conditions d’une relation nouvelle entre la France et l’Afrique. Je trouve que l’on perd souvent du temps à refaire l’histoire, ce qui est vain, mais il est en revanche nécessaire de bâtir ensemble des conservatoires, plutôt que de les réhabiliter.

85 à 90 % du patrimoine africain se trouverait hors du continent, et principalement dans les musées européens.

Les collections publiques françaises renferment ainsi

En 2004, vous arrivez à Toulouse, où vous étudiez dans une école d’architecture. Vous déclarez avoir voulu concevoir des maisons pour développer votre intériorité…

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Le Village Sénégalais à la Porte Maillot, 2020.

Je trouve que l’on perd souvent du temps à refaire l’histoire, ce qui est vain, mais il est en revanche nécessaire de bâtir ensemble des conservatoires, plutôt que de les réhabiliter.

souviens de leurs secrets, de leurs conseils. Ma grand-mère nous a transmis la dignité, la détermination, la mémoire de nos ancêtres, afin d’être fiers de notre histoire, car nous savons d’où nous venons. Elle évoquait souvent la personnalité de son père, le prince Danha Béhanzin, affable, pugnace et d’une rare intelligence. J’étais un enfant rêveur, marqué par un endroit sur le chemin de l’école que j’appelais le « carré de charbonnier » : lorsque le charbon en était retiré, j’y voyais déjà des dessins sur les murs, suite aux traces de charbon. J’avoue être devenu artiste après ce déracinement, cette histoire familiale. J’ai été marqué par le pouvoir sensoriel de la terre, les odeurs au fil des saisons, la vie dans les patios.

Que faites-vous pour vous déconnecter, comment vous évadez-vous ?

Créer, c’est aussi s’évader. J’aime les rencontres, la poésie, les voyages, la musique. J’adore le cinéma dérangeant, celui qui m’interpelle. Grâce à Vénus noire (2010) d’Abdellatif Kéchiche, j’ai réalisé ma première peinture sur le corps noir, La Vénus Hottentote, en 2015. Ce cinéaste est un génie ! J’ai souffert comme cette femme noire, j’avais l’impression que c’était mon corps que l’on regardait, que j’étais au cœur du film. J’étais épuisé, j’en ai pleuré à la fin de la projection.

Dans quel endroit souhaiteriez-vous vivre idéalement ?

En effet, comme je l’évoquais précédemment, l’architecture est omniprésente dans mon travail artistique. La notion d’architecture de l’intime est le fondement de ma pratique. Je construis un théâtre de la mémoire, fait d’images, de regards, de recoins oubliés, de postures et de symboles – un théâtre fait pour être habité, investi pas nos contemporains et transformé en lieu de débat et de vie.

Que vous inspire la pensée du philosophe camerounais Achille Mbembe ?

Tout d’abord, c’est une pensée qui aide à déconstruire les mécanismes de domination, de ségrégation, de pouvoir sur les corps, de fait, elle m’intéresse car cela fait écho à mon travail.

C’est une pensée qui m’accompagne, me permet de panser mes plaies quand je doute. Elle nous invite à repenser le monde, mais en inventant nos propres outils.

Vous évoquez aussi le Tout-Monde d’Édouard Glissant au fil de votre discours…

Je suis béninois, ivoirien, français, je suis un habitant du Tout-Monde. Édouard Glissant est un père pour moi. Il m’a accompagné durant mes études d’architecture. Comment penser un monde dans sa complexité, généralisée et accélérée par la mondialisation ? Comme l’aurait également très bien dit René Char, il s’agit d’une pensée en archipel. Elle est ouverte, mouvante, elle donne à voir l’état et la diversité du monde.

Que retenez-vous de l’Afrique où vous avez vécu ?

Le regard de ma grand-mère, Yvette, petite-fille du roi Béhanzin. J’ai grandi dans la maison familiale à Cotonou entouré de nombreuses femmes, dont mes tantes. Je me AFRIQUE MAGAZINE

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Dans toutes les villes du monde ! Je suis heureux là où je suis accepté. J’adore le Japon, son architecture, son minimalisme. Le fait d’y évoquer l’essentiel renvoie au spirituel. Je suis un passionné de voyages, de rencontres. J’aime quitter ma réalité pour me porter vers un ailleurs. J’ai adoré Berlin, la nuit. Ses grands espaces de ville postindustrielle traversée par une large diversité culturelle, alliant Afrique, onirisme et fantastique, comme dans un film de Jim Jarmusch ou de Wim Wenders.

Pour finir, pouvez-vous nous en dire plus sur votre prochaine exposition à la galerie Cécile Fakhoury, à Dakar ?

J’ai choisi de développer un travail autour de l’histoire coloniale du Sénégal. L’exposition se nommera « Hosties noires », en hommage au recueil de poèmes de Léopold Sédar Senghor du même nom, publié en 1948. Je m’intéresse en particulier aux tirailleurs sénégalais, ces soldats noirs des troupes coloniales françaises durant la Seconde Guerre mondiale. Certains d’entre eux, notamment ceux déployés en Afrique du Nord, étaient autorisés à s’établir avec leur famille, ce qui provoquait parfois certaines tensions chez leurs camarades français, loin de la leur. C’est dans ce contexte que sont apparues les images qui m’ont inspiré cette nouvelle série. Je m’intéresse notamment aux cartes postales que les soldats français envoyaient à leur famille en métropole et qui représentaient des femmes de tirailleurs dans des tâches de la vie quotidienne. Entre fantasmes mêlés d’exotisme, idéologie coloniale et fascination pour l’autre, ces images témoignent du rapport ambigu entre la métropole et ses colonies. Et je serai aussi exposé au Bénin en 2022, je m’en réjouis tant ! Je sens que ce retour aux racines sera fort. ■ 55

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À L’AVANT-GARDE !

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Debora Kayembe La rectrice

d’Édimbourg

Après avoir fui la République démocratique du Congo il y a seize ans, cette avocate est aujourd’hui la première personne de couleur à être nommée à la tête de la vénérable université de la capitale écossaise. par Emmanuelle Pontié

À

45 ans, elle vient officiellement de prendre ses fonctions de rectrice de l’université d’Édimbourg, l’une des plus prestigieuses d’Europe, le 1er mars. C’est la première personne de couleur à occuper ce poste, au terme d’un incroyable parcours. Il y a seize ans, Debora Kayembe fuit sa République démocratique du Congo natale, recherchée par un groupe armé qu’elle avait contribué à démasquer. L’avocate obtient asile au Royaume-Uni et s’installe en Écosse, où son diplôme est reconnu et où elle fonde une famille, tout en se spécialisant dans les dossiers de droit humain. Elle subit alors des attaques racistes à plusieurs reprises. On lui sabote sa voiture, et elle réchappe de justesse à un accident mortel. Plus tard, c’est au tour de sa fille d’être humiliée à l’école, quand une enseignante lui demande d’exécuter une danse d’esclave devant la classe… Debora se bat, dénonce, mais AFRIQUE MAGAZINE

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toujours avec dialogue et tolérance. Elle lance des pétitions qui portent leurs fruits, font bouger les choses.

C’est cette qualité qui séduit, contre toute attente de l’intéressée, la direction de l’université d’Édimbourg, une institution fondée au XVIe siècle. Elle est approchée en novembre dernier pour savoir si le poste l’intéresse. Et indique que c’est le cas, tout en pensant que ses chances sont minces : « C’est quelque chose que je n’avais jamais imaginé », déclarera-t-elle plus tard à l’AFP. Aujourd’hui, elle affronte le double défi du Brexit et de l’épidémie de Covid-19, qui impacte son université composée à 75 % d’étudiants internationaux. À la suite de sa nomination, elle a reçu de nombreuses félicitations, dont celles du président congolais Félix Tshisekedi. Une nouvelle notoriété qui lui permet de promouvoir un meilleur enseignement pour le continent : « L’Afrique a besoin de l’éducation, de la meilleure éducation.

Mon rôle sera de m’assurer que ce soit en haut de l’agenda. » ■ 57

perspectives

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a finance et les chiffres permettent parfois d’éclairer une situation. Malgré la pandémie de Covid-19, la Côte d’Ivoire fait partie des 22 pays du monde à afficher une croissance positive en 2020 (et des perspectives encourageantes s’annoncent pour 2021). Le 25 novembre dernier, juste après des élections présidentielles tendues, le pays bouclait un emprunt eurobond de 1 milliard d’euros (souscrit plus de cinq fois) avec un taux d’intérêt de 5 % – alors le plus bas de son histoire. Le 12 février, la Côte d’Ivoire annonçait une seconde levée de fonds pour un montant de 850 millions d’euros. Avec un taux assez exceptionnel de 4,3 %. Deux opérations en pleine crise sanitaire, qui témoignent de la confiance « globale » pour le pays, et qui envoient également un signal fort sur la crédibilité du président Alassane Ouattara et de son équipe.

Les marchés ont voté Côte d’Ivoire au terme d’une séquence

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historique pourtant particulièrement complexe pour le pays.

Début mars 2020, ADO annonce qu’il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre. Le 11 mars, un premier cas de Covid-19 est détecté. Dans la nuit du 1er au 2 mai, le Premier ministre et candidat Amadou Gon Coulibaly fait un malaise cardiaque. Il est évacué vers Paris. Le 2 juillet, AGC rentre à Abidjan. Le 8 juillet, le Premier ministre se rend au Conseil des ministres, au palais du Plateau. Son cœur lâche. Le choc est immense. Le président reprend la barre et se présente.

Et assume les conséquences liées à ce troisième mandat. Depuis AFRIQUE MAGAZINE

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NABIL ZORKOT

CÔTE D’IVOIRE LES EXIGENCES DE DEMAIN

Modernisation économique, mutation politique, diversité, jeunesse, transition générationnelle…

Les années qui viennent sont particulièrement importantes pour une nation qui change vite, sans vraiment changer tout à fait. par Zyad Limam

Soleil couchant et début de nuit sur le quartier du Plateau, à Abidjan.

le scrutin, la Côte d’Ivoire se remet en marche. Il y a un plan, un programme, une vision. Une stratégie à moyen terme qui vise de nouveau à doubler le PIB du pays en dix ans, en passant de 50 milliards d’euros à près de 100 milliards en 2030. En modernisant à marche active l’économie et la société. Le pari est ambitieux et nécessite une mutation politique majeure.

L’enjeu historique reste le même, prégnant, consubstantiel à l’émergence. Comment entrer véritablement dans la modernité politique, construire un équilibre institutionnel et démocratique, qui dépasse enfin les calculs ethno-régionalistes traditionnels ?

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Comment construire une société politique contemporaine et transcender les facteurs de divisions historiques qui plombent le débat national ? Comment enfin ouvrir la porte des opportunités et des décisions plus largement encore aux nouvelles générations ? 80 % des Ivoiriens et des Ivoiriennes ont moins de 30 ans. Ils sont l’avenir du pays. Pour le président Alassane Ouattara et pour la société tout entière, les années qui viennent sont cruciales. Une marche sur la ligne de crête qui peut se révéler prometteuse aussi. ■ 59

PERSPECTIVES

Les derniers mois auront été particulièrement exigeants pour le président, souvent douloureux sur le plan personnel. Il y a ce contexte pandémique avec le Covid-19 qui ralentit la croissance.

Et la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, son héritier politique, son fils spirituel, le 8 juillet dernier. Il y a aussi les attaques, souvent blessantes, sur le fameux troisième mandat. Mais « le patron » aura tenu, politiquement et humainement.

Il a maintenu le cap. La Côte d’Ivoire sort d’une séquence particulièrement dangereuse par le haut. ADO a repris la main au Palais du Plateau, comme rajeuni, et plus impliqué que jamais.

Les impératifs de ce fameux troisième mandat sont là. C’est le paradoxe ADO. Après une décennie de pouvoir, il doit de nouveau être réformateur, acteur du changement dont la croissance et la stabilité du pays ont besoin.

ISSAM ZEJLY POUR JA

ALASSANE OUATTARA LES CHANTIERS DU PATRON

Campagne du RHDP, à Cocody, le 26 février 2021.

ÉLECTIONS UN SIÈGE DE HAUTE LUTTE

ISSOUF SANOGO/AFP

On critique facilement les élections africaines. Mais souvent se joue aussi un véritable moment démocratique, un choix, vraiment, même imparfait. Le 6 mars 2021, les électeurs et électrices ont renouvelé leur Assemblée nationale, composée de 225 députés.

Le scrutin n’a pas été boycotté par l’opposition, qui a tenté de présenter un front plus ou moins uni entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et les différentes mouvances héritières de Laurent Gbagbo. La loi a imposé un minimum de 30 % de femmes sur les listes de candidatures. Les ministres et les « en haut d’en haut » doivent battre la route pour conquérir leur siège… La campagne aura été vivace, un détonant mélange de campagne de proximité, d’alliances et de contre-alliances famillialo-locales, de lutte des ego, avec parfois de vrais projets et aussi, évidemment, un large saupoudrage de francs CFA… Quel que soit X, c’est tonique.

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Officiellement, nous sommes à Abidjan, dans l’une des 13 communes du district. Mais c’est comme si nous étions ailleurs, dans un autre monde, loin des tours orgueilleuses du Plateau et des belles villas de Cocody. Bienvenue à Abobo, véritable ville dans la ville, entité de près de 1,5 million d’habitants. Un melting-pot vivace et stupéfiant, où se retrouvent et se croisent toutes les Côte d’Ivoire à la fois, musulmane, chrétienne, animiste, mais aussi toutes les immigrations qui sont venues y vivre. Ici, « c’est un peu un concentré d’UEMOA et de CEDEAO. Nous sommes presque des diplomates… », sourit un officiel de la mairie. Abobo, c’est toute la promesse de la diversité ivoirienne, mais aussi l’incarnation des défis que pose l’exigence d’unité. Abobo, c’est également la mairie du Premier ministre Hamed Bakayoko, en soins à Paris au moment où nous écrivons ces lignes.

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DIVERSITÉ VOYAGE À ABOBO

AMBITIONS LES SYMBOLES DE LA TOUR F

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Retour au Plateau. La Côte d’Ivoire aime les grands travaux, les défis de construction, remodeler son territoire.

Et c’est ici, en plein cœur historique du centre des affaires, que doit naître la fameuse Tour F, qui viendra s’accoler aux tours A, B, C, D et E érigées sous l’ère Houphouët-Boigny et rénovées depuis par ADO. Dessinée par l’architecte Pierre Fakhoury – à qui l’on doit évidemment la basilique de Yamoussoukro – et réalisée par le groupe PFO, elle s’élèvera à 404 mètres (à la pointe de la flèche). Ce sera la tour la plus haute d’Afrique, une structure pensée pour le futur, connectée et sécurisée. Les travaux ont commencé (cf. photo à droite), et l’inauguration est prévue pour fin 2025. Le projet incarne certainement les grandes ambitions ivoiriennes. Mais par sa présence même, par son ampleur, la Tour F souligne aussi la nécessité de dynamiser le « autour » qui la supporte, l’entreprise, le secteur privé, l’initiative locale, le dynamisme d’une économie qui doit se moderniser plus vite encore.

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INFRASTRUCTURES DÉVELOPPEMENT POUR TOUS Les deux châteaux d’eau, immenses, s’élèvent à l’horizon, dans la commune d’Alépé, à 25 km au nord-est d’Abidjan.

Les ouvrages s’inscrivent dans le cadre du grand projet de traitement d’eau de La Mé, qui doit fournir plus de 250 000 m3 d’eau potable par jour à la capitale économique et ses près de 5 millions d’habitants. Plus au nord, une autre usine, située sur le fleuve Bandama, doit permettre de libérer Bouaké et sa région des pénuries d’eau (parfois dramatiques, comme en mars 2018). La Côte d’Ivoire investit régulièrement et massivement dans ces projets d’infrastructures. Plus de 2 000 milliards de francs CFA étaient prévus au budget 2020, et malgré la pandémie de Covid-19, rien n’a véritablement été arrêté. Une politique nécessaire de mise à niveau, mais aussi une politique dictée par l’impératif social. Malgré un taux de croissance record sur la dernière décennie, les inégalités et les résultats en matière de développement humain nécessitent une action publique encore plus déterminée.

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LONG TERME LE PONT DE VRIDI, ENTRE LAGOS ET DAKAR C’est dessiné, c’est prévu, ça se fera sûrement. Un grand pont à haubans au-dessus du canal de Vridi. Une structure longue de 740 mètres et haute de 60 mètres. L’une des plus hautes du monde donc, qui laissera le libre passage aux grands navires et porte-conteneurs se dirigeant vers le Port autonome d’Abidjan. Le pont devrait changer la physionomie de la capitale économique, en ouvrant à l’urbanisation près de 15 000 hectares de terres vierges à l’ouest du canal, vers l’île Boulay. Et si l’on voit plus grand, si l’on rêve plus grand, si l’on imagine l’Afrique du futur en train de se construire, voici un pont qui permettrait de faire le lien vers Lagos à l’est. Et vers Dakar à l’ouest, en passant par San-Pédro… Une grande épopée à suivre pour nous et la génération qui vient.

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Une unité Covid-19 ouverte, à l’hôpital militaire d’Abidjan.

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Des plantations de palmiers à huile sur la route de Grand-Lahou.

AGRIBUSINESS GREEN POWER C’était le rêve et l’ambition de Félix Houphouët-Boigny, planteur lui-même : faire de la Côte d’Ivoire une puissance agricole. Une grande partie du chemin est faite.

Le pays est le premier producteur mondial de cacao, on le sait. C’est aussi le premier producteur africain de caoutchouc naturel. Le premier producteur mondial de noix de cajou. Le cinquième producteur mondial d’huile de palme. Le premier producteur africain de kola, et le troisième de coton… Les cultures vivrières font vivre une bonne partie de la population. Et 70 % des terres sont arables. Les défis sont pourtant là, urgents.

Il faut transformer sur place plus et mieux pour monter dans l’échelle de valeurs et créer des emplois. Et il faut aussi lutter dès maintenant contre le changement climatique, la déforestation, la pollution qui menace les sols de ce pays à la nature généreuse. Et fragile.

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COVID-19 MOBILISATION Dès les premiers cas, en mars 2020, la machine s’est mise en route. Très vite, la Côte d’Ivoire a mis en place des structures ad hoc de prise en charge, soutenues par le secteur privé et les donateurs nationaux. L’État a commandé des masques, des respirateurs. Les CHU d’Abidjan sont progressivement montés en gamme et se sont imposés comme des centres majeurs de traitement. Depuis les confinements de la période mars-avril, le pays vit un régime de quasi-liberté, tout en incitant, souvent difficilement, la population à respecter les gestes barrières. La seconde vague de début janvier semble contenue.

Et la campagne de vaccination a été lancée le 1er mars dernier.

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AVIONS LE NEO EST LÀ !

C’est un petit clin d’œil à tous les passionnés de voyages et d’avions qui doivent ronger leur frein en cette période de pandémie. Air Côte d’Ivoire (ACI), que l’on dit régulièrement au bout du rouleau, mais qui tient son rang et affirme son rôle dans l’offre économique du pays, vient d’acquérir son premier A320neo – le moyen-courrier monocouloir de nouvelle génération du constructeur Airbus. ACI devient ainsi le premier opérateur de cet appareil en Afrique de l’Ouest.

Et le troisième sur le continent. Déployé sur les routes régionales, le Neo devrait également assurer la liaison Abidjan-Johannesbourg, dès que les conditions sanitaires le permettront.

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DÉCENTRALISATION L’IMPÉRATIF HINTERLAND Nous voilà sur la nouvelle route (rénovation et construction) qui relie la « côtière », aux environs de Grand-Lahou, vers Guitry, Divo et Lakota. Une route qui désenclave les régions du Gôh et du Lôh-Djiboua. Pour la Côte d’Ivoire de demain, l’intérieur du pays, c’est le nouvel horizon incontournable de l’émergence. L’un des enjeux est de « sortir » la croissance hors les murs d’Abidjan, la mégapole concentrant 80 % de la richesse économique du pays. Le développement local s’impose comme une priorité. L’État cherche à promouvoir la délocalisation d’industries vers l’hinterland. Les villes secondaires doivent générer leur propre univers économique. Entraîner autour d’elles leur environnement. Fixer leurs jeunes sur leurs territoires.

DÉVELOPPEMENT DURABLE UNE PRIORITÉ NATIONALE C’est l’une des préoccupations majeures des années à venir.

Depuis 1960, la Côte d’Ivoire a perdu 80 % de sa couverture forestière.

Les plantations de cacao grignotent la densité végétale et affaiblissent les sols. Les industriels et les miniers, en particulier dans l’arrière-pays, ne sont pas toujours regardants sur le respect des normes. La pollution s’accentue.

L’écosystème très fragile, unique, magique des lagunes est soumis à rude épreuve. Et la question de l’énergie reste encore dominée par le recours aux « fossil fuels ». Comme le souligne ce militant, « des efforts sont en cours, spécifiquement dans le domaine forestier. Mais la Côte d’Ivoire a besoin d’une prise de conscience collective pour s’engager dans le développement durable ». Qui peut aussi se révéler une opportunité. Les « capitaux verts » ne manquent pas pour entamer une révolution, qui doit générer la croissance de demain.

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Le fameux réseau lagunaire qui borde une partie des côtes.

CULTURE VIVACITÉ EN ÉBURNIE Sa boutique de l’hôtel Sofitel Ivoire attire les Abidjanais et les voyageurs du monde entier. Avec ses fameuses chemises (que portait Nelson Mandela himself), Pathé’O reste un symbole patiné par le temps et le talent, l’une des figures emblématiques du monde de la mode, de la culture et du design ivoirien. Abidjan s’impose progressivement sur la carte artistique du monde.

Avec ses galeries de qualité, comme celle de Cécile Fakhoury, la galerie LouiSimone Guirandou, la Fondation Donwahi ou encore la galerie MAGNIN-A. Avec ses artistes à la réputation mondiale ou en devenir : les Aboudia, Joana Choumali, François-Xavier Gbré, ou l’incontournable Ouattara Watts, parmi tant d’autres. À Abobo [voir page 62], le premier musée d’art contemporain du pays a ouvert ses portes, financé et construit par Adama Toungara. Une ébullition qui témoigne d’une forme de vivacité positive et encourageante.

ÉVASION L’OPPORTUNITÉ TOURISME Voici l’une des destinations d’avenir du tourisme mondial. À quelques heures de l’Europe, des États-Unis, des pays du Golfe.

Des centaines de kilomètres de plages quasiment immaculées de San-Pédro (avec sa fameuse Baie des Sirènes) en allant jusqu’à Assinie, ce hot spot naturel et festif à un peu plus d’une heure d’Abidjan. Abidjan, justement, cité globale, vibrante, bouillonnante, où se croisent toutes les cultures africaines et les migrations nouvelles, libanaise, chinoise, française… Vous voilà dans un pays de savane, de forêts, et de traditions vivaces. Un vrai voyage dans une Afrique contemporaine. Une « offre » qui pourrait faire du tourisme un véritable vecteur de croissance, pourvoyeur d’emplois, d’opportunités dans un monde post-pandémique.

Une offre à structurer aussi sur le plan financier, réglementaire.

Et à promouvoir. Le tourisme, c’est du rêve !

Pathé’O. en arrière-plan, dans son univers.

KADER DIABY - ZYAD LIMAM

Assinie, le hot spot à une centaine de kilomètres d’Abidjan.

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ABD AL MALIK

« L’URGENCE DE TISSER DES LIENS »

Engagé, ce rappeur et écrivain passionné de poésie vient de publier Réconciliation, ouvrage confession dans lequel il raconte en toute liberté les maux de ses contemporains et son histoire française. propos recueillis par Fouzia Marouf

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’un calme olympien, béret vissé sur la tête, Abd al Malik est un auteur au contact direct.

Instantanément, avec son regard profond, son aura naturelle, on l’imagine jouer un rôle de Juste dans Shadows (1958), de John Cassavetes. Né à Paris en 1975, il déménage avec ses parents en République du Congo où il vit jusqu’à l’âge de 6 ans, entouré d’une famille chaleureuse. Le jeune Régis FayetteMikano (de son vrai nom) quitte alors ces rives plantureuses pour Strasbourg et le quartier melting-pot du Neuhof, avec

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ses communautés venant du Maghreb, de Turquie, d’Asie et d’Afrique subsaharienne. Une véritable Tour de Babel des temps modernes régie par une règle d’or : la solidarité.

Adolescent amoureux des mots, poète maniant la rime avec brio et témoin d’un quotidien parfois âpre, il crée avec son frère aîné Bilal le groupe de rap New African Poets (N.A.P.), en 1988.

Animé par un éveil à la spiritualité, il se convertit au soufisme durant son adolescence et prend le nom d’Abd al Malik (« regis » signifiant « roi » en latin, tout comme le mot arabe « malik »).

C’est peu après qu’il rencontre la chanteuse de R’n’B Wallen, AFRIQUE MAGAZINE

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AMANDA ROUGIER

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INTERVIEW

Un artiste en quatre œuvres

AM : Comment est née l’idée de Réconciliation ?

Abd al Malik : J’ai contracté le Covid-

Je n’ai pas d’écriture de prédilection. Le cœur battant de ma vision est la poésie. Je m’attache à magnifier le beau, afin de le mettre en valeur dans mes différents opus : albums, livres, longs-métrages… Notre œuvre, c’est notre vie. Nous sommes chacun à notre niveau des artistes qui créons, réalisons, entamons des démarches esthétiques, éthiques ou encore politiques.

Votre confession s’ouvre sur le mot « peur », vous citez au fil du récit le terme « amour » à plusieurs reprises pour pallier les maux de la société française fracturée, et vous finissez sur « réconciliation ». Diriez-vous que ce livre est un plaidoyer pour la paix à l’échelle de l’humanité en cette montée des extrêmes, au Nord comme au Sud ?

◗ Gibraltar, album, 2006 ◗ Le Jeune Noir à l’épée, livre-CD, 2019 ◗ Réconciliation, livre, 2021 ◗ Cités, mini-série sur TikTok, 2021

19 au moment du premier confinement, en mars 2020. Alité durant trois semaines, j’ai longuement médité sur la notion de finitude, le fait que nous ne sommes pas éternels. J’en suis arrivé à la nécessité de créer du lien, de tisser des actions en faveur de cela à travers de multiples thématiques. Être plus volontaire dans mon désir de travailler à la réalisation de cette notion de lien. À la fin, j’ai pris conscience de la violence inouïe qui se déversait dans le flot ininterrompu des réseaux sociaux.

Je souhaitais rendre hommage aux victimes des attentats, et un internaute de mauvaise foi a mis en doute mon patriotisme. J’ai eu le sentiment d’être face à une fracture qui divise notre pays et le continent européen, que la voix d’un artiste ou d’un poète avait moins de poids que celle d’une femme ou d’un homme politique.

Vous y déclarez être déçu de la politique, après avoir croisé nombre de personnalités politiques, comme Régis Debray ou Emmanuel Macron…

Oui. Le politique est « malade » de la communication. Il n’est pas en phase avec la réalité, il est hors-sol, hors de l’action.

Il gagnerait en crédibilité s’il pouvait s’extraire d’une forme d’imposture. Or, il doit s’inscrire dans un réel volontarisme.

Les activistes de la société civile sont plus impactants et sincères dans leurs convictions, ils sont présents sur le terrain. En cela, à travers Réconciliation, je m’adresse aux citoyens animés de bonne volonté.

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Vous êtes tour à tour rappeur, écrivain, metteur en scène et auteur-compositeur, et votre œuvre est prolifique.

Quelle forme d’écriture préférez-vous ?

Absolument. Dès lors que l’on est en paix avec soi-même, on l’est avec l’autre. Si l’on cristallise nos actes, nos pensées sur un sentiment de peur, comment parvenir sainement à la paix ? Il nous appartient d’œuvrer à bâtir, à alimenter ce parcours de réconciliation : reconnaître autrui dans sa singularité est louable en tant que projet sociétal. La France est illusionnée, elle ne parvient pas à saisir que l’esprit et la forme ne s’arrêtent pas à l’aspect extérieur chez un individu. Alors que le plus important, ce sont les valeurs universelles, pour lesquelles nous devrions tous être unis, de façon incarnée.

Ces mêmes valeurs qui forgent notre identité et ne nous divisent pas au nom d’une religion supposée, d’une couleur de peau, d’un milieu socioculturel, car une partie de la population est maintenue dans une pensée racialiste. En réponse de quoi, j’oppose le patriotisme au nationalisme. Parce que j’aime la France, l’autre, et non pas le repli sur soi. J’aspire à un désir de dialogue et d’harmonie.

Récemment, l’islamologue et politologue Rachid Benzine déclarait sur le plateau

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d’origine marocaine. Unis par les liens du mariage (et du son !) depuis 1999, ils sont les heureux parents de quatre enfants. Éternel conteur, précurseur du slam, il raconte dans un style vif ses rêves, ses espoirs, son histoire, d’abord dans Le Face à face des cœurs en 2004, puis dans Gibraltar en 2006, album phare pour toute une génération. Son œuvre dit la complexité du monde et ses questionnements. Rappeur ayant plus d’une corde à son art, passeur de poésie, réalisateur, compositeur, c’est aussi un écrivain prolifique qui ravive la mémoire d’Aimé Césaire, d’Édouard Glissant, d’Albert Camus. Entier, fidèle à sa veine d’artiste engagé, il vient de sortir Réconciliation, une confession sous forme de plaidoyer, exhortant à la tolérance des peuples en cette montée des extrêmes. Il s’interroge sur la fracture de l’Hexagone et la place à accorder aux citoyens, sans distinction sociale ou ethnique, afin de former un récit commun. Une nouvelle façon de faire porter sa voix.

Avec les comédiens de la pièce d’Albert Camus Les Justes, à l’espace Cardin, à Paris, qu’il a adaptée et mise en scène, en mai 2019.

de l’émission télévisée Quotidien que la France ne peut pas aspirer à un récit commun tant qu’elle se prend pour un tableau de Renoir alors qu’elle est la tête de Picasso…

STÉPHANE LAGOUTTE/MYOP

Sacré Rachid [rires] ! Je ne dirais pas les choses de cette façon. La France reste emmurée inconsciemment dans des concepts préétablis. Je parlerai de ma rencontre, déterminante, avec la chanteuse Juliette Gréco, qui a donné lieu à de nombreuses collaborations et à une profonde amitié. Elle me regardait comme son égal, et cette bienveillance, cet intérêt sincère, je les ressentais déjà de la part de certains de mes professeurs.

Juliette me disait : « Tu es Napoléon », et je lui répondais : « Tu es la République ! » Elle m’amenait à l’idée de reconnaissance, d’une appartenance commune. Nous nous reconnaissions l’un en l’autre. Et je crois profondément au militantisme pour faire un récit commun. J’aimerais réaliser un biopic sur elle, qui serait une nouvelle façon de renouer avec mes trois passions : la littérature, la musique, le cinéma. Elle a marqué les esprits et les époques par ses engagements, son talent et son incroyable personnalité.

Un chapitre de votre ouvrage est justement consacré à Juliette Gréco. Quelles autres figures féminines vous ont marqué ?

Je pense notamment à la chanteuse Miriam Makeba et, au-delà de sa brillante carrière artistique, à la puissance de son engagement en Afrique du Sud, où le racisme est structurel.

Elle a indéniablement incarné une figure importante pour ses contemporains et les futures générations. Oum Kalsoum me AFRIQUE MAGAZINE

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fascine également : sa dimension spirituelle me parle, et surtout, très tôt, son père l’a déguisée en garçon pour qu’elle puisse avoir accès à toutes les formes de science. Le début de sa vie avait déjà déterminé la fin. C’est un modèle pour toutes les femmes à travers le monde.

En 2006, vous signez la chanson « Gibraltar », confession intime dans laquelle vous inversez le rapport Nord-Sud : « Sur le détroit de Gibraltar, y a un jeune homme qui va naître, qui va être celui que les tours empêchaient d’être / […] Du détroit de Gibraltar, un jeune Noir vogue, vogue vers le Maroc tout proche, vogue vers ce Maroc qui fera de lui un homme… » Vous étiez visionnaire du destin sacrifié des harragas (« brûleurs » en arabe), jeunes Africains qui brûlent leur vie en mer. Votre inclination pour l’humain se retrouve aussi dans Réconciliation, où vous citez François Villon et son poème La Ballade des pendus : « Frères humains, qui après nous vivez / N’ayez les cœurs contre nous endurcis »…

Nous autres poètes, c’est notre cœur qui parle. On dit et on voit des choses qui se révèlent intemporelles. On est parfois comme des miroirs de l’humanité. Pour nous, les mots sont importants. Dans Gibraltar, je me raconte et je raconte le monde qui m’entoure lors d’une temporalité précise. Dans l’absolu, j’aspire à être du côté des victimes, je me dis que la justice doit forcément porter ses fruits. Par ailleurs, les écrits du poète Villon me parlent encore au XXIe siècle. Comment en tant qu’artiste, humain, parent, allons-nous transmettre nos 73

INTERVIEW

valeurs et élever nos enfants ? Cela relève d’une responsabilité doublée d’une vraie conscience. Je le répète, le fait d’avoir été souffrant au sein d’une France fracturée m’a mené à une évidente réflexion.

Vous défendez également les valeurs de l’Europe.

Est-ce dû à vos attaches à Strasbourg, où vous avez grandi à partir de l’âge de 6 ans ?

J’ai rejoint d’autres artistes qui se sont rassemblés autour de la cohésion et de l’union que représente l’Europe, à la suite du Brexit, car nous sommes des passeurs à qui l’on demande forcément de réagir, en fonction de l’actualité. Selon moi, l’Europe est tout aussi importante que l’Afrique. Ce ne sont pas uniquement des ailleurs. Très jeune, je me suis éveillé à la notion d’Europe, car mon identité est aussi européenne. Le fait d’avoir vécu dans une région frontalière y est sûrement pour quelque chose, nous sommes à l’heure de la mondialisation avec des référents fabuleux. Je pense à Édouard Glissant qui évoquait déjà la créolisation, la relation à autrui, le chaos comme le ToutMonde. Ce sont des concepts intellectuels qui nous renvoient plus que jamais au vivre ensemble et à la nécessité de repenser notre identité.

Parlez-nous de la série au format court Cités, diffusée sur le réseau social TikTok depuis le 26 février, que vous avez écrite et réalisée.

Je souhaitais mettre en lumière la vie d’une bande de jeunes amis qui sont touchés par la dimension culturelle, à travers des figures qui leur parlent, telles qu’Isabelle Eberhardt, Marivaux, Albert Camus ou encore Félix Éboué. Que la jeunesse vive dans des quartiers populaires ou dans des villages, elle est tout autant traversée par le patrimoine français. Elle représente un ToutMonde, voire un Tout-Village, comme le rappellerait Édouard Glissant. Cités est une mini-série de 12 épisodes d’une durée de 1 minute. J’ai pris soin de montrer des images à mes enfants de 6, 10 et 19 ans, car je voulais observer leurs réactions. Chacun en a eu une perception différente. Fort heureusement, j’ai réussi à capter leur attention. J’ai choisi d’utiliser ce médium, car le monde de l’image évolue actuellement rapidement sur les réseaux sociaux. Plutôt que de critiquer une frange des jeunes qui les utilisent, pourquoi ne pas leur parler directement sur cette plate-forme ? Réaliser cette série était un challenge, avec une finalité claire : nous sommes des auteurs, des narrateurs de récits inclusifs, nous devons faire peuple tous ensemble, nous devons magnifier nos différences afin d’en faire des richesses et non pas des tares.

Le Jeune Noir à l’épée, livre-CD publié en mars 2019, est un récit poétique inspiré du tableau au titre éponyme de Pierre Puvis de Chavannes (1850) qui a donné lieu à un spectacle chorégraphié par le Burkinabé Salia Sanou. Était-ce important pour vous de raviver la mémoire de figures africaines à travers l’histoire ?

Ce n’est pas tant le fait de raviver la mémoire, mais plutôt le fait de vouloir questionner, de changer les perspectives en 74

J’adore passer du temps avec ma famille, c’est ma priorité. Avoir un bébé au plus fort du Covid-19 m’a amené à une vraie réflexion. racontant le vécu de Français d’origines différentes, et tout particulièrement celui de l’homme noir à travers l’histoire de l’art. Ce tableau me permettait d’allier divers médiums, dont la peinture, la poésie, la musique et la photographie. Le Jeune Noir à l’épée est coédité notamment par Présence africaine, institution à la fois française et européenne. Il me tenait à cœur de montrer cette richesse du patrimoine, en associant la figure du modèle noir et cet ouvrage.

Quels sont vos liens avec la République du Congo, où vous avez vécu quelques années durant votre enfance ?

J’y ai de solides attaches familiales et j’en garde d’incroyables souvenirs. Je suis né à Paris dans le 14e arrondissement, puis avec mes parents, nous avons déménagé au Congo. Ma famille est basée entre Brazzaville et Pointe-Noire. C’est la puissance de la lumière, le lien fort transgénérationnel et un grand sentiment de positivité qui me traversent, dès que j’y pense. On vivait tous ensemble, oncles, tantes, grands-parents, ça renforce les liens.

Le Congo est profondément lié à mes racines.

Ce lien sensoriel et émotionnel vous ramène-t-il aussi au Maroc, que vous connaissez bien ?

Je suis lié au royaume chérifien par une élévation éminemment spirituelle, c’est différent. Je me rends principalement dans la région de l’Oriental, au sein d’une zaouïa [édifice religieux soufi, ndlr], pour me reconnecter, me recentrer, alors que mon lien au Congo est basé sur la terre. Mais il y a certainement un écho car c’est le continent africain. Le Maroc et le Congo sont deux pays de cœur, qui sont importants pour moi.

Comment se sont opérés votre cheminement spirituel et votre conversion à l’islam et au soufisme, quand vous êtes passé de Régis Fayette-Mikano à Abd al Malik ?

La spiritualité est fondamentale pour moi. Comme pour tout un chacun, qu’elle provienne de Dieu ou non, on cherche AFRIQUE MAGAZINE

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l’harmonie. Peu importe la façon de méditer pour être en paix avec soi-même et autrui.

Personnellement, je l’ai trouvée auprès de l’islam, qui m’est apparu comme ma religion naturelle. Adolescent, j’étais un grand lecteur, j’ai lu de nombreux livres sur l’islam, mon frère était déjà devenu musulman. Je suis issu d’une famille de catholiques pratiquants. Cela est vraiment le fruit d’un cheminement, j’étais très réceptif aux grands poètes soufis – comme Louis Aragon Aux côtés de la chanteuse Juliette lorsqu’il se connecte à la culture Gréco, au salon du livre de Paris 2013, de l’islam, la magnifie et écrit avec laquelle il était très ami.

Le Fou d’Elsa. D’autant que la branche soufie est pacifique. Il ne faut pas uniquement associer l’islam à la barbarie et aux tôt, j’ai été confronté à la mort, j’ai perdu de nombreux amis à propos islamophobes d’Éric Zemmour. Et je reste toujours Régis cause du fléau de l’héroïne. Toutefois, j’en garde un souvenir de Fayette-Mikano. De plus, ma femme était aussi dans cette phase forte solidarité, il y avait un réel esprit de village, de famille : on de cheminement, sa famille appartenant à une confrérie soufie était issus de tant de communautés variées (les Maghrébins, les au Maroc. Entre deux prises de voix en studio d’enregistrement, Subsahariens, les Gitans, les Français blancs et noirs…), on était nous parlions énormément de soufisme. porteurs d’une vraie richesse et d’une diversité qui ont participé à faire de moi l’homme que je suis. Il y avait comme une forme Vous avez rencontré cette dernière, la chanteuse Wallen, de grâce, on ne peut évoquer le paradis que lorsqu’on l’a connu. aux studios du producteur Sulee B Wax, à Paris. En 2004, Mais la jeunesse des quartiers est confrontée à beaucoup de elle a sorti « L’Olivier », une ode au rapprochement entre plafonds de verre au quotidien. Elle aspire à s’épanouir, à être juifs et musulmans, extraite de l’album Avoir la vie dans l’acceptation d’autrui, surtout en France, cette mère patrie devant soi (en hommage à l’écrivain Romain Gary). Ses de l’art et de la culture. Or, elle est placée sur le bas-côté. choix artistiques sont radicaux, elle refuse le formatage de l’industrie du disque, elle est « Celle qui a dit non » (en featuring avec Shurik’n en 2001), et pourtant elle vous a dit oui…

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Parce que je ne la formate pas [sourire] ! Je l’accepte telle qu’elle est, je suis un fan de son travail artistique ! Je suis l’égal de ma femme, elle est tellement forte. C’est elle qui m’a donné énormément de courage durant de nombreuses années, ça m’a armé pour faire face aux diktats de l’industrie musicale et au qu’en-dira-t-on. J’avoue être béni, chanceux d’être aux côtés d’un tel être.

En 2010, vous avez fait un duo ensemble, « Mon amour ».

Avez-vous envie d’une nouvelle collaboration avec elle ?

Le clip montre d’ailleurs des images de votre quartier natal, le Neuhof, réputé « chaud », qu’en retenez-vous ?

Oui, nous avons de nombreux projets en commun auxquels nous réfléchissons. On se conseille, on est une famille. Pour l’instant, elle a plusieurs réalisations à mener, idem de mon côté, mais j’ai hâte que l’on puisse se retrouver artistiquement.

Pour ce qui est de mon adolescence à Strasbourg, j’ai eu beaucoup de chance car j’y ai vécu des choses dramatiques. Très AFRIQUE MAGAZINE

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Comment vous déconnectez-vous quand vous n’êtes pas en projet ? Retournez-vous à Strasbourg, où est né votre premier groupe, New African Poets (N.A.P.) ?

J’adore passer du temps avec ma famille, ma femme et mes enfants, c’est ma priorité. Je suis devenu papa pour la quatrième fois il y a sept mois. Avoir un bébé au plus fort du Covid-19 m’a amené à une vraie réflexion. Et oui, bien sûr, je retourne souvent à Strasbourg. Ma mère, mes frères et sœurs y vivent toujours. Mon frère aîné, Bilal, y possède un studio d’enregistrement, où je travaille. Strasbourg, c’est aussi le point de départ de N.A.P., né d’une envie de raconter nos expériences, notre vécu au Neuhof, un groupe local devenu national. A suivi ma rencontre avec la formation IAM, des modèles en matière de textes, de rap, avec lesquels j’ai été amené à collaborer et qui sont devenus des amis. J’ai envie de créer avec des artistes africains, de développer de nouveaux projets au Maroc, au Congo, au Sénégal, ou encore au Mali, où il y a d’incroyables talents.

J’aimerais travailler pleinement à ce lien entre le Maghreb et le Sahel. ■ 75

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Cristal rêve d’Afrique

Le modèle

éthiopien fortement fragilisé

La dette

à nouveau une source d’inquiétude

Être jeune et sans emploi, une fatalité ?

Les moins de 25 ans représentent 60 % des chômeurs africains. Et avec la poussée démographique, la population active triplera demain. Il faudra alors créer 1,7 million de postes par mois. Les pays en sont loin. Cette pénurie est une véritable bombe à retardement. par Jean-Michel Meyer

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n 2070, un jeune sur deux dans le monde sera africain. « Entre 2013 et 2063, la population en âge de travailler devrait plus que tripler et passer de 627 millions à près de 2 milliards d’individus, soit une augmentation de plus de 1,3 milliard d’individus », prédit la Banque africaine de développement (BAD). Une telle évolution serait de nature à « générer une croissance économique exceptionnelle de l’ordre de 500 milliards de dollars par an », assure l’Agence française de développement (AFD).

Retour en 2021. Il n’est pas besoin de se propulser aussi loin dans le temps pour comprendre le défi associé 76

à cette poussée démographique : il faut créer suffisamment d’emplois.

Aujourd’hui déjà, près de 60 % de la population a moins de 25 ans. « Alors que 10 à 12 millions de jeunes entrent sur le marché du travail chaque année, seuls 3 millions d’emplois sont créés, laissant un grand nombre sans travail », déplore la BAD. Selon la Banque mondiale (BM), ils représentent 60 % des chômeurs africains. Et cela, sans compter l’informel, qui « occupe » 95 % des jeunes. L’impact économique du Covid-19 n’arrange évidemment rien. « En 2020, nous estimons entre 30 et 50 millions les emplois perdus. Et il y en aura encore de 30 à 50 millions

L’impact économique du Covid-19 n’arrange évidemment rien.

Des manifestations régulières de personnes désœuvrées et au chômage ont lieu en Algérie. Ici, un jeune homme sur une colline à Alger.

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cette année », annonce Vera Songwe, la Si des mesures d’intégration XXL secrétaire exécutive de la Commission ne sont pas adoptées, le continent économique pour l’Afrique (CEA). ressemblera à un Titanic que rien ne « C’est simple : les jeunes feront fera dévier de sa collision avec un les frais de la crise », lance Ruti Ejangue, iceberg. « Il faudrait que les marchés consultante pour la région Afrique du travail puissent créer entre 2018 à la BM. Au Sénégal, ils sont 200 000 et 2035 environ 20 millions d’emplois chaque année à frapper à la porte par an, soit le double de ceux qui ont été du marché du travail. La promesse, créés en moyenne entre 2012 et 2017. » en 2013, du président Autrement dit, explique La plupart des Macky Sall de créer la BAD, « les pays africains 300 000 emplois avant devront collectivement États ont pris 2017 n’a pu être tenue. créer 1,7 million d’emplois des initiatives, En Côte d’Ivoire, 93 % par mois. Leur nombre mais ils agissent augmentera avec le temps, des jeunes sont dans avec retard. l’informel. Or, plus de passant de 1,5 million par trois sur dix rêvent d’être mois entre 2023 et 2033, cadres, alors que les offres sont rares. à 2 millions entre 2053 et 2063 ». À Ouargla, début février, à 800 km Sinon, la situation risque d’être d’Alger, de jeunes chômeurs tenaient intenable. La jeunesse est le plus grand leur 37e rassemblement hebdomadaire. atout du continent, mais elle peut devenir « une bombe à retardement Des manifestations régulières imminente qui est une menace pour de personnes sans-emploi ont lieu la cohésion sociale, une cause de aussi en Tunisie. « Ce n’est pas un migration massive si des politiques phénomène nouveau, mais il a tendance appropriées ne sont pas mises en à devenir structurel », explique œuvre », prévient l’Organisation Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire internationale du travail (OIT) au plan du Maroc, où plus de 31 % dans un rapport de mars 2020. des 15 à 24 ans sont au chômage.

Dans un centre de formation en informatique, à Soweto, en Afrique du Sud.

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Dans un tweet du 6 mars 2019, la BAD précisait que « 40 % des jeunes Africains qui rejoignaient des groupes extrémistes mentionnent l’absence de travail » pour justifier leur choix.

Pour l’OIT, le chômage des jeunes « est en croissance constante depuis 2012 ». La plupart des États ont pris des initiatives, mais ils agissent avec retard et sans l’ampleur nécessaire pour vaincre ce fléau : le Ghana a instauré un service national de la jeunesse pour aider les diplômés du supérieur à trouver un travail ; Maurice promeut l’enseignement technique et la formation professionnelle ; la Zambie a créé un fonds pour les entrepreneurs en devenir… Les effets de ces initiatives nationales restent encore à évaluer.

De même, dans le privé, les forums de l’emploi ou les programmes de formation internes des grands groupes se multiplient. En 2019, la BAD fixait de son côté l’objectif pour 2025 de créer 25 millions d’emplois et de doter 50 millions de jeunes de capacités pour devenir entrepreneurs. « L’Afrique va dans la bonne direction, mais beaucoup trop lentement », note George Lwanda, conseiller du Centre de services régional du PNUD pour l’Afrique. « Il est clair qu’une transformation structurelle des activités économiques à faible productivité, en particulier dans l’agriculture, vers des activités à forte productivité, telles que la production industrielle, constitue une priorité essentielle pour l’Afrique », incite la BAD. Et le défi n’est pas mince.

Il s’agit de revoir l’intégration du continent dans les chaînes de valeurs mondiales qui repose, dans l’agriculture et l’industrie, sur l’exportation de matières premières, avec l’ambition de créer des emplois locaux qui valorisent ces produits. De son côté, le think tank américain Brookings Institute suggère de favoriser les « industries sans

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cheminées » (comme les services basés sur les technologies de l’information et des communications, le tourisme, l’agro-industrie, l’horticulture ou les transports), leur croissance dépassant celle du secteur manufacturier. « Entre 1998 et 2015, les exportations de services de l’Afrique ont augmenté plus de six fois plus vite que les exportations de marchandises », justifie le think tank. « L’Afrique est à un point de basculement. L’occasion manquée de la dernière décennie est profondément préoccupante. Les jeunes citoyens africains manquent d’espoir, de perspectives et d’opportunités.

Leurs dirigeants doivent investir dans l’éducation et accélérer la création d’emplois pour soutenir les progrès et éviter une détérioration potentielle, ainsi que pour s’assurer que la voix et les attentes des jeunes sont prises en compte dans l’élaboration des politiques. Il est temps d’agir », écrit Mo Ibrahim dans un article du Brookings Institute.

Mais il n’y aura pas de miracle. « Les trois quarts des nouveaux entrants sur le marché de l’emploi travailleront à leur compte ou dans des micro-entreprises. […] La population croissante de jeunes plus instruits et urbanisés qui rencontrent peu d’emplois est une crise en devenir », note le Brookings Institute. Ce n’est donc pas un hasard si la création d’entreprise est fortement encouragée. Comme une fatalité, face à la pénurie d’emplois qui guette les futurs actifs, Diariétou Gaye, alors directrice de la stratégie et des opérations pour la région Afrique de l’Est et australe de la Banque mondiale, en tirait la leçon en juin 2020, en s’adressant aux jeunes très directement : « Je peux vous affirmer qu’il ne se passera jamais rien si vous restez les bras croisés en attendant que les autres agissent pour vous. » ■ AFRIQUE MAGAZINE

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LES CHIFFRES

Chefchaouen, dans les montagnes du Rif, au Maroc.

53,8 %, c’est la perte de revenus du secteur touristique du Maroc en 2020, soit un manque à gagner de 3,87 milliards d’euros.

200 MW Soit la puissance de la plus grande ferme solaire photovoltaïque d’Afrique de l’Ouest que devrait construire sous peu le Nigeria.

701,5

millions de dollars ont été levés en 2020 par 397 start-up africaines (en hausse de 42,7 % par rapport à 2019).

1 MILLIARD D’EUROS , C ’EST LA SOMME QUE L’U NION EUROPÉENNE DEVRAIT ACCORDER SUR SIX ANS À LA FILIÈRE CACAO DE CÔTE D’IVOIRE POUR QUE LE PAYS DEVIENNE LA PREMIÈRE « ORIGINE CACAO DURABLE ».

46 % des comptes mobile money actifs dans le monde sont en Afrique.

Soit 481 millions de comptes, qui passeront à 500 millions d’ici la fin du premier trimestre 2021.

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BUSINESS Ford investit 1 milliard de dollars en Afrique du Sud

Avenir assuré pour l’usine de montage de Silverton, à Pretoria. Le constructeur américain souhaite en faire un site de classe mondiale.

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200 000 pick-up Ranger y seront assemblés.

Alimenté par des énergies renouvelables, doté d’une ligne ferroviaire jusqu’à Port Elisabeth, le site doit « devenir entièrement autonome en énergie et neutre en carbone d’ici 2024, précise Andrea Cavallaro.

Ce sera l’une des premières usines Ford à atteindre ce statut ». « Nous ne pouvons pas fonctionner éternellement comme une île. Nous devons montrer que nous pouvons rivaliser avec le reste du monde », a lancé le président Cyril Ramaphosa. ■

LE PARI FOU DE SKY MALI

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n vol Bamako-Tombouctou le 1er février 2021. Ce n’était plus arrivé depuis 2012 et l’arrêt d’Air Mali. À cette liaison s’ajoutent des escales à Mopti, Kayes et Gao, opérées par Sky Mali. Dès le mois de mars, l’aéroport international Modibo Keïta doit redevenir le hub d’un transporteur battant pavillon national. Cette compagnie, l’une des plus jeunes d’Afrique, a été fondée en 2019 par un ex-haut cadre d’Air Afrique, El Hadj Baba Haïdara, qui a convaincu le fonds d’investissement Wing Investments, de miser 31 millions de dollars dans le projet, alors que le trafic aérien africain a chuté de 69,8 % en 2020. Et que les compagnies ne retrouveront leur niveau de revenus d’avant crise qu’en 2024, selon l’Association internationale du transport aérien. ■ 80

La Bourse des matières premières nigériane va être repensée.

e sort de la Nigeria Commodity Exchange (NCX), active dans le soja, le sorgho ou encore les noix de cajou, est entre les mains de Godwin Emefiele, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (CBN).

Constatant, fin janvier, l’échec du processus de privatisation de l’institution, il a engagé, à travers un comité de pilotage, son repositionnement en une Bourse de matières premières à vocation mondiale, qui doit aussi contribuer à renforcer les chaînes de valeurs agricoles nationales, tout en connectant mieux les agriculteurs aux marchés, afin de stabiliser les prix des denrées alimentaires qui se sont encore envolés en décembre (+15,8 %) – un sommet depuis trois ans. La nouvelle NCX doit être opérationnelle « dans les 90 prochains jours », a assuré Godwin Emefiele. Ce virage stratégique sera engagé sous la houlette de la CBN, qui y détient une participation de 59,7 %. Un total de 50 milliards de nairas (107,5 millions d’euros) sera investi par la banque centrale et les autres actionnaires, la Nigeria Sovereign Investment Authority et l’African Finance Corporation. ■

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ne vague d’optimisme réchauffe les 4 300 salariés de l’usine de montage de Pretoria. Le 2 février, la direction du site a annoncé un investissement de 1,05 milliard de dollars, le plus important de Ford en quatre-vingtdix-sept ans de présence dans le pays. « C’est un investissement de long terme.

Il transformera l’usine de Silverton, déjà l’un des plus grands centres de production en dehors des États-Unis, en une installation à la pointe de la technologie, qui jouera un rôle important dans les opérations mondiales de Ford », s’est félicité Andrea Cavallaro, le directeur des opérations de Ford’s International Market Group. Le site créera 1 200 emplois pour produire 200 000 pick-up Ranger de dernière génération par an à partir de 2022, contre 168 000 véhicules actuellement. Destinés aux marchés sud-africain et européen, ils seront exportés vers plus de 100 pays.

Une nouvelle ambition pour la NCX

La filiale dispose de trois sites industriels au Maroc.

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groupes français Avril et Castel.

Le montant des transactions n’a pas été divulgué. En revanche, à l’image de la famille Fall au capital d’Oleosen, « les actionnaires locaux de ces deux sociétés demeurent au capital », précise le communiqué. « C’est une excellente nouvelle pour Oleosen et pour le Le spécialiste marocain des huiles alimentaires Sénégal, qui vont ainsi devenir l’un des et du savon se développe sur le continent avec l’aval piliers du développement des activités de son actionnaire de référence, le groupe Avril. de la société en Afrique », a commenté Cheikh Amadou Fall, le directeur général de la société. commerce sur l’ensemble du continent unisie et Sénégal en ce Producteur d’huiles végétales africain ». Des marchés où la filiale, début 2021, mais demain ? (soja, palme et cacahuètes) sous son qui dispose de trois sites industriels, L’avenir continental de propre label, Jaara, et sous licence est déjà le leader dans son pays, Lesieur Cristal repose sur d’exploitation de la marque Lesieur, avec des marques d’huile alimentaire les épaules de Youssef Barradi, nommé Oleosen possède une usine de raffinage (Lesieur, Huilor, Cristal, Oleor, Alhorra, en janvier directeur général en charge et de conditionnement à Dakar Mabrouka), de margarine (Magdor, des activités en Afrique de la filiale qui emploie 110 salariés et a réalisé Ledda) et de savons (Taous, El Kef). marocaine du groupe agroalimentaire un chiffre d’affaires Mais avec ses 1 000 salariés français Avril – 5,8 milliards d’euros de 29 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de chiffre d’affaires en 2019 dans La société en 2020. D’importants de 362 millions d’euros les filières des huiles et protéines a généré un investissements en 2019, dont 20 % générés végétales. Depuis le 11 janvier, chiffre d’affaires industriels sont déjà à l’export, Lesieur Cristal Lesieur Cristal est « le fer de lance de 362 millions annoncés (sans en est placé sur un tremplin, du groupe Avril dans la conquête de direction l’Afrique. nouveaux marchés sur les produits d’euros en 2019. préciser le montant) pour faire d’Oleosen Pour concrétiser de grande consommation en Afrique », le leader du marché sénégalais cette stratégie, le groupe Avril a cédé explique un communiqué du groupe. et un acteur de premier plan dans ses actifs africains au marocain, qui Dans cette perspective, l’actionnaire l’Union économique et monétaire a ainsi pris le contrôle de Cristal de référence confie à sa filiale « la ouest-africaine (UEMOA). Un marché Tunisie (et sa gamme de produits licence d’exploitation du portefeuille en plein essor que Lesieur Cristal d’huiles de table et de condiments) des marques du groupe : les huiles de – et en toile de fond son actionnaire et récupéré 90,16 % du sénégalais table et de condiments Lesieur, l’huile de référence – convoite en priorité. ■ Oleosen, codétenu jusqu’ici par les d’olive Puget, ainsi que son fonds de

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Le modèle éthiopien fortement fragilisé En 2017, le pays était célébré par la Banque mondiale comme l’économie la plus dynamique de la planète. Mais cet État très endetté démontre que l’investissement public atteint ses limites.

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Addis-Abeba, la capitale.

l’augmentation du prix des aliments de base, la hausse du chômage, le ralentissement de la croissance et l’augmentation de la pauvreté », analyse la Banque mondiale. Comme tous les pays africains qui ont considérablement emprunté à la Chine pour financer des infrastructures, l’Éthiopie est face à un mur de dette, renforcé par la crise sanitaire. Le pays doit ainsi rembourser 66 millions de dollars d’intérêts arrivés à échéance cette année pour un emprunt de 1 milliard de dollars. Incapable d’y

faire face, le gouvernement a annoncé début février qu’il sollicitait le G20 pour une restructuration de la dette.

Ce pays de la Corne de l’Afrique perd de son éclat, conquis par une croissance moyenne du PIB de 8,5 % durant les années 2000, puis de 9,6 % depuis 2010. Le pays est alors comparé à une petite Chine : un « État développementiste », un peu marxiste et dirigiste, où le gouvernement contrôle et gère l’économie. Le modèle repose sur l’investissement public (23 % du PIB) dans les infrastructures (barrage

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a carte postale a très vite vieilli. En quelques mois, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec ses 115 millions d’habitants, est passé d’un modèle de développement pour tous les pays du continent à un profond sujet d’inquiétude. Depuis sa nomination en 2018, le Premier ministre réformateur Abiy Ahmed a troqué sa couronne de lauriers de prix Nobel de la paix en 2019 – pour son rapprochement avec l’Érythrée – contre l’habit militaire de chef de guerre en 2020. Début novembre, le pouvoir central a en effet livré des combats avec la rébellion du Front de Libération du peuple du Tigré (FLPT), au nord du pays. Si officiellement la guerre est terminée, le conflit, qui évolue en crise humanitaire, ravive les dissensions ethniques, fragilisant l’unité du pays.

L’Éthiopie est également frappée par des inondations et la pire invasion de criquets pèlerins depuis vingt-cinq ans, menaçant la sécurité alimentaire.

Enfin, le pays a affronté, lui aussi, l’impact du nouveau coronavirus. À 7,4 % en 2019, la croissance du PIB n’aurait progressé que de 3,2 % en 2020. « Le choc du Covid-19 devrait être transitoire avec une reprise potentielle possible en 2021, mais l’impact économique négatif global sur l’Éthiopie sera substantiel, avec

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de la Renaissance sur le Nil bleu, ligne ferroviaire Addis-Abeba-Djibouti et une vingtaine de parcs industriels), financé par des prêts chinois. Objectifs ?

Positionner l’Éthiopie comme un hub et devenir un pays à revenus intermédiaires d’ici à 2025. En 2018, Abiy Ahmed promettait la montée en puissance du secteur privé, gagée par la privatisation partielle de joyaux publics (Ethiopian Airlines, Ethio Telecom, Ethiopian Electric Power…), que le gouvernement n’a pu mener à son terme en raison des crises dans le pays. Mais les investisseurs sont aujourd’hui dans le doute. Le parc industriel de la capitale du Tigré, Mekele, qui avait l’ambition d’employer à terme 20 000 personnes, est à l’arrêt. Trois des plus grands sous-traitants mondiaux du textile, dont le bangladais DBL qui fabrique des habits pour le géant suédois de la mode H&M, ont suspendu leurs activités au Tigré. Fer de lance du développement, l’industrie manufacturière reste sous les 10 % du PIB, tandis que le revenu par habitant, d’à peine 800 dollars par personne en 2020, est l’un des plus faibles du monde.

Pour les optimistes, l’État doit d’urgence libéraliser les secteurs des télécommunications et de la banque, « première étape cruciale pour lutter contre la vulnérabilité structurelle et réduire la dépendance vis-à-vis de la dette publique », avance le Sud-Africain Irmgard Erasmus, économiste en chef chez NKC African Economics. Pour d’autres, il doit faire le dos rond, comme le suggérait à Reuters Menzi Ndhlovu, analyste principal des risques pays et politique chez Signal Risk, en décembre dernier : « Il y a très peu de moyens de s’en sortir. Ils n’obtiendront pas plus d’argent du FMI. Ils ne peuvent pas aller sur les marchés. Leur meilleur pari est de compter sur une reprise économique mondiale à partir de 2021. » ■ AFRIQUE MAGAZINE

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LES MOTS « L’OMC ne peut pas continuer à fonctionner comme si de rien n’était. Elle a besoin de quelqu’un qui soit prêt à faire des réformes et à diriger. » NGOZI OKONJO-IWEALA, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

« Pour le Mali, l’emploi et le capital humain sont plus importants que les ressources naturelles et minières. » MOHAMED SALIA TOURÉ, MINISTRE MALIEN DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

«A Avec plus l de d 600 pôles ôl technologiques dirigés par des jeunes en Afrique, nous devons de toute urgence prendre en compte les droits de la propriété intellectuelle s. » pour protéger leurs innovations.

VERA SONGWE, SECRÉTAIRE EXÉCUTIVE VE DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’AFRIQUE AFRIQUE (CEA)

« Rien ne sert de restructurer les dettes africaines à l’égard de l’Europe et des États-Unis si c’est pour contracter plus de dettes à l’égard de la Chine.

Ce qu’on a quand même très souvent vu faire ces dernières années. »

EMMANUEL MACRON, PRÉSIDENT DE LA FRANCE

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BUSINESS

Afreximbank sort de l’ombre

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a Banque africaine d’import-export (Afreximbank) sort peu à peu de l’anonymat.

Moins connue que la Banque africaine de développement (BAD), l’institution panafricaine de financement du commerce intra et extra-africain s’affirme néanmoins comme un acteur clé sur le continent. Élue « Banque africaine de l’année » en 2019, elle a été classée fin janvier « premier arrangeur principal mandaté en Afrique subsaharienne » pour l’année 2020, selon l’agence d’informations financières Bloomberg. « Cette évaluation des transactions de la Banque reconnaît le rôle de chef de file de l’institution dans la mobilisation de capitaux à la fois à l’intérieur et

à l’extérieur du continent auprès d’un large éventail d’investisseurs et de parties prenantes pour les besoins de financement des emprunteurs en Afrique », s’est justifié l’agence.

Fondée en 1993 et basée au Caire, Afreximbank – qui a déboursé plus de 38 milliards de dollars entre 2016 et 2020 – a pour mission « d’être un instrument d’intervention face aux défaillances du marché. Afreximbank est à son mieux quand les choses sont difficiles », aime à rappeler son président, le Nigérian Benedict Oramah. Pour lui, le commerce joue un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté. La banque a, par exemple, apporté son appui aux États et au

LE CIMENT, UNE VALEUR EN BÉTON

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Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique.

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’explosion démographique est son principal moteur. Tous les ans, l’Afrique a besoin de quatre millions de logements supplémentaires, ce qui fait du ciment un secteur clé dans le développement du continent. Ce n’est donc pas un hasard si parmi les 10 premiers milliardaires africains du dernier classement Forbes, en janvier 2021, trois ont fait fortune dans ce domaine : les Nigérians Aliko Dangote (fortune nette de 12,1 milliards de dollars), numéro un du ciment et première fortune du continent, et Abdulsamad Rabiu (5,5 milliards de dollars), ainsi que l’Égyptien Nassef Sawiris (8,5 milliards de dollars), actionnaire à 5 % du groupe LafargeHolcim. Avec le doublement de la population d’ici 2050, ils peuvent dormir tranquille : les villes de plus de 1 million d’habitants devraient passer de 41 en 2015 à 67 en 2030. ■

secteur privé lors de la chute des cours du brut entre 2015 et 2018, ébranlant les économies du continent, ou lors de l’épidémie d’Ebola. « Nous avons déboursé plus de 10 milliards de dollars sans un seul défaut sur les paiements entre 2015 et 2017 », tient à préciser Benedict Oramah.

Dans cet esprit, Afreximbank a répondu présent pour lutter contre le Covid-19. En mars 2020, elle a débloqué une facilité de 3 milliards de dollars accordée aux banques centrales pour, notamment, atténuer les répercussions de la pandémie sur le commerce africain, maintenir les échanges, ou soutenir les États face aux baisses spectaculaires de recettes fiscales.

Et financera, avec la Banque mondiale, l’achat par l’Union africaine (UA) de 400 millions de doses de vaccins commandées le 28 janvier – lesquelles s’ajoutent aux 270 millions déjà précommandées. La facture est estimée entre 5,8 et 8,2 milliards d’euros.

Mais le grand envol de la banque, détenue notamment par les États et des institutions financières multilatérales du continent, est attendu avec l’ouverture de la Zone de libre-échange continental africaine (Zlecaf). Afreximbank a déjà élaboré le Système panafricain de paiement et de règlement, adopté par l’UA. Et d’autres outils suivent, comme un portail d’informations commerciales. « Cela fait partie d’un effort pour que les 84 000 kilomètres de frontières qui nous séparent depuis des siècles puissent commencer à tomber », appuie Benedict Oramah. ■

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DENIS ALLARD/REA

Plutôt discrète jusque-là, la Banque africaine d’import-export s’impose aujourd’hui comme un acteur clé dans le paysage bancaire sur le continent.

La Zambie fait partie des pays qui ont fait défaut pour rembourser leurs créanciers en 2020.

Ici, un marché à Lusaka, en août.

La dette à nouveau une source d’inquiétude

L’impact économique de la crise sanitaire fragilise et appauvrit les États, ce qui entrave leur capacité à rembourser leurs prêts. Le risque de surendettement menace.

MARTIN MBANGWETA/XINHUA-REA

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n janvier, le Tchad a été le premier État d’Afrique de l’année à demander à bénéficier du moratoire sur le paiement du service de la dette, décidé par les pays du G20 en avril 2020 pour soulager les pays les plus pauvres, dont 40 africains, luttant contre la pandémie.

Un dispositif reconduit jusqu’en juin 2021. Deux jours plus tard, c’était à l’Éthiopie, puis à la Zambie, de faire pareil. Ainsi que le Kenya, obtenant un report de paiement de 300 millions de dollars de sa dette. Le pays avait pourtant hésité à solliciter l’aide du G20, afin de « préserver sa cote souveraine et son accès futur aux marchés financiers internationaux », précisait à Bloomberg, le secrétaire au Trésor, Ukur Yatani. Des rééchelonnements, des restructurations, peut-être même des effacements partiels seront encore décidés cette année.

Car la situation se dégrade. La Banque mondiale prévoit que la dette moyenne AFRIQUE MAGAZINE

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de l’Afrique subsaharienne atteindra un sommet à 67,4 % du PIB en 2021, contre 56 % avant la crise économique.

La situation au Ghana, en Angola, en République du Congo, au Gabon, au Kenya, au Cameroun, en Ouganda ou au Mozambique est suffisamment inquiétante pour faire craindre qu’un « tsunami de la dette » ne submerge le continent. « 16 pays africains, contre 11 en 2010, sont confrontés à un risque élevé de surendettement ou à une situation de détresse financière », détaille Yasmine Osman, économiste au département Afrique de l’Agence française de développement (AFD). Face à la marge de manœuvre des États qui se réduit, le Fonds Monétaire International (FMI) évalue les besoins de financement extérieur à 1 200 milliards de dollars entre 2020 et 2023. Dont 890 milliards (environ 55 % du PIB) pour l’Afrique subsaharienne. Or, actuellement, il manque 345 milliards pour atteindre

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ce montant. « Comme une grande incertitude entoure les perspectives économiques et l’accès aux flux financiers, l’Afrique subsaharienne a peu de chances de pouvoir trouver des financements pour l’ensemble de ces besoins », s’inquiète le FMI. Les marchés redoutent que le cas de la Zambie ne se répète ailleurs. En novembre, le pays, dont la Chine détient 26 % de la dette extérieure, a fait défaut pour rembourser 120 millions de dollars à ses créanciers. En quasi-faillite, il a sollicité le FMI pour échapper à d’éventuelles actions en justice de ses prêteurs. Mais la suspicion domine. Les investisseurs occidentaux « sont susceptibles de rejeter les plans potentiels d’allégement de la dette dans les pays empruntant à la Chine, craignant qu’ils ne soient utilisés pour rembourser les prêts chinois », pointait dans une note, début février, Aleix Montana, du cabinet Verisk Maplecroft. ■ 85

VIVRE MIEUX Pages dirigées par Danielle Ben Yahmed, avec Annick Beaucousin et Julie Gilles

ÊTRE MIEUX ARMÉ CONTRE LE COVID-19 FACE AU NOUVEAU CORONAVIRUS, VOICI QUELQUES CONSEILS POUR BOOSTER VOS DÉFENSES IMMUNITAIRES.

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les particules infectieuses qui resteraient en suspension dans un endroit clos. Enfin, certains spécialistes conseillent d’éviter de parler ou de téléphoner dans les transports en commun, malgré le port du masque, pour limiter les projections.

Faire le plein de vitamine D Il en est beaucoup question en prévention, et pour cause : « De nombreuses études récentes montrent que la concentration de vitamine D dans le sang est plus basse chez les personnes développant des formes graves de Covid. À l’inverse, une recherche a démontré que la quasi-totalité des patients avec peu de symptômes avaient des taux de vitamine D suffisants. On sait que celle-ci a des effets positifs sur la régulation des défenses immunitaires. De plus, en AFRIQUE MAGAZINE

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EN ATTENDANT QUE SUFFISAMMENT de personnes soient vaccinées ou que des traitements efficaces apparaissent, se protéger contre le Covid-19 – ou en tout cas faire en sorte d’y résister mieux – est primordial. D’autant plus à l’heure où de nouveaux variants du virus, souvent plus contagieux, sont détectés. Outre les gestes barrières (le port du masque, le lavage fréquent des mains ou leur désinfection avec du gel hydroalcoolique…), de nouveaux messages de prudence sont de plus en plus préconisés.

La distanciation sociale est ainsi passée de 1 à 2 mètres : plus on l’augmente, plus on diminue en effet la quantité d’aérosols potentiellement contagieux pouvant nous atteindre.

Aérer très régulièrement afin de renouveler l’air intérieur est aussi recommandé : c’est la meilleure façon de diluer

quantité suffisante, elle contrôle l’inflammation et freine l’action délétère du virus sur les poumons, le cœur et les reins.

Enfin, il a été démontré que de fortes doses administrées dès le début de l’infection diminuent le risque de forme grave et accélèrent la guérison », indique Laurence Plumey, médecin nutritionniste. Précisons qu’il s’agit là d’un traitement sous contrôle médical, à ne pas tenter de sa propre initiative.

Certaines populations sont à risque de carence en vitamine D : les personnes âgées, les étudiants sortant peu, les personnes à la peau foncée (lesquelles en fabriquent très peu), celles souffrant de certaines maladies, d’obésité…

Et nous serions près de 50 % à en manquer. « On peut commencer par consommer des aliments qui en sont riches : poissons gras (saumon, sardines, maquereau, truite…), laits et fromages blancs qui en sont enrichis. Mais pour être sûr d’avoir des réserves suffisantes, une supplémentation est conseillée : elle est prescrite par un médecin à raison de 1 000 à 1 200 UI par jour (ou plus dans des situations à risque), soit en gouttes quotidiennes, soit en ampoules mensuelles ou trimestrielles. Sans ordonnance, il existe des compléments alimentaires, mais il ne faut pas dépasser 1 000 UI par jour », poursuit la spécialiste de l’alimentation.

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D’autres recommandations Un apport correct de vitamine C est aussi nécessaire pour les défenses immunitaires : « Il est recommandé de manger 2 à 3 fois par jour un fruit, comme l’orange, la clémentine ou le kiwi, ou de boire un verre de jus d’orange (pressé maison ou en bouteille) chaque matin : il couvre à lui seul entre 60 et 70 % du besoin quotidien », précise le Dr Plumey.

Par ailleurs, il faut soigner son microbiote intestinal, car de sa bonne santé dépend la nôtre. Il est également intéressant de manger régulièrement des laits fermentés aux probiotiques, des yaourts, voire de faire des cures de ferments lactiques (bifidobacterium et lactobacillus).

Il faut en outre dormir suffisamment, pour lutter contre les infections virales. Des études avancent que dormir moins de 6 heures par nuit multiplie par quatre le risque d’attraper un rhume, à cause d’une moindre réactivité de globules blancs (défenseurs de l’organisme). La privation de sommeil peut aussi amoindrir la réponse vaccinale.

Enfin, sans remettre en cause les gestes barrières, on peut recourir à l’huile essentielle de Ravintsara, antiviral reconnu : on en met 3 ou 4 gouttes sur son poignet ou un mouchoir, et on inhale profondément avant de sortir, de prendre les transports en commun, etc. ■ Annick Beaucousin AFRIQUE MAGAZINE

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DÉTOX : LA MONODIÈTE EST-ELLE UNE BONNE IDÉE ?

UNE COURTE CURE POUR METTRE L’ORGANISME AU REPOS. PLUS SIMPLE À SUIVRE QU’UN JEÛNE, une cure monodiète consiste à ne consommer qu’un seul aliment – cela peut-être un fruit (une compote), du riz, ou un légume – à tous les repas durant un à trois jours au maximum (au risque sinon de développer des carences). De nombreux naturopathes vantent les vertus détox de la monodiète au changement de saison, pour mettre le système digestif au repos, avant tout, pas pour maigrir…

Car réduire ses repas à un seul aliment n’est pas bon à long terme : le corps a besoin de produits variés pour fonctionner de façon optimale. Ne manger que des fruits peut, sur le moment, donner l’impression d’aller mieux, le fructose boostant la sécrétion de sérotonine (l’hormone du bien-être), mais sans protéines, cet effet s’arrête vite. Quant à l’espoir de mincir avec ce régime, oubliez ! Si quelques kilos peuvent être perdus, la reprise de poids, souvent plus rapide, est inévitable.

Une monodiète est faite pour reposer l’organisme, elle est courte : il vaut mieux manger de tout, en quantité raisonnable, en écartant le plus possible les mets industriels trop gras, salés ou sucrés. ■ Julie Gilles 87

VIVRE MIEUX DÉCODER LES ANOMALIES DES ONGLES LES PROBLÈMES LES PLUS FRÉQUENTS. Au niveau des mains

CE TROUBLE DE LA VISION TOUCHE DE PLUS EN PLUS LES PETITS. ON PEUT HEUREUSEMENT FREINER SON ÉVOLUTION. LA MYOPIE (le fait de mal voir de loin) progresse régulièrement chez les enfants. On va même jusqu’à parler d’épidémie, et l’on projette à cette allure plus de 50 % de myopes dans le monde en 2050. Les causes ? D’abord, notre mode de vie actuel, qui a tendance à réduire le temps passé à l’extérieur, alors que l’exposition à la lumière naturelle est indispensable au bon développement de la vision des enfants. Ensuite, les nombreux écrans, qui forcent les yeux à travailler de près. Précisons également que les fortes myopies sont en progression, ce qui expose par la suite à plus de risques de glaucome, de cataracte, de décollement de la rétine ou de cécité. D’où l’importance d’agir.

En prévention, il faut que les enfants passent dans l’idéal au moins 2 heures par jour dehors. Et il est conseillé de réduire les activités prolongées en vision de près (tablette, téléphone, ordinateur…), de faire des pauses régulières, ainsi que d’éloigner les écrans à plus de 35 cm des yeux.

Lorsqu’une myopie est diagnostiquée, elle nécessite bien sûr une correction. Mais il existe désormais des technologies permettant de freiner son évolution, qui agissent sur l’allongement de l’œil – la cause de ce défaut visuel –, comme des verres optiques spéciaux pour les enfants ou des lentilles de contact à porter la nuit. Les études montrent un ralentissement de la progression de la myopie de près de 60 % en moyenne. Ce qui peut éviter des corrections importantes, et ainsi diminuer le risque de complications. L’utilisation d’un collyre à base d’atropine est également en évaluation. ■ A.B. 88

Au niveau des pieds • Ils s’épaississent et jaunissent. En outre, ils apparaissent friables et semblent se décoller.

Ce sont les signes classiques d’une mycose due à des champignons ayant attaqué l’ongle. Un prélèvement doit être réalisé pour le confirmer.

Si tel est le cas, un traitement par application de vernis antimycosique est indispensable, associé en général à un petit ponçage des zones abîmées.

• De la corne se forme. On pense à un cor dû à des frottements de l’ongle contre les chaussures.

Si cela finit par être douloureux, la corne doit être ôtée pour soulager. Et mieux vaut par la suite porter des chaussures adaptées à la forme du pied. ■ A.B.

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MYOPIE : LA DÉTECTER CHEZ LES ENFANTS LE PLUS TÔT POSSIBLE

• Mes ongles ont des taches blanches.

Contrairement à ce qui se dit, ces taches ne signalent pas un manque de calcium, mais apparaissent après un petit traumatisme de l’ongle (lors d’une manucure, de travaux ménagers…). Avec la repousse, elles s’effacent. À savoir : des familles ont ces taches en permanence, mais c’est anodin.

• Ils sont mous et se décollent. Souvent, ce sont des contacts répétés avec l’eau qui sont en cause.

Mais cela peut aussi être dû à un psoriasis ou à des champignons. Il faut donc consulter, et un prélèvement pour analyse sera effectué si nécessaire.

• Leur pourtour est rouge. Là encore, le contact avec l’eau est fréquemment responsable. Mais la rougeur peut signaler un début d’infection par des bactéries ou des levures. Un traitement en conséquence sera prescrit. On doit ensuite éviter l’humidité pour s’épargner une récidive.

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En bref De bons conseils pour les enfants

COMMENT COMBATTRE LE STRESS

◗ Sommeil, alimentation, motricité, langage, propreté, autorité, entrée à l’école… Tous les sujets qui questionnent les parents débutants sont abordés dans ce livre complet au ton chaleureux. L’auteur, pédiatre, y apporte des explications simples, assorties de « brèves de consult » pratiques.

Les Vrais Besoins de votre enfant, par le Dr Alain Benoit et Aurélie Nys, Albin Michel, 18,90 euros.

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IL JOUE SUR NOTRE BIEN-ÊTRE ET ÉGALEMENT SUR NOTRE SANTÉ.

IL EST IMPORTANT DE LE CONTRÔLER. IL Y A LE STRESS AU TRAVAIL que connaissent certains. Celui de la vie quotidienne pour d’autres. Et c’est sans compter la pandémie de Covid-19, qui, de par son caractère anxiogène, impacte aussi bon nombre d’entre nous.

Quand le stress est de courte durée, il n’entraîne pas d’effets négatifs. Mais s’il devient plus ou moins permanent et que l’on a du mal à y faire face, l’organisme se retrouve en quelque sorte en surrégime, avec à la longue de possibles conséquences sur la santé. Celles-ci sont variables selon les individus : anxiété, dépression, insomnies, maux de dos, problèmes digestifs… Le stress amoindrit en outre les défenses immunitaires.

Et est suspecté de favoriser certaines affections, notamment cardiovasculaires ou dermatologiques (comme le psoriasis)…

Il n’existe pas de remède miracle pour bien vivre son stress. Mais adopter des réflexes simples permet néanmoins de mieux l’affronter et de contrecarrer ses méfaits sur le corps. Il faut commencer AFRIQUE MAGAZINE

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par avoir une vie très saine. On mange équilibré, en privilégiant des nutriments essentiels en période de stress : vitamines du groupe B, avec du blé complet, des pistaches, du thon ; magnésium, avec des eaux qui en sont riches, du chocolat noir, des fruits de mer ; générateurs de sérotonine (l’hormone du bien-être), avec du riz complet, des légumineuses, des choux, des bananes… Parallèlement, on s’efforce d’avoir une activité physique de 30 minutes au minimum trois fois par semaine, les effets anxiolytiques du sport étant reconnus.

Ponctuellement, on peut pratiquer des techniques de décontraction, comme la relaxation. On peut ainsi faire 5 minutes de cohérence cardiaque : par le nez uniquement, on inspire pendant 4 secondes, et on expire sur 6 secondes. Cela apaise rapidement et régule la fréquence cardiaque, pour une meilleure adaptation au stress.

Enfin, il est important de garder des liens sociaux qui réconfortent et aident à relativiser, et de prendre du temps rien que pour soi, pour se faire du bien. ■ J.G.

Tension : les bienfaits des étirements ◗ Il est conseillé de marcher régulièrement et d’un bon pas afin de garder une bonne tension artérielle, ou pour la faire baisser si elle est élevée.

Mais une étude vient de montrer que les étirements sont également excellents : en effet, quand on étire ses muscles, on assouplit en même temps ses vaisseaux sanguins, ce qui améliore la circulation du sang.

Marche et stretching, c’est l’idéal !

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Je dis souvent cette phrase, optimiste : « Tant que l’on respire, il y a toujours du bon. »

9 Prodigue ou économe ?

Je suis dépensière ! J’aime aider mes proches.

Et si j’ai une envie, je me fais plaisir.

10 De jour ou de nuit ?

J’aime le calme de la nuit. Il y a moins de chaleur, de pression. C’est idéal pour réfléchir, chanter, écrire.

11 Twitter, Facebook, e-mail,

coup de fil ou lettre ?

Téléphone, e-mails et Instagram.

Céline Banza

Ses études d’ethnomusicologie l’ont décidée à chanter en ngbandi, sa langue maternelle.

Au fil des BALLADES INTIMES de son premier album Praefatio, la Congolaise livre ses joies, ses blessures et son parcours. propos recueillis par Astrid Krivian 1 Votre objet fétiche ?

Ma guitare. Elle me porte bonheur.

Pas un jour ne passe sans que je la touche.

2 Votre voyage favori ?

L’île Maurice : ses beaux paysages, la plage, le calme…

3 Le dernier voyage que vous avez fait ? À Mbandaka, en République démocratique du Congo. C’était pour une campagne humanitaire de l’Unicef, dédiée à l’autonomisation des jeunes filles. Une très belle expérience, des moments d’échange et de partage très forts.

12 Votre truc pour penser à autre chose,

tout oublier ?

Je mets la musique à fond, je danse et je chante. Ça marche toujours !

13 Votre extravagance favorite ?

Danser dans la rue, sans calculer le regard des autres.

14 Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ?

Musicienne. Mon père me soutenait beaucoup.

La victoire du chanteur Innoss’B, à 13 ans, au concours Vodacom Superstar m’a donné envie. Mais journaliste aussi, ou avocate pour défendre les victimes d’injustice.

15 La dernière rencontre qui vous a marquée ?

Le journaliste et animateur Claudy Siar. Le revoir à mon concert à Kinshasa m’a beaucoup touchée.

Je le respecte beaucoup.

16 Ce à quoi vous êtes

incapable de résister ?

Praefatio, Bomayé Musik Africa.

4 Ce que vous emportez toujours

Mon chéri [rires] !

avec vous ?

17 Votre plus beau souvenir ?

Mon téléphone ! J’y écris mes idées de chanson partout où je suis – dans un taxi, en avion, en marchant…

Je n’ai pas assez de recul ni de vécu pour en juger.

Côté carrière, je n’oublierai jamais le jour où j’ai reçu le Prix Découvertes RFI, en 2019. Mes amis y croyaient à fond, et moi, je n’en revenais pas.

5 Un morceau de musique ?

Deux ! « Corps » et « Indélébile » d’Yseult. J’aime la belle âme de cette chanteuse, sa voix, sa sincérité.

6 Un livre sur une île déserte ?

Traîne-Savane, de Guillaume Jan. On voyage avec lui à travers la jungle congolaise, on vit les situations, on ressent ses émotions.

7 Un film inoubliable ?

Million Dollar Baby, de Clint Eastwood.

L’histoire d’une femme qui réalise son rêve de devenir boxeuse, malgré l’adversité.

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18 L’endroit où vous aimeriez vivre ?

Très loin, dans un endroit calme, spacieux.

Mais j’ai encore tant à découvrir !

19 Votre plus belle déclaration d’amour ?

Ce sont plutôt des preuves d’amour : la présence et le soutien de mes proches.

20 Ce que vous aimeriez que l’on retienne de vous au siècle prochain ?

Que j’étais une chanteuse écoutée et respectée. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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