Florian Knothe vit à Hong Kong depuis 2013, après avoir travaillé au Metropolitan Museum of Art de New York (Met) puis au Musée du verre de Corning. À l’origine spécialiste de l’histoire des arts décoratifs français aux XVIIe et XVIIIe siècles, il s’intéresse aux échanges et aux allers-retours culturels : les inspirations chinoises dans les arts en Europe (les fameuses « chinoiseries », voir l’encadré) tout comme les influences européennes en Chine (les objets chinois peints d’après des gravures ou des dessins européens). Ses recherches portent également sur les matériaux et l’histoire des techniques. Sous sa conduite, l’UMAG a organisé plusieurs expositions en lien avec la France. Citons, outre Willy Ronis, l’œuvre sur céramique de Picasso (2014) et les tapisseries de Beauvais au XVIIIe siècle (dont une partie de la « Seconde tenture chinoise », voir aussi l’encadré) en 2017, ainsi que les photographies de René Burri (2013) et la porcelaine de Sèvres (2015), ces deux dernières en partenariat avec le French May. En 2016, Florian Knothe a été décoré des insignes de chevalier dans l’ordre des Palmes académiques par M. Eric Berti, alors Consul général de France à Hong Kong et Macao. Un habitué des musées parisiens L’intérêt de Florian Knothe pour l’art français est ancien. Jeune étudiant en licence de conservation de mobilier en Angleterre, il étudie à Paris durant un semestre, à l’École Boulle, dans le cadre d’un échange Erasmus. Il fréquente les collections d’arts décoratifs du Louvre et du Musée des Arts Déco (qui, d’abord fermé pour travaux, finit par rouvrir) : « J’étais en complète immersion dans l’art français […] et dès lors les arts décoratifs français ont constitué mon principal objet d’étude : d’abord le mobilier, puis la céramique, la tapisserie... ». Son master en histoire de l’art porte sur Paris au XVIIIe siècle, notamment la peinture et les intérieurs. Il décide ensuite de consacrer sa thèse à la Manufacture royale des Gobelins sous Louis XIV : « et plus précisément la première décennie de son existence, où l’on y produisait de tout, et pas seulement des tapisseries ». Il vit deux ans à Paris, se rendant tous les jours à la BNF pour en consulter les archives. « Je parlais plutôt bien français » explique Florian Knothe avec un sourire. Après sa soutenance de thèse, il travaille au Met puis au Musée de Corning (dans l’État de New York). Il s’intéresse alors au travail du verre, à ses matériaux et techniques, au point d’effectuer des analyses d’éléments chimiques. Les différents acteurs de la production des objets et leurs interactions emportent également son attention : les artisans, les ateliers et les guildes (là où la Manufacture des Gobelins résultait d’ailleurs d’une rencontre entre artistes et artisans). Cette approche au croisement des technologies et du social lui semble plus fructueuse que l’histoire de l’art traditionnelle, centrée sur l’iconographie. Ici également, ses recherches en abordent des aspects interculturels : le verre influencé par les chinoiseries dans différents pays européens, mais également les influences technologiques européennes dans le travail du verre en Chine. Après son arrivée à Hong Kong, Florian Knothe s’intéresse aux textiles et à la céramique, dont la fabrication comporte des ressemblances avec le travail du verre. Mais il avoue ne plus pouvoir consacrer beaucoup de temps à la recherche, l’enseignement et la direction du musée l’occupant presque exclusivement. Bronzes et argentique En plus de ses collections chinoises permanentes (bronzes, calligraphies, céramiques, peintures), le musée fait la part belle à la photo, puisqu’au moins une exposition temporaire
y est consacrée chaque année : « le public hongkongais aime beaucoup la photographie », explique ainsi Florian Knothe. Cet engouement a récemment conduit à la prolongation de deux expositions très populaires. Tout d’abord celle consacrée à Willy Ronis, en collaboration avec le Musée du jeu de paume et les Archives photographiques de Paris, dont Florian Knothe était le co-commissaire : « Enseigner à partir des collections m’a beaucoup intéressé : attirer l’attention sur la technologie utilisée – après tout, la photographie en était presque encore à ses débuts – et la façon dont Ronis a utilisé la photographie pour créer une certaine image de Paris. Et aussi les différents sentiments et les émotions dans les photos. » De petits groupes d’étudiants de l’Alliance Française ont d’ailleurs fait classe dans l’exposition. Les apprenants devaient choisir une photo puis la décrire et parler des émotions s’en dégageant. Une expérience très intéressante et stimulante, selon Florian Knothe. L’autre exposition (malheureusement victime, dans ses dernières semaines, de la fermeture de l’UMAG en raison du Covid-19 début février) provient d’un fonds d’archives conservé à Budapest. En partie tombés dans l’oubli, les clichés qu’il contient ont été exhumés par Florian Knothe. Il s’agit de photographies prises en Chine par le Hongrois Dezsö Bozóky (1871-1957) en 1908 et 1909. Officier et médecin dans la marine austro-hongroise, en poste à Hong Kong durant deux ans et demi, celui-ci a pu prendre un grand nombre de photos le long de la côte chinoise, de Canton jusqu’à la Grande Muraille, en tant que simple « touriste ». Passionnantes tant d’un point de vue esthétique qu’historique (il existe peu de documentation photographique sur les dernières années de la dynastie Qing), elles relèvent d’une technique spécifique. Il s’agit en effet d’images en noir et blanc imprimées sur des plaques de verre de 8 x 8 cm et peintes à la main (probablement par une autre personne que leur auteur). Très petites et fragiles, elles ne pouvaient être transportées hors de Hongrie. La technologie numérique a permis leur développement en haute définition et leur exposition à des milliers de kilomètres de distance, avec le concours du consulat de Hongrie à Hong Kong et du Musée des Arts asiatiques Ferenc Hopp de Budapest. « À la veille de la révolution de 1911, la Chine était en pleine transformation, avec une multiplication des petites rébellions. Bozóky n’a ni commenté ni photographié ces évènements politiques. Il était simplement curieux à l’endroit de la Chine, et très positif dans ses commentaires ! », explique Florian Knothe. Le médecin hongrois a en effet laissé beaucoup de notes écrites, reproduites dans le catalogue de l’exposition : « Il a vu beaucoup, et beaucoup commenté. Y compris des lieux qui sont toujours visités aujourd’hui à Canton, Xiamen ou Pékin. Cela nous apprend beaucoup sur la façon dont les Européens percevaient et documentaient la Chine alors. » Une première exposition avait été consacrée en 2016-2017 aux photographies hongkongaises de Bozóky, mettant en lumière l’ampleur des transformations du territoire depuis un siècle, et suscitant déjà l’intérêt du public. Les passionnés d’histoire de Hong Kong seront d’ailleurs heureux d’apprendre que celle-ci est à nouveau visible actuellement, et jusqu’au 31 décembre 2020, sous la forme d’une visite virtuelle à partir du site web de l’UMAG. Les couleurs du Congo La prochaine grande exposition, prévue pour cet hiver, n’est pas sans lien avec la francophonie puisqu’elle sera consacrée à la peinture du Congo belge telle qu’elle s’est développée entre les années 1920 et 1960 : « Colours of Congo: Patterns, Symbols and Narratives ». Près d’une centaine de tableaux seront ainsi présentés, issus de collections privées et de musées, notamment l’Africa Museum de Tervueren en Belgique. L’occasion de









