Zoom Japon 152

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Abandonnées !

Eric Rechsteiner pour Zoom Japon

ZOOM ACTU

ÉDITO La suite

“A 15 ans, j!avais du panache”, dit la chanson de Serge Lama. A 15 ans, Zoom Japon a certes du panache, mais il a aussi bien des soucis. Pour y faire face, nous avons lancé une opération de financement participatif à laquelle vous avez répondu avec force et nous vous en remercions. La somme récoltée va nous permettre de tenir, mais nous devons néanmoins modifier notre périodicité afin d!être en mesure de continuer à produire la même qualité de contenu. Même si notre magazine est gratuit, sa réalisation nécessite des moyens que nous devons gérer au mieux, dans l'attente de retrouver un soutien publicitaire stable, équivalent à celui dont nous bénéficiions jusqu'à présent. A compter de septembre, Zoom Japon deviendra bimestriel.

LA RÉDACTION courrier@zoomjapon.info

+21,5 %

Telle est la croissance du nombre de touristes accueillis en mai par rapport à la même période l’an passé. Avec près de 3,7 millions de visiteurs entrés dans le pays, l’attrait pour le Japon reste très élevé, notamment auprès des Chinois, des Taïwanais et des Américains qui ont été les moteurs de ce bon chiffre.

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Marunouchi, arrondissement de Chiyoda, Tôkyô

En 2023, le nombre de mariages célébrés dans l’archipel est passé sous la barre des 500 000 pour la première fois depuis les années 1930. Si, sous nos latitudes, le sujet de l’union matrimoniale ne suscite plus de grands débats, au Japon, la baisse des noces se traduit par un recul supplémentaire du nombre des naissances. Alors qu’en France, près de 60 % des enfants naissent hors mariage, ils ne sont que 2 % au pays du Soleil-levant. Voilà pourquoi le gouvernement, mais aussi les entreprises, se mobilisent pour susciter l’envie de convoler chez les jeunes.

SCIENCES Honda a la tête dans les étoiles

Le deuxième constructeur automobile, qui cherche à se développer dans le secteur spatial, a testé avec succès une fusée expérimentale réutilisable. Honda, qui espère développer les compétences technologiques nécessaires à un lancement suborbital d’ici 2029, a procédé à un essai à Hokkaidô. La fusée est revenue sur terre après avoir atteint une altitude de près de 300 mètres.

EDUCATION Tôkyô cherche à attirer les talents

Le gouvernement a annoncé la création d’un fonds de 100 milliards de yens (600 millions d’euros) dans le but de répondre à la concurrence que se livrent de nombreux pays pour attirer les meilleurs chercheurs dans des domaines tels que l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs. L’objectif est de séduire notamment les Américains confrontés aux par les coupes budgétaires de Donald Trump.

Eric Rechsteiner pour Zoom Japon

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Depuis plus de 2000 ans, lesfemmesAma plongent en apnée dans leseaux limpidesdeToba, récoltant destrésorsmarins. Gardiennes d’un savoir rare,elles perpétuent ce lienintimeentre l’homme et la mer. Ici, loin du tumulte moderne, la nature dicte le rythme, la traditionapaisel’esprit, et chaqueinstant invite àla contemplation.

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Face au phénomène des akiya

Le nombre de maisons vacantes ne cesse de croître dans l’archipel et oblige les autorités à trouver des parades.

La question des akiya (maisons vacantes) au Japon a longtemps été considérée comme un problème réservé aux campagnes, conséquence du dépeuplement et de l!exode rural, qui ont laissé derrière eux des maisons et des terres agricoles abandonnées. Cependant, depuis une dizaine d!années, les zones urbaines sont de plus en plus confrontées à leur propre crise du logement vacant. Dans la région métropolitaine de Tôkyô, la ville de Tokorozawa, dans la préfecture de Saitama, a adopté en 2010 une ordonnance locale visant à lutter contre les maisons vacantes, suivie par la ville d!Ushiku, dans la préfecture d!Ibaraki, deux

ans plus tard. Le problème a été reconnu au niveau national en 2015, lorsque le ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme (MLITT) a introduit la loi sur les mesures spéciales relatives aux maisons vacantes. Dans les villes de province, un phénomène que le MLITT quali e d’“urbanisation éponge” est en train de se produire. Il s!agit de la propagation irrégulière de terrains vacants et de maisons vides, apparaissant par plaques éparses, y compris dans des zones destinées à accueillir commerces et habitations. Ce phénomène ne se limite pas aux villes, il touche également les quartiers suburbains des régions rurales.

A première vue, le problème des maisons vacantes semble résulter de la négligence individuelle : les propriétaires ne prennent pas soin de leurs biens, ou la génération suivante abandonne les maisons et les commerces après le

départ ou le décès des propriétaires précédents. Mais si la question relevait uniquement de la responsabilité individuelle, elle ne serait probablement pas aussi répandue ni aussi di cile à résoudre qu!elle l!est aujourd!hui. L!augmentation du nombre de propriétés vacantes re ète des changements systémiques plus profonds, des transformations structurelles des villes et des cadres sociaux qui ne peuvent être résolues de manière isolée.

Au Japon, les maisons vacantes peuvent être classées en quatre grandes catégories, comme le souligne l!enquête menée en 2023 par le ministère de l!Intérieur et des Communications (MIAC) : les maisons vacantes à louer (1), à vendre (2), les résidences secondaires (3) et les maisons n'appartenant à aucune des trois catégories précédentes (4), y compris les lieux en attente de démolition ou de réaménagement.

Des personnes âgées se réunissent devant une maison abandonnée (akiya) sur l’île de Fukue, dans l’archipel des Gotô.

D!après ses résultats, le nombre de résidences secondaires (villas, etc.) est resté relativement stable depuis les années 1970. Cependant, les trois autres catégories de logements ont connu une augmentation signi cative, en particulier depuis l!enquête de 1998. Dans de nombreux pays, les maisons situées dans la banlieue d!une zone métropolitaine (zone de navettage) sont généralement mises en location ou en vente lorsqu!elles ne sont plus habitables. Au Japon, cependant, le marché de l!immobilier ancien est peu développé. De plus, comme la plupart des maisons au Japon sont transmises par héritage plutôt qu!achetées ou vendues sur le marché immobilier, de nombreuses personnes vivant dans des villes de taille moyenne ou des zones éloignées des grands centres urbains hésitent à vendre ou à louer ces biens. Cette réticence découle souvent de valeurs culturelles : un fort attachement à la propriété ancestrale, l!idée de préserver l!héritage familial et l!attente sociale que les maisons restent dans la famille. Même si les héritiers n!y vivent plus ou n!ont pas l!intention d!y revenir, ils peuvent encore se sentir obligés d!en conserver la propriété. En conséquence, de nombreuses maisons restent vides, ni vendues ni louées, contribuant ainsi à l!augmentation du nombre de logements vacants dans tout le pays.

Le problème des akiya touche di%érents groupes – les habitants, les propriétaires fonciers, ainsi que les autorités nationales et locales – de manière di%érente mais interdépendante. Tout d!abord, l!augmentation du nombre de logements inoccupés à long terme, en particulier ceux laissés vides après le décès de leurs occupants, menace la stabilité des communautés locales. Dans les zones déjà confrontées au vieillissement et au déclin démographique, cela peut entraîner l!e%ondrement des services essentiels et rendre di cile le maintien de la vie de quartier.

Les maisons vacantes peuvent également causer des problèmes directs. La végétation envahissante, les nuisibles et les animaux représentent des risques pour l!hygiène. Les maisons en mauvais état peuvent devenir dangereuses : certaines parties peuvent s!e%ondrer ou être emportées lors de tempêtes. Les maisons vides sont également plus vulnérables aux incendies criminels, aux décharges illégales ou aux actes de criminalité.

D!un point de vue administratif, les propriétés négligées, appelées “maisons vacantes spéci ques” dans la loi, constituent une charge croissante. Elles réduisent les recettes scales locales tout en augmentant les coûts municipaux liés à la surveillance, à l!application de la loi et au nettoyage. Au l du temps, ces propriétés négligées contribuent à la dégradation du cadre de vie et peuvent

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a%aiblir la vitalité de quartiers entiers, compliquant ainsi l!urbanisme et le réaménagement. Pour les propriétaires et leurs familles, une maison vacante héritée peut devenir un fardeau important, tant sur le plan nancier que physique et émotionnel. Leurs responsabilités peuvent notamment inclure des inspections et un entretien réguliers, des mesures de prévention de la criminalité, la tonte de la pelouse et l!entretien de la végétation, le paiement régulier des taxes foncières et la prise en charge des réparations ou des dommages imprévus. Ces tâches peuvent être coûteuses et chronophages. La démolition d!une maison coûte en moyenne entre 1 et 2 millions de yens [de 6 000 à 12 000 euros], et si l!intérieur est encombré ou dangereux, le coût peut être encore plus élevé. Pour de nombreuses familles, la gestion d!un bien vacant à distance devient une source supplémentaire de stress et d'incertitude.

L!augmentation du nombre de maisons vacantes en milieu urbain est étroitement liée au 11e objectif des Objectifs de Développement Durable (ODD) : “Villes et communautés durables”. Lorsque le nombre de propriétés vacantes augmente, l!environnement de vie local et les services essentiels commencent à se détériorer, ce qui rend plus di cile pour les personnes âgées de vieillir confortablement dans les communautés qu!elles connaissent et aiment. Les recherches sur le vieillissement ont montré que même si un logement n!est pas parfaitement adapté aux personnes âgées, la familiarité avec l!environnement o%re un avantage crucial. Mais à mesure que les maisons sont abandonnées et que les infrastructures locales s!a%aiblissent, même ceux qui souhaitent “vieillir chez eux” peuvent être contraints de partir. Ainsi, le problème des maisons vacantes devient un obstacle au vieillissement dans la dignité et l!indépendance, et une société où les personnes âgées ne peuvent pas vivre confortablement est peu susceptible d!être rassurante pour les jeunes générations. Selon le MIAC, le taux de logements vacants au Japon n!était que de 2,5 % en 1963. A l!époque, le pays était confronté à une importante pénurie de logements, considérée comme un problème social majeur. Cependant, entre les années 1960 et la n des années 1980, a n de répondre efcacement à cette problématique, le nombre d!habitations a augmenté rapidement. Mais à mesure que le parc immobilier total augmentait, le nombre de logements vacants progressait également, bien que lentement au début. En 2023, le nombre total de logements vacants avait atteint environ 9 millions, portant le taux de vacance national à 13,8 %. Si l!on compare les chi%res de 2003 à ceux de 2023, le nombre total de logements vacants a été multiplié par environ 1,4. Plus remarquable encore, le nombre

de logements vacants non destinés à la location, à la vente ou à une utilisation secondaire, souvent appelés logements abandonnés ou négligés, a augmenté d!environ 1,8 fois, passant de 2,12 millions en 2003 à 3,85 millions en 2023. La répartition des logements vacants varie considérablement selon le type et la région. Les résidences secondaires, telles que les propriétés de vacances, sont par exemple fortement concentrées dans les zones touristiques comme les préfectures de Nagano et de Yamanashi. En revanche, les logements vacants à louer ou à vendre se trouvent généralement dans la périphérie des grandes agglomérations, où l!offre immobilière dépasse la demande actuelle. Dans l!ensemble, les logements vacants sont plus nombreux dans les zones rurales et les régions en déclin démographique et où la demande immobilière est faible, comme la région de San!in (préfectures de Shimane et Tottori), l!île de Shikoku et la région du Tôhoku, qui connaissent toutes un déclin démographique important et continu.

A l!inverse, le taux d’akiya est relativement faible dans la capitale, qui continue d!enregistrer un a'ux constant de population. La préfecture d!Okinawa a che également un faible taux de vacance, probablement en raison du nombre limité de terrains habitables répartis sur ses nombreuses îles. Cela dit, même dans la région métropolitaine de Tôkyô, le nombre et le taux de logements vacants varient en fonction de la distance par rapport au centre-ville. Les zones suburbaines (situées entre 10 et 30 km du centre) comptent un nombre élevé de logements vacants, mais comme le nombre total d!habitations est également important, le taux de vacance reste relativement faible. En revanche, les zones suburbaines éloignées (à plus de 50 km) comptent moins de logements vacants en valeur absolue, même si le taux de vacance grimpe à environ 20 %.

Ces zones périphériques représentent la limite des zones de banlieue et comprennent de nombreux lotissements construits pendant l!essor immobilier des décennies 1970 et 1980. Ces dernières années, en particulier depuis le recensement de 2010, ces zones ont également connu une forte augmentation de la population âgée, ce qui a contribué à aggraver le problème des logements vacants, ceux-ci étant laissés inoccupés par des résidents âgés ou décédés. La question des maisons abandonnées au Japon n!a pas de cause unique. Elle résulte plutôt d!un ensemble complexe de facteurs directs et sous-jacents étroitement liés.

Une cause fréquente est la complexité des successions. Après le décès d!un parent ou du propriétaire, une maison peut être laissée vacante en raison de problèmes successoraux non

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résolus, souvent liés à des con its familiaux ou à l!indécision des héritiers. Au-delà des complications juridiques, l!attachement émotionnel peut également jouer un rôle. Certains membres de la famille peuvent s!opposer à la vente ou à la démolition d!une maison parce qu!ils la considèrent comme un lieu chargé d!histoire et de souvenirs familiaux. Malgré la généralisation du modèle de la famille nucléaire, la croyance traditionnelle selon laquelle les maisons et les tombes doivent être héritées et préservées persiste au Japon. Cette vision culturelle peut rendre émotionnellement di cile pour les familles de se séparer des propriétés héritées, même si personne n!a l!intention d!y vivre.

Certaines zones sont plus sujettes à la vacance simplement en raison de leurs caractéristiques physiques et urbaines. Prenons l!exemple de la ville de Yokosuka, dans la préfecture de Kanagawa. Cette municipalité est connue pour s!attaquer activement au problème des akiya. On y trouve une forte concentration de maisons vides dans des zones caractérisées par un relief montagneux et des vallées, connu sous le nom de topographie yato en japonais. Ce phénomène n!est pas propre à Yokosuka. Dans tout le Japon d!après-guerre, l!urbanisation rapide et la croissance démographique ont conduit à des développements résidentiels dans des endroits peu propices à l!habitation, tels que les collines, les falaises, les vallées étroites et les zones humides.

Cependant, avec le ralentissement de l!urbanisation et le déclin démographique, ces zones ont perdu de leur attrait. Leur accès di cile, les risques naturels et le vieillissement des infrastructures les ont rendues moins attractives, augmentant ainsi le risque que les logements y soient laissés vacants.

Si certaines causes directes expliquent l!abandon des logements, d!autres, plus générales, moins évidentes mais tout aussi déterminantes, contribuent à la progression constante du phénomène. D!une part, après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a été confronté à une pénurie de logements considérable.

Avec l!industrialisation et l!urbanisation, de nombreux jeunes ont quitté les campagnes pour s!installer dans les zones industrielles et les grandes villes à la recherche d!un emploi. Ils ont ni par fonder une famille et ont cherché des logements plus spacieux pour les accueillir. Pour répondre à cette demande croissante, le développement du logement et des infrastructures a été activement encouragé dans les zones suburbaines. Parallèlement, le gouvernement a mis en place des mesures scales et hypothécaires favorables à l!accession à la propriété en banlieue, contribuant ainsi à faire du Japon une

“société de propriétaires”. Cependant, cette priorité accordée aux logements neufs s!est faite au détriment du marché de l!ancien. L!achat et la vente de maisons anciennes sont restés peu accessibles, tandis que la démolition d!un bien immobilier ou le déblaiement d!un terrain impliquaient des coûts élevés d!autant plus que les terrains viabilisés sont soumis à des taxes foncières plus élevées. Dans ce système, conserver une maison inoccupée, même héritée de ses parents, devient souvent le choix le plus “rationnel”. Résultat : de nombreuses maisons sont tout simplement laissées à l!abandon.

Le problème des logements vacants dans les zones urbaines est devenu particulièrement visible depuis 2010 environ, sous l!in uence non seulement de la dynamique interne du Japon, mais aussi des tendances mondiales en matière de restructuration urbaine. Depuis la n du XXe siècle, la mondialisation a intensi é la concurrence entre les grandes villes du monde entier. Tôkyô a suivi une voie similaire. Depuis les années 2010, la ville a connu une forte augmentation des immeubles en copropriété de grande hauteur (tower mansions) et des réaménagements à grande échelle, notamment en vue des Jeux olympiques en 2020. Cette tendance se poursuit aujourd!hui.

Autrefois, il était courant que les gens vivent en banlieue et se rendent au centre-ville pour travailler. Mais aujourd!hui, de plus en plus de personnes choisissent de vivre et de travailler dans le centre de la capitale, où les services et les infrastructures sont plus pratiques. En conséquence, les banlieues, autrefois considérées comme idéales pour les trajets domicile-travail, sont désormais considérées comme étant à la limite de la faisabilité et ne sont plus attractives pour de nouveaux développements. Ce changement a entraîné un déséquilibre démographique. Les communautés suburbaines vieillissent rapidement alors que les jeunes générations migrant vers le centre-ville. Au l du temps, les maisons de banlieue sont laissées à l!abandon et la qualité globale des services locaux et du cadre de vie se détériore, accélérant encore le cycle de vacance.

Face à ces dé s, certaines municipalités ont commencé à modi er leurs politiques pour s!adapter à la réalité du déclin urbain. Plutôt que de poursuivre la croissance à tout prix, ces approches mettent l!accent sur l!amélioration de la qualité de vie des habitants actuels. La ville d!Akitakata, dans la préfecture de Hiroshima, qui a adopté une stratégie de “ville compacte”, en est un excellent exemple. Consciente du déclin et du vieillissement de sa population, la ville s!est attachée à concentrer les zones résidentielles et les services essentiels dans des centres

accessibles à pied, tout en réa%ectant ou en supprimant les propriétés abandonnées. Au Japon, alors que les centres des grandes régions métropolitaines, en particulier Tôkyô, continuent de croître, il n!est plus réaliste d!appliquer les mêmes stratégies aux villes de province et aux banlieues, où le déclin démographique et le vieillissement sont les plus marqués et où les déplacements domicile-travail ont atteint leurs limites pratiques. Ces zones nécessitent une approche di%érente qui accepte le déclin non pas comme un échec, mais comme une phase à gérer avec soin et prévoyance. Fondamentalement, toute solution à long terme doit également s!attaquer aux inégalités sociales profondes. Il est essentiel d!éliminer les disparités fondées sur le sexe, l!âge et le revenu, tout en acceptant la diversité des modes de vie, des modèles de travail et des préférences en matière de logement. Sans réforme systémique, les efforts de revitalisation des villes en déclin resteront super ciels. Pour soutenir véritablement le bien-être des habitants, en particulier les plus vulnérables, il est nécessaire de réimaginer ce à quoi ressemble une vie urbaine durable à l!ère du changement démographique.

La question des logements vacants dans les villes est complexe et profondément ancrée dans la dynamique urbaine au sens large, ce qui en fait un problème di cile à résoudre. Il est néanmoins encourageant de constater que le logement, longtemps considéré comme une a%aire privée relevant de la famille, est aujourd!hui reconnu comme une question sociale, liée aux transformations urbaines majeures.

Pendant des décennies, le Japon a poursuivi un développement résidentiel dont le seul objectif était la croissance. Ce faisant, des logements vieillissants ont été abandonnés, et avec eux, les infrastructures, les investissements communautaires et l!identité culturelle de régions entières ont été négligés.

A l!avenir, il conviendra de s!orienter vers un modèle de développement résidentiel plus durable. Cela implique de repenser l'allocation des budgets et des ressources, non pas pour une expansion sans n, mais pour la rénovation ou la démolition responsable des logements vacants et pour l!entretien des infrastructures existantes. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la croissance, il est temps d!accepter le déclin urbain là où il est nécessaire et de donner la priorité aux politiques qui améliorent le bien-être et la qualité de vie des habitants actuels.

La question des akiya o%re une occasion précieuse de ré échir à notre mode de vie et de façonner une société dans laquelle les gens peuvent continuer à vivre dans les maisons et les quartiers qu!ils connaissent et qu!ils aiment.

POLITIQUE

Une réalité difficile à gérer

Les autorités au niveau national et local peinent à trouver des solutions pour remédier à ce problème croissant.

Tellement complexe, le problème des akiya semble presque impossible à résoudre. K()o Tomoko, professeure assistante à l!université de Tsukuba où elle enseigne les sciences de la vie et de l!environnement, a beaucoup écrit sur ces questions. Après avoir travaillé comme chercheuse à la Société japonaise pour la promotion de la Science (JSPS), elle occupe son poste actuel depuis 2018. Elle a reçu le prix du jeune scientifique du ministère de l!Education, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie en 2021 et le prix de l!Union géographique internationale pour les jeunes chercheurs en 2022.

“Une maison vacante (akiya) désigne généralement une résidence dont le chef de famille est absent depuis une longue période. Il n!y a pas de délai xe. La dé nition est plutôt exible et dépend du contexte”, explique-t-elle. Selon la loi japonaise sur les mesures spéciales visant à promouvoir les mesures relatives aux maisons vacantes, une akiya est dé nie comme “un bâtiment, ainsi que toutes les structures qui y sont rattachées, qui n!est pas habituellement habité ou utilisé à d!autres ns, y compris le terrain qu!il occupe (avec les arbres ou les objets xés à ce terrain). Cette dé nition exclut les propriétés appartenant à l! État ou aux collectivités locales ou gérées par ceux-ci”.

K()o Tomoko souligne que les personnes qui négligent une akiya sont passibles de di%érentes sanctions. “En vertu de la loi sur les mesures spéciales visant à promouvoir les mesures relatives aux maisons vacantes et de diverses ordonnances locales, les propriétés considérées comme dangereuses pour les résidents environnants – désignées comme “maisons vacantes spéci ques” (tokutei akiya) – font l!objet d!une intervention gouvernementale. Si un tel bien immobilier est identié, les autorités locales émettent un avis o ciel au propriétaire. Si celui-ci ne réagit pas ou ne prend pas de mesures correctives, les autorités peuvent renforcer les mesures coercitives. Cela peut inclure la divulgation publique du nom du propriétaire, une ordonnance de réparation, de sécurisation ou de démolition de la structure et, si toutes les autres mesures échouent, la démolition par les autorités publiques, dont les coûts sont ensuite facturés au propriétaire.

La ville de Fukuoka a été l!une des premières municipalités à émettre des ordres de démolition

Une maison abandonnée dans la préfecture de Kagawa, à Shikoku.

o ciels en vertu de la loi sur les maisons vacantes. Dans un cas, une maison en bois négligée dont le toit s!était e ondré a été condamnée à la démolition en 2016. Le propriétaire n!ayant pas donné suite, la ville a procédé à la démolition et lui a ensuite facturé plus de 2 millions de yens”, raconte-t-elle.

“La ville de Chiba a pris des mesures à l!encontre de plus de 100 maisons vacantes en vertu de son ordonnance locale. Dans certains cas, lorsque les propriétaires ne pouvaient être contactés ou refusaient d!agir, la ville a apposé des panneaux d!avertissement sur les propriétés et rendu publics les noms des propriétaires a n de les inciter à assumer leurs responsabilités. Ces mesures re ètent l!urgence croissante pour les municipalités de répondre aux préoccupations en matière de sécurité, de prévenir la dégradation urbaine et de

Eric Rechsteiner pour Zoom
Japon

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promouvoir une propriété responsable. La leçon à tirer ici est que si vous êtes propriétaire d!un bien immobilier vacant, soyez proactif. Un entretien régulier, un enregistrement en bonne et due forme et une communication claire avec les autorités locales peuvent vous éviter des sanctions légales, une atteinte à votre réputation et des mesures coercitives coûteuses”, ajoute-t-elle.

Selon l!universitaire, les e%orts déployés pour remédier au problème vont de solutions pratiques à court terme à des stratégies plus larges et plus fondamentales. “Il est évident que s!attaquer uniquement aux symptômes super ciels ne permettra pas de trouver une solution durable. Cependant, de nombreuses régions expérimentent activement des approches créatives à court terme pour exploiter les propriétés vacantes et réduire leur impact négatif. Voici quelques exemples de mesures prises :

- La reconversion des maisons en centres communautaires, notamment en lieux de rencontre pour les personnes âgées a n de lutter contre l!isolement.

- La transformation en magasins, logements locatifs ou bureaux.

- Dans les zones touristiques où l!espace hôtelier est limité, les maisons vacantes sont rénovées et agréées comme chambres d! hôtes (minpaku), ce qui apporte à la fois des revenus locaux et des solutions d! hébergement.

- Les gouvernements nationaux et locaux o rent des subventions pour couvrir une partie des coûts de démolition des structures dangereuses ou indésirables.

- Des bases de données en ligne, souvent gérées par les autorités locales, répertorient les biens immobiliers que les agences immobilières privées ne traitent généralement pas, mettant en relation les vendeurs avec des acheteurs ou des locataires potentiels. Dans certains cas, les acheteurs de maisons vacantes peuvent également béné cier de réductions d!impôts fonciers ou d!aides nancières.

- Des programmes visant à faciliter les transferts directs de propriété entre particuliers voient également le jour, permettant à l!ancien propriétaire et au nouveau résident de trouver des solutions mutuellement avantageuses pour réutiliser la maison.”

“Cependant, même si une maison vacante est réutilisée avec succès, l!impact reste limité si ces e orts ne s!étendent pas à l!ensemble du quartier et ne déclenchent pas un e et d!entraînement plus large. Ne s!attaquer qu!aux symptômes visibles peut en fait entraver la mise en place de solutions plus profondes et à long terme”, regrette-t-elle. Prenons l!exemple de la “spongi cation” urbaine, où le territoire est de plus en plus parsemé irrégulièrement de petites surfaces vacantes. Le simple fait de réutiliser un seul bien immobilier ne résout pas le problème plus large de la

sous-utilisation de l!immobilier.

“A cet égard, de nombreux facteurs humains complexes entrent en jeu. Par exemple, certains résidents âgés continuent de vivre dans d!anciens magasins même après avoir fermé leur commerce. Il y a aussi des enfants qui héritent de propriétés et souhaitent préserver la mémoire de leurs parents, ou des grands-parents qui qui ont conservé leur maison dans l!espoir qu!un de leurs petits-enfants revienne un jour pour la reprendre. Avec l!âge, il devient plus di cile de déménager, et de nombreux habitants âgés préfèrent rester où ils sont, disant : “Tant que je suis en vie, je me sens bien ici”. Cette mentalité, bien que compréhensible, rend di cile la mise en œuvre de stratégies d!utilisation des terrains ou l!encouragement d!une rotation plus dynamique de l!immobilier. C!est là le cœur du problème des maisons vacantes : des solutions super cielles peuvent soulager certains cas individuels, mais sans s!attaquer aux obstacles structurels et émotionnels plus profonds, le problème reste entier”, souligne K()o Tomoko. Elle estime que les discussions ouvertes entre parents et enfants sont particulièrement importantes pour traiter le problème des maisons vacantes résultant de transitions générationnelles. “Selon certaines enquêtes, de nombreuses personnes âgées déclarent n!avoir jamais discuté avec leurs enfants de questions importantes telles que l!entretien de leur maison et des tombes familiales, ou la gestion de leurs biens après leur décès ou celui de leur conjoint. Souvent, la génération plus âgée suppose que ses enfants (ou son conjoint) s!en occuperont après son décès, tandis que la jeune génération a tendance à éviter ces conversations, soit parce qu!elle est mal à l!aise avec le sujet de la n de vie, soit par respect pour ses parents. Dans le cadre d!une plani cation responsable de

la n de vie, il est essentiel que les parents et les enfants communiquent ouvertement, clari ent leurs intentions et prennent des décisions communes sur la gestion des biens et des actifs. Un dialogue proactif peut aider à éviter la confusion, les con its ou l!abandon involontaire du domicile familial”, assure-t-elle.

Le phénomène récent des “héritiers disparus” a récemment fait la une des journaux, notamment en ce qui concerne les appartements. “De nombreux héritiers sont con'ontés à des décisions di ciles concernant les anciens appartements de leurs parents”, remarque K()o Tomoko. “Lorsqu!un immeuble atteint 40 ou 50 ans, la plupart des propriétaires ont eux-mêmes 70 ou 80 ans. Les bâtiments et leurs résidents vieillissent ensemble. Ces propriétés sont désormais transmises aux enfants adultes. Mais en hériter n!est pas toujours un cadeau bienvenu. Dans de nombreux cas, les enfants de parents âgés possèdent déjà leur propre maison, souvent située dans un quartier plus central ou plus récent que les appartements vieillissants de leurs parents en banlieue. Si le logement hérité est situé dans un quartier prisé du centre-ville, avec une demande locative stable et une valeur de revente élevée, il peut être considéré comme un atout. Mais pour la majorité des logements situés dans des zones moins attractives, l!héritage peut rapidement devenir un fardeau”, constate-t-elle.

Vendre ces propriétés peut également s!avérer di cile. Si certaines situées en centre-ville conservent leur valeur, comme un appartement de 50 ans à Aoyama (Tôkyô) qui peut être considéré comme une propriété “vintage”, les appartements vieillissants situés dans des quartiers moins prestigieux, comme la banlieue de Yokohama, sont souvent considérés comme

Les collectivités locales multiplient les initiatives pour réduire le nombre de maisons abandonnées.
Eric Rechsteiner pour Zoom Japon

LE SALON EUROPÉEN DU SAKÉ ET DES BOISSONS JAPONAISES

Saké, unenouvelle reconnaissance ? 11e ÉDITION

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simplement vieux et vétustes. Cette dévaluation rend encore plus di cile pour les héritiers de se débarrasser de ces propriétés, les piégeant dans un cycle de propriété indésirable et de charge nancière.

Contrairement aux maisons individuelles, qui nécessitent un entretien occasionnel mais n!entraînent pas de frais mensuels, les appartements sont assortis de dépenses inévitables : charges mensuelles et contributions à la réserve destinée aux travaux. Dans les immeubles anciens, ces frais peuvent être élevés, atteignant souvent 50 000 yens [300 euros] ou plus par mois. Si l!on ajoute à cela les taxes foncières et les taxes d!urbanisme, les héritiers peuvent se retrouver à payer plusieurs centaines de milliers de yens par an pour un appartement qu!ils n!ont pas l!intention d!utiliser.

Cette charge a donné lieu à une tendance inquiétante. Il arrive de plus en plus que les héritiers n!informent pas l!association de gestion de l!appartement de l!héritage. Le scénario se déroule souvent comme suit : un propriétaire âgé emménage dans une maison de retraite et nit par décéder. Quelques mois plus tard, les prélèvements automatiques pour les frais de gestion et les réserves pour réparations commencent à échouer, car le compte bancaire du propriétaire a été clôturé. Mais personne ne se présente pour assumer la propriété, et le syndic ne peut pas percevoir les fonds nécessaires. Les coordonnées d!urgence enregistrées sont obsolètes et les lettres restent sans réponse. Les associations de gestion se retrouvent dans une situation incertaine, incapables d!identi er ou de contacter les nouveaux propriétaires, tandis que l!immeuble continue de vieillir et d!accumuler des frais. Dans les cas où les héritiers renoncent o ciellement à l!héritage, la situation devient encore plus complexe.

“En réponse à ce problème croissant, le gouvernement a introduit une nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er avril 2024. Les héritiers qui acquièrent un bien immobilier par succession doivent désormais enregistrer ce bien dans les

trois ans suivant la prise de connaissance de leur propriété. Cette mesure vise à aider les collectivités locales et les associations de gestion à identi er les propriétaires légitimes et à les tenir pour responsables”, explique la chercheuse.

“Cependant, du point de vue des héritiers, les paiements exigés peuvent être perçus comme une pénalité pour avoir simplement hérité d!un bien dont ils n!ont pas demandé la propriété. Ces appartements, qui étaient autrefois un symbole de stabilité et d!accession à la propriété pour la classe moyenne, sont devenus des passifs plutôt que des actifs. Sans systèmes de soutien plus solides, sans dispositifs plus claires pour la cession des biens immobiliers et sans politiques visant à lutter contre le vieillissement du parc immobilier, le éau des “appartements vacants” ne fera que s!étendre”, ajoute-t-elle.

Le gouvernement japonais poursuit une série d!initiatives visant à remédier au problème croissant des logements vacants, en combinant des e%orts politiques nationaux et des innovations locales a n de promouvoir une utilisation e cace des biens immobiliers sous-exploités. “L!une des initiatives nationales les plus importantes est la création de la Banque des logements vacants, supervisée par le ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme. Ce système sert de plateforme de mise en relation entre les propriétaires de logements vacants et les personnes ou familles qui souhaitent déménager, en particulier dans les zones rurales. Si les annonces immobilières sont gérées par les collectivités locales, les informations sont également centralisées et consultables sur le site Internet du ministère, ce qui permet aux résidents potentiels de trouver plus facilement des logements en dehors des grands centres urbains”, note K()o Tomoko.

“Au niveau local, la ville de Nasu, dans la préfecture de Tochigi, o re un exemple remarquable de partenariat entre les municipalités et le secteur privé. En collaboration avec l!Association des transactions immobilières de Tochigi, la ville propose sur le marché immobilier général les pro-

priétés vacantes commercialisables, tandis que les moins compétitives sont enregistrées dans la banque de maisons vacantes. Cette double approche contribue à élargir les possibilités d!utilisation, en garantissant que même les biens négligés par le secteur privé ont une chance de trouver une nouvelle vie.

La ville o re également des incitations nancières pour soutenir les e orts de relocalisation et de revitalisation. Il s!agit notamment de subventions pour la rénovation des maisons et des locaux commerciaux vacants inscrits dans la banque, ainsi que d!une aide nancière pour la démolition des propriétés désignées comme “logements vacants spéci ques” en raison de leur dangerosité ou de leur dégradation”, rapporte la professeure. Ensemble, ces initiatives re ètent une stratégie multiforme – combinant plateformes numériques, partenariats public-privé et aides nancières – visant à atténuer la crise des logements vacants et à promouvoir le renouveau durable des communautés.

“En outre, la ville de Nasu a créé une brochure intitulée “Ne laissez pas votre maison à l'abandon ! Carnet de plani cation de n de vie pour les familles” et la distribue à tous les habitants. Ce document fournit des explications faciles à comprendre sur les informations de base relatives à la gestion future des actifs et à la succession, ainsi que des points de discussion spéci ques et les procédures nécessaires. Il se distingue particulièrement par son contenu pratique, qui comprend notamment une liste de points à aborder pour encourager les discussions entre les membres de la famille et une liste des coordonnées des centres de consultation.

La ville de Nasu accepte également les consultations d!experts en matière de lutte contre les logements vacants et utilise la brochure comme support pour fournir des conseils adaptés. Ces initiatives ont servi de référence à d!autres municipalités qui ont mis en place des systèmes similaires”, conclut-elle.

G. S.

ZOOM DOSSIER

TERRAIN L’espoir de les faire revivre

A Chiba, plusieurs initiatives ont permis de ranimer certains lieux menacés de disparition.

Imaginer que, dans deux ou trois ans, son village sera peuplé non plus d'humains mais de bandes de singes, de sangliers et de cerfs est digne d!un scénario de film d'animation. C!est pourtant ce qui attend environ 23 000 villages au Japon, dont plus de 50 % des habitants a plus de 65 ans. On les appelle les “villages seuil”. Le hameau de Yokote, situé dans la préfecture de Chiba, à 80 km à l!est de Tôkyô, est un dans de ces villages voués à disparaître. Mais l!arrivée de nouveaux habitants attirés par le bas prix des akiya a redonné une lueur d!espoir aux villageois. Ensemble ils ont décidé de réinventer l!avenir de ces campagnes avec une priorité : lutter contre la prolifération des animaux sauvages, mais également le gaspillage. Devant le centre communautaire de Yokone, Ka,-./ Ikuo et son ami Ka0a,a Shigeo font le décompte de leurs récoltes. “Une biche, un muntjac, deux sangliers”, énumère le premier d!une voix monotone. Ces deux agriculteurs octogénaires ont été obligés de se transformer en chasseur pour protéger leurs cultures, mais aussi leurs maisons de l!assaut fatal des animaux sauvages. “Le problème est apparu dans les années 2000 et n!a fait qu!empirer. A présent, tous les matins on tue des animaux. Quand on en aura plus la force, ça sera terminé”, a rme Ka,-./ Ikuo d!un ton las. Ancien conseiller municipal, ce dernier a créé une coopérative en 2002 avec une quinzaine d!hommes du village. “On a construit nous-mêmes près de cinquante cages reliées à du courant électrique. Mais ça n!a pas su ” . Il cultivait un champ de bambou qui est tombé à l!abandon. Cette année, il a essayé de sauver sa dernière culture de narcisses, mais en vain. “On

Publié par Ilyfunet Communication 12 rue de Nancy 75010 Paris Tél: +33 (0)1 4700 1133 courrier@zoomjapon.info

Dépôt légal : à parution. ISSN : 2108-4483. Imprimé en France

Responsable de publication : Dan Béraud

A Yokone, deux agriculteurs font la chasse aux animaux qui occupent de plus en plus le terrain.

a aussi abandonné la rizière. Elle a été bou ée comme le reste”. La récolte de biwa, le né ier du Japon, fameuse dans la péninsule de Bôsô (voir Zoom Japon n°70, mai 2017), a été mangée par les singes. “Tous les ans, des centaines de villages disparaissent mais le gouvernement ne trouve pas de solution à long terme.”

Dans la préfecture de Nagano, les autorités ont

Ont participé à ce numéro : Odaira Namihei, Gabriel Bernard, KOGA Ritsuko, Eric Rechsteiner, Gianni Simone, Alissa DescotesToyosaki, SEKIGUCHI Ryoko, Angeles Marin Cabello; Steve John Powell, MAEDA Haruyo

TAKACHI Yoshiyuki, KASHIO Gaku, TANIGUCHI Takako, MASUKO Miho, ETORI Shôko, Marie-Amélie Pringuey, Fiona Dangleterre, Marie Varéon (maquette)

installé des capteurs dans les champs pour effrayer les animaux et avertir les agriculteurs par mails. Mais ce système fonctionne avec un réseau dont beaucoup de villages ne sont pas dotés. Outre les coûts exorbitants de mise en œuvre, ce système n!a aucune incidence sur la diminution du nombre des animaux. On dénombre environ 880 000 sangliers rien que sur les îles de Honshû

https://fr.ulule.com/soutien-zoomjapon-2025/ Merci pour votre soutien.

L'existence du magazine est menacée en raison de la baisse des recettes publicitaires, pilier de son modèle économique, fragilisé depuis la crise sanitaire de 2020

Nagoshi
Keisuke pour Zoom Japon

et Shikoku.

“Ils sont devenus tellement nombreux qu!ils vivent dans les akiya, qui deviennent inhabitables, et poussent d!autres habitants à partir du village.

C!est un cercle vicieux” Ka,-./ Ikuo reçoit des indemnités pour abattre les animaux, mais ne les mange pas. “On n!a pas l!habitude de manger du gibier ici. Et à chaque fois que je tue un animal, j!ai un sentiment terrible de gâchis”, avoue-t-il en soulevant cet autre dilemme : seulement 5,4 % des sangliers abattus sont consommés au Japon.

“A l!ère Edo (1603-1868), la consommation du gibier était interdite, car on considérait que les bêtes sauvages étaient impures”, explique O./ Kôji qui gère le Tateyama Gibier Center à Tateyama. La ville située à la pointe de la péninsule de Bôsô et célèbre pour son point de vue sur le mont Fuji, a décidé de promouvoir la consommation de viande de sanglier tout en installant en 2023 le premier incinérateur géant capable de contenir jusqu!à douze sangliers. Une initiative pour al-

de chasse et vendre du gibier. “Nous organisons de plus en plus d!ateliers pour apprendre comment cuisiner le gibier : dépecer l!animal dans l!heure pour éviter que l!acidité des intestins imprègne la chair, cuire la viande à feu très doux. C! est succulent quand c!est bien préparé !” explique-t-il. Malgré une augmentation de la consommation de viande de sanglier de 30 % à Tateyama ces deux dernières années, l!avenir de la région est encore sombre. Rien que dans cette région, les dégâts en 2020 s!élevaient à 21,16 millions de yens [128 000 euros]. “Il faut beaucoup plus de chasseurs mais l! Etat o re une indemnité de seulement 16 000 yens [96 euros] par sanglier, ce qui est ridicule par rapport au temps que cela prend, sans parler du danger”, rappelle O./ Kôji qui souhaite mettre en place une navette pour aller chercher les carcasses de parfois 100 kg et les ramener au Tateyama Gibier Center. “Ce genre d!initiative génère non seulement des revenus, mais aussi de l!interêt pour la problématique des animaux sauvages”,

buya, en plein cœur de la capitale, pour s!installer dans une akiya dans la ville voisine de Kyonan, organise des événements artistiques pour attirer du monde à Chiba. “Mon projet s!appelle machimachi-orai, qui signi e “allers et venues”. Plus il y aura de monde qui viendra ici, plus de projets verront le jour, et peut-être même que d'autresniront par emménager ici”. Il travaille à temps partiel dans la section “revitalisation de la ville de Kyonan” pour apporter d!autres idées sur la manière de repeupler les campagnes. “Il ne su t pas de proposer des akiya à bas prix pour attirer les jeunes des villes dans ces campagnes conservatrices et sans emploi ! C!est un processus de longue haleine qui doit d!abord passer par une phase de repérage. Il faut créer des occasions de venir. L!avantage de Chiba est qu!elle permet ces aller-retour”.

A une heure de la capitale par la fameuse autoroute Aqualine qui enjambe la baie de Tôkyô, Chiba est en e%et une destination de plus en plus prisée pour aller à la plage ou dans des soirées DJ. Pariant sur la beauté du littoral de l!est de la péninsule, le célèbre club Super Deluxe de Roppongi a déménagé en 2022 à Kamogawa dans une maison à saké avec toit de chaume et grenier datant de l!ère Taishô (1912-1925). “Avec mon partenaire, nous avons mis deux ans à convaincre les propriétaires de nous louer cette propriété classée Bien culturel tangible !” se souvient Mike Kubeck qui y organise maintenant des concerts et des résidences artistiques tout en faisant de la permaculture.

A Ôtaki, Gregory Roustel a quitté son quartier de Harajuku pour rénover trois akiya. “J!avais habitude de venir chaque année à la mer, j!ai ni par m!y installer. Dans le coin, on a tout ce !il faut, du gibier, des légumes et même du 'omage !” A quelques kilomètres de chez lui, S4/)a5a Chiyo, une microbiologiste originaire de Chiba, a rénové une ancienne ferme pour créer Sen, une fromagerie 100 % made in Japan qui utilise pour la première fois des microbes japonais. En n à Tateyama, Ma-6a Nobuaki a créé le Yane Tateyama, un complexe culturel dans un

En 2022, le club Super Deluxe a quitté la capitale pour s’installer à Kamogawa dans une maison à saké.
Nagoshi Keisuke pour Zoom
Japon

ancien bâtiment rénové qu!il utilise maintenant comme café, chambre d!hôte, restaurant et librairie. Dans un petit atelier annexe à la librairie, O7a.a6a,/ Miku s!applique avec vigueur sur un agenda en cuir à graver le nom d!un client. “C!est un carnet en peau d!ours de Hiroshima”, annonce-t-elle èrement. Cette artiste native de la région a appris les techniques de tannage et a créé la marque Gibier leather pour “lutter contre le gaspillage”. “Je travaille avec les chasseurs de la région et le Tateyama Gibier Center qui me fournissent les peaux gratuitement. A part l!ours, tout vient de Chiba. Tout le monde gagne à recycler ces dépouilles d!animaux au lieu de les jeter. Nous voulons les utiliser comme une ressource locale, une richesse”, explique-t-elle.

“Chiba est une des rares campagnes où l!on voit une hausse du nombre de nouveaux habitants chaque année”, se félicite K(1a2o34/ Masaharu. Il a commencé à s!intéresser au problème de l!abattage des animaux quand il est arrivé à Chiba. “Quand j!ai rencontré M. K()ek,, j!ai vraiment eu un choc : j!ai réalisé que non seulement les agriculteurs étaient con'ontés à des dégâts énormes sur leurs cultures et leurs maisons mais qu!ils étaient littéralement à bout. En plus, tout ce gibier était jeté à la poubelle alors qu!en ville, certains enfants n!ont pas assez à manger, cela n!avait aucun sens”, rappelle-t-il. Il a organisé une rencontre entre Ka,-./ Ikuo et trois musiciens, I58 Atsuhiro, K(7(,o7- Ryô et Andô Tomo. Deux d!entre eux ont emménagé dans une akiya près de Yokone. “Le courant est tout de suite passé, grâce à l!ouverture d!esprit de M. K()ek,, il y a eu un vrai échange d!idées sur les causes de cette situation et comment l!appréhender. Même si ces artistes ne sont pas directement impactés, leur sensibilité a fait qu!ils ont commencé à vouloir créer quelque chose à partir de cette situation.” En août dernier, K(1a2o34/ Masaharu a pu organiser l!exposition Shishi-shika-kyon-kyonan (Sanglierbiche-Muntjac-Kyonan) avec la collaboration de six artistes autour du thème des bêtes sauvages. Dans la petite galerie du centre commercial de

ZOOM DOSSIER

Hota, des crânes de sangliers, de cerfs ou de muntjacs laqués ou décorés de coquillages forment un bestiaire impressionnant. “J!adore les bêtes sauvages, et redonner vie à un crâne a été une expérience incroyable”, s!exclame Ha,a0a Masayoshi qui crée depuis plusieurs années des gurines multicolores à base de résine, d!os et de cornes d!animaux. Plus loin, un crâne de cerf d!une grande beauté, projette sur le mur l!ombre de ses immenses cornes parées d!or et d!argent, une œuvre de Hamadaraka, un duo composé de jumelles. “On a essayé de le décorer en suivant les lignes naturelles. A l!intérieur, on a écrit des sutras. C!est la première fois qu!on fait ça. K-.(m012,-san nous a appelés alors on est allées à Yokone et on a vu tous ces cadavres”, raconte A1/9o,o Emu. La décoratrice Sa.a5a Akiko, elle, a choisi de placer les crânes d!animaux dans une caisse à saké illuminée et parsemée d!un tapis de mousse et de coquillages. “Cela ne m!a pas pris

trop de temps, les crânes étaient tellement parfaits, je les ai juste nettoyés et blanchi. C!est la première fois aussi que je fais ça sur un vrai crâne et j!ai senti une vraie connection entre ces os et ces coquillages ramassés à Chiba”, explique-t-elle. I58 Atsuhiro a lui aussi laqué des crânes de muntjac en rouge vif. “On voulait faire comprendre aux gens que ce sont des êtres vivants”, résume-t-il. Alors que le soleil se couche, il commence à faire vibrer son optoro, un instrument improbable confectionné à partir d!un tube néon, accompagné du son plaintif d!un saxophone. Ka,-./ Ikuo parcourt l!exposition dans un recueillement silencieux. Il a rencontré tous les artistes, mais découvre pour la première fois leur travail. “C!est moi qui leur ai fourni tous ces os d!animaux que nous avons abattus”, murmure-t-il en regardant tout le bestiaire clignoter au rythme du optoro. Comme s!ils s!animaient d!une seconde vie.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

HANAWA Masayoshi crée depuis des années des figurines à base de résine, d’os et de cornes d’animaux.
Alissa Descotes-Toyosaki pour Zoom Japon

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ESSAI Des histoires à dévorer

Entre étude sociologique et livre de cuisine, l’ouvrage de Dorothée Perkins ne manque pas d’intérêt même si, a priori, on peut se demander pourquoi elle s’est lancée dans cette aventure éditoriale très illustrée et gourmande. A travers 30 portraits de Japonais installés à Paris, elle nous invite à faire la cuisine grâce à 60 recettes gourmandes que l’on pourra préparer après avoir lu ce livre rempli de belles rencontres.

Paris-Tokyo mon amour, de Dorothée Perkins, Editions de la Martinière, 2025, 27 €

MANGA Sous le charme de Matsumoto

Initialement édité en deux volumes et en noir et blanc avant d’être mis en couleurs par Isabelle Merlet dans ce même format, Futuropolis a la bonne idée de sortir une nouvelle édition en couleurs et en un seul volume de cette extraordinaire divagation de chats dans l’un des plus beaux musées du monde. Ceux qui n’avaient pas eu la chance de le lire à sa sortie peuvent aujourd’hui se rattraper.

Les Chats du Louvre, de MATSUMOTO Taiyô, mis en couleurs par Isabelle Merlet, trad. par Ilan Nguyen, Futuropolis / Musée du Louvre, 2025, 28 €

CINÉMA Un monde de délicatesse

Après avoir redonné le sourire aux salles de cinéma qui avait judicieusement programmé Le Jardin d’été de SÔMAI Shinji, Survivance poursuit son exploration du cinéma japonais avec Super Happy Forever. Récompensé au Festival des 3 Continents, le troisième film d’IGARASHI Kôhei devrait permettre aux exploitants de salles obscures d’attirer un public curieux et

désireux de découvrir un long-métrage délicat et fort bien interprété. Le cinéaste s’intéresse à la manière dont un homme, Sano, tente de surmonter la mort de sa femme en retournant sur le lieu de leur rencontre. Jouant sur le temps et l’espace, IGARASHI offre une magnifique réflexion sur l’amour.

Super Happy Forever, de IGARASHI Kôhei, avec SANO Hiroki, MIYATA Yoshinori.

En salles, le 16 juillet 2025.

N IHONGOTHÈQUE

Komai

Le Japon est actuellement confronté à une grave pénurie de riz (voir Zoom Japon n°149, avril 2025), que l’on présente désormais sous l’expression “émeute du riz de l’ère Reiwa”. Il est difficile d’identifier une cause unique, mais la population est tellement sensible à ce sujet que la déclaration du ministre de l’Agriculture, selon laquelle il n’a jamais eu à acheter de riz car il en recevait toujours gratuitement, a entraîné sa démission. Son successeur a aussitôt annoncé la mise en circulation massive de stocks de riz d’urgence. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’attention nouvelle portée au riz de stock, autrement dit au riz ancien, ou komai. Le mot ko signifie “ancien”, et mai est une des lectures de l’idéogramme qui désigne le “riz”. Au Japon, où la fraîcheur du riz est reine, le “nouveau riz” (shinmai) est clairement distingué du komai, auquel on ajoute un ko de plus chaque année : le riz âgé de deux ans devient kokomai, trois ans kokokomai, considéré parfois comme destiné à l’alimentation animale. Moi-même, quand je vivais au Japon, je ne trouvais pas bon le komai que m’envoyait ma grand-mère, et manger du kokomai était hors de question, car la famille recevait toujours du shinmai d’amis agriculteurs (comme l’ancien ministre !). Cela dit… en France, où l’on n’a pas facilement accès au riz fraîchement récolté du Japon, je me régale de riz basmati. Quand j’achète du riz japonica produit en Europe, c’est déjà du luxe. Et si, par chance, on m’offre du komai de Niigata, je le garde précieusement pour le manger seule, en secret. Mais alors, quelle issue pour cette “crise du riz 2025” ? Faut-il que les Japonais s’habituent au riz importé ? Que les habitudes évoluent vers plus de pain ou de râmen ? Que l’on relance la culture du riz dans les rizières laissées à l’abandon (mais comment ?) ? Ou bien… attendons-nous de voir les agriculteurs bloquer les routes avec leurs tracteurs et des milliers de gilets jaunes ? (Au fait, est-ce que ça a résolu quelque chose en France ?)

Ritsuko
Koga pour Zoom
Japon

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CINÉMA Masumura ou la vraie révolution

A compter du 27 août, une rétrospective consacrée au cinéaste permettra de voir ou revoir six de ses plus belles œuvres.

L’été est souvent propice aux cycles dans les cinémas en raison de la faiblesse de l!o%re. C !est particulièrement vrai ces temps-ci face à une production cinématographique soumise à la pression de la concurrence des séries et de normes sociales qui obligent nombre de cinéastes à réaliser des œuvres attendues et sans saveur. Dans ce contexte, on ne peut que féliciter l!initiative prise par :e Jokers de ressortir en salles 6 lms de M a7(2(1a Yasuzô, l!un des pionniers de la révolution cinématographique qui s!empara du Japon au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Plutôt que de revoir, pour la énième fois, l!œuvre d!O9( Yasujirô (voir Zoom Japon n°31, juin 2013), souvent proposée en période estivale, quel plaisir de plonger dans le travail d!un homme dont le désir était de faire voler en éclats les pesanteurs qui entravaient le travail d!expression des cinéastes de l!époque. C !est après un séjour de deux ans en Italie au Centro Sperimentale Cinematogra ca de Rome, au début des années 1950, que l!assistant réalisateur à la Daiei a pris conscience des possibilités qui s!o%raient aux cinéastes désireux sinon de casser les codes, du moins de se défaire des habitudes prises dans la réalisation a n de créer une nouvelle approche. A la di%érence des Ô74/2a ou S4/,o6a, fers de lance de la Nouvelle vague japonaise presque sacralisée, M a7(2(1a Yasuzô a entrepris de changer les choses de l!intérieur plutôt que de se lancer dans une révolution esthétique et narrative. “C!était un plaisir pour moi de voir qu!il avait trouvé un biais pour tourner de telles choses à l!intérieur

des grandes compagnies”, autre gure de la Nouvelle vague, Yo74/6a Yoshishige dans Les Cahiers du cinéma en octobre 1970. Certes, cette démarche l!a empêché de connaître la même notoriété que le réalisateur des Contes cruels de la jeunesse, mais cela lui a permis de produire une succession de chefs-d!œuvre parmi lesquels gurent ceux proposés dans le cycle qui commencera le 27 août avec notamment une présentation de L’Ange rouge (Akai tenshi 1966) au Re et Médicis (3 rue Champollion, 75005 Paris) par Claude Leblanc, le fondateur de Zoom Japon

Même si certains de ses longs-métrages, comme , 1966), n!échappent pas à une certaine recherche esthétique de sa part, l!essentiel pour le cinéaste né en 1924, est de mettre en avant l!individualité autour de personnages, féminins pour la plupart, qui expriment une vitalité et un anticonformisme peu mis en avant dans le cinéma alors même que la société japonaise des années 1960 est portée par un puissant sou'e de contestation. M a7(2(1a Yasuzô n!est pas un opportuniste tenté de surfer sur cette vague. Il appartient à cette génération qui a perdu con ance en son pays au moment de la Seconde Guerre mondiale. “Je ne pouvais croire qu!en moi-même”, con era-

L’Ange rouge (Akai tenshi, 1966) avec WAKAO Ayako et ASHIDA Shinsuke.
The Jokers

ZOOM CULTURE

t-il plus tard, s!opposant ainsi à l!idée selon laquelle les Japonais ne croient pas essentiellement en l!individu. “Quand un Japonais fait le portrait d!un autre Japonais, il croit généralement que c!est en faisant un portrait dépourvu d!individualité que ça sera le plus ressemblant. C!est peut-être le plus juste ou du moins le plus facile”, déclare-t-il. Dès lors, il convient de regarder ses lms comme des plaidoyers en faveur d!une liberté de l!individu face au groupe, notamment quand celui-ci se fourvoie. C !est particulièrement vrai dans La Femme de Seisaku (Seisaku no tsuma, 1965) et L’Ange rouge. Dans le premier, en crevant les yeux de son mari pour l!empêcher de retourner à la guerre, Okane ( Wa.ao Ayako) choisit de s!opposer au village qui se cherche un héros militaire tandis que dans le second, l!in rmière, toujours interprétée avec brio par Wa.ao Ayako, utilise sa détermination pour délivrer le médecin de l!impuissance et de la drogue alors que le chaos règne et qu!elle a été elle-même abusée par un groupe de soldats. Cette a rmation féminine est tout à fait intéressante, car elle est le re et d!une époque où les Japonaises cherchent à trouver leur place dans la lumière a n d!être reconnue pour leur individualité. “Le problème est de savoir comment exprimer cela, de savoir si on doit s!exprimer d!une façon plutôt asiatique ou au contraire plutôt radicale, en sautant l!étape du modernisme “à l!européenne””, estime Ma7(2(1a Yasuzô. Ce constat ne manque pas d!intérêt a posteriori dans la mesure où la réalité montre que les tentatives radicales n!ont pas permis de changer les choses, mais plutôt de favoriser des blocages. Le cinéaste a toujours manifesté une certaine réserve à l!égard des mouvements collectifs dont il perçoit le côté éphémère, pour leur préférer une approche individuelle bien plus solide à ses yeux. Voilà pourquoi il se pose comme un observateur attentif de l!évolution de la société japonaise sans pour autant aborder les sujets de front, préférant les traiter de manière indirecte a n que le spectateur digère le lm et fasse lui-même le travail de ré exion qui s!impose. “Je pense qu!un lm doit

avoir une construction, une trame, une évolution, bref, sa propre structure”, expliquait-il pour justier son parti pris qui lui a valu d!être peu apprécié par Ô74/2a

Pourtant, il s!est peut-être montré plus audacieux que le chef de le de la Nouvelle vague japonaise avec des lms de plus en plus esthétiques à l!instar de La Bête aveugle (Môjû, 1970) adapté du roman d!E6o;a0a Ranpo. C ! est cette richesse et cette force que le cycle qui lui est consacré vous propose de découvrir dans les salles obscures à partir du 27 août.

Concours

Zoom Japon propose à 10 de ses lecteurs de gagner la superbe affiche éditée par The Jokers à l’occasion du cycle MASUMURA Yasuzô qui commencera le 27 août. Pour y participer, adressez vos coordonnées dans un courriel avec comme objet "Concours Masumura" à courrier@zoomjapon. info ou par voie postale à Zoom Japon, Concours Masumura, 12 rue de Nancy 75010 Paris avant le 15 août 2025.

découvrez notre site nihongo@ccfj.com

MANGA Trait léger pour récit pesant ZOOM CULTURE

Avec Le Journal de Hanako, la mangaka Kyô Machiko livre une œuvre tout aussi subtile que bouleversante.

Il y a des œuvres qui résonnent plus ou moins avec l!actualité. Il y a des œuvres qui, en plus de répondre à nos préoccupations du moment, le font avec nesse et pertinence. Le Journal de Hanako (Anone) de Ky8 Machiko, dont le premier tome est paru aux Editions IMHO, appartient à cette catégorie. Ce manga librement inspiré du Journal d’Anne Frank nous rappelle, avec subtilité, l!extrême violence du monde qui nous entoure, et surtout combien nous devons être vigilants pour ne pas sombrer dans l!inhumanité. Comme elle l!avait fait avec Cocon, publié l!an passé chez le même éditeur, la mangaka joue sur la fragilité de son trait pour capter l!attention du lecteur et l!entraîner dans une tragédie dont personne ne peut s!échapper.

Plutôt que de procéder à une adaptation du livre écrit par la jeune Hollandaise pendant la Seconde Guerre mondiale, Ky8 Machiko n!a pas voulu donner de repères chronologiques a n de rappeler aux lecteurs que ce type d!événement peut encore arriver et que les comportements discriminatoires à l!égard de populations entières n!ont pas disparu. Il su t de suivre l!actualité pour s!en convaincre. Appartenant à une génération qui n!a pas vécu la guerre, la mangaka n!en est pas pour autant insouciante. Bien au contraire, elle a grandi avec la peur d!un con it et cette crainte a été le moteur de sa bre créatrice. Avec de telles pensées, elle aurait pu s!exprimer de manière plus virulente que celle choisie, privilégiant la douceur du trait pour mieux appuyer la dureté de son propos.

A sa manière, Ky8 Machiko nous rappelle que nous ne sommes toujours pas à l!abri de ces dérives, car, à l!image de Hanako, nous conservons une certaine naïveté et une innocence qui peut faire de nous des victimes en puissance. Le message est d’autant plus fort que ce manga n’est pas bavard. Toute la conviction de l’auteur passe par son dessin presque flou comme si les situations décrites relevaient du rêve. Comme l’a fait Jonathan Glazer dans son film La Zone d’intérêt (2023) qui, en évoquant sans le

montrer le camp d’Auschwitz, réussit à mettre le spectateur dans une position inconfortable, Ky8 Machiko a bâti un récit bouleversant et captivant qui laisse une impression durable sur le lecteur. Le tome II paraîtra en octobre.

GABRIEL BERNARD

Références

Le Journal de Hanako (Anone), de KYÔ Machiko, trad. par Aurélien Estager, IMHO, 2025, 14 €

Extrait du Journal de Hanako, de KYÔ Machiko, tome 1, p. 169.

TENDANCE L’art de cuisiner pour soi-même

Au gré des évolutions sociales, les éditeurs de livres de cuisine s’adaptent et proposent de nouveaux contenus.

Il y a un mot qui est devenu à la mode ces dernières années : jisui, qui veut dire littéralement “faire la cuisine soi-même”. De plus en plus de livres de cuisine comportent ce nom, tels que Jisui ; qu!est-ce que je vais cuisiner ? ; Jisui pour les nuls ; J !aime faire jisui ! ; Jisui est un divertissement ; Les recettes possibles même pour ceux qui n!ont pas envie de faire le jisui ; Le manuel de jisui à partir de zéro ; Le mur de jisui : 100 façons de surmonter les barrières pour faire la cuisine…

Contrairement à la cuisine familiale (katei ryôri) que les femmes au foyer pratiquent depuis toujours, le mot jisui a toujours été attribué plutôt aux célibataires. C !est une cuisine qu!on fait non seulement soi-même, mais “pour soi-même”.

D!où ces titres comportant les expressions “à partir de zéro” ou “pour les nuls” ; le mot s!employait autrefois pour ceux qui commençaient leur vie d!étudiant loin de leurs parents, ou pour les jeunes salarymen mutés dans une ville de province. Mais ces cas ne sont pas nouveaux. Alors, pourquoi aujourd!hui cette mode de jisui ?

Comme on peut aisément l!imaginer, la part de Covid est non négligeable. Nous avons ét contraints de prendre nos repas à la maison, et certains ont gardé cette habitude. On peut aussi en attribuer la cause à la récession interminable. Les gens âgés qui vivent seuls, avec leur modeste pension, sont nombreux. Il semble cependant que la mode tente aujourd!hui de donner une autre image au jisui, à savoir faire la cuisine pour “son bien”. Autrefois, les livres

Quelques exemples d’ouvrages contenant le terme jisui dans leur titre.

de recettes s!adressaient surtout à celles et ceux qui cuisinent pour leur famille, mais la nouvelle notion de jisui nous invite à prendre soin de nous-même. Il n!est pas anodin que le livre devenu best-seller 24 chapitres pour la pratique de jisui, écrit d!ailleurs par un critique de cinéma qui a vécu plusieurs années en France pendant ses études, explique que faire des plats simples, mais avec beaucoup d!attention, fait la di%érence en ce qui concerne le goût et le plaisir dans notre quotidien.

Il y a d!autres livres qui libèrent les femmes de cette pression qui pesait (et pèse encore) sur elles de devoir faire une cuisine parfaite à l!ancienne, en disant que le simple fait de couper une tomate et de la poser sur une assiette avec un peu de sel peut être un acte de jisui Un autre livre propose de mieux restructurer

l!acte de cuisine en incluant les courses, et même la vaisselle nécessaire. La revue Eureka, spécialisée dans la philosophie, la sociologie et la culture contemporaine, a récemment fait un numéro spécial sur le phénomène jisui qui touche désormais une bonne partie de la société japonaise, avec des contributeurs aussi variés que des romanciers, des historiens, des autrices et auteurs de livres de cuisine, des dessinateurs de manga… Ce numéro propose justement de reconsidérer les signi cations variées que peut contenir le mot jisui. Aujourd!hui, tout le monde peut cuisiner pour soi-même et pour son plaisir, sans imposer à un membre de sa famille de se charger de tout, et cette notion est en train de bousculer le monde de l!édition culinaire dans le bon sens.

SEKIGUCHI RYÔKO

Zoom
Japon

ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

Rouleaux au poulet et shiso (Sasami to shiso no harumaki)

PRÉPARATION

01 - Ramollir les feuilles de riz une à une dans de l’eau tiède, juste avant de les utiliser.

INGREDIENTS (pour 5 pièces)

• 200 g de blanc de poulet en morceaux.

• 10 feuilles de shiso

03 -

02 - Disposer 2 feuilles de shiso sur chaque feuille

• 50 g de fromage râpé (type pour pizza)

• 5 feuilles de riz

Pour la sauce miso, mélanger :

• 1 et 1/2 cuillère à soupe de miso

• 1/2 cuillères à soupe d’huile de sésame

• 2 cuillères à café de sucre

• 1/2 cuillère à café de sésame écrasé

• 1 cuillère à café d’eau

04 - Rouler fermement sans laisser d’espace.

05 - °C

06 - Égoutter soigneusement.

07 - Couper en deux et servir chaud.

Vous pouvez remplacer le poulet par des crevettes ou du poisson (saumon, dorade, maquereau, etc.).

Astuce

ZOOM ANNONCES

Ambassade du Japon en France

Recrutement d’un(e) assistant(e) en CDI au service sécurité

1. Poste : Réception et contrôle d’accès, Standard téléphonique, Assistanat à diverses tâches du service sécurité, (recherches documentaires, contact et prise en charge des prestataires de service, etc.)

• Agence de voyage, spécialisée sur la randonnée au Japon souhaite former de nouveaux guides bilingues (français/japonais) contact: joacarndt@yahoo.com

2. Qualifications requises :

- Langues : français (niveau langue maternelle), japonais (JLPT N2 minimum souhaité), - Maîtrise des outils bureautiques : WORD, EXCEL, POWERPOINT

3. Type de contrat : CDI à partir du mois de septembre 2025

4. Lieu de travail : Ambassade du Japon en France

7, avenue Hoche 75008 Paris

5. Modalité de sélection :

Présélection sur dossier des candidatures puis examen écrit et entretien

Les personnes sélectionnées seront individuellement contactées.

6. Date limite de dépôt des candidatures : Le vendredi 8 août 2025 (Toutes les lettres reçues après le 8 août ne seront pas traitées.)

KINTARO Group, gère 10 restaurants dans le 1er et 2eme arrondissement de Paris et compte en ouvrir d’autres en 2024 (sushi, cuisine japonaise familiale, Izakaya, cuisine chinoise à la japonaise, takoyaki, etc…).

7. Dossier de candidature :

- CV avec photo

- Lettre de motivation

- Copie de votre pièce d’identité / titre de séjour avec autorisation de travail en France (*visa vacances-travail ne sera pas accepté)

- Copie des diplômes, des certifcats de travail et d’attestation(s) de niveau de langue, le cas échéant

Dans le cadre de son développement KINTARO Group recrute : des cuisiniers, des commis, des responsables de salle, des serveurs, des pâtissiers et des boulangers. Vous êtes débutant ou vous avez un peu d’expérience l’essentiel c’est que vous soyez motivé. Envoyez votre CV à recrutement.kyujin.paris@gmail.com

8. Adresse pour le dépôt de dossier : Ambassade du Japon en France Service sécurité

7, avenue Hoche,75008 Paris

* Veuillez indiquer sur l’enveloppe la mention

« Recrutement : Service sécurité ».

* Aucune réponse ne sera donnée par téléphone.

* Les dossiers envoyés ne seront pas rendus

VOYAGE & TRADITION, agence spécialiste du voyage sur-mesure au Japon et en Asie, recrute un(e) conseiller(e) en voyages. Au sein de notre agence située À Lyon, vous accueillez les clients et les conseillez dans les choix de destinations en Asie. La connaissance d'autres pays d'Asie serait un plus. Professionnel de la vente, vous êtes accueillant et aimez le contact avec la clientèle. Vous effectuez les devis, les réser vations et suivez les dossiers jusqu'à la préparation et remise des carnets de voyage. Vous souhaitez partager votre passion du voyage, alors venez nous rejoindre car ce poste est fait pour vous ! Merci d'adresser votre dossier de candidature (CV et Lettre de motivation) par mail : office@voyagetradition.fr OVNI n°974 (1er juillet 2025) format 45mmx117mm 210 euros HT (252euros TTC) tarif spécial option web ofer te

Ambassade du Japon en France

Recrutement d’un(e) assistant(e) en CDI au service sécurité

1. Poste : Réception et contrôle d’accès, Standard téléphonique, Assistanat à diverses tâches du service sécurité, (recherches documentaires, contact et prise en charge des prestataires de service, etc.)

2. Qualifications requises :

- Langues : français (niveau langue maternelle), japonais (JLPT N2 minimum souhaité),

- Maîtrise des outils bureautiques : WORD, EXCEL, POWERPOINT

3. Type de contrat :

CDI à partir du mois de septembre 2025

4. Lieu de travail :

Ambassade du Japon en France

7, avenue Hoche 75008 Paris

5. Modalité de sélection : Présélection sur dossier des candidatures puis examen écrit et entretien

Les personnes sélectionnées seront individuellement contactées.

• Un livre de Rianne OBATA « Étude comparative des Onomatopées en langue française et japonaise » a été publié sur Amazon.fr

6. Date limite de dépôt des candidatures : Le vendredi 8 août 2025 (Toutes les lettres reçues après le 8 août ne seront pas traitées.)

7. Dossier de candidature :

- CV avec photo

- Lettre de motivation

- Copie de votre pièce d’identité / titre de séjour avec autorisation de travail en France (*visa vacances-travail ne sera pas accepté)

- Copie des diplômes, des certificats de travail et d’attestation(s) de niveau de langue, le cas échéant

8. Adresse pour le dépôt de dossier : Ambassade du Japon en France Service sécurité

7, avenue Hoche,75008 Paris

* Veuillez indiquer sur l’enveloppe la mention

« Recrutement : Service sécurité ».

* Aucune réponse ne sera donnée par téléphone.

* Les dossiers envoyés ne seront pas rendus.

Zoom Japon n°152 (1er juillet 2025) format 111mmx75mm

450 euros HT ➡ 225 euros HT(270euros TTC)

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ZOOM LECTEURS

Makoto ni arigatô gozaimashita…*

A l’occasion de notre quinzième anniversaire, nous vous avons demandé de nous écrire vos impressions, vos commentaires et vos critiques. Nous avons reçu des dizaines de messages et de… dessins. En voici une sélection. *Merci de tout cœur.

uVous demandez ce que représente Zoom Japon pour vos lecteurs. Pour moi, vous faites littéralement partie de ma vie depuis très longtemps. (…) Vous êtes pour moi le magazine de référence sur le Japon. (…) Vous avez abordé des sujets délicats sur l’ijime (harcèlement), l!immigration, la famille… Le Japon est mon deuxième pays et vous lire me fait tellement chaud au cœur. Continuez ainsi et je suis tellement content que vous soyez encore là ! Bonne continuation. omas R.

uJe souhaite vous remercier pour votre très bon travail. Chaque mois, j!attends la parution de votre magazine, c!est mon rendez-vous que je ne manque pas. Les thématiques abordées ainsi que les articles sont de grande qualité. Très précis, riches en informations avec des interviews excellentes. (…) Grâce à vous, j!apprends toujours énormément sur le Japon. Votre dernier numéro sur le Vietnam au Japon en est un très bon exemple. Je crois qu!à chaque numéro je ne suis jamais déçu, toujours surpris. Mais comment faites vous pour vous renouveler chaque mois ?

Guillaume L. (Ile de France)

uJ !ai découvert Zoom Japon grâce à un ami, passionné de culture japonaise, nommé Franck. Il habite dans l!Est de la France et, ne venant à Paris que très occasionnellement, m!a chargé chaque mois de lui collecter votre magazine auprès de la librairie parisienne Junku. C! est amusant, car ce qui était pour moi presque une corvée, est devenu peu à peu un réel plaisir. A présent, j!attends avec impatience le début du mois pour m!y rendre. (…) A tel point que cela m!a mené à un souhait que je n!avais jamais imaginé : un jour prochain, m!o%rir un voyage pour visiter le Japon et découvrir un pays d!une richesse folle et d!une grande beauté. Jean D. (Ile de France)

uJe suis un dèle lecteur depuis votre tout premier numéro. Le plaisir de feuilleter, de découvrir chaque page, chaque rubrique, peu importe mon intérêt faible ou fort au sujet, je me perdais dans mes pensées. Des numéros marquants, il y en a eu des nombreux. Di cile de les citer. Toutefois, une anecdote en lien avec Zoom Japon et plus particulièrement Claude Leblanc. Lors de mon dernier séjour au Japon en 2023, je recherchais un ryokan dans le nord de Honshu. Après une escale à Yamadera depuis Hirosaki, direction Kaminoyama, et son fameux ryokan Saikate Jidan. Votre reportage était mis en avant à l!accueil, et ils en étaient très ers. Une superbe nuit, avec l!expérience de la cuisine kaiseki et bien entendu du onsen, usé et abusé de ma part. Sébastien C. (Clermont-Ferrand)

uUn peu avant le milieu des années 1990 j!ai suivi les cours de Japonais d!Espace Japon situé à l!époque Rue de la Fontaine au roi. Ce lieu a représenté pour moi durant plusieurs années la possibilité de côtoyer une langue et une culture qui me fascinaient depuis l!enfance alors qu!il m!était hélas impossible de voyager. Que de beaux souvenirs ! Je dois tant à ce lieu ! Aussi lorsqu!il y a quelques années j!ai découvert Zoom Japon, je me suis abonnée pour retrouver chaque mois un peu

de ma “jeunesse japonaise”. Bien entendu Zoom Japon n ! est pas pour moi seulement l!occasion de me plonger dans une jolie période de mon existence, il est avant tout une fenêtre sur un pays qui ne cessera jamais de me fasciner. Hélène B.

uZoom Japon est pour moi synonyme de mes premières visites rue Sainte Anne à Paris. Venant de ma province, c!est le magazine que je trouvais dans les restaurants japonais. Un petit journal qui présente des tranches de vie du Japon, le petit billet de Ko;a Ritsuko. Maintenant que je suis abonné, c!est ma madeleine de Proust suite à de nombreux séjours au Japon. Eric V. (Lomme)

uJe suis une lectrice dèle et j!attends chaque numéro avec impatience, avide de découvrir les multiples facettes du Japon que vous savez si bien mettre en lumière. J ! apprécie particulièrement la richesse et la diversité des sujets abordés : du quotidien des Japonais aux grandes tendances sociétales, en passant par l!art, l!histoire et les traditions. Chaque lecture est à la fois une invitation à la ré exion et une évasion car vous nous faites voyager à travers l!archipel avec tous nos sens en éveil. (…) Un immense merci pour votre passion, votre rigueur et votre regard toujours juste.

Adina M.-C. (Bruxelles)

uJ !apprécie les sujets traités, les recommandations de lectures ou de lms ainsi que la recette du mois. Je regrette qu!il n!y est pas plus d!actualités politiques, économiques et sociales. Merci d!exister. Sophie

uZoom Japon est un très bon magazine avec des articles et des dossiers clairs et détaillés permettant de se tenir au courant de l!actualité. J !ai toujours hâte de consulter les sujets traités qui sont souvent très originaux et la lecture est agréable. Saïda

uTout d!abord, ce magazine mensuel n!est pas trop chargé, mais il contient à chaque fois des articles passionnants et complets, faciles à lire, qui nous familiarisent avec les us et coutumes de ce pays fascinant qu!est le Japon. De plus,

chaque mois paraît un thème di%érent, en lien ou non avec l!actualité, qui nous plonge dans un univers presque inconnu en Europe, à part les mangas, et nous permet d!apprivoiser une autre culture, ce qui développe également notre esprit de tolérance vis-à-vis de tout ce qui est étranger. (…) En outre, la présentation de certains lieux méconnus ou régions moins touristiques nous font voyager et rêver. (…) L!interview de Japonais est également primordiale pour apporter plus de vérité aux anecdotes et expériences de vie dans ce pays. Nous y voyons des gens comme nous et qui s!engagent dans des actions au service des autres, ce qui nous redonne con ance en l!humanité. (…) En n, Zoom Japon nous a aidés pour notre merveilleux voyage au Japon en 2017, et continuer de lire ce magazine, c!est encore garder le souvenir de cette formidable expérience au Pays du Soleil-levant. Christiane J. (Alès)

uChaque numéro de Zoom Japon trouvé dans ma boîte aux lettres est toujours annonciateur d!une belle journée. J !ai la chance de pouvoir aller régulièrement au Japon. Mais ne faisant que de courts séjours pendant lesquels je ne travaille pas, je ne vois bien entendu que le côté positif. Je suis donc particulièrement intéressé quand votre magazine montre aussi la part d!ombre de cette société. Comme, par exemple, dans le numéro 141 en donnant la parole à U34/6a Tatsuru. (…) Grâce à la pertinence de ses articles, l!originalité de ses photos, et son traitement réactif de l!actualité du pays, Zoom Japon m!aide à mieux connaitre ce pays, ses habitants, son histoire et l!évolution de sa société. Spaji (Lyon)

uComparons Zoom Japon à toute notre nippologie de kiosque, des légèretés tape-à-l!oeil pour ado (avec leur papier sur les digimon et les maids d!Akiba) à la revue arty-snob (avec un texte sur cette île au large de Tokyo où il ne se passe rien, mais en mieux qu!ici) en passant par l!O ciel du bon goût (qui s!est opportunément décidé à transformer son mépris anti-japoniaiseries en éloge, à peine quarante ans après tout le monde). Zoom Japon les

surpasse tous, peut-être parce que ses auteurs forment la seule équipe qui n!utilise pas seulement le Japon comme prétexte, lon ou faire-valoir, mais qui est surtout là pour nous parler du Japon et des Japonais sans exotisme béat et simplet. Lucien Q. (Kumano)

uJe suis une lectrice dèle du magazine depuis sa création (…). Avec ses articles riches et diversi és, il m!inspire toujours à en apprendre davantage sur le Japon. J !aime découvrir de nouvelles perspectives, que ce soit à travers la mode, l!art ou les traditions japonaises. C!est une véritable porte d!entrée vers une culture qui me passionne profondément. Martine M. (Vertou)

uAbonnée depuis de nombreuses années, (…) quand je reçois Zoom Japon, je me replonge dans mes souvenirs, ou mieux encore je découvre des endroits que je rêve de visiter. Tous les articles sont très bien écrits et documentés, une vraie source d!information ! J !espère que ce petit journal précieux continuera longtemps à alimenter mes rêves.

Marie-Laure A.

uJ !ai découvert cette revue il y a presque un an. Faisant partie d!un cercle de littérature japonaise, les participants m!ont vivement conseillé de m!abonner. C!est ce que j!ai fait et je ne l!ai pas regretté. (…) J !ai aussi découvert des articles passionnants, diversi és et intéressants sur plusieurs sujets comme les mangas et la nature ou l!implication du Japon dans d!autres pays d!Asie, le Vietnam ou Taïwan. J !aime beaucoup la rubrique de Ko;a Ritsuko. Je nirai par une anecdote. Je m!intéresse au cinéma japonais depuis très longtemps. Je tenais donc à voir Le Joueur de go. L!article du journaliste Odaira Namihei que j!ai trouvé intéressant, bien analysé et bien ancré dans cette époque m!a convaincue encore plus d!aller le voir. J !ai adoré le lm et j!avoue lui avoir piqué quelques phrases lorsque j!en ai parlé à des amis a n qu!ils voient cet excellent lm. Pascale A. (Nice)

uA notre retour du Japon, nous avons été très heureux de pouvoir lire Zoom Japon et garder ainsi ce lien avec ce pays que nous aimons tant. Zoom Japon a su évoluer pour intéresser tout type de lecteurs même ceux qui d!habitude ne lisent pas de presse écrite. Bravo ! A notre tour, nous avons créé une association sur le Japon, Tanabata Nevers Japon et Zoom Japon a trouvé naturellement sa place dans notre espace culturel et grâce à lui nous avons des nouvelles variées du Japon même à Nevers ! Christine C. (Nevers)

uJe viens de renouveler mon abonnement pour deux ans et je tenais à vous remercier de tout cœur. Grâce à vous, chaque mois, c!est comme un petit voyage au Japon sans avoir à a%ronter le jet lag. (…) Chaque début de mois, c!est un petit événement quand le magazine arrive dans ma boîte aux lettres. Merci pour ce travail de qualité et pour

ZOOM LECTEURS

nous o%rir une version papier aussi agréable à lire ! Marc M.

uJe suis abonnée par plaisir de lire une information pertinente et éclairée sur les diverses questions sociétales du Japon d!hier et d!aujourd!hui. Marie

uJ !ai découvert Zoom Japon, il y a quelques années, lors d!une visite au consulat général du Japon à Marseille. (…) En rencontrant Zoom Japon à ce moment-là, en plongeant dans les dossiers de qualités, les brèves, les points de vue, un champ des possibles s!o%rit à moi quant à l!insatiable gourmandise de découvrir toutes les préfectures, des plus grandes villes aux villages les plus isolés du centre de Shikoku. J !ai alors pendant 6 mois consulté une majeure partie des numéros précédents (je remercie in niment toute l!équipe pour la qualité de l!archivage) et ai pu dessiner mes aventures à venir au Japon. Ainsi en croisant de nombreux articles (merci in niment de m!avoir fait découvrir Shôdoshima dans le numéro sur le shoyu), j!ai élaboré un itinéraire de 2 mois, équipé d!un sac à dos, à base de trains locaux, de traversée à vélo de la mer de Seto, de traversée en ferry local pour relier Nagasaki à Kumamoto... L!acculturation par votre magazine fut telle qu!il a été nécessaire de repartir pour 1 mois là-bas en 2024 a n de ne pas trop rester sur ma faim. (…) Antoine D. ( Marseille)

uDepuis des années, Zoom Japon m!accompagne dans ma découverte du Japon, nourrissant ma curiosité et approfondissant ma compréhension de ce pays fascinant. Chaque numéro est une porte ouverte sur son histoire, son actualité, sa culture et son art. C!est avec plaisir et enthousiasme que j!explore ses multiples facettes avec un regard éclairé et nuancé. (…) Je garde un attachement particulier aux dossiers historiques et aux portraits d!artisans, ainsi qu!au n°60 consacré à Ultraman ! Sébastien R. (Marseillais à Tôkyô)

u15 ans, 150 étapes déjà sur ce chemin où je me promène depuis déjà de nombreuses années. Je butine mensuellement rapidement, j!ouvre mes yeux, mes sens, et parfois m!assoie attentif à une découverte nouvelle qui m!interpelle longuement. Aujourd!hui, je m!arrête brièvement, à votre demande, et me retourne. Je regarde le sentier que vous m!avez fait prendre, conseillé en vieil ami, et m!incline vers vous, respectueusement, à 45 degrés (…) Eric D. (Ile de France)

uLa première fois que j!ai lu Zoom Japon, c!était peu après le tremblement de terre de mars 2011. Je revenais d!un voyage en famille à Tôkyô et les images du tsunami me glaçaient d!e%roi. (…) A l!époque, il n!y avait pas Instagram, Tiktok et tous ces réseaux sociaux qui permettent aux individus de partager leur vécu au monde entier. Les reportages de Zoom Japon, notamment sur l’Ishinomaki

Hibi Shimbun, m!ont donc donné un aperçu de l!intérieur de ce que vivaient les habitants du Nord-Est du pays. Depuis, votre journal est pour moi synonyme d!une source d!informations précieuse et qualitative. Sous ses airs de journal gratuit, il a une ligne éditoriale bien à lui, avec des dossiers qui approfondissent leur sujet, des articles qui donnent envie de voyager, et des petites rubriques récurrentes que j!aime retrouver à chaque numéro, comme celle de Ko;a Ritsuko ou bien la recette de cuisine. (…) Mention spéciale, bien sûr, au tout dernier numéro sur les liens entre le Japon et le Vietnam, mon pays d!origine! J !ignorais totalement leur existence. J !apprends à chaque numéro.

Chantal N. (Ile de France)

uC!est avec beaucoup d!émotion que j!ai “redécouvert” les images du numéro anniversaire. Cela m!a donné envie de me replonger dans la lecture de vos anciens numéros a n de rafraîchir mes “souvenirs japonisants”. (…) Si je devais évaluer votre travail depuis toutes ces années, alors voici ma note : 5/5. Norbert N.

uZoom Japon est la publication dont je rêvais quand j!étais adolescent, quand la presse dédiée au Japon ne se limitait qu!à l!unique page en français du journal OVNI ! Depuis, j!ai passé la quarantaine et j!ai eu le bonheur de vivre de nombreuses années au Japon. Désormais revenu en France, j!attends Zoom Japon tous les mois avec la même impatience qu’OVNI ! autrefois. Ça m!a d!ailleurs inspiré le senryû (poème court) suivant : Mon avion à moi

Est un canard de papier Zoom Japon Airline Florent G. (Editions Omaké Books)

uMerci pour votre travail fantastique, j!attends toujours le nouveau numéro avec impatience. Un nuage de sérénité dans le bruit du monde.

Rosemarie B. (Nancy)

Cher(e)s ami(e)s, Malgré nos efforts et votre soutien, notamment à travers la campagne de financement participatif, la situation financière de Zoom Japon reste précaire.

Afin de nous permettre de poursuivre notre travail avec la même exigence de qualité, nous avons décidé de réduire la périodicité de notre magazine. A compter du 1er septembre 2025, Zoom Japon ne paraîtra plus que 6 fois par an au lieu de 10.

Si, toutefois, nous parvenons à trouver un annonceur pour remplacer celui qui nous a quittés en avril, nous reprendrons notre rythme de parution antérieur.

Merci de votre soutien, de vos encouragements et de votre compréhension dans cette période difficile. La rédaction

Vous pouvez continuer à nous soutenir via Ulule jusqu’au 15 juillet (https://fr.ulule.com/soutien-zoomjapon-2025/)

Rosemarie B.

www.zoomjapon.info

Spécial Voyage

Au cœur de la mer Intérieure

www.zoomjapon.info

Spécial Voyage

Au cœur de la mer Intérieure

Avec ses milliers d’îles, la Seto naikai est un havre de paix qui se visite à petite vitesse.

Bons

baisers de la mer Intérieure

Encore épargnée par le surtourisme, cette région réserve bien des surprises à ceux qui s’y aventurent.

Lorsque votre avion descend vers l!aéroport du Kansai, ne manquez pas de regarder par le hublot. Vous serez récompensé par la vue remarquable d!une île parfaitement rectangulaire ottant sur la mer. Cette merveille d!ingénierie humaine est l!aéroport où vous êtes sur le point d!atterrir. Face à un spectacle aussi époustou ant, on vous pardonnera de ne pas prêter beaucoup d!attention à la mer qui entoure l!île. Mais si ce premier aperçu fugace des eaux est tout ce que vous voyez, vous passerez à côté de l!une des destinations secrètes les plus enchanteresses du Japon. Il s!agit en e%et de la mer Intérieure de Seto, ou Seto naikai, qui s!étend entre Honshû, Kyûshû et Shikoku, trois des quatre plus grandes îles du Japon. En 1934, le gouvernement a classé une partie de cette mer comme premier parc national du Japon, avant même le mont Fuji, les sommets et les glaciers des Alpes du Sud et 32 autres sites magni ques qui sont devenus par la suite des parcs nationaux.

Qu!est-ce qui rend la mer intérieure si spéciale ?

Une étendue d!eau est une étendue d!eau, non ?

Eh bien, dans ce cas, non. La mer Intérieure abrite un véritable labyrinthe de milliers d!îles. Personne ne sait exactement combien il y en a, mais elles sont bien trop nombreuses pour être comptées avec précision. A lui seul, le parc national de Seto naikai compterait quelque 3 000 îles. Couvrant plus de 9 000 kilomètres carrés de zones côtières et insulaires dans 11 préfectures, d!Ôsaka à Fukuoka, c!est également le plus grand parc national du Japon.

La première fois que l!on pose les yeux sur ce labyrinthe d!îles, on est à la fois émerveillé et apaisé. Avec sa mer calme ponctuée de pics verdoyants, elle ressemble à un jardin zen à l!échelle océanique. En fait, de nombreux jardins de cette région reproduiraient la vue sur les îles, avec leurs eaux sereines et leurs tourbillons occasionnels. Et tout comme le jardin du temple Ryôan à Kyôto, où l!on ne peut jamais voir les 15 rochers, quel que soit l!angle sous lequel on les regarde, il est impossible d!avoir une vue complète des îles. En parcourant la route côtière, chaque virage, chaque légère montée, chaque kilomètre o%re un nouvel angle sur le paysage qui se dévoile, révélant de nouvelles îles, les unes après les autres, qui disparaissent dans la brume comme des montagnes dans un rouleau de peinture à l!encre. “Un paysage magni que qui s!étend sur une vaste super cie – il

ne peut y avoir de plus bel endroit au monde. Ce lieu sera célébré comme l!un des plus charmants au monde et attirera de nombreux visiteurs.”

C !était l!avis du baron Von Richtofen (18331905), géographe et scienti que allemand. “Le dernier vestige du Japon ancien”, estime Donald Ritchie dans son livre 3e Inland Sea (1971). Mais dans le même ouvrage, l!écrivain américain prédisait que dans 40 ans, ce mode de vie aurait disparu, étou%é sous le déluge de la modernisation. Avait-il raison ? C ! est ce que nous allons voir.

La plus grande concentration d!îles se trouve entre Okayama et Hiroshima, ce qui en fait la partie la plus pittoresque du parc. Si la vue d!ensemble de ces nombreuses îles est à couper le sou'e, les découvrir au détour d!une promenade n!en est pas moins fascinant. Vous vous retrouvez dans un royaume d!agrumes et de rizières nichées dans les plis doux de montagnes couvertes de forêts, ponctuées de petits hameaux. Les forêts descendent jusqu!au bord de mer. Des plages de sable blanc et des pins entourent de nombreuses îles. Vous remarquez rapidement que la vie sur ces îles suit un rythme di%érent de celui du continent. Le temps lui-même semble s!écouler plus lentement, tout comme la circulation. C ! est une vie au ralenti. L!agitation des grandes villes n!a

pas sa place ici. Mais ce n!est pas seulement le rythme qui est di%érent. Tout le mode de vie est di%érent de celui des métropoles. “J !aime cet endroit parce qu!il est très calme”, explique I0a2o5o Kana, étudiante à l!université. “La nuit, on n!entend que le chant des grillons. Et c!est très sûr. Nous sortons souvent sans fermer la porte à clé.” A 17 heures, il n!est pas rare d!entendre un message di% usé par haut-parleur demandant aux jeunes enfants de rentrer chez eux. La plupart des rues sont désertes à la tombée de la nuit. Le célèbre omotenashi (hospitalité) japonais est toujours très présent ici. Si vous demandez votre chemin à quelqu!un, il y a de fortes chances qu!il ne se contente pas de vous répondre, mais qu!il vous y conduise personnellement, même si cela lui fait un dé-

tour. A tel point qu!un homme vous rattrape en courant alors que vous grimpez une côte à vélo, juste pour s!assurer que vous êtes sur la bonne route pour rejoindre le port ferry en contrebas, à Nishinoshima, de l!autre côté de la baie, en face de Hiroshima. La mer Intérieure est souvent quali ée de mer sans tempête. Protégée sur une grande partie de son étendue par la grande île de Shikoku, elle est rarement touchée par les typhons. Néanmoins, les îles situées en dehors du bouclier protecteur de Shikoku restent exposées aux risques. Le sanctuaire Itsukushima, sur l!île de Miyajima, classé au patrimoine mondial, a été endommagé à plusieurs reprises par des typhons. Le climat généralement doux est idéal pour la culture des agrumes. Depuis le déclin de

la construction navale et d!autres industries traditionnelles, les agrumes, des mandarines mikan aux hybrides cultivés uniquement ici, sont devenus une activité majeure. La région de Setoda, sur l!île d! Ikuchijima, est particulièrement réputée pour ses agrumes. Les étals de fruits sans vendeur au bord des routes sont monnaie courante sur beaucoup de ces îles. Il su t de se servir et de laisser l!argent dans la boîte prévue à cet e%et. Et comme on est au Japon, personne ne songerait à prendre quelque chose sans payer.

Fin de soirée sur l!île de Kurahashi. Un jeune couple pêche depuis le quai en béton. La pêche est très populaire au Japon (voir Zoom Japon n°142, juillet-août 2024), tant chez les hommes que chez les femmes. Mais pour ces pêcheurs, la pêche n!est pas un loisir. Ils pêchent pour leur propre consommation : le dîner de ce soir, le petit-déjeuner de demain, voire le déjeuner de toute la semaine si les poissons mordent. Le poisson et la mer sont au cœur de la vie ici. Sur une plage de l!île d! Etajima, vous pouvez pêcher des palourdes pour une somme modique, mais uniquement lors de la pleine lune. Il su t d!apporter un chapeau, un râteau et un seau, et le tour est joué. Vous payez ensuite au poids ce que vous avez pêché. Ici, sur les îles, l!identité des gens est intimement liée à leur histoire, pas seulement celle de leur île, mais aussi à l!histoire naturelle, au changement des saisons et à leurs e%ets sur la nature et les hommes. Les habitants sont imprégnés d!histoire. A deux pas de la ville côtière historique de Tomo no Ura (voir Zoom Japon n°64, octobre 2016) se trouve la minuscule île de Sansui, en forme de larme, avec sa petite pagode rouge qui se détache parfaitement sur le bleu de la mer et le vert de l!île. On dirait qu!elle a été placée là avec le talent d!un peintre ajoutant une touche nale de couleur qui met en valeur le reste du tableau. La vue devient ainsi une collaboration entre la nature et les hommes, un thème récurrent dans ces îles. Mais ce n!est pas seulement une jolie vue. “La position des étoiles et des planètes par rapport à ces îles indiquait aux habitants quand il était temps de célébrer le solstice, l!équinoxe, la pleine lune d!octobre et le Nouvel An”, note le prêtre bouddhiste du Fukuzen-ji de Tomo. Les émissaires de Corée et des Pays-Bas ont loué la beauté de la ville. En 1711, l!envoyé coréen I-pan-on quali a la vue de Benten de “plus belle vue du Japon”. Tomo est un important centre de commerce maritime depuis plus de 12 siècles. C !est le seul port complet de l!époque d! Edo au Japon, avec environ 80 bâtiments datant de cette période. Toute la région de la mer Intérieure, qui relie l!océan Paci que à la mer du Japon et au continent asiatique, est une route commerciale vitale depuis des siècles. Cette longue histoire d!accueil et de mélange avec des visiteurs venus de toute l!Asie a contribué à forger l!extrême

Le port de Tomo no Ura symbolise la vie tranquille de cette région maritime.
Chaque île possède des lieux préservés.

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hospitalité des insulaires. Shimokamagari, dans les îles Akinada, était un autre port clé de cette route maritime. Aux XVIe et XVIIe siècles, les envoyés coréens s!y arrêtaient en route vers Edo, avec leurs convois somptueux composés de dizaines de navires et de centaines de personnes. Quant à Katsuragahama, sur l!île de Kurahashi, elle était déjà le théâtre d!un tra c maritime surprenant dès le VIIIe siècle. En se promenant dans les rues aujourd!hui désertes de ces anciennes villes portuaires autrefois très animées, on ne peut s!empêcher de regretter que le grand maître des estampes Hiroshige (1797-1858) n!ait pas réalisé une série de gravures sur ce thème, peut-être une version des Cent vues de la mer Intérieure, à l!image de ses 36 vues du mont Fuji ou des 100 vues célèbres d!Edo. Au lieu de cela, notre imagination est libre de conjurer les scènes : la mer encombrée de navires qui vont et viennent sans cesse ; les boutiques en bois faiblement éclairées, si animées qu!elles sont ouvertes 24 heures sur 24, leurs intérieurs sombres empilés de marchandises de toutes sortes, de la soie et du coton aux denrées exotiques.

Pendant des siècles, la mer Intérieure a été une route commerciale très fréquentée, reliant le Japon au reste de l!Asie. Sa réputation de voie maritime a en partie contribué au manque d!intérêt pour la région en tant que destination touristique. Pour utiliser une analogie moderne, qui voudrait passer ses vacances à Wall Street ?

Cette arrivée tardive du tourisme a contribué à préserver le mode de vie traditionnel des îles, les épargnant du développement excessif et du tourisme de masse qui ont dé guré de nombreuses destinations à travers le monde. Aujourd!hui encore, vous pouvez parcourir ces îles pendant des kilomètres sans voir un centre commercial, une salle de pachinko criarde ou un immeuble d!appartements vertigineux. :omas Cook (1808-1892), inventeur des visites guidées et souvent considéré comme le père du tourisme moderne, a visité ces îles au XIXe siècle et a été enchanté par la beauté des paysages et le rythme de vie tranquille de la région. Si un homme de son statut et de son in uence a tant aimé cet endroit, il était inévitable que le reste du monde nisse par le découvrir. La seule question qui reste est de savoir pourquoi cela a pris autant de temps. La zone ne s!est ouverte au tourisme qu!au cours des dernières décennies, en particulier après l!achèvement de la Shimanami Kaidô (littéralement “route des îles et des vagues”) en 1999. Ce spectaculaire réseau routier et de ponts de 60 km relie l!île principale du Japon, Honshû, à Shikoku (la quatrième plus grande île), en passant par six îles plus petites. Elle va d!Onomichi, dans la préfecture de Hiroshima, jusqu!à Imabari (préfecture d! Ehime).

Le succès n!a pas été immédiat, en partie à

cause du coût élevé des péages. Puis, à Onomichi, ville portuaire historique où commence l!itinéraire, cinq anciens camarades de classe se sont réunis et ont décidé de miser sur le fait que tous les ponts étaient équipés de pistes cyclables (voir Zoom Japon n°41, juin 2014). Leur objectif était de “revitaliser l!économie locale en utilisant le patrimoine culturel d!Onomichi pour promouvoir le tourisme”, rappelle Ko)aya74/ Noriko de DiscoverLink Setouchi (DLS), le consortium local fondé par les cinq hommes. Le résultat fut l! U2 Hotel Cycle, le premier hôtel japonais conçu pour les cyclistes. Depuis, d!autres régions ont suivi l!exemple, transformant la mer intérieure en un paradis pour les cyclistes. La route de Tobishima, qui relie les îles Akinada, en est un exemple (voir Zoom Japon n°85, novembre 2018). Ce réseau de sept ponts de 48 km enjambant sept îles s!étend du pont Akinada près de Kure, dans la préfecture de Hiroshima, jusqu!à l!île d!Okamura, dans la région de Shikoku.

Alors que de plus en plus de visiteurs découvrent les attraits uniques de ces îles, cellesci rivalisent d!innovation pour attirer les touristes. Outre la voiture et le vélo, il est possible de s!y rendre en ferry, en kayak ou en catamaran a%rété. Le plus spectaculaire est sans doute de les admirer depuis les airs, à bord d!un hydravion Kodiak.

Au départ de l!hôtel Bella Vista Marina à Onomichi et de l!aéroport de Hiroshima, ces

vols vous emmènent à 700 mètres d!altitude au-dessus des magni ques paysages insulaires, tandis que le pilote vous divertit avec des commentaires en continu : noms des îles, points d!intérêt locaux, histoire régionale. C !est le moyen le plus proche de voir toutes les îles en même temps. Et l!e%et est stupé ant. Certaines îles misent sur leur riche histoire pour attirer les visiteurs. Le tourisme pirate, par exemple, est une attraction en plein essor. Au XVe siècle, ce canal très fréquenté était contrôlé par le redoutable clan Murakami. Opérant depuis leur repaire dans le canal d!Onomichi, ils exigeaient un tribut de tous les navires qui passaient. Le labyrinthe d!îles et de baies isolées constituait un territoire idéal pour les pirates. Aujourd!hui, vous pouvez visiter le château des Murakami sur l!île d!Innoshima, tandis que l!île d!Oshima abrite le fascinant musée Murakami Suigun. D!autres îles proposent une “expérience samouraï” qui vous permet de découvrir des aspects authentiques de la vie des samouraïs, d!admirer le savoir-faire des forgerons, de participer à une cérémonie du thé guerrière et d!essayer une armure de samouraï.

En revanche, on trouve une quantité surprenante d!art contemporain pour un endroit aussi rural. Comme le musée dédié à l!œuvre de l!artiste H/1aya2a Ikuo (1930-2009) sur Ikuchijima, son lieu de naissance. Il est célèbre pour ses gigantesques peintures oniriques de la Route de la Soie.

Le paysage apaisant qu’offre la mer Intérieure permet d’envisager autrement sa découverte du pays.
Angeles Marin Cabello pour Zoom Japon

Deux événements artistiques majeurs attirent certains des meilleurs artistes contemporains du monde. Le premier est le projet artistique Benesse Art Site Naoshima, qui se déroule sur les îles de Naoshima, Inujima et Teshima. Selon les organisateurs, il s!agit de “la première symbiose au monde entre des îles et l!art”. L!accent est mis sur les îles et leurs habitants : “L!art est quelque chose qui fait ressortir le charme de l!île... Il ne s!agit pas seulement de regarder l!art, mais aussi ce que l!art permet de voir.” Le deuxième projet est le festival d!art Setouchi Triennale, qui se tient tous les trois ans sur de nombreuses îles de la mer intérieure. Il dure 100 jours et est divisé en trois sessions : printemps, été et automne. Lancée en 2010, la Triennale est devenue l!un des festivals d!art internationaux les plus importants du Japon, attirant plus d!un million de visiteurs japonais et étrangers.

Ainsi, entre paysages sublimes, hydravions, pirates médiévaux et art moderne, les îles de la mer Intérieure ont en n pris conscience qu!elles recelaient un véritable trésor touristique. A yant pris conscience de cela assez tardivement, elles réalisent également l!importance de protéger ce trésor et d!attirer un tourisme qui ne perturbe pas l!harmonie entre les humains et la nature, la sérénité et la beauté, autant d!atouts qui ont fait leur charme initial. Jusqu!à présent et ce malgré l!augmentation du nombre de visiteurs, l!atmosphère sur les îles reste décontractée et les paysages sont en grande partie préservés. La plupart des endroits sont déserts en milieu de semaine. Mais les choses changent. “De plus en plus de touristes étrangers visitent les îles, et de plus en

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plus de jeunes Japonais commencent à s!y installer”, constate Ko)aya74/ Noriko. “Les jeunes qui ne sont pas d!Onomichi s!intéressent au mode de vie insulaire, qu!ils considèrent comme paisible et peu stressant.”

Et c!est justement Onomichi (voir Zoom Japon n°27, février 2013), porte d!entrée de la Shimanami Kaidô, qui o%re un exemple admirable d'équilibre entre accueil des visiteurs et préservation des traditions. Elle est d!ailleurs classée “ville patrimoniale”. Le pionnier U2 Hotel Cycle est installé dans un entrepôt rénové au bord de l!eau. D!autres bâtiments historiques, comme les deux manoirs Minato no Yado, ont été transformés en hébergements de luxe indépendants, tandis que LOG (Lantern Onomichi Garden) est un hôtel-boutique de luxe installé dans un complexe d!appartements des années 1960. “La rénovation coûte beaucoup plus cher que la reconstruction”, admet Ko)aya74/ Noriko. “Mais nous pensons que les bonnes choses doivent être préservées.” Ainsi, aussi contradictoire que cela puisse paraître, le développement et la conservation, loin d!être incompatibles, peuvent aller de pair. En e%et, cette coexistence de l!histoire et de la modernité est la clé du charme d!Onomichi. Bien sûr, le développement et la conservation s!opposent parfois inévitablement. A Tomo no Ura, en 1983, les autorités locales ont annoncé leur intention de construire un pont de 180 mètres de long, en travers de l!ancien port, ce qui aurait détruit la vue légendaire. Cela revient à bétonner les canaux de Venise pour faciliter l!accès en voiture. Le sort de Tomo a attiré une attention sans précédent de la part de plus de 45 groupes de préservation, dont le World Mo -

numents Fund et le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS). Heureusement, en octobre 2009, le tribunal a rendu une décision historique, bloquant le projet et reconnaissant le droit des habitants à préserver leur paysage naturel, historique et culturel. Après près de trois décennies de lutte intense, en juin 2012, le gouverneur en exercice de Hiroshima, Y(9a./ Hidehiko (voir Zoom Japon n°68, mars 2017), a abandonné le projet de pont et s!est engagé à préserver la zone portuaire. Après tout, le réalisateur hollywoodien James Mangold a choisi Tomo parmi 50 villes japonaises lorsqu!il cherchait un lieu de tournage pour Wolverine : Le Combat de l!immortel en 2012. Pour le cinéaste, Tomo évoquait au mieux le Japon ancien qu!il connaissait à travers les lms de O 9( Yasujirô (voir Zoom Japon n°31, juin 2013). En 2008, le réalisateur de lms d!animation M/ya9a./ Hayao a choisi cette ville comme décor pour son lm Ponyo sur la falaise (2008).

Dans ces îles riches en art, le Shimanami Kaidô illustre parfaitement comment la technologie, la nature et la tradition peuvent cohabiter. Les magni ques ponts sont des œuvres d!art à part entière. Le Tatara fut le plus long pont à haubans du monde lors de sa construction. Ses élégantes tours en acier de 220 mètres de haut représentent les ailes repliées d!une grue. Avec ses 4 045 mètres de long, le pont de Kurushima était jusqu!à récemment le plus long pont suspendu au monde. Gracieux et élégants, les ponts s!intègrent harmonieusement dans le paysage naturel environnant.

Mais c!est sur l!île de Miyajima (voir Zoom Japon n°17, février 2012) que l!harmonie entre la nature et l!architecture est la plus évidente. Classée au patrimoine mondial de l! UNESCO, elle gure parmi les trois plus beaux sites du Japon. Le gigantesque torii rouge s'élève au-dessus de la mer et le sanctuaire Itsukushima, d!un orange vif, semble otter sur les eaux scintillantes à marée haute. En toile de fond, la forêt verdoyante/ le vert foncé du mont Misen. Une aura magique, que même les hordes de touristes ne parviennent pas à dissiper.

Peu de choses changent à Miyajima. Un ou deux restaurants de la principale rue commerçante, Omotesando, restent désormais ouverts jusqu!à 20h30. Mais à quelques mètres de là, dans la forêt d!érables qui mène aux pentes du mont Misen, tout est plongé dans une obscurité profonde et un silence surnaturel. Et au sommet du mont Misen, la amme éternelle brûle toujours, après avoir été allumée par le moine bouddhiste Kôbô Daishi (voir Zoom Japon n°32, juillet-août 2013) en 806. est un symbole émouvant de la magie éternelle de ces îles.

ANGELES MARIN CABELLO & STEVE JOHN POWELL

Le Tatara fut, au moment de sa construction, le plus long pont à haubans du monde.

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