Zoom Japon 151

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ZOOM ACTU

ÉDITO Survivre !

Pour célébrer nos quinze années d’existence, nous aurions pu mettre les petits plats dans les grands et imaginer un numéro d’une centaine de pages. Malgré cette furieuse envie, nous avons dû nous rendre à l’évidence qu’une telle débauche de contenu était impossible en raison d’un contexte économique peu favorable. Depuis son lancement en juin 2010, Zoom Japon s’est efforcé de maintenir un niveau de qualité élevé afin de vous offrir dans chaque numéro des articles uniques qui ont permis au magazine de se bâtir une solide réputation. Mais les bonnes opinions ne suffisent pas à faire vivre un mensuel surtout quand les publicitaires misent sur le numérique plutôt que sur le papier. Malgré tout, nous vous avons concocté un beau numéro.

La rédaction courrier@zoomjapon.info

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Tel est le nombre total de pages des 150 dossiers que Zoom Japon a publiés depuis sa création, il y a 15 ans. Autrement dit, cela représente l’équivalent d’un beau volume de la célèbre collection de La Pléiade même si, bien sûr, leur style et leur qualité littéraire sont incomparables. Néanmoins, c’est une fierté d’avoir pu vous offrir un tel contenu.

L E REGARD DE GABRIEL BERNARD

Uzumasa, Kyôto, préfecture de Kyôto

Dès son premier numéro, en juin 2010, Zoom Japon a été placé sous le signe du livre. A l’époque, nous avions abordé la thématique du roman policier dont les Japonais sont de gros consommateurs, mais dont on ne connaissait encore peu d’auteurs japonais en France. Notre attachement au “papier” est resté très fort, malgré la poussée du numérique et d’une information adaptée à la lecture rapide et plus superficielle. Aujourd’hui, l’imprimé a du mal à résister à cette vague, mais il y a encore quelques îlots de résistance, comme cette petite librairie de Kyôto et Zoom Japon

TOURISME En dehors des sentiers battus

Lorsque nous avons décidé de lancer ce mensuel, le Japon était encore une destination jugée inaccessible par la plupart des Français. Pourtant, dès le premier numéro, nous avons consacré une rubrique consacrée au voyage afin d’explorer l’archipel dans toute sa diversité paysagère et culturelle. Quinze ans plus tard, le Japon figure en tête des pays que les Français veulent visiter.

POLITIQUE La normale ou l’anormal ?

Un ministre de l’Agriculture qui démissionne parce qu’il a affirmé n’avoir jamais acheté de riz de sa vie. Telle est la réalité de la vie politique nippone. Certains diront que c’est une situation tout à fait normale dans un pays où les politiciens semblent déconnectés du quotidien. D’autres penseront que c’est anormal et regretteront juin 2010, lorsque la politique semblait encore porteuse d'espoir.

Gabriel Bernard pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Sur la piste du crime avec la patrouille anti-tabac dans le quartier d'Ikebukuro, à Tôkyô.

Zoom Japon n°1, juin 2010

15 ans d’une belle histoire

Depuis son premier numéro paru en juin 2010, Zoom Japon s’est efforcé de vous offrir le Japon tel qu’il est.

Bien que nous célébrions le quinzième anniversaire de la création de Zoom Japon, tout a commencé il y a 41 ans. A cette date, je faisais connaissance de Bernard Béraud, fondateur des Editions Ilyfunet et du fameux journal OVNI. L’homme était un passionné qui parlait avec verve de transmission et de partage. Il vouait au papier un amour auquel j’ai également succombé lorsqu’il m’a demandé de réaliser les pages en français d’OVNI. Pendant plus de deux décennies, j’ai ainsi contribué à la présence de la langue de Molière dans les co -

lonnes du bimensuel afin de permettre aux lecteurs français, qui commençaient à fréquenter les restaurants japonais, de découvrir le Japon. Dans les années 1980, ce n’était pas évident. Le pays du Soleil-levant ne disposait pas du crédit qui est le sien aujourd’hui. Sa puissance économique faisait de l’ombre à notre industrie et les produits culturels nippons étaient voués aux gémonies. Malgré tout, grâce à l’entrain de Bernard Béraud et ses convictions, je n’ai jamais renoncé à chercher à informer sur le Japon sans tomber dans l’excès inverse. Peu à peu, sous l’effet de plusieurs facteurs, l’image du Japon s’est améliorée en France. La culture populaire a séduit un public de plus en plus nombreux et la demande d’information sur ce pays a pris une ampleur inédite. Les deux

pages dans le bimensuel OVNI ne suffisaient pas à répondre à l’attente grandissante du public. C’est ce qui m’a amené à la création de Zoom Japon. Après plusieurs mois de réflexion, de prises de contact avec des photographes et des journalistes professionnels, le premier numéro a été lancé. Lorsqu’on regarde le thème du premier dossier “Le polar nippon sort de l’ombre”, on peut saisir l’esprit du magazine. Il s’agissait de présenter une facette du Japon peu connue dans nos contrées.

Depuis lors, Zoom Japon n’a pas cessé de suivre cette ligne éditoriale. En 15 années d’existence, nous n’avons pas traité deux fois le même sujet, ce qui constitue, en tant que rédacteur en chef, une source de fierté.

Claude leblanC

Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon

TERRAIN

Une expérience exceptionnelle

Gianni Simone a commencé à écrire pour le magazine en 2012. Une longue collaboration riche de moments forts.

Le 8 septembre 2012, je me suis rendu dans le centre de Tôkyô pour rencontrer le journaliste vidéo Watai Takeharu. Dans le métro, le briefing de mon patron n’arrêtait pas de me revenir en tête : “Parlez du divorce entre les Japonais et les médias” (voir Zoom Japon n°24, octobre 2012) Dix-huit mois s’étaient écoulés depuis la triple catastrophe de Fukushima, et le peuple japonais, bon, raisonnable et patient, s’était enfin mis en colère. Il voulait mettre fin à l’énergie nucléaire au Japon. Cependant, alors que les manifestations prenaient de l’ampleur et se multipliaient, la plupart des médias nationaux les ignoraient systématiquement. En réponse à ce black-out médiatique, un groupe de journalistes indépendants, auquel appartenait Watai, avait décidé de louer des hélicoptères pour montrer l’ampleur réelle des manifestations antinucléaires. Je me souviens du bureau exigu où nous avons fait l’interview, et surtout du climatiseur moribond qui fonctionnait à peine. Je transpirais abondamment parce qu’il faisait une chaleur étouffante et que je ne voulais pas décevoir Claude Leblanc, mon tout nouveau rédacteur en chef. Après tout, c’était mon premier article pour Zoom Japon. Claude et moi nous sommes rencontrés sur Facebook, figurez-vous. En consultant les amis d’une autre personne, une icône colorée sur le thème du Japon a attiré mon attention. J’ai cliqué dessus, envoyé ma demande d’ami et, entre deux plaisanteries avec Claude, nous avons réalisé que je cherchais du travail et qu’il avait besoin d’un auteur basé au Japon. Ça, c’est du timing. C’est ce que signifie être au bon endroit au bon moment. Aujourd’hui, Claude, mon patron et bon ami, m’a demandé d’écrire une sorte d’article commémoratif. “Tu pourrais raconter à nos lecteurs ce que tu as appris en écrivant pour le magazine”, m’a-t-il dit. Eh bien, j’ai certainement appris beaucoup de choses au cours des 13 dernières années. Après ce premier entretien avec Watai, j’ai commencé à m’interroger sur la relation des médias japonais avec le pouvoir politique. Treize ans plus tard, le journalisme ne s’en sort guère mieux. Au classement mondial de la liberté de la presse 2024 de Reporters sans frontières (RSF), le Japon se trouve à la 70ème place, sur 180 pays. Le Japon est le plus mauvais élève des pays du G7. Cela reflète les défis auxquels sont confrontés les journalistes au Japon. Depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir de la droite nationaliste, les journalistes se plaignent

d’un climat de méfiance, voire d’hostilité, à leur égard. Le système des kisha kurabu (clubs de la presse) pousse les reporters à l’autocensure et constitue une discrimination flagrante à l’égard des pigistes et des reporters étrangers. Lorsque vous explorez la capitale, surtout à pied, la meilleure chose à faire est d’oublier les sites touristiques habituels et de plonger dans ses recoins cachés. Parfois, on a presque l’impression de voyager dans le temps, comme si l’on pénétrait dans un Tôkyô ancien et disparu depuis longtemps. Vous continuerez à tomber sur de petites usines familiales (voir Zoom Japon n°69, avril 2017) et de minuscules boutiques pleines de poussière et d’objets étranges dont la plupart des gens ne se souviennent même plus de comment les utiliser, des parcs isolés et des roji (ruelles) pittoresques pleines de plantes en pot. Alors, vous pourrez vous reposer les pieds dans un café familial. Oubliez Starbucks, juste pour une fois.

l’étendue et la qualité des expériences de consommation proposées.” Alors, si vous êtes amateur d’alcool, vous savez où aller la prochaine fois. Je ne souhaite pas m’aligner sur ces titres sensationnalistes qui attirent l’attention sur le Japon, mais il semble que les jeunes aient de plus en plus de mal à se faire des amis. C’est du moins ce que m’a dit Kudô Kei, le fondateur de Sodateage. Net’s, une organisation à but non lucratif dont la mission est de soutenir les jeunes ayant peu de compétences sociales et de leur permettre d’accéder à un emploi afin de parvenir à l’intégration sociale et à l’indépendance financière. “Il y a de leur part une réticence à s’impliquer dans de nouvelles relations”, a-t-il confié. “Il y a aussi une réticence à s’ouvrir et à se mettre au défi. On voit clairement la différence avec les étudiants étrangers d’Asie, qui sont toujours plus francs, toujours les premiers à lever la main.”

Zoom Japon n°106, décembre 2020

Tôkyô est la meilleure ville du monde pour boire de l’alcool, du moins selon Chris Bunting, l’auteur du Japon vu des bars (Editions Ilyfunet, collection Zoom Japon, 2014), que j’ai interviewé en 2012. Ce dernier pense que la capitale japonaise est un lieu de consommation unique par rapport à d’autres villes. “Je me rends compte que beaucoup de gens ne seront pas d’accord avec moi”, a-t-il déclaré, “mais il ne fait aucun doute qu’elle offre des richesses exceptionnelles au buveur. Les deux choses qui m’ont vraiment époustouflé, c’est

Gérer une ONG est une tâche difficile particulièrement au Japon où elles n’ont pas une longue histoire. La plupart d’entre elles ont été fondées dans les années 1980 ou plus tard, et beaucoup de personnes ne savent toujours pas ce qu’elles sont, ce qu’elles représentent ou ce qu’elles font. Lorsque j’ai interviewé Shôji Hiroka, d’Amnesty International Japon, par exemple, j’ai appris qu’ils ne comptaient que quelques milliers de membres (en comparaison, il y en a 100 000 en Australie et plus de 140 000 au Royaume-Uni, même si leurs populations totales sont bien plus

Gianni Simone avec l'actrice Hasegawa Chisa.
Eric Rechsteiner
photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

petites que celle du Japon). “Le fait est que la compréhension populaire des droits de l’homme est bien inférieure à celle des autres pays. C’est pourquoi changer la politique du gouvernement japonais en matière de droits de l’homme est un véritable défi.” Alors qu’en Occident, il est courant qu’un groupe d’amis – ou même des personnes sans lien de parenté – partagent un logement comme dans la série télévisée américaine Friends ou le film français L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch sorti en 2002, de nombreux Japonais se sont longtemps sentis mal à l’aise à l’idée de partager un espace de vie – ainsi que les tâches et responsabilités qui en découlent – avec des personnes qu’ils ne connaissaient pas. Ils préféraient simplement vivre avec leur famille jusqu’à la trentaine ou emménager dans de minuscules appartements d’une ou deux pièces. Aujourd’hui, cependant, les share houses sont devenues populaires (voir Zoom Japon n°30, mai 2013). Si vous décidez un jour de vous installer au Japon, vivre dans l’une de ces maisons serait une bonne occasion de vous faire de nouveaux amis ! Pour améliorer vos voyages en train à travers le Japon, vous devriez essayer les ekiben (bentô vendus dans les gares). Ils sont toujours très populaires parmi les fans de voyages (demandez à Claude Leblanc), les fans de train et les gourmets (voir Zoom Japon n°34, octobre 2013) Même maintenant, environ 3 000 variétés différentes sont produites à travers le Japon. La journaliste Kobayashi Shinobu m’a confié : “Le rôle des ekiben a changé. Autrefois simple indispensable des voyageurs, ils sont aujourd’hui davantage perçus comme un souvenir emblématique des régions traversées.” Elle s’y connaît bien puisqu’elle a mangé des milliers d’ekiben en parcourant le pays pendant les 30 dernières années. Elle voit l’avenir des ekiben comme une nouvelle catégorie de plats gastronomiques. “De nombreux ekiben sont composés d’une dizaine d’ingrédients ou plus et sont préparés et assaisonnés de nombreuses façons différentes. Récemment, on voit aussi de plus en plus d’ekiben exotiques, comme le déjeuner au vin de Kôshu, composé d’aliments qui se marient bien avec le vin, comme des dés de steak ou une omelette espagnole, et accompagné d’un petit verre à vin en plastique.”

Si vous voulez visiter un sento (bains publics), vous devriez vous dépêcher car ils disparaissent rapidement (voir Zoom Japon n°35, novembre 2013). A Tôkyô, ils ferment au rythme d’un toutes les deux semaines, alors que la moyenne nationale est d’un par jour. Ils étaient au nombre de 2 600 en 1968, mais il n’en reste plus que 462 (en 2022), concentrés dans les quartiers traditionnels de la classe ouvrière. A l’échelle nationale, ils sont passés de 18 000 en 1968 à 2 500 aujourd’hui. La cuisine japonaise est l’une des meilleures au monde, mais il est de plus en plus difficile de se

procurer des ingrédients de bonne qualité. C’est ce que m’a raconté Okuda Tôru, un célèbre chef qui a obtenu six étoiles Michelin. “La surpêche pendant les années de la bulle économique en est l’une des raisons”, a-t-il déclaré. “De plus, et c’est peut-être encore plus important, les zones de pêche près du Japon se sont progressivement déplacées vers le nord, en direction de la Russie. Parmi les causes, le réchauffement climatique, et puis, bien sûr, le tsunami de 2011 qui a été désastreux pour l’industrie de la pêche dans le Tôhoku. Si nous ne faisons pas quelque chose rapidement, nous risquons d’en arriver à ne plus pouvoir produire de cuisine japonaise.”

Puisque nous parlons de nourriture, une autre triste nouvelle, surtout pour les touristes qui voyagent avec un budget limité, est qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des échantillons gratuits lors de la visite d’un depachika (le rayon alimentaire du sous-sol des grands magasins). Les vendeurs sont devenus plus prudents et les gardent désormais derrière le comptoir., pour les réserver aux clients intéressés par leurs produits. (voir Zoom Japon n°46, décembre 2014)

Une fois qu’ils ont entamé une conversation et qu’ils perçoivent un réel intérêt, ils leur proposent un échantillon.

Selon le gouvernement japonais, les risques qu’un puissant tremblement de terre frappe Tôkyô au cours des 30 prochaines années sont de 70 % (voir Zoom Japon n°133, septembre 2023). Les prévisions des sismologues sont encore plus sombres, mais au-delà des données, tout le monde s’accorde à dire que la question n’est pas de savoir “si”, mais “quand”. Lors de ma visite au parc de prévention des catastrophes de Tôkyô Rinkai, on m’a conseillé de toujours avoir sur moi une lampe de poche et une bouteille d’eau. Un tremblement de terre majeur est immédiatement suivi d’une panne d’électricité massive. Par conséquent, une lampe de poche peut être très utile. Quant à l’eau, l’une des pires choses qui puisse arriver, en plus d’être blessé, est de se retrouver coincé dans un ascenseur. Considérez qu’en cas de grand séisme à Tôkyô, les ascenseurs d’environ 30 000 bâtiments vont s’arrêter automatiquement pour des raisons de sécurité. Vous passerez probablement deux ou trois jours dans l’un d’entre eux, et le fait d’avoir de l’eau avec vous augmentera considérablement vos chances d’en sortir vivant. Les repas scolaires japonais sont souvent loués pour leur qualité, leur équilibre et leur valeur éducative. Imaginez ma surprise lorsque Yasuda Setsuko, qui dirige le Centre de recherche sur l’agriculture biologique du Japon et le centre d’information Vision 21, m’a expliqué qu’ils étaient complètement différents par le passé. “Après la guerre, le Japon a importé de nombreuses idées nouvelles des Etats-Unis. L’une d’entre elles était qu’un

régime à base de pain était meilleur pour la santé. A l’époque, on disait partout que manger du riz rendait stupide (rires). Au cinéma, on voyait tous ces grands acteurs à l’air sain, et bien sûr, ils mangeaient tous du pain et de la viande et buvaient du lait. Ainsi, à la demande des Américains, le gouvernement japonais n’a fourni que du pain pendant de nombreuses années. Curieusement, ce n’est que récemment que le riz a été réintroduit dans les repas scolaires”, m’a-t-elle expliqué.

La bande dessinée japonaise s’est mondialisée et l’industrie du manga est l’une des plus importantes au monde. Cependant, elle est également réputée pour son rythme de travail éprouvant. Lorsque j’ai interviewé le dessinateur de bandes dessinées italien Igort, qui a écrit des histoires pour des éditeurs japonais, il s’est souvenu, avec un mélange de terreur et de nostalgie, du temps qu’il a passé à Tôkyô. “C’était en 1996. Je venais d’arriver d’Italie et j’étais très fatigué à cause du décalage horaire et du manque de sommeil. Au lieu de cela, mon éditeur est arrivé à mon hôtel et m’a immédiatement mis au travail : pendant deux semaines, j’ai dû créer chaque jour une histoire de 16 tableaux, dessins et textes, à livrer le lendemain matin. C’était sa façon de voir si j’étais capable de suivre leur rythme. J’ai failli abandonner et retourner en Italie”, a-t-il confié. Je pourrais remplir bien d’autres pages comme celle-ci, mais je vais terminer ce voyage dans le passé par cette pensée. En 2012, lorsque j’ai commencé ma collaboration avec Zoom Japon, la Tōkyō Skytree venait d’être achevée. Plus haute tour en acier autoportante du monde, elle devenait le nouveau point de repère de la capitale, reléguant la tour de Tōkyō au second plan (voir Zoom Japon n°3, septembre 2010). Un an plus tôt seulement, la tour vieillissante avait subi les effets du séisme dévastateur de Tôhoku (voir Zoom Japon n°9, avril 2011). La pointe de son antenne, fortement tordue par la secousse, avait dû être démontée et réparée.

Bon, je préfère quand même cette tour orange et blanche à l’allure funky. Depuis près de 70 ans, elle est l’un des symboles de la ville, pour le meilleur ou pour le pire, et elle est là pour rester. Son entretien nécessite des soins constants. Par exemple, la peinture de la tour prend environ un an et nécessite au total 28 000 litres de peinture. Depuis que j’ai rejoint l’équipe de Zoom Japon, elle a été repeinte trois fois, la dernière fois l’année dernière, et elle est comme neuve.

Faire fonctionner Zoom Japon demande également beaucoup d’efforts et de dévouement, et au cours de ces 15 années, nous avons essuyé notre lot de coups, mais nous sommes toujours là et avons encore beaucoup d’histoires à raconter. J’espère que vous êtes aussi enthousiastes que nous à l’idée de la suite.

Gianni Simone

IMAGES La parole est au photographe

Les reportages

Jérémie Souteyrat a été l'œil de votre mensuel pendant 8 ans. Son style a durablement marqué ses pages.

Petite est notre maison mais grand est notre cœur”. Ces quelques mots, autrefois gravés sur une pancarte en bois de la maison de mes grands-parents dans la Loire, pourraient bien être le leitmotiv de Zoom Japon Quelques mois après mon arrivée à Tôkyô et m’être lancé dans le grand bain de la photographie, en mode nage libre, j’ai reçu un message un peu mystérieux m’annonçant la création d’une revue spécialisée sur le Japon. Mystérieux, mais ambitieux. La revue allait couvrir des sujets inexplorés, avec honnêteté et sans tabou. Puis plus rien pendant plusieurs mois, le calme avant la tempête. Depuis mai 2010 jusqu’à mon départ du Japon en avril 2018, ce sont des dizaines de reportages et portraits que j’ai eu la chance de réaliser pour “Zoom”.

Que rêver de plus, quand on est photographe, que de traverser le pays du nord au sud, à la rencontre de ses habitants et de sa culture, avec la chance de pouvoir s’affranchir des clichés, en totale liberté. Malgré sa taille modeste, Zoom Japon s’est toujours donné les moyens de réaliser ses propres photos, signe d’une liberté de ton et d’une ligne éditoriale indépendante. Peu de journaux ou magazines peuvent se targuer d’en faire autant. Quand de grands quotidiens se retiennent d’envoyer des photographes à 2 h de train, Zoom Japon leur fait couvrir les 47 préfectures !

Difficile pour moi de ne retenir que quelques photographies de ce voyage avec “Zoom”, mais me replonger dans mes archives pour fêter les 15 ans du magazine m’a apporté énormément de joie. En voici quelques éclats.

Jérémie Souteyrat

Le Sumida Hokusai Museum, dessiné par l’architecte Sejima Kazuyo du duo SANAA, est dédié au peintre et à ses estampes. Les mondes de ces deux artistes mondialement renommés viennent se subjuguer mutuellement.

Zoom Japon n°66, décembre 2016

Jérémie
Souteyrat photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Deux ans après la catastrophe, 133 réfugiés de Futaba, un des villages abritant la centrale de Fukushima Daiichi, dorment toujours dans des dortoirs d’une école de Saitama, à 60 km de Tôkyô.

Zoom Japon n°30, mai 2013

Dôgo Onsen, de nuit et sous la pluie. Situé à Matsuyama sur l’île de Shikoku, ce bâtiment aurait inspiré Miyazaki Hayao pour son film Le Voyage de Chihiro. C’est au Japon que j’ai pris goût à l’architecture, par ses constructions traditionnelles et contemporaines, organisées en harmonie dans le chaos urbain.

Zoom Japon n°57, février 2016

Jérémie Souteyrat photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Une autre couverture de Zoom Japon en 2011, l’année où tout a basculé. Un mois après la triple catastrophe, près de 10 000 personnes se réunissaient à Kôenji pour demander l’arrêt du nucléaire. J’ai réalisé par la suite de nombreux reportages sur les conséquences de Fukushima, la plupart avec Alissa Descotes-Toyosaki, une autre journaliste habituée des colonnes du mensuel.

Zoom Japon n°10, mai 2011

Quand Zoom Japon nous entraîne à Okinawa, ce n’est pas que pour couvrir la lutte contre les bases américaines.

C’est aussi pour découvrir sa gastronomie, comme ce superbe plat du chef Nakasu Tatsuo sur l’île de Taketomi.

Zoom Japon n°58, mars 2016

Au musée d’Adachi, dans la préfecture de Shimane. Ce cliché illustre la perfection et tant d’autres qualificatifs qu’il est possible d’accoler au Japon, mais qu’il est aussi possible de faire voler en éclat. Photographier, c’est aussi pour moi explorer les paradoxes.

Zoom Japon n°24, octobre 2012

Jérémie
Souteyrat

ZOOM DOSSIER

Le 4 mai 2010 j’organisais le shooting de la première couverture de Zoom Japon, avec la mannequin Kana et mon ami cameraman Michael, près de la station Yoyogi, à Tôkyô. Carte blanche sur le thème du polar nippon. Si le choix de la “photo de couv” a parfois fait l’objet de débats, je crois que cette série a fait l’unanimité à la rédaction et a lancé notre collaboration sur de bonnes bases !

Zoom Japon n°1, juin 2010

Zoom Japon n°75, novembre 2017

Jérémie Souteyrat photo pour Zoom Japon

Yomota Inuhiko, spécialiste de la culture contemporaine, nous a éclairé sur le rôle du quartier de Shinjuku à la fin des années 1960.

Zoom Japon n°79, avril 2018

Hoshino Yoshiharu, patron de Hoshino Resort, a bouleversé le monde du tourisme.

Zoom Japon n°28, mars 2013

ZOOM DOSSIER

Les portraits

Taniguchi Jirô. Le regretté mangaka nous avait reçu dans son studio et nous avait accordé une interview. Nous avions ensuite déambulé dans son quartier en discutant de sa vie quotidienne.

Zoom Japon n°17, février 2012

Jérémie Souteyrat

ZOOM DOSSIER

Kikai Hirô. Le photographe s’est fait connaître pour ses portraits des petites gens de Shitamachi.

Zoom Japon n°54, octobre 2015

Prix Akutagawa en 2016, Murata Sayaka s’est intéressée à la vie des employés des supérettes.

Zoom Japon n°70, mai 2017

Sakurai Shinya, spécialiste du thé, nous avait accueilli dans sa boutique pour nous présenter les meilleurs crus.

Zoom Japon n°63, septembre 2016

Amamiya Karin s’est lancé dans la bataille contre la précarité, fléau grandissant dans l'archipel.

Zoom Japon n°73, septembre 2017

Nakamumura Fuminori, romancier, nous avait confié sa vision du Japon.

Zoom Japon n°70, mai 2017

Jérémie
Souteyrat photo pour Zoom Japon
Jérémie
Souteyrat photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Le réalisateur Yamada Yôji reste largement méconnu en France alors qu’il est extrêmement populaire dans son pays. A l’occasion de la sortie de son film La Maison au toit rouge, nous avions décidé de lui consacrer un dossier spécial avec une longue interview.

Zoom Japon n°49, avril 2015

Hosoda Mamoru, le réalisateur entre autres des Enfants Loups, est l’un de nos chouchous.

Zoom Japon n°23, septembre 2012

L’acteur Kurobe Susumu nous avait reçu pour évoquer les 60 ans d’Ultraman.

Zoom Japon n°60, mai 2016

Jérémie Souteyrat photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Premier numéro spécial consacré à une préfecture, Yuzaki Hidehiko, gouverneur de Hiroshima.

Zoom Japon n°68, mars 2017

Katabuchi Sunao n'est pas un politicien. Il est le réalisateur de Dans un recoin de ce monde.

Zoom Japon n°73, septembre 2017

Chef de file de l'opposition au Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir, Edano Yukio s'était exprimé dans nos colonnes en évoquant son désir de changer les règles de fonctionnement du pays. Mais jusqu'à présent, le PLD conserve les rênes du gouvernement.

Zoom Japon n°79, avril 2018

Jérémie
Souteyrat photo pour
Zoom
Japon

Jérémie Souteyrat, à qui l’on doit entre autres le magnifique Tokyo no ie - Maisons de Tokyo (Le Lézard noir, 2014) a toujours eu un faible pour les architectes dont il a su faire des portraits incroyables comme celui de Sugawara Daisuke.

Zoom Japon n°51, juin 2015

Jérémie
Souteyrat photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

PHOTOS Sous les yeux d'Eric Rechsteiner

Présent depuis le début de l’aventure avec sa rubrique Le regard d’Eric Rechsteiner, il reste l’un de nos piliers.

Un des principaux mérites de Zoom Japon est de s’être intéressé, au fil des années, à toutes les facettes de la vie dans l’archipel. Il est difficile de trouver ne serait-ce qu’un seul recoin du pays, ou de sa culture, qui aurait été négligé. Toutes les régions, toutes les professions, tous les groupes d’âge ont figuré un jour dans ses pages, révélant par touches successives un panorama complet du Japon.

Photographier la ville dans laquelle on vit depuis des décennies n’est cependant pas toujours chose aisée. Les quartiers anciens de Tôkyô, auxquels on s’attache avec le temps, sont démolis, les uns après les autres, et remplacés à un rythme effréné par des blocs de béton insipides. Dans le centre ville, l’échelle des démolitions est telle qu’il est souvent difficile de se souvenir à quoi ressemblait la petite maison avec jardin du coin de la rue, ou la boutique du marchand de tôfu, dont il ne reste soudainement que des gravats. Mais si son aspect s’uniformise, il reste à Tôkyô son énergie, qui semble inépuisable, la diversité de ses habitants et de ses modes sans cesse renouvelées. Les paysages du Japon rural n’offrent que peu de variations du nord de Honshû au sud de Kyûshû : des rizières bien tenues, de délicates forêts de bambou, des montagnes sombres de conifères ou des côtes rocheuses. Ce sont surtout les changements rapides du temps qu’il fait, et les différences très marquées des saisons, qui leur donnent ce relief et ce charme si particulier. A la grande laideur des villes, puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom, et à la standardisation de leurs périphéries, s’oppose des campagnes où fleurissent dégradés de couleurs et contrastes saisissants entre plaines des bords de mer soigneusement cultivées et régions de montagnes inaccessibles et sauvages. Porter son regard sur les habitants des villes du Japon renvoie à la solitude des individus qui, bien qu’entourés de millions de leur semblables, se trouvent souvent isolés dans des logements formatés et anonymes, entre charge de travail écrasante et frénésie de la société de consommation, il reste peu de place pour respirer. Dans les campagnes, où les liens communautaires ou de voisinage restent forts, et où les traditions du Japon ancien persistent, on est parfois surpris d’un rapport au temps radicalement différent, qui remonte à la pré-industrialisation du pays. Des fêtes de village durent des jours entiers, les activités traînent en longueur et les gens, tout en prétendant le contraire (l’avouer serait mal vu) prennent le temps de vivre.

Par beaucoup de ses aspects, la multitude des règles et des obligations, la forte pression sociale, l’impératif de se conformer, la société japonaise est oppressante pour les individus, surtout pour ceux qui diffèrent, ne serait-ce qu’un peu, de la norme. Mais photographier les être humains qui vivent dans l’archipel et observer leurs façons de s’adapter, de survivre ou de s’épanouir dans cette société, et une activité dont on ne se lasse pas. Souhaitons donc longue vie à Zoom Japon !

eriC reChSteiner

Lorsque la rédaction en chef a demandé un cliché pour la couverture du numéro consacré au zen, Eric a fourni cette magnifique photo.

Zoom Japon n°136, décembre 2023

Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon

Les paysages

Sakitsu, îles Amakusa, Kyûshû.

Zoom Japon n°88, mars 2019

Shibata, préfecture de Niigata.

Zoom Japon n°98, mars 2020

Arrondissement de Katsushika, Tôkyô. Zoom Japon n°93, septembre 2019

Shimonoseki, préfecture de Yamaguchi. Zoom Japon n°19, avril 2022
Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon
Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Quelques mois après le lancement de Zoom Japon, la terre tremble dans la région du Tôhoku, le 11 mars 2011. Le tsunami qui suit la terrible secousse ravage une bonne partie des zones côtières comme ici à Tôni, dans la préfecture d’Iwate. Eric Rechsteiner est sur place. Il nous fournit les photos du numéro spécial que nous consacrons à l’événement le mois suivant.

Zoom Japon n°9, avril 2011

Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon

ZOOM DOSSIER

Le Palais impérial à Tôkyô. Zoom Japon n°89, avril 2019
Eric Rechsteiner photo pour Zoom
Japon
Eric Rechsteiner photo pour Zoom
Japon

ZOOM DOSSIER

Les Japonais

Des collégiennes originaires de Shimane en classe verte sur l’île de Shôdoshima. Zoom Japon n°125, novembre 2022

Rien de mieux pour découvrir le Japon que d’emprunter le train. Zoom Japon n°41, juin2014

Eric Rechsteiner
photo pour
Zoom
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Eric Rechsteiner photo pour
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Japon

ZOOM CULTURE

LIVRE Le polar est au rendez-vous

Pour son premier numéro, en juin 2010, Zoom Japon avait choisi comme thème de son dossier, le polar. Quinze ans plus tard, le roman policier japonais a trouvé son public. Parmi les nombreux auteurs traduits, hiGaShino Keigo figure en bonne place en raison de son grand talent. En témoigne Le Fil de l’espoir dans lequel il entraîne les lecteurs dans une folle enquête.

Le Fil de l’espoir (Kibô no ito), de HigasHino Keigo, trad. par Sophie Refle, coll. Actes noirs, Actes Sud, 2025, 23 €.

MANGA Une histoire à dévorer

Au milieu des nombreuses nouveautés, nous avons retenu cette histoire en un seul volume, pleine de charme et un brin étonnante. Ancré dans le folklore japonais, ce conte fantastique permet de passer un agréable moment aux côtés de Torasuke, un enfant démon, et de son ami Ushimatsu dont la mission est de chasser les démons. Yamakujira, à qui l'on doit ce sympathique récit, nous révèle ici aussi son talent de dessinatrice.

Les Lueurs de l'outre-monde (Kakuriyo no sennichi hina), de Yamakujira, trad. par Xavière Daumarie, Kurokawa, 2025, 7,95 €.

CINÉMA Tora-san à la conquête de la France

Après avoir conquis le public parisien, Tora-san créé par Yamada Yôji entreprend une tournée en province et en Suisse. Zoom Japon s’associe à cette aventure cinématographique puisque Claude Leblanc, auteur du Japon vu par Yamada Yôji, présentera les deux films qui seront projetés dans le cadre de cette opération destinée à donner une plus grande visibilité à ce

truculent personnage. Au mois de juin, les habitants de Charente-Maritime pourront le voir au Cinévals de Saint-Jean-d'Angély les 14 et 15 juin, ceux de la région de Riom (Puy-deDôme) au cinéma Arcadia les 20 et 21 juin. En Suisse, Tora-san sera diffusé le 29 juin, à Lausanne au cinéma Bellevaux à 11h, et à Genève au cinéma Bio Carouge à 17h. D’autres dates sont prévues cet automne.

N IHONGOTHÈQUE

Gachizei

Je rêvais de vivre en France et de devenir artiste. Ça vous parle ? Si vous pensez à Humour, ma première rubrique publiée dans Zoom Japon dès le numéro 1, alors vous êtes sans doute un(e) vrai(e) gachizei du magazine – ou du Japon. Un gachizei, c’est quelqu’un de très impliqué dans ce qu’il fait ou ce qu’il aime, un passionné engagé. Ce mot d’argot vient de gachi (abréviation de gachinko), qui signifie “sérieux”, “pour de vrai”, et de -zei, un suffixe désignant un groupe de personnes.

Vivant en France depuis plus de 25 ans avec l’envie d’être une gachizei de l’art – tout en restant une éternelle apprentie de la langue française – comment aurais-je pu imaginer qu’un jour je travaillerais pour un magazine français ? Et pourtant, le hasard m’a menée à Zoom Japon. J’ai commencé comme pigiste, puis graphiste, avant de devenir également secrétaire de rédaction, sans être nécessairement une gachizei du Japon. Alors pourquoi suis-je autant engagée dans ce mensuel ? Parce qu’aux côtés de notre rédacteur en chef, gachizei du journalisme et du Japon, déterminé à créer un magazine sincère et sans compromis (ce qui n’est pas toujours évident pour un journal gratuit !), j’ai compris le rôle essentiel qu’un média peut jouer : Zoom Japon ne cherche pas à imposer une image préconçue d’un pays, mais à transmettre des informations.

Si un Zoom France avait existé, peut-être aurais-je évité d’idéaliser à l’excès ce pays avant de m’y installer. A mon arrivée, j’ai longtemps ressenti un profond décalage entre le rêve et la réalité – un choc qui a plongé bien des compatriotes dans la fameuse dépression appelée “Syndrome de Paris”.

L’accès à l’information, c’est ce qui nous rend libres et nous donne les moyens de mieux réfléchir. C’est pourquoi, depuis la rédaction, je tiens à partager ce regard avec vous, qui vous intéressez à mon pays. N’idéalisez pas le Japon. Informez-vous, gardez votre propre rêve… et devenez gachizei de ce qui vous anime ! KoGa ritSuKo

Ritsuko
Koga pour Zoom
Japon

ZOOM CULTURE

CINÉMA Kurosawa revient en force

Avec un long-métrage et un moyen-mé trage, l'un des maîtres du thriller et de l'angoisse nous fait vibrer.

Parmi les motivations qui ont conduit à la création de Zoom Japon, le cinéma occupait une place particulière dans la mesure où nous estimions que le 7e Art permet souvent de saisir certaines réalités. Dans les se maines qui ont suivi le lancement du magazine, nous avons créé un ciné-club à La Pagode, cé lèbre cinéma du 7e arrondissement à Paris qui mettait à notre disposition sa “salle japonaise” pour y organiser des projections et des débats avec des spécialistes et des réalisateurs venus présenter leurs œuvres. La plupart d’entre eux nous ont aussi accordé plusieurs entretiens dans lesquels ils ont témoigné de leur travail et offert leur regard sur le Japon contemporain. Au sein de cette pléiade de réalisateurs présents dans notre Rendez-vous avec le Japon à Paris, puis à Vichy, et dans nos colonnes, Kurosawa Kiyoshi fut l’un des plus présents. Cinéaste engagé, il a toujours défendu un cinéma d’auteur dans un environnement en plein bouleversement, notamment avec la disparition des petites salles au profit des complexes cinématographiques (voir Zoom Japon n°103, septembre 2020). Dans notre numéro de juin 2011, le réalisateur avait tiré le signal d’alarme sur la situation du 7e Art sans pour autant baisser les bras. Il a d’ailleurs montré toute sa détermination au cours des quinze dernières années en multipliant les films et en menant la bataille en faveur des petites salles de cinéma. Le voici qui revient avec deux films, Cloud (Kuraudo), un long-métrage (123 mn), et Chime, un moyen-métrage (45 mn), avec lesquels il renoue avec le thriller et l’horreur, genres dans

lequel il nous a offert quelques unes de ses meilleures réalisations comme Kaïro (2001) Shokuzai (2012) ou Creepy (2016). En imaginant une histoire liée à l’univers du commerce en ligne où Ryôsuke, gars débrouillard prêt à prendre des risques, finit par se retrouver entouré d’ennemis désireux de l’éliminer, Kurosawa Kiyoshi a su trouver une approche originale pour entraîner les spectateurs. Avec la qualité qui caractérise son travail, il y parvient parfaitement en créant un suspense très prenant tout au long de la première partie du film, notamment grâce au rôle des réseaux sociaux, à la rancune de l’ancien patron de Ryôsuke et à la pression de la police. On retrouve ainsi le savoir-faire du cinéaste, mais la seconde partie peut se révéler décevante, car beaucoup moins surprenante. Dans ses thrillers précédents, il avait réussi à créer des situations

beaucoup plus inattendues.

Avec Chime, dévoilé hors compétition au festival de Berlin, Kurosawa Kiyoshi retrouve à la fois l’audace de ses débuts et l’horreur huit ans après Le Secret de la chambre noire. Bien plus intéressant que Cloud sur le plan formel et au niveau de l’histoire qui prend littéralement les spectateurs par les tripes grâce à l’atmosphère d’angoisse qu’il parvient à créer, ce moyen-métrage est une belle pépite par laquelle le réalisateur nous rappelle qu’il reste l’une des valeurs sûres du cinéma japonais, en attendant de voir La Voie du serpent (Ebi no michi) dont la sortie est prévue plus tard dans l’année. odaira namihei

Informations pratiques

Chime, en salles depuis le 28 mai. Cloud (Kuraudo), en salles à partir du 4 juin.

suda Masaki interprète parfaitement Ryôsuke dans Cloud (Kuraudo) au cinéma le 4 juin.

TENDANCE Une mode qui ne passe pas

Au fil de ses pages, Zoom Japon a dressé un portrait vivant de la gastronomie nippone au Japon comme en France.

Depuis quinze ans, la scène culinaire japonaise en France a connu une évolution considérable, et rien que depuis sept ans, moment où cette chronique a commencé, on a remarqué des changements notables. Tout d’abord, la variété des offres dans la cuisine po pulaire s’est nettement élargie. Autrefois, on ne connaissait que les sacro-saints sushis, tempura et yakitori, mais aujourd’hui il n’est pas rare de voir des enseignes, même françaises, proposer l’omuraisu, le karaage, le bentô, le râmen Zoom Japon n°26), le sando (voir Zoom Japon n°112) confectionné à partir du pain de mie à la japonaise, le curry (voir Zoom Japon n°107) et l’onigiri. Nous avons également noté la nouvelle passion des Français pour la pâtisserie japonaise populaire (voir Zoom Japon n°136) comme le dorayaki (voir Zoom Japon n°82) devenu célèbre grâce au film Les Délices de Tokyo, le kakigori (voir Zoom Japon n°102 et n°123) et le mochi (voir Zoom Japon n°92), un vrai phénomène dans l'Hexagone de ces dernières années. Entre-temps, le saké s’est aussi bien popularisé en France (voir Zoom Japon n°85 et n°115). On voit beaucoup plus d’offres dans les restaurants que dans les caves. Le shôchû (voir Zoom Japon n°120), une autre boisson distillée, certes pas aussi connue que le saké mais qui reflète tout aussi bien le terroir de chaque région, est aussi devenu plus accessible. Sans oublier le gin artisanal à base d’herbes et d’épices japonaises (voir Zoom Japon n°103), les vins japonais qui ont la cote aujourd’hui (voir Zoom Japon n°95) et la bière artisanale (voir Zoom Japon n°104). Comme tendance au Japon, on a remarqué l’in-

térêt pour le bien-être apporté par la cuisine, par exemple les produits fermentés comme le miso, le shôyu (Nos 72, 145), le fromage artisanal japonais ou les plats véganes (voir Zoom Japon n°97 et n°130). Mais comme dans n’importe quel pays, des problèmes liés à l’alimentation existent, notamment la diminution de la ressource halieutique, la pénurie de beurre, d’œufs (voir Zoom Japon n°129) et de riz (voir Zoom Japon n°149) due à des disfonctionnements administratifs, ou encore le gaspillage alimentaire (voir Zoom Japon n°127). Cependant, les Japonais essaient de réinventer, en créant un collectif poissonnier (voir Zoom Japon n°132), l’association des chefs pour la préservation de la ressource maritime. En France, le MURA, un écovillage japonais (voir Zoom Japon n°124), a été créé pour imaginer une autre communauté autour des légumes japonais et des échanges culinaires franco-japonais. La cuisine se dirige de plus en plus vers des brassages culturels, tant par les produits (la crêpe ou le panettone) que par les plats en vogue à cause des ré-

seaux sociaux ou encore grâce aux chefs japonais faisant de la cuisine française ou, en sens inverse, comme Mory Sacko, un chef français d’origine africaine qui invite l’esprit japonais dans ses plats (voir Zoom Japon n°114).

Cela fait déjà une vingtaine d’années que la cuisine japonaise est à la mode, et contrairement à la définition de la “mode”, chose passagère et éphémère, cet enthousiasme pour la cuisine japonaise ne semble pas encore connaître de fin. Dans les années qui viennent, on découvrira davantage les cuisines régionales, il y aura peut-être des publications de livres de cuisine japonaise plus approfondis ou plus originaux, et les initiatives des producteurs et cuisiniers japonais en France, qui forment aujourd’hui une communauté de bien-manger, augmenteront. Ce sont ces échanges entre les producteurs, ces chefs et tous ceux qui aiment la cuisine qui contribueront à l’approfondissement de la compréhension. Parce que derrière chaque plat, il y a des vivants et des humains.

SeKiGuChi ryôKo

Zoom Japon
Extraits visuels de nos articles sur les tendances culinaires japonaises.

ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

Pour ce numéro, je fais une exception et vous parle du bentô pour lequel je trouve un lien avec Zoom Japon qui fête ses 15 ans d’existence. Depuis quelques années, le terme “bentô” s’est bien implanté en France. Au Japon, tout le monde en a mangé au moins une fois dans sa vie. Pour les Japonais, le bentô, c’est souvent une première expérience culinaire lors des sorties scolaires, à l’école maternelle. On en prépare aussi pour les journées sportives, les pique-niques sous les cerisiers, ou encore pour les repas quotidiens à l’école ou au travail. Nutritifs, copieux, et surtout remplis d’amour, les bentô, on ne s’en lasse pas, même si l’on en mange tous les jours ! C’est pourquoi, à mes yeux, le bentô est carrément une institution. C’est un peu comme Zoom Japon, non ? Avec l’expérience, la préparation du bentô est devenue pour moi un combat quotidien, mais aussi un acte d’amour pour ceux qui les mangent. Cela fait maintenant douze ans que je suis rentrée au Japon après mon séjour en France. Je vis avec mon mari et nos trois enfants, tout en continuant à travailler comme pâtissière. Et pendant tout ce temps, à l’exception des jours où je suis en déplacement et je ne rentre pas chez moi, je prépare des bentô tous les jours, sans exception. Quand mes trois

O-bentô (Le bentô quotidien)

INGREDIENTS

• Du riz fraîchement cuit le matin

• Les omelettes japonaises (dashimaki tamago) toujours faites le matin

• Les restes du repas de la veille

• Toujours une touche de couleur avec des tomates cerises (sans la tige !)

• Au moins deux petits accompagnements simples en plus du plat principal.

Astuce

il y a des jours où l’on peut préparer des bentô plus simples, comme un omuraisu ou des sandwichs ! Pour réussir à en préparer tous les jours, inutile de viser la perfection à chaque fois.

enfants ont terminé le lycée l’un après l’autre, j’ai cru pouvoir crier victoire :“Youpi ! Finie la corvée des bentô ! Mais cette joie a été de courte durée… Une fois entrés à l’université, mon fils aîné, ma fille, puis mon fils cadet ont tous dit : “Je préfère un bentô à la cantine !” Et bien sûr, mon mari aussi. Comme il part très tôt le matin, je lui prépare un onigiri pour le petit-déjeuner, et son bentô pour le déjeuner. Et depuis quelques années, même moi j’emporte mon bentô quand je vais travailler à Ôsaka. Au début, je faisais des bentô très élaborés, mais avec le temps, je suis devenue plus efficace. Je combine des plats faits maison avec des accompagnements du commerce, surgelés ou non. Et pour ne pas gaspiller les précieuses minutes du matin, j’ai établi mes propres règles : je prépare le plat principal juste après le dîner de la veille ; je m’engage à préserver la fraîcheur du riz et à soigner les couleurs sans oublier d’ajouter au moins deux accompagnements, comme une omelette ou des légumes cuits. Tant que Zoom Japon continuera d’exister, je me ferai un plaisir de vous présenter des plats faits maison, rapides à préparer même dans un quotidien chargé, mais toujours remplis de tendresse. maeda haruyo

Sous le charme irrésistible de Kyôto

Nous avons demandé à la romancière

Muriel Barbery d'évoquer son expérience dans l'ancienne capitale impériale.

Le second roman de Muriel Barbery, L’Elégance du hérisson, dans lequel transparaît un intérêt particulier pour le Japon et sa culture, connaît un succès exceptionnel, dès sa sortie en 2006. Un peu plus tard, la romancière s’installe à Kyôto (voir Zoom Japon n°22,

juillet 2012), y séjourne deux ans et depuis y retourne régulièrement. Dans ses deux romans Une rose seule (2020) et Une heure de ferveur (2022), elle fait de nouveau place au Japon et, à travers ses personnages, exprime son attachement à Kyôto. Elle expose à Zoom Japon ce qu’est cette ville pour elle. Ses propos sont illustrés par des dessins de Kan Takahama, tirés de son adaptation en manga du roman Une rose seule publiée simultanément en France chez Rue de Sèvres et au Japon chez Leed-sha en 2024.

D’où vient votre intérêt pour le Japon ? Muriel Barbery : Je n’en avais aucun jusqu’à ce que je rencontre mon premier mari qui ne rêvait que d’y aller. Peu à peu, films – de Kurosawa (voir Zoom Japon n°4, octobre 2010), de Mizoguchi mais surtout d’Ozu (voir Zoom Japon n°31, juin 2013) –, livres et expériences culinaires ont ancré en moi le même rêve. De France, tout semblait si différent, si étrange et pourtant si attirant que je me suis prise à désirer faire un jour l’expérience de cette séduisante altérité.

La visite des jardins du Pavillon d'argent figure parmi les premiers souvenirs marquants de Muriel Barbery à Kyôto.

Rêve que vous avez réalisé.

M. B. : En 2006, aux vacances de Pâques –j’étais alors enseignante –, grâce à la modeste avance consentie par mon éditeur pour mon deuxième roman, L’Elégance du hérisson, qui devait paraître à la rentrée suivante et dont personne n’imaginait encore l’extraordinaire destin. Ensuite, je n’ai eu de cesse d’aller y vivre, ce qui est devenu possible en 2008 grâce au succès du roman. Je suis allée à Kyôto quelques mois avant de résider à la Villa Kujôyama, puis y suis restée une année après la résidence.

Pourquoi cette préférence pour Kyôto ?

M. B. : C’était une évidence : l’ancienne capitale, forte d’un patrimoine artistique, littéraire et architectural sans égal, célèbre pour ses innombrables temples et jardins, est le creuset de la culture japonaise.

Quelle a été votre première impression en arrivant ?

M. B. : Le trajet de l’aéroport d’Ôsaka à Kyôto est rude ! La longue zone urbaine saturée de béton et de fils électriques met à mal les fantasmes exotiques et esthétisants nés d’une idéalisation profane du Japon. Mais avec le temps, j’ai appris à aimer jusqu’à la modernité de l’archipel.

Quels ont été les moments particulièrement marquants au début de votre séjour ?

M. B. : Le lendemain de l’arrivée, après une nuit dans un petit appartement de Gion où il avait fallu se débattre avec la télécommande de la clim, la visite des jardins du Pavillon d’argent et la rencontre avec les deux Japonais chargés de notre accueil, un homme et une femme, qui allaient devenir de grands amis. D’abord le choc de la beauté inouïe de ces jardins qui demeurent parmi mes préférés, ensuite l’apaisement de la crainte que la différence culturelle ne permette pas l’amitié.

Quels sont vos lieux préférés et pourquoi ?

Le restaurant Omen est fameux pour ses udon et son magnifique décor.

M. B. : Il y en a tellement ! Kyôto est sans doute la ville que je connais le mieux au monde. Quand j’y reviens, j’y ai des promenades rituelles constituées de temples, de jardins, de restaurants, de maisons de thé et de bars. La première m’emmène invariablement dans le quartier de Higashiyama, où j’ai vécu sur le flanc de la colline de Yoshida qui fait face au Daimon-ji. D’abord une visite au Pavillon d’argent pour l’éblouissement sans cesse renouvelé devant tant de beauté, éblouissement qui ne faiblit pas avec le temps, bien au contraire. Puis un petit pèlerinage sur la tombe de Tanizaki, dans le cimetière au-dessus du Hônen-in, avant d’aller au Shinnyodô puis à Kurodani (deux temples sis respectivement au sommet et au pied d’une colline où j’ai situé une bonne part de l’intrigue de mon sixième roman, Une Heure de ferveur), là où je venais chaque semaine m’immerger dans la sensation de présences invisibles (ici, pas de touristes, ou alors uniquement des touristes Japonais au moment de kôyô-[les couleurs de l’automne, surtout le rouge éclatant

des érables]). Un thé et un gâteau au Café de Yoshidasansô, merveilleux ryokan (voir Zoom Japon n°132, juillet 2023) tout de raffinement sans ostentation, avant d’aller dîner soit chez Omen, pour ses udon [nouilles de farine blé] si spécifiques et son beau décor, soit chez Kihara, merveilleux petit restaurant de quartier dont les propriétaires conjuguent excellente cuisine et sens de l’accueil chaleureux, le tout dans un joyeux chaos matériel et décoratif qui dément le préjugé selon lequel le Japon est un pays lisse et aseptisé. Je suis navrée que ma troisième adresse fétiche de quartier, le restaurant au charbon de bois Nashimote, ait brûlé, c’était un autre lieu magique, simple, sans prétention, mais chaleureux et élégant dans sa cuisine impeccablement fraîche et savoureuse.

Autre promenade rituelle : les allées et les temples zen du Daitoku-ji, et en particulier le Kôtô-in, dont je me désole qu’il soit fermé aux visites depuis 2019. A l’entrée, la longue allée pavée de pierre et bordée de bambous et de camélias invite immédiatement à la médi-

tation, de même que les jardins intérieurs du temple, où l’on pouvait boire un thé macha en contemplant la vieille lanterne de pierre et en écoutant la brise chanter dans les grands bambous. Tout comme au Pavillon d’argent, j’y ai situé une scène importante de mon cinquième roman, Une Rose seule, qui se déroule entièrement à Kyôto. Après la visite, je manque rarement d’aller déjeuner ou dîner chez Ikkyû, un des meilleurs restaurants zen (voir Zoom Japon n°136, décembre 2023) qu’il m’ait été donné de fréquenter, où l’on est servi dans de magnifiques salles privées qui donnent sur d’exquis jardins. La cuisine y est un festin dépouillé, une quintessence de sensations essentielles qui ravissent le palais mais aussi l’esprit. J’y ai emmené beaucoup d’amis occidentaux étonnés de découvrir qu’il existe d’innombrables variétés de tôfu et que la cuisine végétarienne n’est ni uniforme ni ennuyeuse.

Après toute cette zénitude, j’aime aller dans le centre-ville et en particulier chez les antiquaires et dans les petites boutiques de papier, de pinceaux, de laque, etc., qui se trouvent sur Teramachi-dori où, au demeurant, je vais aussi chez Ippodô, vieille et belle institution de thé. J’y déguste un koicha, le premier thé macha très concentré de la cérémonie du thé : expérience mystique garantie ! Ensuite, je vais généralement marcher le long de la Kamo-gawa, j’aime profondément cette rivière qui sépare Kyôto en deux, dont les berges marient herbes folles et hérons, où passent coureurs, cyclistes et poussettes, le tout dans une grande lumière et une sérénité bon enfant.

Autres lieux très aimés qui jalonnent les flancs des montagnes de l’Est (Higashiyama) et que l’on peut visiter les uns après les autres au cours d’une belle journée à vélo : au nord, le Shisendô, le plus joli petit temple qui soit, avec ses jardins truffés d’azalées et ombragés de très beaux érables ; puis, en allant vers le sud, le Nanzen-ji, sublime en son architecture secrète et son jardin demi-sec à l’ombre des montagnes ; plus

La cuisine japonaise constitue un ravissement pour la romancière.

au sud encore, le grand cimetière de Higashi Ôtani d’où l’on domine toute la ville dans la présence mystérieuse mais vibrante des morts ; enfin les vieilles rues qui relient Gion au Kyomizu-dera.

Changement de décor, enfin, pour la vie nocturne dont je ne suis pas une adepte mais qui, au Japon, m’amuse beaucoup. Il faut aller écouter du bon jazz à Le Club Jazz (voir Zoom Japon n°57, février 2016), dans le centre, puis finir la soirée dans l’un des innombrables bars perchés dans les étages des immeubles alentours, lieux improbables que seuls connaissent les amis locaux, parfois minuscules et souvent thématiques (avec des aquariums, des pipes, des maquettes d’avion), parfois gigantesques avec de grandes baies donnant sur les montagnes de l’Est. On y boit du saké, bien sûr, mais aussi du vin, des liqueurs, des cocktails. On y côtoie de sympathiques pochtrons : les Japonais ne tiennent pas très bien l’alcool mais ont en général le saké plutôt joyeux.

Enfin, je termine toujours la soirée en marchant dans la ville, en traversant les cours faiblement éclairées des temples, en empruntant les vieilles ruelles étroites. Kyôto, comme toutes les villes du Japon, est sûre et paisible la nuit. On y ressent la force des montagnes, de l’eau, des arbres, mais aussi, même si l’on est athée et cartésienne comme moi, la présence d’esprits tour à tour graves et malicieux au détour d’un petit temple illuminé, d’une berge endormie ou d’un cimetière dont les sotobas claquent dans le vent.

Avez-vous fait des rencontres ?

M. B. : Bien sûr, avec des Japonais francophones ou anglophones devenus des amis chers, plus rarement des Occidentaux établis au Japon. Certains sont venus me voir à Amsterdam où j’ai vécu après Kyôto, d’autres en France où je vis désormais. Il y a beaucoup de paramètres culturels en jeu dans l’amitié – la manière de se rencontrer, de se voir et même de converser dif-

ZOOM VOYAGE

fère selon les cultures – mais, contrairement à ce que l’on m’avait dit, il est possible de nouer de grandes amitiés avec des Japonais.

Pouvez-vous expliquer cette sérénité que beaucoup de visiteurs viennent semble-t-il chercher au Japon et notamment à Kyôto ?

M. B. : Si l’on considère que Kyôto regroupe quelques-uns des plus beaux lieux jamais façonnés par l’art humain, qu’elle est environnée de nature et semée de jardins, qu’elle témoigne d’une ancienne sagesse dont la modernité n’a pas effacé les traces et que le quotidien y est provincial, c’est-à-dire paisible et facile, on comprend que les visiteurs du monde entier y affluent pour y vivre une certaine expérience de l’harmonie et de la grâce.

Que pensez-vous du “surtourisme” dont se

www.zoomjapon.info

Publié par Ilyfunet Communication 12 rue de Nancy 75010 Paris Tél: +33 (0)1 4700 1133 courrier@zoomjapon.info

Dépôt légal : à parution.

ISSN : 2108-4483.

Imprimé en France

Responsable de publication : Dan Béraud

Ont participé à ce numéro :

Odaira Namihei, Gabriel Bernard, KOGA Ritsuko, Eric Rechsteiner, Jérémie Souteyrat, Gianni Simone,

SEKIGUCHI Ryoko, Corinne Quentin, MAEDA Haruyo

TAKACHI Yoshiyuki, KASHIO Gaku, TANIGUCHI Takako, MASUKO Miho, ETORI Shôko, Marie-Amélie Pringuey, Fiona Dangleterre, Marie Varéon (maquette)

plaignent parfois les habitants ?

M. B. : Question complexe. Je suis toujours partagée entre la conviction que l’expérience de la beauté et de l’ailleurs doit être accessible à tous et non seulement à une classe économiquement et/ou culturellement dominante, et le constat des ravages du surtourisme dont j’ai aussi vécu les débuts à Amsterdam (foules compactes et moutonnières, comportements inadéquats, infrastructures bâties à la va-vite pour faire face dans l’urgence à l’afflux, etc.). Un tourisme démocratique et pertinent est encore à inventer, cela doit être un défi pour les élus, les citoyens, les urbanistes, les investisseurs, les décideurs de toutes sortes. Il doit s’ancrer dans un véritable projet de société, dans une vision culturelle ambitieuse, et non dans de simples considérations marchandes.

ProPoS reCueilliS Par Corinne Quentin

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Le plaisir de déguster un thé macha en contemplant une vieille lanterne de pierre.
K an Takahama

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