Zibeline n°28

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LIVRES

LITTÉRATURE

Plus près encore révolte de Pippo devant l’hypocrisie morale de notre société, surtout celle de son «pays de merde», l’Italie, étouffé par les media, le poids de la religion et ses règles d’éducation rigides. Il évoque avec émotion son ami, décédé du sida, sa douleur et sa renaissance quand il a décidé de se consacrer au théâtre du Corps, ses rencontres avec des êtres différents comme Bobo, sourd-muet, qu’il a enlevé à son asile d’aliénés ou Gianluca, le trisomique si lumineux sur scène. Entre deux citations de Pasolini, Brecht, Walt Whitman, Emilie Dickinson, ces pages reliées qu’il faut ouvrir sont comme des confidences au lecteur.

Actes Sud vient de publier un livre qui rassemble une trentaine d’articles publiés par Pippo Delbono de 2004 à 2009 dans divers journaux. Le livre est composé de pages doubles, pliées, que le lecteur est containt de découper s’il veut «voir» ce qui est au milieu. Surgissent alors des mots et quelques dessins hâtifs indéchiffrables ; il faut se munir d’un miroir pour accéder à des indications de mise en scène ou de costumes, réflexions qui sont autant de signes d’humeur. L’écriture-script, au crayon à papier, livre des notes de travail en italien, sur le spectacle alors en préparation La menzogna (voir Zib’ 26). Pas de dialogues, plutôt des impressions fugitives et souvent violentes. Au fil des pages, des photographies prises avec un téléphone portable : paysages, gros plans sur des visages de statues ou d’humains. Les textes, courts dans l’ensemble, témoignent de la

CHRIS BOURGUE

Regards Pippo Delbono éd. Actes Sud, 38 euros

Paroles nocturnes

qui jouait si bien Chopin, se précise -et l’amour toujours aussi fort de la mère pour lui, parti depuis 30 ans ! Peu à peu l’histoire de David, le petit «mulot» caché, maltraîté et finalement livré par de bons citoyens du village, est révélée dans toute sa noirceur écoeurante. Et le père qui n’a pas supporté. La langue de Jouanneau coule sans ponctuation -ou si peu- et on le suit le souffle court dans ces paroles vives dont la musicalité demeure longtemps après avoir refermé le livre…

Joël Jouanneau vient de publier un texte à deux voix, celles d’une mère et de son fils qui se revoient après sept ans de rupture et de silence. Un texte théâtral qui revendique la filiation classique des trois unités : la rencontre a lieu en une nuit et essaie sans y parvenir vraiment d’éclaicir les malentendus. Quelques pans d’obscurité tombent néammoins, peu à peu, au fil des mots. La force de ce texte vient de ce qu’il n’est pas seulement un dialogue ; sans joutes verbales les deux paroles se croisent, et laissent aussi surgir les pensées et les réactions des personnages dans des monologues qui éclairent davantage que les échanges, difficiles, emplis d’ellipses et de suspensions. Et voilà que peu à peu mémoires intime et collective se mêlent, le passé ressurgit, passé sombre des années de l’Occupation. Le personnage du père, ce Verschuern au regard bleu

CHRIS BOURGUE

Mère & Fils Joël Jouanneau éd. Actes sud Papiers-9,50 euros

Culture trilingue La manifestation Amazir (homme libre en berbère) autour des cultures du Maghreb a débuté le 27 février à la médiathèque de Cavaillon. Après la conférence de Benamar Mediene sur Kateb Yacine à la Scène Nationale le 18 mars, deux films consacrés à l’écrivain algérien (dont un exclusif) sont diffusés en continu jusqu’à la fin de la manifestation. Tous les jours, l’artiste Abdou Amri, qui intervient régulièrement en milieu carcéral ou auprès des primo-arrivants, divulgue son art de la calligraphie. Les scolaires, familles, groupes d’alphabétisation, Ecole du respect (association de quartier) s’initient à cet art gratuitement. Formé à Fez, l’espiègle calligraphe manie le qualam comme un virtuose, en créant lui-même ses couleurs végétales. «La calligraphie arabe a la liberté d’utiliser la belle écriture. Même un analphabète trilingue (franco-arabo-berbérophone ndlr) peut apprendre !» Il consacre une exposition en hommage au poète Mahmoud Darwich dans le hall. Le 26 mars, venez rencontrer le poète touareg Hawad (ses œuvres graphiques sont également exposées) et le 27 écoutez la conteuse Aïni Iften. DELPHINE MICHELANGELI

Amazir, Cultures du Maghreb Médiathèque la Durance, Cavaillon Du 27 février au 3 avril 04 90 76 21 48 www.cavaillon.com

Oeuvre de

Hawad

© X-D .R

Calligraphie © X-D.R


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