Zibeline l'hebdo Cult'

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CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné

12.04 > 3.05.2019

ZIBELINE

L’hebdo Cult’ 30-31-32

MARSEILLE

2€50

retrouve le Nord

VardaCabrera Festivals par

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edito

Il faut savoir demander pardon

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mmanuel Macron ne s'est pas rendu au Rwanda pour la commémoration des 25 ans du génocide. Un problème d'agenda chargé qui lui a fait décliner l'invitation du Président Paul Kagame à cette cérémonie de la Paix. Aucun chef d'État n'a répondu à l'invitation et seul Charles Michel, Premier Ministre Belge, est venu parler de « la part de responsabilité face à l'histoire » que « veut assumer » son pays. Mais si la Belgique est bien l'ancienne puissance coloniale dans cette région des grands lacs, le rôle de la France à la fin du dernier septennat de Mitterrand relève, quel que soit l'angle où l'on se place, de la complicité avec un gouvernement génocidaire. La France a soutenu le gouvernement provisoire Hutu après l'attentat contre le Président Habyarimana, elle lui a livré des armes, elle a ignoré les nombreux signaux d'alerte annonçant le génocide, dont les pogroms réguliers des Tutsis les années précédentes. Elle a ensuite protégé la fuite des génocidaires, au nom d'une alliance historique avec les Hutus. Il y a eu en 100 jours 1 million de morts, 10 000 par jour. La population était armée, prête à l'élimination de la minorité Tutsie, et l'Élysée est au moins coupable d'aveuglement entêté. Il est temps, plus que temps, de demander pardon. Mais comment Mitterrand l'aurait-il fait alors qu'il ne reconnaissait même pas la responsabilité de l'État vichyste dans la déportation des Juifs français ?

Il a fallu Jacques Chirac, en 1995, pour demander pardon au nom de l'État, et indemniser les descendants de la spoliation de leurs biens. Et Nicolas Sarkozy, en 2012, pour reconnaître l'abandon des Harkis et des Musulmans français au massacre programmé du FLN. Le présent des peuples ne peut reposer sur des massacres occultés. Moins encore sur des génocides que l'on aurait pu, sans aveuglement, éviter, et sur des alliances diplomatiques qui passent l'éponge sur des crimes contre l'humanité. L'Algérie vit aujourd'hui ce que son peuple appelle sa deuxième Libération, et l'occasion nous est donnée de regarder en face l'histoire de la France postcoloniale, ses rapports avec l'Algérie, le Rwanda, les liens de Sarkozy et Kadhafi, ceux de Chirac avec Omar Bongo. Les peuples sont, comme les hommes, incapables de vivre sans violence et sans haine quand ils planquent des cadavres dans leurs placards et la République française, gouvernée depuis toujours par des hommes blancs chrétiens, en

planque à tous les étages : juifs, algériens, marocains, harkis, kanakes, comoriens, antillais, centrafricains, ivoiriens, gabonais et rwandais. Elle n'a pas toujours commis elle-même les crimes, mais continue à garder les cadavres sous clef au nom des intérêts supérieurs de la Nation. Supérieurs à quoi ?

Jusqu'à l'intime

La résilience ne peut advenir sur des traumatismes refoulés et des responsabilités niées. La France est le seul pays où le mouvement MeToo, qui s'est traduit par un dénonciateur Balance Ton Porc, a été doublé par une hallucinante tribune sur Le droit d'être importunée. L'ampleur du phénomène du harcèlement des femmes -sans parler du viol- implique que la plupart des hommes en sont, à divers degrés, coupables, dans leurs relations de travail, familiales, de couple. Que notre société est construite sur l'obligation pour devenir un homme de subjuguer les femmes, et de celle, pour devenir une femme, de séduire les hommes. Comment le « consentement » pourrait-il être instauré sur tant de domination consentie ? Il faudrait, pour cela, regarder nos comportements en face. Les violeurs bien sûr, mais aussi les harceleurs de rue, les patrons peloteurs et ceux qui complimentent, les collègues qui coupent la parole aux femmes, ceux qui ne les voient pas, ceux qui laissent leurs femmes les servir, les parents et les marchands qui assignent les genres, les femmes séduites qui se comportent en collabos. Aucun harceleur n'a pris conscience qu'il devait demander pardon. Pas même le violeur qui a failli devenir Président de la France. Tout cela fabrique et reproduit, irrémédiablement, de la violence...

Quant à l'habitat marseillais insalubre, personne n'est responsable. Aucun pardon n'est demandé aux familles des victimes de la rue d'Aubagne, aucun à la vieille dame tuée par la police sur son balcon durant la manifestation, aucun aux milliers de délogés qui ne parviennent pas à obtenir les arrêtés de péril nécessaires à leur indemnisation. Jean-Claude Gaudin a même déclaré, en conseil municipal, que « la générosité de la ville » à leur égard allait cesser. Première mesure : ils n'auront plus droit aux cantines gratuites. Demander pardon ? Vous rigolez...

ZIBELINE L'HEBDO CULT'

Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : Heddy Salem © Mickaël Phelippeau

Hebdomadaire paraissant le vendredi

Directrice de publication Agnès Freschel

Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline

Rédaction : journal.zibeline@gmail.com

BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732

Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

CULTURE

LOISIRS

TÉLÉ

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CINÉ

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Administration admin@journalzibeline.fr contact@journalzibeline.fr

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Chargée des abonnements Marine Jacquens mjacquens.zibeline@gmail.com

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À SUIVRE

E N AV R I L

Deux soirées pour clôturer ce mois d’avril sans perdre le fil... Un face-à-face avec Émilie Charriot, déroulant le récit corrosif du livre d’Annie Ernaux et un plateau partagé avec deux solos, dont les interprètes sculptent l’espace de leurs gestes dépouillés et puissants... À réserver dès maintenant !

M E R . 2 4 AV R I L > 2 0 H 3 0 ± 1h30 / ≥ 15 ans

PA S S I O N S I M P L E Émilie Charriot

d’après le roman d’Annie Annie Ernaux

© Agnès Mellon

/ C ie Émilie Charriot

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C O M M E C R Â N E , C O M M E C U LT E . Christian Rizzo

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sommaire 30 31 32

Hommage à Agnès Varda (P.5) Queer (P.10-12) Société (P.6-9) Cité + de genres à Klap

La vulnérabilité énergétique liée aux logements

Les Migrations en questions Marseille retrouve le Nord : -Organon Art Cie part à la recherche du Bataillon de la Belle de Mai -Entretien avec Heddy Salem

Entretien avec Sam Bourcier

Politique culturelle (P.14-15) Le Théâtre de la Comédie à Marseille Ouverture du cinéma EuropaCorp La Joliette

Evénements (P.16-22) Flamenco Azul Printemps des Calanques Festival de la Camargue et du Delta du Rhône Festival Grand ménage de printemps Place aux Compagnies Le Sémaphore a 30 ans Festival de Pâques Ballets de Monte Carlo Festival Overlittérature

Patricia Guerrero, Festival Flamenco Azul © Juan Conca

Critiques (P.23-33)

Le Joliette, le Gymnase, le Mucem, le Merlan, l’IMMS, Marseille Objectif Danse, le Toursky, Lieux publics, l’Opéra de Marseille, l’Eolienne, le Bois de l’Aune, le Vitez, Rousset, Vitrolles, le Théâtre d’Arles, la Maison Jean Vilar, Théâtre de la Vignette

La Bulle Bleue Festival Saperlipopette

Au programme de la semaine Spectacle vivant (P.34-47) Musiques (P.47-50) Arts visuels (P.51-52)

Arts visuels (P.53)

Franck Pourcel à la Maison de la Photographie, Toulon Les Mocos à la Galerie du Canon, Toulon

Lignes de vie, Cie des Lezards bleus, pour les 30 ans du Semaphore © Antoine Le Menestrel

Cinéma (P.54-55) Film de la semaine : Première Campagne Critiques : Festival ASPAS

Philolitté (P.56-61) Livres de la semaine : Les imprudents ; L’Encre vive ; Fable pour l’hiver ; La Guerre des pauvres Philo Kakou La Camarista de Lila Aviles © Bodega films présenté au festival ASPAS

Feuilleton littéraire de Mathilde Ramadier, sixième épisode

CONSEILS TÉLÉVISION (P.62-63) ZIB-30-31-32-last.indd 4

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D’UNE RÉALISATRICE À L’AUTRE

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undi, je suis allée avec une amie aux obsèques d’Agnès Varda. Métro Raspail. Il faisait froid. Je regardais la rue Campagne-Première et je me souvenais de la fin d’A bout de souffle. Jean Seberg court, la musique sonne fort, Jean-Paul Belmondo est tombé, il va mourir. Elle regarde en plein dans la caméra et en passant son pouce sur ses lèvres, elle dit : « Qu’est-ce que c’est dégueulasse ? ». Ce regard nu dans la caméra, c’est le début du cinéma moderne, le cinéma de mes vingt ans quand je restais dans la salle toutes les séances pour saisir quelque chose de la révélation du film. Comment font-ils ? Est-ce que je peux le faire moi aussi ? Les cinéastes sont des hommes. Mais j’ai vu une photographie, une photographie est une preuve. C’est pendant le tournage de L’une chante, l’autre pas, Nurith Aviv est à la caméra, son assistante Elisabeth Prouvost derrière elle, de l’autre côté Agnès Varda, la réalisatrice. Je voyais sur les visages de ces trois femmes le plaisir de la concentration et celui du désir. C’était les années Musidora. Il y avait aussi Vera Chytilova et Kira Mouratova. Tous ces A, c’était un signe, rosa la rose, dominus domina, les femmes feraient du cinéma. La caméra, j’avais compris depuis longtemps qu’elle était en dehors du débat. Moulin du temps, rien ne lui ressemblait, elle captait l’instant. Comme les êtres vivants, elle se nourrissait du temps et le nourrissait. Ces femmes, les yeux aigus, le nez au vent, à l’affût, pénétraient le réel avec elle. On dit que la caméra est phallique, mais masculin, féminin, l’objectif protégé par le pare-soleil, c’est le trou noir, le ventre pénétré par le réel. Magique caméra, bisexuelle, phallus et vagin, comme les êtres humains.

En remontant l’allée principale du cimetière Montparnasse, vers la tombe de Jacques Demy -dont elle a filmé les yeux dans Jacquot de Nantes en citant Prévert

Au loin déjà la mer s’est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées

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Zibeline voulait rendre hommage à Agnès Varda. Nous avons demandé à Dominique Cabrera, réalisatrice qui a cherché sa voix dans ses fulgurances, d’écrire pour elle je voyais les travellings d’une minute toutes les douze minutes de Sans toit ni loi. Mona, Sandrine Bonnaire, sortait des vagues. La silhouette de la Nurith d’aujourd’hui s’est profilée contre la tente blanche aux chapeaux pointus et la Sandrine d’aujourd’hui est apparue. Le temps ne cesse jamais de passer sauf au cinéma. La tente était bondée. Il y avait deux femmes perchées sur une tombe, nous avons soulevé le cordon et grimpé près d’elles. De là, on voyait tout, les visages inconnus et les visages connus, les officiels et les artistes, les voisins, les copines et les cinéphiles « Re-

garde, Catherine Deneuve, Jane Birkin et Julie Gayet. Et lui, c’est qui déjà ? » Mes

voisines de tombe habitaient rue Daguerre, elles l’appelaient Agnès. Elles avaient apporté des fleurs. Elles avaient vu ses films. Moi, j’avais tout vu, je l’aimais, depuis mes vingt ans, j’avais cherché ma voix en compagnie de ses fulgurances et de ses errances. À chaque rencontre elle était présente, en dialogue. On était en parenté. Ce qu’elles avaient préféré mes voisines, c’était les films documentaires, elles disaient personnels, Les plages d’Agnès et Sans toit ni loi. Mais aussi Cléo… Visages Villages. les films mélangés, les films sur la mort. La mélangite. La vie qui persiste et s’amuse. Son sujet. Rosalie Varda Demy s’est placée derrière le pupitre transparent. Le soleil est sorti. Elle a parlé avec émotion et humour de la chance d’avoir été élevée par des parents artistes, des dix dernières années où elle avait choisi d’accompagner Agnès ma petite patate dans sa nouvelle vie de plasticienne, de cette mère formidable, fatigante, créative, exigeante. Ma chérie, c’est pas bien, il faut recommencer. On recommençait. Elle a fini en lui promettant que ses films et ceux de Jacques, on va bien s’en occuper.

quand il était à moitié vide et même quand il n’y avait pas de verre. Mathieu a remis à sa sœur une patate en or, ils se sont étreints. Les petits enfants ont parlé de cette grandmère qui ne faisait pas de gâteaux. C’était les obsèques de Varda mais aussi de madame tout le monde. Je pensais à sa vie pleine et à sa solitude, à la vieille dame nue dans les plumes de Sept pièces cuisine avec salle de bain, à Yolande Moreau dans Sans toit ni loi qui regarde dans la caméra en parlant de Mona morte gelée au fond d’un fossé, et que le film ressuscite. On a applaudi Agnès pour la dernière fois, les applaudissements comme des vagues, encore, encore. On ne la verra plus. Il n’y aura plus de nouveau film de Varda. Le vent s’est levé dans les cheveux des femmes et làhaut dans les branches à l’unisson. La foule s’écoule. Matthieu Chedid et Yarol Poupaud jouent très fort L.A. Woman, des Doors. Je cueille des fleurs de cerisier au fond de la tente, je les filme palpitant sous le vent. Le long de l’allée, on marche entre des petits bouquets et des gros bouquets. Près de la tombe de Jacques, il y a un banc, du lierre, l’ombre douce. Je jette les fleurs de cerisiers dans le trou parmi les pétales de roses. On se retrouve dans un café rue Daguerre. On boit, on mange, on parle d’elle et de nous. DOMINIQUE CABRERA

Mathieu Demy a trouvé d’autres mots. La fantaisie d’Agnès. Ta mère habillée en patate à Venise ! On a ri avec lui. Le talent d’Agnès pour voir le verre à moitié plein

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société

Chauffer la passoire

Précarité énergétique : le sud souffre aussi

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a condensation qui se forme et coule le long des fenêtres ; les murs suintant d’humidité ; les mauvais convecteurs contre lesquels on doit se coller, et qui font bondir la facture d’électricité... Il peut sembler que « la misère serait moins pénible au soleil », mais dans le lumineux sud de la France, on souffre aussi de précarité énergétique. Et ce n’est pas le réchauffement climatique qui changera réellement la donne : il favorise les épisodes extrêmes, chaleurs intenses, grands froids et pluviométrie incohérente. L’Insee Paca vient de publier le n°68 de ses Analyses, une étude consacrée à ce sujet1. « 162 000 ménages de ProvenceAlpes-Côte d’Azur sont en situation de vulnérabilité énergétique : ils vivent dans un logement qui, pour être chauffé convenablement, leur impose d’y consacrer plus de 8,2% de leur revenu2. » Bien-sûr, les

personnes seules et les familles monoparentales sont surreprésentées parmi les ménages vulnérables. Les chauffages électriques sont les plus répandus, équipant un foyer sur deux. Or, cet été, le prix de l’électricité devrait augmenter d’environ 6%, et d’après la Commission de Régulation de l’Énergie, ce n’est qu’un début. EDF ne cesse de réclamer plus de moyens © G.C. pour financer ses investissements, notamment dans la voie sans issue du nucléaire.

Disparités régionales

Selon l’étude de l’Insee, en raison du climat plus rude des montagnes, un tiers des Hauts-Alpins a du mal à se chauffer. Et dépense près de 2,5 fois plus pour cela qu’un habitant des Alpes-Maritimes. Sur le littoral méridional, la vulnérabilité énergétique est surtout liée à la forte concentration de personnes à bas revenu : même s’il fait plus doux, il leur est difficile de payer pour atteindre une température de confort dans leur logement. D’autant plus s’il s’agit d’une passoire thermique, comme c’est le cas de la majorité des bâtiments construits avant 1973. Les premières réglementations ont été adoptées dans la foulée du premier choc pétrolier, afin de réduire la consommation d’hydrocarbures. C’était l’époque de la « chasse au gaspi », qui n’a pas été un grand succès : la France continue massivement à chauffer des murs trop minces, la chaleur s’échappe par les fenêtres mal jointoyées, et environ 30% de déperdition se fait par les toits mal isolés. En Paca, sur les zones de bord de mer, le revenu annuel moyen des ménages vulnérables s’élève à 9 490 €. Avec moins de 800 € par mois, on

ne se risque souvent même plus à allumer les radiateurs et on grelotte les jours de mistral.

Affiner les diagnostics et isoler

Pour corriger les choses, il faut identifier le défaut d’isolement, avant de pouvoir y remédier. La Ville de Marseille, au bilan dramatique en matière de rénovation urbaine, a néanmoins réussi à mettre en ligne un outil pratique : une carte réalisée par thermographie aérienne3, sur laquelle on peut zoomer de manière précise. Elle permet de détecter les déperditions de calories au niveau des constructions, qu’il s’agisse de bâtiments publics ou de maisons individuelles. Il existe des matériaux naturels efficaces, locaux, recyclables, peu chers, qui pourraient améliorer grandement les performances énergétiques du bâti, neuf ou à rénover. Nous vous le disions dans notre article Philosophie des trois petits cochons (lire sur journalzibeline.fr), selon l’édition 2018 des Règles profes-

sionnelles de construction en paille

(éditions Le Moniteur) 5% du chaume non utilisé à ce jour permettrait d’isoler la totalité des logements construits chaque année en France. Mais les aides consenties par l’État ou les collectivités -chèque énergie, crédits d’impôts, prêts à taux 0- sont insuffisantes. Quand dès le 15 du mois on n’a plus de quoi régler ses factures, il n’est pas possible de faire l’avance sur un double-vitrage. GAËLLE CLOAREC

¹ À consulter sur insee.fr/fr/ statistiques/3746354 2 Seuil fixé par convention, depuis 2010 (Loi Grenelle II) 3 environnement.marseille.fr/ developpement-durable/thermographie

Une majorité de ménages vulnérables vivent sur le littoral

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MAI

MIGRATIONS en questions

théâtre

UBU ROI

Cie Du Jour au Lendemain

P

oser une question. Sujet : les migrations au sein de l’Europe. Obtenir une réponse courte (vidéo d’environ 3 mn), claire et neutre de la part de spécialistes, universitaires et experts, sur la plateforme numérique dédiée. Le dispositif mis en place en mai dernier par l’association Res Publica (« développer le pouvoir d’agir ») et l’ONG European migration law (qui promeut la connaissance du droit et de la politique de l’Union européenne) est né du constat qu’une grande majorité de Français se sentent mal informés sur les problématiques contemporaines d’immigration et d’intégration. Et pourtant, la thématique traverse tout le débat politique, pèse largement sur les argumentaires et stratégies des uns et des autres, avec un risque marqué d’instrumentalisation. Yves Pascouau (fondateur et directeur d’European migration law, docteur en Politique européenne migratoire) initie alors Migrations en questions, site Internet d’échanges citoyens informés et impartiaux. Fort d’une trentaine de vidéos consultables en ligne, le site propose une vision apaisée et enrichie sur un sujet clivant et trop souvent traité dans des excès de langage vides de données juridiques, historiques, économiques, géographiques... Les questions posées sont variées et décomplexées, frontales ; parmi la trentaine mises en ligne : « Pourquoi n’enferme-t-on pas tous les sans-papiers pour les expulser en une fois ? », « Combien coûte l’immigration ? », « Qu’est-ce qu’un migrant économique ? »... À l’approche des élections européennes, la démarche va être développée, confrontée au pari du direct grâce à un cycle de rencontres publiques ouvertes à toutes et à tous. Autour de la thématique « Les questions migratoires dans la campagne européenne ! », trois dates sont prévues dans notre région. Le 23 avril, à Vaison-la-Romaine, puis le 24 à Lunel-Viel, Yves Pascouau sera accompagné de Jean-Yves Carlier (professeur de droit à l’Université catholique de Louvain et avocat au barreau de Nivelles) pour, dans un cadre ouvert et sans aprioris, faire le tri entre les informations factuelles et les infox. Une large place sera laissée aux questions et aux échanges avec le public. Le 25 avril, ils seront rejoints à Marseille par Pascal Brice, ancien directeur de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Mettre du sens là où les rumeurs galopent et les règlements de compte politiques règnent. Ouvrir le débat à tous, nourrir la réflexion pour apaiser les passions. Une action de salubrité publique.

VEN 03 MAI 21:00

théâtre musique

COURIR

Thierry Romanens & Format A’3

JEU 09 MAI 21:00

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Cie Fêtes galantes Béatrice Massin

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LES ÉCHAPPÉES Peyruis, Oraison, Aubignosc, Seyne-les-Alpes

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ANNA ZISMAN

23 avril, Espace culturel, Vaison-la-Romaine 24 avril, Salle Antoine Roux, Lunel-Viel 25 avril, Théâtre Toursky, Marseille migrationsenquestions.fr

Vies de Papier - Cie La Bande Passante théâtre documentaire SAMEDI 27 AVRIL 2019 À 20H30 DIMANCHE 28 AVRIL À 17H

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société

MARSEILLE À la Belle de Mai Organon Art Cie part à la recherche du Bataillon de la Commune avec 115 adolescents. Au Merlan Qu’est-ce qu’il fait là, lui ? Mickaël Phelippeau a écrit un solo pour Heddy Salem, un magnifique jeune premier tel qu’on en voit peu sur les scènes

Heddy Salem © Mickaël Phelippeau

Zibeline : Dans le solo Juste Heddy, vous racontez votre première expérience de théâtre. Comment êtes-vous arrivé sur une scène ? Heddy Salem : Deux comédiens de François Cervantes sont venus à ma salle de boxe pour le spectacle L’épopée du Grand Nord. Ils cherchaient des boxeurs. Ils étaient sympas, j’étais curieux, je voulais surtout voir comment ils allaient parler des quartiers. Alors je suis allé au bout de l’histoire, malgré les clichés sur le trafic de drogue, parce qu’il y avait de la tendresse, et un regard proche du réel. C’est donc par la boxe que vous êtes venu au théâtre... Je n’ai pas boxé dans L’Épopée du Grand Nord, j’ai joué. Mais Juste Heddy fait sentir une violence qui est en vous. D’où vient-elle ? Je ne sais pas si c’est de la violence. De la révolte oui. C’est mon vécu. À l’école on m’a toujours dit que je n’y arriverai

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pas. Je me suis retrouvé à la rue, tout seul, puis à l’armée, où j’ai encore été discriminé. Frappé. Alors oui je m’en suis sorti avec mes poings. Je ne connais pas d’autre manière que de défoncer les portes qu’on ferme sous mon nez. Mais j’ai toujours été joyeux au fond, et gentil avec ceux qui les ouvraient.... Cette discrimination, vous la vivez encore aujourd’hui ? Oui. Je suis toujours en jogging, j’ai toujours mon accent. À la Criée quand on a fait le spectacle avec le groupe des 15 un vigile m’a interdit l’entrée, en me disant « Qu’est-ce qu’il fait là, lui ? » Ce langage, cette manière de dire « lui » quand on s’adresse à moi, oui, je le vis toujours. C’est cette rage qui vous fait crier Aux armes, ou Soulève-toi ? Oui, comme au stade. Cela va plus loin dans le spectacle, cela devient désespéré, un véritable appel à la révolte. Oui, la colère et la révolte sont toujours en moi, je sais les retrouver, mais je les canalise aujourd’hui. Vous avez travaillé avec François Cervantes, avec Alexis Moati, fait du cinéma, vous êtes dans les Radio Live de France Culture... Qu’est-ce que ces expériences ont changé pour vous ? D’abord, ma situation financière ! J’ai 23 ans, je gagne ma vie. J’ai aussi découvert le travail. Mais mon caractère n’a pas changé. Je suis doux, mais je sais qu’il faudra encore que je défonce des portes. J’ai rencontré des gens formidables qui s’intéressent vraiment à moi, et puis dans les Radios Live j’ai rencontré des jeunes très différents, venus de pays en guerre, des exilés. C’est incroyable d’écouter leurs parcours, et de raconter le mien. Ce parcours, quel est-il ? Vous avez toujours vécu à Marseille ? Oui, je suis né ici, mes parents aussi. C’est juste mon grand-père paternel qui

est né en Kabylie. Je suis Marseillais, je ne quitterai jamais Marseille, c’est la plus belle ville de France, je peux le dire maintenant que j’en vois beaucoup. J’aime son soleil, sa mixité. Dès que je pars, ça me manque, je connais tout le monde ici, je suis chez moi. À Marseille ou seulement dans les quartiers ? Ça aussi ça a changé. Avant le théâtre, le centre je connaissais pas, ma ville c’était les quartiers, là-bas il y avait les bourgeois, des barrières, du mépris. Aujourd’hui je me sens partout chez moi dans la ville. Malgré le vigile de la Criée ? Oui. Ça arrive tous les jours à des milliers de jeunes ici. À la télé, dans les journaux, on ne nous montre que pour faire peur, et ailleurs on ne veut pas nous voir. C’est pour cela que c’est important que je sois sur scène. Pour moi, mais surtout pour les autres, mes amis. Pensez-vous que ce regard peut changer ? Pas si on continue à regarder la télé. Moi, la culture, c’est l’endroit où je peux faire ma révolution. La culture peut changer le regard des gens. Sauf que c’est pas les jeunes qui viennent au théâtre. Je ne sais pas comment il faut faire : c’est un endroit d’ouverture, d’élargissement qui peut vraiment nous aider. Il faut sans doute qu’il y ait plus souvent sur scène des jeunes comme moi... Au Merlan vos amis étaient là. Ça leur a plu ? Ils ont adoré. Mais ils ne viendront pas voir autre chose. Ils ont passé la porte une fois mais si c’est plus contemporain ou perché ils ne viendront pas. Le côté intellectuel ne les attire pas, sauf si ça parle d’eux.

Juste Heddy a été joué au Théâtre du Merlan, Marseille, les 28 et 29 mars

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RETROUVE LE NORD les portes et la scène s’ouvrent grand aux habitants des quartiers nord délaissés. Pour une insurrection artistique et populaire ? Qui va là ? Valérie Trébor et Fabien Aïssa Busetta sont partis à la recherche du Bataillon de la Belle de Mai. Celui qui a lancé la Commune de Marseille Zibeline : Votre compagnie Organon Art s’est lancée depuis plus d’un an dans un immense projet participatif, qui va réunir 115 adolescents sur scène. Quel rapport avec la Commune de Marseille ? Fabien Aïssa Busetta : Le quartier ! Nous voulons démuséifier l’histoire et c’est ce quartier très populaire, composé de 60% d’immigrés comme aujourd’hui, qui a mené la Commune. Le Bataillon comptait 70% d’Italiens. Ils sont devenus Français en étant communards, en parlant au nom des dominés. La stratification sociale du quartier ressemble à celle de cette époque, elle est aussi la même qu’en 1936, avec des taux de chômage record, mais aussi une vitalité sans mesure : le quartier regorge de vie associative, d’initiatives militantes. De gens accidentés aussi, l’échec des soulèvements est dans leur ADN, et ils ne votent pas, à plus de 64% ! Mais l’espoir que la révolte reprenne un jour est là, et cette mémoire est comme un fantôme. Alors, comme au début de Hamlet, on cherche ces fantômes, on demande Qui va là ? Et qui va là ? Des enfants, avec lesquels nous avons réveillé cette histoire. On a travaillé avec deux classes du lycée Victor Hugo, d’autres des collèges Longchamp, Thiers et Alexandre Dumas, des classes de primo-arrivants. On a mené des dizaines d’ateliers avec chacun, on leur a raconté cette histoire, puis on a bâti une arche narrative, ils ont écrit des chansons.

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Aujourd’hui c’est ce travail qui va être montré. Mais on va continuer après, à la recherche du Bataillon, avec des chorales d’enfants, pour des représentations en 2020. Que verra-t-on sur scène cette année ? Une fiction d’anticipation. On a imaginé que dans quelques années ces quartiers populaires seraient visités par les touristes comme cela se passe au Brésil ou en Asie dans les bidonvilles. Ce nouveau slum tourism, le tourisme des taudis, où on va visiter la misère. Ces enfants auraient réalisé un film promotionnel de leur taudis, mais au moment de le présenter ils se révolteraient et retrouveraient cette mémoire enfouie de l’insurrection, celle qui a donné son nom au Boulevard de la Révolution. De nombreux artistes ont travaillé avec eux... Oui, Dorothée Sebbagh a réalisé le film avec eux, Richard Dubelski a composé la musique que les classes musicales de Thiers et de Longchamp vont jouer, Aurélien Desclozeaux leur a fait travailler la danse, le crump, Sedef Ecer et Fanny Blondel ont écrit avec eux le texte et les chansons, avec Valérie Trébor nous mettons tout cela en scène... Il y a aussi un petit orchestre de beatbox, pour que les enfants qui ne savent pas jouer d’instrument puissent aussi faire de la musique. Et Boulègue Télé, qui leur a appris à être reporters... Avez-vous l’impression que ce projet a changé quelque chose en eux ? C’est évident. Globalement, ils ont découvert le travail de recherche, aux archives départementales ils ont rencontré la mémoire des communards, mais aussi de Rosa Parks, Gaston Crémieux, Auguste Blanqui... Ils se sont transformés en reporters, ont interrogé des gens du quartier en leur demandant s’ils étaient les descendants du Bataillon de la Belle

© Organon Art Cie

de Mai. Ils ont écrit des chansons, fait de la musique, ils se sont emparés de cette histoire qui cartographie le quartier où ils vivent. Et puis, individuellement, on a assisté à des émancipations incroyables. Des adolescents qui ne voulaient pas participer, et qui aujourd’hui sont les premiers à vouloir jouer sur scène, à s’emparer de la parole, à s’investir dans la fiction. À vouloir que ça ne s’arrête pas. Et personnellement, que cela vous apporte-t-il ? En tant qu’artistes, pour chacun d’entre nous, c’est passionnant. Nous faisons du théâtre documentaire, ancré dans le réel pour y puiser sa matière. Et puis nous habitons le quartier, ce 3e arrondissement dont on dit qu’il est le plus pauvre de France. Nos parents -Valérie Trébor est ma sœur- sont Tunisien pour l’un et Italienne pour l’autre. Ce pont entre la Commune et notre temps, entre l’immigration Italienne et celle d’Afrique du Nord, est évidemment notre histoire. Belle de Mai à l’assaut du ciel 3 et 4 mai La Friche Belle de mai, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org ENTRETIENS RÉALISÉS PAR AGNÈS FRESCHEL

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Les chemins de l’intime

Cité Queer

Suite et fin du festival + de genres, à Klap Maison pour la danse, à Marseille

Performance dansée », « performance théâtrale », « lecture performée », la performance est partout. À ce terme parfois prétentieux, souvent dévoyé, David Wampach redonne son lustre. Endo est à la fois un hommage réjouissant à celles et ceux qui, les premiers, ont donné son sens contemporain au mot : les artistes issus des disciplines visuelles. Ceux dont l’art, par définition, ne relevait pas du spectacle vivant. À ces avant-gardistes qui ont parfois défrayé la chronique en transgressant les codes, Wampach et sa complice Tamar Shelef adressent un généreux remerciement, faisant de leurs corps nus ou presque le pinceau autant que le support de leur œuvre. Une explosion de couleurs, une frénésie créatrice -à défaut d’inventiveet un final assez drôle en clin d’œil au music-hall. Matthieu Hocquemiller, venu montrer Extime en début de festival (à lire sur journalzibeline.fr), revient avec une carte blanche bien particulière. Car il est plutôt rare qu’un lieu institutionnalisé comme le Klap ait l’audace d’accueillir une programmation souvent reléguée à des festivals très spécialisés, estampillés « contre-culture ». « Il y a une difficulté à intégrer le sexuel dans une construction culturelle, en ne le voyant pas seulement comme un levier pulsionnel ou excitatoire », souligne le chorégraphe. À travers Let’s explicit, il propose une sélection hétéroclite de cinq courts-métrages d’un genre identifié à la culture queer, le post-porn.

à une photographie très soignée, se dégagent une complicité respectueuse et une affection sensuelle. Presque innocent. Beaucoup plus trash sont les parties de plaisir dans Vital Sign de Gala Vanting, où des femmes prennent leur pied en partageant leur sang. Remuant. L’âge n’interdit pas la fantaisie. Law and Order de Jan Soldat propose un regard intime sur un couple gay senior dans leur quotidien SM. Décomplexé. Enfin, Lamento della ninfa, réalisé par Hocquemiller lui-même, montre un chanteur belcantien, lui aussi adepte de SM, imperturbable devant les assauts de sa partenaire de jeu. Lyrique. Dans un deuxième temps, Auto-porn Box présente trois performances sous forme d’autoportraits. Matthieu Hocquemiller, encore lui, à l’aide d’un dispositif vidéo-strobos- © Hari Adivarekar copique, brouille les pistes de la binarité en faisant apparaître des seins sur son image projetée avant de se dédoubler pour un rapport sexuel avec lui-même.

Post-porn éclectique

Émouvant autoportrait

Dans Campos de Castilla du collectif espagnol Post Op, un couple lesbien s’adonne au plaisir de la fellation dans un champ de maïs, une fois l’épi décalotté. Culotté. Ils sont très jeunes, gays, physiquement avantagés et adeptes du sexe en groupe. Les images de Flower de Matt Lambert ne prennent pas de gants. Mais derrière ces orgies, et grâce

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Marianne Chargois, assise devant un ordinateur, livre ses échanges en tant que dominatrice professionnelle avec ses clients masculins aux pratiques extrêmes. Elle termine sa lecture par un impressionnant numéro de contorsionniste, assimilant le travail sexuel à une forme de souplesse de l’esprit. Mais le travail le plus marquant et émouvant

est celui de Kay Garnellen. Celui-ci arrive sur le plateau en slip, les fesses exagérément rembourrées. Sur une table, des boites de médicaments empilées et des seringues alignées qu’il plantera de la première à la dernière à travers son sous-vêtement. Sur un grand écran, des images défilent. La première est celle d’une jeune femme. Progressivement, on la voit évoluer dans son parcours de personne trans jusqu’à reconnaître l’artiste lui-même. Et comprendre que les seringues sont une représentation symbolique du traitement hormonal permanent. Dans sa démarche personnelle

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11 comme artistique, Kay Garnellen affirme une identité queer absolue. Libre de choisir son genre comme sa sexualité de manière indépendante et distincte, il laisse entendre qu’une transition est aussi (surtout ?) un acte politique. Lorsqu’il se met littéralement à nu, Garnellen rappelle qu’il n’y a pas de transition type, avec un début ou une fin.

Kamasutra dansé

On ne peut saisir la puissance de Queen-Size sans replacer la création de l’œuvre dans son contexte. Celui de l’Inde de 2016 où le Code pénal criminalise l’homosexualité. Le chorégraphe Mandeep Raikhy imagine donc une pièce qui expose la beauté mais aussi tout ce que peut avoir de commun la relation amoureuse entre deux hommes. C’est sur et autour d’un charpoy (lit traditionnel au sommier tissé en corde) que Lalit Khatana et Parinay Mehra, les deux interprètes à l’expression toute en nuances, dansent leur intimité. Les jeux de séduction,

leurs ébats, leurs questionnements ou les gestes de tendresse du quotidien relèvent du plaidoyer pour la liberté d’aimer. Comme une parenthèse dans la programmation, Michel Kelemenis présente une étape de travail de Coup de grâce, sa pièce en cours de création. Le 13 novembre 2015, la compagnie sortait grisée par la première de Barbe Bleue à Aix-en-Provence, jusqu’à l’annonce des attentats de Paris. Naît alors une émotion trouble mêlant bonheur et consternation. C’est cette « impression mêlée qui avec le temps ne se démêle pas » que cherche à exprimer le chorégraphe. « Mon métier me permet de mettre ma psychanalyse dans une pièce », explique celui dont l’écriture chorégraphique habituellement enjouée est, cette fois-ci, atteinte par la noirceur d’un choc qui perdure. Bien qu’inachevé et encore ouvert à des évolutions sensibles, le récit que propose Coup de grâce -sous-titré Quand certains dansent, d’autres tuent- s’annonce poignant. L’électro sombre

d’Angelos Liaros, compositeur grec issu de la scène berlinoise, accompagne les sept interprètes dans leur cheminement où ils incarnent tour à tour des danseurs exaltés, confrontés à la peur ou victimes de leurs bourreaux. Création le 4 octobre au Théâtre Durance de Château-Arnoux-Saint-Auban. LUDOVIC TOMAS

Endo a été joué le 26 mars, Let’s explicit/ Auto-porno Box le 29 mars, Coup de grâce le 2 avril et Queen Size le 4 avril à Klap Maison pour la danse, Marseille

En totale déconstruction Entretien avec Sam Bourcier, auteur de Queer Zones, trilogie récemment rééditée (éd. Amsterdam). Ce livre pionnier a permis l’ouverture d’un espace théorique et politique queer en France

S

ociologue et professeur à l’université de Lille 3, Sam Bourcier est un activiste et théoricien queer. Reconnu au niveau international, ce chercheur trans, qui a pris ses distances avec les travaux de référence de Judith Butler, porte un discours à contre-courant de la pensée dominante et relativement consensuelle du milieu LGBTQI+. Zibeline : Quelle est, en France, la place de la recherche queer à l’université ? Sam Bourcier : Il n’y en a pas. Cela peut paraître étonnant car on entend partout parler d’études sur le genre. En réalité, depuis plusieurs années, l’Europe et l’État sont obligés de développer des politiques dites d’égalité hommes-femmes et on range ça dans la catégorie « genre », mais c’est une notion très affadie. Les sujets de master réellement queer sont refusés en France car ils sont communautaires

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et que ça ne rentre pas dans le discours du républicanisme universaliste, qui est excluant pour les minorités.

Vous avez travaillé sur la notion de post-porn. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est une des originalités de ce que j’ai produit dans les années 2000. C’est parti du constat qu’il n’y avait pas de production de films pornos qui nous plaisait, qui nous correspondait : lesbien, féministe... Sur le plan théorique, quand on creuse, on se rend compte que les logiques pornographiques modernes ont été produites par les sexologues du XIXe siècle. C’est à l’origine de la construction culturelle très puissante qui organise la différence sexuelle binaire, tout comme la construction capitaliste a organisé le travail. Une fois qu’on a compris ça, on a voulu faire le porno d’après, du porno

pour nous. Le film Baise-moi de Virginie Despentes a été un déclic pour moi. Dans la pratique, le post-porn se traduit souvent par des performances dans l’espace public. Vous êtes très critique à l’égard du mouvement LGBT. Pour quelles raisons ? Le mouvement LGBT est traversé par un courant réformiste, tout comme le mouvement féministe. Les réformistes sont entrés dans les politiques de reconnaissance et d’assimilation. Ils sont sans cesse en train de demander une reconnaissance juridique à l’État. C’est inefficace. Et l’État, que ce soit Hollande ou Macron, se fout bien de leur gueule. La problématique économique n’est pas prise en compte. Le racisme est complètement absent. On va générer des lois pour protéger, des lois anti-discriminations. Et pour protéger les bons gays et

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Sam Bourcier © X-D.R.

les bonnes lesbiennes de qui ? Des homophobes. Qui sont qui ? Les Arabes de banlieue ! Car c’est eux qu’on vise. On passe notre temps à dénoncer l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie, etc. Ces termes ne veulent absolument rien dire. Les gens ne sont pas « -phobes », l’origine est systémique. On est dans une culture nécessairement homophobe et sexiste pour les raisons que j’expliquais par rapport aux théoriciens du XIXe. La désarticulation de la problématique entre genre, sexualité et « race » est très grave. L’agenda LGBT actuel, copié-collé de celui des États-Unis, est fait pour les privilégiés. Il demande toujours à la minorité d’attendre. Le mariage pour tous, la PMA et l’ensemble des droits conquis ne représentent-ils tout de même pas des avancées ? D’abord ce n’est pas le mariage pour tous mais le mariage homosexuel, entre deux hommes ou entre deux femmes. Les trans ont été écartés du sujet. Donc on se réaligne sur la différence sexuelle et la culture sexuelle dominante, avec un discours ringard sur l’amour. De plus, cette loi a été conçue sans la moindre réflexion sur ce qu’est la famille. Quant à la PMA, les lesbiennes ont toujours fait des enfants. Ces lois sont faites pour contrôler la productivité des corps et

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donc des forces de travail, pas pour être gentil avec les LGBT. C’est de la biopolitique. Il faut arrêter de penser les choses en termes d’avancées ou de recul, c’est simplement le chemin linéaire du progrès qui, depuis le XVIIIe siècle, nous dit qu’on va y arriver. Vous rejetez le concept de droit finalement. Quand le droit accompagne la démocratie libérale dans laquelle on est, il ne protège pas, il ment. Dans les années 70, quand on se faisait traiter de tapette dans les rues de San Francisco ou de Paris, la réponse était « va te faire foutre ». Maintenant, on identifie les LGBT comme victime ; mais aller porter plainte au commissariat : laisse tomber ! Il faut développer d’autres politiques, et notamment dans les enseignements. Quand les féministes ont obtenu de Simone Veil -qui a fait preuve de courage mais n’était pas féministe- qu’elle fasse voter la loi sur l’avortement au moment où Giscard voulait passer pour un progressiste, ce n’était pas le droit à l’avortement mais la dépénalisation des femmes qui avortaient. Vous dites aussi que l’association loi 1901 est responsable de la dépolitisation du militantisme... Les pouvoirs publics, dans la logique de la démocratie représentative, font des associations les interlocuteurs privilégiés.

Cela fait plein de petits présidents qui sont là pour des ambitions personnelles et qui sont très hétéronormatifs. En France, contrairement à l’Italie ou l’Espagne, il n’y a pas cette culture du collectif autonome. Ici, tout est vertical, centralisé. Quelles formes de lutte, quelle revendications préconisez-vous ? En 68, quand les gens demandaient l’impossible, ils avaient raison. La politique, c’est des besoins, des désirs, des droits. Je ne crache pas complètement dessus, mais il faut prendre le contre-pied du néolibéralisme, du capitalisme, de l’État, et même du droit, qui produisent euxmêmes des subjectivités. Demandons par exemple plus de temps, moins de travail et un revenu universel. Et récupérons les communs. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Sam Bourcier était invité par le collectif Idem le 28 mars, à la librairie l’Hydre aux mille têtes, à Marseille

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La Comédie tourne au vin(aigre) de messe Nouvel épisode du conflit entre le théâtre et le diocèse de Marseille. Acte final ?

On veut ma mort matérielle ! » Jean-Pascal Mouthier part de nouveau au combat. C’est la cinquième fois que le directeur du Théâtre de la Comédie de Marseille (TCM) est assigné en justice par l’archevêché, propriétaire de l’édifice, qui lui réclame aujourd’hui 130 000 €. Convoqué au tribunal le 25 avril, il joue gros. Le feuilleton débute en 1999, quand cet utopiste propose à l’archevêché de transformer en théâtre un vieux cinéma, alors fermé, sur le boulevard Jeanne d’Arc. Un accord est trouvé : Mouthier prend en charge la réhabilitation du lieu en contrepartie d’une exonération de loyer pendant 12 ans. Au-delà, celui-ci s’engage à payer 1500 € par mois. « À mon arrivée, il y avait quatre murs. J’ai tout reconstruit, seul, pendant douze ans. Les fauteuils viennent de l’Odéon et le rideau de la Foire de Marseille », raconte le passionné. 2013, le théâtre ouvre ses portes. 2014, premier retard de loyer. « Le locataire n’ayant versé que quatre mensualités, le diocèse entame une procédure pour demander le paiement », explique Maître Camille Tapin-Reboul, l’avocate de la partie adverse. Le théâtre réagit et lance une pétition de soutien. « 23 000 signatures dont 11 000 en 24 heures. Un record », affirme son directeur. Parmi les pétitionnaires de nombreuses personnalités du monde culturel et politique. Devant la levée de bouclier, le diocèse fait machine arrière. Pas pour longtemps. En 2015, nouvelle croisade.

Bruno Gilles dans le viseur

Le sénateur-maire Les Républicains du secteur, Bruno Gilles, arrive à la rescousse, lançant la proposition de municipaliser l’établissement culturel. Partisan d’un théâtre de service public, le saltimbanque se prend à rêver. La réponse de la mairie centrale le fait déchanter : trop cher. L’édile des 4e et 5e arrondissements revient alors à la charge, un nouvel accord avec l’archevêché sous le bras. Il contient un bail emphytéotique de 18 ans, une dette ramenée à 30 000 € payée grâce à une subvention exceptionnelle obtenue

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par le parlementaire et un loyer mensuel directeur. « On va détruire en un instant abaissé à 400. « Monsieur Mouthier n’a l’ouvrage de ma vie. Quelle est ma faute ? jamais signé le bail et n’a jamais versé les Avoir créé de mes mains un théâtre de 260 30 000 € », affirme Maître Tapin-Reboul. places et essayer d’y faire vivre la création « Cette somme est sur un compte ban- au service du public ? Le combat n’est pas caire », assume le directeur, accusé par seulement de sauver un lieu mais d’inson propriétaire de ne pas avoir répondu formellement à l’offre. « Ils ont sans cesse reporté les rendez-vous. Je signe quand ils veulent mais maintenant ils disent que c’est trop tard », rétorque celui qui a vu toutes ses demandes de subventions publiques refusées. Mais le point sur lequel les deux parties tombent étonnamment d’accord est la responsabilité de Bruno Gilles dans cet Théâtre de la Comédie © X-D.R échec. Le candidat à la succession de Jean-Claude Gaudin s’en terroger sur la place de la culture dans défend. « J’ai beaucoup aidé Jean-Pascal cette ville qui en a été la capitale euroMouthier car j’ai été séduit par son projet. péenne en 2013. » Et l’homme de théâtre J’ai obtenu de l’archevêché qu’il coupe la n’écarte pas la grève de la faim comme poire en deux et donc qu’il perde beaucoup acte de résistance. LUDOVIC TOMAS d’argent. La municipalisation aurait pu aboutir dans une situation assainie. J’ai fait ce qu’il fallait faire. Je ne me mettrai plus jamais autour de la table, je suis très déçu », tranche-t-il.

Grève de la faim

Pour le directeur du théâtre, l’acharnement dont il est la cible cache un motif jamais avoué :un juteux projet immobilier. Et de rappeler que c’est aussi le diocèse qui a tué le théâtre Nau en 2012 pour cette même raison. « Il n’y a pas d’ambition immobilière et le but du diocèse n’a jamais été de faire obstacle au projet de Monsieur Mouthier ni de faire fermer le théâtre. Au contraire, il l’a soutenu mais il est difficile de négocier avec quelqu’un qui ne respecte pas ses engagements », plaide l’avocate. L’archevêque, un mécène incompris, en quelque sorte ? Des propos qui font éclater de rire nerveusement le

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EUROPACORP débarque à la Joliette

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résenté en ces termes par son directeur Pierre-François Duwat, le multiplexe composé de 14 salles, et doté d’un espace Premium inédit, voit enfin le jour. Lancé en 2005 par Luc Besson, le projet avait été racheté par Gaumont-Pathé en 2016. Le déficit notoire d’écrans de cinéma à Marseille -51, contre 92 à Lyon qui décompte pourtant un tiers d’habitants de moins- se voit considérablement amoindri par les quelques 2000 places proposées par l’EuropaCorp La Joliette. L’offre de fauteuils par habitants passe ainsi d’un pour 95 à un pour 78 : encore bien en-deçà de la moyenne nationale (57) ou de celle de la région (59). Proportion qui devrait se réduire à un pour 71 d’ici 2020 à 2021, quand l’Artplexe, cinéma d’art et d’essai, se sera installé sur la Canebière. Non content de combler ce manque ressenti par tous les cinéphiles, l’EuropaCorp La Joliette propose à ses spectateurs de venir « regarder le cinéma différemment ». Pour ce faire, il mise sur une « montée en gamme » et sur des concepts inédits. La très colorée salle Kids, élaborée en partenariat avec Lego, conçue pour un public familial, est notamment une belle idée : un espace jeux, un grand toboggan, mais surtout une tolérance accrue au bruit de fond, des lumières savamment dosées et une programmation adéquate, dès les bandes annonces, y seront appréciés par les tout-petits. Moyennant quelques (coûteux) suppléments, les salles 4DX et Dolby proposent une expérience de visionnage particulièrement immersive, mouvements de sièges et jets d’eau à l’appui. Quelques stands de réalité virtuelles, adossés à un stand Haribo, viennent compléter ce tableau digne d’un vrai parc d’attraction. Spectaculaire et spacieux, le cinéma a également misé sur un confort inédit. Ambition qui a notamment abouti, dès la reprise du projet, à la suppression de 500 sièges pour mieux doter les restants, éloignés des punitifs premiers rangs, de doubles accoudoirs, d’espaces plus larges pour les jambes et de dossiers surélevés.

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Le « plus beau cinéma de France » a ouvert ses portes le 29 mars

EuropaCorp La Joliette, salle Kids © F. Berthet

Appréciée, cette attention au confort ne rend pas pour autant les prix accessibles à tous. Les abonnements Cinépass -19,90 euros par mois, 16,90 pour les moins de 26 ans et 33,90 euros en duo- permettront aux plus assidus d’assister sans restriction aux séances de tous les cinéma Pathé : Joliette donc, Madeleine et également Plan de Campagne.

Le coût de l’apparat

Mais le tarif unitaire de 13,50 euros rebutera certainement les plus modestes : il sera certes réduit de moitié pour les moins de 14 ans, mais ce sans compter les suppléments 3D et autres, applicables également sur les abonnements. Que dire, alors, de l’espace Premium, et de son prix d’entrée pour le moins prohibitif -35 euros, incluant une boisson et une « collation » ? Difficile de ne pas douter de la pérennité de ce concept, qui réintroduit une hiérarchie de classes dans un cadre qui ne nous y semble pas perméable. Les sièges inclinables de la salle Cocoon rappellent ainsi furieusement la classe business isolée à l’avant des avions, de même que ses « rafraîchisseurs pour boissons » et prises USB disponibles côté accoudoir. Avachis sur les canapés de la salle Lounge ou les matelas high-tech de

la salle Tediber, les spectateurs apprécieront-ils davantage le long-métrage qui leur sera proposé ? Doit-on s’inquiéter de l’accent mis ici sur l’apparat au détriment de la programmation ? Les films proposés seront diffusés majoritairement en VF : seule une séance par jour sera consacrée à la VO. La surreprésentation de films « grand public », et l’exclusion totale de la possibilité d’un label art et essai n’ont ici rien de surprenant. Ce positionnement, en opposition nette avec l’Artplexe à venir, permettra-t-il à l’EuropaCorp La Joliette de s’assurer de la pérennité de son public, tenu à la fois pour moins élitiste et plus fortuné ? La fréquentation timide de l’établissement semble attester du contraire. À croire que les marseillais espéraient non pas des lits inclinables, mais tout simplement quelques sièges supplémentaires. SUZANNE CANESSA

cinemaspathegaumont.com

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Flamenco Azul en quête du duende Le centre Solea lance la première édition d’un festival à dimension internationale de Marseille et jeunes trisomiques de l’association T’Cap 21 à la Chambre de commerce, des expositions aux projections de film, des scènes ouvertes aux propositions pointues, le catalogue de ce premier Flamenco Azul est séduisant. À commencer par les spectacles phares de la manifestation : Proceso eterno de Patricia Guerrero, Biznaguero de Moisés Navarro, Tablao avec Pilar Ortega et Ana Pérez et Andando por Solea qui rassemble des artistes de renom qui ont marqué de leur passage le quart de siècle du centre de la rue Sainte. LUDOVIC TOMAS

Au programme

Au départ, mon rêve était de devenir danseuse. Le flamenco m’est venu plus tard. » La passion de Maria Pérez pour ce qu’elle définit comme « l’expression artistique la plus aboutie, complexe et populaire du pourtour méditerranéen » lui a été transmise par son professeur de littérature espagnole à l’université, l’écrivain Benito Pelegrin. Mais malgré sa détermination, Maria ne perce pas et c’est par l’enseignement qu’elle va gagner la reconnaissance. Avec son époux, elle monte le centre Solea, à Marseille. L’aventure qui devait durer une paire d’années a soufflé ses 25 bougies. Aujourd’hui, Maria Pérez se lance un nouveau défi : le festival international Flamenco Azul, premier du genre dans la région. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Peut-être parce qu’il fallait attendre une « convergence d’énergies ». L’élément déclencheur sera la décision de la fédération École de flamenco d’Andalousie de faire de Solea son premier siège officiel en France. Arrive ensuite la rencontre avec l’opérateur culturel Arts et musiques en Provence et son fondateur Claude Freissinier. Convaincues par la pertinence du projet, les collectivités territoriales suivent. Flamenco Azul

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Patricia Guerrero © Juan Conca

est né. Et se décline en trois mots : populaire, savant et solidaire ; trois actes : du 18 au 22 avril, du 25 au 28 et du 2 au 5 mai ; autour de trois axes : les spectacles, la transmission et la pluridisciplinarité. Car le flamenco est un art total qui embrasse la danse, le chant, la musique, la littérature jusqu’à l’art de vivre. Ce que l’enseignante à l’enthousiasme intarissable appelle « la flamenco attitude. Il y a plein de portes d’entrée mais pas de quatrième mur. Le spectateur est sur scène ». Accessible à tous donc, mais aussi une source inépuisable d’analyses et d’interprétations. La dimension intellectuelle trouve sa place dans la programmation, avec deux journées d’études à l’université d’Aix qui proposent une approche « philosophique, anthropologique et littéraire » ou encore la conférence d’« une passionnée », Pamela Vihel, sur l’influence du flamenco dans les courants chorégraphiques du XXe siècle. « La transmission est mon obsession. Cela m’a nourri et j’ai toujours besoin d’apprendre », témoigne Maria Pérez. D’où la possibilité de suivre des stages et master-classes pendant le festival. Du flash-mob sur la Canebière à une performance mêlant danseurs du Ballet national

18 avril au 5 mai : Images flamencas, exposition photo de Juan Conca (Centre Solea) 18 au 22 ; 27 au 28 avril : stages et master-class (Centre Solea) 19 : Flamenco et les nouveaux courants de danse du XXe siècle, conférence de Pamela Vihel (Centre Solea) 20 : Proceso eterno, de Patrica Guerrero (Friche Belle de Mai) 21 : Biznaguero, de Moisés Navarro & invités + after (Friche Belle de Mai) 22 : restitution des stages (Centre Solea) 25 : La Chana, film de Lucija Stojevic (cinéma Le Prado) 26 : Jam flamenco (La Meson) 27 : Concert Mémoire des gitans et flamencos d’Algérie, avec Paco Santiago et Meryem Koufi (Cité de la Musique) 28 : Dimanche de la Canebière 2 & 3 mai : « Le temps des letras », conférences (Université d’Aix-Marseille) 3 : Tablao avec Pilar Ortega et Ana Pérez (Centre Solea) 4 : Impulso, film d’Emilio Belmonte + spectacle Andando por Solea (Théâtre Toursky) 5 : Flamenco, film de Carlos Saura + Hugo Lopez (Espace Comedia, Toulon) Flamenco Azul 18 avril au 5 mai Divers lieux, Marseille, Aix et Toulon festivalflamenco-azul.com 08/04/2019 13:25


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Fleurs des Calanques

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uarante sorties gratuites pour découvrir le Parc national des Calanques, vite, vite, avant que les accès n’en soient restreints pour cause de sécheresse et de lutte contre les incendies. Le printemps est souvent bref en Provence, mais explosif, avant que la fournaise estivale ne crame l’efflorescence. Gageons que cette première édition, riche en propositions, donnera envie aux curieux de célébrer la saison des amours au bord de l’eau. Voire sur, ou même sous l’eau ! Car des balades en kayaks sont prévues, ainsi que des sessions d’observation de la faune marine, palmes aux pieds, pour petits et grands. La Méditerranée est un hot spot* de biodiversité : tous les points de vue seront bons pour aller discrètement à sa rencontre. À La Ciotat, c’est en nocturne que l’on écoutera le chant flûté du crapaud, tout en repérant le vol des chauves-souris. À Sugiton, une longue-vue sera installée pour étudier les oiseaux. Ainsi que les profondes anfractuosités de cet univers

y revenir à loisir tout le reste de l’année, en ayant appris à respecter espèces animales et variétés botaniques. Ce paysage occupé depuis des millénaires par l’homme a été façonné, souvent abîmé. Une large place est également faite au patrimoine du littoral. Le 6 avril, par exemple, un intervenant du Club Alpin Français, Pierre Lémery-Peissik, racontera l’histoire industrielle des calanques de Montredon à Callelongue, lors d’une visite des vestiges. Et le 7 avril, tout le monde est invité à nettoyer la calanque de Sormiou de ses déchets. Un acte valeureux, récompensé par un grand pique-nique et une baignade collective. GAËLLE CLOAREC

Calanque de Sugiton © CC - Vincent

minéral unique au monde. Grottes, ponts naturels, vues panoramiques... Le Printemps des Calanques, c’est l’occasion ou jamais de découvrir avec des guides professionnels les joyaux du parc, pour

* Zone biogéographique, terrestre ou marine, possédant une grande richesse de biodiversité particulièrement menacée par l’activité humaine. Le Printemps des Calanques 16 mars au 22 juin 04 20 10 50 00 calanques-parcnational.fr

Connaître et préserver la Camargue année de nombreux visiteurs désireux de comprendre ce qui s’y joue. Pour leur apporter des éléments de réflexion, plusieurs soirées de rencontres, débats et projections auront lieu en partenariat avec le Cinéma Gérard Philipe à PortSaint-Louis du Rhône. Avec pour commencer une avant-première le 27 avril : celle du film de Thierry Gentet La Camargue, un radeau fragile, qui aborde le sort Festival de la Camargue © Thierry Vezon des futurs réfugiés clia Camargue est un lieu unique en son matiques européens. Le 4 mai, le parrain genre, l’une de ces fameuses « zones du festival, Gilles Boeuf, Président du humides » si riches en biodiversité, Conseil Scientifique de l’Agence française qui jouent un rôle irremplaçable dans pour la Biodiversité, donnera une confél’équilibre des écosystèmes. Mais l’homme rence, suivie du documentaire Le temps a marqué son territoire, le changement des forêts de François-Xavier Drouet, climatique se fait sentir... Le Festival voyage au cœur de la sylviculture indusde la Camargue et du Delta du Rhône, trielle et de ses alternatives. dont c’est la 11e édition, reçoit chaque Comme les années précédentes,

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Port-Saint-Louis accueillera un village éphémère avec expositions, ateliers, stands, et une attention toute particulière apportée au jeune public. La plasticienne Chloé Quiban, invitée par le Citron Jaune, y réalisera une installation en matériaux naturels, intitulée Nichée sauvage. Pour la première fois, la manifestation propose aussi un parcours photographique à ciel ouvert, avec les œuvres de Maxime Briola, Thomas Roger, Frédéric Larrey et Jonathan Lhoir. Le 8 mai, les artistes de toutes disciplines et tous niveaux trouveront grand intérêt à suivre la rencontre prévue avec le plasticien, compositeur et scénographe Jony Easterby, qui leur parlera des possibilités de rendre leurs pratiques plus écologiques. Comme une centaine de sorties en nature sont au programme du festival, ce sera l’occasion de s’essayer au land art un peu partout dans le delta ! G. C.

Festival de la Camargue et du Delta du Rhône 3 au 9 mai 06 79 71 44 23 festival-camargue.fr

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18 événements

Tambours et lessive Quatre jours de festival dans les villages du Sud Lubéron

Grand Menage 2018 (spectacle Biquette, Cie 2 L au quintal) © Gaëlle Cloarec

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es jours s’allongent, le Lubéron bourgeonne et fleurit... pas de doute, le printemps est là, et avec lui revient l’heure du Grand ménage. Pour sa cinquième édition, un anniversaire d’autant plus joyeusement fêté qu’il connaît un succès croissant au fil des ans, le festival né à Cucuron prend ses aises sur quatre jours. Autant dire que l’équipe organisatrice et les 80 bénévoles, en ordre de marche derrière le coordinateur de la manifestation, Romaric Matagne, ont dû déployer une sacrée énergie. Le programme concocté conserve les points forts qui ont contribué à la réussite des années antérieures. Des compagnies historiques régulièrement invitées, comme Générik Vapeur, cette fois en duo avec les anglais de Gorilla Circus, pour « une folle garlabande dans une ville déroutée », parade d’acteurs et circassiens en musique. Des artistes de la région, à l’instar des Lézards Bleus venus d’Apt, pour une exploration artistique « du monde d’en haut vers le monde d’en bas », utilisant toutes les ressources

de l’architecture et de l’espace public, ou Le détachement international du Muerto Coco et sa joyeuse Toÿ-Party. Une attention portée aux univers sonores, avec le collectif Bonheur Intérieur Brut, qui tendra son micro aux passants pour décrire le lieu où ils se trouvent : 24 heures de performance inspirée de Georges Perec ! Le sens de la fête, lors d’une transe collective orchestrée par Rara Woulib autour des chants sacrés du vaudou haïtien. Des arts du geste, aux côtés de la Fabrique Fastidieuse, « aventure physique et collective intense, sur fond d’électronique, pour danser tous ensemble ». Sans oublier la musique live -le punk du bayou de la Cie Le Piston Errant- ni la jeunesse -la reprise en théâtre de rue de classiques de Molière, Dom Juan et L’Avare, par le Collectif du Prélude, dont c’est la deuxième année d’existence- ou encore la chasse aux préjugés -la Soi-disante Cie dénoncera à l’occasion d’un conte africain les aprioris raciaux. Mais la nouveauté cette année, c’est la

venue de quatre apprentis de la FA-IAR, formation supérieure d’art en espace public basée à Marseille. Dans le cadre du Panorama des Chantiers, qui leur donne l’occasion de présenter le fruit de 22 mois de travail et de création, Morgane Audoin, César Roynette, Marion Pastor et Johnny Seyx se succéderont durant l’après-midi du 18 avril, pour une première prestation professionnelle. Ils en ont de la chance, de pouvoir débuter dans un espace aussi somptueux que celui du Lubéron ! Gageons que, comme tous les participants du Grand ménage de printemps, ils enverront une carte postale à un ou une habitant-e du territoire, pioché au hasard dans le bottin : le festival les met à disposition à l’accueil. Jolie façon de remercier une population qui participe pleinement à son succès. GAËLLE CLOAREC

Le grand ménage de printemps 18 au 21 avril Cucuron, Vaugines 04 86 39 94 03 legrandmenage.fr

Au nom d’Averroès

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l y a presque 1000 ans, un philosophe et théologien andalou posait les jalons d’une réflexion critique sur l’islam, dont on se réclame encore largement aujourd’hui. Pour son esprit d’indépendance et d’ouverture, pour son impartialité, Averroès de Cordoue symbolise une pensée loin des orthodoxies et des obscurantisme. La toute jeune Chaire d’Averroès, créée en 2018 dans le cadre du programme Méditerranée de l’Institut méditerranéen des recherches avancées, propose d’explorer au nom du théologien médiéval de nouveaux territoires de la pensée. Le programme de cette première année inaugure un cycle de recherche sur l’islam contemporain face aux défis du XXIe s., décliné sur six conférences données par Yadh Ben Achour, résident IMéRA et premier titulaire de la Chaire

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Averroès. Ainsi, les deux dernières rencontres s’intéresseront, le 25 avril, à une « Approche comparée entre l’islam et le christianisme ; conversion, violence et tolérance », et le 6 juin, Yadh Ben Achour, spécialiste de droit public et des théories politiques en islam, traitera de « L’islam et la révolution ». Des sujets complexes et polémiques, qu’il convient d’aborder avec recul et culture. ANNA ZISMAN

25 avril & 6 juin Chaire Averroès, Cycle de conférences publiques IMéRA, Maison des astronomes, Marseille imera.univ-amu.fr

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Le Sémaphore a 30 ans Il y a 30 ans le Théâtre Le Sémaphore, à Portde-Bouc, programmait sa première saison. Ça se fête !

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est dans la rue, quartiers des Aigues Douces et du Port Renaissance, que cet anniversaire s’exprimera, embarquant le public de lieux en lieux, et se terminera, en musique, au théâtre. Laurence Cabrol, nouvelle directrice de cette scène conventionnée « pour les publics » après le départ de Pierre Grafféo qui l’avait portée depuis sa création (à lire sur journalzibeline.fr), l’a voulu hors les murs, pour le rendre accessible à tous. Les spectacles s’enchaîneront tout l’aprèsmidi, aux sons des rythmes de la Fanfaraï Big Band pour qui le Raï is not dead ! Du raï au funk, en passant par le jazz et le rythm and blues, les 12 musiciens s’en donnent à cœur joie pour enrichir les métissages. C’est la Cie des Lézards bleus qui donnera

le La suivant, avec Antoine le Menestrel et sa danse de façade vertigineuse. Cet « allumeur de rêve », comme il se définit lui-même, grimpeur, danseur et chorégraphe transforme les façades urbaines en les escaladant, modifiant les repères habituels. Dans Lignes de vie, ce sont cinq « traceurs » qui s’affranchiront des déplacements codifiés et s’adapteront à l’architecture des bâtiments proches du théâtre. Autres prouesses acrobatiques, autre lieu : les jeunes artistes de Cirque la compagnie envahissent la Presqu’Île de la Lèque avec bascule, mât chinois, échelle libre, lancer de couteau… et des bidons qui sont autant d’éléments instables rendant les numéros plus dingues encore ! Ce qui ne les empêche pas de pousser la chansonnette au moment le plus crucial… Sur le Port Renaissance, c’est l’univers comico-absurde des trois clowns de The Primitives qui enchantera l’espace avec Three of a kind : tel un brelan au poker trois hommes déboulent, visiblement perdus, cherchant avec force gestes et mimiques à se souvenir du pourquoi de

Lignes de vie © Antoine Le Menestrel

leur présence en ce lieu… Surréaliste et hilarant ! Des surprises sont annoncées qui ne manqueront pas d’émailler cette journée festive, avant le retour au théâtre où la Fanfaraï Big Band donnera un concert après les discours officiels de rigueur. DO.M.

30 ans, le Sémaphore sort de ses murs 27 avril Divers lieux, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

Des scènes ouvertes 4e édition de Place aux Compagnies, dispositif de soutien à la production du spectacle vivant dans notre région, porté par La Distillerie, à Aubagne Véritable lieu de fabrique, La Distillerie, à Aubagne, sous la houlette de son directeur artistique Christophe Chave, accueille des compagnies -émergentes ou confirmées- pour des résidences de 7 jours et leur offre un accompagnement logistique, technique et de communication, aidée en cela par le Théâtre Comoedia et la Médiathèque Marcel Pagnol, autres structures culturelles aubagnaises. Vedette(s) © Compagnie de la loge au plateau Avant le moment très attendu des lectures et spectacles, qui rendent compte du travail effectué notamment lors de ces résidence, Place aux compagnies organise rencontre, table ronde et lecture, mais aussi un Goûter des créations, qui permet aux compagnies invitées -De la loge au plateau, En Devenir 2, L’Est et l’Ouest, Hesperos, Soleil Vert, Totem, Kit et Les Travailleurs de la Nuit- de présenter leur travail aux professionnels : il aura lieu le 2 mai à La Distillerie de 14h à 17h, suivi d’une rencontre ouverte aux acteurs culturels

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de la région, aux représentants institutionnels, aux compagnies et au public sur le thème de « l’accompagnement de la création, de l’accueil en résidence et au soutien à la production » (18h à 19h30 au Théâtre Comoedia) et d’une lecture de Riviera par la Cie Kit (20h15 au Comoedia). Innovation cette année, la soirée d’ouverture, le 26 avril, a lieu aux Grandes Tables de La Friche, à Marseille. Au menu, la présentation du dispositif et des projets de créations présentés par les artistes, et un concert de SOvOX pour terminer la soirée sur des rythmes furieusement rock indé et pop punk. Nous reviendront en détail, dans le prochain numéro, sur les spectacles (10 au 26 mai) et concert. DO.M.

Place aux compagnies 26 avril au 2 mai Divers lieux, Marseille et Aubagne ladistillerieaubagne.wordpress.com

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20 événements

Pâques à Aix apporteront leur talent et la finesse de leurs interprétations au cours de vingt-sept concerts (au lieu des vingt-quatre de l’an dernier) au cœur de quatre lieux d’Aix-en-Provence, le Salzbourg du Sud ainsi que l’ont rêvé dès le départ ses fondateurs -Michel Lucas (directeur du CIC), Dominique Bluzet (directeur des Théâtres) et Renaud Capuçon, le violoniste virtuose. Pour venir à l’appui de cette ambition, la Mozartwoche salzbourgeoise est, avec son directeur Rolando Villazón, invitée d’honneur de l’édition 2019 avec quatre spectacles : Mozart Preposteroso, qui reRenaud Capuçon © Caroline Doutre trace avec finesse et espièglee Festival de Pâques fête ses sept rie la vie du compositeur salzbourgeois ans et pour ce faire s’enrichit d’un par le biais de la mime et marionnetweek-end supplémentaire. Du 13 au tiste Nola Rae dans une mise en scène 28 avril, neuf cent vingt-cinq artistes de John Mowat ; deux concerts de la

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Camerata Salzburg dirigée par Alondra de La Parra, l’un s’appuyant sur la soprano Olga Peretyatko et le corniste Felix Klieser, l’autre sur le pianiste Robert Levin, dans des programmes dédiés au divin musicien ; enfin, la « voix de vin chaud à la cannelle » (Le Monde) de Rolando Villazón accompagnée par le violon d’Emmanuel Tjeknavorian et le piano de Maximilian Kromer rendra compte de la correspondance entre Leopold et Wolfgang Amadeus Mozart en une représentation intitulée Mon très cher papa. Les choix de Renaud Capuçon accordent une couleur particulière au festival, qui s’ouvrira cette année par un bel hommage au cinéma avec l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Lawrence Foster en un concert éclectique rassemblant des extraits de pièces de Korngold, Legrand, Morricone, Desplats, Williams, Jarre, Rota… On découvrira entre autres pépites Le

Entre l’ombre et l’azur

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e mois d’avril 2019 sera marqué par deux créations réunies en diptyque sous le titre de Corpus et interprétées par les Ballets de Monte Carlo. Leur directeur, Jean-Christophe Maillot, en présentait des extraits lors des Imprévus 2 aux Ateliers des Ballets. En espiègle Cicérone, le chorégraphe brossait le cadre des œuvres nouvelles en s’appuyant sur la constatation qu’aujourd’hui il est compliqué de travailler avec un grand groupe de danseurs. Goyo Montero, actuel chorégraphe principal et directeur du Ballet de Nuremberg, s’empare du thème, rassemble en un groupe dont les danseurs tous solistes travaillent ensemble, sur un titre programmatique, Atman (terme sanskrit dont les traductions varient mais désignent le concept du Soi dans son acception de pure conscience d’être, souffle de vie, principe essentiel de tout être vivant). Se pose alors la problématique de l’individu au sein de l’ensemble, et de

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Core Meu © Alice Blangero

l’éclosion de chaque destin particulier. Les fragments du travail encore en cours rendent compte de l’esprit dans lequel le chorégraphe a œuvré. Sur la scène du Forum Grimaldi, ils seront en rouge terre et le sol sera probablement noir, tandis que les lumières en contre-jour sculpteront les corps. La musique commandée spécialement pour cette chorégraphie à

Owen Belton insiste sur l’étrangeté, un éveil hors du temps. Les danseurs disséminés sur le plateau, étendus sur le dos, esquissent une éclosion, étirements exacerbés où l’enveloppe charnelle n’est plus qu’âme. Puis l’architecture de l’ensemble se module au gré des passages au noir (prévus dans la version définitive) dans une esthétique de la surprise tandis

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Roi qui n’aimait pas la musique de Karol Beffa sur un texte de Mathieu Laine -conversion garantie grâce à Renaud Capuçon, Victor Julien-Laferrière (violoncelle), Andreas Ottensamer (clarinette), Karol Beffa (piano) et Charles Berling en récitant. On retrouvera de grands solistes -Nelson Freire, Arcadi Volodos, Peter Serkin, Nicolas Angelich, George Li-, des chanteurs lyriques de haute volée comme Catherine Trottmann (mezzo-soprano), et huit grands orchestres. La jeunesse n’est pas oubliée avec le concert de jeunes lauréats de concours internationaux, Génération@Aix. Comment tout citer, les Requiem de Verdi, Brahms, jusqu’à la carte blanche finale à Renaud Capuçon qui réunit autour de lui la « grande famille du Festival de Pâques ». Éblouissements garantis ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival de Pâques 13 au 28 avril Divers lieux, Aix-en-Provence 08 2013 2013 festivalpaques.com

qu’émergent du groupe monolithique de superbes pas de deux. Répondant à cette chorégraphie de l’ombre, la « version jour » du propos se coule dans la musique d’Antonio Castrignanò. J-C Maillot en évoque la découverte : « Je n’ai pas résisté à la force de cette musique : elle ne pouvait pas ne pas donner envie de danser ! ». Le caractère mélancolique de ces airs des Pouilles sourd au cœur de la vivacité des mélodies rythmées des tarentelles. Écho de F(ê)aites de la danse de l’an passé, Core Meu en conserve la force dionysiaque. Les corps jubilent, les pas s’impatientent, virevoltent. La danse populaire donne son sens à la création, délite les frontières entre populaire et savant, découvre de nouvelles harmonies, fond les vocabulaires en une langue universelle. Et l’on se laisse emporter par le rêve en apesanteur dont la partie vocale est interprétée par le compositeur en personne… MARYVONNE COLOMBANI

Septèmes adopte l’Over attitude

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rois jours totalement Over. Plus que jamais, Septèmes-les-Vallons sera « plus que », avec son festival, 5e du nom, d’Overlittérature. C’est en effet dans cette commune voisine de Mar- La famille Overlittérature © X-D.R. seille que ce nouveau genre littéraire, autoproclamé par ses inventeurs et ambassadeurs, y a trouvé refuge et bastion. Ainsi, il y a dix ans, le fondateur du mouvement, Gilles Ascaride, et quelques acolytes, touchés de l’accueil fait par ses habitants à cette Nouvelle Littérature Mondiale Marseillaise (N.LM.M.) décidaient de désigner le village comme la capitale de l’Overlittérature. Emportés dans cet élan bâtisseur, ils commencèrent à mûrir l’idée de concevoir une manifestation spécifique pour consacrer ce mouvement auprès du public. Au fil des années, 10 pièces de théâtre ont été créées, écrites, jouées (et éditées aux Editions du Fioupélan) par des membres de l’association, dans cet esprit Over, caractérisé par, dixit la page d’accueil du blog d’auteurs, « son réalisme burlesque, son mauvais goût assumé, son irrespect total, sa marseillitude joyeuse loin de tout régionalisme et le recours méthodique aux armes de la dérision, de la finesse graveleuse et de la satire. » À savoir, pour mieux goûter l’esprit de l’ensemble, que Pétrone, écrivain romain auteur au Ier siècle de ce qui est considéré comme le premier roman de l’histoire de la littérature mondiale (Satyricon) est le Saint-Patron de l’association d’écrivains -qui annoncent aussi quelques liens de parenté avec Gotlib, Rabelais, Céline ou Pagnol. « Le vent se lève, il faut tenter de rire » est la ligne du programme 2019, avec la création de Zoé (de et par Gilles Ascaride, mise en scène de Julien Asselin). Drôle d’aventure que celle de cette femme peu commune, à qui « tout le monde sur le Vieux-Port a tout mis sur le dos », et dont celui qui lui donne enfin la parole (sociologue dans le civil) incarne les mots sur scène. Autre création théâtrale, Merde à Shakespeare (texte : Henri-Frédéric Blanc, jeu : XaL). Un auteur abonné à l’insuccès s’en prend, lors d’une conférence, à l’illustre Barde. Sa jalousie l’étouffe, son verbe le dépasse, et la scène a tout d’un moment de théâtre élisabéthain. L’Overlittérature se déclinera tout autant en lecture (Tarantino de Mourepiane, Serge Scotto), conférence (Claude Klotz, un pionnier de l’Overlittérature, par Jean Contrucci), film (Couic parade, ou les tribulations du petit commerce de proximité, de Jacques Menichetti). Et pour finir Over contents : musique ! avec Quartiers Nord, qui fête ses 40 ans !

ANNA ZISMAN

Corpus 25 au 28 avril Grimaldi Forum, Monaco +377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com

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27, 28 & 30 avril Centre culturel Louis Aragon, Septèmes-les-Vallons 04 91 96 31 00 lefioupelan.com

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22 événements

Ébullition printanière professionnels : spectacle vivant, paysagisme et gastronomie. Six jours d’expériences innovantes, de partage et de découvertes. Tous les jours, l’équipe traiteur de LBB, avec le chef Pierre Nail, proposera, dans son Restaurant éphémère, des menus de saison, avec, pour les amateurs d’expériences sensorielles, un diner dans le noir (27 avril). Sieste Sonore Cinématique © Vincent Cavaroc est le Printemps, et La Bulle Bleue On inaugurera (accompagné de la percompte bien ne pas laisser passer formance sonore de Jérôme Hoffmann l’occasion de s’en réjouir. Joliment et Mathias Beyler) le Jardin partagé (19 nommé « lieu de travail protégé », cet avril), élaboré par l’équipe jardinage et établissement médico-social (ESAT) mul- des structures du quartier, destiné à s’outiplie les initiatives pour créer des ponts vrir progressivement à tous les publics. entre l’intérieur et l’extérieur de la bulle. Des ateliers (jardinage, danse, création Le public montpelliérain considère dé- sonore) et rencontres (« Art et culture sormais ce lieu et sa troupe de théâtre en EPHAD » le 18 avril, « Professionnacomme étant de ceux comptent dans la lisation aux métiers de la culture » les 19 programmation saisonnière. Pour ce et 27) seront organisés tout au long de nouvel événement « hybride et printa- la manifestation. Les nombreux « Channier », la structure réunit ses trois pôles tiers artistiques », menés par la troupe

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de LBB et des compagnies invitées, propositions courtes (performances, sorties de laboratoire), nous inviteront à nous interroger sur nos façons de voir, écouter, regarder... Parcours chorégraphiques (Cie Satellite) à la découverte de nos sensations, Now, sortie de résidence de la musicienne Maguelone Vidal, artiste associée, et du danseur Lorenzo Dallaï, auprès d’enfants hospitalisés en chambres stériles, Sieste sonore cinématique (Braquage sonore)... Enfin, les Zones à étendre, îlots de résistance poétique imaginés par l’auteure Mariette Navarro, seront mises en espace par le metteur en scène Béla Czuppon (La Baignoire), avec les comédiens de LBB et les élèves de l’ENSAD. ANNA ZISMAN

LBB Printemps 17 au 27 avril La Bulle Bleue, Montpellier 04 67 42 18 61 labullebleue.fr

Saperlipopette ! Les petits deviennent grands

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asser les étapes, sauter plus haut, apprendre, découvrir, s’émerveiller... Grandir ! Tout un programme, que la thématique 2019 du désormais vénérable Saperlipopette développe en 15 points, autant de spectacles concentrés sur cette activité que les enfants mènent à plein temps. Pour emmener les spectateurs sur le chemin des âges de la vie, quoi de mieux que de se laisser envouter par Pépé, le magicien-marionnette ? Il a 100 ans ! Mais toujours plus d’un tour dans son sac (Cie du Dr Troll, dès 5 ans). Deux autres marionnettes raconteront aussi les générations, dans une histoire entre un vieux monsieur et un ado, qui se disputent une place sur un banc : merveille d’adresse et de sens, par la Cie eLe (Roulettes, en accès libre dans le parc). Anae, elle est bien embêtée, car entre ses deux maisons, chezmoichezpapa et chezmoichezmaman, elle a perdu son sourire.

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Catherine Verlaguet (texte et mise en scène) saura bien le lui redonner, après de poétiques péripéties (Le sourire d’Anae, dès 3 ans). À débusquer dans le parc, encore : Les Girafes, immenses et élégantes, qui se promèneront au son du hang (Xirriquiteula Teatre), et les rythmes endiablés des Rustines de l’ange (Ça va valser), joyeux drilles avec accordéons en bandoulière, mettront tout le monde d’accord sur Piaf, Madness ou Gotan Project et AC/DC. De la danse, encore, avec Tourette, où cette petite fille « pas comme les autres » décide de participer à un concours de « Danse comme une star » (Félicie Artaud, dès 7 ans). Danse, toujours : l’incandescente Blanca Li, habituée des scènes internationales, revient avec Elektrik et le son roi des cours de collèges des années 90. Drôles de bruits dans la pinède : glou glou, splatch ? Ce sont les percussions d’eau du tri-eau de Cie Aquacoustique !

Pépé, Cie du Dr Troll © Jonathan Bayo

Saxodouches et arrosoirs-saxo, joués par des musiciens en combi de plongée, ça donne des idées ! (accès libre). Acrobaties, cirque, clowns, théâtre, musique : un cocktail bien dosé pour grandir en liberté. A. Z .

Saperlipopette 4 & 5 mai Domaine d’O, Montpellier (puis en voyage dans la métropole) 0 800 200 165 domainedo.fr

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critiques 23

L’inconséquence humaine mais du côté des opprimés. Le bouillonnant prologue mêlant le Big Bang, la susceptibilité de Dieu et Stephen Hawking, donne la mesure du vertigineux verbe qui va suivre. Volontairement dépouillée -quelques lampes au sol, une lourde tenture rouge en fond de scène-, la scénographie fait toute la place aux images qui se créent dans la tête du spectateur. Le phrasé, musical et étonnant de vivacité de David © Dominique Houcmant-Goldo Murgia, s’insinue comme une ans Discours à la nation, précédent ritournelle au milieu des lignes d’accoropus du même binôme, le comédien déon de Maurice Blanchy. Sur le mode David Murgia portait haut et fort la du théâtre récit à l’italienne, le comédien parole des puissants, dans le texte acéré fait vivre par la simple évocation une d’une brillante intelligence d’Ascanio galerie de personnages, issue du petit Celestini. Ici, c’est l’apparence du pro- peuple de la rue : manutentionnaires phète des rues qu’il arbore. Barbe touf- en grève, SDF, vieille dame -qui perd la fue, longue redingote mal ajustée, dis- tête, avoir après perdu son fils-, prosticours moins toisant, il évoque pourtant tuée et patron de bar entrent en scène, les mêmes sujets : l’incarnation d’une disparaissent, se recroisent… L’observacertaine mauvaise conscience sociale, tion d’Ascanio Celestini, anthropologue

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de formation, fait à nouveau mouche. On est saisis et captivés, à la fois charmés et sonnés par les constats qui nous sont assénés. Moins décapant que Discours à la nation, Laïka laisse parfois poindre la tendresse. Vivant au gré de son comédien, qui le débite « comme on égrène des souvenirs », le texte se réajuste chaque soir ; car « jouer et raconter, c’est aussi écrire », selon le metteur en scène. Laïka -du nom de ce chien russe lancé en orbite dans l’espace en 1957, symbolisant l’inconséquence des hommes- se présente comme le premier volet d’une trilogie sur l’errance, née des observations de l’auteur posté dans un bar de quartier, au coin d’une rue de Ciampino. Le prochain volet, Pueblo, mettra en scène les mêmes personnages, vus sous un prisme différent. JULIE BORDENAVE

Laïka se jouait les 28, 29 et 30 mars au Théâtre Joliette, Marseille

Un amour trop grand

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n longue résidence depuis septembre au Théâtre de la Joliette, à Marseille, la Cie Les Passeurs vient d’y créer le deuxième volet du triptyque Héroïne(s). Pour ce projet, la comédienne/metteure en scène Lucile Jourdan a passé commande à trois auteur(e)s de textes témoignant de la parole de femmes soumises à une emprise, dévastées par une passion, dans la forme imposée du monologue. L’originalité de la démarche a consisté à mettre en contact les auteur(e)s et les comédiennes lors des premières répétitions, l’échange permettant d’arriver au plus près des mots justes et de l’émotion. Des cercles bleus et noirs, sur un texte de Dominique Richard, se présente comme une mélopée poétique d’une grande intensité qui mêle l’innocence de l’enfance au trouble de la maturité, finement ponctuée par la musique et le chant de Gentiane Pierre. La narratrice, superbement interprétée par Stéphanie Rongeot à l’énigmatique sourire de Joconde, se livre aux souvenirs de son enfance illuminée par

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la figure aimée de son petit frère, Paul. Elle évoque leurs jeux de pirate dans la forêt proche ; mais aussi leurs batailles rageuses, leurs baisers sur les lèvres : un amour trop fort, trop grand pour eux. Elle retrouve toujours aussi vive la douleur du surgissement de Sylvain, le beau garçon aux cheveux de fille qu’elle jalouse. Plus tard elle rencontre Virgile, « celui qui (lui) était destiné », avec qui elle vit une passion trouble, acceptant ses fantasmes érotiques, se consumant sans se perdre, se faisant garçon pour lui plaire. Ce texte très fort, souvent bouleversant, est servi dans un espace de jeu intime, quadrilatère de rideaux amovibles conçu par Isabelle Fournier et judicieusement adaptable à tous les lieux. CHRIS BOURGUE

Des cercles bleus et noirs a été créé du 2 au 5 avril au Théâtre Joliette, Marseille. La pièce est programmée cet été au Festival Off, à Avignon, du 12 au 15 juillet, à L’Entrepôt

© Isabellle Fournier

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24 critiques spectacles

Brasier amoureux

© Laurent Philippe

Kaori Ito et Théo Jouvet livrent leurs amours de jeunesse avant de danser leur rencontre fusionnelle

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omme un bord-plateau, à la différence que l’échange entre les artistes et le public est le prologue à la pièce. Pour débuter Embrase-moi, Kaori Ito et Théo Jouvet reçoivent chacun un groupe

de spectateurs, invités à réagir, pour un (légèrement trop long) récit d’anecdotes intimes ayant structuré leur histoire amoureuse, de la naissance à leur rencontre. Comme une préparation à ce qui va suivre, pour que l’acte chorégraphique soit perçu et apprécié au regard de ces confidences sur leur passé. Brutes et sans pudeur. On apprend par exemple que Théo se masturbe dès l’âge de 5 ans et qu’il a besoin depuis d’un orgasme quotidien. Ou encore qu’il découvre son aptitude à pratiquer l’auto-fellation à 18 ans. Avant d’enchaîner les conquêtes, le jeune homme reste longtemps un observateur du sentiment amoureux, vivant ses émotions dans la retenue, sans les concrétiser physiquement. Jusqu’à Laura avec laquelle il partage une expérience intense qui l’amènera finalement au polyamour. Mais l’arrivée de Kaori va tout bouleverser. C’est cette relation exclusive que le couple livre sur le

plateau en deuxième partie. Les partenaires évoluent dans un cercle formé par un grand cerceau (Jouvet vient des arts du cirque). Les corps se testent, se provoquent, se surprennent, se raisonnent, se résistent, s’enlacent et se désenlacent. Quand les mouvements se répondent ou se contredisent. Sur un morceau de musique gnawa, ils dansent, la main de l’un dans le slip de l’autre, unis et connectés aussi par les organes de la procréation (leur fils a 18 mois). Puis, entièrement nus, ils utilisent le cerceau comme l’écrin d’une intimité sans limite, fusionnant leurs corps par des figures et portées de nature circassienne. Jusqu’à la dernière rotation du cerceau avant sa chute, pour un final majestueux. LUDOVIC TOMAS

Embrase-moi a été joué du 2 au 5 avril au Théâtre du Gymnase, à Marseille

L’idole des jeunes

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nora Boëlle, co-directrice du Théâtre de Poche à Rennes, a écrit et mis en scène un spectacle pour adolescents à partir de sa propre expérience. Elle s’y livre avec toute l’intensité qui convient à ce passage ô combien important de la vie d’un être humain. D’un matériau en apparence futile -sa fascination pour le blond MacGyver, personnage bricoleur d’une série télévisée américaine, qui sait « colmater une fuite d’acide avec du chocolat noir et fabriquer un lance-roquette à partir d’un pot d’échappement »-, la comédienne bâtit un discours solide sur l’acceptation de soi. Elle a beau avoir grandi dans les années 1990, s’appuyer sur des références que le jeune public d’aujourd’hui ne connaît pas, il y a des émotions qui traversent les générations ! Les adolescents, dont Françoise Dolto disait qu’ils sont « comme le homard pendant la mue, sans carapace, confronté à tous les dangers et à la nécessité d’en “suinter” une autre », dressent facilement un parallèle avec leur propre tendance à idolâtrer stars ou acteurs, leur cruauté entre pairs, envers ceux qui ont

le malheur de n’être pas lisses, pour tenter de surmonter leurs propres doutes et leurs failles. Aussi quand Enora Boëlle raconte les posters de Johnny Depp collés sur les murs de sa chambre, ses premiers émois sexuels, et la scène finale de Thelma et Louise qui la faisait pleurer à chaque fois, ils frémissent, s’esclaffent, voire se tordent de rire. Les garçons sont bien un peu gênés lorsqu’elle évoque ses premières règles (ils sont même rouges comme des homards), mais les filles s’enthousiasment. À la fin de la représentation, une lycéenne s’empare du micro et lui dit « vous êtes drôlement courageuse de parler de vous comme ça en public ! » À quoi elle répond : « Je ne révèle que ce que je veux. Les éléments très intimes je les ai gardés pour moi ». Le jardin secret, encore un truc utile, à l’adolescence comme plus tard. Merci MacGyver ! GAËLLE CLOAREC

J’ai écrit une chanson pour MacGyver s’est joué les 29 et 30 mars au Théâtre Massalia, Marseille © X-D.R

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Foisonnement de savoir-faire

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ans la salle voûtée du Cinéma Miroir du Centre de la Vieille Charité, c’est un véritable déferlement de savoirs variés qu’offrait la dernière journée de séminaire dédiée à La geste technique. En ouverture, les jeunes Juliette Nier et Elisabetta Spaggiari, toutes deux issues de l’ENSAD, présentaient À propos de ce qui se passe, performance inspirée des rébus utilisés par les clercs de Picardie au XVe siècle. Un « outil permettant de raconter l’actualité, au-delà de la simple illustration », mêlant allègrement récit et théâtre d’objets. Les interventions suivantes, foisonnantes et habitées, étaient comme autant d’ouvertures sur le monde, de la part de chercheurs qui en ont fait leur sujet d’études. Caroline Darroux, en travaillant sur les cultures populaires dans le Morvan, révélait les « textes cachés » de populations identifiés (vieilles dames en marge, jeunes en réinsertion…), se référant aux théories

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de James C. Scott (La domination et les arts de la résistance). Yoann Moreau, volubile chercheur de l’École des Mines et dramaturge pour la Cie suisse Jours tranquilles, présentait le processus de ses recherches concernant l’impact des grandes catastrophes, menant à la mise en pratique d’une approche monumentaire (montrer plutôt que démontrer). Enfin, l’architecte Luca Merlini commentait les délicieuses vignettes de son Abécédaire Palermitain, revisitant le vocabulaire architectural par une mise en relation loufoque du texte et du dessin. Placée sous le signe du savoir pointu et joyeux, mêlant habilement la rigueur de la recherche à la ferveur contagieuse de l’art oratoire, cette journée a été imaginée par Frédéric Joulian, maître de conférences à l’EHESS, dans le cadre d’un partenariat instauré avec le Mucem depuis 2013. C’est avec le désir vertueux de réduire l’écart entre disciplines dites

savantes et populaires, mais aussi entre les techniques et savoir-faire, qu’il a créé deux séminaires, croisés cette année de manière exceptionnelle : Une autre façon de raconter et La geste technique. L’anthropologue vise à inventer des dispositifs permettant au chercheur d’être en lien avec la cité, comme à décloisonner des disciplines a priori étanches (dessin, BD, anthropologie…), pour impulser des modes de récits alternatifs. Une volonté à l’œuvre aussi durant ses 10 ans de rédaction en chef de l’excellente revue Techniques & Culture. Il tient désormais à pérenniser l’expérience de son séminaire au sein d’une collection éditorialisée, en cours d’élaboration. JULIE BORDENAVE

Une autre façon de raconter… la geste technique – Gestes, paroles et dessins, se tenait le 1er avril à la Vieille Charité, Marseille, dans le cadre de la programmation du Mucem

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26 critiques spectacles

Portraits avec corps

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e chorégraphe Michaël Phelippeau aime à nous plonger dans les singularités individuelles et à faire parler les corps au plateau. Avec les mots, mais surtout avec les gestes, la présence brute et la danse qui nous caractérise. Ses pièces

subliment le récit autobiographique, grâce à des passages esthétisants parfois longuets et démonstratifs, mais l’essentiel n’est pas là : la profonde humanité du

chorégraphe ouvre les vannes à l’expression d’individus qui n’ont habituellement pas droit au plateau. Juste Heddy (voir p9) est à cet égard exemplaire, découvrant à la fois un visage de Marseille que l’on soupçonne mais que l’on connaît mal, et une personnalité formidable, typiquement atypique. Footballeuses ne l’est pas moins. 10 femmes qui débarquent sur scène, s’échauffent, échangent des balles, exécutent des ballets balle au pied, et dribblent en rythme. Là encore certains passages manquent un peu de sens, mais les motivations de ces femmes, © Philippe Savoir très diverses, sont explicites : toutes refusent l’assignation masculine du foot, mais certaines jouent parce qu’elles sont fans, d’autres par fidélité aux pères, d’autres parce qu’il y

a de belles filles au club. Les corps, très différents, pointent cette diversité : de l’androgyne diaphane à la pin-up blonde en passant par la femme enceinte et l’entraîneuse callipyge, elles bouleversent nos attentes. Mais c’est surtout le solo qui conclut la pièce qui prend aux tripes. Bettina s’avance et exécute ces gestes de cygne des ballerines classiques, portés de bras, cou gracile et pied cambré, puis ses joues s’empourprent, les gestes du foot attaquent son corps qui se libère de ses chaînes... En trois minutes la violence de l’assignation des femmes à la prétendue féminité est balayée. À montrer dans toutes les écoles de danse. Et de foot ! AGNÈS FRESCHEL

Juste Heddy et Footballeuses ont été jouées au Théâtre du Merlan, Marseille, les 28 et 29 mars

Les sortilèges de Pernette

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elladonna de Nathalie Pernette est un beau spectacle pour enfants, un de ceux qui font doucement peur, avec ses sorcières, ses fumées, ses ongles longs qui menacent, ses pots à feu qui explosent, sa musique qui déstabilise, ses incantations et ses longs manteaux noirs qui glissent sur le sol. Les enfants adorent, parce qu’il s’agit de jouer à avoir peur, que les ongles sont en papier, que

© Michel Petit

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les livres qui s’enflamment et les vapeurs qui tourbillonnent s’étalent sur des écrans autour d’une petite fille en joie, que les grimaces et les incantations sont clownesques, et surtout que la complicité des trois femmes est tendre et non pas maléfique. C’est cette complicité qui fait le corps d’un spectacle où les sorcières sont celles des contes mais aussi, surtout, celles de notre histoire. Ces trois femmes sur scène, et cette petite fille à l’écran, sont des femmes puissantes et noires, seules, aux gestes emportés et étranges, décidés. Chacune de ces femmes incarne une peur enfantine, puisque les sorcières naissent de leurs fantasmes effrayants... La vieille, droite et triomphante, l’androgyne sèche au crâne rasé, la bella donna aux formes pleines, la petite fille et ses secrets... autant

de figures du maléfice, et de la liberté. Une liberté qu’il faut affirmer et reconstruire : sans insister, Pernette fait entendre le discours de l’Inquisition qui a brûlé les « sorcières », c’est-à-dire les guérisseuses, pour ôter aux femmes leur science du soin. Elle met en scène sa propre mère et sa propre tonsure, cheveux coupés aux ciseaux comme avant le bûcher, ou toutes les humiliations des femmes libres. Et si le spectacle finit par la plénitude exultante des trois interprètes sur Summertime, chacune porte en sa chair la difficulté d’être soi, à tous les âges, pour les femmes puissantes. AGNÈS FRESCHEL

Belladonna a été dansé au Théâtre du Merlan, Marseille, du 3 au 5 avril

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Apprendre à jouer Un vivier formidable d’apprentis comédiens existe, qui aime les textes, la création et la marionnette

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e programme était inédit et accrocheur à l’IMMS (Institut Méditerranéen des métiers du spectacle situé à la Friche), avec des textes de théâtre contemporains mis en espace par des élèves de l’Université Aix-Marseille (AMU) et ceux de 2e année de l’ERACM (Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille). Ces jeunes gens se frottent chaque année à des textes surprenants, choisis depuis maintenant 10 ans par un comité de lecture (AREC) qui réunit des étudiants et des professionnels du théâtre. Des textes sélectionnés parmi une multitude d’inédits.

équivoque qui les amènent à l’orgasme. Tout passe par le langage, détruisant les conventions sociales. Le sexe permet-il l’égalité ou reconstruit-il une autre domination ? Comme le dit la metteure en scène : « Arrive la question politique d’être ensemble. »

Comédie et conte

Autre texte encore plus délirant, Les chroniques de Peter Sanchidrián, de l’espagnol Jose Padilla. Avec sept autres comédiens de l’ensemble 27 et mis en espace par un ancien de l’ERACM, Ferdinand Barbet. La fin du monde est annoncée. Quelques personnes doivent embarquer dans un Lyrique et érotique vaisseau spatial pour sauver leurs vies en Trois groupes d’étudiantes de Master 2 quittant la terre, et les spectateurs font ont propos des mises en lecture d’ex- partie du voyage. Mais la machine se détraits de Poème bleu-Nikhol sous la sur- règle… S’ensuivent des séquences écheface de l’eau de Samaël Steiner, coor- velées qui se succèdent à grande vitesse et de façon loufoque ; impossible de suivre ces anecdotes invraisemblables où il est question de résurrection, de patte de singe empaillé qui permet d’exaucer trois vœux comme dans les contes, de clones… Le spectateur se laisse porter, on rit beaucoup et les acteurs sont épatants ! À Avignon le même ensemble 27 s’essayait à la marionnette, pour une « restitution d’atelier » Les chroniques de Peter San chidrián © Olivier Quéro données par Michel Cerda. Texte qui dont on espère qu’elle deviendra specévoque le chant des méduses, le sable tacle : le Cendrillon de Pommerat est et la couleur bleue avec lyrisme. Puis un bijou d’écriture et de compréhension sept comédiens de l’ERACM (ensemble subtile des enfants cabossés par le deuil. 27), dirigés par Nadia Vonderheyden, Sylvie Osman (Arketal) a appris aux ont joué un texte d’une grande violence comédiens à devenir manipulateurs, à érotique de Dimitris Dimitriádis (2007), partager le jeu, les personnages, à projeTon plus extrême désir. Jouant assis, ils ter les gestes sur ces corps de bois, maréussissent la performance de tenir le gnifiques, qui peuvent faire virevolter spectateur en haleine tout le long du leur tête mais n’ont pas parfois pas de spectacle. Dimitriàdis exprime les fan- jambes... La marâtre est odieuse à soutasmes de personnages issus de catégo- hait (à quand un conte qui donnera sa ries sociales différentes et emprisonnés, chance aux belles-mères ?), Cendrillon semble-t-il, par des révolutionnaires dont touchante, et la distanciation produite on entend les rumeurs à l’extérieur. En par l’animation des corps inanimés rend quête de jouissance, ce sont leurs mots naturelle cette projection dans l’étrange crus et les évocations de situations sans atemporalité du conte.

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© Cie Arketal

Leur avenir ?

La formation de ces jeunes gens à la lecture, au jeu, à la marionnette, est impressionnante. Mais dans un contexte de forte restriction des financements culturels, on s’inquiète pour eux : vontils pouvoir fonder des compagnies, intégrer un régime d’intermittence une fois de plus mis à mal, dénicher des contrats qui se raréfient ? C’est tout le paradoxe de cette école supérieure d’excellence. L’Ensemble 26, les troisièmes années, se produiront en avril en créant Lear d’Edward Bond. Ils continuent de tourner le magistral Il pourra toujours dire que c’est par amour du prophète créé au Festival d’Avignon l’an dernier. Ces jeunes comédiens, encore élèves, ont leur place sur les scènes. Qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra les payer ? CHRIS BOURGUE ET AGNÈS FRESCHEL

Ces spectacles ont été proposés du 28 au 30 mars à l’IMMS, Marseille, et les 2 et 3 avril à la Maison Jean Vilar, Avignon.

à venir Lear 17 au 19 avril IMMS, Marseille 04 95 04 95 78 eracm.fr

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28 critiques spectacles

L'ombre d'un doute à l’unanimité. Lorsque l’action commence, onze voix sur douze s’élèvent an faveur de la peine de mort. En un flamboyant huis clos de deux heures, les douze jurés vont discuter des preuves et de leur responsabilité face à une décision si grave, confronter leurs arguments. Les positions varient 12 hommes en colère © Laurencine Lot au gré des raisonnecrite en 1954, la pièce de Reginald ments et allégations de chacun. La pasRose, 12 hommes en colère, portée sion s’empare des personnages, tandis avec succès au cinéma en 1957 par que l’observation minutieuse des faits Sidney Lumet, n’a pas pris une ride. établis vient les contredire, les éclaire Mise en scène par Charles Tordjman différemment, et les voit se désagréger dans son adaptation française (Fran- peu à peu. Jeoffrey Bourdenet, Antoine cis Lombrail), l’œuvre narre les débats Courtray, Philippe Crubezy, Olivier d’un jury populaire composé de douze Cruveiller, Adel Djemaï, Christian membres, à propos du sort d’un jeune Drillaud, Claude Guedj, Roch Leibohomme accusé de parricide. La chaise vici, Pascal Ternisien, Bruno Putzulu, électrique attend le prévenu à l’issue de la Yves Lambretcht et Xavier De Guillediscussion si sa culpabilité est reconnue bon donnent chair avec une efficacité

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confondante à ces exemplaires balzaciens de la société : entraîneur de football, employé de banque, petit patron d’entreprise, courtier en bourse, chômeur, peintre en bâtiment, représentant de commerce, architecte, retraité, garagiste, horloger, rédacteur de publicité. Chaque individualité juge et s’exprime selon son histoire, son milieu social, ses origines. Tout est mené avec intelligence et acuité, dans une scénographie en épure où chaque comédien évolue sans jamais écraser les autres, le brillant des interprètes contamine les personnages en un époustouflant travail de composition. La profondeur de la discussion, de ses enjeux, mettent en évidence les ressorts d’un vrai débat où chacun écoute l’autre, réfléchit, avance des hypothèses, est capable de revenir sur son opinion première… Une leçon limpide de théâtre et de vie. Magistral ! MARYVONNE COLOMBANI

12 hommes en colère a été donné le 2 avril au Théâtre Toursky, Marseille

État d’urgence chorégraphique

Marseille Objectif Danse accueillait Boris Charmatz, invité du Mucem

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omme pour une rave party de la grande époque, c’est au dernier moment que le lieu du rassemblement est dévoilé. Intrigués, nous voilà place des Horizons, entre deux sombres étages de ce qui pourrait être un parking aérien. Cet horizon est celui de la Belle de Mai, dans un arrondissement délaissé au point d’être le plus pauvre de France. Des porteurs de lumière impassibles se positionnent. Les projecteurs s’allument. Six danseurs dont quatre hommes fendent l’attroupement. Les corps font parfois plus que se frôler. Des mouvements désarticulés et des déplacements vifs, comme improvisés, créent un climat urbain peu serein. Et des mots, beaucoup de mots. Des textes du performeur britannique Tim Etchells, du sculpteur et vidéaste nord-américain Bruce Nauman, ou encore du poète marseillais Christophe Tarkos. Tous artistes provocateurs,

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critiques, subversifs. Il y aussi ces paroles familières, au souvenir glaçant : le récit encore bouleversé de Patrick Pelloux le lendemain de l’attentat à Charlie Hebdo. La danse face à la barbarie. Imitant le pas des soldats, arme imaginaire à la main, le commando de danseurs jette des regards froids avant d’intimer au public de bouger. Dans un monde en © Boris Brussey proie au chaos, l’urgence est à se mouvoir. Peu importe la direction que l’on prend, ne pas rester sur place, ne pas se figer dans la peur. Car être immobile, c’est mourir un peu. Même trembler est un signe de vie. Un peu plus tard, enchevêtrés sur le sol, formant un gang sensuel aux gestes lascifs, ils récitent Dans ma benz de NTM, comme une prière. La danse, comme l’art de

caricature, l’écriture ou encore le rap sont des outils de résistance, des chemins vers la liberté, des leviers de l’émancipation, face à la violence obscurantiste. Du mouvement des corps mais aussi des esprits viendra le salut. LUDOVIC TOMAS

Danse de nuit a été joué les 27 et 28 mars à la Friche la Belle de Mai, à Marseille

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Cirque génétiquement modifié

CHAIRE AVERROÈS CYCLE DE CONFÉRENCES PUBLIQUES

L’Islam face aux défis des temps modernes

Lieux publics accueillait The Baïna(na) du collectif G. Bistaki

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splanade de la cathédrale de la Major, à quelques mètres de la Méditerranée. Quatre hommes en costume blanc, un transpalette, quelques pelles à neige et du maïs qui coule à flot. Le décor de The Baïna(na) est planté. Pendant près d’une heure, Florent Bergal, Sylvain Cousin, Jive Faury et François Juliot se lancent dans une fresque agrico-sociale, absurde et poétique, dans laquelle alternent rivalité et com© Erik Damiano plicité, sans temps mort. Se qualifiant de « cirque chorégraphique d’investigation », le collectif G. Bistaki se démarque dans le paysage des arts de la rue par un langage à la croisée de la danse, du théâtre gestuel, du mime, du jonglage. La musique accompagne toute la pièce. Des chansons populaires aussi bien que du classique ou du traditionnel indien remixé. Tour à tour danseurs de tango queer, de ballet ou de menuet, ils voyagent d’époque en esthétique, en creusant la relation entre corps, objet et espace. Légers comme des acteurs de film d’arts martiaux, ils se livrent à des combats de pelles pas toujours à fleurets mouchetés. Et puis, il y a ce maïs partout, sur le sol, dans des sacs, dans leurs poches. Une denrée qui semble être le nerf de la guerre de leur drôle de monde. Malgré des airs souvent sévères, le quartet de chantier n’oublie pas pour autant de ne pas se prendre au sérieux. Sur un air de cumbia, ils versent les grains dans leur chemise comme pour gonfler leur panse et se trémoussent un saut sur la tête. Ensuite, les céréales sont versées dans un sachet en plastique noir qu’ils écrasent sur leur tête. Des coiffes aux formes différentes apparaissent et laissent l’imagination de chacun reconnaître des personnages : Elvis, Aladin, Napoléon, une geisha. Leur panse éventrée, les bonshommes se vident avant de s’étaler. Les grains de maïs se ramassent à la pelle, les gags et les références à la mémoire collective aussi. LUDOVIC TOMAS

Jeudi 25 avril 2019 - 18h-20h :

Conversion, violence et tolérance. Approche comparée entre l’Islam et le christianisme. Par Yadh Ben Achour, premier titulaire de la chaire Averroès (IMéRA/A*MIDEX-AMU), ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques de Tunis, membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Ouvert à tous, sans réservation. A l’IMéRA (AMU), 2 place Le Verrier, 13004 Marseille - https://imera.univ-amu.fr

The Baïna(na) a été joué le 6 avril, esplanade de la Major, à Marseille

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30 critiques spectacles

Radicalement théâtral

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icole Genovese avait séduit le Bois de l’Aune avec son précédent spectacle, Ciel ! mon placard. Avec Hélas, titre provocateur s’il en est, elle poursuit son exploration des codes de représentation en les passant à la moulinette de l’absurde dans un exercice de style à la Queneau. La répétition de la première même scène semble vouloir nous renvoyer d’abord à un scénario proche du film de Harold Ramis, Un jour sans fin. Une famille s’installe à table, en regardant Des chiffres et des lettres à la télé, au cœur du décor aussi stéréotypé que les vêtements des protagonistes avec ses couleurs de catalogue d’ameublement. On installe la nappe, on met le couvert, le fils se dispute avec sa sœur, n’aime pas le plat du jour, demande un œuf. Haricots, purée, blettes, veau, îles flottantes… instaurent de micro-variantes dans cette mécanique répétitive. Reprise ad libitum, la scène prend les allures comiques de la chute attendue, jusqu’à l’interruption intempestive d’une élue (la dramaturge elle-même) qui, face à un micro placé sur le côté de l’installation

scénique, se livre à une séance hallucinante de remerciements interminables, en usant de tous les poncifs des instructions officielles, entre action culturelle, irrigation du territoire, ateliers de restitution, outils pédagogiques, actions de sensibilisation… : un grand moment de théâtre ! La question se pose par ailleurs : comment devenir acteur ? S’agit-il de « dire des phrases dans le bon ordre » ? Les comédiens dérangés par cet intermède © Charlotte Fabre se trompent, disent leurs répliques en désordre, la partition se désorganise, les objets s’amoncellent, tandis que le feuilleton Plus belle la vie est considéré comme un « outil d’émancipation citoyenne par excellence »… En une superbe entreprise de destruction la machine théâtrale s’emballe, se dérègle, se délite, jubilatoire, avant le démontage minutieux du décor, long temps qui laisse le public perplexe devant ce

spectacle dadaïste qui met en évidence les illusions d’un monde où tout ne serait que théâtre. Décapant ! MARYVONNE COLOMBANI

Hélas a été joué les 2 & 3 avril au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

Enfances croisées

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a dramaturge Sabine Tamisier of- met en miroir la jeunesse insouciante frait la lecture intégrale de sa pièce vécue dans un pays en paix et celles que Los Niños à la Bibliothèque Universi- l’exode et les guerres bouleversent : Jataire des Fenouillères, dans le cadre d’une nis a treize ans, est survoltée contre ses première collaboration entre cette insti- parents, médecins humanitaires, qui tution et le théâtre Vitez l’envoient, alors qu’ils (assortie d’ateliers d’écridevaient partir en vacances ensemble, à la ture). « Au départ, en 2003, sourit l’auteure, je souhaicampagne en Provence tais écrire un portrait pour chez sa grand-tante Didi chaque enfant du livre Les et son grand-oncle Lolo, enfants de l’exode de Secar ils ont été appelés en bastião Salgado (un oudernière minute pour vrage qui rassemble une une mission d’urgence série de clichés d’enfants, à l’étranger. La colère de quatre-vingt-dix portraits la jeune fille va trouver en noir et blanc pris dans un apaisement grâce à des camps et lieux de rela douceur et la joie de fuges), rendre une parole vivre de l’ancien DJ touCamp de Kamaz pour les Afghans possible à chacun. J’ai écrit Illustration jours dans ses platines déplacés, Mazar-e Sharif, Afghanistan, 1996 finalement soixante-trois © Sebastião Salgado et de l’écrivaine (double portraits en 2010. Sept font partie de la de l’auteure) qui s’attache à l’écriture de pièce. Mais j’ai donné un nom à chacun portraits d’enfants (saisis par l’objectif d’entre eux… ». La construction générale de Salgado), que Janis découvre et lit

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avidement, et comprend enfin l’action de ses parents. En quelques jours Janis change, s’accorde au monde et aux êtres, se réconcilie avec elle-même… les scènes finement ciselées ont un air de vérité troublant, soulignées par des didascalies qui tracent cadre et atmosphère par touches impressionnistes d’une délicate poésie. Les portraits sont menés sous la forme de dialogues qui, en quelques répliques, brossent situation historique, politique et histoire personnelle. Le tout est porté avec intelligence et expressivité par la voix de la lectrice. M. C.

Lecture donnée le 27 mars à la BU des Fenouillères, Aix-en-Provence

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Quand le théâtre libère au conditionnel

© Alejandro Guerrero

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ans Edmond, en 2016, Alexis Michalik racontait la difficile création de la pièce Cyrano de Bergerac par son illustre auteur. Cinq Molières plus tard (dont ceux de l’auteur francophone vivant et du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé), le trentenaire poursuit son exploration de l’emprise du théâtre dans le quotidien et l’intime. Intra muros démarre comme une comédie lourdaude sur la pratique artistique dans le milieu carcéral. Richard (Paul Jeanson), metteur en scène dépassé, et Jeanne (Jeanne Arènes), son actrice

fétiche et ex-compagne, débarquent, accompagnés d’Alice (Sophie de Fürst), une jeune assistante sociale, en maison centrale pour donner leur premier atelier de théâtre. Seuls deux détenus ont répondu à la proposition : Kevin (Fayçal Safi), braqueur impulsif et entreprenant, et Ange (Bernard Blancan), militant nationaliste corse réfractaire et mutique. Devant la complexité à leur faire jouer des personnages, le metteur en scène les convainc d’interpréter des épisodes de leur propre vie. Au fil du livret, Michalik tisse une intrigue passionnante dont on perd parfois le fil mais qu’importe. Les drames individuels s’entrecroisent à la manière d’un film choral et révèlent l’humanité faillible des protagonistes, prisonniers ou non. Quand le théâtre prend le pas sur la réalité, aurait-il la capacité de réinventer les destinées ? Malgré une histoire alambiquée, le réalisme du récit et la justesse des actrices et acteurs donnent à la pièce une crédibilité confondante. Et si l’on n’est

pas dans le théâtre d’art selon les critères convenus, l’inventivité de l’auteur renforcée par l’efficacité de la mise en scène font d’Intra muros une œuvre à la profondeur réelle et une réflexion sur la portée imaginaire du théâtre. LUDOVIC TOMAS

Intra muros a été joué le 5 avril à la Salle Emilien Ventre, Rousset, le 6 au Théâtre Jacques Cœur, Lattes, le 7 au Théâtre de Pézenas

à venir 25 avril La Chaudronnerie, La Ciotat 09 70 25 22 12 lachaudronnerie-laciotat.com 27 avril Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

La réalité existe

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a aurait pu être un film, c’est devenu une pièce de théâtre. Au départ il y a les témoignages issus de la pièce d’Ivan Viripaev, Ovni, collectés auprès de personnes affirmant être entrées en contact avec une forme de vie extraterrestre. Le dramaturge et réalisateur russe voulait en faire un film, qui n’a jamais vu le jour faute de production. C’est ce matériau qu’a retravaillé Jérôme Game, auteur, performeur et poète, à la demande du Collectif Ildi ! Eldi. Evacuons d’emblée les questions sous-jacentes « tout cela leur est-il vraiment arrivé ? », « Ivan Viripaev a-t-il vraiment rencontré ces témoins ? », elles importent peu. Le texte-scénario se pose ailleurs, sur un besoin de croire et de penser qu’il y a autre chose ailleurs, pour apaiser le doute existentiel, et fait de ces « rencontres » inexplicables le prolongement du mythe ancien et persistant qu’est l’ovni. Sur scène c’est bien un film sans images qui se tourne et se joue, sur un plateau sombre encombré de fils, de projecteurs, et d’un bric-à-brac qui servira tout au long des différentes prises de parole. Sophie Cattani, Alexandra Castellon, Grégoire Monsaingeon et Michaël Pas (Antoine Oppenheim était absent ce soir-là) se succèdent pour raconter le « contact » et ce qu’il a provoqué chez eux. Une jeune Australienne, un Russe vivant à Hong Kong, un coursier américain, des vies somme toute banales visitées inopinément, et irrémédiablement transformées. Avec une constante : un bien-être jamais vécu auparavant. Autour des personnages s’affaire l’équipe de tournage, sans caméra mais avec lumières et éléments de décor bricolés. C’est de ces évocations que naissent des images, chaque spectateur se faisant « son film », prenant dans le long silence qui suit l’une des affirmations assénées lors du dernier témoignage, « la réalité existe », le temps de souffler un peu. Et de se transporter, avec les comédiens tout sourire, dans l’engin qui les aspire finalement, vers un ailleurs qu’on espère tous meilleur. DOMINIQUE MARÇON

Ovni(s) a été donné le 29 mars au Théâtre d’Arles

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32 critiques

spectacles

Et hop en scène !

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anser Casa, chorégraphie signée par Kader Attou et Mourad Merzouki, met en scène huit danseurs (sept garçons, une fille) pour une danse fon-

© Michel Cavalca

datrice à la fois d’un art et d’une véritable troupe. Baignés dans l’ombre, des corps des danseurs n’apparaissent que les pieds et les jambes, qui rythment la frise lumineuse de ce focus scénique,

enseignent aux regards ce qui est essentiel dans les techniques propres au hip-hop, mêlées aux sauts, pas croisés, voltes, immobilités impatientes et orteils qui pianotent, inspirations slave, orientale, vives et aériennes… Puis le cadre se dévoile, coussins colorés côté cour, intimité de lampes ornementales. Tout baigne dans une lumière que ne renierait pas un Delacroix. L’énergie de la danse embrase la scène, portée avec un talent sûr par les jeunes interprètes, qui nouent dans un même élan leurs spécialités, popping, locking, parkour, new style, mais aussi acrobatie, cirque, et flirtent avec la danse contemporaine. La chorégraphie s’orchestre entre ensembles magnifiquement réglés et battles au cours desquelles sont magnifiées les prouesses athlétiques de chacun. Les corps exultent, bondissent, remodèlent l’espace, se conjuguent, s’affrontent en joutes où le défi s’adresse autant à l’autre qu’à soi-même. Un jeu s’instaure entre

l’horizon d’attente d’un spectacle de hiphop et la volonté de dépasser les visions simplistes et simplificatrices qui s’attachent au genre. La veine se creuse, se redéfinit. Les bases souvent autodidactes fondent une esthétique traversée d’élans vivifiants. Chacun devient le miroir de l’autre, l’aune qui lui accorde sa valeur. C’est l’assemblée des danseurs devenus spectateurs qui jauge et légitime les évolutions de celui qui s’élance seul dans le cercle. L’exercice solitaire où le geste s’affine est ici collectif. La conscience de soi passe par l’autre, la reconnaissance des pairs, avant celle, enthousiaste, d’un public conquis. La danse est ici plus que jamais un bonheur communicatif. MARYVONNE COLOMBANI

Danser Casa a été présenté le 26 mars à la Salle Guy Obino, Vitrolles

Dire presque tout avec Quasi niente

U

n monument du cinéma sur un plateau. Si on est loin d’une adaptation théâtrale du film Le Désert rouge d’Antonioni (1964), le Quasi niente du duo italien Daria Deflorian et Antonio Tagliarini en est largement inspiré, et le personnage de Giuliana (interprété par Monica Vitti dans l’œuvre originale) est bien l’âme de cette pièce fondée sur ce qui pourrait être un archétype de la dépression. « Je n’y arrive pas », murmure Monica Piseddu, corps maigre et sec, regard perdu, recélant pourtant une incandescence filtrant d’on ne sait où, mais bien là, imposante. « Retournez-vous ! », intime-t-elle au public ; pour tenter de mieux pouvoir exprimer son incapacité à vivre. Touchante ; et drôle, malgré tout. Suivront Daria Deflorian et Francesca Cuttica, autres incarnations de Giuliana. Autres physiques, autres âges, mais même difficulté avec la réalité et

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la marche du monde. La scène est dépouillée, comme l’intrigue. Élégance du jeu, du verbe, de l’espace. Tout est à la fois fin et profond. On se laisse porter par les mots incisifs : « Simule © Claudia Pajewski une crise d’épilepsie, ça t’épuisera, et tu n’auras plus qu’à t’écrouler », se dit le personnage de Corrado (Antonio Tagliarini, l’amant, « la cinquantaine qui veut paraître sympa »), qui ne sait plus comment canaliser son mal-être. « Je passe mon temps à m’interrompre », confie encore l’une des trois Giuliana. Le « Presque rien », dès le début, tend à signifier quelque chose d’au contraire éminemment important : les soubresauts de vie, qui surnagent dans l’infinie vacuité du paraître, échappant à une pseudo normalité étouffante. Chaque mot alors, le moindre geste, acquièrent

un poids qui fait du bien, qui ancrent ce micro-moment intime dans nos déserts intérieurs. Udo, le mari (Benno Steinegger, « celui qui aurait le plus plu à Antonioni »), attrape l’un rares éléments du décor, un fauteuil trouvé dans la rue, et se lance dans une danse éperdue avec le siège rouge. Parfois, les meubles ont plus d’existence que les corps. ANNA ZISMAN

Quasi Niente a été joué au Théâtre de la Vignette à Montpellier, les 26 & 27 mars

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critiques

musiques 33

Aux origines de l’électro

P

arce que la musique électro est aujourd’hui un incontournable des dance floors, mais que ses origines sont parfois injustement méconnues, les trois conférenciers du GRAMI (Groupe de Recherches et d’Analyse de la Musique et des Instruments) se font fort d’en présenter les fondateurs, grandes évolutions et inventions marquantes. Sous la blouse

© 1 Montreur d'ours

blanche, Daniel, Matthias et Gustave, de la Cie 1 montreur d’ours campent des rôles pas si éloignés de leur vraie vie de musiciens chercheurs, sans doute juste un brin plus farfelus, gaffeurs, voire empotés en public. Accueilli par un écran arborant une mire, le spectateur plonge d’abord dans les sous-sols de l’ORTF, avec Pierre Schaeffer. L’histoire se décline ensuite avec Bob Moog, l’inventeur du synthé modulaire, Don Buchla, qui en popularisa la fabrique, mais aussi les Sparks, Giorgio Moroder ou encore Kraftwerk, sans oublier d’étonnantes initiatives telles que Soothing sounds for baby, composé dans les années 60 par Raymond Scott pour endormir les bébés… Point d’orgue : la mise en action du thérémine, ce majestueux instrument électromagnétique datant des années 20, « le seul instrument à se jouer sans contact direct avec le corps de l’instrumentiste ». Un concert conférence stimulant,

donnant à voir et à entendre, truffé d’infos et de blagues anachroniques (ah, le selfie de Bach !), qui parfois auront échappé aux plus jeunes. Précisons que le spectacle, ici présenté au jeune public à l’occasion de la première édition de l’ambitieux festival Tous en sons !, dispose aussi d’une version plus longue pour les adultes. Mais expliquer manuellement le principe de la boucle samplée, ou encore expérimenter comment, sur une simple modulation de la vitesse de la bande, un son de tracteur peut évoquer une tondeuse ou un moteur de bateau, prenait toute sa saveur devant les jeunes générations, pour lesquelles le magnétophone relève déjà de l’archéologie ! JULIE BORDENAVE

L’histoire probable de la musique électronique se jouait les 28 et 29 mars au Théâtre du Gymnase, Marseille, dans le cadre du festival Tous en sons !

Voyageuse tout terrain Ottilie [B] explore les musiques du monde en les frottant au sien

Q

uand Ottilie [B] annonce un concert en solo, elle n’est jamais vraiment seule. D’abord parce que son « looper » (console à pédales qui permet d’enregistrer et de diffuser des sons en boucle) multiplie les accompagnements et l’écho de sa voix. Ensuite parce qu’elle convoque à leur insu quelques artistes ayant participé à l’aventure de son deuxième album, Passage. Denis Péan de Lo’Jo, Ibrahim ag Alhabib de Tinariwen ou encore la Réunionnaise Christine Salem, les invités invisibles mais sonores d’Ottilie [B] donnent une idée de sa palette musicale, de sa gourmandise expérimentale à travers les voyages et les rencontres et, par-dessus tout, de son aptitude à transcender les genres. Côté instruments, la jeune femme ne sait pas que manipuler des machines, elle a aussi un penchant pour les modèles traditionnels. Ici un kayamb, ce hochet en forme de radeau miniature qui fait l’âme du maloya ; là un tambourin à peau et à poils qui pose une touche tribale dans

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son œuvre. Tout autant influencée par la chanson française, l’auteure-compositrice-interprète sait également transmettre la finesse de ses textes, avec la simplicité d’une guitare sèche à la main. Quand elle n’a pas une guimbarde dans la bouche, son déploiement vocal est lui aussi sans frontières. À l’instar d’une Camille, elle s’inscrit dans cette la lignée d’artistes femmes qui donnent un nouveau souffle à la chanson francophone par la performance vocale basée sur la musicalité et le rythme. Elle peut pratiquer le chant diphonique d’inspiration mongole et flirter avec le jazz, la folk et le slam. On comprend mieux le titre de son album tant elle passe d’une sonorité et d’une couleur à l’autre. À moins que ce soit pour cette légère obsession à évoquer la mort. LUDOVIC TOMAS

Ottilie[B] s’est produite le 4 avril hors-les-murs de l’Éolienne, à la Maison du Chant, à Marseille

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34 critiques

musiques

Alchimie jazzée

A

utour du pianiste Paul Lay, Isabel Sörling (voix) et Simon Tailleu (contrebasse), forment un trio de haute volée, qui offrait au public subjugué du Comoedia un concert au cours duquel se croisaient des pièces issues du CD Alcazar Memories et des extraits du nouveau répertoire, qui seront enregistrés dans quelques mois. Le temps d’un concert permet d’arpenter l’histoire du jazz, en la revisitant par de subtiles compositions. Variations inspirées, décalages, frottements, instaurent climats

aériens et poétiques, entre phrasés déliés et contrepoints élégants. La contrebasse use de toutes ses formes de jeu, archet, cordes pincées, frappées, frottées, percussive (jusqu’à donner l’impression de faire des claquettes) et mélodique. La voix de la © Jean-Baptiste Millot chanteuse suédoise, compositrice et improvisatrice, sait se glisser dans les volutes des partitions, frêle par moments, puissante, éthérée, rauque, et se love au creux d’un blues, swingue puis devient lyrique, que ce soit pour Deep rivers ou un chant d’amour du temps de la guerre civile américaine, puis se fait rêveuse avant d’entonner avec de superbes graves I got life de Nina Simone. Le piano s’emporte en improvisations enflammées, aborde tous les registres avec fluidité, arpente le clavier en voltes virtuoses, décline les notes d’un ragtime

de Scott Joplin sur lequel se tissent de multiples développements, se pare de frémissements sur le rythme ostinato de la contrebasse, dialogue avec la voix, laisse éclore des silences… Une esthétique de la surprise domine, fuyant les chemins convenus, s’empare de la musique populaire, lui accorde de nouveaux étonnements, célèbre un art de vivre foisonnant où les états d’âme trouvent leur plus juste expressions. À la mélodie de Blue Roses répond un Adieu Venise provençale de Vincent Scotto (clin d’œil aux origines du contrebassiste), un écho de Gershwin ou des compositions personnelles de Paul Lay… Au public enthousiaste trois bis seront généreusement concédés. MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 27 mars au théâtre Comoedia, Aubagne

Surplombantes Noces

V

incent Boussard est un habitué de Mozart, qu’il a abordé à plusieurs reprises : Le Nozze di Figaro a déjà été mis en scène par ses soins au Festival d’Aix en 2007, les deux autres opus de la trilogie Da Ponte ont également fait l’objet de productions successives. Si bien qu’on retrouve ici les enjeux souvent prêtés davantage à Cosi Fan Tutte : le théâtre comme laboratoire des relations humaines et amoureuses, la duperie et l’assujettissement en toile de fond. L’action se déroule ainsi dans un bassin expérimental, sous le regard surplombant de passantes sur scène. La sauce peine à prendre dans ce cadre un peu sec et éloigné des questions propres au texte de Beaumarchais : le dispositif de théâtre dans le théâtre avantage par endroits les voix mais restreint le jeu d’acteur des chanteurs, pourtant primordial dans le registre buffa. Les allées et venues qui font naître l’action et le comique sont

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ici comme aplanies, et les jeux de transparence des décors de Vincent Lemaire et des lumières de Bertrand Couderc enferment plus qu’ils ne font deviner les protagonistes. Les noces de Figaro © Christian Dresse Un sentiment de rendez-vous manqué et la Susanna d’Anne-Catherine Gillet que la petite forme de la pourtant grande ne manque ni d’agilité ni de substance. Patrizia Ciofi, habituée au rôle de Su- En fosse, l’orchestre déploie de belles sanna et ici Rosina pour la première fois, couleurs sous la direction de Mark Shan’adoucit guère. Si la technique, la beauté nahan. Si l’alchimie entre les persondes intentions et le courage évidents ras- nages semble par endroits absente de la semblés par la soprano impressionnent, scène, le liant, la virtuosité et l’efficacité l’enrouement se fait malheureusement des polyphonies exponentielles crée le souvent entendre. D’autant que le reste théâtre sans peine. SUZANNE CANESSA de la distribution s’impose avec force : le Comte de Christian Federici ne fait qu’une bouchée de ses airs, Antoinette Dennefeld est un Cherubino parfait, la Barbarina de Jennifer Courcier révèle Les Noces de Figaro a été donné du 24 une voix et une présences prometteuses mars au 3 avril à l’Opéra de Marseille

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au programme spectacles bouches-du-rhône 35

Écrire Carmen Texte et mise en scène signés Cécile Falcon pour cette Carmen plus parlée que chantée, débarrassée de tout folklore hispanisant. Un personnage du texte de Mérimée y refait surface : un archéologue, confident de Don José, amoureux lui aussi de la belle bohémienne… Séduction, amour et mort sont toujours au programme !

Douce-Amère

© DR

Création marquante du Festival d’Avignon 2017, une saga sentimentale et historique entre le Vietnam en 1956 et la France en 1996, façon Wong Kar-Wai. Un fresque romanesque, intime et sensible, imaginée par Caroline Guiela Nguyen et sa Cie Les Hommes approximatifs, où les morts et les vivants se côtoient, à travers l’histoire et la géographie, dans le restaurant vietnamien de Marie-Antoinette.

© Marcel Hartmann

© Jean-Louis Fernandez

Saïgon

3 mai La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Première pièce écrite puis montée par Jean Poiret en 1970, Douce-Amère est un vaudeville subtil, revisité aujourd’hui par Michel Fau, qui se noue autour d’un couple bourgeois à la dérive, empêtré dans ses pulsions et ses contradictions. Moderne et sophistiqué, un texte qui vise toujours aussi juste, 50 ans après ! 24 au 28 avril Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Lectures d’Amérique Latine

Marie Christine Barrault © DR

25 au 27 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Il existe des centaines de versions du Petit Chaperon Rouge. Dans ce spectacle, Aurélie Loiseau s’inspire des trois qu’a recueillies Italo Calvino, en y ajoutant des jeux plastiques et symboliques autour des nombreuses nuances du rouge. Un Théâtre de Conte sur « l’initiation, la féminité, l’être, le devenir et la ruse des plus petits ». À partir de 3 ans. 27 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

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Second rendez-vous au Toursky d’un cycle de lecture qui en comptera 4, imaginé à l’initiative du Consul du Pérou à Marseille, Michel Dossetto, en complicité avec Richard Martin. La comédienne Marie-Christine Barrault a choisi d’y lire L’amour au temps du choléra très célèbre roman du colombien Gabriel Garcia Marquez, père du « réalisme magique », prix Nobel de littérature en 1982. 27 avril Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

© Julien Piffaut

© DR

Il pleut des coquelicots

L’autre fille

Texte intime d’Annie Ernaux, à propos de sa sœur aînée, décédée deux ans avant sa naissance. Une mort qui a interrogé de façon troublante sa propre existence. Et qui a résonné avec l’histoire familiale enfouie de l’actrice Marianne Basler, fascinée par ce texte. Après l’avoir lu en public plusieurs fois, elle a décidé de le mettre en scène, et de le jouer, avec la complicité de Jean-Philippe Puymartin. 24 au 28 avril Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

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Mirages Les Lucioles sont un groupe de jeunes gens, surtout syriens, mais aussi algériens, irakiens, marocains, soudanais, arrivés à Marseille il y a peu. Ils ont découvert le théâtre, la danse, le chant dans les ateliers du Théâtre de la Mer, et s’en saisissent pour faire entendre leur parole singulière. Après les étapes de travail présentées en décembre et février dernier, nouvelle présentation de l’évolution du projet.

© Agnès Mellon

Passion simple

25 au 26 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

25 et 26 avril L’R de la Mer, Marseille 04 86 95 35 94 letheatredelamer.fr

Millefeuille

24 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Urgence-s

Comme crâne... / 40 000 centimetri...

© Benoit Thibaut

Un projet de Coraline Claude, qui s’écrit au plateau, en compagnie de 4 acteurs et d’une question : quelle est ton urgence profonde ? Une proposition en légère anticipation, dans laquelle un lieu partagé en retrait du monde questionne la réalité, les forces de la poésie et de l’imaginaire, face à l’anxiété générale. Une étape de travail présentée à l’issue d’une résidence de deux semaines. 30 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Millefeuille, c’est la rencontre entre des lycéens et le cirque. Dans une salle de classe, un artiste parle de son métier. Texte et chorégraphie s’entremêlent, se superposent, se font écho, s’additionnent et finissent par dévoiler un récit théâtral intime, qui amène les spectateurs à entendre une poésie du langage et du corps. Une proposition du Merlan, avec Jean-Baptiste André de la Cie l’Association W, d’après un texte d’Eddy Pallaro. 23 au 26 avril Dans des classes de lycée, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

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Émilie Charriot complète, avec Passion simple, une trilogie consacrée à la sexualité confrontée à l’affect, à la culture et aux enjeux politiques. Ce court roman d’Annie Ernaux rapporte un an de sa vie durant lequel elle s’abandonna à une relation avec un homme marié, organisant son existence intime, sociale et professionnelle autour de leurs rares et furtives rencontres. Elle détaille ce que le désir, l’attente et la passion bouleversent.

Dans Comme crâne, comme culte, de Christian Rizzo, le circassien Jean-Baptiste André apparaît en motard masqué qui déplie sobrement sa gestuelle précise et découpée dans un environnement suspendu. Puis avec 40 000 centimetri quadrati, Claudia Catarzi, jeune chorégraphe italienne, s’impose un solo dans 4 m2. Le corps redéfinit son propre espace et se découvre étonnamment flexible, toujours capable de se relever et d’évoluer.

© Stefano Bianchi

Ils et elles sont neuf sur scène, acteurs et actrices qui décident, devant l’état catastrophique du monde, d’arrêter le spectacle, et d’organiser la révolution. Idées secouées, mots agités, chansons et slogans, un tumulte naïf et profond, drôle et sombre, électrique. Écrit et mis en scène par deux femmes, depuis Montpellier : Marion Aubert et Marion Guerrero.

© La Luciole

© Sonia Barcet

Tumultes

Comme crâne, comme culte / 40 000 centimetri quadrati 26 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

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au programme spectacles bouches-du-rhône var alpes-maritimes 37

Attentifs, ensemble

Le poids d’un fantôme

Le Théâtre Massalia invite Damien Bouvet de la Cie Voix Off pour le spectacle Le poids d’un fantôme. Un poème de chair et de papier, une succession d’apparitions-disparitions de personnages à la fois aimables et monstrueux, un enchevêtrement de silhouettes opaques ou translucides. Êtres perdus, situations vécues, mots entendus par ci par là, sont les noyaux de ces constructions intimes.

Emmanuel Perrodin est l’invité des Simples Conférences, une série de conférences pour jeune public initié par la Cie Lanicolacheur de Xavier Marchand. S’il vit à Marseille, ce chef nomade sans cuisine attitrée balade ses casseroles de musées en festivals, de repas caritatifs en happenings. C’est dans cette liberté qu’il trouve l’inspiration pour créer des moments singuliers qui mêlent gastronomie et art de vivre.

© Ici Même

© Philippe Cibille

Simples conférences

Chroniques du devenir urbain, les performances du groupe Ici-Même interrogent la place de la ville dans l’homme… ou l’inverse. Avec sa création 2019, Attentifs, ensemble, il propose une plongée dans le monde des invisibles. Consigne omniprésente dans les lieux publics, que cache vraiment cette injonction ? Car les dangers, les gens, sont là parmi nous, silhouettes anonymes, presque invisibles tant elles sont familières. Saurez-vous les discerner ?

4 mai Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com 18 mai Café du Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

26 & 27 avril Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

25 & 26 avril Lieux Publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

Lilelalolu

Grand Ensemble

© Pierre Ricci

Dans Lilelalolu, avec ou sans nez rouge, seul en scène, Damien Bouvet parcourt les terrains de jeux de l’enfance et leurs parts d’ombres, de rêves, de rires, de peurs, d’effrois parfois nécessaires. Un maître de cérémonie, étonnant, voire inquiétant, nous entraîne dans son monde de livres en jeu, de personnages en mouvement. Un bel hommage sans concession à tous les livres qui font corps avec le lecteur.

Pierre Sauvageot fait dialoguer immeuble et orchestre symphonique. Sur les balcons va prendre place une cinquantaine de musiciens. Le public est installé devant le bâtiment transformé en parterre d’opéra. Les deux protagonistes sont présents, l’immeuble avec ses habitants et ses rumeurs du quotidien, l’orchestre avec ses codes et son histoire. Le dialogue peut commencer.

© Philippe Cibille

28 au 30 avril Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

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Si le vivre ensemble constitue l’axe thématique de My (petit) Pogo, le chorégraphe Fabrice Ramalingom invite à découvrir les rouages de l’atelier ainsi que le façonnage d’une œuvre, jusqu’à la voir advenir. Une conférence illustrée cède progressivement la place au spectacle, délivrant ses informations sur le glissement de l’idée initiale à la matière chorégraphique, et sur les outils inventés pour la composer. 23 & 25 avril Klap Maison pour la danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr

© Adrien Bargin

My (petit) Pogo

5 mai, Martigues 12 mai, Marseille, dans le cadre du festival Les Musiques, avec l’Orchestre régional Avignon Provence 25 juin, Théâtre Liberté, Toulon, avec l’Opéra de Toulon 28 septembre, Cannes, avec l’Orchestre de Cannes 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

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Dans ma forêt

© Thomas Bohl

2014 : le dessinateur Alfred reçoit un Fauve d’Or lors du festival international de BD d’Angoulême, pour son ouvrage Come prima. Immédiatement séduits par cette histoire de deux frères brutalement séparés dans l’Italie des années 1930, les membres du groupe Splendor in the Grass décident de la mettre en musique, et de s’associer avec un vidéaste, Benjamin Lacquement, qui projette images et textes de ce BD-concert sur écran.

Le Lauréat

© Jeep Stey

Jach Wortemann © Roland Clede

Come prima

Après avoir chanté les quatre saisons pour les tout-petits, les artistes de la Cie Okkio poursuivent leur exploration de la nature. Ils invitent les enfants -à partir de 18 moisà pénétrer en forêt, cet espace mystérieux et méditatif, auquel leur théâtre d'ombres donne son plein relief. Isabelle Lega, à l’écriture, au jeu et au chant, est accompagnée sur scène par Claire Philippe.

26 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Tout un monde

24 avril Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

4 mai Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr © Les 1000 tours

25 avril Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

© Vincent Beaume

1000 chemins d’oreillers

Une candidate au sommeil (Claire Ruffin) se tourne et se retourne, sans que la berceuse chantonnée ni les accords d’un violoncelle (Catherine Exbrayat) puissent avoir raison de son insomnie. Un petit bijou de poésie tendre de la Cie L’Insomnante pour les enfants entre 3 et 7 ans, qui les emportera sur les rives des songes, ô pays merveilleux !

L’évocation du Lauréat, film de Mike Nichols sorti en 1967, réactive instantanément l’air de Mrs Robinson, la fameuse chanson qui figure dans sa bande originale, et fait référence à son héroïne. Laquelle séduit un jeune étudiant alors que ses parents célèbrent en toute bourgeoise innocence son diplôme fraîchement acquis, sans se formaliser de leur différence d’âge. Stéphane Cottin livre une version théâtrale de cette œuvre culte, avec Anne Parillaud en Mrs R.

Lectures contemporaines

Maïa vit avec sa grand-mère à proximité d’un mur. Comme tous les murs dressés pour séparer les être humains, il ne fait que stimuler son envie de le franchir, et peut-être ? de l’abattre. Une création de la Cie Les mille tours, sur un texte original de Claire Lestien, interprété par Anouck Couvrat et Aurélie Lillo. Tout public à partir de 8 ans.

Le théâtre Vitez propose une soirée de lecture d’extraits de textes, par les étudiants en formation dramatique à l’ERACM, et autres « gens de la scène ». On entendra notamment des passages du Drapeau anglais, de l’auteur hongrois Imre Kertész, ainsi que le fruit de deux ateliers d’écritures dirigés par Sonia Chiambretto et Sabine Tamisier.

30 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

18 avril Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

3 mai Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

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Bougresses !

Des gens qui dansent

© X DR

Et si vous y croyez assez...

© Carole Filiu Mouhali

© Sylvain Bouillet

Pierre Béziers s’inspire de la Canso des eretges (XIIIe siècle) et d’œuvres de troubadours, pour vous convier à une expérience de teatre degustacioun : deux comédiennes concoctent en direct une spécialité culinaire médiévale, la « frigousse des hérétiques », et racontent la croisade contre les cathares conduite par le cruel Simon de Montfort (mort caillassé, dit-on, par des toulousaines à qui sa tête ne revenait pas). Les spectateurs sont invités à manger le plat à la fin.

Et si vous y croyez assez, peut-être il y aura un poney 26 avril Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

18 & 19 avril Cité du livre, Aix en Provence 04 42 91 98 88 citedulivre-aix.com

Timon d’Athènes

23 & 24 avril Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

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Cinq acrobates de la Cie Naïf Production invités sur la scène du Pavillon Noir, pour « marier le cirque et la danse ». Avec un sous-titre révélateur -Petite histoire des quantités négligeables-, ce spectacle questionne la relation à l’autre, le partage, le rassemblement, face à la division et l’exclusion. Un projet collectif initié par Mathieu Desseigne-Ravel, ancien élève du CNAC (Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne).

Unsichtbarst

25 & 26 avril Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Une pièce de la chorégraphe zurichoise Anna Huber, créée en 1998, et qui n’a cessé de tourner depuis. « Les questions ouvertes et les paradoxes représentent le sujet et la motivation de mon travail » déclare l’artiste. Elle travaille la condition humaine faite de contradictions et d’élans mystérieux, d’où le titre de son œuvre : unsichtbarst signifie invisible, ou encore imperceptible, en allemand.

Joël Baqué

© Caroline Minjolle

© Stef Stessel

Le collectif anversois De Roovers monte cette pièce inachevée de William Shakespeare. Timon, fêtard insouciant, vit à Athènes, dilapidant ses biens dans l’enthousiasme. Jusqu’au jour où l’argent se fait rare : las ! les amis de naguère lui tournent le dos. Gagné par l’amertume, il fuit ses congénères, se réfugie dans les bois, et prépare sa vengeance...

Le Détachement International du Muerto Coco annonce d’entrée de jeu la couleur : ceci n’est pas un spectacle. Non, c’est une « investigation documentaire » imprégnée, comme toujours avec cette compagnie, de poésie sonore. Le parcours personnel de Raphaëlle Bouvier vers la magie. La « vraie », avec ses rituels performatifs, aussi bien que la « fausse », prestidigitatrice.

16 & 17 avril Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Les Nouvelles Hybrides proposent une rencontre avec Joël Baqué, auteur autodidacte et atypique. Entré en littérature par la poésie, il écrit aussi des romans, tous publiés chez P.O.L à ce jour. Le dernier, La fonte des glaces (2017) -délicieux et drôlissime road-movie qui embarque un charcutier solitaire à la retraite en Antarctique avec un manchot empereur empaillé-, sera lu par le comédien Jean-Marc Bourg en trois épisodes (25 au 27 avril à Vaugines, Cabrières-d’Aigues et Pertuis). 27 avril Médiathèque Les Carmes, Pertuis (11h) Librairie Regain, Reillanne (18h) 04 90 08 05 52 lesnouvelleshybrides.com

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40 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes de haute provence vAR

D’est en ouest, de Melbourne à Vancouver

Amour et psyché Psyché, simple et splendide mortelle, serait plus belle que Vénus ? La déesse de l’amour ne l’entend pas ainsi, et charge son fils cupidon de la venger… Omar Porras met en scène l’une des plus belles histoires de la mythologie antique, en s’appuyant sur Molière mais aussi La Fontaine et Apulée, dans un mélange étourdissant de styles et d’esthétiques.

© Cecile Martini

Ubu roi

26 avril Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

27 avril Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

23 & 24 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

30 avril Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolle13.fr 3 mai Théâtre Durance, Château-Arnoux-St-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

9

Humans La Cie australienne Circa ne cesse de repousser les limites du corps humain, tout en bousculant les codes du cirque contemporain qui flirte-là avec la danse. Dix circassiens vont mettre en pratique ces limites lors de prouesses à couper le souffle, aussi techniques que délicates, en main à main, portés à deux ou plusieurs, sur trapèze, entre autres.

Elikia et Joseph, deux enfants soldats échappés d’un camp de rebelles, trouvent refuge dans un hôpital où une infirmière, Angelina, les prend en charge. C’est elle qui relate leur histoire, dans un monologue porté par Fanny Chevallier et mis en scène par Marie Levavasseur (Cie Tourneboulé). Ce texte de Suzanne Lebeau n’est pas une suite du magnifique Le bruit des os qui craquent, que la compagnie avait aussi porté à la scène, mais un point de vue différent sur le destin brisé de tous les enfants qui se battent aujourd’hui dans le monde.

26 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr 27 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carre-sainte-maxime.fr

© Benoit Poix

© Damian Siqueiros

Elikia

9, comme la Neuvième symphonie de Beethoven qui rythme cette pièce coproduite par la chorégraphe québécoise Hélène Blackburn (Cie Cas Public) et le dramaturge belge Johan de Smet (Cie Kopergietery). Clover Cai, l’un des danseurs atypiques de Cas Public, malentendant, en est le point de départ. Comment percevoir, éprouver, comprendre le monde qui nous entoure si, comme Beethoven, l’ouïe nous fait défaut ? 9 fait taire la différence et fait du corps un langage.

© Mario Del Curto

© Raphaël Arnaud

Josette Baïz poursuit l’exploration de pièces de grands chorégraphes avec les jeunes danseurs de sa compagnie Grenade. Trente d’entre eux, âgés de 9 à 18 ans, interprètent des extraits de pièces de Lucy Guérin (Australie), Eun-Me Ahn (Corée du Sud), Akram Khan (Grande Bretagne/ Bangladesh), Barak Marshall (Israël/EtatsUnis), Wim Vandekeybus (Belgique) et Crystal Pite (Canada).

Quelle pied de nez à la bienséance ! Encore aujourd’hui ce fameux « Merdre » tonitruant percute les oreilles et les esprits, et le propos anti totalitaire et anti idiotie s’insère parfaitement dans les préoccupations actuelles. La version qu’Agnès Régolo a montée avec les comédiens de sa Cie Du jour au lendemain ajoute un élan supplémentaire de folie et de provocation ! (à lire sur journalzibeline.fr).

30 avril Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net 27 avril Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

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au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse 41

Rock’n Chair

Monde

© Compagnie Clandestine

© Nina-Flore Hernandez

Dépêche-toi !

Dans cette pièce ludique conçue comme un terrain de jeu aux combinaisons aléatoires, Arthur Perole (CieF) fait réagir un quartet de danseurs aux « injonctions » de joueurs, avec des règles à suivre, cartes « action » et jokers comprises. Les enchaînements combinatoires s’élaborent en direct, relevés avec brio sur la musique envoûtante d’un concert des Doors, en une chorégraphie parfaitement aboutie.

Quel est l’enfant qui n’a pas entendu cette phrase de la part d’adultes impatients ? Mais prendre le temps, le laisser passer, le retrouver, voire le voler si on ne peut pas faire autrement, n’est-ce pas là le plus important pour profiter de l’instant ? La Cie Clandestine le chante et le joue, pour les enfants à partir de 5 ans. 4 mai Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

Un imagier pour enfant (un mot est associé à une image) devient vivant, sur une scène de théâtre, pour évoquer les différents moments d’une de ses journées. La Cie Moteurs multiples plonge les tout-petits, dès 2 ans, dans un univers fait d’images, d’éléments sonores et musicaux issus du quotidien, et de langage (jeu Lise Ardaillon) qui rendent poétique une journée très rythmée !

24 avril La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com © Isa Griot

Lettres non-écrites / Vies de papier 4 mai La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Soirée double placée sous le signe du papier, sous forme de lettres ou de photos anciennes : dans Vies de papier (20h30 le 27, 17h le 28), la Cie La Bande passante s’intéresse à la fabrique des souvenirs en dévoilant l’histoire d’une femme, de sa naissance en 1933 en Allemagne à son mariage en Belgique, par le biais d’un album de photos glané par hasard, matériau d’une enquête formidable ; dans Lettres-non écrites (18h le 27, 19h le 28), David Geselson met en voix, et en vidéo, les missives jamais envoyées de spectateurs volontaires. 27 & 28 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Un couple en prise avec les incertitudes liées au désir de mettre un enfant au monde. Questionnement universel qui croise-là la plume du dramaturge anglais Duncan Macmillan, transgressive et humoristique, dans une mise en scène d’Arnaud Anckaert. Engagement et responsabilité, face aux catastrophes écologiques ou aux névroses familiales entre autres, sont évoqués avec un décalage so british !

Valletti circus

© Bruno Dewaele

© Noura Sairour

Séisme

30 avril Salle de l’amitié, Paluds-de-Noves

Alain Timar met en espace des extraits de spectacles qui seront programmés cet été au Festival Off au Théâtre des Halles, sur des textes de Serge Valletti (Éditions L’Atalante), Pour Bobby avec Charlotte Adrien, et À plein gaz avec Nicolas Gény. La lecture initialement prévue à cette date, L’installation de la peur de Rui Zink est reportée à une date ultérieure. 25 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

2 mai Espace Folard, Morières-les-Avignon 3 mai Salle Orlando, Caumont-sur-Durance 4 mai Foyer rural, Lauris La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

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42 au programme spectacles vaucluse hautes-alpes var

Peau d’âme, peau de phoque

Écouter voir

Is there life on mars

© Caroline Orsini

Roman Bertet © DR

Lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes, ils se décrivent comme étant un peu des martiens. La planète autisme, si elle commence à être un peu mieux appréhendée, reste une contrée lointaine, qu’Héloïse Meire aborde tout en finesse, avec humour et tendresse. Pas didactique, mais dans l’idée d’un partage.

© Hubert Amiel

Vision de rêve pour ce chasseur du Grand Nord : sur la banquise, un groupe de phoques se change en autant de magnifiques jeunes femmes. Akuluk a l’idée de subtiliser la peau de l’un des animaux. Celle qui ne la retrouvera plus devra rester sur la terre ferme... Adaptation du conte de Clarissa Pinkola Estès, la Cie Chantier Public propose un théâtre d’ombres, de marionnettes et de chants.

26 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

26 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Noire Cent mètres papillon

© Pierre Gondard

© Romain Capelle

Playbach

Maxime Taffanel était destiné aux podiums de piscine. Ancien nageur de haut niveau, il a tout donné pour les longueurs. Et puis un jour, il a craqué, il n’a plus supporté les « ce n’est pas encore pour cette année » assénés par le coach. Il est devenu comédien (de haut niveau) et raconte ici son combat dans l’eau, avec humour et des gestes de danseur homme-poisson. Une belle métamorphose. 30 avril au 3 mai Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Avant Rosa Parks, une adolescente avait déjà refusé de céder sa place dans un bus, bravant la ségrégation raciale aux ÉtatsUnis au mitan des années 1950. L’histoire a oublié Claudette Colvin, qui fût arrêtée et emprisonnée pour son geste, mais dans son roman Noire (prix Simone-Veil en 2015), Tania de Montaigne lui a rendu hommage. Le livre est adapté au théâtre par Stéphane Foenkinos.

© Stéphane Foenkinos

27 & 28 avril Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Yuval Pick se confronte concrètement au rapport entre danse et musique. L’un et l’autre vont de pair, cela semble acquis, pourtant, avec cette nouvelle pièce, le lien entre l’univers sonore (Bach) et les corps (trio) atteint une symbiose rarement éprouvée. L’ancien danseur de la Batsheva Dance Company (directeur du centre chorégraphique de Rieux la Pape) redéfinit les éléments et les sensations.

Quand les gestes deviennent des sons. Quand le corps devient instrument de musique vivant. Romain Bertet chorégraphie la matière sonore des trois danseurs de sa nouvelle pièce, et la scène, truffées de capteurs, réagit comme la membrane d’une percussion. Marc Baron est le musicien de cette matière sonore et charnelle. Le geste s’écoute. Le son se regarde. Une expérience riche en sensations nouvelles.

25 & 26 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

26 avril L’Autre scène, Vedène 04 90 31 07 75 lautrescene.com

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au programme Spectacles VAR Vaucluse Bouches-du-Rhône 43

Je m’appelle Ismaël Lazare, metteur en scène associé au Théâtre national de Strasbourg et au T2G−Théâtre de Gennevilliers, livre pour sa création 2019 un objet théâtral non identifié, recourant au cinéma et à la musique pour enrichir son univers baroque. Au lendemain des attentats de Paris en 2015, Ismaël se cloître chez lui, mais reçoit la visite de personnages imaginaires, tous plus étonnants les uns que les autres...

Rock & Goal

26 & 27 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

3 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Métamorphoses !

2 & 3 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

© Geoffrey Fages

La comédienne Anouk Grinberg s’allie au compositeur Nicolas Repac pour faire sortir les textes d’Art brut de l’oubli. Des écrits que l’on doit à « des prisonniers, des résidents d’asiles psychiatriques, des reclus ou des marginaux », auteurs « sans culture préalable ni prétention artistique », encore moins connus que les plasticiens ou artistes visuels auxquels s’intéressait le peintre Jean Dubuffet.

À partir de quatre ballons de foot, hand, rugby et volley, qui se transforment aussi en sacs à malices, la pièce de Michel Kelemenis fait une apologie réjouissante des mouvements du sport. Les quatre danseurs et danseuses entraînent les enfants du public dans le plaisir et l’étonnement, détournant et déstructurant des services de tennis ou des enchaînements de gym. 26 & 27 avril Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

5 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 82 81 40 operagrandavignon.fr

Et pourquoi moi je dois parler comme toi

© Nina-Flore Hernandez

Une belle distribution pour cette pétillante pièce de Marivaux : Laure Calamy, Vincent Dedienne, Clotilde Hesme, Emmanuel Noblet, Alain Pralon, et Cyrille Thouvenin. Tous font honneur au chassé-croisé amoureux le plus célèbre du théâtre classique, un texte virevoltant écrit en 1730, et qui n’a pas pris une ride.

© Jean-Louis Fernandez

© Pascal Victor

Le jeu de l’amour et du hasard

Les Métamorphoses d’Ovide, traduites du latin par Gilbert Lely, ont inspiré Guillaume Cantillon, qui se lance à corps perdu dans une performance poétique. Accompagné du musicien Vincent Hours, il aborde en un long monologue rien de moins que « le pouvoir, les dictatures, la haine, la destruction, la puissance militaire, l’érotisme, la sensualité, et les amours divines ». 24 & 25 avril Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

La révérence « Il n’y a pas de petits destins, Cohn-Bendit, il n’y a que de petites volontés », assène Charles De Gaulle à un jeune trublion. Philippe Chuyen met en scène les trois derniers jours de mai 1968, où le général, pris de court par la menace de guerre civile dans son pays, s’esquiva à Baden-Baden pour s’assurer du soutien de l’armée au cas où il déciderait une intervention militaire. François Cottrelle incarne le vieil homme, entouré de sa femme et de ses proches conseillers. 26 avril Espace Comedia, Toulon 04 94 42 71 01 espacecomedia.com

27 avril Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

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44 au programme spectacles

var alpes-maritimes

Mirages / Les âmes boréales

© DR

L’écriture ciselée et espiègle de Marie Desplechin s’accorde parfaitement à la scène, Léna Bréban et Alexandre Zambeaux l’ont bien compris : ils adaptent Verte, l’histoire de cette petite fille qui n’a cure des talents de sorcière que voudrait lui transmettre sa mère (Laure Calamy). À onze ans, elle préfère s’intéresser aux garçons, plutôt que de préparer d’infâmes potions ! Un conte moderne sur le passage à l’âge adulte.

Compagnie Julien Lestel

Solo © DR

© Ellen Kooi - Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

Verte

Christian et François Ben Aïm aiment à développer une forme de narration, ce qui fait de leurs chorégraphies des pièces de « danse-théâtre », que les enfants peuvent aisément s’approprier. Mylène Lamugnière et Félix Héaulme nous emmènent dans le Grand Nord, pour un moment onirique qui célèbre les paysages et les corps. Un plaidoyer à l’harmonie entre la nature et les hommes.

4 mai Théâtre de l’Esplanade, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

26 avril Théâtre de l’Esplanade, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

27 avril La Croisée des Arts, SaintMaximin-la-Sainte Beaume 04 94 72 58 85 croiseedesarts.com

La grande aventure

D’habitude, on supporte l’inévitable

© DR

Dom Juan

© Christophe Raynaud de Lage

Grand spécialiste du théâtre musical, Roland Auzet mêle ici les textes d’Henrik Ibsen (Hedda Gabler) et de Falk Richter, au service d’une pléiade d’artistes sur le plateau : les musiciennes-chanteuses du trio LEJ et Caroline Rose, les comédiens Hayet Darwich, Elina Löwensohn, Gaël Baron et Clément Bresson, accompagnés de 50 amateurs, dans le rôle de la société bourgeoise du XIXe s., dépeinte sans concession par le dramaturge norvégien...

Les interprètes de la Cie Julien Lestel reviennent à La Croisée des Arts pour un programme où la danse contemporaine s’appuie et se mêle à des grands classiques musicaux : le concerto n°2 pour piano de Rachmaninov, un solo sensuel sur une partition de Ravel, un duo (Faune) dialoguant avec la musique de Debussy, et le fameux Boléro (Ravel), tourbillonnant jusqu’à la transe.

C’est un projet au long cours auquel s’est attelé le Bazar Théâtre : invitée en résidence par le PJP durant toute la saison, la compagnie s’est lancée à la rencontre de 6 établissements spécialisés accueillant des personnes (adultes et enfants) en situation de handicap, afin d’élaborer un parcours artistique et culturel qui englobe chacun dans l’aventure. Mission accomplie !

Paradoxalement, il est actuellement plutôt rare de voir des mises en scène de ce texte si emblématique du patrimoine français interprétées en costumes d’époque. Il est parfois bon de se replonger dans l’atmosphère réaliste de ce drame, certes intemporel, mais qui prend tout de même place dans le Siècle des Lumières. Christophe Gorlier en fait une adaptation fidèle et sensible. 4 mai La Croisée des Arts, SaintMaximin-la-Sainte Beaume 04 94 72 58 85 croiseedesarts.com

30 avril Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

30 avril Théâtre de l’Esplanade, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

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au programme spectacles Alpes maritimes Vaucluse 45

Imaginarium

Training

Playground © Sternalski

Place à l’imaginaire, au mouvement inspiré et libre ! Yan Giraldou, chorégraphe et interprète de ce solo destiné aux enfants dès 3 ans, a conçu un spectacle qui emmène les petits dans l’univers de la danse. À travers les codes du conte et du fantastique, ils pourront découvrir les richesses du corps. À chacun de se raconter son histoire (les interprétations des petits spectateurs sont recueillies sur le blog de la compagnie – dessins, poèmes...).

Paola Cantalupo a confié à trois chorégraphes (Jean-Charles Gil, Julien Guérin et Nathanaël Marie) la reprise ou la création de trois ballets pour le Cannes Jeune Ballet Rosella Hightower dont elle est la directrice. Ce qui relie les trois pièces est la musique du génial George Gershwin, dont on pourra découvrir un répertoire plus classique que ses partitions les plus connues.

© Joachim Olaya

© philispart

‘S Wonderful

3 mai Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

25 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Marion Lévy est une ancienne danseuse de la compagnie d’Anne Teresa de Keersmaeker. Training correspond à un moment de retour sur elle-même, où elle réalise à quel point son corps (et son esprit) est malléable, pour toujours mieux s’adapter à la demande (la mode, les convenances, les codes). Avec humour et acuité, elle livre (sur les textes de Mariette Navarro), un autoportrait chorégraphique touchant. 30 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Boys don’t cry Lorsqu’il était enfant, Hervé Koubi préférait la danse au foot. Cela lui a valu pas mal de moqueries... Devenu chorégraphe reconnu, il se retourne sur ce passé, et livre une pièce autobiographique, qu’il offre à 7 jeunes interprètes de Hip hop, danse de rue et danse contemporaine, sur les textes de Chantal Thomas. Une création pleine d’énergie, pour tous les publics dès 6 ans.

Cela a d’abord été un roman terriblement caustique (Warren Adler), puis un film glamour et cruel, voilà maintenant que ce couple de yuppies américains se déchire sur scène. Gregory Barco dirige Mathilda May et Pascal Demolon dans ce huis clos domestique où les coups bas fusent, jusqu’au dénouement fatal. Une critique acerbe sur notre société matérialiste. 27 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

© Frédérique Calloch

Les techniques de danse hip-hop, contemporaine, folklorique, ainsi que celles du cirque et du mime sont mixées par les trois artistes de NaïF Production, Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès. Leurs corps caoutchouteux apprennent à s’étayer l’un sur l’autre, tandis que leurs visages noyés dans l’ombre de capuches permettent toutes les projections. Dès 12 ans.

© Atelier Théâtre actuel

La guerre des Rose

© Elian Bachini

La mécanique des ombres

25 avril Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

27 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr 30 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com

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46 Au programme théâtre

hérault

musiques bouches-du-rhône

Et le ciel est par terre

Après avoir présenté récemment son Richard II de Shakespeare, Guillaume Séverac-Schmitz revient au Théâtre de Nîmes avec un autre grand texte élisabéthain. Autre tragédie du pouvoir, ou l’appât de la fortune brise l’amour secret d’une jeune veuve duchesse et de son intendant, en proie à la cruauté de ses frères. Le décor est cinématographique, et les comédiens y déploient une énergie dévastatrice.

Blanche Neige ou la chute...

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© Stanislav Dobák

Le film (muet) est projeté sur un écran pendant que les comédiens jouent la pièce, avec les musiciens et bruitages en live. La Cie La Cordonnerie est spécialiste de cet alliage : une histoire filmée qui rencontre son reflet vivant sur scène. Le duos de femmes (la marâtre, la jeune fille) est installé en 1989, pendant la chute du Mur. L’adulte est hôtesse de l’air, folle de son reflet, l’ado est mutique, planquée sous son casque de walkman. Dès 8 ans. (lire journalzibleine.fr)

16 avril, À l’Ouest 17 avril, Nous vaincrons tous les maléfices Théâtre de la Vignette, Montpellier 4 67 14 55 98 theatre.univ-montp3.fr

J’ai pris mon père sur les épaules © Sébastien Dumas

© Delphine Micheli

Eldorado/s

19 avril Lavoir du puits Couchoux, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Le texte de Guillaume Poix, s’il évoque un quotidien sombre et tragique (la mort du père, puis de la sœur cadette au sein d’une famille vivant dans un quartier en pleine destruction) laisse une porte grande ouverte vers la fantaisie et la beauté. On y croise autant les vivants que les morts, et le rire emporte tout sur son passage. (mise en scène Véronique Kapoïan-Favel, Cie À part entière).

Le théâtre de la Vignette, en partenariat avec le Centre Chorégraphique, consacre deux soirées à la chorégraphe Olivia Grandville. À l’Ouest (création 2018) plonge dans les rythmes et les pulsations fondatrices des Indiens de Canada et d’Amérique, et brouille les frontières entre traditionnel et contemporain, la tête haute dans l’Amérique de Trump. Et Nous vaincrons les maléfices, lors de la présentation des travaux menés dans l’atelier qu’elle dirigera avec les étudiants du Master Création spectacle vivant de Montpellier Paul-Valéry, sous le signe du souvenir de Woodstock.

16 & 17 avril Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

17 & 18 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

La Cie Philippe Ménard aime a s’immerger au cœur des territoires qu’elle investit. Pour ce nouveau spectacle, le chorégraphe invite les nîmois à participer à sa quête de l’Eldorado. Avec deux danseurs, une comédienne, un vidéaste et un musicien, échappez-vous vers nos trésors intimes et des nouvelles utopies ! Chaque spectacle est unique, vivier d’inventions multiples, fruit de la rencontre entre les artistes et les habitants.

© DR

Olivia Grandville

© Christophe Raynaud De Lage

La duchesse d’Amalfi

Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin 17 au 19 avril Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

Rachida Brakni et Philippe Torreton en meneur de troupe, Fabrice Melquiot au texte, Arnaud Meunier (directeur de la Comédie de Saint-Etienne) à la mise en scène : voilà un beau plateau ! La fresque sera pop et lyrique, abordera des questions d’exil et de frontières, de la France d’aujourd’hui, de l’Europe malade. Une pièce qui a du souffle. 16 au 18 avril Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

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Au programme théâtre

musiques bouches-du-rhône 47

Irma la douce

© Istockphoto Szelmek

Après la neige

hérault

© DR

Ex Anima

17 avril Théâtre de Pézenas 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

23 avril au 19 mai Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

Le lanceur de dés

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Katia Skanavi

© Gueorgui Pinkassov

Dans une Chine médiévale imaginaire, Turandot, (Ricarda Merbeth) la fille du roi, est aussi cruelle que belle. Si ses prétendants ne peuvent résoudre les trois énigmes qu’elle leur pose, ils sont décapités. Un Prince inconnu, Calaf (Rudy Park) arrive, dénonçant la cruauté de la belle mais séduit, se soumet aux épreuves, aidé par la servante Liù (Ludivine Gombert)… L’œuvre testamentaire grandiose de Puccini sera présentée sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli dans une mise en scène de Charles Roubaud.

C’est pour un enregistrement live (en partenariat avec le label Lyrinx) que l’on aura le privilège d’entendre la pianiste Katia Skanavi dans l’interprétation de son compositeur favori, Chopin. Au programme, les célébrissimes 19 valses du musicien emblématique du romantisme et en regard, deux pièces de Liszt, la Valse caprice et la Valse oubliée avant le duo Schubert/Liszt, et les Soirées de Vienne… 29 avril Théâtre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

© Istockphoto

18 avril Théâtre Sortie Ouest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

27 & 28 avril Odéon de Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

Turandot

© DR

Dans le cadre du Festival Arabesque, qui propose aussi un programme itinérant, Moïse Bernier met en scène et en musique la prose de Mahmoud Darwich, grand poète palestinien. « Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis, moi qui ne fus pierre polie par l’eau pour devenir visage ni roseau troué par le vent pour devenir flûte. Je suis le lanceur de dés. Je gagne des fois, je perds d’autres fois. »

La délicieuse comédie musicale (adaptée au cinéma par Billy Wilder et I.A.L. Diamond) a été composée par Alexandre Breffort (livret) et Marguerite Monnot (musique). Les amours rocambolesques entre un étudiant en droit fauché, Nestor le Fripé (Gregory Benchenafi), qui se fait passer pour un richissime vieillard afin de rester l’unique client de la belle Irma (Laurence Janot), suivent la vive direction musicale de Christian et André Mornet dans une mise en scène de Jacques Duparc.

© Marion Tubiana

Aurélie Namur (Cie Les nuits claires) pose ses trois personnages dans un monde post catastrophe nucléaire. Un homme, une femme et leur petite fille sont relogés dans un préfabriqué, à une cinquantaine de kilomètres de chez eux. Il a neigé, et cela rend l’existence encore plus dangereuse. À quoi ressemble désormais leur vie ? La pièce emprunte à la fable d’anticipation, suivant les quatre saisons d’une année, avec les codes du conte, pour un récit suspendu entre chaos et poésie. (Dès 14 ans)

La dernière création de Bartabas, qui pousse sa philosophie jusqu’à l’ultime : cette fois les chevaux, héros de tous les spectacles de la Cie Zingaro, seront seuls sur la piste. Majestueux, libres et en pleine lumière, ils évolueront en autonomie, tandis que les interprètes humains seront en noir, dans l’ombre. Une magnifique prise de risque, qui laisse toute sa place à la poésie de l’instant, unique et fascinante.

27 avril au 5 mai Opéra, Marseille 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

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48 au programme musiques vaucluse

Tiempo di tango

Soirée romantique

Programme de haute volée à l’Alpilium, avec Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski et Gaspard de la nuit de Maurice Ravel ! Pièces qui demandent de la part du pianiste non seulement une grande virtuosité, mais aussi la capacité de rendre sensibles des palettes aux multiples nuances. Rebecca Chaillot arpente les salles du monde entier en récital, avec son piano, quasiment aussi réputé qu’elle, un Imperial Bösendorfer, une légende parmi les pianos à queue, le seul capable de supporter le jeu puissant d’un Liszt (avec ses touches très dures), avec ses huit octaves complètes (97 touches et non 88).

Cette nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon met en scène le Ballet de l’Opéra d’Avignon sur une chorégraphie originale d’Éric Belaud. La pianiste Maya Berdieva accordera les rythmes pianistiques aux élans romantiques des danseurs.

© Philippe Matsas

© DR

Rebecca Chaillot

© DR

Marie-Ange Todorovitch (mezzo-soprano) et Jean-François Vinciguerra (baryton-basse), mêlent leurs voix aux accents du piano de Bruno Membrey et de l’accordéon de Michel Glasko (qui a parlé d’un antagonisme entre ces deux instruments ?), qui ont arrangé les airs sur lesquels dansent Bérangère Cassiot et Anthony Beignard (chorégraphie Éric Belaud). En route pour Buenos Aires !

27 avril L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr

3 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Mathias Vidal & Ensemble Amarillis

14 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Vivaldissimo Le mandoliniste Vincent Beer-Demander et son Orchestre de Chambre, accompagné du Quintette à cordes de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, Christine Lecoin au clavecin et Alexandre Régis aux percussions, nous proposent un programme au cours duquel la mandoline reprend son statut d’instrument d’orchestre avec des concertos pour mandoline, violon et orchestre d’Antonio Vivaldi, Giovanni Paisiello et Domenico Cimarosa. 21 avril Collégiale Sainte-Marthe, Tarascon 07 56 82 30 00 lecercledemusique.org

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L’opéra-comique de Louis Ganne connut un immense succès et la valse du final du 1er acte, C’est l’amour, inspira même Picasso durant sa période rose. Suzanne (Dima Bawab) est une enfant trouvée adoptée par Malicorne, directeur d’un cirque ambulant. Bref, on s’y attend : amours contrariées, scène de reconnaissance, et un « tout qui finit bien », sous la direction musicale d’Alexandre Piquion. Un petit régal. 27 & 28 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

© Frédéric Iovino

Les saltimbanques

Le ténor Mathias Vidal et l’Ensemble Amarillis (Violaine Cochard, clavecin, Héloïse Gaillard, hautbois baroque, Alice Piérot, violon, Marianne Muller, viole de gambe) interprèteront des cantates et des pièces pour clavecin de Jean-Philippe Rameau. La légende veut que ce dernier, sur son lit de mort formula une seule demande au prêtre qui lui administrait l’extrême-onction : de ne point chanter si faux. 28 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

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Au programme musiques var Alpes maritimes bouches-du-rhône 49

Le téléphone / Amélia va au bal

Malik Ziad

16 au 20 avril Opéra de Nice 04 92 17 40 79 31 opera-nice.org

Venise Pics, Venise Speaks

26 & 28 avril Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

On vogue en gondole sur les canaux vénitiens, bercé par l’eau et les échos de la ville des amoureux. En partenariat avec Marseille Concerts, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris vous invite à faire ce beau voyage. Venise interprétée en musique par un sextet de jeunes jazzmen avec des compositions originales inspirées de chansons populaires et de sons traditionnels italiens.

Félicien Brut © Manuel Braun

Eh bien dansez maintenant !

L’Orchestre de Cannes dirigé par Benjamin Levy s’immisce dans l’univers du tango grâce à l’accordéon de Félicien Brut. Au programme : Nino Rota et sa musique pour Le Guépard de Visconti, un hommage à Claude Nougaro par la virtuose fantaisie de Richard Galliano (Tango pour Claude), mais aussi les œuvres de Thibaud Perrine, dont une en création mondiale, Souvenirs de bal, Concerto pour accordéon et orchestre. En piste !

© DR

Les nouvelles technologies entrent à l’opéra par le biais des livrets contemporains qui nous rappellent les racines populaires du genre. Ainsi, l’Opéra de Toulon nous invite à découvrir deux opéras bouffes en diptyque, Amélia et Le Téléphone de Gian Carlo Menotti (l’un des grands compositeurs italiens de la deuxième moitié du XXe). Un rythme enlevé nous mène du vaudeville désopilant aux multiples rebondissements, aux relations amoureuses dépendantes de coups de téléphone, sous la houlette de Jurjen Hempel.

Le titre sonne en oxymore ; mais L’opéra minuscule, donné en création mondiale par les compagnies Be et Une petite voix m’a dit, est accessible dès six mois ! L’œuvre, composée par Benjamin Laurent et mise en scène par Sandrine Le Brun Bonhomme, est interprétée avec sensibilité et espièglerie par la comédienne Caroline Duval et la poétesse Sabine Venaruzzo, qui nous accueillent pour ce spectacle où abondent décors fantastiques, rats d’opéra, orchestre de dos de cuillère et batailles de prima donna à coups d’oreillers…

Malik Ziad chante les ancêtres et la mémoire méditerranéenne en faisant courir ses doigts sur la mandole, l’oud, la basse ou le bendir. Accompagné de trois musiciens-chanteurs, il joue une musique du monde enrichie de sonorités millénaires et ancestrales. Les genres fusionnent et s’accordent en une poésie universelle, au croisement de routes migratoires multiples et de racines généalogiques entremêlées. 3 mai Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Orchestre National de jazz

Orchestre national de jazz © ONJ

Le Téléphone © Laure Huc

L’opéra minuscule

24 avril Théâtre La Criée, Marseille 04 96 17 80 00 theatre-lacriee.com En hommage au grand Ornette Coleman, le nouvel Orchestre National de jazz présente « Dancing in Your Head(s) – La galaxie Ornette » sous la direction artistique de Frédéric Maurin. Relecture réussie de nombreux morceaux du célèbre saxophoniste. Le collectif s’attaque aussi à d’autres artistes engendrés par Coleman, avec des reprises de Julius Hemphill, Eric Dolphy ou Tim Berne. Un programme de qualité pour une soirée sous l’œil de belles étoiles du jazz. 27 avril Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 75 25 00 charlie-jazz.com

28 avril Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com

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50 au programme musiques Bouches du Rhône Vaucluse Hautes-Alpes Var

Brad Mehldau

Abou Diarra

© DR

Pianiste virtuose, Bradford Mehldau fait partie des musiciens les plus acclamés et influents de sa génération. Un incontournable de la scène jazz actuelle, accompagné actuellement de deux amis de longue date, Larry Grenadier à la contrebasse et Jeff Ballard à la batterie. Un trio gagnant pour jouer les compositions de Brad, qui se frotte aussi aux plus grands standards du jazz ou à ceux de la pop (Beatles, Nick Drake..).

26 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 97 32 auditoriumjeanmoulin.com

4 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

La Belle au Bois Dormant

28 avril Espace Pièle, Cornillon-Confoux scenesetcines.fr

23 & 24 avril Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Son kamélé n’goni à l’épaule et son chapeau noir sur la tête, Abou Diarra a sillonné d’un bout à l’autre l’Afrique de l’Ouest. Formé par le Vieux Kanté, un maître virtuose et aveugle, il a appris de son mentor les secrets des musiques ancestrales maliennes, celles qu’on écoute dans les villages reculés et auxquelles il a mêlé des rythmiques urbaines contemporaines. Un blues mandingue entre tradition et modernité, métissé de jazz et de reggae. 4 mai Cinéma Le Pagnol, Sainte-Maxime 04 94 43 26 10 sainte-maxime.com

Le collectif Ubique secoue La Belle au Bois Dormant avec une réadaptation impertinente et contemporaine du célèbre conte de Perrault. 3 artistes et pas moins de 12 instruments pour une version slamée/chantée de cette merveilleuse histoire avec des personnages quelque peu remaniés. Une princesse obstinée, des fées pas douées pour jeter des sorts et un prince qui rougit en regardant ses pieds. Un spectacle à partir de 8 ans.

Shadi Fathi & Bijan Chemirami Parmi les nombreuses pépites proposées par l’Espace Culturel de Chaillol, éclot le concert de Shadi Fathi (sêtar, shourangiz, voix, daf) et Bijan Chemirami (zard, daf, udu, percussion, saz) que certains ont déjà eu le privilège d’apprécier à l’Éolienne pour la sortie de leur CD Delâshena. Voyage poétique et inspiré où la virtuosité se coule avec aisance au cœur des phrases musicales de la musique traditionnelle contemporaine de l’Iran. © DR

© Robert Halle

Louise & The Po’Boys

Heureux mélange entre blues cajun traditionnel et chansons françaises d’antan, le swing irrésistible de Louise & The Po’Boys est un voyage dans le temps jusqu’aux années folles. Avec leur charme désuet hérité d’une photo sépia de la Nouvelle-Orléans, les six musiciens s’égosillent dans les trompettes et font brûler les cordes des banjos pour faire monter la température et vous faire danser comme des fous jusqu’à l’aube.

Combo polyphonique explosif, les cinq chanteurs de Radio Babel Marseille se font les guides d’une aventure joyeuse autour des rives de la Méditerranée, puisant l’inspiration dans les rythmes occitans, corses, maghrébins ou gitans. Avec Vers des ailleurs, Willy Le Corre, Joos, Fred Camprasse, Mehdi Lafaoui et Gil Aniorte-Paz se font les voix d’une musique du grand large. Un album qui s’inspire de l’œuvre du poète et navigateur marseillais Louis Brauquier, figure locale mythique.

© Francois Mallet

© Elizabeth Leitzell

Radio Babel Marseille

25 avril Salle polyvalente de Chauffayer, Aubessagne 26 avril Salle de la Tour, La Bâtie Neuve 27 avril La Chrysalide, Tallard 28 avril Église, La Beaume festivaldechaillol.com

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Au programme arts visuels bouches-du-rhône 51

Jean Dubuffet Imposant hommage à l’artiste non-conformiste et polémique inventeur de l’ « Art Brut ». Plus de 290 œuvres et objets, confectionnés ou récoltés, retracent le travail de mise en cause radicale par Dubuffet, dès 1945, de l’art et des hiérarchies esthétiques et sociales. Trois soirées thématiques accompagnent l’ouverture de l’exposition les 25, 26 et 27 avril. C.L. Jean Dubuffet, un barbare en Europe 24 avril au 2 septembre Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Jean Dubuffet, Le Déchiffreur, 26 septembre 1977, Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne-Métropole. Photo © Cyrille Cauvet / Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole © Adagp, Paris, 2019

Droit à l'image À l’initiative de l’établissement pénitentiaire d’Arles et de Jean-Pierre Gremillet, le photographe Christophe Loiseau a mis en scène des « histoires-portraits » avec les détenus. Les participants ont pu s’approprier l’outil photographique, développant une série d’images troublantes, celles qu’ils ont d’eux-mêmes. A.Z. 29 avril au 18 mai Théâtre de la Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Christophe © Christophe Loiseau

Jeanne Susplugas Prenant la suite du premier chapitre tout juste achevé du Château de Servières, les installations de Jeanne Susplugas investissent deux lieux d’Istres. La plasticienne, née à Montpellier, mondialement reconnue, interroge la place de l’individu dans l’espace domestique. Une étrange inquiétude au monde, qui évoque l’enfermement. A.Z. Disorder in the house, chapitre 2 30 avril au 5 juin Chapelle Saint-Sulpice, Istres 2 mai au 12 juillet Centre d’Art contemporain, Istres 04 42 55 17 10 centredart.istresouestprovence@ampmetropole.fr Tattoo, 2017, 40x30 cm © Jeanne Susplugas

Annabel Aoun Blanco La jeune artiste appréhende les matières (l’eau, le lait, le plâtre, le sable, la cendre, le charbon) comme autant de supports (photographies, vidéos) qui lui permettent d’exprimer la notion symbolique d’interstice : entre vie et mort, mémoire et oubli, solide et liquide... dans un aller/retour dynamique, une boucle temporelle où se niche le vivant, éternel. A.Z.

Annabel Aoun Blanco, COUPS APRÈS COUPS, série de 4 photographies, tirages Fine Art contrecollés sur dibond noir, 60x40 cm chaque, 2017 © Annabel Aoun Blanco

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Éloigne moi de toi 27 avril au 29 décembre Musée Réattu, Arles museereattu.arles.fr

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52 Au programme arts visuels bouches-du-rhône var alpes-maritimes

A Schools of Schools L’exposition explore la thématique de la 3e édition des Luma Days (forum annuel d’art et d’idées organisé du 22 au 25 mai à Arles) par le prisme du design. Sous la forme d’installations expérimentales qui explorent et revisitent les grands principes de l’éducation, elle présente le travail de plus de 90 artistes et designers internationaux. A.Z.

27 avril au 26 mai Luma Arles luma-arles.org Designer Peter Zin © Photographe Kayhan Kaygusuz

Trajectoires Isabelle Bourgeois réunit sept artistes (Marie Chéné, Olivier Millagou, Nico Morcillo, Romain Rondet, Gabriele Salvia, Pascal Simonet, Jean-Baptiste Warluzel) autour de la question du voyage contemporain. « Les nouvelles cartographies ainsi obtenues fonctionnent comme les infrastructures d’une nouvelle façon de chercher, rassembler et documenter, traduits en formes poétiques de traitement des données et de navigation dans l’espace. » A.Z. jusqu’au 2 juin Villa Tamaris Centre d’art, Toulon 04 94 06 84 00 villatamaris.fr

Manuel Ruiz-Vida Deux tiers, un tiers, 2018, Installation vidéo. vidéo HDV, durée 35 minutes 20 secondes, couleur, muet, Bande son indépendante, deux haut-parleurs, 21 minutes en boucle Voix : Jean-Daniel Laval Image, son, montage : Jean-Baptiste Warluzel

Temps, usure, entropie...Tout le travail de Manuel Ruiz-Vida est empreint d’un sentiment désenchanté. À une sélection de peintures antérieures (Sculptures, Passages, Récipients...) viendront s’ajouter plusieurs séries récentes (Variation indicible, Le gouffre, de 2019) et des photographies de chantiers prises à Marseille à propos de dégradation. C.L.

Les effacements du monde jusqu’au 4 mai Galerie Depardieu, Nice 09 66 89 02 74 galerie-depardieu.com

Manuel Ruiz-Vida, Entropie, huile sur toile, 152x101cm, 2018. Photo François Moura

Artcurial Le 3/9 boulevard des Moulins devient la nouvelle adresse monégasque pour la galerie Artcurial. L’inauguration aura lieu lors de la Monaco Art Week, en préfiguration du Monaco Sculptures, parcours outdoor inédit déployé dans toute la Principauté. Vente aux enchères le 19 juillet. C.L.

Pol Bury, Volume figé, 1999, bois - © Artcurial

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Monaco Art Week, 24 au 28 avril Monaco Sculptures, 24 avril à fin de l’été artcurial.com

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critiques arts visuels

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Du chimérique à la réalité : le voyage de Franck Pourcel

D

epuis dix ans, Franck Pourcel sillonne la Méditerranée sur les lieux de passage d’Ulysse, avec la figure d’Ariadne en arrière-plan. Un projet construit comme un labyrinthe où il peut se perdre afin de mieux s’y retrouver, et comme une œuvre ouverte sans cesse enrichie, de vidéos et de photographies. « Je suis parti en voilier à Ithaque où j’ai d’abord photographié en noir et blanc, puis en couleur, puis simultanément » explique ce voyageur infatigable qui se réapproprie le récit mythologique pour le décliner en constellations infinies, à partir de thématiques contemporaines : l’environnement, la vie ordinaire, l’insularité, les mobilités, les dieux polythéistes et monothéistes, etc. Une par© Franck Pourcel tie du fruit de ses déambulations est actuellement présentée au Louvre-Lens dans le cadre de l’exposition Homère, l’autre à la Maison de la Photographie dont l’architecture hélicoïdale est idéale pour se

perdre à notre tour. Le photographe a trouvé là matière à réinventer son voyage en compagnie des dieux (grands formats au rez-de-chaussée), puis, au premier étage, en honorant les Vies minuscules dans de petits formats (clin d’œil à l’auteur Pierre Michon). Avec, au cœur du puits central, une table ronde recouverte de centaines de clichés laissés à portée de main des visiteurs. « J’ai imaginé un homme qui arrive ou qui part de chez lui et traverse la Méditerranée, là il tombe à la mer ; au fur et à mesure qu’il s’enfonce, les images de sa vie lui reviennent en mémoire ». Pour se ressourcer, à chacun de plonger dans cette mer d’images, dans ces cercles d’eau en mouvement… Dans ce kaléidoscope photographique, un seul cliché n’est pas de lui mais il l’a redécouvert il y a peu : il est issu du dernier film de Fernandel, Heureux qui comme Ulysse, depuis longtemps abandonné dans les tiroirs familiaux. Car Franck Pourcel avait cinq ans lors du tournage du film en Camargue, et « le voyage d’Ulysse était déjà en [lui] ». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ulysse ou les constellations jusqu’au 25 mai Maison de la Photographie, Toulon 04 94 93 07 59

Cap sur les Mocos

I

ls sont nés à Toulon, Tarbes, Marseille et Rio de Janeiro mais on les appelle Les Mocos, nom donné aux Toulonnais dans le vocabulaire maritime. Car la cité portuaire fut le lieu de leurs navigations et, aujourd’hui, leur lieu d’exposition. À la Galerie du Canon, leurs œuvres conversent à bâtons rompus : les petites huiles sur papier et toile de Jérémy Liron s’opposent à la monumentalité des sculptures en tôle de Goulven, les jeux d’esprit colorés des sérigraphies de Jean-Noël László font un pied de nez aux photographies noir et blanc de Gilles Boudot. Si le dialogue formel est contrarié, il en est d’autant plus riche ! Et grâce à la circulation imaginée par Hildegarde Laszak, déliée, ouverte, l’exposition met en évidence leur connivence : le trompe-l’œil, ou l’art de l’illusion visuelle. Paysage urbain pour le premier, paysage matière pour le second, paysage mental pour le troisième, paysage objet pour le dernier. Ce tour d’horizon joue à saute-moutons entre les médiums et les images, et crée un jeu complexe avec le regardeur. Comment les paysages idylliques de Jérémy Liron évoquent un paradis où le béton fait ami-ami avec la végétation domestiquée ? Par sa virtuosité technique, son art cinématographique du plan serré et du plan large, sa volonté de donner une (fausse) liberté au végétal. Pourquoi le miracle du canular photographique opère-t-il à tous les coups chez Gilles Boudot ? Parce que le format « paysage » des tirages sied à l’ambiance postindustrielle des mises en scène, les titres sont follement surréalistes (« Biberon en plastique

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© Galerie du Canon

et Prises en appliques ») et la série Phénomènes, Les mouvements de l’air chaud le laboratoire de toutes ses élucubrations poético-scientifiques. Pourquoi le double sens est-il l’apanage de Jean-Noël László ? Parce qu’il se situe toujours en horschamp, et qu’il marie avec humour typos, mots, graffs dans des rébus oulipiens. Quant à Goulven, il parvient à dégager des arêtes vives de l’inox et de l’acier une infinie douceur. M. G-G.

jusqu’au 4 mai Galerie du Canon, Toulon 04 94 24 82 06 galerieducanon.com

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54 critiques cinéma

L’Amérique latine à cœur ouvert Argentine, Brésil, Cuba, Mexique. Retour sur les 21e Rencontres du Cinéma Sud-Américain à Marseille

Joel de Carlos Sorin © Paname distribution

C’

est une première internationale qui ouvre le festival, celle du dernier film de Fernando Solanas : Le grain et l’ivraie. Hommage à ce grand réalisateur dont les films depuis L’Heure des Brasiers en 1968, résolument engagés, radiographient la réalité argentine. À 82 ans, le voilà reparti sur les routes de son pays pour constater les conséquences sociales et environnementales du modèle agricole intensif. Et son documentaire est glaçant, comme celui du Brésilien trentenaire Filipe Galvon : Encantado, le Brésil désenchanté. Autre pays, autre génération mais même balancement entre utopies et dystopies dans une histoire marquée par les dictatures assumées ou sournoises, où l’accès au pouvoir des classes populaires n’est qu’une parenthèse. Galvon appartient à la génération Lula-Dilma. Encantado, c’est son quartier d’enfance de la banlieue populaire de Rio, devenu emblématique de l’élan créé par Lula, de l’embellie économique suivie par la dégringolade : abandon du quartier aux ordures et aux intempéries, université livrée aux herbes folles, désertion des habitants. Les jeunes Brésiliens de l’Europe où ils

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étudient, les intellectuels, Dilma ellemême et quelques résidents racontent la déconstruction du rêve, analysent la prise de pouvoir de Bolsonaro qui, si elle n’est pas militaire et passe par un semblant de légalité, peut être qualifiée de « coup d’État ». On voit comment s’opère le glissement : mécontentement légitime contre le coût excessif de la Coupe du monde, contre la gangrène de la corruption, déstabilisation et erreurs politiques du gouvernement en place, puis récupération des mouvements par les forces réactionnaires et revanchardes qui attendaient leur heure, procès partiaux, destitution de Dilma, assassinat politique de Marielle Franco. Si la volonté de ré-enchanter le pays s’affirme à la fin du film, car « on peut couper toutes les fleurs, on n’arrêtera pas le retour du printemps », le goût reste amer. Le cinéma latino-américain semble nous tendre un miroir, et porte le politique au cœur des fictions.

Joel, Jules et Jim Témoins, entre autres : deux films dont les sujets intimes révèlent le mal tapi dans les sociétés humaines. Le premier, Joel

de Carlos Sorin, raconte une histoire cruelle. Cecilia et Diego vivent à Tolhuin, une petite ville de Terre de feu, où la communauté chrétienne semble soudée et sereine. Il est ingénieur forestier. Elle est prof de piano. Face à l’impossibilité d’avoir un enfant, ils en adoptent un. Plus âgé qu’ils ne l’auraient souhaité, venu d’un milieu pauvre et chaotique. Un petit bonhomme à l’épaisse tignasse noire – extraordinaire Joel Noguera, tout en nuances ! Un gamin qui a un retard scolaire et des histoires à raconter à ses camarades, peu au goût de leurs parents ! Le processus d’exclusion qui se met en place contre le petit garçon va révéler l’hypocrisie de ces bien-pensants, soucieux de conserver la « pureté » « l’innocence » de leur chérubin, et surtout de ne pas mélanger torchons et serviettes ! La progression dramatique, la pudeur des sentiments, les non-dits et les doutes, plus que ne le feraient cris et fureur sont bouleversants. Le second, Nido de Mantis du Cubain Arturo Sotto Diaz prend les habits du polar pour suivre à bout de souffle, jusqu’à la triple mort sanglante des protagonistes, une passion amoureuse née dans

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l’enfance : deux hommes de milieux sociaux différents aiment une paysanne. Il filme leur parcours avant, pendant et après la révolution cubaine. Alternant les couleurs du présent et un superbe noir et blanc qui reconstruit, au fil des témoignages, le tourbillon de la vie. Un Jules et Jim avec lutte des classes et vent de l’Histoire, magnifique fresque romanesque, des champs de cannes à sucre à la grande jetée de la capitale, des années 50 aux années 90. Le procureur de La Havane en charge de l’enquête arrive en Lada blanche (l’ami est désormais soviétique) dans le petit village où se sont produits les faits, accompagné par son assistante et maîtresse - qui deviendra l’avocate d’Azucar, suspectée du triple meurtre de sa mère et de ses deux pères (ne sachant duquel elle est biologiquement la fille). Au cours de ses investigations, il attrapera un rhume, un peu de vérité, se fera rouler dans le sucre d’Azucar et découvrira que si l’amour crée sa propre morale, la communauté des villageois, entre rejet, voyeurisme, et cruauté n’en a guère !

Eve en galère Avec Roma d’Alfonso Cuarón, Lion d’or à Venise, le cinéma mexicain a montré de quoi il était capable. Si La Camarista n’a pas la même prétention esthétique, sa réalisatrice Lila Avilés s’inscrit dans cette veine sociale d’un cinéma qui dépeint les aspirations d’une classe populaire laborieuse en quête de lendemains moins inégalitaires. Dévouée, minutieuse, intègre, Eve est femme de chambre dans un hôtel de luxe à Mexico. Mère isolée d’un fils qu’elle doit faire garder pendant ses longues et monotones journées de travail, elle ne s’accroche guère qu’à de maigres ambitions : être choisie pour travailler au prestigieux 42e étage et se voir attribuer une robe rouge déposée aux objets trouvés. Tourné intégralement dans l’établissement, le film procure une sensation oppressante d’inaccessibilité au monde extérieur. Au contact de ses collègues de galère et scrutée par un laveur de vitres, Eve finira par prendre conscience de son besoin d’émancipation et d’épanouissement. Alors que le géant hispanophone d’Amérique du Nord est l’un des rares États latino-américains à ne pas avoir choisi la voie conservatrice et libérale lors des dernières élections présidentielles, cette Camarista rappelle que les perspectives de changement n’ont rien d’évident dans une société aux dominations profondément ancrées. ELISE PADOVANI ET LUDOVIC TOMAS

Les 21e Rencontres du Cinéma Sud Américain ont eu lieu du 29 mars au 6 avril, à Marseille.

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Première Campagne

Film de la semaine

Audrey Gordon filme l’itinéraire croisé de la journaliste Astrid Mezmorian et d’Emmanuel Macron

Première campagne d'Audrey Gordon © Jour2Fête

À

peine arrivée au service politique de France 2 en septembre 2016, Astrid, « petite jeune » fraîchement débarquée, s’est vue confier un sujet dont pas grand-monde ne voulait : le meeting de l’ex-ministre de l’économie, qui se lançait alors en campagne. Cette Première campagne se solde par une irrésistible ascension. Le parallèle est évident, et le traitement du sujet ne manque ni de mouvement, ni de panache. Première Campagne s’accroche à Astrid Mezmorian, la filme sur tous les terrains, et permet au spectateur de découvrir les coulisses d’une campagne présidentielle et de ses échos dans les médias. Au détour d’une scène anodine, la journaliste s’interroge sur le terme de « cristallisation » employé par les sondages d’opinion. Elle y voit un écho amoureux, et évoque son traitement par Stendhal au candidat, qui s’empresse de botter en touche. Cette question, capitale, de la fascination d’un journaliste pour son sujet d’étude, et celle, attenante, de l’amour de la documentariste Audrey Gordon pour son sujet, ne sont pour autant jamais posées avec assez de distance ou de profondeur. Première campagne fait sienne la nécessité d’immédiateté, d’urgence et de simplification des messages qui est de rigueur dans le domaine du journalisme télévisuel. Cette célébration

sans recul du travail de la pétillante Astrid Mezmorian, qu’on devine peu dupe des manœuvres médiatiques du futur président, exclut tout débat quant à la pertinence d’un tel traitement de l’information, réduit au bon choix de termes, au rêve d’une question « de fond » que la journaliste espère poser au candidat sans y parvenir. Malgré lui, le documentaire s’avère suffoquant. Il a par ailleurs la malchance d’arriver un mois après Depuis Mediapart (Naruna Kaplan de Macedo) qui parvenait bien mieux à dégager les enjeux de cette période cruciale. SUZANNE CANESSA

Première campagne, d’Audrey Gordon, sortira le 17 avril (1h12)

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56 philolitté

Peinture sur soi

U

n soir, alors qu’elle a bu quelques verres de trop comme d’habitude, Marie entre dans un salon de tatouage. Elle en ressort moins d’une heure plus tard une rose tatouée sur l’omoplate. Ce geste transgressif la remplit d’un intense sentiment de libération. Premier d’une longue série, ce tatouage est le signe d’une soif de changement trop longtemps réfrénée : Marie, 59 ans, fraîchement divorcée, mère de trois enfants adultes, ne peut plus se contenter de la vie facile (et étriquée) de bourgeoise des beaux quartiers de Sydney. D’ailleurs ce n’est plus possible, les dettes s’accumulent, la belle maison et le magnifique jardin que Marie a passionnément entretenu vont être vendus. C’est la fin d’une époque. Et pour Marie, l’entrée dans une nouvelle existence. Grâce au talent de l’artiste tatoueuse Rhys, elle reprend possession de son corps, de son identité. L’encre vive est le premier texte traduit en français de l’écrivaine et artiste performeuse australienne Fiona McGregor.

Sous ses dehors légers, cette chronique familiale se révèle émouvante et profonde. Comme le fantôme majestueux (un papillon superbe que Marie se fait tatouer dans le dos), elle se déploie au fil de trois parties qui font naviguer le lecteur entre le point de vue de Marie et celui de ses trois enfants, Clark, Blanche et Leon. Tous, comme leur mère, sont à la croisée des chemins. Et pour tous, la vente de la maison familiale est un bouleversement. L’argent, le temps, l’âge, ces thèmes scandent le roman en un leitmotiv lancinant. Mais le récit dit aussi la beauté et la fragilité de la nature, omniprésente, l’amitié, la puissance du désir, la quête, difficile mais exaltante, de l’indépendance, pour les femmes surtout. Malgré leurs défauts, leurs multiples défaillances -que l’écrivaine pointe avec une ironie certaine-, peut-être à cause d’eux, on s’attache aux personnages qui gravitent autour de Marie. Et on quitte à regret ces humains si fragiles… Si humains.

Jeux de piste

C’

est un curieux petit livre que cette Fable pour l’hiver, publié par la jeune maison d’édition Tituli créée en 2015 par la poétesse Christine Bonduelle. Une écriture qui se situe entre la poésie et le théâtre, qui pose les problèmes du passage à l’acte, à la création et à la confrontation avec le spectateur. Anne Houdy, comédienne, écrivaine, amoureuse des mots dans le sillage de Jacques Rebotier, dont elle apprécie particulièrement l’écriture, se livre à un exercice déroutant, celui de matérialiser la difficulté de se mettre en scène, de restituer un texte, de lui donner vie. D’ailleurs la deuxième partie du texte présente

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Livre de la semaine

FRED ROBERT

L’encre vive Fiona McGregor, traduit de l’anglais (Australie) par Isabelle Maillet Actes Sud 23,50 €

Livre de la semaine des notes de travail qui concernent la comédienne et le metteur en scène. Il s’agit de restituer une émotion, de rendre compte d’une sensation. Le gouffre de la page blanche est évoqué par un grand espace balayé par le vent et la neige. Trois voix se mélangent et s’interrogent : celles du poète, de l’homme et de la jeune femme. La confrontation au plateau est difficile, la fable se perd, les mots échappent. Car la mémoire joue des tours aussi. Et il arrive que la fable et le poème vivent leur propre vie, indifférents à leur créateur… C’est tout cela qu’évoque l’auteure, sans le dire vraiment. Avec Anne Houdy il faut beaucoup lire entre les

lignes et suivre un jeu de piste, comme ceux que l’on pratique enfant, donnant des éléments de reconnaissance : un hêtre, un oiseau, son nid avec un œuf blanc convoité par un renard… La fable est là, mais aussi son mystère et la peur de cette fosse où se tapit peut-être un orchestre ou une menace de disparition, ou de mort. Avec elle on ressent les peurs du poète devant sa page, celle du comédien devant son texte et sur le plateau du jeu. Mais on s’amuse aussi à cette lecture avec les mots à double sens. Ainsi le vent et le souffleur soufflent, la jeune femme perd ses feuilles comme le hêtre. Le poète dit à la jeune femme : « Ton silence est d’or / et ton échelle / de valeur. » Échelle de corde ou de soie ? CHRIS BOURGUE

Fable pour l’hiver – Théâtre Anne Houdy Tituli, 15 €

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58 philolitté

Le seizième homme

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vec Les imprudents, Olivier Bertrand, en journaliste et documentariste, mène une enquête serrée à propos de l’identité de l’un des fusillés du village des Crottes en Ardèche dont sa famille est originaire. La population complète du hameau, quinze habitants, a été décimée un terrible 3 mars 1944. Mais un seizième corps découvert parmi eux garde le mystère de son identité… Le récit familial et personnel se tisse avec celui des maquis et de la Résistance. La recherche des témoignages, des documents, carnets, photographies, pièces d'archives, prend des allures de polar. Les rencontres avec des survivants se doublent d’une véritable course contre la montre… L’âge avance,

Livre de la semaine

éclaircit les rangs des témoins… La quête est marquée par la hâte de recueillir les mots, les souvenirs, malgré les mémoires qui s’effacent, remodèlent… « C’est drôle les transmissions, (...) On n’apprend pas tous les mêmes choses, même au sein d’une famille. » Les clivages politiques sont mis en évidence, ainsi, en ces terres qui connurent les guerres de religion, celui entre protestants (« plutôt de gauche, aisés et proches de la Résistance ») et catholiques (« souvent de droite, plus pauvres et peut-être plus méfiants vis-à-vis des maquisards »). Renaît, sous la plume d’Olivier Bertrand, le célèbre Maquis Bir-Hakeim, jusqu’à sa fin tragique, avec les figures des jeunes résistants, leur enthousiasme, mais aussi les traques, le courage de ceux qui risquent leur vie, la

Le soulèvement de l’homme ordinaire

É

ric Vuillard, lauréat du prix Goncourt 2017 avec L’ordre du Jour, nous revient avec un texte court, intense et vif : La guerre des pauvres. En 1525, à l’époque de la Réforme protestante, une partie du peuple se soulève en Allemagne contre les privilèges des puissants avec à sa tête un leader, Thomas Müntzer, théologien réformé de première importance et qui a sans doute la conscience sociale la plus alerte. Des impôts qui rendent exsangue dans une structure sociale inégalitaire, une étincelle de trop et le peuple s’embrase dans un mouvement hétéroclite composé de paysans, de mineurs, d’artisans, de petits commerçants. Les batailles se succèdent, la répression est sanglante. Mais l’important, c’est la lutte, écrite autant qu’armée. « Omnia sunt

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communia », « Toutes choses sont communes » : voilà l’un des mots d’ordre déroulé par Thomas Müntzer au fil d’une prose impétueuse, ardente. Il cite Daniel « Le pouvoir sera donné au peuple ». Il cite Jean, Luc, les psaumes. Toute pensée s’inscrit dans une époque, un contexte. Celle de Müntzer s’inscrit dans la lecture littérale des textes religieux pour démontrer que l’oligarchie n’en respecte pas les principes et pour y chercher la légitimité d’un soulèvement populaire pour l’instauration de l’égalité sur terre. Il écrit en langue vulgaire, prêche en allemand, s’insurge contre princes, pape et prélats. Aujourd’hui, les structures sociales ont changé, mais les inégalités demeurent. Elles sont de plus en plus criantes, et l’écho de ce texte nous parvient dans une

donnent pour les autres… Ici, l’un ne parle pas sous la torture, là, un maire invente des identités pour protéger les résistants cachés dans la foule des villageois que menace une troupe allemande… enfin, celui dont le nom sera enfin retrouvé, (le seizième corps) se sacrifie pour que ses camarades puissent fuir. Il y a bien sûr aussi les personnages du traître et du gradé qui perpètre le massacre des Crottes, ce « petit Oradour-sur-Glane ». Olivier Bertrand nous amène à y voir clair « dans l’entrelacs des solidarités et des règlements de comptes », en une écriture limpide au rythme soutenu. Un ouvrage nécessaire contre l’oubli sur une période qui donne encore son sens à notre monde contemporain. MARYVONNE COLOMBANI

Olivier Bertrand était invité le 4 avril à la librairie Histoire de l'œil à Marseille Les imprudents Olivier Bertrand édition du Seuil, 19 €

Livre de la semaine

actualité brûlante où les Gilets Jaunes se livrent à une résistance contre le discours d’un pouvoir qui assume l’injustice sociale d’une manière décomplexée qui flirte avec l’indécence. Dans les processus insurrectionnels, quelque chose se répète, revient, insiste, dans une exigence de liberté et d’égalité. La séquence n’est pas close. Le récit d’Éric Vuillard non plus : il est inachevé, parce que « seule est souhaitable la victoire ». L’auteur la racontera, un jour prochain, comme une déflagration. Ce texte, fulgurant, épique, est un recours à l’Histoire pour parler du présent. MARION CORDIER

Éric Vuillard était invité à la librairie L’odeur du temps à Marseille le 14 mars pour la présentation de son récit La guerre des pauvres. La guerre des pauvres Éric Vuillard Actes Sud 8,50 €

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«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !

Philo Kakou : L'éthique à Baruch !

C’

est amusant la liberté, Paul Valery disait que c’est « un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu’ils ne parlent ». Eh ben, à ce compte-là on pourrait en détester pas mal, des mots ! Mais pas la liberté qui peut être très signifiante quand on la fait parler un peu philosophiquement ; elle se chante Z d r © TnK1P en différentes langues, ce n’est pas la même chose. La semaine dernière, Descartes nous chantait sa version « libre spontanée et volontaire ». Bref pour dégager l’absurdité qui consiste à dire « je fais ce que je veux, donc j’hésite » comme la marque de la liberté, le brave René concluait que pour être libre il fallait faire les choses volontiers. Pas mal : quelqu’un d’engagé ne va pas hésiter à faire certaines choses en fonction de ses valeurs ; donc on peut le qualifier de plus libre qu’un autre, qui n’a pas de valeur et pour qui toutes choses se valent ou presque. Problème : celui

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qui n’hésite pas chaque soir à se caler devant sa télé, sans même prendre en compte la possibilité d’autres choix ou sorties plus intéressantes, celui-là est-il libre ? Non. On se trouve dans une impasse, le seul moyen d’en sortir est de défoncer le mur en face de nous, et ce mur c’est notre conscience, ou la représentation qu’on se fait de nous-mêmes et de nos actions. Et c’est là qu’intervient le grand Baruch, dit Spinoza. Procurez-vous son Éthique, grignotez-la par petits bouts, elle est faite de scolies, de démonstrations qu’il faut un certain temps à digérer ! Notamment si on commence par le début : le brave polisseur de lentilles (oui, oui c’était son métier) attaque directement par Dieu, ce qu’il est, ce qu’il fait, comment il se rase, comment on peut le concevoir ! Alors faut s’accrocher ! Donc conseil d’ami et devoir à faire pour la semaine prochaine : commencer par l’appendice au livre I, ce sont sept pages des plus ahurissantes et formidables de l’histoire de la philosophie, vous m’en direz des nouvelles ! Et on en reparle. REGIS VLACHOS

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60 feuilleton littéraire

Solal et la comète épisode 6 : Résister !

résumé de l'épisode 5 Solal réfléchit à l’énigme du Professeur Voitou. « Ne pas chercher trop loin » signifie peut-être attendre sur le quai du métro. Il y passe donc deux heures à scruter la foule de passagers, sans succès. Martina l’appelle : elle lui a trouvé une sous-location. Puis il reçoit un SMS d’un numéro inconnu qui commence par : « Cher Solal, c’est avec joie que j’ai vu ton a... »

Ma thil em deR amadier Chloé Guilh ©

Mathilde Ramadier débute ses études à l’école d’arts appliqués Olivier de Serres à Paris, puis obtient un master de philosophie contemporaine à l’École normale supérieure. Ses premiers romans graphiques paraissent en 2011.Elle publie aussi des essais libres.Vivant entre Berlin et Arles, ses sujets de prédilection sont l’écologie, le féminisme, la sexualité et les mutations du monde du travail.

S

olal s’est arrêté net dans le couloir du métro. Les gens le doublent. Il tapote d’un coup bref sur l’écran de son téléphone pour afficher l’intégralité du SMS. « Cher Solal, c’est avec joie que j’ai vu ton ascendant : BÉLIER !!! C’est donc dans ta maison que tu vas avoir le bonheur, car tu vas en forcer l’entrée comme un bélier enfonce une porte. Si tu veux savoir TOUT, voyance tarif spécial pour toi Solal si tu as le courage de répondre avant dimanche. Cordialement, Professeur Voitou. Spécialiste du retour de l’être aimé. » Solal change de ligne de métro et sort à Cinq-Avenues, la tête vide. Il déambule dans les allées monumentales du musée des Beaux-Arts. Les murs, noirs ou pourpre, semblent vouloir absorber les rares visiteurs présents en ce jour de semaine. Solal cherche des tableaux du XVIIIe pour parfaire sa connaissance de cette période : il compte proposer un exposé à son professeur pour compenser l’examen manqué. Après avoir passé en revue plusieurs peintures religieuses aux cadres dorés surchargés, il s’arrête devant un tableau plus

intrigant. Il croit d’abord à un énième sujet pieux : une scène de miracle, ou plutôt, d’apocalypse. En y regardant de plus près, il reconnaît le port de Marseille. Une rue qui monte vers le quartier du Panier au fond à droite et au premier plan, l’Hôtel de ville. Au sol, sur l’esplanade et jusqu’aux eaux sombres du port, des dizaines de mourants, des corps souffrant dans des poses maniéristes, implorant ceux qui sont encore debout et courent dans un mouvement de panique. La peste. La dernière épidémie qu’a connue la France, et qui fit des ravages à Marseille en 1720, décimant la moitié de la population. Entre les morts, les pestiférés et les paniqués, des hommes perchés sur leurs beaux chevaux. Des nobles, des politiciens, des notables venus voir, donner des ordres. Leurs doigts pointés vers le sol jonché de malades n’indiquent qu’une chose : jetez-les à la mer, enterrez-les vivants. Certaines familles ont même été emmurées dans leurs maisons, comme si la mort était quelque chose qu’on pouvait contenir, oublier d’un coup de pelle. Solal s’immobilise longtemps devant la toile. Trois mètres par deux qui font frémir. Les fenêtres des bâtiments, y compris celles

en co-production avec La Marelle

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de l’Hôtel de ville, sont sombres, très sombres. Quelques têtes osent s’aventurer derrière les vitres pour regarder ce qu’il se passe au-dehors. Les corps sont recouverts de chaux ou d’un linceul blanc, traînés en groupe à main nue par des hommes comme des bouquets de fleurs séchées. Un détail saute à l’œil de Solal : le contraste de couleurs entre les malades, la population qui a besoin d’aide, et l’élite venue assister au spectacle, prendre des décisions ou donner des ordres. Cette dernière avance sur des chevaux blancs, vêtue de couleurs flamboyantes, rouge vermillon, bleu cobalt, mauve lavande. Le peuple implorant de l’aide affiche, lui, les teintes fades de la mort. Beige écru, gris taupe, blanc livide et sale : ils sont déjà à moitié enterrés et oubliés. Quant aux toits des maisons du Panier qui dépassent au fond, ils abritent sans doute des familles entières, souffrantes, laissées pour compte, frappant contre les murs pour appeler au secours. Au-delà de Marseille, les préfets et vicomtes de Provence avaient fait construire un autre mur pour empêcher l’épidémie de se répandre. Cela n’avait pas vraiment marché, et d’autres villes, comme Arles et Avignon, avaient elles aussi été contaminées. Comme si dresser un mur protégeait du malheur. Aujourd’hui, heureusement, la peste n’existe plus. Mais on oublie encore des gens dans des immeubles.

de cristal transparente. À l’intérieur, Solal distingue quelques bulles éparses, dessinant une comète. Il repense à la dame au chignon, venue la chercher quelques jours plus tôt. « Sans elle, je ne vois rien ! » clamait-elle. Il la dépose sur le comptoir avec un post-it explicatif pour Amir au cas où elle reviendrait. Puis il allume l’ordinateur du comptoir, se connecte à Facebook. Malgré sa volonté d’avoir recours au bouche-à-oreille avant tout, il n’a pas pu résister au réseau social et a posté la veille une annonce de recherche d’appartement. Sur ses 149 amis, certains, les Marseillais notamment, ont forcément dû réagir... Quelqu’un a fatalement répondu en privé qu’il a un plan. Il clique. Il n’y a que des likes, mais aucun commentaire. À la seconde où il s’apprête à cliquer pour supprimer son post, un bruit sourd résonne dans la pièce. Quelqu’un frappe au rideau métallique. Il pivote sur son tabouret et aperçoit une lumière bleue clignotante, filtrée à travers les lattes du rideau. La police ! Il éteint vite la lampe.

De retour au magasin d’antiquités, une fois Amir parti et le rideau baissé, Solal entreprend de pousser des cartons pour faire sécher quelques vêtements lavés à la main. En tirant sur du papier bulle, il sent quelque chose tomber. Un objet lourd, qui roule jusque sous l’armoire. Solal se contorsionne et tend le bras pour le rattraper, entre deux tas de poussière. C’est une boule Suite et fin du feuilleton dans le prochain numéro...

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Les films à ne pas louper cette semaine Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon dimanche 14 à 20h55 Les valseuses de Bertrand Blier dimanche 14 à 22h30

petit

écran

Drôle de frimousse de Stanley Donen lundi 15 à 22h45

Les enfants perdus d’Angleterre

L’assassin habite au 21 de Henri-Georges Clouzot lundi 15 à 00h05

mardi 16 à 20h50 Après Les enfants volés d’Angleterre (rediffusé sur France 5 le dimanche 14 avril à 23h30), ce documentaire de Stéphanie Thomas et Pierre Chassagneux constitue le deuxième volet d’un diptyque consacré aux services sociaux britanniques, notamment à la protection de l’enfance. Depuis 1989, le Children Act fait du soupçon de maltraitance une raison suffisante pour retirer un enfant à ses parents. Confiée au système privé, l’application de cette loi se dédouane de la notion d’accompagnement d’un service public, et les familles désargentées et mères célibataires sont souvent injustement considérées comme parents défaillants. Le documentaire retrace le parcours de milliers d’enfants retirés définitivement de la garde de leurs parents, pour être adoptés ou placés en foyer ou en famille d’accueil. Suivi d’un débat en plateau avec : Alice, témoin du premier volet, qui a récupéré la garde du fils de sa cousine âgé de 5 ans placé en famille d’accueil ; Vicky, ayant perdu la garde de sa fille ; Florence Bellone, première journaliste à avoir révélé les dysfonctionnements des services sociaux britanniques ; Jean-Luc Rongé, juriste et éditeur du Journal du Droit des Jeunes ; Hynd Ayoubi Idrissi, experte et membre du Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU.

Phantom Boy de Alain Gagnol mardi 16 à 23h25 Peau d’âne de Jacques Demy mercredi 17 à 20h55 Boyzn N the Hood de John Singleton jeudi 18 avril à 23h15 Le livre d’image de Jean-Luc Godard mercredi 24 à 22h25

Guerre des races aux USA ? mardi 16 à 21h45 À Charlottesville en août 2017, en marge d’une manifestation de l’ultra-droite, un suprématiste blanc tue une militante antiraciste, et en blesse 19 autres. Comment en est-on arrivé là ? Dans le contexte d’une Amérique décomplexée sous le règne de Trump, les tensions s’avivent entre partisans des deux camps. Le documentariste Adam Bhala Lough prend le temps de mener de longs entretiens avec des membres des deux partis. À 22h40, la soirée thématique se poursuit avec la diffusion du documentaire Infiltré dans l’ultra droite, dans lequel Bosse Lindquist documente l’infiltration de groupuscules d’extrême-droite en caméra cachée, de Londres à Washington.

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La maison des hommes violents mardi 16 à 23h15 À Arras, dans le Pas-de-Calais, existe une structure unique en France dans l’accompagnement des auteurs de violences conjugales. Créé en 2008 à l’initiative de magistrats, le Home des Rosati est un foyer d’hébergement pour les hommes violents, mais aussi un lieu de réflexion visant à les faire sortir de la spirale de la brutalité. En attendant l’issue du procès, cette étape se présente comme une alternative à la prison, assortie d’une obligation de soins psychologiques, considérés comme la meilleure des préventions contre la récidive, assurés au quotidien par une équipe éducative. Suivant le quotidien de 6

pensionnaires et du personnel soignant, la réalisatrice Marie-Christine Gambart livre un documentaire tout en pudeur, sur la logique de victimisation de certains coupables, liée à une immaturité émotionnelle résultant souvent d’un lourd passif familial. À ce jour, sur les 345 hommes passés par le Home des Rosati, seuls 13 ont récidivé. Pour autant, l’expérience n’est pas réitérée ailleurs sur le territoire, et les financements en baisse menacent la survie de l’établissement. Suivi d’un débat présenté par Marie Drucker, en présence de Benoît Durieux, directeur du pôle hébergement, insertion, responsabilisation de l’Association SOLFA et Luc Frémiot, magistrat honoraire, ancien procureur de la République de Douai.

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Delphine et Carole, insoumuses

L’esprit du Bauhaus

mercredi 17 à 22h25

mercredi 1er à 22h40

La réalisatrice Callisto McNulty se plonge dans la fervente amitié que sa grand-mère, la vidéaste Carole Roussopoulos, avait nouée avec l’actrice Delphine Seyrig. La première initie la deuxième à un usage subversif de la caméra vidéo, émancipée du regard des hommes. Dans ce vibrant hommage au « féminisme enchanté » des seventies, post Nouvelle Vague, les images d’archives retracent la révolte des prostituées de Saint-Nizier, les coulisses de réunions du MLF, les indignations d’époque, un entretien avec Jane Fonda… Muses et insoumises, les deux amies témoignent de l’époque d’un féminisme joyeux, qui maniait allègrement le second degré et les coups d’éclat.

De la Cité Radieuse corbuséenne marseillaise, prototype de l’habitat du futur, au Barrio Picacho de Medellin en Colombie, entièrement conçu et agrandi par ses habitants, ce documentaire revient sur les utopies architecturales du XXe siècle, nées de l’école allemande du Bauhaus, fondée en 1919 dans la ville conservatrice de Weimar par Walter Gropius. Dès ses débuts, le mouvement embarque dans son sillage les peintres Paul Klee ou Kandinsky. Il s’agit alors de redécouvrir l’essence des choses – matières naturelles, savoir-faire techniques– et la dynamique qui les anime, dans la quête d’une unité atemporelle du Beau. En deux volets, Thomas Tielsch et Niels Bolbrinker retracent cette aventure qui ne dura que 15 ans, stoppée par l’avènement du nazisme. À l’occasion des 100 ans du Bauhaus, Arte consacre de nombreux documents au sujet, à retrouver en ligne sur le site arte.tv/bauhaus. À voir notamment : une intervention de Claudia Emmert, directrice du Musée Zeppelin, critiquant le versant machiste du Bauhaus.

Equus samedi 20 à 20h50 De la Mongolie au Canada en passant par le Danemark, le réalisateur Dennis Wells et l’anthropologue Niobe Thompson retracent la longue relation qui lie l’homme au cheval, depuis la Préhistoire. Pendant deux ans, ils ont parcouru le monde, à la rencontre de peuplades qui côtoient quotidiennement l’équidé, des Bédouins de la péninsule arabique aux Pieds-Noirs Amérindiens. Avec le biologiste allemand Martin Fischer, on découvre en 3D l’ancêtre probable du cheval. Auprès de généticiens, on revient sur l’importance de l’animal dans les grandes vagues de migrations européennes et asiatiques.

Le monde en face, secrets de famille, l’héritage invisible mardi 23 avril à 20h50 « Le secret de famille ressort toujours, parfois sous forme de mal-être sur les descendants, quelques générations après » : pour étayer ce postulat de départ, les réalisatrices Aude Rouaux et Marie Garreau de Labarre suivent plusieurs individus, et lèvent le pan sur un tabou fondateur. Adopté à deux ans, JeanPierre a attendu l’âge de la retraite pour partir sur ses origines biologiques, taraudé par « le désir d’en savoir plus, la peur d’en savoir trop ». Il se découvre né dans une pouponnière nazie. Dans la famille d’Anne-Marie, les femmes se suicident ou sont atteintes de maladie mentale depuis trois générations. En quête du chaînon manquant, elle découvre que ses arrière-grands-parents sont morts en camp de concentration. On suit aussi le parcours d’Arthur, seul dépositaire du secret ayant conduit son père au suicide, ou encore Bénédicte et Raphaël, sur les traces de leur grande sœur, née d’une relation interdite au sein de l’Eglise. Un guide de haute-montagne, qui transmet l’alpinisme comme une thérapie, nous révèle les dernières avancées de la psycho généalogie : l’information du trauma laisserait des cicatrices sur les gènes des descendants. Mais il ne semble jamais trop tard pour enrayer le processus destructeur.

JULIE BORDENAVE

Et aussi… Santé : les femmes moins bien soignées ? dimanche 14 à 20h30 Opération Peter Pan, l’exode des enfants cubains dimanche 14 à 22h35 Etats-Unis, génération massacre mardi 16 avril à 20h50 Rwanda, un génocide en héritage mardi 16 à 00h30 Envoyé spécial, le mystère des bébés sans bras jeudi 18 à 21h Césaire contre Aragon jeudi 18 à 21h55 Europe, dans les coulisses d’une décennie en crise, l’urgence des migrants jeudi 18 à 23h20 Name and shame lundi 22 à 10h et 20h Colette, l’insoumise lundi 22 à 22h20

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Festival

Les Musiques

9 — 18 mai 2019

Marseille

04 96 20 60 16 gmem.org

A/CNCM

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