Zibeline l'hebdo Cult' #37/38

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CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné

31.05 > 14.06.2019

ZIBELINE

L’hebdo Cult’ n° 37-38

Festivals estivaux Cofees, Jazz, ZAT, danse, lyrique...

L 18754 - 37 - F: 2,50 €

2€50


sommaire 37 38

société (P.4-7) Cofees : les festivals éco-responsables Des lucioles au cœur du projet écologique de Châteauvallon Entretien avec Mathilde Larrère

Politique culturelle (P.10-12) Le Théâtre Toursky vs la Ville de Marseille Marseille et le cinéma

Cité Queer (P.8) Rapport annuel de SOS Homophobie

événements (P.13-24) Parcours métropolitain du Marseille Jazz des cinq continents Aix en Juin Caravansérail, entretien avec Rokia Traoré La Fête offensive du PCF 13 Les Printemps du monde de Correns Guylaine Renaud à Cassis Acqua di mare amaro à Musicatreize Les Belsunciades à Marseille

Djazia Satour, aux Escapades du Théâtre Durance © Yannick Siegel

L’Édition à Marseille Sons dessus de Sault La ZAT à Montpellier Les Escapades à Château-Arnoux-St-Auban

CRITIQUES (P.25-29) Les Eauditives, le Toursky, la Friche, Tendance Clown, le Massalia, le Sémaphore, le Forum de Berre, Cie Queen Mother à Montpellier, Festival de Musique de Toulon

au programme de la semaine Spectacle vivant (P.30-34) Musiques (P.34-35)

CINÉMA (P.36-37) Films de la semaine : Un havre de paix ; The Mountain ; Anna un jour

Rokia Traore au Festival Caravansérail © Danny Willems

CONSEILS TÉLÉVISION (P.38-39) ARTS VISUELS (P.40-42) Au programme de la semaine Exposition Erwim Wurm au Musée Cantini

PHILOLITTÉ (P.43-47) Livres de la semaine : La cage et Des hommes en noir ; Grands carnivores ; Égypte 51 Philo Kakou Feuilleton littéraire d'Éric Pessan, deuxième épisode Fat car, Erwin Wurm, Courtoisie Galerie Thaddaeus Ropac


edito

Mais pour qui avons-nous voté ?

L

’apprenti sorcier qui nous gouverne a fini le travail commencé par ses prédécesseurs, qui consiste à trahir le peuple puis à l’appeler à voter pour lui contre Le Pen. Depuis 2002 les campagnes électorales des prétendants au trône, suprême ou de province, s’acharnent à agiter éternellement l’épouvantail nationaliste. À crier « je suis le seul rempart contre l’extrême-droite ! ». Résultat elle monte, inexorablement. Le parti de la famille Le Pen est aujourd’hui le premier de France. La maltraitance du peuple par ceux qui, successivement, l’ont gouverné, conduit massivement vers le seul vote qui est présenté, par les médias et par le Président lui-même, comme une alternative au discours dominant et à la pensée unique. Car la Droite française est en miettes. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Le Rassemblement National peut demain rafler les grandes villes de la région. Les électeurs ont-ils oublié le chaos à Toulon, à Vitrolles, l’agonie lente d’Orange, l’ambiance délétère de Béziers ? Localement, nous avons déjà essayé. Mais quelle alternative ? Car la Gauche est atomisée. Le vote par défaut est devenu la règle, plus personne ne croit aux lendemains qui chantent. Pas une liste parmi les 34 pour emporter l’adhésion, véritable, des électeurs. Plus de 20% des votants ne seront pas représentés, les électeurs RN ont voté contre Macron, les électeurs LREM contre Le Pen, et les votants d’EELV sont contre l’écologie de marché de leur leader....

ZIBELINE L'HEBDO CULT' CULTURE

LOISIRS

TÉLÉ

CINÉ

Directrice de publication Agnès Freschel

Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline

Rédaction : journal.zibeline@gmail.com

Imprimé par Rotimpress Imprim’vert - papier recyclé

AGNÈS FRESCHEL

Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : Richard-Martin © Jean-luc Pycovsky.

Hebdomadaire paraissant le vendredi

BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732

Quant à l’Europe... La France, notre pays des Lumières et des ombres, de la Révolution et de la colonisation, de la Liberté et du trafic d’esclaves, est le pays de l’Union qui, proportionnellement, envoie le plus de députés d’extrême-droite au Parlement européen. LE pays qui a fait entrer cette extrême-droite dans la démocratie européenne, qui lui a permis de former un groupe. Une extrême-droite européenne divisée, prônant le chacun chez soi à l’Ouest mais la circulation de ses travailleurs à l’Est, poutinophile ici poutinophobe ailleurs, ouvertement raciste et homophobe à l’Est, laïque et courtisant les LGB (voire T) à l’Ouest, très libérale dans certains pays, à tendance (national) socialiste dans d’autres. Pour quelle extrême-droite européenne les électeurs de Le Pen ont-ils voté ? L’équilibre des forces au parlement européen n’a pas fondamentalement changé mais les deux groupes, socialistes et républicains, qui ont toujours gouverné ensemble, n’ont plus la majorité et devront chercher d’autres alliances. Ici, dans quelques mois, c’est à un double danger que nous devrons échapper : celui de la victoire dans nos villes du Rassemblement National, et celui d’une paralysie de nos idées face à ce danger. Il nous faut retrouver nos forces, et le projet enthousiasmant, politique, commun, écologique, d’une société nouvelle.

Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

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société

L’heure du Cofees Sud-Paca, terre de festivals... qui prennent conscience de leurs responsabilités environnementales et sociétales

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e Cofees (Collectif des festivals éco-responsables et solidaires de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur) est né en 2014. Il rassemble, coordonné par l’UDCM (Union des Diffuseurs de Créations Musicales), 17 structures du spectacle vivant, avec des colosses comme le Festival d’Avignon, et des manifestations plus légères comme le Green Fest, installé à Sorgues depuis 5 ans. Fin 2018, les membres du COFEES ont décidé d’intégrer la notion de RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) à leur réflexion, centrée à l’origine sur leur impact environnemental. Ils travaillent donc désormais en commun aussi bien à réduire leur consommation de ressources qu’à assurer l’égalité hommes/femmes ou le bien-être au travail.

Une toile d’araignée Pour Olivier Rey, chargé des relations presse du Cofees, « il ne s’agit pas de tomber dans une posture moralisatrice, mais de trouver des solutions à l’échelle de chacun : certains festivals ont de gros moyens à y consacrer, d’autres plus petits peuvent avoir aussi une volonté forte, et une action précise ». Michaël Dian, directeur du Festival de Chaillol qui prospère dans un milieu rural en montagne, pense que son expérience peut être utile à d’autres, en s’inspirant d’un concept développé par les écologues : c’est dans les marges, à l’intersection des écosystèmes, que bien souvent la vie fourmille. Lui s’est plus particulièrement intéressé aux questions de gouvernance : sa structure a pris la décision d’élire un CA paritaire (7 femmes, 7 hommes), transgénérationnel (de 30 à 70 ans), et qui intègre la parole des spectateurs. Il croit à la « joie de faire », et ne pense pas « qu’on gagne à carboniser son équipe ». « D’ailleurs tous ces enjeux sont liés, nos salariés, le public, le territoire... C’est le principe de la toile d’araignée, où qu’on la touche, le

uCooksound Festival

uFestival Résonance

(Forcalquier)

(Avignon)

uFestival d’Aix-en-Provence

uGreen Fest (Sorgues)

uFestival d’Avignon

uLes escales du Cargo (Arles)

uFestival Off d’Avignon

uLes Envies Rhônements

uFestival de Chaillol

(delta du Rhône)

(Hautes-Alpes)

uLes Printemps du monde (Correns)

uFestival international de piano de la Roque d’Anthéron uFestival Mimi (Marseille) uFestival Nuits Carrées (Antibes)

reste bouge : une équipe qui va bien c’est un beau festival, qui apporte du mieuxêtre autour de lui. » Pascale Severac, directrice de l’UDCM, précise que l’ambition du Cofees n’est pas de multiplier les participants, mais plutôt de comprendre l’articulation entre le contexte géographique, économique, les champs artistiques et les spectateurs. « Ce n’est pas un label, pas la peine d’avoir 15 festivals qui font la même chose ; nous visons la diversité, avec l’envie de fournir un travail de fond qui pourra bénéficier à tout le monde. Beaucoup demandent à nous rejoindre, mais les réunions sont déjà longues ! On leur explique que de toute façon nos outils et analyses seront à leur disposition. »

uLes plages électroniques (Cannes) uLes Suds (Arles) uMarsatac (Marseille) uZik Zac Festival (Aix-en-Provence)

On part de loin ! Côté public, l’intérêt est contrasté. Le festival électro-écolo Green Fest a adopté d’emblée une démarche éducative, en partant du principe que le message passe mieux dans un contexte de détente estivale. « Servons-nous de la culture ! C’est un excellent vecteur de sensibilisation ! » s’enthousiasme son directeur Teddy Sambuchi. Le terrain est inégal. Dans les Alpes, selon Michaël Dian, « les éléments naturels sont moins domesticables, les saisons plus tranchées, si bien que la représentation que la population a du monde en est imprégnée ». Mais d’autres friands de culture sont bien loin d’avoir des préoccupations environnementales. Chaque année lors du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, pourtant l’un


des premiers à avoir adopté une démarche éco-responsable, les membres du très cossu Cercle des Économistes viennent assister aux représentations en grosse voiture avec chauffeur, alors qu’ils sont logés à proximité immédiate, dans le centreville. On n’ose même pas imaginer le bilan carbone du Festival de Cannes, avec ses innombrables yachts... Du côté des artistes, mêmes contrastes. Pascale Severac, avec sa casquette de directrice artistique du Zik Zac Festival, déplore les riders (listes de fournitures, NDLR) « rédigés au kilomètre par les tourneurs ! On arrête de répondre à leurs exigences inutiles et qui n’ont pas de sens, et les artistes sont ravis ». Ils boiront de très bons vins issus des coteaux aixois, et non un cru bordelais.

Vert l’avenir La coordinatrice du Cofees, Véronique Fermé, explique que de plus en plus d’institutions s’intéressent au sujet : il y a désormais un service dédié au sein du ministère de la Culture, l’AFDAS propose des formations pour tout le secteur culturel, du livre au cinéma, afin d’initier les techniciens à la sobriété, et le CNV, qui perçoit la taxe fiscale sur les spectacles et la reverse aux entreprises de spectacle de musiques actuelles et de variétés, prend en compte depuis le 1er janvier 2019 les critères de développement durable pour l’attribution des aides. D’après Teddy Sambuchi, cet intérêt n’est pas sans effets secondaires. « Même si les préoccupations environnementales deviennent un point d’honneur dans de plus en plus de manifestations, naissantes ou installées, certains font malheureusement du greenwashing, pour des raisons économiques, afin de remplir les bonnes cases dans les dossiers de subvention ». Pas facile pour le public de différencier les structures qui ont entrepris un vrai processus, concrétisé, de celles qui n’offrent qu’un effet d’image et une absence de réflexion. Le jeune homme invite à repérer la pertinence et la cohérence d’une action sur certains points clés : énergie, déchets, alimentation bio et locale, toilettes sèches... et surtout transport. Selon Véronique Fermé, les émissions de CO2 de toute manifestation, qu’elle soit culturelle ou sportive, sont entre 70 et 80% liées au déplacement (du public, des organisateurs, et des intervenants). Si la Région encourageait le renforcement des TER, surtout nocturnes, ce serait déjà un bon point. GAËLLE CLOAREC

cofees.udcm.net

Le Cofees a pris le relais de la plate-forme Aér, créée par la Région Paca et l’ADEME en 2010 pour accompagner les festivals du territoire sur l’éco-conception de leur manifestation, et portée par l’Arcade. Son budget annuel est de 115 000 €, avec cette année 50 000 € supplémentaires destinés à financer un audit du déplacement des festivaliers assorti d’une étude d’impact économique.

Saison 19·20 Sophia Aram Batsheva Dance Company Pauline Bayle Charles Berling Cirque Trottola Emma Dante Lou Doillon Constance Dollé Jann Gallois Kery James Macha Makeieff Emmanuel Meirieu Phia Ménard François Morel Peeping Tom Maëlle Poésy Joël Pommerat Zingaro …


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société

Retrouver les lucioles L’environnement au cœur du projet culturel à Châteauvallon

J

ean-Baptiste Sastre, artiste associé à Châteauvallon scène nationale, a décidé pour son prochain spectacle* de travailler sur l’œuvre de la philosophe Simone Weil. « Comment exprimer la grâce de cette femme, sa pensée brûlante ? L’image de la luciole m’est venue en tête, comme une petite lumière dans la nuit des totalitarismes. » Désireux d’éclairer sa pièce exclusivement par une lumière naturelle, il a contacté un écologue, Fabien Verfaillie, rejoint par un spécialiste de bioluminescence, Marcel Koken (CNRS). L’initiative a rapidement pris de l’ampleur, avec une dimension participative autour de la biodiversité, en lien avec l’Observatoire des Vers luisants et des Lucioles. Pour Pascale Boeglin, co-directrice de la scène nationale, « Jean-Baptiste Sastre ne pouvait pas tomber mieux avec son idée ! ». Châteauvallon est un site exceptionnel : 10 hectares de nature, sur la commune d’Ollioules (83). « Ce lieu, créé dans les années 1960 autour d’une « utopie réaliste », avait une vraie réflexion sur l’architecture et les jardins. Avec les années il est resté très exigeant sur la programmation, moins à ce niveau ; nous avons le désir de la retrouver. Le théâtre est avant tout un lieu citoyen. L’environnement est la question centrale de notre époque, c’est donc normal qu’il se trouve au cœur de Fe me lle notre projet. » de

d’effectuer un « relâcher » en mai 2020. En ce qui concerne les lucioles, Fabien Verfaillie précise ne pas être certain qu’il en reste dans le Var, « mais nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise : l’an dernier une population a été retrouvée en Corse, où l’on n’y croyait plus ».

Revenir à la nature

La petite lumière des vers luisants fait rêver, d’où la forte adhésion populaire au projet. Comme dans d’autres régions du monde, où le sort d’espèces emblématiques, tigres ou koalas, permet d’attirer l’attention sur les écosystèmes et la destruction de la biodiversité, le premier objectif du projet selon l’écologue est la sensibilisation des publics. Dans cette optique, la démarche écologique de Châteauvallon s’élargit progressivement : il est question de créer des clairières au milieu des pins pour diversifier la végétation, les oliviers ont été taillés et produiront des récoltes, des poissons nagent dans le bassin, sont prévus des ruches, potagers participatifs... « et des transports propres pour arriver le moins possible en voiture ! » s’enthousiasme Pascale Boeglin. « Cet été, nous invitons les visiteurs à des balades avant les spectacles, pour découvrir les endroits du domaine qu’ils n’ont n jamais vus, au lieu d’accéder direca alv iS nr tement à la salle. » e ©H Lam 59) proh l, 18 a iza de On a envie de défendre que ce que l’on connaît, V u larouzei (Jacquelin d dans son expérience propre. Marcher dans l’herbe, Au final, le spectacle sera éclairé par des bactéries lumines- écouter les grillons, s’asseoir sur une pierre encore chaude, centes, pour l’heure « cultivées » dans les coins sombres du humer l’odeur des cades... Mille et une façons de redonner théâtre. Mais le processus de sciences participatives se déve- de l’importance à la nature, pour soi et les enfants qui granloppe : les habitants de la région sont invités à signaler les vers diront après nous. « D’une manière générale, toute instruction luisants repérés dans leur jardin ou autres espaces verts**. devrait avoir pour objet essentiel d’augmenter la sensibilité à Marcel Koken explique que le public réalise ainsi « ce qui n’est la beauté du monde », écrivait Simone Weil... GAËLLE CLOAREC pas à la portée des chercheurs, en démultipliant les observations ». Les données cartographiées seront fort utiles, rapportées à d’autres éléments, car ces animaux, de la famille des * Plaidoyer pour une civilisation nouvelle sera créé au Théâtre Lampyridae, se raréfient : en cause, la pollution lumineuse, des Halles (5 au 28 juillet) durant le Festival Off d'Avignon particulièrement perturbante au moment de la reproduction, ** Via une hotline (07 83 43 62 36) ou sur le site asterella.eu mais aussi la fragmentation et le rétrécissement des habitats naturels. Ainsi bien sûr que l’agrochimie. Les vers luisants se nourrissent exclusivement de limaces et escargots : si tout ce petit monde survit, c’est l’indicateur d’un environnement relativement sain. Une collecte d’individus reproducteurs est en cours, qui seront répartis dans des écoles. Les élèves s’en occuperont toute l’année sur le conseil des scientifiques, avant

Sciences participatives


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Des révolutions Invitée par les Amis du Monde Diplomatique d’Aix, Mathilde et de Larrère, donnait à La Méjanes une conférence sur le thème Que vive la révolution ! leurs mots Zibeline : Vous avez publié Révolutions. Quand les peuples font l’histoire (Belin), le terme « révolution » est au pluriel, comment le définiriez-vous au singulier ? Mathilde Larrère : La définition demanderait de longs développements ! On peut cependant déterminer des invariants, la révolution est interclassiste, plurivoque. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup ont le sentiment de s’être fait voler leur révolution, car l’une des composantes l’emporte toujours sur les autres et les élimine… La révolution est aussi toujours l’émanation des peuples (au sens de classes populaires), ce sont eux qui font l’histoire, pas un homme seul ! Même si, dans les discours, émerge toujours la figure d’un homme. La révolution implique le changement en profondeur d’un ordre, il n’y a jamais de retour en arrière total. Il faut aussi préciser que la révolution n’est pas violente pour être violente, la violence est celle d’un pouvoir qui résiste, sauf quand il est déjà trop disloqué… Le pluriel est significatif, la révolution n’est pas une mais plurielle, chacune s’inspire des précédentes, pas toujours des mêmes. Dis-moi quelle révolution t’inspire, je te dirai qui tu es… Le terme de révolution connaît aujourd’hui des dérives qui l’édulcorent et le dévalorisent… C’est pourquoi il faut faire l’histoire des révolutions, parce que c’est le seul remède à l’actuel gloubi-boulga de récupération, de détournement, et de dénigrement de la révolution. C’est aussi nécessaire parce que c’est la condition pour qu’il y en ait de nouvelles : le propre de l’histoire des révolutions n’est pas de les renvoyer dans un passé où elles seront muséifiées, mais permettre de continuer de les penser, et de pouvoir les penser dans l’avenir. Depuis la chute du mur et l’affirmation de Francis Fukuyama « c’est la fin de l’histoire », à savoir la fin des révolutions -en gros c’est un « rentrez chez vous bonnes gens, le monde

libre a gagné, le capitalisme et le libéralisme vont maintenant gentiment assurer le ruissellement des richesses (ça finira par venir) et il n’y a plus besoin de se révolter »-, tout le monde a le mot de révolution à la bouche. Le dernier avatar, c’est le titre du livre de Macron, lequel d’ailleurs ne faisait que renouer avec le détournement du terme déjà

s’enferme dans un présent qui maintient les dominations actuelles jusqu’aux idéaux. La révolution est un aiguillon nécessaire. Si nous avons aujourd’hui un « état providence », c’est qu’il a été instauré par peur de la contagion (le terme renvoyant à une maladie est d’ailleurs significatif !) de la révolution russe. La peur est salutaire et permet des réformes !

© MC

opéré avant lui par Ronald Reagan qui avait présenté sa prise de pouvoir et la politique qu’il avait menée comme une « révolution reaganienne ». À la récupération politique s’ajoutent les détournements mercantiles : tout est révolutionnaire, les machines à laver, les rouges à lèvres… jusqu’aux pavés rouges de la vitrine de Sonia Rykiel lors du cinquantenaire de 68 ! Une autre stratégie pour dénigrer la révolution est de la muséifier en la commémorant, car on ne commémore jamais que ce qui est mort. Il y a une véritable culture de la révolution… La révolution est fondamentale dans la culture : pas de Diego Rivera sans la révolution ! D’autre part, il faut être capable de penser la révolution, sinon l’on

Et les femmes dans tout ça ? Les révolutions ont ouvert des brèches saisies par les femmes tout au long du XIXe siècle, en 1830, en 1848 puis 1871. La conquête des droits des femmes a été portée par les élans révolutionnaires, et l’ordre retrouvé ensuite a toujours été un ordre des sexes… Mais beaucoup d’éléments actuels, qui nous sont vendus comme merveilleux, puisent leur source dans le XIXe, ainsi en est-il de notre démocratie représentative… PROPOS RECUEILLIS PAR MARYVONNE COLOMBANI

Conférence donnée par Mathilde Larrère, maître de conférences à l’UPEM, historienne, spécialiste des mouvements révolutionnaires et du maintien de l’ordre en France au XIXe siècle, le 16 mai à La Méjanes, Aix-en-Provence


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actualité culturelle lgbt du sud-est

Cité Queer

En amont de la journée mondiale de lutte du 17 mai, les statistiques ont confirmé un climat alarmant de banalisation des LGBTphobies

Cette haine qui persiste

L

es chiffres sont accablants, le constat glaçant. Le rapport annuel de SOS Homophobie, rédigé sur la base des 1905 témoignages recueillis en 2018 par l’association, fait état d’une hausse de 15% des signalements, confirmant la tendance des trois années précédentes. Les homosexuels hommes représentent 67% des cas et, maigre satisfaction, les discriminations dont ils sont la cible connaissent la plus faible progression (10%). En revanche, les agressions physiques explosent à 66%, atteignant une par jour au cours du dernier trimestre. Un acte lesbophobe également quotidien, c’est ce que traduit leur augmentation de 42%. Quand ceux commis à l’encontre des personnes transgenres ont carrément doublé. Bisexualité et pansexualité sont devenues des motifs de discrimination plus visibles ; les témoignages sont plus nombreux d’un quart. 23% des faits concernent des propos diffusés sur Internet, taux passant à 46% pour Twitter et Facebook. La majorité des faits reste liée à la vie quotidienne : 13% dans les lieux

publics, 11% au travail, 10% en famille, 9% dans le voisinage, 6% dans les commerces et 5% en milieu scolaire. L’enquête concomitante de l’Ifop en disait déjà long sur « les phénomènes d’exclusion, de mépris et de stigmatisation semblant nuire au bien-être des LGBT ». Amenant François Kraus, directeur du pôle genre et sexualités de l’institut de sondage, à considérer la cause « pas seulement comme un impératif moral, mais aussi comme un enjeu de santé publique ». Et SOS Homophobie d’appeler à grossir les rangs de ses bénévoles. De son côté, le ministère de l’Intérieur annonce une augmentation de 34,3% des infractions LGBTphobes, avec 1378 plaintes déposées en 2018. Après l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur occupent les 3e et 4e places du classement de la honte. Pour la seule préfecture des Bouches-du-Rhône, les faits de droit commun sont passés de 47 en 2017 à 70 en 2018.

1905 témoignages d’actes LGBTphobes reçus en 2018 : + 15 % 231 agressions signalées en 2018 : + 66 %

LUDOVIC TOMAS

Génération Acceptation

«S

i je vous disais que je suis un garçon… » Gaëlle, de SOS Homophobie, tente de semer le doute. Parce qu’une personne trans, pour la plupart des élèves de cette classe mais comme dans beaucoup d’esprits, « ça se voit ». Censément « à sa démarche ». « Parce que les gars des cités, ils forcent pas leur démarche peut-être ? », tacle une adolescente. « Dans ma rue, il y a des prostituées et il y un trans, il a la mâchoire carrée », témoigne un lycéen. « Ferme les yeux. Tu es une fille ou un garçon ? Est-ce que tu as vérifié dans ta culotte pour me répondre ? », provoque Romain, autre intervenant de l’association qui, pour commémorer la journée mondiale de lutte

contre l’homophobie et la transphobie, a envoyé ses militants dans toutes les secondes du lycée Victor Hugo, à Marseille. Dans cet établissement du centre-ville, creuset de la diversité, les préjugés n’ont pas tant la peau dure. Et le principe de ne pas avoir « à juger de l’apparence » est plutôt unanime. Pansexuel, non binaire… Les jeunes sont relativement au fait de termes loin d’être assimilés par le grand public. Même si leurs définitions restent floues. « Si votre meilleur ami vous annonce qu’il est gay ? », sonde Romain auprès des garçons. Tous affirment s’en moquer... à condition qu’il ne tente rien avec eux. L’attitude supposée des parents serait, semble-t-il,

moins conciliante. La question religieuse n’y est pas étrangère. « Le Coran interdit l’homosexualité ? Vraiment ? », insiste Romain qui précise trouver « aussi horrible d’être islamophobe qu’homophobe ». « Toutes les religions interdisent de juger l’autre », tranche-t-on. Au petit jeu des questions sur papier anonyme, le trouble jeté par Gaëlle en début de séance perturbe. « Je suis hétérosexuelle mais personne ne vous doit une réponse à une question sur votre genre ou orientation sexuelle », clarifie-t-elle. Et son binôme de positiver : « Quand je les entends, cela me donne de l’espoir ». L.T.


2   0 danseurs B   oris   harmatz C J  ardin M   ucem Juin 19 B   raderie R   oland Œ   novidéo W   ael S   hawky

Rendez-vous au jardin / Les introuvables, samedi 8 et dimanche 9 juin, fort Saint-Jean, entrée libre Festival international Œnovidéo, cinéma, films, photos… et vin, du 13 juin au 16 juin Le Festival du Jeu de l’Oie—Première du 9 mai au 22 juin La Chanson de Roland de Wael Shawky, spectacle, dans le cadre du Festival de Marseille, première en France, 22 et 23 juin 20 danseurs pour le XXe siècle, un projet proposé par Boris Charmatz / Terrain—En partenariat avec le Festival de Marseille, spectacle, 29 et 30 juin

Mécènes fondateurs

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10 politique culturelle

ky

Marseille veut-elle la peau

s Ri ch ov ard yc cP -Ma rtin © Jean-lu

Le Théâtre Toursky annonce que la Ville restreint à

Zibeline : Dans un communiqué de presse vous annoncez Que vous reprochent-ils ? une baisse de subventions de la Ville de 170 000 euros, et vous Tout, ma programmation et ma gestion. Pourtant mes comptes insurgez contre le fait qu’un audit va être mené pour « véri- sont publics, on a un commissaire aux comptes, et ma salle, fier que votre projet est en adéquation avec celui de la Ville ». mes deux salles, sont pleines. Sans ces coupes de subvention Que se passe-t-il selon vous ? on ne serait pas déficitaires ; les amis, les artistes, sont venus Richard Martin : On veut ma peau ! Ils veulent mettre jouer ici gratuitement pour nous soutenir l’an dernier, et on a quelqu’un d’autre à ma place. Ce théâtre reçoit plus de public tenu 2018 avec moins d’argent pour deux salles que pour une ! que tous les autres, nous pratiquons des abonnements soli- Vous accueillez les artistes de la région à la recette plutôt que daires, nous travaillons dans un quartier plus que déshérité. d’acheter les spectacles. Est-ce cela qui vous est reproché ? Que veut-on de plus ? Un audit pour savoir si je suis en adé- Nous pratiquons une coréalisation très avantageuse pour les quation avec la politique culturelle de la Ville ? Mais c’est moi artistes. Ils ont 80% de la recette, vous connaissez beaucoup qui la fait, cette politique, depuis 50 ans ! Ils ne mettent pas les de théâtres qui en font autant ? Il nous reste 20% pour payer pieds ici, que peuvent-ils savoir de mon travail ? J’ai éradiqué les droits, les frais techniques, et à la fin ils ont plus que si on les marchés de la drogue ici, sécurisé le quartier, se rendent-ils achetait les spectacles. Dans la petite salle ils font des séries compte de ce que serait de 5 représentations. Saint Mauront sans le Les compagnies que nous programmons Toursky ? Pendant 20 ans je n’ai pas eu un depuis l’ouverture de la seconde salle (2015) sont ravies et nous resou, c’est moi qui ai mercient ! Mais ça n’est 2016 2017 2018 2019 fait marcher ce théâtre pas orthodoxe pour ces avec l’argent que me technocrates... Ville 1 030 000 1 015 000 945 000 945 000 rapportaient mes films. Vous avez 76 ans. Département 200 000 210 000 210 000 210 000 Est-ce que vous ne Qu’ils le veuillent ou Région 200 000 220 000 220 000 220 000 pensez pas à prépanon le Toursky, c’est DRAC (État) 65 000 85 000 85 000 85 000 moi... rer votre succession ? La Ville pourtant a touTotal 1 495 000 1 520 000 1 460 000 1 460 000 Mais je la prépare ! Je suis assez grand pour jours été votre premier soutien. Y a-t-il eu un régler mes affaires, et retournement ? je veux choisir qui me Oui ! Ou de la pire hypocrisie je ne sais pas. Je ne m’en suis succédera ! Et puis je suis en pleine forme, je viens de monter pas rendu compte tout de suite. Quand Gaudin a fait sa der- un spectacle en 20 jours, je serai encore là dans 20 ans... Ça, nière campagne en 2014 il est venu ici, il m’a promis de sou- ça les étonne, ils disent « il est encore là le fou ? » Oui je suis tenir la salle Léo Ferré que j’étais en train de construire. Il en toujours là, debout ! Et j’en mange 15 tous les jours, de ces a fait la promesse publique, on l’a filmé, il m’a dit qu’il était merdeux qui veulent ma mort... C’est cela qu’ils ne peuvent reconnaissant pour le travail qu’on faisait ici, qu’il finance- pas supporter, que j’accueille des débats citoyens, Roland Gori, rait la programmation. Mais ensuite à aucun moment il ne le Parti Communiste, le film de Ruffin. Et les Gilets Jaunes! m’a donné les moyens supplémentaires pour cette deuxième Que je fasse un spectacle avec eux ! Mais c’est ma mission de salle, j’ai dû faire avec l’argent et le personnel du Toursky, ça faire venir ici les gens qui ne mettent pas les pieds au théâtre. nous a mis en grande difficulté. Heureusement les autres fi- Je travaille pour la liberté, la citoyenneté, ils ne placeront pas nanceurs ont un peu augmenté leurs subventions. Mais de- ici un directeur aux ordres... puis 3 ans non seulement il ne tient pas sa promesse mais il On parle aussi de votre salaire, et de celui de votre adminisbaisse mes subventions et supprime mon parking. Sans par- tratrice Françoise Delvalée, qui est aussi votre femme. Comking je ne peux pas recevoir de public ici ! Des spectateurs se bien gagnez-vous par mois ? sont fait agresser, il y a eu des morts dans l’impasse, la sécu- Au début ici je ne me payais pas, puis je me suis fait un salaire rité nous coûte 140 000 euros par an, on a besoin de protéger d’artiste avec un abattement de 30% de charges. Mais l’URSceux qui viennent ici ! SAF m’a dit que je devais me payer comme directeur et selon Comment s’est opérée cette baisse exactement, vous parlez la convention collective. J’ai donc 4500 euros nets par mois et de 170 000 euros... Françoise, qui cumule 2 postes, administratrice et directrice Oui, on a eu -15 000 en 2017, -85 000 en 2018, et encore -85 000 de la communication, a 4300 euros nets par mois. Il n’y a pas en 2019. Il me manque 170 000 euros en cumulé... Ce n’est de problème pour parler de ça, tout est public, mes comptes, la masse salariale. Qu’ils viennent voir... plus possible ! Je rentre en résistance !

Les subventions


11

Richard Martin ?

Zibeline : Que se passe-t-il avec le théâtre Toursky ? Anne-Marie d’Estienne d’Orves : C’est un tel échec pour moi de ne pas être parvenue à travailler avec Richard Martin comme je le fais avec les autres ! Ce lieu historique est nécessaire, il est dirigé par celui qui l’a créé et qui est une figure incontournable de la ville, un artiste fantastique avec un cœur énorme ! Mais il a été impossible pour nous de nous asseoir à la table avec lui et de bâtir un projet de territoire et un projet d’avenir pour ce théâtre. Je ne suis pas contre le fait de remonter sa subvention, mais encore faudrait-il pouvoir discuter… Discuter à quel propos ? Monsieur Gaudin avait promis publiquement de financer la deuxième salle. Êtes-vous contre son existence ? Non, pas du tout, même si je n’étais pas aux affaires du temps de cette promesse. Il a créé un lieu qui comble un vide, cette deuxième salle était certainement nécessaire. Mais il faut penser le territoire plus globalement : nous avons créé des pôles hyper-intéressants avec La Joliette et le Lenche, Le Gymnase et les Bernardines, aujourd’hui Le Merlan et la Gare Franche. Nous additionnons les moyens, nous ne baissons pas les subventions en mutualisant les lieux. Mais c’est de l’argent public, il faut que nous puissions revoir avec Richard Martin, comme avec les autres, les équilibres, cela n’est pas méchant de notre part... Pensez-vous à l’avenir de ce théâtre après Richard Martin ? L’âge d’un directeur ne me dérange pas s’il se sent de diriger ce théâtre et s’il en est capable, je n’ai vraiment rien à dire ! Je ne mets pas du tout son âge en cause, mais il faut qu’on l’aide à écrire

An

nouveau son budget de 85 000 euros. Explications

ne -M

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de

D Xari © ed 'Estienne d'Orves

la suite du projet. Pas un autre projet, son théâtre est plein, dynamique, mais il faudra sans doute plus tard s’ouvrir différemment, moderniser certaines choses. Et réfléchir à comment développer l’espace Léo Ferré sans pénaliser le théâtre. Cette baisse a-t-elle à voir avec le fait que le Théâtre Toursky est le seul qui accueille des réunions politiques de gauche ou les Gilets Jaunes ? Franchement, regardez un peu qui on finance ! On ne peut pas nous soupçonner de censure politique, nous ne regardons pas l’étiquette de quelqu’un, mais quel est son projet artistique pour la ville. Jamais la politique n’entre en jeu. Jamais. L’audit portera-t-il aussi sur les comptes ? Les comptes ne sont pas opaques, nous voulons juste aider à ce que la machine marche mieux. Richard Martin affirme que la Ville le baisse pour augmenter les Gymnase/Bernardines et le Festival de Jazz des 5 continents que vous avez longtemps dirigé... C’est un impulsif, je ne lui en veux pas, mais cela relève de la diffamation. Les théâtres de Bluzet, après une hausse logique quand il a pris la direction des deux salles, ont perdu 20 000 euros cette année. Du moins s’il n’y a pas de vote de rattrapage. Quant au Jazz des 5 continents, depuis que je suis adjointe à la culture, je suis particulièrement attentive à ne pas les augmenter... Leur subvention a baissé depuis 2014, et ils m’en veulent un peu ! ENTRETIENS RÉALISÉS PAR AGNÈS FRESCHEL

La faim, les fées, les faits

D

énonçant la reconduite de la baisse de subvention de la Ville, Richard Martin « entre en résistance », écrit une lettre publique à une municipalité qui ne tient pas les promesses du Maire durant sa campagne de 2014 quant au financement de la deuxième salle. Une municipalité qui revoit même à la baisse le financement général du Théâtre Toursky. Le directeur, créateur du théâtre il y a 50 ans, annonce une grève de la faim -sa troisième- à partir de septembre si sa subvention n’est pas rétablie au niveau de 2016. Cette lettre, emplie de colère et d’émotion, attaque nommément l’adjointe à la culture et ses choix qui privilégieraient les Théâtres dirigés par Dominique Bluzet ainsi que le Festival de Jazz des 5 continents. Dont

les subventions n’ont pourtant pas été augmentés depuis 2014. Ce courrier évoque aussi une journaliste -moi-même- qui aurait prétendu que la Ville « traînait Richard Martin dans la boue » afin d’obtenir des renseignements sur les salaires de la direction. Propos que je n’ai jamais tenus, bien qu’ayant effectivement demandé les montants des salaires de Richard Martin et Françoise Delvalée. Ceux-ci s’avèrent conformes à la moyenne de ceux pratiqués à la direction d’autres établissements de cette taille. On pourrait cependant rappeler à l’homme de gauche qu’est Richard Martin ces deux principes de Proudhon : « La possession, en droit, ne pouvant jamais demeurer fixe, il est impossible, en fait, qu’elle devienne propriété. » Ainsi l’occupant d’un

lieu, même lorsqu’il en est créateur, n’en est jamais que « l’usufruitier, placé sous la surveillance de la société, soumis à la condition du travail et à la loi de l’égalité ». Depuis 50 ans les luttes de Richard Martin sont dantesques et magnifiques. Un public enthousiaste le suit, il ouvre les portes de son théâtre aux combats politiques, aux débats, aux Gilets Jaunes, au film de François Ruffin, à la CGT, au Parti Communiste, à L’Appel des Appels... Le Toursky est un théâtre précieux, mais il faudra un jour que Richard Martin laisse des fées bienveillantes penser à l’avenir du lieu qu’il a créé. Sans le vouer aux Fées Carabosses ! AGNÈS FRESCHEL


12 politique culturelle

La capitale de la Région, en manque criant de salles de cinéma, cherche des solutions. Une rencontre à Cannes faisait le point sur ses avancées

Marseille :

plus de sièges mais moins d’art U ne diffusion cinématographique renouvelée était organisée par la Ville de Marseille en partenariat avec la Région SUD. Séréna Zouaghi, déléguée à la Mission Cinéma et Audiovisuel, voulait faire le point dans cette ville, longtemps sous équipée, sur les changements occasionnés par l’ouverture récente de La Baleine et de l’EuropaCorp Joliette. Le directeur du cinéma du CNC, Xavier Lardoux, a donné les derniers chiffres : Marseille compte aujourd’hui 13 établissements dont 4 multiplexes, 4 cinémas de taille moyenne et 5 mono écrans. 1 fauteuil pour 75 habitants (contre 1 pour 95 en 2018), ce qui reste encore en deçà de la moyenne nationale (1 pour 30 à Lille ou Lyon). Le taux de fréquentation, passé de 2,8 films par habitant est également inférieur à la moyenne nationale (3, 3). Et le point le plus noir reste l’Art et Essai : 2% de fréquentation pour un taux national de 17% ! Xavier Lardoux a donc insisté sur ce retard à combler et a exprimé la volonté du CNC d’accompagner davantage le cinéma d’auteur, afin que les Marseillais puissent accéder à l’ensemble des œuvres sans forcément aller à Aix... Deux dispositifs de soutien sont proposés, l’un pour la rénovation et l’extension de lieux, l’autre au titre de la programmation. De plus, le CNC a décidé d’accompagner les exploitants en proposant des formations gratuites sur le « marketing digital ». Sur ce terrain, le portail numérique Séances spéciales porté par Cinémas du Sud & Tilt, et présenté par Sylvain Bianchi, va permettre de valoriser les salles et les festivals et de créer un lien avec les spectateurs.

Chacun son enjeu Sébastien Cavalier, directeur de l’Action Culturelle, a parlé de l’ouverture d’une 2e salle à l’Alhambra, élu dernièrement cinéma préféré des Français, et a évoqué la rénovation possible de la salle du Merlan. Mais la différence des enjeux était criante : Frédéric Perrin, qui a investi plus de 4 millions pour rénover Le Prado, craint, avec l’arrivée de l’EuropaCorp, une baisse de son public. D’autres exploitants regrettent que les aides ne soient que pour l’Art et Essai, comme Didier Tarizzo (Bonneveine, Les 3 Palmes, UCF Cinémas) qui, pour « contenter le client », souhaiterait que la limitation du même film dans plusieurs salles soit assouplie. Mais qu’en serait-il alors des films plus fragiles ? Du côté du cinéma d’auteur, Jean Mizrahi (Les Variétés, Le César) a évoqué le retard des travaux de rénovation, à cause de l’amiante, a parlé de ses choix : augmentation des salles et réduction des sièges pour un meilleur confort des spectateurs. Il a annoncé la réouverture des Variétés pour fin juin. Thomas Ordonneau (Le Gyptis, La Baleine qui accueilli 20 000

© Annie Gava

spectateurs en 6 mois) a expliqué les choix de programmation qui laissent du temps aux films, luttant ainsi contre « leur obsolescence ». Quant à Philippe Dejust (Artplexe) a précisé que son grand cinéma du haut de la Canebière, initialement 100% Art et Essai, sera à 60% « commercial, dans un quartier populaire en pleine rénovation ». Il ouvrira donc fin 2021, sans rétablir l’équilibre entre art et industrie face à l’EuropaCorp...

Au-delà des projections Zoé Gardin (Le Mucem) a parlé de sa volonté d’accueillir les festivals et des cycles de cinéma. Valérie Fédèle (La Buzine qui a reçu 25 000 spectateurs) a annoncé l’exposition La Cité du Cinéma. William Benedetto (Alhambra) a insisté sur l’éducation à l’image et la nécessité d’un état des lieux des dispositifs. Claire Lasolle (LeVidéodrome2) a souligné l’atypisme du lieu, sa fréquentation par un public jeune grâce au numérique et à la création. Pour conclure le Directeur du cinéma du CNC a réaffirmé la volonté nationale d’accompagner le renouveau des centresvilles, en faisant en sorte que les cinémas « puissants vecteurs pour l’aménagement du territoire » soient des lieux de convivialité. L’important reste que l’on puisse enfin voir, dans cette ville, tous les films du monde ! ANNIE GAVA

La table ronde Marseille - Une diffusion cinématographique renouvelée s'est tenue le 16 mai à Cannes


événemants 13

Ouverture à Marseille Le premier week-end du Festival de Marseille sera africain, participatif, musical, enthousiasmant

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regory Maqoma, chorégraphe sud-africain, ouvre le festival avec son Requiem pour le Boléro de Ravel. La pièce s’inspire de Cion de Zakes Mda, roman sur l’apartheid, l’exil et l’esclavage. Les corps expressionnistes, animés d’une énergie collective sans borne, sont accompagnés par des musiciens chanteurs qui revisitent le lent crescendo du Boléro en lui donnant une âme africaine et lyrique. La douleur est là, de la mort que l’on reçoit dans cette Afrique jeune et belle, soumise à tous les coups. Un atelier est ouvert à tous le 13 juin, pour apprendre à chanter le boléro en zoulou.

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13 au 16 juin La Criée

Cion, Gregory Maqoma © Siphosihle Mkhwanazi

I

ls répètent depuis mai : 300 marseillais se réunissent tous les week-end autour du Sacre du printemps de Stravinsky, musique aux 200 chorégraphies, la plus dansée sur les scènes. Emmenés par trois chorégraphes (Isabelle Cavoit, Samir M’Kirech et Yendi Nammour) ces danseurs amateurs de toutes origines explorent ensemble le hip hop, la performance, l’improvisation, le geste... pour un Sacre commun entre les arbres et la mer. 15 et 16 juin Parc Borély, entrée libre

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Sous Influence, Eric Minh Cuong Castaing © Victor Zebo & Eric Minh Cuong Castaing

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ric Minh Cuong Castaing reprend son clubbing participatif : Sous influence propose au public de se mêler à une soirée techno, guidé par des danseurs professionnels et des amateurs qui, eux aussi, répètent. Il s’agira de suivre des codes couleurs pour faire évoluer la danse... 15 juin Le MAC, entrée libre

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oncert enfin pour finir ce premier week-end : la grande voix sud-africaine Hlengiwe Lushaba et le chorégraphe Faustin Linyekula invitent musiciens américains et congolais à danser et chanter un blues réinventé... Not another diva, un concert exceptionnel, dans un lieu magique... 16 & 17 juin Théâtre de la Sucrière

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À noter : un pass à 40 euros est disponible pour toutes les propositions du week-end d’ouverture festivaldemarseille.com Not another diva, Faustin Linyekula © Gregor Brändli


14 événements

Du jazz et bien plus

I

Yazz Ahmed © X-D.R

l y a, depuis une petite dizaine d’années, un double mouvement dans l’appellation des musiques actuelles. Si, d’un côté, les styles, ou du moins leurs noms, se multiplient, reflétant des nuances toujours plus précises entre rythmes, instruments et géographie, une tendance inverse ouvre les frontières entre les chapelles, qui se côtoient, et inventent ainsi d’autres univers musicaux. Les gammes s’enrichissent de toujours plus de notes, qu’on apprend à écouter ensemble ; les genres s’autorisent à des incursions, autrefois proscrites, dans des territoires qui, d’étrangers, deviennent voisins. Le festival Marseille Jazz des cinq continents (17 au 27 juillet) était, dès sa création en 2000, un manifeste de cette évolution. Ses deux fondateurs Roger Luccioni et Bernard Souroque avaient déjà compris que jazz et musiques du monde, s’ils avaient chacun leurs adeptes, gagneraient à s’émanciper de leur pré carré en empruntant des chemins communs, insufflant une dimension nouvelle pour

une musique vivante. On constate encore une fois cette année, où le festival propose sa 20e édition, que la formule était visionnaire. Élargissement des frontières, oui, avec aussi la mise en place d’un fin maillage de concerts dans les communes de la Métropole. Le Parcours métropolitain s’approche au plus près des publics, essaime, dès le 8 juin avec la canadienne Kellylee Evans à Carry-le-Rouet, sa programmation haute en gamme. À Châteauneuf-le-Rouge, Le Jazz club de l’été honorera la Fête de la musique le 21 juin avec trois concerts gratuits : les trois voix pétillantes du trio féminin au répertoire multiforme de The Swing Cockt’Elles (de Britney Spears à Gershwin, Jean-Sébastien Bach ou Carlos Jobim), le sextet du contrebassiste et compositeur Nicolas Moreaux, emblème de la nouvelle vague du jazz français, et les compositions de Nicolas Koedinger, lui aussi contrebassiste avec son quintet. Le 27 juin, Piano(s) sous les pins

Pépites de Juin

A

vant-goût de la programmation du mois de juillet, le « pré-festival d’Aix » Aix en Juin abonde en propositions de haute volée et, vertu non négligeable, gratuites avec le Pass ou n’excédant pas 5€. Ouvrant le bal avec un Panorama prometteur à l’Hôtel Maynier d’Oppède, les artistes de juillet offriront un florilège des partitions à venir. Il nous sera donné d’assister à six masterclass, qui permettront de partager les techniques de travail et les démarches particulières des artistes. On suivra ainsi tour à tour les violonistes András Keller et David Alberman lors de leurs sessions de travail avec les quatuors de la résidence de musique de chambre, et la soprano canadienne Édith Wiens. Puis Anthony Heidweiller dévoilera les grandes lignes du projet qu’il mène avec les jeunes artistes de la résidence Opéra de-ci de-là : quatre opéras « minute », participatifs et innovants. Enfin, dans le cadre de l’Atelier Opéra en Création, on aura le privilège de rencontrer le compositeur Pascal Dusapin. Autre manière d’approcher l’intimité des œuvres et des musiciens, les répétitions publiques affûteront nos oreilles. On écoutera les derniers ajustements du Requiem de Mozart, donné en ouverture du Festival d’Aix, dirigé par Raphaël Pichon dans une mise en scène de Romeo Castellucci ; ceux de Jakob Lenz de Wolfgang Rhim, opéra de chambre habité d’un

ample souffle romantique mené par Ingo Metzmacher (mise en scène d’Andrea Breth). De larges extraits de la création mondiale de juillet, Les mille endormis d’Adam Maor, seront aussi à découvrir, sous la houlette d’Elena Schwarz sur un livret de Yonatan Levy (aussi à la mise en scène). On entrera de la même manière dans les coulisses de la Tosca de Puccini par Daniele Rustioni dans la mise en scène attendue de Christophe Honoré, et enfin dans l’une des ultimes répétitions de Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny de Kurt Weill, avec Esa-Pekka Salonen à la baguette et Ivo van


création © Brest Brest Brest

(Peynier) accueille Dexter Goldberg, jeune représentant du piano jazz français (avec Bertrand Beruard à la contrebasse et Kevin Lucchetti batterie), puis Yonathan Avishaï, l’un des pianistes jazz contemporains parmi les plus créatifs. À Châteauneuf-les-Martigues le 30 juin, la voix de la jeune capverdienne Lucibela ouvrira les cœurs autant que les oreilles. Entre graves façon sambistas brésiliennes et vibratos à arracher des frissons, elle aborde amour, féminité, et racines dans une frontalité rafraichissante. Le 4 juillet, flamenco et jazz entameront un dialogue à Aubagne (dans le cadre du Festival international des Nuits Flamencas) grâce à Dorantes. La trompettiste Yazz Ahmed offrira ses mélodies orientales enrichies de sonorités psychédéliques le lendemain à Vauvenargues, et le guitariste Bireli Lagrène (trio Storyteller) mêlera sa six cordes aux percussions télépathiques de Mino Cinelu et le groove de Chris Minh Doky (10 juillet à Port-Saint-Louis et le 11 à Cornillon-Confoux). Pour finir, le grand Manu Katché délivrera son feeling élégant et punchy à Salon-de-Provence (13 juillet).

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Parcours métropolitain de Jazz des Cinq Continents juin et juillet (+ Guillaume Perret le 8 novembre à Carnoux-en-Provence) Aix-Marseille Métropole 04 95 09 32 57 marseillejazz.com

Hove à la mise en scène. Les concerts de l’Académie nous feront entendre les futurs grands noms de demain. Seront aussi à l’affiche les lauréats HSBC 2018 : Marie-Laure Garnier (soprano) et Célia Oneto Bensaid (piano) sur des mélodies de cabaret de l’entre-deux-guerres, et le Quatuor Esmé, venu de Corée du Sud qui, outre La jeune fille et la mort de Schubert, interprètera les œuvres de deux compositrices coréennes, Unsuk Chin et Soo Yeon Lyuh. Festival dans le festival, Les Voix de Silvacane proposeront trois concerts et trois formations : English Voices, Souvnans, et les jeunes artistes de la résidence de chant de l’Académie. Un cycle ciné consacrera cinq films à Tosca. Les chœurs amateurs Ibn Zaydoun et Antequiem s’attacheront à la Conférence des oiseaux de Fady Jomar sur une musique de Moneim Adwan. Le cours Mirabeau sera, comme il est de tradition, l’écrin du spectacle final Parade[s] qui s’emportera dans les grands airs du répertoire de Puccini avec l’Orchestre régional Avignon-Provence et les chanteurs de la production de Tosca sous la direction de Daniele Rustioni.

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16 événements

Rokia Traoré, vigie malienne

En deux décennies, la musicienne est devenue une des artistes africaines les plus reconnues. Elle est à l’affiche du festival Caravansérail. Entretien Zibeline : Votre nouvel album, Né So, est-il un retour aux sources ? Rokia Traoré : Je suis ré-établie au Mali depuis le début du travail de création. J’ai mis en place une équipe malienne et d’Afrique de l’Ouest en organisant des auditions pour sélectionner de jeunes musiciens. Mais on ne peut pas dire que c’est un retour aux sources car je ne les ai jamais quittées. C’est un changement dans mon environnement professionnel qui musicalement ne s’entend pas. Né So est la continuation de Tchamantché (album de 2008, ndlr), en termes d’orchestration et de couleur artistique. Considérez-vous faire de la musique actuelle, du monde ou africaine ? Je dirai actuelle car cette musique est possible grâce à l’époque dans laquelle nous sommes, liée aux possibilités technologiques d’aujourd’hui. Les musiques du monde n’ont pas beaucoup de sens pour moi. La culture mandingue n’est pas que traditionnelle, elle est aussi actuelle. Les événements au Mali ont-ils influencé votre travail ? Né So est fortement lié à la situation au Mali. La conception de l’album a eu lieu pendant la crise. Pas grand monde ne s’attendait à ce que les choses tournent ainsi. Tout est allé très vite. Le Mali s’est vu devenir un des centres du trafic international de drogue, d’armes, de tout un tas de choses qui entrent ensuite en Europe. Cette crise a été utilisée de manière outrageuse pour renforcer une corruption qui existait déjà. Tout est devenu plus gros, plus grave. C’est très choquant pour les Maliens qui l’ont vécu au quotidien. Cela nous a fait comprendre un fonctionnement politique, diplomatique, avec un système d’information qui montre des choses différentes, voire à l’opposé de la réalité. Vous parlez de trafics mais qu’en est-il de la montée du fondamentalisme religieux ? Tout est lié. Plus le désordre persiste,

Rokia Traoré © Danny Willems

plus la zone est difficilement contrôlable. Ce n’est pas pour rien que le Mali est sous la loupe en ce qui concerne le blanchiment d’argent. De quel argent s’agit-il et d’où vient-il ? Il ne sert même pas au pays. Il ne s’organise pas comme aux Îles Caïmans ou en Suisse où il a un rôle dans l’économie du pays et où tout le monde est au courant. Le Mali est un pays qui subit. La montée de l’intégrisme, c’est ce qui remonte à la surface et qui est combattu. Mais le problème de fond n’est pas là. Abordez-vous ces sujets dans vos chansons ? La crise malienne est sociale et identitaire. Il faut essayer d’être efficace là où l’on peut apporter du changement. Et là où je le suis le plus concrètement, tant que je peux vivre et que je me sens bien dans ce pays, c’est auprès des jeunes, à travers ma fondation, par des conférences, des collaborations avec les associations de quartiers. On les accompagne dans cette tentative de compréhension de la situation, par des conférences d’universitaires. Pour que déjà nous, Maliens,

sachions que nous ne sommes pas devenus un pays où il y a tout à coup des problèmes de religion, d’ethnies. Nous n’en avons jamais connus. Les gens voient dans leur quotidien que la présence d’armes devient de plus en plus courante ainsi que la facilité de se procurer de la drogue. Si je chantais cela, ça changerait quoi ? Ça dérangerait qui finalement ? La vraie bataille est que la population prenne conscience de son rôle pour l’assainissement du pays. De quoi parlent vos textes donc ? De ce qu’est un chez soi. Depuis le début de la crise, on connaît aussi au Mali la question des migrants et réfugiés. Né So parle de tout ça mais sans rentrer dans le vif du sujet. Parce que je n’ai pas de légitimité. À moins d’écrire un livre pour expliquer plus clairement ce qui se passe. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Festival Caravansérail 7 juin : Lavach’, Lidiop, Cumbia Chicharra 8 juin : L’Anima, Mandy Lerouge, Rokia Traoré Théâtre Silvain, Marseille 04 91 39 28 28 festival-caravanserail.com


Le reggae marseillais de Raspigaous donne le ton de l’événement du PCF 13

M

oral en berne ou enthousiasme des grands soirs ? Quel que soit le résultat de la liste conduite par Ian Brossat le 26 mai, les communistes des Bouches-du-Rhône auront le cœur à la fête et l’esprit à l’offensive, une petite semaine après les élections européennes. Depuis 2009, année de renaissance du traditionnel rendez-vous culturel, politique et festif du PCF 13, la Fête Offensive accueille à bras ouverts toutes les générations de celles et ceux qui ont en commun l’espoir en des jours heureux, pour reprendre l’expression chère aux héritiers du Conseil national de la Résistance. Le lieu : l’écrin de verdure du parc de Fabrégoules, dans la commune amie de Septèmes-les-Vallons. Idir, Gari Grèu, Leda Atomica ou encore Temenik Electric qui y donnait l’un de leurs premiers concerts, ont marqué la jeune histoire de la Fête offensive dont la programmation s’attache à construire un équilibre assumé entre musiques actuelles, du monde et chanson d’auteur. Cette année, la tendance sera fortement marquée des rythmes pacifiques, mais révoltés, du reggae. Formé il y a plus de vingt ans dans le quartier marseillais du Panier, Raspigaous est rapidement sorti du statut de groupe régional, séduisant par ses textes engagés et d’influences méditerranéennes assortis de ska et de rocksteady, un large public. Les insatiables du genre pourront également découvrir NLP. Pour les autres, il y a le swing manouche d’Albert’O Jazz ainsi qu’un set enjoué de DJ Misstine. Sans prétendre au modèle réduit de la grande sœur des fêtes progressistes, celle de l’Humanité, la Fête Offensive propose également un village associatif avec débats, marché paysan, expositions et librairie. LUDOVIC TOMAS

La Fête offensive 1er & 2 juin Parc de Fabrégoules, Septèmes-les-Vallons feteoffesive.fr

Raspigaous © Boby Allin

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©Irma Boom

L’offensive est à la fête

AIX EN JUIN AIX EN JUI AIX EN JU AIX EN J AIX EN AIX E 11 AU AIX 30 JUIN AI 2019 A CONCERTS SPECTACLES PARADE[S]


18 événements

Totems sans tabou Correns accueille Les Printemps du monde, restant fidèle à l’esprit insufflé par le Chantier tout au long de l’année

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as moins de vingt concerts sont inscrits au programme*, dont celui issu du travail au long cours effectué avec les élèves des écoles de Saint-Maximin et Vins-sur-Caramy. Rencontre avec les musiciens de Banda Sagana Totem Tribute, artistes du dispositif qui permettra, le 8 juin, à une centaine d’enfants d’être au cœur d’une création ethnopédagogique. Comment s’est orchestré l’atelier ?

Banda Sagana Totem Tribute : Tout au long de l’année, grâce à leurs enseignantes, et au musicien intervenant Patrick Petit, initiés par une vaste documentation sur les animaux totémiques que nous avons fournie, les élèves ont travaillé sur la construction d’une histoire fondatrice et d’un rituel consacrant ce qui sera l’animal totémique de leur village (à Vinssur-Caramy) et de leur école, ici. C’est l’an zéro de leur animal totémique. Dans 300 école Jean Jaurès de Saint-Maximin, Banda Sagana Totem Tribute et le taureau à cornes d'argent © MC ans, peut-être que l’on se demandera comment il est né, et Quel animal pour Saint-Maximin ? ce sera la naissance de nouvelles légendes ! Les enfants sont Les enfants ont choisi un taureau aux cornes d’argent, en sensibles au plaisir de l’histoire, ils ont voté (toute l’école) référence au fleuve Argens. Au début, il terrorisait la popuentre quatre versions qu’ils avaient imaginées. Ils avaient eu lation, mais un jour, il a coincé ses cornes dans un buisson, un questionnaire auparavant comprenant des recherches sur et les villageois l’ont sauvé. Devenu bénéfique, l’animal a déles mythes de leur ville. Ils ont composé, aidés de leurs en- gagé une fontaine et redonné l’eau au village qui se mourait seignantes et Patrick Petit, les musiques et les paroles. Bien à cause de la sécheresse. Les percussions, le tuba, un « gaffosûr, nous avions donné une trame. Nous partons du ludique, phone » maison, flûtes et galoubets accompagnent l’histoire que les enfants chantent et dansent. C’est une vraie création du plaisir, du support des images. La réinvention des mythes permet-elle une certaine ethno-pédagogique. À Vins, les enfants ont choisi l’histoire démystification ? d’un lion et d’un serpent qui deviendront végétariens ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI Cette question ne m’avait jamais été posée. En fait, fabriquer le symbole lui accorde encore plus de signification. Les masques aident à endosser un rôle, il n’y a pas de démystification, on * Parmi lesquels on retrouvera le duo Daltin (accordéon) / Beerentre dans le mythe, et l’on devient soi-même mythologique. Demander (mandoline), le duo Brigitte Menon (sitar) et Nabankur Bhattacharya (tablas), Pape Amath N’Diaye et Jean-Paul Raffit, L’enfant vit ici un apprentissage pour accéder et vivre son Fouad Didi et son ensemble, La Buonasera, Cantem’ (Brigitte symbole. L’éducation dans le monde entier développe l'art Etienne) Article 9, Alinéa 4 et le chœur d’hommes, La Banda Loca, de la métaphore et du symbole, ce qui permet de se relier les Urmas, Occi-Cant’, La Cantastorie, Les Souffleuses d’âmes, des uns aux autres… Par là, on saisit mieux les principes de la séances cinéma des expositions, des conférences, des bals…et création qui plonge dans l’inconscient collectif, cela met en la masterclass de Ishtar Connection dont le concert aux tonalités de « fest-noz oriental » sera l’un des clous du festival (8 juin). œuvre une véritable alchimie. Nous travaillons sur le sens et le fond. Le corps est aussi sollicité, ses capacités d’imitation font de l’interprète un symbole. La tradition n’est donc pas sclérosante… Surtout pas ! C’est un humus pour la création. Une tradition qui se sclérose est une tradition qui meurt. Il y a des varia- Les Printemps du monde tions à l’infini, qui permettent de pérenniser l’énergie, de 6 au 9 juin préserver une relation privilégiée entre les êtres humains Divers lieux, Correns 04 94 59 56 49 le-chantier.com et leur environnement. Le symbole vivant donne du sens.


Le groove du paysan

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MC et musicien provençal, Captain Flo ancre son travail dans l’art de vivre rural

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ne conférence gesticulée écrite. » C’est ainsi que Captain Flo qualifie son 10 zandezikmézon, livredisque retraçant un parcours musical autant que personnel, sur une décennie de création occitane. Après cinq ans d’études en agronomie en Belgique, Florent Charras rentre au pays, en 2008, travailler à la ferme parentale de Vaison-la-Romaine. La musique le titillant déjà, il ouvre une page Myspace pour partager ses premières compositions. « Je savais ce que je voulais raconter mais je n’étais pas encore capable de l’assumer sur scène parce que cela remuait de l’intime. J’étais programmé pour être paysan, c’était difficile d’aller vers la musique », témoigne-t-il. Une invitation à la première édition du festival ZinZan le conforte dans son choix de se consacrer à 100% à la musique, qu’il prendra définitivement en s’installant à Viols-le-Fort et jouant dans les rues de Montpellier dont il fréquentait déjà le carnaval indépendant. Mais traverser le Rhône ne lui donne pas totale satisfaction.

Contrebassine, kazoo et chant « Quand on vient du milieu rural, on se pose la question de la légitimité de faire un travail artistique. » Il franchit alors les Pyrénées pour se poser à Barcelone. La capitale catalane, pourtant loin de son héritage rural, fera « germer le musicien » qui est en lui. Contrebassine (une poubelle retournée, un manche

et deux cordes), kazoo et chant, il trouve son format en créant le Captain Flo’s eco-dancefloor et s’invente un personnage venu d’Australie. Il a 30 ans en 2013 et se sent comme sorti d’un tunnel qui en aurait duré 25. De retour en Provence, il s’installe à Saint-Chamas après un passage par Marseille et à l’Institut musical de formation professionnelle de Salon. « J’ai hérité de la nostalgie d’une époque que je n’ai pas connue mais aussi des savoirs de la culture paysanne, à travers la langue, les saisons, les oiseaux, les plantes. J’ai pris très tôt conscience dans ma vie que ces gens-là avaient raison et que c’est en piochant dans cet héritage que l’on peut trouver des remèdes aux maux de notre société », explique-t-il, revendiquant pour ses textes un regard de paysan sur le monde actuel. Même si c’est via un sound system ou un « show caisse », sur le toit d’un vieux C15, ces autres formes de performances en public. Depuis l’âge de 5 ans et la découverte du djembé en grande section de maternelle, son attirance pour la culture africaine ne le quittera plus.

Voyages et ruralité D’autres courants vont façonner ses territoires musicaux. Par exemple, le reggae de Bob Marley et The Congos et les prémices du dub avec Lee Scratch Perry. « Je sentais qu’il y avait dans le discours une manière d’être proche de la ruralité, dans le rapport à la nature ». Plus localement, il est influencé par le vauclusien Jean-Bernard Plantevin et, bien entendu, Massilia Sound System qu’il découvre lycéen. Deux phares dans la galaxie occitane, s’exprimant en provençal, l’un « d’en haut », les autres « d’en bas ». « Au début, je n’aimais pas trop parce que je ne comprenais pas le dialecte marseillais », se souvient-il amusé. Captain Flo apprécie aussi certains grands classiques, comme Gainsbourg et Zappa. L’horizon de Florent s’élargit aussi par les voyages, au Sénégal, dans l’Océan indien et en Amérique du Sud notamment. Il ressent « une proximité déconcertante avec les Kichwas », peuple équatorien chez lequel il découvre « une manière universelle de vivre la ruralité ». Sans doute aussi parce que les peuples indiens américains comme les paysans occidentaux « ont le sentiment de ne plus être maîtres de leur destin et d’être soumis à la loi du marché ». En couple avec une maraîchère, Captain Flo pose souvent son micro pour cultiver son jardin. LUDOVIC TOMAS

à venir 7 juin La Machine pneumatique, Marseille 09 51 30 03 60 machinepneumatique.fr 21 juin (fête de la musique) Vaison-la-Romaine captainflo.com


20 événements

Du sel, de l’eau et l’éternité Guylaine Renaud poursuit son Voyage des 10 avec la création Esprit de sel

© Laurent Moulin

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epuis plus d’une décennie Guylaine Renaud parcourt les collections du Museon Arlaten. Chaque année, une nouvelle escale de son Voyage des 10 met en scène une pièce emblématique du patrimoine provençal à travers une création musicale. Pour sa neuvième étape, après Le vélo de Jeanne Calment, Le Grand Saint Eloi ou La Bague d’aï, la chanteuse et musicienne du patrimoine oral méditerranéen a choisi de s’inspirer de trois petits objets de sel du musée départemental d’ethnographie basé à Arles. Sous l’apparence d’un ostensoir, d’un moulin et d’une cabane, ils ont été façonnés par les cristaux de sel qui se sont déposés dans les âmes en bois, placées au bord des marais. « La culture salinière est présente dans le territoire depuis la Haute Antiquité. Elle a dessiné les paysages, le tissu économique. Je vais explorer cette culture dans les deux sens du terme : la récolte du sel, comme la manière de vivre et de penser qu’elle a influencée », indique celle qui se définit comme une « ethno-artiste ». Pour l’accompagner dans cette évocation, elle invite le violoncelliste Guillaume Saurel.

La musique, les oiseaux et l’amer

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’Ensemble Musicatreize, sous la direction de Roland Hayrabedian, a choisi de s’associer au violoniste italien Francesco D’Orazio pour une nouvelle création mondiale. Ce dernier, qui s’est déjà produit avec de nombreux ensembles prestigieux (orchestres de la Scala et de la Fenice, London Symphony) avait déjà collaboré avec Roland Hayrabedian en 2014, puis en 2015 dans le cadre du festival Mars en Baroque. Ils créeront ainsi le 7 juin à 20h, dans la salle Musicatreize, Acqua di mare amaro de Luca Antignani, compositeur italien dont l’œuvre avait déjà entendue à Marseille à l’occasion du festival Les Musiques. Pour cette « eau de mer amère » taillée à la mesure de l’ensemble, l’artiste a souhaité figurer l’atmosphère salée, active et grinçante d’un port de pêche, lieu de toutes les ambigüités : saleté et poésie, sérénité et vacarme, violence et

tendresse… L’artiste s’est inspiré de la phonétique subtile des textes du poète maudit toscan Dino Campana, pour lequel la mer était l’échappatoire à toutes les souffrances, pour échafauder les sonorités de l’opus. Francesco D'Orazio © Marta Cantarelli

Le programme sera complété par quatre autres œuvres contemporaines. Les compositions d’Annette Schlunz (Ornithopoesia) et de Per Norgard (D’Monstranz Voogeli) auront pour socle commun le monde des oiseaux, la dernière nommée


21 « Le violoncelle est un ami de la voix que l’on pose à côté de nous et qui a quelque chose de très humain ». L’instrument idéal pour cette ode à la lenteur, au silence et à la lumière, qui livrera aussi des moments de folie, avec des sonorités aussi bien contemporaines que médiévales. Au centre du propos, la figure féminine de la saline qui, dans les rêveries de l’auteure, s’approprie le mythe de la captive. « Cette eau de mer qu’on va chercher et qu’on enferme dans des bassins m’a fait penser aux prisonnières choyées d’un sérail. » Habituel dans la culture troubadour, la belle va questionner un oiseau messager qui lui donnera des nouvelles de la mer, cette part d’elle-même qu’elle n’est plus totalement. On croisera aussi un grand mage qui signe un pacte avec le soleil et le vent. « Au fond, il sera question de la vie éternelle. » Si les textes sont en français, le provençal trouvera comme toujours sa place. Le spectacle sera créé à la Fondation Camargo, lieu de résidence dédié à l’art et aux sciences humaines et sociales, à Cassis. Le lien avec le sel ? La chaux extraite des carrières de Cassis était utilisée à l’époque pour l’activité salinière de Camargue. LUDOVIC TOMAS

Esprit de sel 8 juin Fondation Camargo, Cassis 07 86 41 95 50 camargofoundation.org/fr

faisant dialoguer les douze voix de l’ensemble Musicatreize et des chants d’oiseaux enregistrés. Ce sera ensuite au tour de Francesco D’Orazio de briller, avec deux œuvres pour violon solo de compositeurs dont il a été un collaborateur assidu : Thrilling Wings d’Ivan Fedele d’abord, puis la Sequenza VIII de Luciano Berio, composition virtuose qui fut créée en 1976 et joue sur le principe de la variation libre. L’ensemble de ce programme sera par ailleurs repris le 28 juillet au Chazelet (Hautes-Alpes) dans le cadre du Festival Messiaen au pays de la Meije. PAUL CANESSA

Les Belsunciades rayonnent sur le centre-ville

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iché entre le vieux port et la gare, le quartier Belsunce s’habille en juin aux couleurs joyeuses de sa fête annuelle. Grand rendez-vous familial, Les Belsunciades investissent les rues du centre ville pour plus de dix jours de liesse ! Toujours aux manettes, l’association Le Pied Nu a réuni autour d’elle de nombreux artistes, écoliers et partenaires associatifs du 1er arrondissement pour construire cet événement convivial. Les horizons et les cultures se croisent, les générations aussi. Avec de quoi satisfaire chacun, les festivités de cette édition 2019 se structurent autour d’une programmation foisonnante. On démarre tranquillement en déambulant pour (re)découvrir le quartier, suivant les banderoles bigarrées fabriquées pour l’occasion. On contemple rue Fare l’immense projet mural des jeunes de plusieurs centre sociaux. Puis on s’arrête en croisant le nomade e.charriot 2.0 qui raconte un Belsunce inattendu. Le nouveau centre d’animation Coco Velten ouvre aussi ses portes à Mounaiki © DR l’occasion du festival et reçoit le conteur Mohamed Adi (13 juin). Moment fort des réjouissances, la Cité de la Musique accueillera la soirée Musiques du Monde (14 juin). Les rythmes de l’Afrique résonneront sur la terrasse du Café de France pour 2 jours (17-18 juin) de scènes ouvertes avec Sunu Lamp, le ballet Senn Yakhaar, Bana Marseille, le rappeur Allen Akin... Les amateurs de cinéma et de théâtre ne seront pas en reste et apprécieront au théâtre de l’Œuvre Le Secret de la Sauce Samouraï, film joué par les habitants de Belsunce (18 juin). Le lendemain ce sera au tour des écoles de Chabanon et du centre social de Frais Vallon de présenter Rêve et Réalise (19 juin). Les Belsunciades se clôtureront le 22 juin sur une grosse journée de fanfares et d’activités ludiques : d’abord au quartier Saint Lazare sous les percussions endiablées de l’association Mulêketú et leur entrainante samba-reggae. Enfin à Belsunce, halle Puget, avec les reprises explosives du Pompier Poney Club pour danser comme des fous. Et tout ça, parade, musique, théâtre, contes, expo : gratuit ! ELLORA POSSENTI

Acqua di mare amaro 7 juin Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 musicatreize.org

Les Belsunciades 11 au 22 juin Divers lieux, Marseille 04 91 91 01 29 theatrelepiednu.com


22 événements

Sault enchante les pavillons

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ndissociable de l’aventure menée depuis déjà plus de 15 ans par la structure Le Phare à Lucioles, le festival Sons Dessus de Sault est devenu un rendez-vous prisé des curieux de musiques de création. Le 9 juin, les notes, les « bruits », les silences composés auront la parole, et les oreilles (autant les jeunes que les plus aguerries) seront comblées de toutes les expériences qui leur seront proposées. Théâtre, danse, concerts, les portes seront ouvertes pour laisser s’exprimer les sons contemporains, invités à occuper les sites emblématiques du village : le jardin, l’église, la mairie et, nouveauté 2019, le nouvel espace Le M![lieu], implanté dans l’ancien collège de Sault. C’est David Lafore © Marc Gauthier le son des machines à écrire poétiques et farfelues des clowns Madame Sophie et son assistante Solange qui crépiteront là où crissaient les stylos d’entant. La Machine pour Fakir, la Machine Rétro, La Machine à coudre les souvenirs... Sophie Moreau et Ameline Bernard animeront cet atelier d’écriture hors normes (dès 10 ans). Les danseuses de l’Oxyput Compagnie mettront une belle pagaille dans la cour, entraînant tout le monde dans un pogo fédérateur (Full Fuel). À l’église, L’instant donné (Montreuil) interprétera un

programme délivré en trois étapes ; de la musique contemporaine jouée par 5 musiciens, sans chef. L’incontrôlable David Lafore viendra délivrer sa si stimulante folie : du chant ? un one man show ? Du punk ou du romantique ? Tout, et plus encore ! Étonnante aussi, la « conférence spectaculée » de la Cie Brounïak ! (Second souffle) : un exposé loufoque délivré par l’Office de Promotion et de Recherche pour le Recyclage des Instruments de Musique... Après les désormais incontournables Rencontres improvisées (des moments d’écoute surprise, même pour les artistes sollicités !), la blast-pop fascinante d’Éric Brochard et Nico Lelièvre, le western-jazz napolitain de Ferrago, la journée se clôturera par les retrouvailles de Khaled Aljaramani et Serge Teyssot-Gay pour un dialogue oud oriental/guitare électrique à faire rêver toutes les oreilles. ANNA ZISMAN

Sons dessus de Sault 9 juin Divers lieux, Sault pharealucioles.org

Bal Bauhaus à la Friche

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éférence locale de la culture pop-électronique, l’Édition Festival investit depuis bientôt 5 ans les lieux les plus emblématiques de la cité phocéenne. En pause pour ce printemps 2019, l’Édition ne lambine pas pour autant et se consacre

House of Moda © Valentin Fabre

à la préparation de ses nouveaux projets. Dans le lot, déjà une première perle : une atypique soirée On Air à la Friche pour célébrer les 100 ans du courant Bauhaus. Organisée en collaboration avec le

Cabaret Aléatoire et le collectif House of Moda, elle entre dans le cadre d’un des événements phares du Printemps de l’art contemporain : « Transformer le Bauhaus ». Rendez-vous donné sur le rooftop de la Friche pour la première partie (gratuite), la fête démarre à 18h avec la house énergique et percussive de la londonienne Elkka. De quoi se mettre en bouche avant le DJ set de la très talentueuse Moesha 13. Productrice, compositrice et rappeuse, la marseillaise d’adoption floute les genres et ne fait pas dans la dentelle. Le son est brut, féministe. Il mêle trap, rap et hardcore à des mash-up de Rihanna, Young Thug ou Jul. Elle laissera la place à Crame et son acolyte Reno (fondateurs de la House of Moda) pour une session clubbing excentrique. La nuit se poursuit au Cabaret Aléatoire pour le second round (payant cette fois).

À noter que l’entrée sera offerte aux 30 premières personnes déguisées sur le thème du Bauhaus. rRoxymore chauffera la salle avec sa funk électro-futuriste, suivie de la prestation en clair-obscur du mélancolique Harold Boué, aka Abstraxion. Les extravagants Crame et Reno reviendront se mettre aux platines pour un nouveau set qui durera jusqu’à l’aube. Outre son excellent line-up, la soirée affirmera son caractère LGBT friendly en égrainant les performances des artistes de la House of Moda et du Laboratoire des Possibles. Un détonant cocktail de musiques électroniques, de danse contemporaine, de voguing, de drag-queens et de design ! ELLORA POSSENTI

L’Édition Festival, Bauhaus of Moda 1er juin Toit-Terrasse (gratuit), Cabaret Aléatoire (payant), Friche de la Belle de Mai, Marseille lafriche.org


Ă partir du 14 juin


24 événements

Montpellier la contemporaine

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l y a 49 ans, entre le 5 et le 20 mai 1970, Montpellier était secouée par une vague artistique inédite : le groupe A.B.C. Productions (des initiales de ses 4 fondateurs, Tjeerd Alkema, Jean Azemard, Vincent

Richer, Sans titre © Dominique Delpoux

Bioulès et Alain Clément) initiait l’exposition 100 artistes dans la ville, rassemblant tout ce que l’avant-garde française comptait de peintres, sculpteurs, et ce qu’on n’appelait pas encore performers. Il s’agissait à l’époque à la fois d’une sacrée provocation envers l’ordre établi, et

d’un coup de gueule de jeunes artistes qui revendiquaient un droit à « l’autonomie culturelle ». Aujourd’hui encore, on s’amuse à imaginer Ben (Vautier) – et les passants !- Balayer la place Jean Jaurès, ou Recevoir et parler, installé à une table dans un jardin. Presque 50 ans plus tard, hommage leur est rendu à l’occasion du lancement du futur MoCo (29 juin), introduit par une Zone Artistique Temporaire exceptionnelle. Pendant près de deux mois (8 juin au 28 juillet), on pourra à nouveau découvrir 100 artistes dans la ville. Invités, chouchoutés, tapisrougisés ; le contexte n’est certes pas le même que durant les subversives années 70. Il n’empêche que si l’institution (ville, Métropole, État) est prescriptrice, les artistes, pour beaucoup de renommée internationale, pour beaucoup aussi (l’un n’empêche pas l’autre) installés dans la région, ont eu les coudées franches pour inventer et créer ce que

Nicolas Bourriaud (directeur du MoCo et directeur artistique de la ZAT) qualifie de « plus importante exposition à ciel ouvert d’Europe ». C’est en effet la ville elle-même qui est célébrée, parée, ornée pour accéder à son statut rêvé de capitale méditerranéenne de l’art contemporain. La plupart des œuvres (dont beaucoup sont créées pour l’occasion, produites par le MoCo et autres partenaires) sont présentées dans l’espace public : places (Armelle Caron révèle le sous-sol de la place Saint-Roch), rues (Bruno Peinado fixe des drapeaux en hauteur, manifeste de métissage), gare (les totems en béton sculptés de Neïl Beloufa), églises (Jeanne Susplugas expose sa Disco Ball dans la chapelle de la Miséricorde), bâtiments publics (l’installation commandée par le musée Fabre à Ei Arakawa, interprétation en LED du tableau de Courbet La Rencontre, le moulage de la cour de l’ENSBA par Fabrice Hyber,...), mais aussi dans des vitrines de magasins (le Surf de Sylvain Grout et Yann Mazeas à Uniqlo,...). Comme cela est maintenant de mise, des médiateurs feront les interprètes entre

Les Escapades s’emballent !

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es Escapades reviennent en force, et toujours en musique, avec deux soirées de concerts en plein air, gratuits, sur le site des Lauzières, à côté du Théâtre Durance. C’est en juin, et non plus en juillet, que l’équipe du théâtre convie le public à fêter la fin de la saison et le début de l’été ! Tous les genres se mélangeront, au gré des groupes et DJ qui se succèderont, artistes confirmés ou à découvrir, certains parmi ces derniers ayant vu naître leur projet localement. C’est notamment le cas de Hipus-vs-Hopus, porté par les musiciens de la Cie Opus Neo -Olivier Maurel (claviers et direction artistique), Arnaud Pacini (basse) et Jessy Rakotomanga (batterie et électronique)- qui ont invité cinq jeunes artistes manosquins amateurs (collectif Rhythm and Poetry), issus du hip hop, à partager le processus d’une création. Après plusieurs

résidences à la MJC de Manosque et au Théâtre Durance le résultat est un concert détonnant, qui croise hip hop, jazz, rock et électro. Phénomènes du rap marseillais, les deux frères Wilko & Ndy (lire sur journalzibeline.fr) renouvèlent le genre en s’éloignant des clichés avec subtilité, lorgnant vers le Wilko & Ndy © DR

hip hop électro sur des textes élaborés, en français, qui jouent avec les mots et les styles. Ils seront accompagnés par Loris aux machines. Inclassable, le groupe Altin Gün, révélation des Trans Musicales de Rennes 2017, rend hommage à la scène turque des années 70 en mêlant aux musiques traditionnelles des


critiques

ondes Eauditives les artistes et le public, ici lors de parcours commentés et thématiques (gratuits, comme tout le reste). Trois œuvres, commandées par la ville de Montpellier, seront pérennes. Sur la place de Strasbourg, Lili Reynaud Dewar installera un moulage de son corps, échelle 1, posé à même le sol : simplicité, quotidienneté, tout pour déjouer les codes de la statuaire. La Place Salengro sera incrustée de plaques de marbre et peinte par Abdelkader Benchamma, cartographie sinueuse et poétique, langage urbain. Dominique Figarella parera le mur de soutènement du Pont de Sète d’une sculpture rappelant l’art rupestre, une phrase gravée, mystérieuse, autorisant l’imaginaire à se délier au fil de la marche. Et c’est le collectif Opavivarà ! qui aura la lourde charge d’occuper la Place de la Comédie, avec sa sculpture itinérante Abre Caminho, invitation à se doucher, et donc à se déshabiller : l’été sera chaud à Montpellier. ANNA ZISMAN Oeuvre de Jean-Luc Parant, galerie Les Frangines © MC

L

En parallèle de la ZAT, une sélection d’œuvres issues de l’exposition La Strada, organisée par Hou Hanru, directeur du MAXXI (Rome) aura lieu à La Panacée, du 8 juin au 18 août.

100 artistes dans la ville – ZAT 2019 8 juin au 28 juillet Divers lieux, Montpellier zat.montpellier.fr

harmonies pop très contemporaines et groovy. Entre blues rural de l’Amérique profonde et rock’n’roll minimaliste, la musique de Képa (ancien skateur professionnel à la voix de crooner !) mixe harmonica et guitare acoustique en acier, sans se prendre au sérieux. Direction l’Algérie avec deux propositions alléchantes : Djazia Satour continue à revisiter l’héritage musical de son pays, et chante sur son dernier album les errances de l’exil et de l’amour accompagnée par Benoît Richou à la guitare, Rabah Hamrene au derbouka, banjo, bendir et violon, et Gregory Daddario à la batterie ; avec Sofiane Saidi et le groupe Mazalda le raï est électrique, qui mélange flûte électro et traditionnelle, batterie et derboukas, le tarab oriental au « son cosmique » ; envoutant ! Enfin, les musiciens de Trans Kabar offriront une version contemporaine du maloya (musique traditionnelle de la Réunion) mixée, en un véritable feu de joie électrisant. DO.M.

Les Escapades 14 & 15 juin Les Lauzières, Château-Arnoux-St-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

e 11e festival des Eauditives a été inauguré le 22 mai dans le beau musée de la Marine de Toulon, qui accueillait la majeure partie des intervenants présentés par Éric Blanco et Claudie Lenzi, donnant le ton d’une création vive, qui réfléchit sur le monde, planète sans frontières, où l’eau est un enjeu majeur. La veille, à la Galerie Les Frangines, Jean-Luc Parant, au milieu d’un florilège de ses œuvres plastiques, offrait la lecture d’un extrait de son dernier opus édité par les éditions Plaine Page (comme les ouvrages présentés par les autres auteurs invités), Sens et non-sens, érigeant une logique enfantine en œuvre d’art, « le soleil éclaire la terre entière, mais jamais en même temps »… À côté des grandes maquettes de voiliers, les étudiants de l’ESADTPM proposaient leurs Poéssonnies vibrantes de sincérité et d’émotion. Leur succédaient en version bilingue les textes bouleversants de la slameuse italienne Eugenia Giancaspro qui dit son texte à la fois en italien et en langue des signes, puis ceux de la poétesse syrienne Maïs Alrim Karfoul dont le Vague Mont Ciseaux raconte l’exil : « Je suis une porte cassée/ Mais je regarde encore la clé dans tes mains ». La verve de Patrick Sirot, son goût du paradoxe et des sonorités suggestives préparaient la poésie sculptée dans la voix d’or d’Aïcha Maghrabi (Lybie), et l’éblouissante performance de Dani Orviz (Espagne) qui reprenait des passages de Generacion On (2015), « Ma banque contre ton vote, elle donne son veto »… Enfin, on goûtait le phrasé subtil de Maxime Hortense Pascal dans son interprétation d’un extrait de son dernier livre, L’Usage de l’imparfait, où se décomptent les lacs asséchés, les fleuves « privés d’embouchure », en une écriture étoilée qui rend compte des réalités d’aujourd’hui en suscitant les cosmologies d’hier. Quelles Érinyes se lèvent, alors que « les ogres s’occupent du langage » ? Le poème nous restitue le monde… MARYVONNE COLOMBANI

Les Eauditives ont eu lieu du 16 au 26 mai à Toulon

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26 critiques spectacles

Maîtres de l’illusion

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daptée de La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement, essai de Svetlana Aleksievitch, la pièce La fin de l’illusion rouge ? trouvait un écrin quasi naturel au théâtre

© Diane Vandermolina

Toursky. Le théâtre d’idées résiste ici avec une pièce forte, à l’argumentation serrée, même si l’on peut reprocher au texte d’avoir la lourdeur de certaines pièces du théâtre sartrien, avec ses monologues didactiques. L’action se passe en 1991, au moment du putsch contre Gorbatchev, accusé d’être le fossoyeur

du régime soviétique. Alors que Moscou s’enflamme, que l’Armée Rouge hésite, que l’opinion internationale fluctue (tout cela très bien rendu par la projection de documents de l’INA), à Novossibirsk, en Sibérie, trois personnes écoutent les nouvelles, discutent. Maxime (Paul Barge), nostalgique de l’époque soviétique jusque dans ses crimes et ses excès, Irina (superbement juste Catherine Salviat) qui cherche une harmonie et cite avec tendresse les mots de Tchekhov, Azad, (Richard Martin, souverain et bouleversant) qui « y a cru », mais, parce que trop libre, a vu sa vie détruite par des années d’internement en hôpital psychiatrique, qui ne sont pas sans rappeler L’archipel du goulag de Soljenitsyne. L’utopie d’un communisme soviétique censé inonder le peuple de bonheur est passée au crible, entre les aspirations révolutionnaires, le

mythe de la génération sacrifiée pour le bien des suivantes, les privations, mais aussi ce qui a été accompli pour le bien du peuple… La mise en scène (de Pierre-Philippe Devaux et Serge Sarkissian) est un peu vieillotte, on aurait attendu davantage une confrontation entre l’intime et l’universel, dans un cadre moins étouffant (immense table de la nomenklatura, murs tendus de noir sur lesquels s’étend une immense draperie rouge), cherchant moins le symbole. La jeune Natacha (Daria d’Elissagaray), avec beaucoup de fraîcheur, dit ses espérances en un internet qui unirait les hommes et serait un vecteur de liberté, oubliant que l’outil n’a pas de vertus éthiques en soi et acquiert seulement les valeurs que ceux qui le manient lui donnent… MARYVONNE COLOMBANI

La fin de l’illusion rouge ? a été joué le 14 mai au Théâtre du Toursky, Marseille

Les fantômes de Koltès

T

rente ans que Bernard-Marie Koltès est décédé, mais il est toujours ardemment actuel. L’université d’Aix-Marseille (AMU) vient de proposer un travail artistique professionnalisant, intégré au cursus universitaire dans le cadre de la formation en Arts du spectacle. Arnaud Maïsetti, maître de conférences, spécialiste de Koltès, a proposé la dramaturgie du spectacle mis en scène © Augusto Oliveira par Franck Dimech. Tous deux ont utilisé ses écrits non-dramatiques : particulièrement marquante montre les correspondances, interviews, entretiens… mâles blancs dominants, campés sur Des « textes-fantômes », comme étaient leurs jambes, sexe agressif contraignant fantômes les coups portés par le boxeur des esclaves à la fellation. Images fortes Mohamed Ali, que personne ne voyait où l’on reconnaît la pâte de Franck Dimais dont l’efficacité était exceptionnelle. mech. On sent qu’il a aussi intégré des Grand voyageur, très attiré par l’Afrique, propositions des vingt-deux étudiants Koltès voulait connaître le monde et cla- sur leur vision du monde, leurs doutes mait sa détestation des européens, de et leurs espoirs, faisant allusion à des leurs certitudes et de leur morgue, s’in- événements récents, utilisant aussi leurs surgeant contre le racisme. Une scène talents de chanteurs ou de musiciens.

Une lettre de Koltès à sa mère développe son désir de parler de la « solitude affective » et de lutter contre toutes les oppressions. Dans sa dernière interview avec Lucien Attoun, en novembre 1988, il parle de la mort qu’il ne craint pas et de la vie qui est « une petite chose ridicule ». Est-ce pour cela que les dernières images magnifiques du spectacle montrent un cadavre que les vivants entourent de bandelettes, se livrant à un rituel ancestral ? La prestation est intéressante, la scénographie dépouillée avec des titres et des textes projetés, l’engagement des étudiants total. CHRIS BOURGUE

Le Coup-fantôme, d’après Koltès s’est joué du 15 au 18 mai à La Friche (Marseille)


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Clown power

I

l est parti en quête du râle, et on dirait bien qu’il l’a trouvé. la très cossue Mairie des 6/8e arrondissements de Marseille. Il le distribue d’ailleurs généreusement, allant chercher le La Cie Dis bonjour à la dame, qui prenait sa suite, a elle aussi son caverneux dans les tréfonds de sa poitrine captivé l’assistance, mais en recourant à des procéprimitive, ou d’une massue-didgeridoo qui dés plus contemporains. Toute une machinelui sert aussi d’escabeau sur lequel se rerie orchestrée par Frigo (Nicolas Ferré), plier en cas de déception sentimentale. clown en queue de pie, bien décidé à Lui, c’est Paahahaaaa, clown préhispasser à côté de l’exploit. Parce que torique de son état. Olivier Clément l’exploit, ce n’est pas intéressant, au civil, de la Cie du Faubourg. c’est même le comble du futile, Un homme capable d’horrifier quand on y pense. Lui cultive plujoyeusement son jeune public en tôt le contre-exploit, avec une tenpostillonnant, léchant des objets dresse taquine relevée par les airs ayant traîné par terre, voire, faute de son musicien (Antoine Amide mouchoir, soufflant bien fort le gues) et joliment enrobée d’italien. contenu d’une narine après l’autre On ne vous dira donc pas si, à la fin, il s’envole après mise à feu de (mais pas sur les premiers rangs, son siège amovible : toute la joie est tout de même). Par ces techniques de La dans l’anticipation. séduction venues du fond des âges peu qu êt GAËLLE CLOAREC farouches, il a réussi à emballer les spectaed ur âle © Je teurs du festival Tendance Clown, venus faire an-Luc Dubois sa connaissance dans le beau Parc Bagatelle. Car pour râler, il n’en a pas moins le sens du rythme, et c’est sur une transe collective que son spectacle s’est achevé, grands La Quête du râle et Frigo (opus 2) ont été vus le 11 mai et petits martelant volontiers du pied dans les gravillons de dans le cadre du festival Tendance Clown, à Marseille

Prise d’otages

Nous eux © Cie Bronks

L

a metteure en scène Carly Wijs ne croit pas qu’il soit tabou d’évoquer le terrorisme dans un spectacle pour enfants. Elle le fait avec maestria dans son spectacle Nous / Eux (Wij / Zij), centré sur le drame de Beslan, prise d’otages massive ayant eu lieu en 2004 dans le cadre de la guerre de Tchétchénie. Les enfants de 9 ans et plus à qui cette œuvre est destinée n’ont jamais entendu parler de cette histoire, et les adultes n’en

ont probablement qu’un souvenir nébuleux. Cela ne pose pas de problème : dès le début, le récit haletant et circonstancié qu’en font deux magnifiques interprètes, dans une langue qui n’est pas la leur (la compagnie Bronks est néerlandophone), happe le public de tous âges. Gytha Parmentier et Roman Van Houtven incarnent deux survivants parmi les mille personnes retenues captives dans un gymnase par une trentaine d’indépendantistes opposés au pouvoir russe. Sur le sol, ils dessinent à la craie les bâtiments de l’école où les faits se sont déroulés, puis décrivent l’irruption des terroristes, la tension nerveuse, les premiers morts, la déshydratation des prisonniers, maintenus dans une chaleur étouffante trois jours durant. Tout ceci sans la victimisation qui rendrait l’exercice indécent : au contraire, une bonne distance est trouvée, sur un

tempo juste, avec ce qu’il faut d’humour pour ne pas écraser de cette tragédie non fictionnelle les plus sensibles des spectateurs : la jeune femme mime la désorientation des otages, leurs évanouissements, un bouquet de ballons noirs représente les bombes, le jeune homme reste pudique jusqu’au bout. Quand une armée de pères de famille marche sur l’école pour libérer les leurs, que le « tracteur le plus rapide de la région fonce à tombeau ouvert à travers le béton armé des murs du gymnase », on n’entend pas un souffle dans le théâtre. C’est à la toute fin qu’avec ingéniosité, les artistes enfoncent le clou du traitement politique de l’affaire, en soulignant les différences de traitement médiatique entre les régions du monde : Chine, Europe, USA... n’en ont pas dit les mêmes choses. GAËLLE CLOAREC

Nous / Eux (Wij / Zij) s’est joué les 17 et 18 mai au Théâtre Massalia, Marseille


28 critiques spectacles

Introspection scolaire

D

ans le milieu des arts de la rue, Begat Theater fut parmi les précurseurs de formes théâtrales atypiques :

© Philippe Laliard

entresort (Les Demeurées, d’après un roman de Jeanne Benameur), balade sonore (Histoires cachées), polar à échelle de la ville sur les traces d’une écrivaine évaporée (La Disparition), mais aussi parcours décalé au Mucem ou expérience

sonore à bord du train de la Côte Bleue. Pour Askip*, c’est dans un collège en activité que la compagnie convie son public. Répartis en trois groupes, les spectateurs sont invités à déambuler sur les pas d’un personnage : Eliza, jeune collégienne à fleur de peau ; Frédéric, professeur de français et Bruno, agent d’entretien. Astucieux, le dispositif permet de vivre un spectacle bien vivant, au plus près des comédiens. De salles de classe en passage au CDI, voire dans les… toilettes des filles, les histoires se trament, les parcours de vie se délient, se croisent, se répondent parfois. L’auteur Patrick Goujon, proche des adolescents, restitue à merveille les préoccupations de trois générations, à des étapes clés de leur vie : parentalité chahutée, départ à la retraite, maladie, mais aussi amour

ressuscité, sont évoqués avec justesse et pudeur. Régalade de pouvoir plonger en direct dans les monologues intérieurs des personnages, parfois irrésistibles ! Ce matin de mai à Port-de-Bouc, le bleu acier de la mer comme décor naturel pointant à l’horizon du Collège Frédéric Mistral, les élèves découvraient des endroits cachés de leur propre établissement. En soirée, les représentations tous publics faisaient vivre un établissement fantomatique. C’est notamment durant des résidences dans des collèges de PortSaint-Louis-du-Rhône, au plus près des divers corps de métier, que l’équipe artistique a bâti son histoire, pour en restituer avec beaucoup de délicatesse le fumet de la réalité. JULIE BORDENAVE

Askip* s’est joué du 13 au 15 mai au Collège Frédéric Mistral avec le Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc

Catharsis du rire

À

la différence du film Blade runner, le spectacle de Fellag n’est pas de la science-fiction ! Quoique, à bien l’écouter nous conter les travers de l’Algérie et de la France, et les rapports qui lient toujours les deux sociétés, on pourrait parfois le penser ! Depuis Djurdjurassique Bled en 1995, l’auteur et comédien natif de Kabylie déroule un long monologue jusqu’à ce Bled runner © Laurent Ferrigno qui revisite aussi des extraits des spectacles qui ont suivi (Un bateau pour racontent son histoire et la nôtre. Partant l’Australie, Le dernier chameau, Tous de ses ancêtres les arabes, il parcourt à les Algériens sont des mécaniciens, Pe- grands traits les événements marquants tits chocs des civilisations). Ni best of ni -arabisation de l’administration après collage, mais une remise à jour des su- l’indépendance, langue arabe défranjets qui résonnent encore durablement cisée, le premier Printemps arabe en aujourd’hui. Son personnage de clown à 1988, l’attentat à Paris en 1995…- s’arbretelles promène son sourire incisif l’air rête parfois sur des situations moins de rien, insufflant son humour intelli- anecdotiques qu’elles n’y paraissent - la gent et décomplexé dans les saynètes qui politique participative qui accompagne

le bricolage d’un moteur de voiture, l’arrivée du premier poste de radio au sein de la famille… Sans manichéisme, son humour révèle et dénonce les tabous, les préjugés et peurs, dans une langue qui malaxe les mots, les tricote et les travaille jusqu’à former d’habiles créations phonétiques, une poésie voluptueuse que n’aurait pas renié Raymond Devos. Fellag jouait à Berre la dernière représentation de Bled Runner, non sans donner au public un rendez-vous prochain ! DOMINIQUE MARÇON

Bled runner a été joué le 21 mai dans la salle polyvalente de Berre L’Étang


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Suivez le SMS !

Ê

tre les spectateurs de ce que l’on s’autorise à voir. Suivre une pièce née de notre regard. Attendre « qu’il se passe quelque chose », et comprendre, accepter peu à peu que ce quelque chose est déjà là, sous nos yeux. Traquer malgré tout un signe : lui, là, il fait sûrement partie de la pièce ! Il me regarde, je sens qu’il observe mes réactions ; oui, c’est vraiment le début alors. Et puis non, il détourne la tête, et © Augustin Legall continue son chemin, passant anonyme serveurs passent et repassent. Ont-ils redans la ville, héros sans le savoir, figu- marqué ma présence, mon regard insisrant du spectacle qui se joue place de la tant ? Je me lance : « Pour tout te dire, ça Chapelle neuve à Montpellier, où un SMS me rend un peu parano cette situation. » m’avait invitée à m’asseoir à la gauche Je développe, tapant toujours plus vite de la fontaine. « Tu me raconteras, nous mes SMS. Quand tout prend un sens, avons tout le temps ». Avec ce guide ni- (une femme qui fait tomber son sac et ché « au creux de [ma] main », matéria- le ramasse en me regardant, une fenêtre lisé par mon téléphone et les messages qui claque et une autre qui s’ouvre au qu’il m’envoie, la narration de cette ex- même moment, la conversation de mes périence se met en place. Je suis la seule voisins, qui se racontent leur enfance ici à voir la pièce qui m’est donnée. Les passée à l’Assistance publique... tout), le

monde devient sur-signifiant – et parfois, pour les esprits prédisposés, cela peut devenir angoissant. La Cie Queen Mother cherche à réveiller le regard et éclairer l’infra-ordinaire de notre environnement. Le spectacle se développe à travers ce lien intime avec une présence invisible qui met en scène et en mots ce que nous seuls voyons. Follow me suit son cours dans une curieuse douceur. Au gré des échanges (il y sera question de Sophie Calle, comment ne pas la citer ?), nous progressons, jusqu’à tous nous retrouver, spectateurs émus et complices, conscients d’avoir vécu un moment à l’étrange densité, seuls, mais dans la même bulle. ANNA ZISMAN

Follow me, après une résidence au Citron Jaune (Port Saint-Louis), a été créé à Montpellier les 11 & 14 mai

Benjamin aux mains d’or

P

our le dernier concert de sa saison hivernale, le Festival de Musique de Toulon accueillait le jeune pianiste britannique Benjamin Grosvenor au Palais Neptune, pour un récital électri-

Benjamin Grosvenor © Paul Allen OperaOmnia

sant. Entamant son programme par un répertoire très idiomatique du piano romantique avec Blumenstück, op.19 puis la monumentale suite Kreisleriana, op.16, toutes deux de Schumann, la maturité du jeu de ce prodigieux interprète de 26 ans

frappait d’emblée l’auditoire. Concentré à l’extrême dès le début de la soirée, sans aucune esbrouffe et avec une décontraction bluffante, il y maîtrisait à la perfection les changements d’atmosphère très symptomatiques du style du compositeur. En distillant une musicalité aux phrasés limpides, il soulignait les contrastes dynamiques avec une facilité déroutante. La trame mélodique en ressortait avec une évidence rare. En deuxième partie, le programme commençait au début du XXe avec deux univers encore très singuliers. Dans l’étrange Sonate « 1er Octobre 1905 » op.22 en deux mouvements de Leoš Janáček, son touché, mélange subtil de violence et de délicatesse félines, faisait exploser l’œuvre de couleurs sonores dévoilant une richesse harmonique insoupçonnée et rarement entendue sur un Steinway de

concert. Ce foisonnement compensait avec bonheur le manque de troisième mouvement. Le miracle se reproduisait un peu plus tard dans une sélection par l’interprète de 12 des 20 Visions Fugitives op.22 de Sergei Prokofiev. Sa vision analytique des pièces choisies en soulignait toute la poésie sonore en clair-obscur aux confins de la tonalité. Pour terminer son concert, le sujet de sa majesté expédiait avec une facilité sidérante les Réminiscences de Norma de l’expert en transcriptions qu’était Franz Liszt. Sa technique infaillible venait à bout de ce répertoire à la virtuosité monumentale voire transcendante, le tout ressemblant presque à une démonstration. Un sans faute couronné de deux rappels tout aussi somptueux...une merveille. ÉMILIEN MOREAU

Le concert a été joué le 13 mai au Palais Neptune de Toulon


30 au programme spectacles bouches-du-rhône

Les Démons

Tabula rasa

Dans son roman Les Démons, Fiodor Dostoïevski se demandait comment la société russe avait enfanté le nihilisme. Une conception politique attribuée à son personnage Chigalev, pour lequel il conviendrait d’« abaisser le niveau de la culture des sciences et des talents, (…) couper la langue à Cicéron, crever les yeux à Copernic, lapider Shakespeare » afin d’éviter l’apparition de despotes. Sylvain Creuzevault s’en inspire librement.

Cyril Teste s’est inspiré du fameux film de John Cassavetes, Opening Night (1977) et c’est Isabelle Adjani qui reprend le rôle de Gena Rowlands. Un retour au théâtre, à vrai dire, pour cette œuvre qui a d’abord été une pièce, signée John Cromwell, dans les années 1960. L’histoire d’une actrice vieillissante, portée sur la bouteille, marquée par le décès soudain de l’une de ses admiratrices, fauchée dans la fleur de l’âge.

© Marion Malfatto

© DR compagnie

Opening Night

Une création portée par le chorégraphe Christian Ubl, avec les douze danseurs de la formation professionnelle Coline (promotion 2018-2020). « Ensemble, ils investissent le concept philosophique de la Tabula rasa, selon lequel l’esprit humain naîtrait vierge et serait marqué, formé et modelé par l’expérience. » La musique est une composition du même nom, écrite par Arvo Pärt en 1977. 7 juin Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr

© Simon Gosselin

5 au 7 juin La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Au cœur

La Cité Sans Voiles Imperial Orpheon © Marion Ribon

3 au 6 juin Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

© DR.

Plateaux ouverts Le chorégraphe Thierry Thieû Niang avait présenté ce spectacle au Festival d’Avignon 2016. Il s’agit ici d’une re-création avec des collégiens marseillais. Les enfants et adolescents allophones ont travaillé le thème de l’exil sur un texte de Linda Lê, avec le scénographe Claude Lévêque. « Tu sais bien que la nuit a fondu sur nous sans nous laisser le temps d’être les héros d’un poème » soufflent-ils à chaque membre du public...

Pour la 3e édition de ses Plateaux ouverts, le Merlan accueille le fruit des ateliers menés toute l’année sous son aile. Au programme, du théâtre, aux côtés d’Edith Amsellem ou Magali Jacquot, des fables chantées avec Brigitte Cirla, de la danse encadrée par Josette Baïz... et la restitution des ateliers d’éducation à la presse suivis par des écoliers, collégiens et lycéens, accompagnés par les journalistes de Zibeline !

© Philippe Charbonnière

13 au 15 juin La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

4 au 11 juin Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Les musiciens d’Impérial Orphéon avaient conquis le public des Sirènes et midi net en novembre dernier, sur le parvis de l’Opéra de Marseille (lire notre critique Pot-pourri flamboyant sur journalzibeline.fr). Ils reviennent chez Lieux Publics avec un dispositif singulier, autour d’une scène centrale, pour une exploration en mouvement de leur univers sonore éclectique. 6 juin Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com


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32 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

Loin d’eux

Vivre sa vie

El Encuentro

6 juin Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

7 au 15 juin Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 theatre-des-ateliers-aix.com

Le Banquet de la Sainte-Cécile

© Vincent Arbelet

Une Mirada Loca Ana Morales, soliste pour le Ballet Flamenco de Andalucía, est aujourd’hui à la tête de ses propres spectacles. Elle pratique le flamenco dans toute sa rigueur, tenue et fougue, en y mêlant des accents contemporains qui nourrissent et renouvellent le genre, sans jamais le dénaturer. Elle sera ici accompagnée de Rafael Rodríguez à la guitare, Miguel Ortega au chant.

© Jean-Louis Duzert

Connaissez-vous l’Harmonie municipale de Chauvigny ? « La seule au niveau régional, voire national, à posséder un bar sur son lieu de répétitions. » Jean-Pierre Bodin en fut l’un des membres (saxo alto de 6 à 26 ans) ; devenu acteur-auteur, il se fait le témoin amusé, discret et tendre de cette troupe bigarrée, dont il joue tous les personnages, de ses répétitions jusqu’aux jours de concerts, sans oublier le banquet qui les réunit une fois par an ! 7 juin Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

© Godard - Dreyze

Auteur associé, Laurent Mauvignier a accompagné les élèves comédiens de la Compagnie d’entraînement de la promotion 2018-2019 -Robin Attrée, Laurent Di Marino, Faustine Guégan, Bénédicte Ménissier, Sara Pignatel, Laurent Prat et Florian Rondart-, notamment lors d’un séminaire de trois jours avec eux. Après cette rencontre ils ont choisi d’adapter l’intégralité d’un de ses romans, Loin d’eux, une création menée sous la direction artistique d’Alain Simon.

© Jean-Louis Duzert

Laurent Mauvignier et les élèves comédiens de la Compagnie d'entraînement © X-D.R.

Conçu en collaboration avec la danseuse et chorégraphe Ana Morales, ce spectacle célèbre la fougue flamenca. Le danseur David Coria est accompagné de jeunes interprètes du Conservatoire de Séville, mais aussi de pointures au cante (le poète Antonio Campos, également aux tambours, et Miguel Angel Soto « El Londro ») et à la guitare (José Luis Medina et Jesús Torres). À l’issu du spectacle, la soirée se poursuivra avec une fête pour les 45 ans de l’Olivier !

7 juin Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

Charles Berling adapte librement le film de Jean-Luc Godard, avec trois interprètes qui joueront plusieurs rôles. En racontant l’histoire de Nana, qui après avoir quitté mari et enfant pour « exister » et devenir actrice deviendra une prostituée, puis sera tuée pour avoir voulu arrêter par amour, il fait aussi entendre des voix de femmes par le biais de textes de Marguerite Duras, Simone Weil, Virginie Despentes ou encore Grisélidis Réal. Avant sa création au Festival Off cet été, Les Halles programme la pièce en avant-première. 6 & 7 juin Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

La paix, tant qu’on n’a pas essayé… « C’est quoi la paix pour vous ?» La nouvelle création de François Bourcier (Cie Théorème de Planck) veut redonner la parole « à tous les utopistes, les rêveurs, les naïves, les candides… d’ici et d’ailleurs ». Le texte d’Émilie Génaédig prend appui sur les réponses de beaucoup d’entre eux, récoltées de Sarajevo à Djerba, de la Polynésie à la Laponie, et sur les discours et récits des grandes figures du pacifisme que furent Gandhi, Rosa Luxembourg, Martin Luther King… La paix, tant qu’on n’a pas essayé, on ne peut pas dire que ça ne marche pas 13 juin Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 theatredescarmes.com


33

au programme spectacles vaucluse var

Ubu

Avec le dos de la cuillère

Carmina Burana © Yvan Cledat

Il y avait d’abord eu L’Aululaire (la marmite), créé en 2017, théâtre d’objets focalisé sur les ustensiles de cuisine. La Cie Espégéca creuse le sujet, développe son appétit en musique, chant, installation plastique et projections d’images. Personnage principal : la marmite, toujours, qui déborde de ressources. Il est bon de touiller les mots, les expressions, qui en disent long sur notre rapport à la nourriture. Du moment qu’on ne nage pas dans le potage ! Dès 5 ans.

5 au 7 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

© Gregory Batardon

© Cie Espégéca

Plus fort, plus fou, plus subversif qu’Ubu roi ! Olivier Martin-Salvan nous balance du super Ubu, dans une création inspirée de la pièce d’Alfred Jarry, où il s’autorise tous les dépassements : les cinq comédien. ne.s outrepassent les règles du bon goût, en tenue fluo ils dézinguent les figures du pouvoir. Ça déménage !

Desplante / Catedral

7 juin Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

28 & 29 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Juste Heddy

Titre définitif* (*Titre provisoire)

© Mickaël Phelippeau

Deux figures incontournables incarnent la 13e édition des Nuits Flamencas à Châteauvallon : Eduardo Guerrero, virtuose qui sait mêler la traditionnelle gestuelle et les pas de côté contemporains (Desplante) et Patricia Guerrero, avec Catedral (2016) démontrera encore sa puissance charismatique et troublante, véritable révélation du genre. 22 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Ça commence bien : si le titre est annoncé comme étant le bon, et bien non, il est en fait provisoire, nous précise-t-on. Il va falloir s’habituer à se laisser mener en barque par ces « Presque digitateurs » Kevin Laval et Mathieu Pasero, rockeurs magiciens à paillettes, maitres de l’imposture. « Tout ce que vous allez voir ne se passera en réalité que dans votre tête... » Et pourtant ils sont bien là, en vestes à paillettes et avec leur guitare électrique ! À partir de 10 ans.

© Jean-Claude Chaudy

Catedral © Juan Conca

À 21 ans, Heddy Salem a déjà vécu pas mal de tranches de vie. Né dans les quartiers nord de Marseille, il a fait l’armée, où il a pris des coups, il s’est retrouvé à la rue, où il a cogné, il a perfectionné sa droite dans les salles de boxe, où le théâtre est venu à lui, lorsqu’il y a été repéré par la Cie l’Entreprise. C’est désormais Mickaël Phelippeau qui le fait monter sur scène, dans un solo autobiographique bouleversant et revigorant.

4 & 5 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Claude Brumachon repense et réinvente la vision puissante composée par Carl Orff avec sa cantate scénique hypnotique, « tube » rassembleur et fascinant. Pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, le chorégraphe multiplie les tableaux dans une grande histoire de l’humanité, où la noirceur de la pièce musicale fait place à un univers flamboyant et romantique, d’une époustouflante énergie.

11 juin, Flayosc 12 juin, La Motte 13 juin, Les Arcs-sur-Argens 14 juin, Châteaudouble 15 juin, Comps-sur-Artuby 16 juin, Saint-Antonin du Var 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com


34 au programme spectacles musiques gard bouches-du-rhône vaucluse

Trrr

Splendeur du sacré vénitien

© Bertrand GAUDILLERE

15 juin Salle de l’ancien Évêché, Uzès 04 66 36 65 10 theatredenimes.com 13 juin Théâtre du Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Roger

© Guillaume Marie

Les aventures du héros de Kipling, le jeune et intrépide Mowgli, se voient quitter les pages du livre et l’écran des cinémas pour trouver un nouvel élan sur la scène de la comédie musicale. Le parcours initiatique de l’enfant adopté par les loups au cœur de la jungle indienne est ici mis en musique par Raphaël Sanchez sur des textes d’Ely Grimaldi et Igor de Chaillé dans une mise en scène de Ned Grujic. « Il en faut peu pour être heureux » en famille.

© DR

21 & 22 juin Salles d’exposition de l’ancien Évêché, Uzès 04 66 36 65 10 theatredenimes.com 4 juin Odéon de Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

Vivaldi composa beaucoup pour les jeunes filles du Pio Ospedale della Pietà (hospice, orphelinat et conservatoire de musique de haut niveau, pour lequel, jeune prodige, il avait été choisi comme maître de violon), dont les trois pièces sacrées devenues très populaires (Magnificat, Credo, Gloria) que l’Orchestre Régional Symphonique Avignon-Provence accompagné par les voix de Marie-Bénédicte Souquet (soprano) et d’Eloïse Cénac-Morthé (mezzo-soprano) interprétera sous la houlette de Samuel Jean. 7 & 8 juin Église des Carmes, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Le livre de la jungle

Guillaume Marie et Igor Dobricic proposent d’accorder à la danse une propriété louable, celle de la consolation. Roger se construit comme une invitation : Roger Sala Reyner s’adresse au public pour construire avec lui une communauté éphémère et fragile de consolateurs et de consolés… Dans le cadre de Uzès Danse.

Eloïse Céna © Morthé

Thiago Granato, chorégraphe performeur germano-brésilien, présente l’ultime solo de sa trilogie Choréoversations. Depuis 2013, cette série ouvre une réflexion sur un large champ thématique : histoire, nature, espace, transmissions. Il s’agit cette fois du temps : à l’avant du corps, le passé, à l’arrière le futur... Alors la danse devient voyage temporel aux contours réinventés. Dans le cadre de Uzès Danse.

Le projet Démos, initié et coordonné par la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, est porté à Marseille par les Apprentis d’Auteuil. Il rassemble cent enfants de 7 à 11 ans de divers quartiers de la ville qui apprennent depuis presque un an la musique auprès de musiciens professionnels. Ils se voient confier un instrument, et sont initiés à l’univers de l’orchestre. Le concert de fin d’année sera dirigé au Merlan par Victorien Vanoosten himself. Quelle école !

Le pont sur le monde

© Les Arts sur le pont

© SebastianGabsch

Démos

Belle démarche que celle menée par le dispositif les Arts sur le Pont qui rassemble 350 enfants des écoles du Gard et du Vaucluse sur une composition originale pour chœurs d’enfants de Sylvain Griotto à partir d’un livret écrit par les résidents du Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile d’Avignon. L’ensemble dirigé par la chef de chœur Cati Delolme sera accompagné par le groupe Aksak et des musiciens intervenants du conservatoire de Grand Avignon et de l’école de musique associée de Rochefort-du-Gard. 8 juin Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


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au programme musiques hérault vaucluse alpes

Al Akhareen

Dans la ville de Gênes au milieu du XIVe, patriciens et plébéiens se livrent une lutte acharnée et les vengeances comme les reconnaissances peuvent attendre parfois vingt-cinq ans ! Amours, poisons, plans machiavéliques s’enchâssent dans le somptueux opéra de Verdi mené avec allant par Michael Schønwandt et Giovanni Meoni dans le rôle-titre dans une mise en scène de David Hermann.

© Emanuel Rojas

Simon Boccanegra

La formation Al Akhareen construit un son puissant entre hip-hop poétique, rap, et tradition arabe. Elle est le fruit d’une alchimie heureuse entre la plume talentueuse du spontané Osloob et le jeu profond de la flûtiste Naïssam Jalal. Un concert qui précédera une deuxième partie de soirée, au cours de laquelle les mêmes artistes raconteront Le Bulldozer et l’Oliver, un conte musical plein d’espoir sur la question de la résistance et de l’attachement à la terre.

Ishtar Connection Ishtar Connection propose une musique innovante, au croisement de plusieurs cultures. Au cœur de la formation le maître du oud Fawzy Al-Aiedy, entouré de trois jeunes artistes issus des « musiques actuelles » : Vincent Boniface (accordéon, cornemuse, flûtes), Amin Al-Aiedy (basse) et Adrien Drums (batterie et électronique). En résulte une « world music » très groovy, où les mélodies traditionnelles se couplent aux textures synthétiques dans une juste harmonie. Dans le cadre du festival Les Printemps du Monde.

© Laurent Khram Longvixay

Giovanni Meoni © DR

19 juin La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Broken Back 8 juin (avec une masterclass le matin) Salle La Fraternelle, Correns 04 94 59 56 49 le-chantier.com

16 & 18 juin Opéra de Montpellier, Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr

Maria Mazzotta & Bruno Galeone

Depuis 2018 le contre-ténor polonais Jakub JÒzef Orliński séduit les foules par l’incandescence de ses interprétations. Accompagné de l’ensemble baroque Il pomo d’oro, eux aussi bouleversants virtuoses, il se glissera avec fougue et élégance dans un florilège d’œuvres de Heinichen, Corelli, Vivaldi, Zelenka, Fago, Hasse…

En duo avec le jeune et talentueux accordéoniste Bruno Galeone, la grande Maria Mazzotta propose un répertoire célébrant la Méditerranée éternelle. Figure incontournable des Pouilles, la chanteuse a depuis longtemps prouvé sa virtuosité vocale grâce à l’aisance avec laquelle elle passe des sonorités italiennes aux cadences des Balkans. Dans un respect rigoureux des méthodes d’interprétation des chants de ces différentes cultures.

Jakub Józef Orlinski © Piotr-Porebsky

© Emma Birski

Anima Sacra

15 juin Salle Pasteur, Le Corum, Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr

Après le succès d’Halcyon Birds (2016) puis de Wonders (2018), Broken Back s’était fait discret jusqu’à la sortie du single Young Love en janvier dernier avec son clip jaune vitaminé. De nouveau sur les routes, le breton fait un arrêt par Mougins pour un concert fort en pop, en électro et en couleurs. Une occasion pour ce showman de prouver qu’il a bien mérité sa nomination dans la catégorie « Révélation Scène » aux Victoires de la Musique. 13 juin Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

21 juin Château de Tallard 06 27 55 81 40 festivaldechaillol.com


36 au programme cinéma Film de la semaine

The Mountain

Le cinéaste Rick Alverson dresse un portrait troublant des années 1950

C

onfronté à la mort de son père (hiératique Udo Kier) et à l’internement de sa mère en asile psychiatrique, le jeune Andy (Tye Sheridan) accepte, avec une résignation désolée, de documenter les activités du médecin de cette dernière en photographiant le déroulement de ses activités. Le docteur Wallace Fiennes a les traits de savant fou du génial Jeff Goldblum : mais le charisme monstre de l’acteur est ici privé du cool qui a su rendre ses personnages sympathiques, ou du moins accessibles au spectateur. Wallace confie à Andy le soin de redorer son blason en suivant ses activités médicales comme son quotidien : la méthode dont Wallace s’est fait le spécialiste – la lobotomie – faisant l’objet d’une méfiance grandissante de l’opinion et de l’ordre des médecins … Le propos de Rick Alverson épouse le point de vue d’Andy : ce dernier, à la fois fasciné et terrifié par ce docteur séduisant mais imprévisible, s’enferme dans un mutisme de plus en plus épais. La photographie de Lorenzo Hagerman, inondée de lumière blanche, de couleurs délavées, marquée par le statisme et l’asthénie des tableaux de Hopper, épouse cet isolement jusqu’à la suffocation. Détaché du réel, ou du moins de la représentation qu’il doit en fournir, Andy se tourne vers d’autres muettes, les patientes, et tout particulièrement vers Susan (Hannah Gross) et son père (Denis Lavant, dans un numéro de possédé dont il a l’habitude). Si ce portrait

Film de la semaine

© stray dogs distribution

conjugué de psychés malades pourra désarçonner certains spectateurs, ou irriter par son hermétisme et sa sécheresse, il n’en demeure pas moins d’une cohérence et d’une exécution remarquables. SUZANNE CANESSA

The Mountain : une odyssée américaine, de Rick Alverson sortira le 26 juin (1h48)

Anna, E un jour

st-ce que vous avez déjà songé à ce qu’une femme, mère de trois enfants, assume chaque jour ? C’est ce que nous raconte la cinéaste hongroise, Zsófia Szilágyi dans Anna, un jour (Egy Nap) Une camera au poing suit Anna (Zsófia Szamosi), une femme d’origine italienne, qui donne des cours à des adultes, mariée à Szabolcs (Leó Füredi), un avocat, très pris par ses affaires et une histoire avec Gaby, amie de sa femme. Gérer le réveil, le petit déjeuner, emmener les enfants à l’école ou à la crèche, puis au cours de musique et d’escrime, essayer de régler avec la banque les problèmes financiers, réparer le robinet qui fuit, faire les courses, préparer le repas, ranger les jouets qui trainent, Anna fait cela chaque jour. Zsófia Szilágyi nous plonge dans le

© Damned Films

quotidien de cette femme, nous faisant partager ses moments de stress, ses angoisses mais aussi les instants de bonheur avec ses enfants, comme la séquence où


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Un havre de paix

Film de la semaine

Y

ona Rozenkier, réalisateur d’Un Havre de Paix (en hébreu, L’Eté), a grandi dans un kibboutz près de la frontière libanaise. Ses frères et lui ont combattu en 2006 contre le Hezbollah. Pour son premier long-métrage, il a donc choisi un sujet profondément personnel : sa propre famille incarne une fratrie se déchirant, avec pour décor le kibboutz de leur enfance. Le film, présenté au dernier festival de Locarno, suit les rancœurs et tensions entre Yoav (Yoel Rozenkier), Itai (le réalisateur) et Avishai (Micha Rozenkier) qui se retrouvent après la mort de leur père. Le départ imminent à l’armée du benjamin Avishai pour son service militaire est encouragé par l’aîné Itai, mais remis en question par Yoav, qui a quitté Tsahal et le microcosme du kibboutz pour partir vivre à Tel-Aviv. Le sujet ici n’est pas la guerre elle-même, à peine entrevue le temps de bombardements lointains, mais l’absurdité de cette course à une virilité qui s’acquiert notamment par le service militaire, véritable creuset collectif de la nation israélienne. Une course cautionnée silencieusement par la figure du père défunt et par les plus âgés, même si ceux-ci préfèrent couper les sirènes la nuit pour mieux dormir… La photographie d’Oded Ashkenazi

Un havre de paix © Pyramide distribution

retranscrit avec éclat le soleil méditerranéen et la verdure apparemment paisible de la campagne tout en parvenant à instiller une tension intime dans chaque scène : paradoxalement, les séquences de bombardement sont peut-être les moins anxiogènes… L’isolement de la communauté et les armes à feu, omniprésentes et banalisées, ne sont pas sans rappeler les clichés associés à l’Ouest Américain : et ce n’est pas par hasard si un personnage viendra à accuser un poster de Clint

Eastwood de véhiculer l’apologie d’une virilité sans faille. Ce sont donc avant tout la peinture de ce monde endurci, refermé sur lui-même et l’investissement émotionnel des acteurs, impeccables, crédibles et engagés, qui font de ce Havre de Paix une grande réussite. PAUL CANESSA

Un havre de paix, de Yona Ronzenkier, sortira le 12 juin (1h31)

de sa mère. Avec une grande justesse, la réalisatrice évoque les oublis d’affaires, les problèmes d’amitiés du plus grand, la fièvre, la pharmacie d’urgence la nuit, les échanges de services avec d’autres parents, l’aide un peu intrusive de la grandmère qui essaye de percer les secrets du couple. Car en plus de tout cela, Anna doit régler ses problèmes conjugaux face à un mari fuyant qui esquive ses questions. La rencontre dans un bar avec Gaby, qui lui assure qu’elle n’a pas couché avec son mari, n’apaise pas ses inquiétudes, d’autant plus qu’ils doivent se revoir. La réalisatrice, par une caméra nerveuse, un remarquable travail du son et de direction d’acteurs, a su restituer cette course perpétuelle et a tracé là un magnifique portrait de femme. Un premier long-métrage très prometteur qui avait remporté le Prix FIPRESCI à la Semaine de la Critique, Cannes 2018. ANNIE GAVA

ils chantent ensemble dans la voiture. Enfants qui ont leur vie et leurs problèmes. Simon, l’aîné, pris dans son monde galactique, se sent parfois seul. La fille cadette, Sari, ne tient pas en place et le dernier, Mark, qui a deux ans réagit au stress

Anna, un jour de Zsófia Szilágyi sortira le 19 juin (1h38)


Les films à ne pas louper Land and Freedom dimanche 2 juin à 20h55 Le jour le plus long lundi 3 juin à 21h Profession reporter de Michelangelo Antonioni lundi 3 juin à 23h30 Gloria mercredi 5 juin à 20h55 Home de Yann Arthus-Bertrand merdredi 5 juin à 23h45 Adama de Simon Rouby lundi 10 juin à 21h Bellissima lundi 10 juin à 22h40 Louise en hiver mercredi 12 juin à 23h40

petit

écran

Ernest Pignon-Ernest à taille humaine samedi 1er juin à 22h25

Depuis les années 60, l’artiste Ernest Pignon-Ernest illustre les murs du monde entier de ses fantomatiques silhouettes collées. Précurseur du street art, il est devenu une référence incontournable, créateur d’icones telles le Rimbaud en jeans collé en 1978 sur les murs de Paris. De son atelier jusqu’aux rues de Paris, Naples et Portau-Prince, en passant par la préparation de l’exposition qui lui fut consacrée en février dernier au Museum du Botanique de Bruxelles, le réalisateur Yann Coquart accompagne l’artiste au plus près de sa création.

L’heure zéro de Pascal Thomas jeudi 13 juin à 21h

FO, un syndicat par temps de Victor Hugo, une île pour l’exil Tiananmen mardi 4 juin à 20h50 crise lundi 3 juin à 20h20

dimanche 2 juin à 22h35

Féru de documentaires politiques au long cours, l’incontournable Serge Moati a cette fois suivi Force Ouvrière tout au long de l’année 2018. En remontant aux origines historiques du syndicat ayant participé à la construction du modèle social français depuis 1945, il tente d’analyser la crise profonde qu’il traversait alors : fin de règne de Jean-Claude Mailly après 14 ans de secrétariat général, virulent congrès de passation au mois d’avril, révélation de l’affaire dit « des fichiers » et de celle des « feuilles de paie ». En filigrane, le documentaire pose la question du rôle que peut encore jouer le syndicalisme en nos temps de crises multiples.

Hauteville House a rouvert ses portes au public en avril dernier, après une année de restauration. La demeure acquise par Victor Hugo, alors en exil sur l’île anglo-normande de Guernesey, surplombe la rade de Saint-Peter-Port. Le réalisateur François Chayé nous convie dans l’essence de cette « pensée écrite en pierre », ainsi que Victor Hugo concevait l’art architectural : vestibule, salon rouge, antichambre, jardin d’hiver… et le célèbre look-out du dernier étage, cabinet de travail vitré face aux côtes françaises rendues inaccessibles à l’auteur, dans lequel il écrivit nombre de ses chefsd’œuvre, tels que Les misérables et L’homme qui rit.

Trente ans après la sanglante répression des manifestations étudiantes en Chine, Arte revient sur les événements. Dès 20h50, Tiananmen, documentaire en deux parties de Ian MacMillan et Audrey Maurion, tente de retracer les faits d’avril à juin 1989, en s’appuyant notamment sur les Tiananmen Papers, documents secrets révélés en 2001. À 22h55, Liu Xiaobo, l’homme qui a défié Pékin retrace le parcours du Prix Nobel de la Paix, qui réclamait une transition démocratique dans son pays. Chercheur en littérature chinoise, orateur hors pair, il fut envoyé en camp de rééducation dès le mois de juin 1989 pour son soutien au mouvement étudiant. Arrêté pour subversion en 2008, il est condamné à 11 ans de prison et meurt en détention en 2017. Comme trame narrative, le journaliste Pierre Haski utilise une longue interview accordée par Liu Xiaobo à François Cauwel en 2008,


39 auquel le dissident confiait son testament, politique et personnel. Le livre Liu Xiaobo – L’homme qui a défié Pékin, est disponible aux éditions ARTE Éditions et Hikari Éditions. Enfin, la soirée se clôt avec la diffusion à minuit de Pour la démocratie et la liberté, dans lequel le réalisateur Yang Yang revient sur une génération d’artistes épris d’idéalisme et de liberté dans les années 80. À partir du 4 juin sur arte.tv, la série documentaire Si j’étais Pékinois propose aux internautes six vidéos pour comprendre l’environnement médiatique chinois, assorties du portrait de leaders actuels d’opinion : Li Zimeng, présentatrice de CCTV ; Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times ; Papi Jiang, humoriste ; Jack Ma, fondateur d’Ali Baba…

Un siècle dans leur tête

mercredi 12 juin à 23h25

Est-ce que c’était vraiment mieux avant ? Pour sonder la mémoire du début du XXe siècle, le réalisateur Jean-Michel Djian donne la parole à huit centenaires, hommes et femmes. Chacun nous relate ses souvenirs, maillant la petite histoire à la grande, au cours de parcours très différents : Antoinette, institutrice de Loire ; Josée, institutrice de Corse ; Père Bourgeois, prêtre du Nord ; Jean, coiffeur en Corrèze ; Yvonne, pharmacienne en Dordogne ; Renée, La Mère Gaud, commerçante en Savoie ; Serge, employé SNCF dans les Bouches-du-Rhône, et Pierre, chef d’entreprise en Dordogne. Le timbre attachant et nonchalant du comédien Jean-Pierre Darroussin fait office de voix off.

On a la solution

Vivre leur vie

Avec malice et aplomb, il préfère dire « vieux » que « seniors » : Patrick Chrétien, ancien instituteur, a lancé le premier projet français d’immeuble coopératif et autogéré destiné à des retraités, dans la banlieue lyonnaise. Il voyait alors son acte comme militant, destiné à changer le quotidien des personnes âgées optant pour le maintien à domicile. Après une rencontre avec la fédération Habicoop, les travaux ont démarré en 2015 à Vaulx-en-Velin. Aujourd’hui, la résidence Chamarel regroupe 16 appartements, complétés d’espaces communs – salon, bibliothèque… - et adaptés aux problèmes de l’âge. Ce sont les résidents eux-mêmes qui ont imaginé leur habitation, depuis les aménagements intérieurs jusqu’à l’isolation en paille. Chacun doit s’acquitter d’un ticket d’entrée à 30 000 euros, puis d’une redevance mensuelle de 600 euros. La journaliste Louise Ekland nous présente également des exemples de colocations de seniors ailleurs en France, et une association nantaise spécialisée dans le déménagement des personnes âgées.

Menacé aux Etats-Unis, inexistant en Argentine, récemment légalisé mais encore tabou en Irlande, restreint en Pologne, interdit à Malte... Le droit à l’avortement est loin d’être acquis. D’Orléans à New-York en passant par Montréal, la réalisatrice Marie-Pierre Jaury recueille le témoignage de femmes ayant eu recours à l’avortement, et ayant fait le choix de continuer à « vivre leur vie », envers et contre toutes les difficultés, remarques culpabilisantes ou obstacles rencontrés alors. Le documentaire est suivi d’un débat en plateau animé par Jean-Pierre Gratien.

samedi 8 juin à 10h50

jeudi 13 juin à 20h30

JULIE BORDENAVE

Et aussi… J’irai dormir à Burning Man samedi 1er juin à 20h20 Des artistes au pouvoir ? 1981-1988 dimanche 2 juin à 00h25

Le foot féminin à Kaboul, une lucarne de liberté samedi 8 juin à 17h50

L’accès au sport représente un moyen d’émancipation pour nombre de jeunes filles afghanes. Mais la pratique, tolérée jusqu’à l’adolescence, est généralement interrompue par le mariage. Le réalisateur Wilm Huygen s’attache au parcours de Madina Azizi, sélectionnée à 23 ans dans l’équipe nationale, aujourd’hui entraîneuse d’une équipe de jeunes filles à Kaboul. Le football féminin restant un sujet tabou pour bien des familles, la footballeuse milite pour la survie d’associations sportives féminines. Dans son combat, elle bénéficie du soutien de Khalida Popal, capitaine de la première équipe nationale féminine afghane en 2007, désormais réfugiée au Danemark suite aux nombreuses menaces de mort reçues à l’époque.

Pommerat, le théâtre comme absolu lundi 3 juin à 15h45 Les trésors de Marcel Pagnol mercredi 5 juin à 21h Gena Rowlands, actrice et muse par amour mercredi 5 juin à 22h55 Faut-il supprimer l’ENA ? jeudi 6 juin à 20h30 Africa Rising vendredi 7 juin à 22h25 L’Amoco dimanche 9 juin à 19h05 Luchino Visconti, entre vérité et passion lundi 10 juin à 00h30 Etats-Unis, génération massacre mardi 11 juin à 20h50 Marcel Duchamp mercredi 12 juin à 22h45


40 au programme arts visuels bouches-du-rhône vaucluse La collection du docteur Clot-Bey, figure emblématique de la vie marseillaise du XIXe s, est à l’origine du premier fonds d’égyptologie de Marseille. L’Académie des Sciences, Lettres et Arts, en partenariat avec le musée d’Archéologie Méditerranéenne, propose une exposition présentant les magnifiques ouvrages (Champollion, entre autres) des Fonds de l’Alcazar (déposés par Napoléon) et établit une passerelle avec la deuxième collection d’antiquités égyptiennes de France après le Louvre. A.Z. De Napoléon à Clot-Bey, la redécouverte de l’Egypte au XIXe siècle jusqu’au 25 juillet Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille bibliotheques.marseille.fr

Table d’offrande de Qenherkhepeshef, époque ramesside, Deir el Medineh, (vallée des artisans). © Musées de Marseille

Sahara, mondes connectés Initiative originale et fructueuse, née de la rencontre entre Titouan Lamazou, artiste-voyageur, et Charles Grémont, historien à l’Institut de recherche pour le développement, l’exposition évoque la question de la mobilité au Sahara. Elle mêle objets ethnographiques, objets du quotidien et créations d’artistes contemporains (Hicham Berrada, Romuald Hazoumè, Leila Alaoui...), dans un parcours ponctué des œuvres de T. Lamazou. A.Z. jusqu’au 1er septembre Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens, Centre de la Vieille Charité, Marseille 04 91 14 58 38 maaoa.marseille.fr

Portrait de Blessing © Titouan Lamazou, 2006

filam(a)nt Cet été des hommes et des femmes dérouleront le fil de l’art du tissage africain contemporain. Des prêts amicaux compléteront une sélection d’œuvres de la collection Blachère, certaines conçues en résidence de création. Fil, nœud, lien, tissage, tressage... À travers un art ancestral, chaque artiste intègre un peu de son moi dans l’intimité des matières travaillées. C.L. jusqu’au 5 octobre Fondation Blachère, Apt 04 32 52 06 15 fondationblachere.org

Billie Zangewa, The struggle (part1), tapisserie en soie, 112x100cm, 2009. Courtesy Collection Blachère. Crédit photo Jérémie Pitot.

Louise Cara En 70 œuvres (grands formats sur toiles ou papiers, gravures, retraçant 10 ans de travaux), l’artiste, amoureuse du Luberon et installée à Avignon depuis 2014, présente un parcours entre nature et minéralité, qui dialoguent dans un échange discordant mais harmonieux. Des phrases extraites de son Carnet de mots, Abécédaire d’Atelier soulignent dans une intime poésie le discours du peintre. A.Z. Terres de lumière 1er juin au 28 juillet Château de Gordes louisecara.com Murs de lumière –papier- 140 X 140 cm, pigment ardoise et brou de noix – 2018 © Louise Cara


au programme arts visuels alpes-maritimes gard hérault

Figures libres Les Jardins du MIP accueillent onze artistes contemporains : sculptures végétales de Land Art et installations monumentales invitent le visiteur à une déambulation parfois interactive, dans les fragrances des multiples espèces de ce haut lieu de la parfumerie (Cathy Cuby, Christian Fulchery, Isabelle Aubry,...). A.Z. Figures Libres, Flâneries aux jardins jusqu’au 30 septembre Les jardins du Musée international de la parfumerie, Mouans-Sartoux 04 92 98 92 69 museesdegrasse.com

Morpho © Isabelle Aubry

Vis-à-vis, Fernand Léger et ses ami.e.s Des peintures et des sculptures de Brancusi, Larionov, Marcelle Cahn, Calder, Arroyo, Botero... ou comment susciter des dialogues féconds grâce à la compagnie des œuvres de Fernand Léger en duo avec celles de ses amis ou d’artistes des générations suivantes influencés par un des maîtres de la modernité. C.L. 1er juin au 23 septembre Musée national Fernand Léger, Biot 04 92 91 50 30 musee-fernandleger.fr Fernand Léger, Femmes au perroquet rouge, 1951, terre cuite émaillée, Musée national Fernand Léger, Biot. © RMN-Grand Palais/Gérard Blot © ADAGP, Paris, 2019

Rayyane Tabet L’arrière-grand-père de Rayyane Tabet était le secrétaire personnel de l’archéologue diplomate Max von Oppenheim : en 1929, il devait consigner les informations sur les fouilles menées en Syrie. C’est pour l’artiste libanais le point de départ d’un questionnement autour du patrimoine familial, de l’appropriation culturelle, des pratiques muséologiques, et des flux migratoires. Dessins, sculptures, ready-made forment une vaste installation pluridisciplinaire. A.Z. Fragments jusqu’au 22 septembre Carré d’Art, Nîmes 04 66 76 35 70 carreartmusee.com

Basalt Shards, 2017 © Fred Dott

Vincent Bioulès C’est la plus grande exposition qui ait jamais été consacrée à cet acteur incontournable de la peinture contemporaine, né à Montpellier en 1938. Il fut d’abord l’un des fondateurs des mouvements ABC et Support/Surface, puis opère un retour à la figuration dans les années 70. La rétrospective témoigne, à travers ses sujets abstraits, ses nus, ses paysages, ses portraits de l’amplitude de son œuvre. A.Z. Chemins de traverse 15 juin au 6 octobre Musée Fabre, Montpellier 04 67 14 83 00 museefabre.montpellier3m.fr Vincent Bioulès, Céline, 1990-1991, huile sur toile, 162 x 130 cm, Collection particulière, photo Pierre Schwartz, © ADAGP, Paris, 2019

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42 au programme arts visuels

Sculpter l’idée Erwin Wurm est à l’honneur dans trois musées marseillais. Un parcours où les œuvres diverses se répondent en écho

L

e Musée d’Art Contemporain de Marseille est fermé pour travaux. Enfin, plus exactement, fermé en vue de travaux qui n’ont pas commencé, et dont on espère qu’ils doteront enfin la deuxième ville de France d’un espace digne de ses fabuleuses collections. C’est donc au musée des Beaux-Arts (Palais Longchamp), au Musée d’Art Moderne (Musée Cantini) ainsi que dans la sublime Chapelle de la Vieille Charité que l’artiste autrichien est accueilli. Triple déclinaison qui lui donne l’occasion de mettre en perspective éclairante trois aspects de son œuvre. Même si comme pour l’exposition Sophie Calle on peut regretter le temps perdu par le visiteur à se déplacer d’un musée l’autre, et donc bien souvent à choisir l’espace qui expose le plus d’œuvres, qui n’est pas forcément le plus intéressant. Ainsi c’est le musée Cantini, dont tout le rez-de-chaussée est consacré à l’artiste, qui a en charge l’essentiel de l’œuvre rétrospective. Qui est résolument Fluxus à certains endroits, quand il invite à partager un whisky ou un pastis, plus lyrique dans ses vidéos qui captent l’absence et le vide, parlent de poussière, de vêtements surabondants qui invisibilisent les corps. Quelques sculptures majeures, la voiture aux flancs rebondis, les maquettes de maisons débordantes et comme obèses donnent une drôle de vie aux objets inanimés. Le parcours, thématique plus que chronologique, permet de découvrir les facettes diverses d’un artiste mystérieux... que l’on saisit mieux encore dans les deux autres musées. À la Vieille Charité, Narrow House. L’œuvre exposée lors de la Biennale de Venise 2011 prend, dans ce contexte religieux, une saveur plus spirituelle que sur le Grand Canal : la maison autrichienne typique, qui est celle de son enfance, est figurée avec exactitude. Tout y est à

One-Minute Sculptures, Musée des Beaux-Arts © AF

l’échelle 1 pour ce qui est de la hauteur et de la longueur, mais resserré terriblement en largeur : l’étroitesse de la vie, du jardinet, du lavabo, des ustensiles, fait ressentir en un éclair l’étroitesse abstraite des vies et des idées de cette architecture... C’est avec le même humour décalé qu’il expose ses One-minute sculptures au musée des Beaux-Arts. Des sculptures en actions où le visiteur est lui-même le performer, le corps sculpté et sculptant, objet et sujet suivant les directives amusantes de l’artiste. Il est question de s’assoir en pensant à Spinoza pendant une minute, ou d’enfiler des pulls. Seul, à plusieurs, en prenant des poses dessinées sur les socles. C’est évidemment drôle dans ce musée académique de corps de marbre triomphants, et les enfants adorent. Mais cela invente aussi une autre sculpture : ce que l’artiste veut capter, c’est aussi la timidité, le moment de la décision, et puis l’après, quand le sculpté sort du pull. L’idée même que notre corps vivant est une œuvre, qui pense (à Spinoza) et figure des états passagers, à l’encontre des usages habituels des vêtements. L’objet vivant, la maison étroite, le corps présent : un beau triptyque ! AGNÈS FRESCHEL

jusqu’au 15 septembre Musée Cantini, Centre de la Vieille Charité (Narrow House) et Musée des Beaux-Arts (One-Minute sculptures), Marseille culture.marseille.fr


philolitté

Sombres voyages Depuis 40 ans déjà, l’excellente maison d’édition Métailié embarque ses lecteurs aux quatre coins du monde, leur faisant découvrir les voix nouvelles de la littérature en général, et de la noire en particulier. En témoignent deux polars tout récemment parus. Deux récits au rythme soutenu, à l’intrigue habilement ficelée. Deux voyages en terres lointaines. Avec, au premier plan, des femmes coriaces.

C

ap sur l’Islande d’abord, avec le dernier volet de Reykjavik noir, la trilogie fiévreuse imaginée par Lilja Sigurdardottir. Après Piégée puis Le filet, voici La cage. Les titres déjà donnent une idée de l’ambiance… Les deux premiers ouvrages étaient centrés sur le personnage de Sonja : d’abord contrainte de devenir une « mule » pour pouvoir continuer à voir son jeune fils, celle-ci se retrouvait finalement à la tête d’un gigantesque réseau de trafiquants, mais toujours sur la sellette ! Le dernier, lui, donne le rôle principal à Agla, l’ex-compagne de Sonja. L’intrigue débute en prison ; Agla est désespérée, au bord du suicide. Mais comme Sonja, elle n’est pas femme à se laisser aller ; même quand la situation semble inextricable. Pour cette spécialiste de l’évasion fiscale, il y a toujours des magouilles à dévoiler. Et même d’une cellule de prison, il est possible d’agir. Surtout lorsqu’on n’a plus rien à perdre. Dans ce dernier opus, on retrouve avec plaisir un personnage déterminé et plein de ressources ; et aussi le style de « la nouvelle reine du polar nordique » : un tempo ultra rapide, des intrigues parallèles menées tambour battant en une succession de brefs chapitres. Bref, un montage très cinématographique.

Serà larga la noche Cinématographique, le premier chapitre Des hommes en noir, du Colombien Santiago Gamboa, l’est aussi, assurément. Digne d’un prologue de film d’action. Extérieur nuit. Quelque part dans les montagnes colombiennes. Un Hummer blindé est attaqué. Tirs nourris de fusils mitrailleurs. La riposte est rude. Des hommes tombent. Un hélicoptère intervient, qui permet la fuite d’un homme et de deux femmes. De cette séquence initiale, très violente et très brève, le seul témoin est un enfant. Et le lendemain, du carnage il ne reste rien. Pourquoi et par qui cette scène de crime a-t-elle été nettoyée ? Pourquoi la police locale ne fait-elle pas état de l’attaque ? Qui sont les trois survivants ? Où les cadavres ont-ils disparu ? C’est à toutes ces questions, et à d’autres encore, que répondra le procureur

Jutsinamuy. Ce « lutteur infatigable » (c’est ce que signifie son nom en langue indienne) sera aidé dans son enquête par un duo de choc, celui que forment Julieta Lezama, une journaliste indépendante « passionnée par la dure réalité, l’ordre public, les crimes et le sang qui s’écoule des corps pour donner une couleur tragique au décor de ce joli pays », et son assistante Johana, ex-combattante des FARC. Deux femmes qui n’ont pas froid aux yeux et que le crime impuni révolte. Dans la Colombie de l’après « processus de paix », où la guerre civile est encore très présente dans les esprits, entre jungle tropicale et villes, Gamboa tisse une intrigue pleine de péripéties. Prédicateurs évangélistes et trafiquants sont dans la ligne de mire de cet ancien journaliste devenu romancier pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Car il a l’art de conter des histoires. À l’enquête principale se mêlent toutes sortes de récits qui apportent de l’épaisseur et des nuances aux personnages, même aux moins sympathiques. Et toujours ce regard amusé qu’il porte sur ses héroïnes et leur procureur d’ami ! Sans doute pour rendre plus légère sa peinture d’un pays encore en proie à toutes les violences. Deux romans noirs bien relevés donc. À déguster sans modération, parmi tous les autres régals littéraires concoctés par Métailié, à qui l’on souhaite de nous en offrir encore longtemps. FRED ROBERT

La cage Lilja Sigurdardottir (traduit de l’islandais par JeanChristophe Salaün) Métailié noir, 20 € Les deux premiers volets de Reykjavik noir sont disponibles en poche (Points) Des hommes en noir Santiago Gamboa (traduit de l’espagnol, Colombie, par François Gaudry) Métailié noir, 21 €

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Lettres d’Orient

L

e nouvel opus de Yasmine Khlat, Égypte 51, aborde l’histoire de l’Égypte et de l’Orient au cours de la deuxième partie du XXe à travers un récit qui tient de la construction des Mille et une nuits, enchâssant les divers fragments de la narration dans la parole rapportée d’un témoin, Jo, dont la fonction de gardien d’une maisonnée, le « watchman », semble être devenue celle de préservateur des souvenirs, réceptacle des mémoires. C’est lui qui ouvre le roman en livrant à un personnage mystérieux qui enquête « sur les mondes disparus… la tendresse », un « paquet de lettres attaché par un ruban de gaze ». Il s’agit de la correspondance entre Stéphane, médecin d’une quarantaine d’années, et de Mia, une jeune fille née à Alexandrie. En 1951 (d’où le titre), Stéphane tombe éperdument amoureux de Mia sur une plage du Caire. Il tente de la convaincre au fil de ses missives de l’épouser. Elle s’y refuse longtemps, attachée à un ancien amour platonique, à ses habitudes, son insouciance. Un peu fleur

bleue, penserez-vous. Et pourtant, au-delà de la trame amoureuse, se joue la grande histoire, que les lettres suggèrent, tentent d’effacer, comme une préscience des tragédies inévitables que l’évolution politique du Moyen-Orient engendrera : la révolution d’Égypte qui aboutit à la conquête du pouvoir par Nasser, la nationalisation du canal de Suez, les exécutions et tueries de « libération ». Stéphane édulcore, passe sous silence, Mia, artiste, peintre précis avec ses encres de Chine, devine, perspicace, le pousse à évoquer les évènements. La première partie du texte s’arrête avec le consentement au mariage. Jo émerge de l’ombre, remplit les lacunes usant de ce qu’il sait et de ce

qu’il imagine, reflet personnifié de l’auteur. Apparaissent les enfants, la ville de Beyrouth, et une autre guerre, celle du Liban. L’écriture sobre et sensible de Yasmine Khlat se glisse avec aisance dans les méandres de l’histoire, aborde les thèmes de l’exil, des langues (Mia avoue, en réalisant à quel point c’est paradoxal, ne parler arabe qu’à ses domestiques), de la fragilité humaine dans les remuements du monde. Un petit bijou bouleversant qui dessine malgré tout la beauté de l’espérance. MARYVONNE COLOMBANI

Égypte 51 Yasmine Khlat éditions elyzad, 19,50 €

Les fauves sont lâchés !

C

hez Bertrand Belin les mots sont des poids lourds. Aucun n’est là pour agrémenter, décorer. Bertrand Belin ne cherche pas à plaire, ni même à convaincre. Il avance, tête baissée, tel un bélier. Pour défoncer les hauts murs qui piègent l’humanité. Dans son troisième roman, il installe une ville portuaire et laborieuse, capitale d’un Empire dont le lieu n’est pas précisé, pas plus que l’époque n’est datée, ni les personnages nommés. À sa tête, un vieux fondateur imbu de sa personne et de son pouvoir, décidé à laisser peu à peu la place au « récemment promu nouveau directeur des entreprises de boulons, ressorts,

roues dentées … ». Lequel a un frère, son exact opposé : artiste peintre, femme désirable et amis festifs, qualifiés par son aîné de « faune abjecte », de « troupeau » aviné. Invité au vernissage de sa nouvelle exposition par ce dernier, il s’y rend avec son épouse raide et soumise qui qualifie la compagne du peintre de « poule ». Que peut-on espérer de pareille engeance ? Le lendemain, un cirque arrivé la veille découvre que les cages sont vides. Les fauves ont disparu ! On accuse le valet de cage qui répète en boucle qu’il a fait son boulot consciencieusement, comme il le fait depuis onze ans : la paille, la merde,

la viande, le tour de clé. Cependant la peur s’infiltre partout en même temps que le froid et l’humidité. Mais pas de traces des lions. Tandis que le pauvre peuple se terre, la rancœur du vieux fondateur et la soif de pouvoir du récemment promu grandissent. Ils rêvent d’une société morale, de grandeur nationale, de patriotisme et d’art pur. La plume acérée de Bertrand Belin, son regard intransigeant donnent une dimension prophétique à son texte qui prend parfois au détour d’une phrase un petit accent de Boris Vian. Mais qui sont les fauves, finalement ? CHRIS BOURGUE

Après son concert en mars, Bertrand Belin est à nouveau présent à Marseille pour Oh ! Les beaux jours (1er juin)

Grands carnivores Bertrand Belin


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Culture jeune, culture livre

G

enre petit suspens… musique live… puis l’annonce : et les gagnants sont Fréderic Viguier pour son roman Aveu de faiblesses (Albin Michel) !! Waaouuuh !!!! Et Timothé Le Boucher pour sa BD Ces jours qui disparaissent (Glénat) !! Ouuaaiiis !!!! Très grosse ambiance dans l’amphithéâtre du Palais du Pharo, ce mardi 21 mai, à Marseille, où 700 jeunes gens ont acclamé deux livres et deux auteurs, comme s’il s’agissait de membres de leur famille qui remportaient la finale de « The Voice », en mieux ! C’est que cette remise du 15ème Prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur, auquel ont participé 27 lycées et CFA, soit 1000 jeunes, s’est nourrie d’une année complète de rencontres, d’ateliers et de travaux créatifs (théâtre/slam, lecture, vidéo, installations plastiques) inspirés par les 12 livres sélectionnés pour le prix (6 romans, 6 BD). Et de deux forums, dans deux théâtres, à Saint-Maximin en décembre 2018, et à Gap en février dernier. Le tout

étant propulsé par des « trios moteurs » : un lycée, une librairie, une bibliothèque, et l’ensemble chapeauté par l’Agence Régionale du Livre. Ceci expliquant peut-être cela. Les deux lauréats, émus, très touchés de leur prix respectif mais aussi de tout le travail développé par les lycéens et apprentis autour de l’ensemble des livres sélectionnés, ont souligné, depuis la scène, la qualité des rencontres et l’écoute Palmarès 15 © M.Voiry dont ils ont bénéficié. Loin de l’image dans laquelle on cherche parfois à enfermer les jeunes, soi-disant racailles-consommateurs-décérébrés. D’ailleurs, la jeunesse est au cœur de ces deux livres récompensés : dans Aveu de faiblesses, c’est un ado mal-aimé qui s’accuse d’un crime, et dans Ces jours qui disparaissent un jeune acrobate ne vit qu’un jour sur deux (lire journalzibeline.fr). Les deux auteurs ont reçu chacun 3000 € de

ème

prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur

prix et 350 exemplaires de chacun de leur livre seront achetés par la Région pour doter les CDI de l’ensemble des lycées et CFA. Pas mal, non ? MARC VOIRY

La remise du Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région PACA s’est tenue le 21 mai au Palais du Pharo à Marseille

«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !

Comment révolutionner la philosophie avec une pierre qui tombe ?

V

ous pensez immédiatement à Galilée qui aurait jeté une pierre et un sac de plume du haut de la tour de Pise ? Eh bien non. Comme on en parlait la dernière fois, c’est sur Spinoza qu’on s’arrête un peu. Lui c’est un philosophe, donc cette pierre il ne l’a pas jetée, il relate une expérience imaginaire. Donc : © TnK1PrdZ imaginons que nous jetons une pierre du haut d’une falaise, par exemple, et que pendant sa chute la pierre se mette à penser ; elle se dira qu’elle bouge parce qu’elle le veut. Pour Spinoza, la conscience de l’homme l’illusionne sur lui-même : parce qu’il est conscient, il se croit libre et pense être la cause de ses propres actes. Or la conscience est un coup de projecteur à un instant « T » ; ce n’est pas une connaissance. La conscience de soi n’est pas une connaissance de soi. Ce qui fait ce que nous sommes est extérieur à nous, cela dépend de causes externes. Je crois avoir choisi le métier

que je fais mais il est déterminé par les circonstances, et surtout par mon environnement familial : la sociologie confirmera la pierre de Spinoza ! Ainsi, il n’y a pas de différence de nature entre un arbre et l’homme pour Spinoza : toute chose, dans la nature, est ce qu’elle est par les causes qui la déterminent ; la nature est un empire dont nous sommes les sujets. D’où la fameuse phrase de Spinoza, retenez-la bien pour faire l’intéressant(e) : « L’homme n’est pas un empire dans un empire ». Qu’est ce à dire ? Que la seule différence entre une pierre, un végétal, un animal et l’homme est une différence de degré de complexité dans les causes déterminantes : un minéral est ce qu’il est par des causes assez simples, un végétal par des causes plus complexes, un animal encore plus ; et à un certain niveau de complexité on arrive à l’homme ! Voilà : en même temps que Galilée, mais sans télescope, Spinoza décentre l’homme de sa toute puissance dans l’univers ! RÉGIS VLACHOS


46 feuilleton littéraire

Nos éclipses épisode 2 : De nombreux mondes parallèles résumé de l'épisode 1 Chaque semaine, Marin se rend chez Sophia, une call girl. En la quittant pour rentrer chez lui, il lui emprunte machinalement un livre, La Ronde d’Arthur Schnitzler, que sa femme, Luce, découvre. Il s’en tire par un mensonge. Dans le ciel, une éclipse solaire se prépare.

Eric san Pessan © Mélio Pes

Éric Pessan, né en 1970 à Bordeaux, vit actuellement dans le vignoble nantais. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages : des romans, des pièces de théâtre, des textes destinés à la jeunesse, des livres réalisés avec des plasticiens. Il est membre du comité de rédaction de la revue Espace(s) du Centre National d’Études Spatiales. Derniers ouvrages parus : Quichotte, autoportrait chevaleresque (2018, Roman, Fayard), La connaissance et l’extase (2018, Essairécit, éditions de l’Attente), L’homme qui voulait rentrer chez lui (2019, Roman jeunesse, L’École des loisirs).

en co-production avec La Marelle

A

près avoir longuement embrassé Marin, Luce enfile sa veste crème et prétexte un rendez-vous avec une amie. Elle est quasiment en retard, elle entre dans le métro sans lever les yeux vers le ciel, elle a d’autres soucis en tête que les éclipses. Machinalement, elle a gardé le livre dans sa main, pour se donner une contenance, pour détourner ses pensées du corps d’Imré. Le désir pour Imré commence dès qu’elle monte dans le métro, elle lui envoie des textos salaces, il y répond par des propos crus et parfois par des photos qu’elle regarde à peine de peur que quelqu’un n’espionne l’écran de son téléphone par-dessus son épaule. Le désir s’accroit lorsqu’elle pianote le code d’entrée de l’immeuble, s’affole dans l’ascenseur et explose dès qu’elle sonne à la porte. Imré ouvre, il est nu, entièrement nu, il l’attendait, aussi excité qu’elle. Ils ont peu de temps, Luce se déshabille à toute vitesse, l’urgence fait partie intégrante de leurs rapports. Elle qui aime prendre son temps en tout n’attend plus qu’une chose : sentir Imré en elle le plus vite possible. Il arrive qu’elle jouisse dès qu’il la pénètre et qu’elle rejouisse plusieurs fois de suite pendant

qu’il va en elle. Leur rencontre dure à peine une demi-heure, elle est déjà dans la rue, ils n’ont pas échangé deux mots, c’est leur protocole clandestin. Épuisée et calmée, comme déchargée de toute énergie et tension, Luce de retour dans le métro se rend compte qu’elle a laissé le livre chez son amant. Elle l’a jeté dans le couloir en entrant, la peau d’Imré lui fait perdre la raison. Elle a oublié de le ramasser en repartant. Tant pis, elle est certaine que jamais Marin ne lui reparlera de cet ouvrage. Lentement, elle respire. Luce ferme les yeux, se laisse bringuebaler par les mouvements du métro, toute entière aux souvenirs des étreintes. Elle a l’impression de sentir encore les mains d’Imré sur elle. Elle est heureuse. Dans l’appartement que Luce vient de quitter, Imré et Eva sont penchés à la fenêtre : l’éclipse totale sera visible dans trois heures, rien ne semble l’annoncer. Imré embrasse la nuque de son épouse, il glisse les mains autour de son ventre, passe sur ses hanches, vient se plaquer derrière elle. Elle soupire un instant, tord le cou pour l’embrasser. Il s’en est fallu de peu pour qu’une catastrophe ne se produise. Il est persuadé que Luce et Eva se sont croisées dans


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l’escalier. C’est la première fois que ce genre de chose se produit. En embrassant la nuque de son épouse, il songe comme souvent qu’il est grand temps de mettre fin à cette situation. Il se demande où il trouvera le courage de l’annoncer à Luce. Eva se dégage, elle n’a pas le temps, elle est repassée chez eux en coup de vent parce qu’elle avait oublié ses lunettes filtrées achetées spécialement pour contempler l’éclipse, elle la regardera depuis son travail et elle pensera à lui, explique-t-elle. Tous deux à la même minute auront les yeux fixés sur le même spectacle. C’est la définition de l’amour, non ? dit-elle en souriant : deux êtres qui regardent dans la même direction. Imré sourit en retour, son malaise grandit, il accumule les gestes vers Eva tout en craignant qu’elle ne sente sur lui une odeur étrangère. Il n’a pas eu le temps de se doucher. En glissant les lunettes dans son sac, Eva remarque le livre tombé sur le tapis de l’entrée, un livre qui ne leur appartient pas. Sans réfléchir, elle le prend avec elle et elle repart aussi vite qu’elle était arrivée.

quitté leur campement d’urgence parce qu’ils appartiennent à une communauté minoritaire et que leur vie est autant menacée ici que dans leur pays en guerre. Des riverains ont appelé plusieurs fois la police pour les faire décamper. Ils refusent d’aller dans un camp, refusent un centre d’accueil où leurs lits seront voisins des lits de ceux qui les ont contraints de quitter leur pays. La réalité est difficilement réductible. Ces deux hommes ont parcouru la moitié du monde pour s’effondrer dans un renfoncement d’une rue et tendre des mains vers les jambes de passants qui ne regardent que le ciel. De nombreux mondes parallèles se côtoient sans jamais se toucher. Eva marche, vive et alerte, si elle a senti la gêne d’Imré elle n’y a vu que le miroir de son propre embarras, elle presse le pas pour rejoindre Antoine.

Entre-temps, dehors, le ciel s’est voilé de quelques nuages. Les gens marchent la tête relevée, il y a plus de monde qu’à l’ordinaire dans les rues. La télévision a montré des milliers de gens installés sur les plages, dans les plaines ou à flanc de montagne : tous veulent voir, filmer, photographier l’éclipse. Des messages de prévention tournent en boucle à la radio pour prévenir les brûlures oculaires. Dans les rues, des réfugiés vivent à ce point à ras du sol qu’ils sont en ce jour encore plus invisibles que d’habitude. Eva ne voit pas les deux hommes qui la suivent du regard, ils sont assis sur des cartons, ils n’ont aucun lien avec sa vie, ils ont Suite du feuilleton dans le prochain numéro...


2019

14 JUIN -> 6 JUILLET

DANSE THÉÂTRE MUSIQUE FÊTES...

Photographie : © Léa Magnien & Quentin Chantrel - Collectif Lova Lova / Graphisme : Floriane Ollier

festivaldemarseille.com - 04 91 99 02 50


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