Zibeline, l'hebdo cult' #35-36

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CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné

17.05 > 31.05.2019

ZIBELINE

L’hebdo Cult’ n° 35-36 2€50

Élections Européennes :

la gauche et la culture

festival :

oh les beaux jours !

L 18754 - 35 - F: 2,50 €

(suite)


sommaire 35 36

Politique culturelle (P.4-9) Elections européennes : la gauche et la culture, suite EELV, Génération.s, PS : entretien avec Nora Mebarek Place aux Compagnies

Cité Queer (P.10) Homo ça coince , création du collectif Manifeste Rien à Toulon

Evénements (P.11-31) Le couvent Levat Shadi Fathi à la Cité de la musique Marcel Jacno à la Maison Jean Vilar, Avignon Cyril Girard, dessinateur naturaliste en Camargue Oh Les Beaux Jours ! à Marseille Printemps du livre de Cassis Les Eauditives dans le Var Nuit européenne des musées Tous dehors enfin ! à Gap Printemps des Comédiens à Montpellier Festival 3 jours et plus à Aix Feti'Pitchou à Vitrolles Festival CultureS d'Espagne à Marseille et Aix Faites de la Fraternité au Toursky Musique à la ferme à Lançon et Salon Le Bon Air à La Friche Festival Couleurs urbaines dans le Var Festival TINALS à Nîmes Exposition Intérieur Paysan à Salagon Opera Mundi

Affiches de Marcel Jacno, exposition Signé Jacno, un graphisme brut pour un théâtre populaire, à la Maison jean Vilar © M.C.

CRITIQUES (P.32-37) Tendance Clown, le Joliette, le Massalia, la Meson, Festival Les Musiques, le Comoedia, Château-Arnoux-St-Auban, le Domaine d’O

au programme de la semaine Spectacles vivants (P.38-43) Musiques (P.44-47) Arts Visuels (P.48-50)

ARTS VISUELS (P.52-53) Le Printemps de l’art contemporain Jeanne Susplugas au CAC d’Istres

CINÉMA (P.54-57) Événements : Festival du premier film francophone à La Ciotat Films de la semaine : Le Fils ; Une part d’ombre ; Divorce à l'italienne

78 Tours, Collectif La Meute au festival Tous dehors enfin ! à Gap © Christophe Raynaud de Lage

CONSEILS TÉLÉVISION (P.58-59) PHILOLITTÉ (P.60-63) Livres de la semaine : À la cime des montagnes ; Comment l’Empire romain s’est effondré ; Billy le menteur Philo Kakou Feuilleton littéraire d'Éric Pessan, premier épisode Lune de miel d’Elise Otzenberger, présenté en avant-première au Festival du premier film francophone à La Ciotat


edito

Dans la nasse

L

a technique de répression des manifestations s’inspire des hauts faits de Margaret Thatcher du temps où elle dérégularisa les transports aérien et ferroviaire, brisa la grève des mineurs, laissa mourir Bobby Sands et imposa sa Poll Tax aux plus pauvres. Tout en dénigrant l’Europe et en commençant à pousser son peuple brisé vers un Brexit nationaliste. Qui pensait alors que 30 ans après la France suivrait son modèle, privatisant les aéroports, remettant en cause sa justice fiscale, inventant la garde à vue préventive et défonçant le crâne d’une jeune fille à terre ? La technique de la nasse est imparable : la police isole, au hasard, une partie des manifestants, l’entoure sans laisser d’issue, se rapproche, enserre, attend la protestation puis charge sans sommation, précédée de lacrymos et de LBD. Les gentils Bobbys de Thatcher chargeaient à cheval, frappant sur les têtes comme des joueurs de hockey. Les CRS casqués se prennent plutôt pour des footballeurs américains, ils travaillent à hauteur d’homme et les images en sont moins spectaculaires. Brouillées, elle permettent d’accuser les victimes d’être à l’origine des violences, ce qu’au moins Thatcher, au cœur même de la grève des mineurs, n’avait pas le cynisme de faire.

Cynisme et chantage. Lorsqu’on atteint le taux d’impopularité d’E.M. (En Marche / Emmanuel Macron), se présenter comme le dernier rempart contre le Rassemblement National est totalement irresponsable. Un meilleur score du RN que de EM aux Européennes ne changerait en rien l’équilibre de l’Assemblée européenne, alors pourquoi agiter cet épouvantail ? Il s’agit encore de bloquer dans la nasse, d’isoler, d’enserrer puis de réprimer. Les Français réclament un référendum d’initiative citoyenne ? Montrons combien ils votent mal, combien le peuple est fainéant et violent, homophobe et antisémite, infantile et irresponsable. Supprimons la démocratie en faisant mine de la défendre, orientons les regards vers le ciel, Paris et Notre-Dame, dénigrons la province, les pauvres, les services publics et la matérialité des luttes sociales. Méprisons, au risque du désespoir. Il est d’autres choix que le Rassemblement National ou En Marche. Se présenter comme la seule alternative à Le Pen c’est jouer avec le feu et augmenter objectivement le nombre de ceux qui ne voteront pas, ou voteront RN, pour faire tomber Macron. Seule une gauche reconstruite le pourra, qui écoutera enfin les souffrances et les désirs du peuple. AGNÈS FRESCHEL

ZIBELINE L'HEBDO CULT' CULTURE

LOISIRS

TÉLÉ

CINÉ

Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : Le drapeau européen © X-D.R.

Hebdomadaire paraissant le vendredi

Directrice de publication Agnès Freschel

Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline

Rédaction : journal.zibeline@gmail.com

BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Rotimpress Imprim’vert - papier recyclé

Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

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politique culturelle

Élections européennes : la Gauche Qu’en est-il de la Culture dans les programmes européens d’Europe Écologie Les Verts, du Parti Socialiste et de Génération.s ?

L

e Parti Communiste a élaboré un programme de politique culturelle pour l’Europe et la France Insoumise en a fait son 13e combat (voir Zib’ 31). Du côté des autres Gauches, les disparités s’affichent.

L’Art et les écolos

Le Projet bien vivre de EELV est un véritable programme européen qui se décline en 6 grandes parties, chacune composée de plusieurs sous-chapitres. Il aborde donc 27 grands thèmes, les approfondit, dresse un état des lieux, préconise des solutions très concrètes. Las, aucun de ces 27 chapitres ne porte sur la culture. Au long de ces longues pages les mots Art et Artiste n’apparaissent pas. Seule une Annexe s’intitule Écologie politique et Culture. Celle-ci aborde des problématiques strictement nationales, sans doute parce que la Culture n’est pas considérée comme un sujet européen. Les termes artistes et artistique y apparaissent, chacun 1 fois : « artiste » est associé au mot « développeur », « artistique » à « culturel, scientifique, numérique, artisanat... ». Le mot Art est absent de l’ensemble de l’Annexe. Les quatre points abordés sont : L’économie nationale de la culture, qui est analysée en quelques chiffres à travers ses coûts et les retombées directes pour l’industrie du tourisme. En termes d’emplois culturel, il est question de « maintenir le système de protection actuelle des intermittents, l’étendre à des catégories d’artistes et de techniciens sous-protégés (en particulier ceux des arts plastiques), voire à d’autres catégories précaires ». Plusieurs commentaires accompagnent cette unique préconisation qui est qualifiée de « mesure principale » « plutôt symbolique mais cruciale pour les acteurs culturels », en particulier un « on est pas (sic) contre la flexibilité » ou « il faut favoriser une politique culturelle plus permanente moins soumise au projet » qui semble méconnaître la nature du régime des intermittents et des professions artistiques. La création de Pôles territoriaux de création culturelle, seuls établissements culturels cités : destinés aux « zones rurales et périurbaines délaissées » il leur faudra pourtant obtenir des « financements croisés Public/Privé » et dénicher une part d’autofinancement. Le choix d’une Approche écologique du Patrimoine visant à prêter attention au « petit patrimoine diffus (lavoirs, granges, maisons de villages et de villes à l’architecture de

caractère) », à « valoriser les entrées de villages », à « soutenir l’art de vivre, le patrimoine culinaire » et « la biodiversité cultivée », ainsi qu’à « préserver les paysages par des projets de jardins solidaires et durables ». Pour les « Sites historiques », il est précisé qu’ils doivent continuer à être « mis en valeur » parce qu’ils sont « source d’attractivité ». Des réflexions sur les médias « pour un service public audiovisuel et numérique », préconisent une réforme de la redevance de l’audiovisuel étendue à tous les écrans et non aux seules télés. Par ailleurs elle appelle à des mesures salutaires en termes de taxe des Fournisseurs d’Accès à Internet reversée aux médias indépendants, d’interdiction de regroupement des médias et de réforme de la gouvernance des chaînes publiques. Pourtant, en dehors de cette Annexe, quelques points du programme concernent de près la Culture, les Arts et l’Éducation Populaire, malgré l’absence de référence directe et explicite aux droits culturels de chacun, à la nécessité désintéressée de la création artistique et de la préservation et mise en valeur du patrimoine. Ainsi, un chapitre est consacré à l’égalité des territoires, exigence démocratique cruciale aujourd’hui pour la survie d’un politique culturelle nationale mise à mal à la fois par la concentration des moyens de l’État à Paris (62% des dépenses du Ministère pour 12% de la population) et la baisse des dotations aux collectivités qui souvent peinent à prendre en charge une politique culturelle ambitieuse voire minimale. L’analyse globale des écologistes sur la territorialité, concerne les politiques culturelles. Un autre chapitre est consacré aux « communs environnementaux (air, eau, sols, biodiversité, climat…) », qui pourrait très aisément être élargi aux communs culturels pour peu que les Écologistes considèrent que l’art et la pensée, la culture et le patrimoine, sont nécessaires à notre humanité. Un autre enfin, préconise de « lutter contre les discriminations et promouvoir une identité positive ». Il y est là question de « diversité culturelle ». Des portes à ouvrir ?


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et la culture (suite) Génération.s Culture Le programme pour les Européennes de Génération.s a été élaboré en s’appuyant sur une consultation libre, sur Internet, des membres et sympathisants du mouvement. Il est résumé et symbolisé en « 21 engagements pour un Printemps européen » dont un consacré à la culture, qui réclame « un financement public européen de la création et du patrimoine » et qui passe en revue, en quelques mots, les grandes problématiques de la culture à l’échelle européenne, et s’oppose à : la privatisation de l’art « accaparé par des collectionneurs fortunés » la baisse du soutien public aux musées et aux institutions culturelles européennes et la privatisation des sites historiques l’absence de financement européen « pour soutenir les investissements des États membres dans les institutions et pratiques culturelles » « l’exploitation des artistes » privés de leur « droit à disposer de leurs œuvres ».

Dans sa version longue, le New deal pour l’Europe consacre à nouveau un chapitre à la Culture, qu’il décline en 8 points, les précédents qu’il développe, et quelques autres : la sécurisation des contrats de travail des artistes la décolonisation des arts et en particulier la restitution des œuvres volées la refonte et l’augmentation du programme Europe Créatives la démocratisation dans les institutions publiques et en particulier la parité des mesures de facilitation pour l’accès aux œuvres la création d’un multimédia européen et d’un fonds de soutien aux médias indépendants. Un programme indéniablement précis, renseigné, technique, abordant tous les points culturels qui peuvent être du ressort européen. AGNÈS FRESCHEL

Envie de culture Nora Mebarek, candidate en 6 e position de la liste Envie d’Europe (PS, Nouvelle donne, Place Publique) a écrit une lettre programmatique intitulée « Une ambition culturelle pour l’Europe » Zibeline : Pourquoi placer la culture au premier plan de votre « Envie d’Europe » ? Nora Mebarek : Car il y a urgence ! Tout le monde a désormais intégré l’urgence climatique et sociale. Mais l’urgence est aussi idéologique, identitaire et donc culturelle. Face aux grandes mutations, la culture est centrale pour l’avenir de l’humanité. L’Europe se définit moins par la géographie ou l’économie que par la communauté culturelle qui rassemble ses peuples. Les artistes, intellectuels, philosophes ont irrigué notre continent et nous ont

offert un patrimoine extraordinaire. La culture -leur legs- est le socle de cette nouvelle étape de l’Union Européenne à laquelle nous aspirons tous. Je partage avec eux mes valeurs : l’émancipation, l’humanisme, la fraternité, la solidarité tout autant que la modernité et le progrès. Garante de l’ouverture aux idées nouvelles, je veux être l’une des voix d’une Europe « réenchantée ». Pour cela, nos marqueurs politiques sont forts : affirmer le rôle central des artistes comme de l’action culturelle, consacrer la préservation du lien social comme principe prioritaire et reconnaître, à chaque être humain, sa dignité et sa capacité de faire des choix et de trouver sa place. C’est notre ambition ! Vous dites vouloir lutter à la fois contre les nationalismes et le libéralisme, regrettant que le PSE au Parlement européen « ait depuis les années 90 toléré par faiblesse ou par calcul une orientation

exclusivement libérale ». Quels changements d’orientation imaginez-vous à ce titre en matière culturelle ? Elue au Parlement européen, je poursuivrai avec fierté les combats culturels d’avenir en développant l’accès au programme Europe créative pour le secteur culturel, en garantissant un statut et une juste rémunération aux artistes et aux créateurs, en contraignant les GAFA à assumer leurs responsabilités, en faisant de la protection et de la mise en valeur du patrimoine européen un axe de nos politiques… À nous de promouvoir une création culturelle européenne, de développer l’accès de tous (des plus jeunes particulièrement) aux pratiques culturelles les plus diverses, de favoriser le métissage et l’ouverture. Vous êtes Vice-présidente de la communauté du Pays d’Arles, 1re secrétaire de la Fédération des Bouches-du-Rhône, attachée à la région. Comment voudriez-vous


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politique culturelle lutter contre la centralité culturelle pour plus d’égalité territoriale ? La fracture territoriale culturelle existe : les grandes villes concentrent l’essentiel des moyens alloués à la culture alors que les territoires sont riches de femmes et d’hommes qui innovent et créent. Dans ce domaine, l’Europe paraît encore plus loin de nous. En créant une agence, nous favoriserons l’utilisation, par les acteurs culturels, des moyens alloués par l’Europe et par l’État. À nous d’encourager nos collectivités locales à développer une programmation qui nourrisse le sentiment d’appartenance et l’identité européenne. Notre région Sud, riche de culture, traditionnelle ou plus contemporaine, est terre d’histoire tout autant que de créativité. Nos atouts sont immenses !

Par mon engagement personnel je ferai partager cet enthousiasme aux femmes et aux hommes qui demeurent dans notre région, porte de l’Europe vers l’Afrique et le monde, carrefour de civilisation et de cultures. Le Parti Socialiste s’est allié à Place Publique et la liste est emmenée par Raphaël Glucksmann. Est-ce le signe que le parti Socialiste veut retrouver l’adhésion de ceux que l’on appelait les « intellectuels de gauche » ? C’est une décision historique !, à la hauteur des difficultés actuelles. Contrairement à d’autres formations politiques nous choisissons l’union. Oui, le PS veut se ressourcer dans ce qui, hier, a fait sa force : l’engagement des intellectuels. Si Raphaël Glucksmann n’est pas

socialiste, nos valeurs sont communes : nous voulons construire un avenir qui respecte l’Homme et favorise le mieux être collectif. Il n’est pas un éléphant, ne connaît pas l’histoire de tous nos congrès, ne pratique pas la langue de bois. Avec lui débute une nouvelle phase de notre histoire européenne, plus lumineuse et moderne. Je suis certaine que celles et ceux qui ont la gauche au cœur mais qui sont las des recettes politiques éculées, entendront le discours de Raphaël, seront convaincus par sa détermination tranquille et sa volonté irréfragable de bâtir avec chacun de nous un avenir plus radieux. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Composition de l'Assemblée européenne 2014/2019

Estimations en 2019

Projections en 2020 (sans Angleterre)

217 185

182 182

149 131 99 99 52 54 49

52 57 48

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78

87 87 65

51

41 22 22 0

À quelques jours des élections européennes les projections de ce que sera l’Assemblée restent très imprécises, d’une part parce que certains pays, comme le Luxembourg, ne procèdent à aucun sondage, d’autre part parce que l’indécision des électeurs, et en particulier des électeurs de gauche, sur leur participation et sur leur vote est encore très grande dans la plupart des pays européens. Enfin, il est difficile de savoir à quels groupes vont se rallier certains mouvements : le M5 étoiles ne veut pas être classé à l’extrême droite, il voulait intégrer la ALDE (Libéraux) qui a refusé son entrée, et affiche certains points de convergence avec la Gauche Unitaire. Fondera-t-il un groupe autonome avec de nécessaires alliés d’autres pays ? Sinon, quel groupe intègrera-t-il ? Avec qui votera-t-il ? Il semblerait cependant que certaines tendances se dessinent : l’extrême droite nationaliste sortira sans doute renforcée des élections, en particulier si les partis d’Orbán (auparavant PPE) et de Le Pen fille (auparavant ELN) rejoignent le nouveau rassemblement de Matteo Salvini (AEPN). Si les

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25 25

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extrêmes droites européennes se regroupent, et après la sortie de l’Angleterre, qui fournit une bonne part des groupes conservateur (CRE) et démocrate (S&D), l’extrême droite nationaliste pourrait représenter le groupe le plus important de l’Assemblée, sans atteindre pourtant une majorité sans alliance, pour l’heure impensable, avec le PPE. L’autre tendance lourde est l’affaiblissement probable du S&D (Socialistes et Démocrates) du PPE : les deux partis qui disposaient jusqu’alors, par leur alliance constante, d’une majorité qui leur permettait de mener une politique de compromis à tendance libérale, devront se chercher d’autres alliés. D’où l’importance des autres groupes de gauche et écologistes, qui pourraient peser, dans de nouvelles alliances, sur les questions climatiques, alimentaires, écologiques, migratoires et culturelles... pour peu que les électeurs de Gauche, peu friands des Européennes, se déplacent autant vers les urnes que les Nationalistes eurosceptiques ! A.F.


ze-factory.fr


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politique culturelle

Aubagne fait

Place aux compagnies Pleins feux sur le dispositif phare de La Distillerie dont nous parle son directeur, Christophe Chave

La promenade © Cie En devenir

Vers une culture sans artistes

U

ne table ronde qui réunissait le 2 mai à Aubagne des compagnies et des lieux indépendants a mis au jour une fracture douloureuse entre eux : si les uns sont fiers de libérer du temps de plateau et des moyens pour accueillir les compagnies en résidence alors même que leur cahier des charges ne les y oblige en rien, les autres soulignent, timidement, que cet accueil ne leur permet pas de se payer ni de créer des spectacles. Le constat est le même pour tous : les compagnies ne bénéficient souvent que de quelques semaines de résidences fragmentées pendant plusieurs années : « On arrive le lundi, on s’installe, le mardi on travaille vraiment, le mercredi on fait des ateliers avec les primaires, le jeudi avec les collèges et les lycées, et le vendredi on remballe parce qu’il y a un spectacle le soir. » Quant aux présentations de sortie de résidence, les compagnies soulignent combien montrer un travail de quelques jours est périlleux : « Les programmateurs ont beau savoir qu’il s’agit d’une sortie de résidence, cela peut être rédhibitoire. » Globalement, ils regrettent aussi la position de dépendance dans laquelle ils sont plongés, vis-à-vis des financeurs publics mais aussi des programmateurs dont ils déplorent le manque d’écoute et de disponibilité, quand ceux-ci leur répondent qu’ils sont débordés et sans moyens. Alors les compagnies trouvent des expédients : elles mutualisent, lancent des crowdfundings, renoncent à demander des subventions et jouent en appartement, vivent du RSA. Car il est rare que les résidences de création se traduisent réellement en salaires. L’inégalité territoriale des moyens alloués à la production par l’État (300 000 € seulement pour toutes les compagnies de PACA) et leur réduction au fil des années semblent, surtout aux plus jeunes, une fatalité. Le taux de syndicalisation des artistes et des compagnies indépendantes n’a jamais été aussi bas, et le Synavi (Syndicat National des Arts vivants) compte, en France, à peine 300 adhérents. Les artistes, jadis portés aux nues, sont aujourd’hui les parents pauvres du secteur culturel. A.F.

Zibeline : De quels constats êtes-vous parti pour créer Place aux Compagnies il y a 4 ans ? Christophe Chave : D’abord d’une réflexion collective avec les structures culturelles de la Ville d’Aubagne -le théâtre Comoedia, la Médiathèque Marcel Pagnol et l’ex MJC Escale Saint-Michel-, sur le fait qu’une ville de 45 000 habitants devait pouvoir mettre en dynamique la création, la production et la diffusion du spectacle vivant, pour que les compagnies locales aient une meilleure lisibilité, une constance de production et une perspective de diffusion plus importante sur la région. J’ai toujours pensé qu’il était compliqué pour une compagnie de théâtre, en Paca, de bénéficier d’une production et d’une diffusion. Or il y avait ce lieu de fabrique à Aubagne, La Distillerie, qui pouvait réellement devenir un outil de travail. Y avait-il alors des demandes de la part des compagnies ? La ville d’Aubagne a mis en place, depuis de nombreuses années, une bourse d’aide à la création artistique locale, toutes disciplines confondues. Mais cette petite bourse, de 500 à 6000 euros suivant les projets, les oblige à créer sans les aider concrètement dans la production et la diffusion. Notamment avec l’institution et avec d’autres lieux partenaires de la région. Depuis la création de Place aux Compagnies les demandes sont-elles en augmentation ? Énormément ! Lors du coup d’essai de la 1re édition on a beaucoup travaillé avec des compagnies d’Aubagne, de Marseille, d’Aix, du 05… Aujourd’hui j’ai déjà des demandes pour l’édition 2020, voire 21, qui émanent de toute la région ! Il existe très peu de dispositifs de soutien à la production. Les compagnies que vous aidez doiventelles répondre à des obligations ? Oui, mais elles sont légères. C’est de l’argent public, on est par exemple très attentifs à sa répercussion sur les salaires de l’équipe. On leur demande simplement


de s’impliquer dans le processus (présence sur les temps forts, tables rondes, soirées d’ouverture, de clôture, conférences de presse…). Et puis on insiste beaucoup pour que tous aillent voir le travail des autres pour créer des échanges, des retours constructifs autour d’une création quelle qu’elle soit. Dans notre dispositif il n’y a pas que l’aspect de résidence et de lisibilité par rapport aux professionnels ; on attend aussi des compagnies un engagement politique, qu’elles défendent leur place de producteur, de création. Ce qui m’importe le plus c’est qu’il y ait cette dynamique de la création artistique qui m’est chère, et que les artistes reprennent leur place dans cette création artistique. Sans forcément parler de suivi, est-ce que vous gardez un œil sur les artistes accueillis et leurs créations ? Systématiquement, en automne, nous faisons une réunion bilan avec celles et ceux qui ont participé à l’édition de l’année en cours, pour faire le point sur leurs diffusions et productions. Et puis il m’arrive d’en accompagner lors de rendez-vous professionnels avec des lieux à qui ils demandent une coproduction de finalisation ou de diffusion. D’une édition à l’autre, est-ce que vous avez le sentiment que les possibilités de production se réduisent ? Les baisses des dotations d’État ont une répercussion, immédiate ou à moyen terme, sur les productions du spectacle vivant. Mais je ne jette pas la pierre aux collectivités territoriales qui tentent de déployer d’autres dispositifs pour que les compagnies soient suivies au mieux dans leur étape de création. Il faut savoir que la Région Sud, 2e après L’Île de France en nombre de compagnies, et sur un territoire plus important, reçoit 10 fois moins de budget de l’État pour accompagner et produire le spectacle vivant. Il y a un réel déséquilibre, un manque qu’il faut combler. Il faut donc absolument reconnaître l’existence des lieux intermédiaires, lieux de fabrique, de résidence. Pour moi Place aux Compagnies aurait dû exister de tout temps, en termes de production et de diffusion du spectacle vivant dans notre région ; il n’appartient à personne, chacun doit se sentir libre d’y participer. Je suis assez positif, et pour 2020, voire 2021, il y a des perspectives pour qu’il s’étende sur d’autres lieux intermédiaires. Nous en discutons avec le Comptoir de la Victorine, La Friche, L’EntrePont à Nice, ou d’autres lieux comme le théâtre Joliette, pour qu’on soit dans un cercle vertueux de l’accompagnement de la création artistique sur notre région. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DOMINIQUE MARÇON

Place aux Compagnies Jusqu’au 26 mai Divers lieux, Aubagne ladistillerieaubagne.wordpress.com

WWW.MUSIQUEALAFERME.COM 04 88 40 08 04 / 07 81 97 10 58


10 actualité culturelle lgbt du sud-est

Avec Homo ça coince…, sa nouvelle création, le collectif Manifeste Rien décortique la construction politique et culturelle de l’hétérosexualité

Essai homo

Cité Queer

L

e vaste champ des discriminations est depuis toujours celui dans lequel la compagnie marseillaise livre ses combats théâtraux. Avec sa démarche assez singulière d’adapter à la scène des œuvres sociales et historiques et de travailler en lien direct avec leurs auteurs. Ce fut notamment le cas avec Benjamin Stora sur Les 3 exils d’Algérie, une histoire judéo-berbère, Gérard Noiriel sur Le massacre des Italiens et Rappel à l’ordre ou encore Alèssi Dell’Umbria sur L’histoire universelle de Marseille. Cette fois, le collectif Manifeste

Homo ça coince..., Olivier Boudrand © Manifeste Rien

Rien dévie légèrement en choisissant de s’inspirer de différents travaux littéraires et universitaires pour écrire Homo ça coince… « Dans les années 70, le mouvement gay et lesbien a intégré les questions du racisme, du sexisme et de lutte des classes. Aujourd’hui, on vit dans une société qui réindividualise et qui veut séparer les gens, les monter les uns contre les autres. En même temps que l’on donne plus de visibilité et de légitimité aux personnes LGBT s’opère une hétéronormalisation sur le modèle patriarcal dans lequel on trouve des homos de droite et racistes », explique Virginie Aimone, comédienne du collectif qu’elle codirige avec Jérémy Beschon, auteur et metteur en scène de la pièce. Et de constater que si « d’un côté, il y a des avancées avec la loi sur le mariage ; de l’autre, l’homophobie ne recule pas. Certains lieux ont refusé nos flyers ».

Le genre en question C’est avec La domination masculine, une adaptation du livre de Pierre Bourdieu, que la compagnie effleure une première

fois la question du genre. Puis le spectacle Chacal, fable de l’exil -une histoire de tradition kabyle sur les rapports de domination chez les animaux d’après l’anthropologue Tassadit Yacine- creuse davantage la thématique. En s’appuyant sur des travaux et textes de Laurent Gaissad, Sam Bourcier, Gilles Dauvé, Virginie Despentes, Erving Goffman, Guy Hocquenghem, Wilhem Reich et Monique Wittig, Homo ça coince… ne s’annonce pas consensuel. « On espère que cela fera prendre conscience à tous ceux qui vivent des discriminations, quelles qu’elles soient, que quelque chose les unit et qu’on ne peut pas faire souffrir quelqu’un pour sa différence quand on est soi-même différent », ajoute Virginie Aimone qui ne joue pas dans la pièce mais collabore à sa création. Le rôle revient à Olivier Bourdrand qui, seul en scène, incarne tous les personnages ; les uns vont se découvrir, les autres se retrouver. « C’est un peu un Monsieur Loyal, dans un esprit de cabaret allemand. » Il sera aussi Betty, transgenre franco-argentine et jouera même décors et objets, tels qu’une machine à café et une télé. On suivra une famille, voyagera entre Marseille et Paris, de bistrot en appartement, des années 90 à la loi Taubira. Il sera question de désir, de frustration, de duplicité. Comme lorsque ce père, irrité par des photos de son jeune fils vêtu d’une robe et maquillé, va se calmer en sortant le chien dans un lieu de drague gay… « Doit-on entrer dans un circuit prédéterminé ou se donner la possibilité de s’épanouir ? C’est aussi par la sexualité que l’on se construit », affirme Virginie Aimone, qui assume par ailleurs la dimension humoristique de la pièce. Autre caractéristique du collectif, chaque création s’accompagne d’ateliers destinés à des publics « qui n’ont parfois jamais vu de spectacle de leur vie, ni même de film au cinéma. On essaie toujours d’amener le théâtre là où il n’est pas, car on a à cœur de rendre cet art ouvert à tous ». LUDOVIC TOMAS

à venir 23 & 24 mai Théâtre Liberté, scène nationale de Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberté.fr 28 au 30 mai Théâtre de l’Œuvre, Marseille Suivi d’un débat avec le socio-anthropologue Laurent Gaissad, les 28, 29 mai 04 91 90 17 20 theatredeloeuvre.com


événements

Street art au jardin « Quatre mois de programmation riche, éclectique et gratuite » au Couvent Levat, Cité d’artistes à Marseille

© Gaëlle Cloarec

L

a Ville de Marseille a confié pour 3 ans le Couvent Levat, situé dans la rue du même nom à la Belle-de-Mai, à l’association Juxtapoz, pour en faire une Cité d’artistes. Sur les 2000 m2 de bâtiments et 17 000 m2 de jardins ayant appartenu à la Congrégation des sœurs Victimes du Sacré Cœur de Jésus, acquis par la municipalité, la structure a imaginé une Cité d’artistes et ouvert les lieux au public. La directrice Karine Terlizzi assure que les relations avec les habitants du quartier sont « aujourd’hui bien meilleures, après une arrivée très rock’n roll : ils se sont rendu compte que nous ne voulons pas garder le seul espace vert du secteur pour nous ». 30 000 visiteurs ont été accueillis l’an dernier, et avec les beaux jours, les horaires d’ouverture s’élargissent du mercredi au dimanche, de 12h à 22h. Pas d’exposition cette année comme c’était le cas en 2018, mais Karine Terlizzi promet « quatre mois de programmation riche, éclectique et gratuite ». Des

street-artists réputés -dont Mahn Kloix et Gütan à qui l’on doit l’exceptionnelle tortue marine rue Vian- se succéderont pour réaliser des fresques sur un mur de belle taille. Chaque fin de semaine sont prévus une série de concerts, DJ set, spectacles ou conférences, à commencer par le coup d’envoi Too Much, du 17 au 19 mai. Le Couvent Levat participera à la 19e édition de la Belle Fête de Mai le 26 mai. Le week-end du 7 au 9 juin sera consacré aux cultures urbaines, avec marché hip-hop, jam de graffiti, et projection du documentaire de Jérôme Thomas Sky’s the limit. La programmation se poursuivra au rythme des propositions émanant de la Cité d’artistes, ou de partenaires, dont Africa Fête (15 au 30 juin) et le Féministival (13 & 14 juillet). Tout l’été, les visiteurs pourront profiter des espaces de pique-nique, de coins ombragés propices à la lecture, des suggestions culinaires du duo de restaurateurs A.L.F., ou bien boire une bière ultra-locale, la brasserie Rubé étant voisine.

Attention à ne pas endommager les rosiers ou les plantes aromatiques (jeux de ballons interdits), entretenus par le jardinier et écologue Jérémie Frémont. Quant à l’avenir du Couvent Levat et de ses somptueux jardins, il est toujours suspendu à une décision de la Ville, le bail de Juxtapoz devant s’achever en avril 2020. Pourvu que les prairies, potagers partagés et vergers soient respectés, les riverains y verraient bien une bibliothèque municipale, équipement qui manque cruellement dans le 3e arrondissement, le plus pauvre de France. GAËLLE CLOAREC

atelier-juxtapoz.fr

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Shadi Fathi, celle que le cœur reconnaît Portrait d’une Iranienne de Marseille, musicienne et complice incarnée

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chaque saison, depuis plusieurs années, elle est l’invitée de la Cité de la musique de Marseille. Et c’est avec humilité que Shadi Fathi tente d’expliquer cette carte blanche systématique : « Michel Dufétel (le directeur adjoint du lieu, ndlr) fait une grande confiance aux artistes de Marseille et de la région ». Née à Téhéran, elle propose, en 2016, au musicien marseillais de culture franco-iranienne, Bijan Chemirani, de l’accompagner sur scène. « C’était le soir d’ouverture de la coupe d’Europe de foot, je pensais qu’il n’y aurait personne. On s’est produits à guichets fermés. » L’osmose, l’inspiration partagée et leur culture commune sont loin de laisser penser qu’ils jouent en réalité pour la première fois ensemble. Dans la salle, Bruno Allary, de la compagnie Rassegna, est aussitôt conquis et propose au duo naissant d’enregistrer un disque, Delâshena, sorti il y a à peine un an. Le succès dépasse toutes les attentes. L’album se hisse à la 20e place du classement international officiel des cent meilleures sorties en musiques du monde (en 2018). « Le disque a beaucoup voyagé. On a reçu des messages du monde entier alors que le spectacle n’était pas sorti de la Shadi Fathi © Muriel Despiau région », se souvient Shadi. Un « coup de cœur » de la très respectée Académie Charles Cros apporte la reconnaissance des professionnels en France. Les raisons de cet engouement inattendu ? « Ce n’est pas du tout un disque iranien dans le sens où ce n’est pas de la musique classique persane. Les instruments le sont mais pas la façon de les utiliser. Ce n’est pas non plus de la world music qui fusionne plusieurs esthétiques », avance la musicienne. C’est peut-être tout simplement le résultat de l’évidence, d’une rencontre naturelle que l’histoire ne pouvait que programmer entre cette soliste formée à la musique savante et un percussionniste de référence, issu d’une famille internationalement reconnue. Le maître de Shadi Fathi n’est autre que Dariush Talai, moitié d’un autre duo, composé avec Djamchid Chemirani, le père de Bijan. À l’image d’un Ravi Shankar qui personnifiait la musique indienne dans le monde entier, le tandem Talai-Chemirani incarnait celle venue d’Iran. « On

ne l’a pas fait exprès », insiste la jeune femme. « Ce que seul le cœur reconnaît », traduction du persan du titre de l’album, prend tout son sens. On y trouve des compositions comme des reprises du répertoire classique (ou inspirés par lui). Les première et dernière pistes du CD, seuls morceaux avec du texte, donnent à entendre des poèmes de Mawlana Rûmi et Sohrab Sepehri. « Il faut comprendre la poésie persane pour comprendre les Iraniens. » Elle passant du setâr au shouranguiz, lui du zarb au saz et à l’udu, ils se rejoignent par moment sur un instrument commun, le daf, pièce maîtresse des percussions iraniennes. Shadi ne cesse de louer les qualités autant humaines que professionnelles des personnes qui l’entourent et qui, pour elle, ont donné sa force et sa cohérence au projet : ici une productrice (Claire Leray), là une photographe (Muriel Despiau), de l’ingénieur du son (Romain Perez) au graphiste (Johann Hierholzer). Une maîtrise de musicologie en poche, elle arrive en France en 2002, déjà en quête de rencontres artistiques. Elle évite volontairement le tumulte de la capitale et choisit d’abord Poitiers pour la beauté de la façade romane de Notre-Dame-la-Grande. « Je ne suis absolument pas religieuse mais j’ai pris un studio en face », sourit-elle. Séduite par les bals « trad », elle se met au banjo auquel elle ajoute des quarts de ton. Pour son prochain concert sur la scène de leurs noces musicales, le nom de Fathi ne sera pas associé à celui de Chemirani. Mais la distribution n’en promet pas moins de riches rencontres. Avec Maria Mazzotta (chant et tamburello), Antonio Alemanno (contrebasse) et Cedrick Bec (batterie), les croisements d’esthétiques se tisseront entre l’Iran et le Salento, au sud l’Italie. Et Shadi de citer un de ses poètes fétiches, l’Argentin Roberto Juarroz : « Le souffle de la lumière, le tremblement concentré qui émane de certaines rencontres contredit parfois sa propre brièveté et s’étend comme une lente alchimie sur tout le reste de la vie ». LUDOVIC TOMAS

à venir 31 mai Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com


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L’esprit de la lettre La Maison Jean Vilar propose une exposition consacrée à Marcel Jacno, graphiste hors pair du TNP et du Festival d’Avignon. Petit retour sur cet artiste atypique en compagnie du commissaire de l’exposition, JeanPierre Moulères Zibeline : Jacno, un homme que l’on connaît tous sans le connaître ? Jean-Pierre Moulères : Ses œuvres sont en effet plus célèbres que son nom ! Il a redessiné le paquet de Gauloises avec son casque en 1936, mais aussi les logos des cigares Voltigeur, Entracte... Il a travaillé pour les parfums Guerlain, Revillon, les cosmétiques Harriet Hubbard Ayer, les nylons Nylfrance, les vins Primior, les cognacs Courvoisier, les alcools Cinzano qui lui doivent leur Z… D’ailleurs il signe tout, jusqu’à ses esquisses. L’exposition retrace le travail minutieux, patient, précis, de cet homme qui garde tout, si bien que l’on a une documentation considérable. Elle nous permet de découvrir un homme méconnu et familier qui a laissé ses traces un peu partout, dans nos poches, sur les murs des villes, de nos salles de bain… On le retrouve aussi dans l’édition, on lui doit la couverture aux filets verts de Bonjour tristesse de Sagan, les jaquettes de Julliard, Denoël, Pierre Horay, Hachette… Vous dites « un homme de caractères » … Oui, il y a plusieurs Jacno, et les jeux de mots sont nombreux pour l’évoquer ! Il est amoureux des alphabets, en crée de différents pour chaque projet qu’il mène : « réclames » de magazines (Chanel, Lip…), programmes de cinéma, de théâtre… Il invente des polices de caractères, le FILM et le SCRIBE pour les fonderies Deberny et Peignot, il crée un alphabet pour les éditions Quillet… « Homme de caractères » donc, mais aussi « homme qui s’affiche », « homme qui s’emballe », « homme à la page » … Il effectue tous ses croquis, ses essais, à la main, use de collages, de bromure, de maquettes, multiplie les essais de dessin, de construction, en laissant transparaître dans le produit fini une spontanéité vive, un élan inspiré, gommant avec élégance tout le travail effectué en amont, le rendant invisible. Il a aussi mis en page de

Affiches de Jacno © M.C.

nombreux ouvrages, comme La Bible du Club bibliophile de France, de nombreuses revues de théâtre, d’éditions. Celle de l’Arche en particulier. Son travail est celui d’un artisan et d’un artiste, qui sait accorder avec la même intelligence son art à tous les sujets. On peut le trouver paradoxal dans cet éclectisme. Son art d’une fine exigence, dans la lignée du Bauhaus, est un art populaire, du quotidien. Une puissante réflexion sous-tend l’ensemble, il publie en 1977 un livre théorique Anatomie de la lettre auquel il réfléchit depuis son incarcération à Dora puis Ellrich en 1944. Et passe sa thèse en 1981 sur le sujet à la Sorbonne, il a alors 77 ans ! Son graphisme engendre des légendes… Il est sans conteste l’artisan de la mythologie du TNP. Il en conçoit, en accord avec Jean Vilar, l’ensemble de l’identité visuelle, dès 1951 où il dessine l’affiche du théâtre. Ses affiches théâtrales pour le TNP et le Festival d’Avignon sont immédiatement reconnaissables, avec leurs aplats, bleu, blanc, rouge, leur graphie inspirée du style de la Révolution française, célébrant la « révolution théâtrale »

de Jean Vilar. Il est ainsi le précurseur de ce que l’on nomme aujourd’hui l’identité visuelle, estampillant documents et objets du TNP de son célère caractère d’imprimerie « Chaillot », reprenant la technique du pochoir. Il donne aussi au Festival d’Avignon ses trois clés de légende. Et comment exposez-vous cette richesse et cette diversité ? L’exposition suit le parcours de Jacno. J’essaie de faire comprendre le mécanisme de ses créations, de le rendre sensible et accessible à tous, avec simplicité. Il faut que même, et surtout, les enfants y trouvent leur compte ! MARYVONNE COLOMBANI

Signé JACNO, un graphisme brut pour un théâtre populaire 18 mai au 24 juillet Maison Jean Vilar, Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org


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L’essence du « jizz »

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ssis dans l’herbe, on écoute, on affûte son regard, on sort les crayons et l’aquarelle, pour tenter de capter un mouvement, saisir une présence, reproduire une silhouette… Rencontre sur le terrain avec échasses, ibis, cigognes, aigrettes, et Cyril Girard, 43 ans. Zibeline : Comment devient-on dessinateur naturaliste ? Cyril Girard : J’ai une formation en biologie de la conservation et gestion des espaces naturels. Arrivé en Camargue en 98, j’ai effectué mon service militaire en tant qu’objecteur de conscience aux Marais du Vigueirat, pour m’occuper du suivi des oiseaux. J’ai ensuite travaillé en tant que garde à la Réserve nationale de Camargue. Comme je dessinais depuis toujours, j’ai entamé une carrière de dessinateur naturaliste en 2003. On attend de lui des dessins techniques des éléments du patrimoine naturel -faune et flore-, le plus souvent destinés à des guides de reconnaissance. L’enjeu est d’obtenir un rendu joliment illustré, qui permette d’identifier les espèces. Cela implique d’avoir un solide bagage scientifiques, et d’être souvent sur le terrain pour observer, crayonner, prendre des notes, et tenter de capter au mieux l’essence des espèces : les ornithologues appellent ça le « jizz », le truc qui fait qu’on reconnait un oiseau au premier coup d’œil, à sa silhouette, sa manière de voler.

Le 4 mai, le Festival de la Camargue proposait un stage de dessin naturaliste. Plongée au sein des Marais du Vigueirat

Poussion flamant © Cyril Girard

autorise une homogénéité graphique et des mises en page inventives, permettant de représenter les oiseaux dans des positions choisies. Avec un bon dessinateur, l’objet peut s’apparenter à un ouvrage d’art ! En outre, grâce aux télescopes qui permettent une observation à plusieurs dizaines de mètres, le dessinateur n’est pas intrusif. L’histoire du dessin naturaliste tient à celle de l’évolution des sciences naturelles : les grandes missions d’exploration type La Pérouse embarquaient toujours à bord un naturaliste. L’essence de l’identification vient de cette époque, où la photo n’existait pas. On ramenait parfois des individus empaillés, mais il s’agissait la plupart du temps de dessiner pour constituer une iconographie de terrain, qu’il © Julie Bordenave s’agisse d’indigènes, d’animaux Quelle est la plus-value d’un dessin par ou de paysages. La tradition s’est perrapport à une photo ? pétuée, nous sommes actuellement une Pour un guide recensant les oiseaux, il trentaine en France. Un courant d’illusfaut constituer un corpus de photos d’ex- trateurs venu d’Europe du nord intègre cellente qualité, prises par de nombreux des légendes vivantes, tel Lars Jonsson ! photographes différents. Elles néces- Qui sont vos commanditaires ? sitent parfois un détourage, et intègrent Les structures qui gèrent les espaces nasouvent un morceau d’aile caché, une turels constituent les trois quarts de ma zone sous-exposée… À l’inverse, le dessin clientèle ; le reste, c’est de la presse ou

de l’édition. J’ai fondé ma propre maison il y a 2 ans, les éditions Méditerraneus. J’aime assurer toute la chaîne de fabrication, choisir le papier, travailler avec des imprimeurs labellisés sans contribuer à la déforestation, publier le livre quand je l’estime achevé… Je cherche à proposer des outils ciblés qui permettent de s’informer sur les oiseaux ou le milieu marin. Acquérir des connaissances constitue un premier pas, qui déclenchera peutêtre l’envie de s’investir davantage. On a l’impression que tout va bien ici, mais la Camargue est une terre de conflits d’usages et d’intérêts. La pollution, la ZI de Fos, constituent des agressions pour les milieux naturels et la qualité de vie des habitants. Avec des chercheurs et scientifiques du Pays d’Arles, nous avons créé l’association NACICCA, pour œuvrer à la protection de la nature. Nous avons aussi monté le collectif citoyen Arles pour le climat, pour synthétiser les énergies locales. Militantisme et travail s’entremêlent, c’est ce qui m’anime ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIE BORDENAVE

Le Festival de la Camargue et du Delta du Rhône a eu lieu du 3 au 9 mai cyrilgirard.fr editions-mediterraneus.fr


Au programme

La troisième édition du festival littéraire Oh les beaux jours ! s’annonce trépidante

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es intermittences de la volonté politique ont en 40 ans transformé Marseille, ville peuplée d’auteurs, chère aux artistes et aux poètes, en un désert aux rares oasis vouées à la lecture. Mais Marseille a enfin, depuis 3 ans, son festival littéraire. Exemplaire, enthousiasmant, cherchant les « frictions » à l’image de la ville qui a toujours su que littéraire et populaire rimaient sacrément bien, pour peu qu’on y travaille. Par quel miracle et quelle abnégation Nadia Champesme et Fabienne Pavia, co-directrices, ainsi que leur équipe, parviennent à concocter un si beau festival si mal doté par ses financeurs publics ? Car 96 auteurs sont invités, pour 62 rencontres, lectures et concerts dans 5 lieux, avec 8 créations, une politique tarifaire très attrayante... et des ateliers menés à l’année auprès de 900 participants !

Il y a des stars, de la pensée, des auteurs jeunes ou confirmés, et un rapport avec Marseille qui s’intensifie et se pense. Parmi les stars Maryse Condé ou Alain Damasio (voir pages suivantes), Patrick Boucheron, Daniel Pennac, Enki Bilal, Mehdi Charef, Philippe Descola (voir p 31) et même Arthur H ou Jamy Gourmaud. Car il est question aussi d’histoire et de sciences, même si le roman rassemble le gros des troupes avec Alice Zeniter, Bertrand Belin, Lisa Ginzburg, Lydie Salvayre, Arnaud Cathrine, Delphine de Vigan... Si on est heureux de retrouver tous ces auteurs à Marseille, comme dans les autres festivals littéraires, la présence de Claudine Galéa -qui a publié un très joli roman sur son enfance marseillaise-, de Christian Garcin (voir page suivante) ou de Kamel Khélif donnent une couleur différente à ces beaux jours qui regardent vers la mer, l’enfance, la traduction, le voyage... Car si les rencontres et les « lectures augmentées » de musique ou d’archives fondent l’essentiel du programme, les spectacles proposent des formes inventives qui s’annoncent passionnantes : le concert dessiné qui connait un succès mérité dessinera l’œuvre de Poe, Simon Abkarian et Ibrahim Maalouf feront entendre la vie de Panaït Istrati (mise en scène Julie Kretzschmar), des comédiens fous donneront

corps à la course folle de Fabcaro (Zaï Zaï Zaï Zaï). On retrouvera avec bonheur une forme découverte en septembre à Manosque, où trois comédiens surdoués rejouent les grands entretiens littéraires de Sagan ou Simenon, Gary ou CharlesRoux... rendant hommage à la fois à ces grands auteurs, et à une télévision publique qui savait leur faire une place. Et parmi toutes ces formes, une découverte : Stefano Massini a écrit un roman en vers libre, énorme et fabuleux, autour des Frères Lehman, de leur famille, de 1845 jusqu’à la crise des subprimes : un récit haletant et poétique sur la transformation du capitalisme industriel en capitalisme financier puis en bulle spéculative. AGNÈS FRESCHEL

Retrouvez sur journalzibeline.fr les critiques des romans de Valérie Manteau, Claudine Galéa, Chloé Korman, Arnaud Cathrine, Delphine de Vigan, Silvia Avallone, Léonor de Récondo, Véronique Ovaldé, Marie-Hélène Lafon, Joy Sorman, Nicolas Mathieu et Sarah Chiche qui seront présents durant Oh les Beaux jours ! Oh les Beaux jours ! 28 mai au 2 juin Divers lieux, Marseille ohlesbeauxjours.fr

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Le partage du livre

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Seconde Poe Un tout nouveau visage d’Edgar Allan Poe, à découvrir grâce à la connivence de deux écrivains, Christian Garcin et Thierry Gillyboeuf, qui livrent une impressionnante traduction des Nouvelles aux éditions Phébus Zibeline : L’entreprise est de taille : d’une part relever le défi d’une nouvelle traduction, après celle de Baudelaire, et d’autre part proposer une édition, cette fois complète, des Nouvelles. Est-ce que c’est, à la manière du médaillon de couverture de l’édition, une manière de dessiner un nouveau portrait de l’écrivain ? Christian Garcin : Baudelaire n’avait traduit que les deuxtiers des nouvelles, et en avait ainsi orienté la réception, à la fois par le choix qu’il avait fait, et par les titres qui avaient été donnés (Histoires extraordinaires…). Cette nouvelle traduction, à la fois intégrale et chronologique, permet, nous l’espérons, de resituer Poe en tant qu’auteur totalement inscrit dans son époque, engagé dans la vie littéraire et politique, ayant construit une œuvre multiforme qui ne doit pas être réduite aux seules nouvelles d’angoisse ou de terreur.

un siècle et demi. Or on dit qu’il est nécessaire de retraduire les classiques au moins une fois par génération. J’ai donc décidé de m’y risquer, afin de proposer une version intégrale de ses nouvelles, dans une langue d’aujourd’hui, et dans une édition abondamment annotée -car il était nécessaire de contextualiser la multiplicité des références littéraires, historiques et politiques présentes dans l’œuvre de Poe, familières à un lecteur américain de 1840, mais difficilement saisissables aujourd’hui.

La préface précise qu’il s’agit d’une « traduction réalisée par un seul et même traducteur, en l’occurrence dédoublé » : c’est William Wilson à l’envers ! Comment avez-vous travaillé ensemble, avec Thierry Gillyboeuf ? Avec une calculette : nombre de signes de l’ensemble en langue originale, divisé par deux. Les textes de Poe ainsi rassemblés, ce Ensuite on s’est réparti les nouvelles à sont donc des nouvelles, plutôt que des égalité, en tenant compte des souhaits contes, des histoires extraordinaires de chacun, car il y en avait quelquesou grotesques ? unes que l’un ou l’autre désirait traToutes ces dénominations se jusduire. Ensuite, à la fin de chaque tifient, mais le terme de nouvelles tome, chacun envoyait à l’autre ses est peut-être le mieux adapté, car traductions. L’autre faisait des sugil englobe tous les autres. L’œuvre gestions, et renvoyait au premier, de Poe se répartit selon trois axes : qui en général acceptait toutes les les contes de terreur ou d’angoisse, remarques -et si ce n’était pas le cas, genre fort prisé à l’époque, dans la argumentait. Un travail fluide, en lignée du gothique anglais et du fanparfaite harmonie, que nous avons tastique allemand, que Poe a renourenouvelé, puisque après les trois tomes velé et haussé à un niveau littéraire inéde nouvelles devrait paraître un quatrième dit dans les États-Unis de ces années-là ; le tome regroupant les deux romans (Les AvenCh ti risti rran an Ga rcin © Ferrante Fe récit policier à énigme, dont on peut dire qu’il tures d’Arthur Gordon Pym et l’inachevé et inédit Journal de Julius Rotman), et qu’en 2020 paraîtra chez est l’inventeur (Auguste Dupin, personnage des Crimes de la rue Morgue et de La lettre dérobée, est le père de Sher- Finitude notre traduction des Nouvelles intégrales et chrolock Holmes, d’Hercule Poirot et de tous ceux qui ont suivi) ; nologiques de Melville. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AUDE FANLO et les contes satiriques, grotesques, absurdes et comiques, souvent des charges contre le monde politique et littéraire de son époque -dimension moins connue, mais très largement représentée dans son œuvre. Baudelaire dit qu’il choisit Poe par « sympathie », au sens fort : qu’est-ce qui vous pousse, vous, à aller vers Poe ? Est-ce un virage à l’ouest, une nouvelle traversée de l’Atlantique, qui pour la seule année 2018 vous fait publier, outre la traduction de Poe, celle des poèmes de David Kirby (Le Haha, Actes Sud), un roman, Les oiseaux morts de l’Amérique (Actes Sud), et un recueil de Poèmes américains (Éditions finitude) ? Ce fut une décision, davantage qu’un véritable penchant. Je me suis rendu compte un jour que Poe était le seul, parmi tous les classiques, à n’avoir jamais été retraduit, et ce depuis

Des nouvelles d’Edgar Alla Poe Rencontre avec Christian Garcin et Thierry Gillyboeuf, animée par Élodie Karaki 30 mai, 18h Les Magasins


« La négritude est un mythe » L’œuvre de Maryse Condé est enseignée dans le monde entier. L’écrivaine guadeloupéenne a reçu, l’an dernier, le prix de la Nouvelle académie de littérature qui s’est substitué au Nobel Zibeline : Vous êtes née à Pointe-à-Pitre en 1937 et avez consa- propre. Dans mon cas, tout était très compliqué car la colocré l’essentiel de votre œuvre littéraire à la pensée postco- nisation m’avait inculqué des valeurs auxquelles je tenais et loniale. Quand on vous décerne le Nobel « alternatif », que qu’il m’a été très difficile de modifier, voire de remplacer par vous dites-vous ? d’autres. Sur ce point, le Brésilien Oswaldo De Andrade et Maryse Condé : J’ai éprouvé bien sûr un sentiment de joie sa théorie du cannibalisme m’ont beaucoup aidée. Mais pour et de fierté mais, je dois l’avouer, ce sentiment était mêlé de répondre à votre question, je crois que la quête d’identité qui beaucoup de surprise. J’écris depuis des années -mon pre- m’a occupée pendant tant d’années est enfin terminée. mier roman Heremakhonon paraît en 1976- sans avoir jamais Antillaise, Africaine et Française, est-ce l’association des trois eu de prix d’importance. J’avais pris l’habitude d’être peu en- qui qualifie votre synthèse culturelle ? tendue et d’écrire dans l’ombre. Cette soudaine reconnais- Si on veut, cela ne me dérange pas. Comment s’est forgé votre engagement féministe ? sance m’a étonnée. Pourquoi avoir fondé un centre d’études françaises et fran- Je ne me considère pas comme une féministe. Je suis convaincophones quand vous enseigniez aux États-Unis ? cue que l’homme et la femme doivent s’épanouir mutuelleUn enseignant a besoin de termes clairs, faciles à élucider. ment et créer ensemble une entité heureuse. J’ai donné la Par francophonie, j’entendais simplement les écrivains preuve de cette conception dans ma vie personnelle. qui se servent du français, quel que soit leur Est-ce votre propre enfance protégée de la réalité lieu d’origine. Cela me permettait d’inviter de la condition des Noirs qui vous a amené à écrire pour le jeune public ? des écrivains comme Ahmadou Kourouma, Mongo Beti ou Waberi. Mais Je crois surtout que je voulais éviter ma conception personnelle est bien à la jeunesse de connaître la même différente : je pense qu’un écrivain aliénation que moi. Je voulais ouvrir n’a pas de langue maternelle et forge ses yeux sur des aspects de la vie à chaque fois un idiome qui corresmoins connus et parfois douloupond à ses désirs et à ses préoccureux. Par exemple, quand j’ai écrit pations. Je vais citer Aimé Césaire, Rêves amers qui est devenu un clasle grand poète martiniquais : « Je ne sique de la littérature enfantine, je suis d’aucune nationalité prévue par terminai par la mort de Rose-Aimée, les chancelleries. » mon héroïne, une petite Haïtienne, Que vous ont apporté, dans leurs difalors qu’elle se rendait aux États-Unis pour aider ses parents. L’éditeur a voulu férences, Aimé Césaire et Frantz Fanon ? me faire changer cette fin, c’est lui qui avait J’admire infiniment la poésie d’Aimé Césaire. te M ar Gara yse Con dé © Claire tort, comme le succès de ce livre le prouve. Cahier d’un retour au pays natal est pour moi un Quel cheminement vous a conduit à choisir la fiction, la des plus beaux textes qui existe. En revanche, je me suis opposée à sa théorie de la négritude qui soutient l’idée que démarche autobiographique ou l’essai ? les Noirs sont frères car ils ont tous connu l’esclavage, la Je ne sais pas. Un auteur est bien incapable d’expliquer claicolonisation, le racisme. C’est une belle théorie mais après rement pourquoi tel ou tel texte lui vient à l’esprit. Comme avoir vécu en Afrique, en Guinée, j’ai réalisé qu’elle tenait lar- dit l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin : « l’auteur est gement du mythe. Comme je n’étais ni une Malinké ni une écrit par ses textes ». C’est une façon intellectuelle de baptiser Soussou ni une Peule, c’est-à-dire comme je n’appartenais ce que l’on appelle plus communément l’inspiration. à aucune des ethnies de ce pays, je n’existais pas. J’ai alors Par quoi avez-vous remplacé l’écriture dans votre vie ? adopté Frantz Fanon qui, dans Les damnés de la terre, affirme On ne peut pas remplacer l’écriture. Une de mes amies a la que le monde Noir, les Nègres, n’existent pas et sont une gentillesse de venir travailler avec moi et comme je ne peux création du monde Blanc. Selon lui, un Noir du Tanganyika plus utiliser mon ordinateur, je lui dicte mes textes. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS et un Noir de la Martinique n’ont rien en commun, à part la couleur de leur peau, à savoir une enveloppe superficielle. Chaque peuple noir est différent par son origine et son histoire. Il est naïf de prétendre le contraire. Grand entretien avec Maryse Condé, Votre installation dans le Luberon signifie-t-elle que la quête animé par Valérie Marin La Meslée d’identité qui a jalonné votre parcours a abouti ? 2 juin Je crois que tout être humain est à la recherche de son identité Mucem

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Furtivement nôtres

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range 2040 : comme de nombreuses villes de France, la bourgade provençale est désormais la propriété de l’opérateur éponyme. Une ville « sérénisée », où chaque citoyen dûment bagué évolue selon son forfait -privilège, premium, ou standard pour les plus démunisau sein d’un technococon bienveillant et terriblement efficace. Bienvenue dans un monde qui ressemble au nôtre, en plus contrôlé, plus cloisonné encore. Bienvenue dans le nouveau roman d’Alain Damasio. Quinze ans après la Horde du Contrevent (disponible en collection de poche), l’auteur marseillais est enfin de retour. Et cela valait le coup d’attendre : Les furtifs est un de ces livres dans lesquels on plonge, au risque de patauger un peu parfois, mais dont on sort

changé… et irrémédiablement conquis. Presque 700 pages, tout un monde. Et une intrigue qu’il serait vain de tenter de résumer. Précisons toutefois que dans cet univers ultra policé/cier, demeurent des poches de résistance (groupuscules d’activistes, proferrants et autres philosophes). Et surtout qu’il existe une espèce étrange, en constante métamorphose, les furtifs, que nul ne peut voir (le regard humain les tue), mais qu’on peut sentir, dont on peut déchiffrer les glyphes, avec lesquels il est possible de communiquer. Sur cette architecture de base, Damasio construit un palpitant récit de quête, dans la veine SF qu’on lui connaît, avec combats titanesques et courses-poursuites, selon un habile mélange d’innovations technologiques, d’humour

foutraque, d’envolées fantastiques. Une belle histoire d’amour aussi ; et d’amitiés. On s’attache vite et fort à tous les personnages principaux, dont les voix se répondent en une polyphonie élaborée. Dans cette histoire où le son joue un rôle majeur, chaque personnage parle sa langue particulière ; a ses propres signes typographiques de reconnaissance. Ainsi, comme les furtifs, le texte mue sans cesse, court-circuitant le langage ordinaire, mixant polices, accents, vocabulaire… Slogans, poèmes, néologismes, jeux de mots, mots tordus, articles, discours, on trouve tout chez Damasio. Hymne vibrant à la créativité sonore et verbale, Les furtifs trace aussi les contours d’un monde meilleur, ouvert à l’étrange, à l’insaisissable, au flux de la vie. FRED ROBERT

Les furtifs Alain Damasio éditions de La Volte, 25 € Alain Damasio sera présent à Marseille lors du festival Oh les beaux jours ! les 29 & 30 mai, et à la Comédie du livre, Montpellier, le 18 mai

Les souvenirs sont rescapés

C

e qui nous revient, dernier livre de Corinne Royer, intrigue d’emblée par son titre. S’agit-il d’un bien dont nous n’aurions pas dû être dépossédés et qui nous est restitué, de souvenirs surgissant de l’ombre du passé qui nous submergent ? L’auteure a joué sur cette polysémie dans un récit construit rigoureusement en six parties, nous faisant voyager de Fréjus à Paris, puis à Douarnenez, nous séduisant par une langue riche qui sait se faire savante ou triviale. Dès le début il est indiqué qu’on entre dans une fiction dont un des personnages-clé est néanmoins bien réel : il s’agit de Marthe Gautier, née en 1925, médecin, chercheuse et découvreuse de la trisomie 21. Spécialiste de cultures cellulaires, c’est elle qui a découvert en 1958 l’existence d’un chromosome surnuméraire responsable de ce qu’on appelait avant le mongolisme. Or elle a été « dépossédée » de sa découverte par un homme qui ne lui a accordé que le rôle de « technicienne ». La jeune Louisa, âgée

de 25 ans, est envoyée chez elle par un professeur de la Faculté de Marseille afin de rétablir la vérité et de s’en servir pour sa thèse. Leur rencontre marque le début d’une forte amitié et d’un partage de souvenirs et de goûts qui permettront à Louisa de retrouver des souvenirs refoulés de son enfance, elle dont la mère, partie pour trois jours alors qu’elle avait dix ans, n’est jamais revenue, la laissant, ainsi que son père, dans un état d’hébétude absolue et de rage suicidaire. Par un cheminement inattendu, des connexions se tissent peu à peu qui permettront des retrouvailles terriblement émouvantes et la

possibilité de reconstruire ce que le père appellera « les jours d’après », après quinze ans de séparation. Corinne Royer a créé des personnages magnifiques : mère lumineuse, père solide mais détruit, artistes tous deux. La fille se construit avec fougue sur son enfance détruite, puis un adolescent trisomique ensoleille le récit. Vous ne les oublierez pas… CHRIS BOURGUE

Ce qui nous revient Corinne Royer Actes Sud, 21 € Corinne Royer sera présente à Marseille au festival Oh les beaux jours !, lors d’un entretien avec Sarah Chiche sur les non-dits, le 31 mai


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ZIBELINE

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FESTIVAL DES ARTS DE LA RUE À GAP

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Tous dehors (enfin)!

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VEN 31 MAI, SAM 1er JUIN, DIM 2 JUIN

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création © Brest Brest Brest

Gratuit

14–15 JUIN 2019 GRATUIT

2 SOIRÉES 7 CONCERTS + 2 DJ

LES LAUZIÈRES CHÂTEAU-ARNOUX-ST-AUBAN WWW.THEATREDURANCE.FR

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20 événements

Le livre vibre à Cassis La 31e édition du Printemps du livre de Cassis fête la littérature en toute liberté

D

epuis 31 ans le Printemps du livre de Cassis, créé par Danielle Milon (en 1986, elle était alors adjointe à la culture), met l’écriture à l’honneur, donne « à comprendre l’acte d’écrire » en permettant de belles rencontres -débats, discussions, partages- entre lecteur.rice.s et auteur.e.s, amenant ces dernier.e.s à dévoiler parfois leur processus d’écriture, intimes et précieuses révélations. Et avec un thème aussi riche que « Liberté, liberté chérie », on peut s’attendre à des échanges nourris ! Animées par Patrick Poivre D’Arvor

© Fernando Ferreira

À l’écoute du monde La poésie se dit se montre, se chante, se joue, se performe aux Eauditives !

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a 11e édition du festival Les Eauditives s’ancre dans une perspective internationale, avec la venue de poètes et performeurs d’Irak, de Syrie, d’Espagne, d’Italie, de Lybie, d’Iran et de France. Organisé par la ZIP des éditions Plaine Page (Zone d’Intérêt Poétique), infatigablement menées par Éric Blanco et Claudie Lenzi, le festival se glissera de nouveau dans le centre-ville de Toulon. Trente poètes, artistes, scientifiques, journaliste, musicienne, traducteurs, lectrices, étudiant(e)s de l’ÉsadTPM (École supérieure d’art et design Toulon Provence Méditerranée pour leur 6e année de partenariat avec les Eauditives), mais aussi plus de soixante artistes donateurs participant à la vente aux enchères en soutien à la Fondation France Libertés pour son action Les Porteurs d’Eau, et quatre classes de trois établissements scolaires du département (pour la restitution de leur travail de « vidéo poèmes » mené sous la houlette d’Éric Blanco et Claudie Lenzi tout au long de l’année) conjugueront leurs lectures du monde, au cours de conférences, rencontres, expositions d’arts visuels, workshop (avec Bamboo Orchestra), spectacles performés… en une exploration poétique, sensible, humoristique, caustique, profonde, des réalités contemporaines. On s’intéressera aux dernières propriétés de l’eau découvertes par la science avec la conférence-lecture d’Yves Perret, Le labo, la gouttière et la mer, tandis que Georges Olivari, directeur de la Maison Régionale de l’Eau, évoquera Le Las, un cours d’eau dans la ville, que Jérôme Tron, citoyen conférencier, abordera

Une brève histoire de l’eau et Jérémie Chomette, directeur de la Fondation France Libertés, celui de l’Eau, bien commun. On s’interrogera sur le genre avec la performance de Pierre Guéry, Mauvais genre, qui questionne les rapports des genres entre littérature, arts de la scène, la poésie performée, genre hybride à souhait… Jean-Luc Parant nous entraînera dans sa cosmologie ciselée, Brigitte Baumé « sourde, mais/et musicienne » nous donnera à voir et entendre ses textes. La Milice de la Culture, collectif de quatre poètes-performeurs irakiens (dont Kadhem Khanjar, désormais familier des Eauditives), témoignera de l’insupportable violence qui ravage leur pays. On retrouvera les époustouflantes performances de Dani Ortiz (Espagne) que l’on avait déjà applaudi à Tourves, la fantaisie iconoclaste de Patrick Sirot… Enfin, trois nouveaux opus des éditions Plaine Page seront publiés à cette occasion, performés et commentés par leurs auteurs : Vague-mont ciseaux de Maïs Alrim Karfoul (édition bilingue français-arabe) qui nous parle de sa Syrie natale et des exils, Sens et non-sens de Jean-Luc Parant où les mots cherchent à réconcilier (ou pas) les indissociables faces d’ombre et de lumière qui nous composent, et L’Usage de l’imparfait de Maxime Hortense Pascal, somptueux « tour du monde » à l’écoute des signes de la destruction de notre planète… MARYVONNE COLOMBANI

Les Eauditives 16 au 26 mai Divers lieux, Toulon 04 94 72 54 81 plainepage.com


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(parrain de la manifestation depuis de nombreuses années) et Marc Fourny, les rencontres littéraires se concentrent durant les trois après-midis (31 mai au 2 juin, à 15h, 16h15 et 17h30), précédées d’un accueil en musique avec le groupe de jazz Le Trio Tenderly, dans le cadre enchanteur de l’amphithéâtre de la Fondation Camargo, face à la mer et au phare du port de plaisance. Au programme des réjouissances, Tahar Ben Jelloun (L’Insomnie, Gallimard), Serge Joncour (Chien loup, Flammarion), Alexandre Jardin (Double cœur, Grasset), Vanessa Schneider (Tu t’appelais Maria, Grasset), Pierre Palmade (Dites à mon père que je suis célèbre, Harper Collins) ; Cali (Cavale ça veut dire s’échapper, Cherche Midi), Arnaud Le Guern

(Une jeunesse en fuite, Éditions du Rocher), Pierre Ducrozet (L’invention des corps, Actes Sud), Elizabeth Tchoungui (Le jour où tu es né une deuxième fois, Flammarion), Éric-Emmanuel Schmitt (Félix et la source invisible, Albin Michel), Laurent Seksik (Un fils obéissant, Flammarion) ; Jean-Jacques Annaud (Une vie de cinéma, Grasset), Ollivier Pourriol (Facile, Michel Lafon), Serge Moati (Il était une fois Israël, Fayard), Luciano Melis (L’Arbre philosophe, Presses du Chatelet), Rudy Ricciotti (L’exil de la beauté, Ed. Textuel). À la littérature se lie aussi le cinéma, avec un hommage à Régis Wargnier ; il est en effet reçu pour son premier roman Les prix d’excellence (Grasset), et pour quatre des films qu’il a réalisés, au Centre

culturel de Cassis : La ligne droite, EstOuest, Man to Man et Le temps des aveux. Enfin, les arts plastiques seront aussi au menu, avec l’exposition du peintre allemand Jan Peter Tripp, Au commencement était le verbe…, dans les salles voûtées de la mairie (30 mai au 10 juin). Terminons par une information des plus sympathiques : l’entrée est libre et gratuite pour toutes les rencontres ! DO.M.

Printemps du livre de Cassis 30 mai au 2 juin Divers lieux, Cassis printempsdulivre.fr

Nuit des musées : restez debout !

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our la 15e année consécutive, les musées de France et d’Europe vont rester ouverts la nuit. Le 18 mai, passez les portes de ces lieux de culture, c’est gratuit ! La Nuit européenne des musées mobilise en 2019 plus de 3000 structures à travers près de 30 pays. Initiée en 2005 par le ministère de la Culture, elle est chaque fois placée sous le signe de l’ouverture, du jeu, de la découverte, du partage. Il s’agit d’inciter chacun, quelque soit son âge, son rapport à « la culture », à venir profiter de ce temps privilégié, et peut-être se faire une idée différente sur ces espaces dont certains se sentent parfois exclus. Ce soir-là, les barrières (financières, psychologiques, culturelles) sont invitées à disparaître, au profit de rencontres inédites entre œuvres et publics, artistes et spectateurs, techniques et amateurs, savoirs et curieux. Se retrouver autour d’un trésor commun, celui de toute une histoire, concentrée dans ces lieux qui parfois impressionnent, mais qui pourtant recèlent tout ce qui fait notre société, à tous. Ouvrir les portes des musées, c’est chaque fois développer un peu plus le sentiment d’appartenir à un socle commun. L’Europe des

cultures, voilà un beau programme à défendre, (lire P. 4-6), qui en France sera placé sous le signe du soixantenaire du ministère dédié... Ainsi, partout, et donc chez vous, chez nous ici, les collections se montrent sous un éclairage différent. Visites commentées ou insolites, parcours ludiques, ateliers, initiations, concerts, spectacles, projections, mapping vidéo (projections en relief sur des bâtiments), escape games (jeux d’évasion), feux d’artifices, jeux et concours... À la lampe de poche, en musique, en énigmes, en conférences dansées, les œuvres et les connaissances se dévoilent. C’est à la fois divertissant et vecteur de citoyenneté. Regardez les programmations proposées à côté de chez vous, et laissez-vous surprendre par un petit vent inattendu d’une culture à vivre ensemble. A.Z.

Nuit européenne des musées 18 mai culture.gouv.fr


22 événements

Ébattre la ruelle La 7e édition du festival Tous dehors (enfin) ! à Gap, dense et resserrée

78 Tours, Collectif La Meute © Christophe Raynaud de Lage

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ous dehors (enfin) !, le festival des arts de la rue à Gap, revient pour la 7e année. L’âge de raison ? « Que nenni ! », répond Philippe Ariagno, directeur du théâtre La Passerelle qui porte la manifestation, en invitant dans son édito son équipe et le public à être au contraire « déraisonnables ». Qu’entend-il par là ? D’abord, une densification des propositions. Pour cause de subventions arrivées au compte-goutte, la programmation a été resserrée sur trois jours au lieu de quatre, et les rendez-vous magiques du Domaine de Charance, rencontres entre nature et culture sur les hauteurs de Gap, n’ont pu être maintenus. « Le festival perd de sa singularité, mais c’est passager, nous rassure le directeur, ils reviendront l’année prochaine. » Les fonds ayant fini par arriver, il n’y aura pas moins de représentations que lors des éditions précédentes : « Depuis deux ans, nous avons abandonné l’idée que les spectateurs puissent tout voir ; il va falloir choisir ! » Philippe Ariagno a fait sa sélection en écumant les grands rendez-vous du théâtre de rue, notamment le festival de Chalonsur-Saône. L’été dernier, il a ainsi vu la prestation « très engagée, imagée, poétique » du slameur Arthur Ribo, champion du monde d’improvisation, et l’a invité. De même que les compagnies italiennes

Girovago e Rondella et Dromosofista. Leur Teatri mobili, petit théâtre ambulant, fera partie d’un projet que caressait le programmateur depuis un moment : créer un Village d’Entre-Sorts, ces petites formes à jauges limitées venues de la tradition saltimbanque. Situé dans le Parc de la Pépinière, près de la passerelle de la Blache, il comprendra aussi Avion papier, la caravane du Collectif La Méandre, « un magnifique univers à la Michel Gondry1 ».

Grands écarts artistiques « J’aime bien avoir un grand écart entre les propositions », s’amuse le directeur. À l’inverse des formats intimes, il a prévu des spectacles à très grande jauge, au-delà de 1500 personnes, tels que le Bal Trap de la Cie La Contrebande, numéro de voltige explosif, ou les 78 tours du Collectif La Meute, réalisés avec un des agrès les plus impressionnants de la panoplie circassienne, la « roue de la mort ». La variété se retrouve aussi au niveau des disciplines. L’édition 2019 voit le retour de la danse, absente l’an passé, avec la compagnie régionale NaïF Production (vue par Zibeline aux Hivernales d’Avignon, critiques à retrouver sur journalzibeline.fr). Ces trois artistes s’inspirent du hip-hop pour évoluer sur des jambes caoutchouteuses.

Plus discrète que l’énorme Lune qui avait enchanté les spectateurs du précédent festival, on retrouve une installation plastique, en accès libre tout le week-end : la boîte photographique d’Erwan Sito, conçue selon le principe de la camera obscura2, permettra de voir le monde à l’envers. Perdure également la présence d’œuvres plus politiques ou ironiques, avec un grain légèrement subversif qui participe du plaisir de Tous dehors (enfin) !. Ainsi de l’odyssée migratoire de Boate, du Cirque Rouage, « un moment très brut et touchant ». Ou de Tire-toi de mon herbe Bambi, par La cour singulière, histoire « à l’humour noir très étonnant » d’un couple qui s’installe à la campagne et perd ses illusions bucoliques, jusqu’à construire des miradors pour repousser la sauvagerie. En tout 17 spectacles pour 71 représentations dans les rues, places et parcs de Gap, en espérant que cette fois la pluie ne s’invite pas à la fête. GAËLLE CLOAREC 1 Réalisateur connu pour sa forte créativité visuelle et son sens du bricolage 2 Instrument d’optique connu depuis l’Antiquité, qui produit une image inversée

Tous dehors (enfin) ! 31 mai au 2 juin 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle-eu


La Criée 18/19

Théâtre national de Marseille Direction Macha Makeïeff

Jing Ke, Assassin De Mo Yan, Mise en scène Ren Ming

Du 23 au 25 mai Réservez ! 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Photo © Li Chun Guang

Le Théâtre de l’art du peuple de Pékin à La Criée !

CONCERT

SCENE55

À 20 H 30

BROKEN BACK YOUNG LOVE TOUR

BILLETTERIE SCENE55.FR // 04 92 92 55 67

© Wang Ziehping

LE 13 JUIN


24 événements

Printemps : collection masculine

First Trip © Pascale Cholette

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out a commencé bien avant le premier lever de rideau (Mont Vérité, la création hybride théâtre/danse de Pascal Rambert et Rachid Ouramdane) du Printemps des Comédiens. Dès la parution sur un site d’informations culturel montpelliérain (Lokko) d’un article passant sous silence l’énorme disparité entre hommes et femmes parmi les artistes invités. Une centaine d’artistEs ont signé un texte incisif et drôle, « La

Gueulante », publié sur les réseaux. C’est qu’il faut en effet « beaucoup d’humour pour encaisser chaque jour ce mépris. » Signé : Les fucking women fucking. Au chiffre accablant de moins d’un quart de femmes chez les chorégraphes et les metteur.e.s en scène dans la programmation 2019, Jean Varela, directeur du festival, en appelle au temps braudelien, ce temps long conceptualisé par l’historien Fernand Braudel. Belle référence,

qu’il convoque pour appuyer sa conception de l’engagement public, paquebot à piloter au long cours. Car si la question de la parité est au cœur de la réflexion actuelle, c’est plus précisément sur la problématique de l’égalité (d’accès à la culture, à la formation, des artistes entre un territoire et un autre...) qu’il concentre l’action de son équipe (dont il est d’ailleurs le seul homme avec le directeur technique). Opposé aux quotas, il sera toujours « plus attentif à instituer la parité, dès lors qu’on parle d’art ». Patience, donc... Temps long, aussi, dans la formation du public, qui peu à peu se familiarise avec des textes et des propositions scéniques qu’il n’aurait « pas pu proposer il y a 5 ans. » Les habitudes s’aiguisent, les femmes n’ont qu’à fourbir leurs armes pour la suite. Et tenir bon. Donc. On attend du beau monde au Domaine d’O. Julien Gosselin, qui après Les particules élémentaires (Houellebecq) ou 2666 (Bolano) adapte Le marteau et la faucille de Don DeLillo, extrait de son pantagruélique spectacle (Joueurs, Mao II, Les Noms) présenté à Avignon 2018. Frank Castorf pour la première française de son Don Juan, 4h30 de pure immersion théâtrale. Marcel Proust, avec Un instant, de Jean Bellorini, qui fait

Aimer la scène éperdument

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e Vitez accueille une fois de plus le Festival 3 jours et plus… qui réunit la fine fleur du jeune théâtre amateur, avec des spectacles créés dans les ateliers de théâtre amateur organisés par Pratik Teatr, l’association des étudiants en Arts de la scène d’Aix-Marseille Université, avec le concours du théâtre Antoine Vitez, d’Aix-Marseille Université et du Fonds de Solidarité et de Développement des Initiatives Étudiantes (FSDIE), plus deux spectacles invités. L’édition théâtrale est célébrée aussi : dans le cadre des soixante-dix ans de L’Arche Éditeur, maison qui soutient par ses publications le théâtre contemporain, le festival s’attache à programmer des œuvres de son catalogue. On écoutera les lectures des étudiants de la filière « écriture

dramatique » sous la fine direction de Sonia Chiambretto et Arnaud Maïsetti, sur des extraits de leurs pièces écrites tout au long de cette année. On goûtera leurs interprétations des grands classiques, La résistible © Eliot Mini ascension d’Arturo Ui de Brecht, La Cerisaie de Tchekhov, Histoire du tigre de Dario Fo, Son excellence de Naguib Mahfouz, Le suicidé de Nicolai Erdman (interdite durant la période soviétique, la pièce connaît enfin une reconnaissance mondiale)

ou encore Merlin ou la Terre dévastée de Tankred Dorst, récemment disparu. L’œuvre de l’étoile filante que fut Sarah Kane (1971-1999) est aussi abordée avec Manque. La jeune création trouve son


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se rencontrer la mémoire de l’écrivain et celle de la comédienne Hélène Patarot, qui nous livre ses souvenirs du Vietnam. Jérôme Deschamps réinvente la comédie ballet pour un Bourgeois gentilhomme baroque et festif, où il endossera les habits de M. Jourdain. Et... Isabelle Adjani, revenue au théâtre à l’invitation de Cyril Teste, d’après le scénario du chef-d’œuvre de Cassavetes, Opening Night. Des chouchous, aussi. Alain Béhar, qui continue son hallucinant voyage poétique, après ses magnifiques Vagabondes : La clairière du grand n’importe quoi promet un déluge de mots, un « récit géo-poétique ». Nicolas Oton (Machine Théâtre) adapte Crime et châtiment (Dostoïevski) avec le magnétique Frédéric Borie. Et terminons par une metteure en scène : Katia Ferreira (Le 5e quart), qui avait présenté une première étape lumineuse de son First trip (adaptation du Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides) au festival 2017 (lire journalzibeline.fr), revient avec la version finalisée de son incursion dans l’Amérique corsetée des années 70. Une, plus les 5 héroïnes du texte. Ça fait déjà 6 sacrées bonnes femmes. ANNA ZISMAN

Printemps des Comédiens 31 mai au 30 juin Domaine d’O et autres lieux, Montpellier 04 67 63 66 67 printempsdescomediens.com

épanouissement avec Je veux parler de la jeunesse qui tombe de Stéphanie Lupo, ou l’auteur confirmé qu’est Fabrice Melquiot dont on appréciera l’adaptation de Moby Dick, et la vision de Münchhausen ?. Le théâtre est ici vivant, accessible au plus grand nombre par la pratique ; les étudiants sont mis en scène par d’autres étudiants, les confrontant aux diverses facettes de cet art. Tout prend sens, depuis le choix collégial des pièces, le propos des dramaturges, à l’interprétation des acteurs et des metteurs en scène en herbe qui frottent le savoir universitaire à sa réalisation. Quelle fructueuse école ! MARYVONNE COLOMBANI

Pitchous, et prêts pour tout !

Marionnette de la Cie Anima Théâtre © X-D.R.

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esti’Pitchou, festival à la programmation alléchante, revient, pour la 11e année, enchanter les plus jeunes ! Durant toute la journée du 1er juin, le parc de Fontblanche se transforme en scène ouverte pour les enfants, y compris les tout-petits dès 9 mois. De 10h30 à 17h30 le parc et le théâtre alternent petites formes théâtrales et ateliers, et une déambulation de marionnettes concoctée par la Cie Anima Théâtre. Pour les plus petits (de 18 mois à 4 ans), place à la poésie et à la contemplation : la Cie Croqueti les emmène sur la lune, avec le gourmand Léonard qui la croque tellement qu’il ne reste plus qu’un croissant… et c’est la dégringolade ! Y remontera-t-il grâce aux nuages ? ; avec la Cie Fée d’hiver l’air et l’eau les guideront dans la plus tendre des rêveries : souffles et chuchotements, légers et fragiles, comme ces éléments… Pour les plus grands (dès 5 ans), place au cirque et à la danse : La Mondiale Générale annonce un Sabordage à l’équilibre précaire et absurde ! Perchés, et penchés, sur des poutres de bois de différentes tailles, quatre acrobates harmoniseront leurs pas hésitants pour faire face au déséquilibre ambiant ; puis place à la danse festive avec le Bal hip hop proposé par la Cie 6e dimension, sans préparation particulière et ouvert à tous. Nombreux, les ateliers proposent de construire images et coloriages, des impressions textiles en s’inspirant du monde végétal, du dessin et de l’écriture autour de la BD, une initiation à la philo, une réalisation audiovisuelle à travers la pratique du Pocket-Film, l’approche de la harpe, des percussions et du violoncelle… Enfin, le cinéma (Les Lumières) n’est pas en reste, avec une programmation spéciale « jeunes » les 1er et 2 juin : Liz et l’Oiseau Bleu, de Naoko Yamada (dès 6 ans), Les ritournelles de la chouette de Anaïs Sorrentino et Frits Standaert (dès 3 ans) et deux avant-premières (les films ne sortiront qu’en octobre), Jacob et les chiens qui parlent de Edmunds Jansons (dès 6 ans) et Loups tendres et loufoques, 6 courts métrages dès 3 ans. DO.M.

Festival 3 jours et plus… 28 mai au 1er juin Théâtre Vitez, Aix-en Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

Festi'Pitchou 1er juin Domaine de Fontblanche, Vitrolles 04 42 77 90 00 vitrolles13.fr


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Valencia, l’internationale Granados... (Bibliothèque Méjanes). La Librairie Maupetit accueillera le 4e épisode du périple : la France, lors d’une conférence-débat faisant le bilan de « 80 ans d’exil républicain espagnol en France ». Et tout finira par un « Week-end à la plage » (1er & 2 juin), avec « La Nuit du fantastique » au cinéma Le Prado, puis « La FrichePlage » (gouter-conte, ateliers de dégustation, leçon de paella...) et, ultime étape, le concert de Sole Giménez au Toursky. ANNA ZISMAN

Compagnie Rassegna © Chris Boyer

CultureS D’Espagne 22 mai au 2 juin Divers lieux, Marseille et Aix horizontesdelsur.fr

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oujours plus active à se faire l’écho d’une richesse culturelle métissée, à renforcer le lien entre Marseille et une Espagne multiple, l’association Horizontes del Sur avait pris un nouveau virage l’an dernier, orientant son événement L’Espagne des trois cultures à davantage de pluralité. Désormais, CultureS D’Espagne se concentre chaque printemps sur une communauté autonome hispanique. Après l’Andalousie en 2018, le voyage continue vers Valence. Attentives à l’actualité culturelle marseillaise, les deux directrices Marian Herrero Inglés et Jocelyne Faessel déclinent une programmation en lien avec le gastronomie, thème de l’année dans la capitale phocéenne. Le périple sera sinueux, s’arrêtant ici et là, puisque oui, la communauté valencienne a essaimé bien au-delà de la péninsule. Coup d’envoi (22 au 25 mai, à l’Institut Culturel Italien, au Conservatoire national de région et au théâtre Toursky) au Sud de l’Italie, celle des Borgia, lorsque Valencia, Naples et la Sicile appartenaient à la Couronne d’Aragon, favorisant ainsi les échanges : conférences (Raffaele Ruggiero, professeur à l’université Aix-Marseille, Benito Pelegrin spécialiste de musique baroque, puis Bernard et Christiane Bessière qui aborderont la question du transculturalisme à travers la peinture de José de Ribera, artiste du XVIe s) ; soirée cabaret italo-espagnol avec La Compagnie Rassegna ; concert de musiques anciennes aux notes croisées entre les deux pays sous la direction de Christine Lecoin ; et, lors de la Faites de la Fraternité au Toursky (lire ci-joint), des danses traditionnelles et un dîner valencien en fanfare. Deuxième étape (26 mai) : Marseille, dans le cadre des Dimanches de la Canebière (Mercadillo, fanfare, exposition photos, cinéma pour enfants avec la projection de La légende du Cid en VOSTF, et soirée dansante avec la banda San Fulgencio). Les 28 et 29 mai, on ira aux États-Unis, rencontrer « Ces valenciens qui ont fait rayonner l’Espagne » : conférence sur le peintre Sorolla (Virginie Giuliana, à la Vieille Charité), concert par le pianiste Frédéric Isoletta qui interprétera des pièces des grands compositeurs espagnols, Manuel de Falla,

Fraternité en actes au

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a 4e édition de Faites de la Fraternité au théâtre Toursky s’ouvre sur Mawlana, pièce de la compagnie la Scène Manasa, jouée et mise en scène par Nawar Bulbul. En un captivant monologue (en arabe, surtitré en français), l’acteur et dramaturge campe le personnage de Abed, fils de l’administrateur de la Mosquée d’un quartier populaire de Damas. Sa rencontre avec Oman, artiste peintre le confronte au carcan des interdits, et le pousse à se réinventer : une lecture puissante des radicalisations des êtres et des sociétés, véritable pamphlet théâtral venu de Syrie contre les dictatures… La participation des familles et des enfants du quartier sera encore plus forte cette année avec des ateliers divers (sensibilisation aux gestes éco-responsables, calligraphie, céramique, yoga, rire, premiers secours et danse, avec Léa Canu-Ginoux), et Mawlana © X-D.R


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Symphonies pastorales

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epuis 2007, Musique à la Ferme amène la musique classique au cœur de la campagne provençale. À l’initiative du pianiste Jérémie Honnoré, le festival prend soin de mettre en avant la création contemporaine et de transmettre le goût de la musique aux scolaires locaux. Des concerts seront programmés tous les soirs, du 28 mai au 9 juin. C’est dans la chèvrerie de la famille Honnoré, à Lançon-Provence, que se tiendront la plupart des représentations. Le 29 à 20h30, le trio Hélios interprètera Light and Matter de Kaija Saariaho, Haydn et Brahms. Le lendemain, à 20h30, le quatuor composé de Johanne Cassar, Jérémie Maillard, Guilhem Fabre et du ténor Jean-Christophe Born mêlera zarzuelas, tangos et musique classique pour un programme Un Quatuor Les Anches Hantées © Masha Mosconi

Toursky la gratuité de toutes les manifestations (sauf les spectacles du soir). Outre le Café littéraire avec le Forum Femmes Méditerranée, le concert voix-piano d’après le recueil de poèmes Sans frontières fixes de Jean-Pierre Siméon sur la musique de Lionel Ginoux, les performances du CLAMS (Collectif des Artistes Lyriques et Musiciens pour la Solidarité qui a créé des liens avec le Toursky lors du concert de solidarité pour la rue d’Aubagne) avec le baryton Mikhael Piccone et Marion Liotard au piano, les courts-métrages documentaires des élèves du Lycée Saint-Charles sur la thématique de la fraternité et la solidarité au quotidien (projection suivie d’un échange animé par Stéphane Rio), un grand débat sur la fraternité et la laïcité qui réunira l’économiste Philippe Langevin, Esther Fouchier fondatrice du FFM, Frédéric Rosmini, Président de la Fédération Léo Lagrange, Richard Martin, et Jean-Pierre Lanfrey, Président du Relais des Possibles. Une pointe d’Espagne s’immisce dans la fête grâce à Horizontes del Sur (lire ci-contre), et au nouveau concert de Cristina Rosmini, consacré à une Méditerranée poétique… Et bien d’autres surprises, dont gustatives, sont au programme !

été latin. Le 31, le Quatuor Arod reprendra la structure du concert de l’avant-veille avec une création contemporaine (Al’Asr de Benjamin Attahir, inspiré des musiques du ProcheOrient) ainsi que deux œuvres de Brahms et Haydn. Le 1er juin se tiendra un récital jonglé : les prouesses de Renaud Roué répondront aux œuvres interprétées au piano par David Bismuth et Maxime Zecchni, tantôt d’une main, tantôt à quatre… Au programme du concert, l’on retrouvera notamment Schubert, Beethoven, et des extraits de West Side Story. Le 5, le quatuor de clarinettistes Les Anches Hantées offrira un concept original : sur le principe du bis, le public choisira ou devinera les morceaux (re)joués par les musiciens en dix années de carrière. Le 6, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand fera dialoguer la pièce In Memoriam de Pascal Amoyel et trois Suites pour violoncelle seul de Bach. Le lendemain soir, le violoniste Dmitry Smirnov, accompagné du pianiste Marco Scilironi, interprètera Autumn Rhythm de la jeune compositrice Camille Pépin, mais également des œuvres de Bartok, Debussy et Milhaud. Le 8, la soprano Amélie Raison et un trio issu de l’Académie Philippe Jaroussky interprèteront un programme éclectique qui réunira Debussy, Berlioz et Saint-Saëns. Le 9, le festival se refermera sur le duo Thomas Enhco/Vassilena Serafimova : au piano et au marimba, ils feront entendre une nouvelle interprétation de grandes œuvres de Bach, avec notamment une improvisation sur la célèbre Chaconne. Des évènements gratuits seront également programmés : les enfants des écoles de Lançon chanteront en ouverture du festival le 28 mai à 17h30 sur la place du Champ de Mars ; les élèves du lycée Adam de Craponne joueront la pièce Les Amours du Poète au Théâtre Armand de Salon-de-Provence, accompagnés de Jérémie Honnoré ; ils se produiront dans la cour de leur lycée le 4 juin à 19h pour un concert « Raconte-moi un salon ». Enfin, le 2 juin aura lieu le concert des bénévoles à la Chèvrerie Honnoré, en hommage aux co-fondateurs du festival. Tout au long du festival, la convivialité culinaire du terroir sera au rendez-vous avec la présence de food trucks dans la Chèvrerie et des dégustations de produits locaux. PAUL CANESSA

MARYVONNE COLOMBANI

Faites de la Fraternité 24 & 25 mai Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

Musique à la ferme 28 mai au 2 juin Divers lieux, Lançon-Provence et Salon-de-Provence musiquealaferme.com


28 événements

Le Bon Air : reçu 5 sur 5

C

’est désormais, après seulement trois éditions, le grand rendez-vous électro marseillais. Parce qu’on y entend et danse les meilleurs sons du moment, qu’on y découvre ceux qu’on aimera demain, qu’on y retrouve les figures locales, mais aussi, et c’est loin d’être un détail, parce que le, les lieux, sont tout simplement fantastiques. Décliné cette année en cinq espaces à la Friche, Le Bon Air offre une façon particulière d’occuper la ville : en plein cœur de la cité, s’étourdir de lumière et de musique, c’est une sorte d’exception dans un domaine où souvent ce type de rassemblement est organisé loin, très loin de nos cœurs urbains. Le public est alors plus mélangé, on y vient avec enfants, on passe après l’apéro, « pour voir », ou on s’y plonge avec la ferveur qui baigne habituellement ces festivals. Underground et presque mainstream se mixent sans tralalas, et c’est peut-être

fera son premier set (froid, torturé, passionnant) marseillais. Sombre elle aussi, l’Allemande Lena Willikens nous emmènera loin, dans un voyage à la destination inconnue. Il reviendra au marseillais Moteka d’inaugurer La Warehouse. Encore ? Il y aura Goldie (Grande-Bre© Jonathan Livingston tagne) un presque vieux de l’un des aspects les plus plaisants du Bon la vieille, roi de la bass music à l’irrésisAir. Outre les deux salles de La Ballroom, tible vibe, l’Américain Kerri Chandler, dédiées au théâtre toute l’année et spé- estampillé comme l’un des fondateurs de cifiquement scénographiées pour l’évé- la house... Jusqu’à ce que sonne l’heure nement, La Boîte (étrennée l’an dernier), de La Récré (pour les enfants et leurs l’extraordinaire toit terrasse (8000 m2 !) parents) : ateliers, djs sets, stands de et la Boule à facette installée cette année prévention, ventes de plantes... ANNA ZISMAN sous le module du GMEM, cette quatrième édition investit un nouveau lieu : La Warehouse, si bien équipée qu’elle pourrait bien devenir l’un des meilleurs Le Bon Air spots de l’Hexagone. 24 au 26 mai Ce sont plus de 45 artistes qui incarneront Friche de la Belle de Mai, Marseille le line up cette fois-ci : plus de 30 heures lafriche.org d’électro en un week-end. Manu le Malin le-bon-air.com

Le Var prend des Couleurs urbaines Le festival déploie sa 11e édition avec Alpha Blondy en tête d’affiche

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AM, Keny Arkana, Oxmo Puccino, Assassin, Idir, Khaled, Zebda, Salif Keita, Amadou et Mariam, Steel Pulse, Massilia Sound System, Big Flo et Oli, Watcha Clan, Romeo Elvis, Le Peuple de l’herbe… Suzane © Pierre Florent

Depuis 2009, la crème des musiques du monde et actuelles a forgé son caractère bien trempé à Couleurs urbaines, festival animé par des valeurs citoyennes et de solidarité. Loin des clichés sur la côte varoise, un public jeune et populaire célèbre avec ferveur le culte de la diversité, via les différents courants de la culture urbaine. Rap et reggae se font la part belle dans une programmation aussi bien tournée vers les artistes à dimension internationale que vers les talents émergents. Ce n’est pas la première fois qu’Alpha Blondy est invité au festival, puisque le reggae man ivoirien y était accueilli dès la deuxième édition en 2010. Depuis, la musique jamaïcaine a été inscrite au patrimoine culturel immatériel mondial par l’Unesco et une nouvelle génération de musiciens a fait ses preuves. Mais l’interprète de Brigadier Sabari, Jerusalem ou encore Sweet Fanta Diallo reste une référence du genre. Parmi ses héritiers, Vanupié, chanteur et guitariste qui a fait ses classes dans

le métro de Paris. Le reggae fait aussi partie des influences du duo Iseo & Dodosound, accompagné sur scène par la section cuivre des Basques de The Mousehunters. La chanteuse et le DJ au son dub explorent d’autres territoires tels que la pop, la soul ou le trip-hop. À découvrir également le collectif L’Entourloop, Kanka et Taiwan MC. Comme entrée en matière, notre coup de cœur, l’Avignonnaise Suzane, synthèse entre Stromae et Christine and the Queens, qui a fait sensation à la dernière édition du festival Avec le temps, à Marseille (lire Zibeline n°27). Qui plus est, cette première soirée est gratuite. L.T.

Couleurs urbaines 28 mai au 2 juin Divers lieux, Toulon et La-Seyne-sur-Mer festival-couleursurbaines.com


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Tinals choisit l’éthique Le festival indépendant nîmois ne prend pas l’Ascension au pied de la lettre

ni le ronron ni le train-train, nous avons cherché d’autres moyens de se déplacer dans l’espace en privilégiant la proximité entre public et artistes. Nous revenons par exemple aux lives dans le club. La love room est recrée à l’extérieur, dans une sorte d’arène en palette de bois au sein d’un espace de verdure. Delgres © X-D.R

Dirty Projectors © Jason Frank Rothenberg

Lou Doillon © Craig Mcdean

Warm Drag © Mark Champion

Haldous Halding © Clare Shilland

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randir pour grandir ? Pourquoi ? Pour qui ? This is not a love song (Tinals) a choisi de ne pas vendre son âme. Une décision saine et rare dans le milieu des musiques actuelles. Entretien avec Fred Jumel, directeur de Paloma, la Smac qui accueille et coorganise l’événement. Zibeline : Quel esprit guide cette 7e édition du Tinals ? Fred Jumel : Depuis la naissance du festival, on s’interroge chaque année sur sa pérennité. On n’a cessé de jouer aux équilibristes entre les têtes d’affiche et des artistes plus confidentiels. Mais d’année en année, on a été pris dans l’engrenage de la surenchère en invitant des artistes aux exigences techniques qui ne nous correspondent pas. Alors on s’est demandé quel sens ça avait et pourquoi continuer à ce rythme-là. On a voulu revenir sur la notion qui a prévalu à la création du festival, c’est-à-dire l’envie de s’amuser à le faire et la prise de plaisir que nous ne nous retrouvions plus dans les gros événements. Nous avons donc décidé de nous reconcentrer sur les fondamentaux. À commencer par notre indépendance mais aussi la découverte, en programmant des artistes pas forcément connus même s’ils peuvent être très attendus par certains publics. Que signifie être un festival indépendant aujourd’hui ?

It It Anita © Gert-Jan De Baets

C’est ne pas tomber dans cette logique de répondre au marché en lui préférant la logique du coup de cœur. Et c’est la diversité des coups de cœur et des références de chaque membre de l’équipe qui permet de proposer des artistes rares et authentiques. Vous avez baissé vos tarifs. Ça aussi, c’est plutôt rare... On avait dû auparavant les augmenter pour payer les coûts supplémentaires entraînés par la programmation d’artistes qui revenaient plus chers mais qui n’attiraient pas forcément plus de monde. Les prix des billets connaissent une véritable inflation qui exclut de fait une partie des gens. Pour cette édition, on les a baissés et il y a plus de location que l’an dernier à la même époque. Le public ne vient pas forcément voir un groupe à forte notoriété. Chez nous, il prend un forfait trois jours même s’il ne connaît pas entre 20 et 30% de la programmation. Quelles sont les nouveautés ? Nous aurons autant de groupes, autant de scènes et toujours trois après-midis gratuites. Mais comme nous n’aimons

Nous créons un espace extérieur baptisé El barrio, une sorte de village qui accueillera des ateliers mais aussi des débats et des conférences. Pourquoi des conférences ? Nous avons flirté avec cette société de l’accélération où la seule direction possible reste la croissance. Nous voulons prendre le temps de réfléchir autour de la question de l’indépendance en 2019. Dans la musique bien sûr, mais aussi dans la littérature, l’économie… Avec celles et ceux qui inventent et créent en s’émancipant des contraintes sociales et économiques. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Au programme 30 mai : Aldous Harding, Built to Spill, Black Midi, Caroline Rose, Chai, Channel Tres, Fat White Family, The Inspector Cluzo, Kurt Vile & the Violators, Men I Trust, The Messthetics, Mick Strauss, The Nude Party, Rhino, Ron Gallo, Shellac, Le Superhomard, Wallows. 31 mai : Big Thief, Boy Pablo, Courtney Barnett, Dâm-Funk, Delgres, DTSQ, It It Anita, James Blake, Jpegmafia, Lizzo, Lou Doillon, Methyl Ethel, Mick Strauss, Off the Wagon, OPTM, Poutre, Rico Nasty, Stephen Malkmus & the Jicks, Tomberlin, Yaeji. 1er juin : Cola Boyy, Dirty Projectors, Fontaines DC, Genesis Owusu, Jim Younger’s Spirit, Johnny Mafia, Low, Mick Strauss, Mormor, Pinky Pinky, Prettiest Eyes, Rendez-Vous, Rinocerose, Rocky Controlo, Scarlxrd, Shame, Shonen Knife, Warm Drag, Wednesday Campanella Festival This is not a love song 30 mai au 1er juin Paloma, Nîmes thisisnotalovesong.fr


30 événements

Avant l’électricité En attendant de retrouver les salles d’exposition de ses granges, en cours de rénovation pour permettre un accès à tous les publics, le Musée de Salagon propose une nouvelle exposition temporaire intimiste qui décline en trois salles ce qu’était l’Intérieur paysan bas-alpin avant l’électricité de « finasserie », la couleur était un luxe ! On imagine tout un monde, femmes aux jupes rembourrées contre le froid, avec leurs bas tricotés maison, leurs bonnets de dentelle (pour le dimanche, sinon un fichu suffit au quotidien. N’oublions pas que la femme « en cheveux » était peu considérée !), et leurs poches jamais cousues sur les vêtements, mais accrochées aux ceintures ; les hommes et leurs grandes chemises blanches en train de préparer leurs cartouches pour aller à la chasse (comme elles se réemploient, on les ramasse)… Le furet (de la famille des mustélidés comme la Zibeline, ndlr) est élevé pour la chasse, et dispose d’une petite cage… ». Intérieur paysan, exposition à Salagon. Furet (famille des Zibelines) © MC

De l’ethnographie à l’archéologie « Il s’agit non d’une reconstitution, mais d’une évocation servie par la scénographie en épure de Fanny Lavergne, sourit Isabelle Daban-dal Canto, conservatrice du Musée de Salagon. Nous sortons une nouvelle fois les collections de nos réserves afin de montrer un passé qui nous est proche, mais cependant déjà empli d’obscurités. Nous ne pouvons que constater les ruptures à travers cette évocation du fonctionnement d’une maison paysanne « d’avant l’électricité ». Ici, nous pouvons remarquer que nous venons d’une autre société, même si seulement deux générations (environ soixante-dix ans) nous en séparent. La documentation manque aux pièces des collections, parfois seule la mention de la décharge où elles ont été trouvées est mentionnée, mais rien quant à leur datation, à leur origine géographique, à leurs propriétaires… Les témoins directs disparaissent, nous sommes obligés d’avoir recours aux sources livresques, d’où la nécessité urgente de documenter : les objets changent de statut, deviennent les témoignages de quelque chose qui a

totalement disparu aujourd’hui ; l’ethnographie laisse place à l’archéologie avec ses doutes, ses problèmes d’interprétation, ses zones d’ombre… »

Un quotidien à imaginer « Rares sont les produits achetés au magasin ! Tout ou presque est fabriqué à la maison. Certes, le « Fly-tox » (on ne cesse de lutter contre les insectes qui envahissent les pièces et menacent les provisions de bouche) a été acheté, le café en grains aussi, que l’on va torréfier dans la cuisine, puis moudre… L’on peut noter l’arrivée des horloges dans tous les intérieurs dès le XIXe siècle : curiosité chez des gens qui continuent à vivre selon un rythme cyclique. La chambre est aussi un grenier, contient les réserves de nourriture qui jouxtent le lit et l’armoire emplie du linge qui provient en grande partie du trousseau que la mariée a confectionné durant les années qui ont précédé ses noces. Le chanvre des tissus a été cultivé à la maison avant d’être filé puis tissé… La scénographe nous a demandé des tissus de couleurs pour animer la pièce, mais il a été très difficile de trouver quelques exemplaires teints : pas

Une pauvreté ingénieuse « Tout se fabrique, depuis les cartouches aux ustensiles que l’on répare, bricole : un verre à pied cassé trouvera une nouvelle assise dans un couvercle et son pied cassé se transforme en porte-manteau… La solde de la guerre servira à ramener de Lorraine un soc de charrue. Les animaux de la ferme vivent avec les hommes. On se tient chaud. Dans ce milieu très empreint de religion subsistent les croyances animistes, la joubarbe (Barbe de Jupiter) est censée protéger de la foudre et sera plantée sur les toits, la carline à feuilles d’acanthe, clouée aux portes des granges et des maisons, mettra en déroute les créatures néfastes de la nuit… On a même un phallus en forme de tabatière pris dans la maçonnerie d’un linteau de porte, afin de favoriser la fécondité de la demeure… ». Une exposition dense à la scénographie aérée et d’une fine pertinence à découvrir absolument ! MARYVONNE COLOMBANI

Intérieur Paysan 6 avril au 15 décembre Musée de Salagon, Mane (04) 04 92 75 70 50 musee-de-salagon.com


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Par-delà nature et culture L

beaux jours ! (lire p 15 à 18). Une rencontre animée par la journaliste Sophie Joubert, où ils croiseront leurs points de vue sur l’écologie des relations entre humains et non-humains. L’occasion pour le public marseillais, toujours friand, de leur poser des questions sur le dernier rapport scientifique de l’IPBES, le « GIEC de la biodiversité », publié récemment. Les 130 pays membres réunis à Paris début mai ont préconisé un « plus grand respect et une plus grande reconnaissance des droits, des institutions et des systèmes de connaissances des peuples autochtones et des communautés locales qui offrent d’importantes possibilités de faciliter la conservation de la nature et l’apport de la nature à la société en général ». Il est temps de décréter l’urgence absolue face à l’érosion du vivant, terriblement mis en danger par le système capitaliste. Pour contrer les politiques de Donald Trump ou Jair Bolsonaro, on aura besoin de toutes les intelligences. Celles des indiens d’Amazonie, qui luttent au quotidien au péril de leur vie, celles d’Alessandro Pignocchi et Philippe Descola, et les nôtres. Précisons que, grâce au concours des Bibliothèques de Marseille, les conférences Grand Format programmées par Opera Mundi à la BMVR Alcazar sont désormais traduites simultanément en langue des signes.

e cycle de conférences orchestré par Opera Mundi s’intitulait cette année De la Terre, ses récits et ses usages. Il était prévu qu’il s’achève le 1er juin, mais il est amené à se prolonger durant l’été et à la rentrée, sous d’autres formes. Par exemple à l’occasion d’un partenariat avec le Bureau des Guides, de mi-juin à début juillet, pour des conversations marchées sur les rives de l’Étang de Berre (en compagnie notamment d’Augustin Berque et Véronique Mure), ou lors du premier Festival de l’EHESS qui aura lieu le dernier week-end de septembre. D’ici là, trois rendez-vous marqueront le printemps, avec la venue de deux penseurs de la nature, Alessandro Pignocchi et Philippe Descola. Le premier, plus jeune, a suivi les traces de son aîné en Amazonie, dans des communautés Jivaros, où il a puisé l’inspiration de bandes dessinées « anthropologiques ». Le second n’est plus à présenter, étant le digne successeur de Claude Lévi-Strauss au Collège de France. Chacun donnera une conférence, d’abord Alessandro Pignocchi à Vitrolles, puis Philippe Descola à Marseille. Entre ces deux exercices en solo, les deux hommes Ales échangeront au Musée d’Histoire de Marsandr o Pignocchi c X-D.R. seille, dans le cadre du festival littéraire Oh les

GAËLLE CLOAREC

L’anthropologue Philippe Descola avait accordé à la WebRadio Zibeline un Grand entretien en 2017, à écouter sur journalzibeline.fr

Apprendre à penser par-delà nature et culture Conférence d’Alessandro Pignocchi (+ Apéro Mundi) 21 mai Médiathèque La Passerelle, Vitrolles 04 42 77 90 40 Rencontre avec Alessandro Pignocchi et Philippe Descola 31 mai Musée d’Histoire de Marseille Cosmopolitiques de la Terre Conférence de Philippe Descola 1er juin BMVR Alcazar, Marseille (+ Apéro Mundi)

Phi lipp e De ard scola © C. Hélie - Gallim

07 82 41 11 84 opera-mundi.org


32 critiques spectacles

My Taylor is weird

D

rôle de projet que celui de Guillaume Mika. Le jeune metteur en scène, directeur de la compagnie toulonnaise Des Trous dans la tête, a écrit une « rêverie poétique » autour de Frédéric Winslow Taylor, l’inventeur du

de l’inventeur de la déshumanisation du travail industriel, ce qui suit se situe bizarrement dans un passé de fiction empruntant beaucoup à notre présent. Fred, c’est à dire une incarnation de Taylor qui ressemblerait à un Harry Potter insomniaque, y mène des recherches absurdes sur le cinématographe, la matière volatile et la décomposition du mouvement d’un cycliste. Avec son acolyte ils jouent aux fléchettes dans des pauses potaches au cœur d’une recherche d’on ne sait quoi. Puis survient une femme, bizarre, se comportant comme un robot, qui va briser l’entente des deux copains. Fred, devenu © Jean-Pierre Estournet tyrannique, exploitera son parmanagement scientifique et du travail tenaire et inventera, grâce à la Belle aux à la chaîne. La Flèche, ainsi nommée gestes mécaniques dépourvue d’affects, d’après le surnom de Taylor, n’a pour- la segmentation du travail. tant rien d’un biopic. Si le prologue nous Du moins, c’est ce que semble raconplonge dans une biographie accélérée ter la pièce, confuse, superposant sans

cesse les allusions astronomiques et anthropologiques. Les trois comédiens ont un talent certain mais ne semblent pas comprendre vraiment ce qu’ils jouent. Une machine, low tech, dispense sa fumée inutile au centre du plateau, et sa mécanique dégage une poésie certaine, qui n’empêche pas le malaise. D’une part parce que le personnage féminin, qui porte la discorde, est décidément agaçant, et d’autre part parce que le Taylorisme et ses ravages apparaissent comme le rêve d’un doux ahuri irresponsable. Qu’a voulu dire Guillaume Mika ? Sans doute trop de choses à la fois, qui débouchent sur un vide de sens. Prometteur, cependant : la direction d’acteurs et la scénographie sont sans conteste maîtrisés, si le propos échappe. AGNÈS FRESCHEL

La Flèche a été créé au Théâtre de la Joliette du 10 au 14 mai, à Marseille

Conférence méta-pataphysique

L

’accueillante salle du Daki Ling était archi complète pour la soirée d’ouverture du 14e Tendance clown. Un caïd des arts de la rue s’y livrait à un exercice vertigineux : sous la perruque blond cendré d’Olaph Nichte, Arnaud Aymard s’adonnait à une conférence de Global Physique, soit l’astrophysique du quotidien, balayant des thèmes aussi divers que le Big Bang ou la dépression. Comme toujours avec le comédien soliste, le sujet n’est pas au cœur des préoccupations. Au fil de ses avatars, il a embrassé un large spectre d’univers : l’amour univer- © Sophie Cousin sel avec Paco chante la paix, l’introspection gothique avec Perceval, l’épopée avec l’Oiseau bleu ou Canoan, mais aussi l’état du monde, aux côtés de Fred Tousch et Laurent Petit (Le Cabaret Philosophique, qui se reforme en juin prochain pour Les Invites de Villeurbanne). Accompagné d’un acolyte

musicien féru de Jean-Michel Jarre, il se pare cette fois des attributs du savant brumeux : la craie, le tableau noir et les irrésistibles mimiques de l’orateur hésitant devant son auditoire. Mais il ne s’agit

pas simplement de singer le scientifique ni de simuler la gaffe : Arnaud Aymard a son jeu à lui, un indescriptible tourbillon, une spirale qui aspire littéralement le spectateur, parfois lancinante, souvent irrésistible, emplie de fulgurances, de fausses hésitations et de poétiques

digressions. La trame, indescriptible, tient tant de Schopenhauer, d’Heidegger et de Spinoza que du chanteur Renaud, des kangourous ou des meuleuses… Jamais la même ni vraiment une autre, la prose du comédien fonctionne en cohésion totale avec l’énergie que lui renvoie son public. Avec des spectateurs acquis à la cause du clown contemporain, la conférence prit ce soir-là des allures de marathon : 2h au cordeau, truffées d’instants suspendus, de grands pleins et de quelques déliés. Tout le monde en est ressorti sonné, mais avec la stupéfiante impression d’avoir, quasiment à son insu, appris des choses. JULIE BORDENAVE

Olaph Nichte se jouait le 10 mai au Daki Ling dans le cadre de Tendance clown, Marseille


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La souris Cabotine

D

amien Bouvet seul en scène, avec ses pantoufles bleues, sa chemise de nuit rose, sa robe de chambre et ses sourcils amovibles à forte pilosité, les « lumouttes ». Seul ? Non ! La souris Cabotine, marionnette qui porte bien son nom, est à ses côtés. Le soir venu, c’est l’heure de se coucher : il lui lit des histoires, merveilleusement bien, mais cela ne suffit pas à endormir la coquine bestiole, qui a rongé les livres comme si c’était du fromage. Alors il met le paquet, à la grande joie des petits spectateurs. « C’est une peste, mais je l’aime, je l’aime, je l’aime ! » déclare-t-il à la volée. Le comédien imite les ronflements d’éléphants, un grizzly qui grogne et la voix d’une puce, utilise avec ingéniosité les trous creusés dans les pages et les couvertures, qui deviennent tour à tour la terrible gueule du loup, ou bien le tendre cœur d’une fleur. On sent qu’il y a du clown en lui, rodé par des années de pratique : nez

jeunes enfants, hilares, aussi bien que par les adultes accompagnateurs. « Lire, c’est être en action », a coutume de dire l’artiste, un adage résolument mis en pratique par le corps, la voix, la manipulation d’objets. Très vite, il s’emballe, dépassé par son propre désordre, et le spectacle connaît une apothéose, orgie de lettres et des pages mélangées, dans un langage inventé comme le font les gosses. Le grand humain, pourtant censé encadrer le rituel du coucher, est aussi foutraque que la petite souris. D’ailleurs, Cabotine, où est-elle ? Chut, elle s’est enfin endormie ! Il invite à applaudir du bout des doigts, pour ne pas la réveiller, et c’est une sortie magique. GAËLLE CLOAREC © Philippe Cibille

rouge ou pas, Damien Bouvet s’adresse à son public avec une franche camaraderie, perçue candidement par les tout

Lilelalolu, Cie Voix Off, texte et mise en scène Ivan Grinberg, s’est joué du 28 au 30 avril au théâtre Massalia, Marseille

Des vertus de la désobéissance

L

a petite Maia et sa grand-mère entrent en scène, l’une rouspétant, l’autre incitant la première à la patience. Le village dans lequel elles habitent est désert, l’usine a fermé, les gens sont partis,

par les dangers que pourrait courir sa petite-fille, s’y oppose catégoriquement. Maia enfreint les recommandations de prudence et part à l’aventure, rencontre des gens bien étranges, figés dans leur discours monolithique… C’est en regardant par une faille du mur que la petite fille rencontrera Elias, un petit garçon animé de la même curiosité et qui vit de l’autre côté… La troupe des Mille Tours, costumée par Aurélie Guermonprez et mise en scène par Guy Simon, s’en donne à cœur joie dans un décor mobile et poétique (Tout un monde) conçu par Sonia Mikowsky. Sur le plateau, Aurélie Lillo (Maia) et Anouck Couvrat (tous les autres rôles, et à la direction artistique) apportent toute la © Loïc Larrouzé fraîcheur de leur jeu à leurs perabandonnant des lieux qui furent heu- sonnages, leur accordant d’emblée une reux et prospères. Désormais, un mur épaisseur humaine. Les dialogues savent opaque les sépare du reste du monde. se mouler dans une langue poétique et L’enfant voudrait bien aller voir ce qu’il y profonde, qui nous montre que les murs, a de l’autre côté, mais sa mémé, effrayée quels qu’ils soient, ne sont jamais qu’un

assemblage de petits cailloux et que la curiosité et la désobéissance ont parfois du bon… Ces deux qualités ne sont-elles pas le moteur de toutes les histoires ? La transgression s’avère nécessaire, voire salutaire, la confrontation au monde enrichissante. Savoirs et émotions se construisent par et avec l’autre. La découverte de l’ailleurs est porteuse de joie. Le village revit, grâce à l’effondrement du mur, les couleurs reviennent, les goûts se multiplient… Fin des uniformes et insipides plats d’autrefois ! La musique de Roman Gigoi souligne avec justesse et malice parfois les mots et les gestes, dans les belles lumières de Loïc Virlogeux. Le silence attentif et concentré du public enfantin témoigna « éloquemment » de la qualité de cette création ! MARYVONNE COLOMBANI

Tout un monde a été joué le 30 avril au Théâtre Comoedia, Aubagne


34 critiques spectacles

Théâtre athlétique

«V

oici l’histoire de l’homme qui va l’inventeur de la course fractionnée, c’est courir le plus vite sur terre »… lui, et le sprint final aussi ! Thierry RoThierry Romanens, vêtu d’un manens, accompagné avec une virtuojogging des années 50, brandit le livre de sité complice par le trio de jazz Format Jean Echenoz, Courir. Ce court roman s’attache à raconter la vie de la « locomotive tchèque », Emil Zatopek (1922-2000), la tissant avec les remuements du monde, montée du nazisme, guerre, emprise des pays communistes, rideau de fer, espoirs avortés du printemps de Prague, mais aussi avec une histoire du sport, son évolution, ses utilisations politiques. Le jeune homme timide © Mercedes Riedy et modeste, employé dans l’usine de chaussures Bata de Zlín, après sa A’3, Alexis Gfeller (piano), Fabien Separticipation « forcée » à la Course à tra- villa (contrebasse), Patrick Dufresne vers Zlín organisée par son entreprise, (batterie et effets électroniques), nous où il arrive deuxième, prend goût à la fait entrer dans cette épopée solitaire où course. Il s’entraîne, seul, trouve peu à l’effort personnel, le dépassement de soi, peu ses propres techniques, lit les di- la persévérance sont portés au plus haut verses méthodes, peaufine la sienne… degré : Zatopek, à la course inclassable

et grimaçante, travaille tout le temps, dépassant la douleur, repoussant sans cesse les limites. « Rien qu’en s’entraînant, Emil aura couru trois fois le tour de la Terre ». On assiste dans un rythme époustouflant à l’éclosion du héros des stades. Le comédien, athlète en scène, court, infatigable lui aussi, dessine finement les personnages, joue sur les frontières, entre incarnation et récit distancié, accorde au texte le souffle d’une performance poétique où le chant ourle le sens d’émotions puissantes, accorde à l’histoire son souffle épique et tragique : le spectre de la dictature enserre dans son étau toute velléité de parole libre. Bouleversant de justesse et de pertinence. MARYVONNE COLOMBANI

Courir a été joué le 9 mai au théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban

Léger démêlé : pas d’embrouilles

I

l s’est mis à faire un peu beau. Le vent est presque tombé. Dans les allées du parc, des grappes d’enfants tiennent la main de leurs parents, ou courent, ravis, sans jamais tomber. Des cris, mais que de bonheur ou de surprise. Pas de réprimande, tout est harmonie. Parenthèse enchantée. On est au pays de Saperlipopette, qui chaque printemps renouvelle ce petit miracle : faire se rejoindre le monde des enfants et des adultes, imaginer un temps où chacun se sente au bon endroit, ensemble. Jeux, spectacles, activités, surprises plasticiennes, tout est là, facile à découvrir, à portée de toutes les mains, ferments d’imaginaire offerts aux petits, douces émotions pour les adultes. Léger Démêlé est apparu comme un concentré de ce programme magique. Les 5 membres du collectif À sens unique (Le Mans) sont là et bien là. Pas de salamalecs, les voilà sur le plateau avec ce qui les caractérise. Leur pratique des arts du cirque, leur sacré caractère, leurs

histoires de vieille amitié indéfectible et tout ce qui va avec : amours pas clairs, jalousies, réconciliations, la vie qui continue. Ils font du mains à pieds, légers, un peu maladroits, c’est tout de suite charmant. Les petits déséquilibres nourrissent un numéro qu’on se met à regarder pour de bon, et puis, boum, celle qui sautait le mieux, le plus haut, se retrouve par terre, © Fabrice Mertens faute de réceptionniste. Une blague, une petite vengeance, qu’est-ce vraiment athlétique, si doux, c’est une qu’elle a, aussi, à vouloir toujours être vague de beauté simple qui s’impose. la plus belle ? Tout s’enchaîne comme « Ils s’aiment ? » demande une petite fille. si de rien n’était, les contorsions sur un Alors, même si Les feuilles mortes se raair de rock, le vélo au ralenti, les sauts, massent à la pelle, oui, on veut bien y les coups bas, les sourires qui rattrapent croire, nous aussi. ANNA ZISMAN tout. Une comédie humaine si juste, que lorsqu’un duo danse sur un mât, sur la voix d’Yves Montand, courant jusqu’au Léger démêlé a été joué les 4 & plafond, elle soutenant le corps de son 5 mai au festival Saperlipopette, partenaire, lui, un peu enveloppé, pas Domaine d’O, Montpellier


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Le Marseille disparu en démolition, le poète provençal de Victor Gelu Defut révolution un témoin populaire des bouleversements politiques et urbains du XIXe siècle. Balade historique et musicale

Q

ui veut avoir une idée précise de la configuration du centre historique marseillais au XIXe siècle doit se rendre au Musée d’histoire et dévorer des yeux l’incroyable maquette réalisée en bois et métal par Jean-Baptiste Fortuné Lavastre en 1850. On observe déjà l’hôtel Beauvau sur le Vieux-Port, le kiosque à fleurs du Cours Saint-Louis tandis que la Canebière n’a que sa par-

situerait au niveau du kiosque à journaux, près de la station de métro et de la Porte d’Aix. Il n’a qu’à marcher quelques mètres pour rejoindre son école, près de la caserne des Présentines, qui deviendra bien plus tard une prison avant que ne sorte de terre dans les années 90 le bâtiment principal du Conseil régional. Non loin de là, les portefaix, ancêtres des dockers, fréquentent le barbier devenu le

Plan relief de Fortuné Lavastre © X-DR

tie basse, et que l’obélisque aujourd’hui à Mazargues trône sur l’actuelle place Castellane. Véritable travail d’orfèvre, cette œuvre témoin reproduit au détail près les vieux quartiers pendant l’insurrection des 22 et 23 juin 1848, déclenchée par un décret fixant la journée de travail à dix heures pour Paris et onze pour la province. Secoués par la force du mouvement populaire, les édiles mettent alors en œuvre une visée que leurs successeurs n’abandonneront jamais : l’éradication des classes populaires du centre de la plus vieille ville de France. Démarre alors la grande entreprise de « nettoyage social » qui va profondément marquer l’écriture du poète et chansonnier Victor Gelu. Ce fils de boulanger naît en 1806, dans l’ancien quartier de la Bourgade. Précisément au n°5 de la rue du Bon Pasteur, dans la partie de la voie qui a disparu au profit de la place Jules Guesde. Sa maison se

bar kabyle Triomphe. À l’emplacement de l’hôtel Tokyo-Inn se trouvent alors quatre des plus grandes auberges accueillant les calèches à l’entrée de la ville.

Saint-Martin détruit Mathieu Castel, membre actif de l’Ostau dau Pais Marselhés et guide d’une balade urbaine sur les pas de Gelu, connaît bien son sujet. De la butte des Carmes, dont il ne reste du quartier historique que l’une des plus anciennes églises de Marseille – celle où il a été baptisé – le poète observe les deux autres monticules qui surplombent le Marseille d’antan : les buttes Saint-Jean et des Moulins. La première est éponyme du quartier dynamité jusqu’à la dernière habitation en février 1943 par l’occupant nazi et dont il ne subsiste que l’église SaintLaurent. L’autre, située dans le Panier, qui représente aujourd’hui les maigres vestiges d’un vieux Marseille rabougri.

Gelu n’est pas un homme engagé politiquement. Ni royaliste ni républicain, il est simplement épris de justice sociale et vit avec amertume les transformations de sa ville où l’on parle le provençal. Et particulièrement le percement de la rue de la République. Partant de l’histoire du plan en relief de Lavastre, Alain Dufau et Marie-Christine Bouillé réalisent en 1991 Le cœur éclaté, documentaire qui relate notamment la destruction progressive de Saint-Martin. Un quartier datant du XIIIe siècle dont le Centre Bourse deviendra la stèle mortuaire. Un quartier où les odeurs exotiques se mêlent aux relents impurs du port et où, même si Piémontais et Génois sont de moins en moins aimés, il fait bon vivre ensemble. Cela s’entend dans les textes de Victor Gelu, mis en musique avec caractère par le trio Chi Na Na Poun, composé de Manu Théron (chant), Daniel Malavergne (Tuba) et Patrick Vaillant (mandoline). Si certains veulent à tout prix voir en l’Histoire un éternel recommencement alors il est permis d’être optimiste quant au devenir de Marseille. Voilà quasiment deux siècles qu’élites et édiles s’échinent à vouloir faire disparaître du cœur de la ville les classes populaires mais que chacun de leurs rêves de pelleteuse se heurte à la réalité sociale, géographique et culturelle d’une cité résolument commune. LUDOVIC TOMAS

La journée consacrée au Marseille de Victor Gelu s’est déroulée le 30 avril et a fait escale au Musée d’histoire de Marseille, à la Cité de la Musique et aux Archives départementales.


36 critiques

Les musiques font corps Le Festival de création du GMEM dessine le corps abstrait de la musique

Les Pupitres de la Cayolle © Pierre Gondard

I

l est des éditions festivalières qui semblent témoigner d’une évolution esthétique. Est-ce la présence de compositrices et musiciennes dans ce festival paritaire pour la première fois ? Est-ce la place faite à la pratique et à l’écoute de tous, doublée de la confrontation au répertoire contemporain des années 90 ? Indéniablement quelque chose a changé en 30 ans de musique dite « contemporaine », changement dont le festival du Centre National de Création Musicale témoigne comme inconsciemment.

Répertoire contemporain Ainsi La Conférence des oiseaux de Michaël Levinas créée en 1985 apparaît incontestablement datée. Cette « musique contemporaine », tardive d’ailleurs, n’est plus de notre temps, paradoxe d’un mouvement musical qui n’a pas su nommer son esthétique mais a voulu incarner le présent. La musique de Levinas ne manque pas d’intérêt, les répétitions narratives, la bande et le chant sont parfois très beaux (les 8 notes du

Chant du rossignol sont une merveille) mais pourquoi réunir le très pointu Ensemble 2E2M pour qu’il ne joue presque pas et mime les oiseaux ? Que la présence des musiciens en tant qu’acteurs plus ou moins malhabiles ait marqué un tournant dans le spectacle musical, c’est certain. Mais personne n’écrirait aujourd’hui une musique mixte avec une part acoustique si congrue. Quand au livret de Levinas écrit à partir du poème persan, la poésie en est arasée au profit du message initiatique et des jeux linguistiques… Toute une époque ! Que l’on peut regarder avec plus de relativité. Le programme proposé par Françoise Rivalland (Cymbalum), Angèle Chemin (soprano) et Vincent Lhermet (accordéon) à la salle Musicatreize se composait de Tingel Tangel d’Aperghis (1990) complété par 3 courtes pièces très récentes. La manière même de jouer la pièce d’Aperghis, à la fois engagée et grotesque, bruitiste et lyrique, la place dans le présent, grâce à une très belle complicité, amusée, des musiciens. Si

les Dissections de Mathieu Bonilla, qui évoquent en litanies la découpe des corps et les mots des sorcières, répondent à la pièce d’Aperghis, la création de Sébastien Béranger pour accordéon seul cherche ailleurs, dans une phraséologie simple et comme mélodique, sans changement virtuose de jeux et effet de son. Longue durée de Christopher Trapani, écrite à partir de Voir la mer de Fernand Braudel, mêle comme des vagues la voix enregistrée de la soprano, tissée de sa voix en direct, qui parle et chante, et de l’accordéon qui souffle et plane, donnant un corps au son tangible comme l’air…

Voir les corps jouer Depuis longtemps Les musiques aiment à donner des corps aux sons, en faisant danser sur les musiques électroniques, en mettant en scène les musiciens, en programmant de la danse, en installant des transats pour l’écoute. Mais cette édition donne à voir d’autres corps, qui font musique. Ceux des enfants d’abord : Les Pupitres de la Cayolle ont magnifiquement


d

37

Une Chica de choc

C

donné sens au son : des tout-petits de maternelle agitent ensemble des clochettes et des feuilles de papier, des enfants de primaire jouent les rôles et la musique, 20 petits violonistes suivent la partition simple de Maël Bailly pour raconter un conte écologiste ensemble, peuplé d’abeilles enregistrées dans les calanques, de tempêtes et d’arbres qui bruissent (livret Katell Guillou). Ils font musique ensemble grâce à une partition écrite intelligemment pour des musiciens débutants accompagnés par 3 instrumentistes de CBarré. Un moment intense, où l’exigence de la musique n’excluait pas son partage. Les corps de Noémi Boutin (violoncelliste et chanteuse) et Mayu Sato (flûtiste et chanteuse) cherchaient également à faire musique et sens par leur incarnation scénique du son. En reprenant des pièces légères, poétiques, incongrues, qu’elles disaient tout en les jouant, comme musiciennes et comme actrices. Une virtuosité tout terrain impressionnante, mais qui paradoxalement faisait regretter de ne pas avoir le temps d’entrer dans une belle et longue pièce, et leur son sublime de virtuose qu’on entendait trop peu…

Entendre les corps d’ailleurs

ertains l’ont découverte avec le groupe polyphonique 3SomeSisters dont elle était la seule femme, au milieu de trois garçons. Depuis, Sophie Fustec s’est émancipée pour devenir La Chica. Après l’avoir programmée au Son de la Canebière et à Global local, la Meson l’accueille dans ses murs à l’occasion de la sortie de son premier album, Cambio. Un disque à son image, c’est-à-dire un patchwork d’influences. Nourrie au multiculturalisme entre Belleville, le quartier parisien où elle a grandi, et le Venezuela d’où est originaire sa mère, elle semble restituer en musique les cultures qu’elle a absorbées et qui ont forgé son identité. Le résultat donne un métissage novateur de sonorités urbaines, de beats electros et bien sûr de rythmes latino-américains. Artiste de son temps, elle incarne une globalisation positive, s’inspirant de chants traditionnels comme de la pop, de l’esthétique street art ou de l’imagerie afro-caribéenne. Vocalement, elle flirte avec Bjork mais son déhanché la rapproche plutôt de Beyoncé. Côté langue, c’est l’espagnol qui a ses faveurs mais l’anglais n’est pas renié. Ses textes oniriques autant qu’engagés appellent l’Amérique latine à s’affranchir de ses démons politiques, économiques et sociaux. Sur scène, cette auteure compositrice interprète ne tient pas de discours mais évoque avec lucidité et espoir le sort du peuple vénézuélien. Au fil d’un set boosté par le jeu implacable de son complice aux machines, La Chica crée un univers envoûtant. À la fois guerrière et sensuelle, elle occupe l’espace scénique comme un ring duquel fusent ses coups de poing rythmiques, dans un jeu de jambes déstructuré. Mi-sorcière, mi-divinité, elle est avant tout une femme libre et consciente, tout aussi à l’aise dans l’explosion des boucles électro que derrière un clavier pour entonner un classique vénézuélien revisité. LUDOVIC TOMAS

La Chica s’est produite le 3 mai à La Meson, à Marseille. Prochain concert le 3 août ,dans le cadre des Plans B du Mucem (Marseille)

Aux Galeries Lafayette de Marseille chacun peut aller écouter 5 créations dans les pôles de cabines d’essayage. Il est question, pour le GMEM comme pour la fondation Galerie Lafayette qui lui a passé commande, de surprendre, interroger, faire entendre des sons inhabituels dans ce moment si intime où on essaye des vêtements. Le centre de création a donc demandé à 5 compositrices libanaise, égyptienne, française, grecque et marocaine (Cécile Le Prado, Habiba Effat, Kinda Hassan, Sara Kaddouri, Esthir Lemi) de capter la musique des ports de méditerranée où elles habitent. Récit, voyage ou trajet, carte postale sonore, les pièces singulières et concrètes diffusent dans ce magasin de semi-luxe la musique du commerce et du travail. Une installation permanente, qui va décaler durablement les essayages des accrocs du shopping ! AGNÈS FRESCHEL

Le festival Les Musiques s’est déroulé du 9 au 18 mai à Marseille Les Escales sont audibles dans les cabines d’essayage des Galeries Lafayette, le Prado, Marseille, depuis le 30 avril © Guillaume Malheiro


38 au programme spectacles bouches-du-rhône

Jing Ke, Assassin

© Li Chun Guang

Dans Jing Ke, Assassin, Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, et Ren Ming, metteur en scène et directeur du Théâtre de Pékin, ressuscitent l’époque des Royaumes combattants, à travers le destin du plus célèbre assassin de Chine. Un récit à la simplicité tragique, entre historicisme et stylisation, et l’occasion de voir une troupe célèbre dans un conte profondément ancré dans la conscience chinoise contemporaine. 23 au 25 mai La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

© Léonard

Anquetil tout seul

Mawlana

Alex Vizorek

Pamphlet théâtral syrien contre les régimes dictatoriaux, Mawlana (Grand Maître) propose une lecture de la fabrique de la radicalisation des individus et des sociétés. Dans un monologue déclamé en langue arabe et surtitré en français, Nawar Bulbul ne provoque pas : il interpelle sur la puissance de la pensée, la liberté de croire et le danger de la manipulation des âmes sous couvert de la foi pour asservir et installer un régime.

L’humoriste belge de la nouvelle génération se produit pour la première fois à Marseille. Avec le spectacle Alex Vizorek est une œuvre d’art, il titille avec tendresse et intelligence le monde de l’art. Il nous entraîne dans un univers où Magritte, Ravel, Bergman, Visconti et Bergson côtoient Pamela Anderson, Luis Fernandez et Paris Hilton… Passionné et érudit, il associe zygomatiques et pédagogie. Un artiste plein d’énergie et de charisme. 1er juin Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

Basé sur l’ouvrage éponyme de Paul Fournel, la pièce nous plonge dans le monde impitoyable du cyclisme, à travers la carrière d’un champion d’exception, admiré mais mal-aimé du public qui lui préférait l’éternel second, Raymond Poulidor. Habité par son personnage, Matila Malliarakis pédale en continu tout en déroulant son texte. Une performance sur le dépassement de soi dans la lutte de la volonté contre la souffrance.

Simon Abkarian © Laurent Clauwaert

Un autre jour viendra

© DR

21 mai Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

24 mai Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

Récital poétique et musical, Un autre jour viendra est une ode à la paix autour de la poésie de Mahmoud Darwich, avec entre autres Simon Abkarian et Ariane Ascaride . Dans une mise en scène de David Ayala, les rythmes arabo-andalous s’accordent aux piano, oud et guitares et la beauté lumineuse des écrits du grand poète palestinien se fait le merveilleux porte-voix d’un Moyen-Orient tragiquement déchiré. 24 & 25 mai Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


au programme spectacles bouches-du-rhône hérault 39

Odeur de sainteté

L’apprenti

Diplômée en 2016 de la Villa Arson, Mathilde Dadaux est une performeuse dont la pratique s’inscrit dans l’expérience des dimensions physiques et émotionnelles des lieux où elle se trouve. Invitée en résidence pendant 2 semaines au 3 bis F, elle propose une rêverie, nourrie de marches, paroles, attention au corps, observations, nature, pensées, à partir de l’expression « en Odeur de sainteté ». À découvrir ! Dans le cadre du Printemps des Arts Contemporains (lire P.52) 25 mai, 12 juin 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

21 mai Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

El pueblo unido jamás será vencido Après Happy Hour en 2015, El pueblo unido jamás será vencido est le second volet de la Trilogie de la mémoire et de la cinquantaine concoctée par les chorégraphes, danseurs et acteurs Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella. En compagnie de la

© Alice Piemme

© André Muller

© Nicolas Mars

Un garçon se cherche un père de substitution, qui l’aimerait pour ce qu’il est. Une délicate variation sur la relation qui unit et sépare pères et fils et des rencontres comme autant d’instantanés, qui esquissent les contours d’une amitié en dehors des conventions. La compagnie Les Méridiens, du metteur en scène Laurent Crovella, poursuit son exploration de l’écriture sensible et elliptique de l’auteur australien Daniel Keene.

danseuse Linda Gunstone, ils forment un trio à la mélancolie joyeuse, qui s’interroge sur leurs petites histoires, face à la grande. 28 & 29 mai Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Rebonds Les fourberies de Scapin

© Cie Le mille feuille

Jonathan Châtel © G Garitan

C’est tout autour de sa roulotte, seul élément de décor dans cette mise en scène de la Cie le Mille-Feuille, que Scapin, « habile ouvrier de ressorts et d’intrigues » va emberlificoter une nouvelle fois tout son monde pour le triomphe de l’Amour et de la jeunesse. Géronte, Argante, Octave, Léandre, Hyacinte, Zerbinette et le Port de Naples n’ont qu’à bien se tenir !

23 mai Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Lecture d’un texte par son auteur, hors les murs, en petit comité, c’est une fois par mois un « Rebond » proposé par le Théâtre du Bois de l’Aune. Celui de ce mois de mai est offert à l’acteur et metteur en scène franco-norvégien Jonathan Châtel, qui lira le texte de sa création à venir en novembre prochain « De l’ombre aux étoiles ». Science-fiction, idéal et engagement. 20 mai Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Création en univers carcéral Angelin Preljocaj s’est lancé dans un projet expérimental en allant se confronter aux corps des femmes en prison. Depuis 4 mois, 2 fois par semaine, aux Baumettes II, des ateliers chorégraphiques sont proposés à des femmes détenues, volontaires pour « appréhender le corps, le rapport à l’espace et à soi-même, et apprivoiser le regard de l’autre ». La création a lieu au Pavillon Noir, avant 2 représentations au 39e Festival Montpellier Danse. 20 & 21 juin Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org 24 & 25 juin Agora, Cité internationale de la danse, Montpellier 0800 600 740 montpellierdanse.com


40 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

Malfoutus

Et tes soleils

Ils sont cinq personnages mal foutus, qui vivent ensemble en toute amitié dans un joyeux désordre : il y a un « troué », une « pliée », une « renversée », un « mou » et un « raté ». Tout se passe à merveille jusqu’à l’arrivée d’un sixième larron, un « parfait » qui va provoquer de drôles de confrontations. Maréva Carassou donne vie aux personnages de Béatrice Alemagna, avec des marionnettes faites de bois flotté, coquillages et plumes. Dès 6 ans.

Shantala Shivalingappa est chorégraphe, et danseuse de kuchipudi, danse classique indienne ondulante, interprète des spectacles de Pina Bausch, Peter Brook, Sidi Larbi Cherkaoui… Aurélien Bory a conçu pour elle aSH, comme les initiales et les finales de son nom, et cendres (ashes en anglais), solo dans lequel elle incarne Shiva, dieu de la danse et maître des lieux de crémation. Et envoûte les sens entre mystique hindoue et danse contemporaine.

© Aglae Bory

22 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

© Cie le rouge et le vert

© Patrice Leïva

aSH

24 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Le bourgeois gentilhomme

© Paul Willis

Non la curiosité n’est pas un vilain défaut, c’est même une qualité précieuse quand il s’agit de s’intéresser de près au comportement des animaux et petites bestioles ! Le spectacle musical d’Alain Schneider (guitare et chant) et Cyril Dompnier (batterie, percussions et chœurs) est un bestiaire humoristique et malicieux qui s’adresse aux tout-petits à partir de 2 ans, pour leur permettre d’observer et d’écouter leur comportement et émotions, pas si éloignés des nôtres !

© Didier Pallages

© Elian Bachini

28 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

29 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

21 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Des rêves dans le sable

Minute papillon

Avec l’Agence de Voyages imaginaires de Philippe Car, le salon de musique de Monsieur Jourdain, magnifique bourgeois bouffon, se transforme en feu d’artifice de comique et d’esprit agrémenté de culture japonaise. Inspirée par le Bunraku, art de scène traditionnel japonais où les personnages sont représentés par des marionnettes de grande taille, la troupe effectue le grand écart entre théâtre ancestral et culture robotique pour servir, avec un réel à-propos, la pièce de Molière.

En installant leur compagnie à Arles, Thierry Paillard et Valérie Barral se sont inspirés d’une phrase de Vincent Van Gogh, « J’ai voulu exprimer avec le rouge et le vert les terribles passions humaines », pour la nommer le Rouge et le Vert. C’est bien de la vie du peintre que s’inspire la pièce, dans laquelle les deux comédiens interrogent la place de l’artiste dans la société et la marchandisation de l’art à travers l’histoire d’un peintre tourmenté et d’un couple d’ouvriers à qui il offre un tableau…

Lorène Bihorel dessine, mais avec un matériau et un support peu usités. Ses dessins sont faits de sable, qu’elle fait naître sur une table lumineuse puis projete sur grand écran. Là apparaissent des paysages, des personnages créés grain après grain avec minutie qui se transforment au gré d’un balayage de mains, d’un geste des doigts, au rythme des histoires contées, en voix off, par François Berland et Catherine Nullans. 22 mai Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com


41

au programme spectacles vaucluse var

Les cris poétiques Pièce d’actualité n°9 - Désobéir

Solo(s) de danse

24 & 25 mai Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

© Willy Vainqueur

Les cris poétiques, scènes ouvertes à la création poétique contemporaine, ont lieu depuis 2005 au Vélo Théâtre. Le 29e cri sera celui de Marie Cosnay, écrivaine et traductrice de textes antiques, et d’Yvan Mignot, poète et traducteur de russe. Une soirée organisée en complicité avec Alt(r)a Voce, association marseillaise ayant un goût prononcé pour la poésie en prise avec le réel.

28 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

24 mai Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

NOVA-oratorio

L’effet escargot... Noé

© Olivier Houeix

© Manu Reyboz

Thierry Malandain s’inspire du mythe de Noé pour son nouveau ballet. En s’appuyant sur sa force symbolique plus que sur son message religieux, il aborde à sa façon les enjeux très actuels de l’emballement climatique. « L’époque n’en peut plus, et le thème du déluge, commun à plusieurs civilisations, permet d’espérer un renouveau », a déclaré le directeur du Centre chorégraphique national de Biarritz.

29 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 82 81 40 operagrandavignon.fr

En itinérance, à Peyruis, Digne-les-Bains, Oraison puis Château-Arnoux-Saint-Auban, le théâtre Durance propose un spectacle de cirque tout public, à partir de 4 ans. Acrobate, équilibriste, sangliste, jongleur et musicien, les cinq membres de la Cie Kadavresky se prêtent au jeu du... cadavre exquis, pratique née chez les surréalistes, qui consiste à créer une œuvre collective sans savoir ce que les autres font. 28 au 31 mai Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Chaque année, le CDN d’Aubervilliers (93) demande à un artiste de travailler à une « pièce d’actualité », en répondant à la question « La vie des gens ici, qu’est-ce qu’elle inspire à votre art ? ». Julie Berès a rencontré quatre de ces jeunes femmes que l’on dit « issues de l’immigration », qui toutes, un jour, ont désobéi. Face à la famille, la tradition, le religion ou les assignations sociales, elles sont entrées en résistance.

La pièce Par les villages de Peter Handke a inspiré le compositeur Olivier Mellano et l’artiste plasticienne et actrice Claire Ingrid Cottanceau. Partant du monologue final de Nova, personnage de femme âgée à la parole sage, ils ont créé une œuvre théâtrale qui peut aussi être qualifiée de concert, ou de performance. Les interprètes sont épaulés d’un chœur d’anciens constitué sur chaque territoire.

© Jean-Louis Fernandez

Sesame © Amelie Joos

Marie Cosnay © Fabrice Guyot

Deux solos seront accueillis par le théâtre du Balcon : Ceux-L, tu es. Seul, tué, chorégraphié et interprété par Alexandre Lesouëf, et Sésame, conçu et interprété par Silvia Cimino. La première pièce traite de détresse existentielle et de reconstruction, en utilisant les techniques du krump (courant hip hop sur-vitaminé). La seconde est un dévoilement volubile de multiples états intérieurs.

24 & 25 mai Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


42 au programme spectacles var alpes-maritimes hérault

Ficelle

Yolande Moreau Christian Olivier

Un petit bonhomme avec un nez pointu fait l’expérience de la nature qui l’entoure. La Cie Le mouton carré livre la tendre histoire d’une marionnette (animée par Bénédicte Gougeon) accompagnée d’un musicien (Romain Baranger). Un spectacle destiné au tout jeune public, dès trois ans, présenté au Théâtre du Rocher dans le cadre de son partenariat avec le PJP du Revest-les-Eaux. 22 mai Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

© Fred Chapotat

Dans les cours de récréation, on fait « ploum plouf » pour déterminer qui sera le loup, départager les équipes, savoir qui commence la partie de Un, deux, trois, soleil, etc... Le musicien Abel, équipé de sa batterie-valise, et accompagné d’un pianiste, Nicolas Cante, reprend les tubes immortels de Bourvil et autres délicieuses ritournelles, avec pour thème le jeu. Idéal pour rafraîchir sa collection de chansons ludiques.

© Laurent Dupont

© Cie Le Mouton Carré

Ploum Plouf

24 mai Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 polejeunepublic.fr

La comédienne et réalisatrice Yolande Moreau, gouailleuse et tendre (Les Deschiens), s’est accordée avec le chanteur et co-fondateur du groupe rock Têtes Raides, Christian Olivier, pour mettre en voix et en instruments de musique les mots de Jacques Prévert. Bel alliage autour de l’auteur atemporel et sans règles, sauf celle de toucher juste et fort, en toute liberté. 24 & 25 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Solstice Les cygnes et les autres

© DavidMoreau & Virginie Garnier

© DR

David Gauchard emprunte à Walden ou la vie dans les bois, récit par l’américain Henry David Thoreau de son séjour dans la nature au mitan du XIXe siècle, « la puissance littéraire et poétique de ce texte, sa charge concrète et contemplative, libertaire et écologique, son enthousiasme aussi ». Sa façon à lui de s’appuyer sur un illustre prédécesseur pour penser notre rapport contemporain au temps et à la nature.

Emio Greco et Pieter C. Scholten célèbrent le bicentenaire de la naissance de Marius Petipa, et mobilisent le souvenir, l’empreinte d’une écriture fondatrice sur les corps et les propos chorégraphiques d’aujourd’hui. Entre fidélité et invention, la pièce est une redécouverte du langage de l’iconique chorégraphe du ballet russe. Avec les danseurs du Ballet National de Marseille.

© Laurent Philippe

Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher

28 mai Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

25 mai La Croisée des arts, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume 04 94 86 18 90 croiseedesarts.com

Spectacle grand format pour la chouchoute de la scène du ballet contemporain. Blanca Li réunit 14 danseurs dans un spectacle en forme d’alerte : la planète est fragile, prenons-en soin. Sur un tulle blanc suspendu au-dessus du plateau sont projetées des images organiques (le feu, l’air, l’eau, la terre) ; les interprètes, veillés par ce ciel protecteur, évoluent au rythme d’une musique composée à partir de sons naturels. 24 mai Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr


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Tendre Achille

6 : six danseurs habillés en noir sur un sol noir. 7 : un de plus, tous en blanc, sur un sol blanc. Le chorégraphe chinois Tao Ye cherche avant tout à créer une atmosphère, des sensations visuelles. De l’ombre à la lumière, les deux pièces (2014) proposent d’entrer littéralement dans le geste dansé, virtuose, fluide, démultiplié. Le Tao Dance Theater est l’une des plus importantes compagnies indépendantes chinoises.

21 au 24 mai 13 Vents, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 13vents.fr

© Guy Delahaye

6&7

Sylvain Creuzevault propose un diptyque rassemblant deux textes qui évoquent une nature dangereuse, effrayante. La mer démontée, à travers le poème de Mallarmé Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, et le froid du Grand Nord, si bien évoqué par Jack London dans sa nouvelle Construire un feu. Deux comédiens (Frédéric Noaille et Alyzée Soudet) et deux cantatrices (Laurence Chable et Juliette de Massy, musique Pierre-Yves Macé) se lancent dans l’aventure et Les Tourmentes.

Trois danseurs masculins pour interpréter un mythe revisité par le chorégraphe François Veyrunes (Cie 47•49). Gaétan Jamard, Jérémy Kouyoumdjian et Sylvère Lamotte, en costume de cadres de bureau, se mêlent, créent un seul corps qui mute et évolue, acrobatique et émouvant, et donnent chair au premier des héros de la trilogie dansée (Achille, qui sera suivi par Antigone puis Sysiphe).

7 © Duan Ni

Construire Un Feu © LeSinge

Les Tourmentes

23 mai, dans le cadre du Temps fort danse Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 02 02 theatredesete.com 1er juin Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

Let’s folk ! Campana

21 mai, dans le cadre du Temps fort danse Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 02 02 theatredesete.com

Théorie et pratique, et surtout plaisir : Marion Muzac propose un spectacle hybride, où 4 danseurs commencent par réinterpréter un ensemble de danses folkloriques (traversées par les influences actuelles), puis partagent le plateau avec une vingtaine de participants spectateurs, offrant une performance collective cathartique et joyeuse. Un parfum de bal de village.

Titoune et Bonaventure Gacon ont joué plus de 300 fois leur magnifique spectacle Matamore, duo tant inégal que complémentaire (il est colossal et débonnaire, elle est minuscule et mutique), très haut en émotion et finesse. Leur nouveau spectacle Campana (avec un autre duo, les multiinstrumentistes Thomas et Bastien) continue sur le fil : entre numéros à couper le souffle (trapèze, portés ahurissants) et petits riens qui font que ces virtuoses évoquent nos vies à tous. (lire journalzibeline.fr)

© Philippe Laureneon

© Sandy Korzekwa

« Car sous les profondeurs du magma bleu, sommeillent l’ensemble des possibles d’un corps rêvé. » : Marie Reverdy, dramaturge de cette pièce pensée et dansée par Magali Milian et Romuald Luydlin (Cie La Zampa), met ici en mots l’expérience très particulière suscitée par la pièce Bleu, qui convoque à la fois le parcours de cette couleur dans l’histoire de nos imaginaires et l’aura de la lumière qu’elle diffuse dans les corps. À voir en famille, à partir de 15 ans.

© Pierre Ricci

Bleu

25 mai, dans le cadre du Temps fort danse Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 02 02 theatredesete.com 28, 29, 31 mai & 1er juin Espace Saint-Martin, Canet 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


44 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse

Rigoletto

Je n’aime pas le Classique mais…

Inspiré du drame romantique de Victor Hugo, Le Roi s’amuse, Rigoletto, sur un livret de Francesco Maria Piave, est une histoire d’amour et de vengeance tragique, où les masques des comédiens semblent bien ténus face à ceux des puissants. Sous la direction de Lawrence Foster et dans une mise en scène de Charles Roubaud, la douce Gilda (Jessica Nuccio) se sacrifiera pour l’amour du volage Duc de Mantoue (Enea Scala) malgré les stratagèmes de son père, Rigoletto (Nicola Alaimo).

Vitrolles reçoit le Chœur régional de Provence-Alpes Côte d’Azur, dirigé avec finesse par Michel Piquemal sur un programme rassemblant quatre œuvres de Mozart, avec le célèbre Requiem dont l’histoire a été sujette à tant de légendes. On l’entendra dans sa version pour deux pianos (Brigitte Billault et Philippe Reymond) dans la transcription de Czerni, portée par les voix de Pauline Courtin (soprano), Patricia Schnell (alto), Luca Lombardo (ténor) et Florent Leroux-Roche (basse). Participera aussi le Chœur des élèves de l’école municipale de Vitrolles.

« Je n’aime pas le classique, mais ça j’aime bien ». Une rencontre entre les musiciens classiques Éric Le Sage (piano), Pierre Fouchenneret (violon), François Salque (violoncelle), Lise Berthaud (alto), Fleur Gruneissen Magali Mosnier (flûte), Mariam Adam (clarinette), et les commentaires de Gaspard Proust sur de grandes œuvres du répertoire classique. Humour ravageur, pour un triomphe phonographique porté enfin sur scène.

Pauline Courtin © DR

1er au 11 juin Opéra, Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

La Grande duchesse de Gerolstein

25 mai Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Je n’aime pas le Classique, mais avec Gaspard Proust, j’aime bien 22 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

L’élixir d’amour

Camille et Julie Berthollet © Jacques Croisier

Sensibilité, virtuosité, fantaisie, on a tout dit à propos des sœurs Berthollet, violonistes inclassables et talentueuses que l’on retrouvera accompagnées par Guillaume Vincent au piano et un invité surprise, Thomas Enhco, pour un concert enlevé où la complicité entre les musiciens les autorise à passer avec la même verve de Bach à Dinicu ou Brahms, jusqu’à un inénarrable My Way !

© Simon Fowler

© istockphot praetorianphoto

Cet opéra-bouffe d’Offenbach sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy nous entraîne dans le duché imaginaire de Gerolstein où la Grande Duchesse (Marie-Ange Todorovitch) n’est pas pressée d’épouser le général Boum (Philippe Fargues). L’intrigue menée tambour battant sous la direction musicale de Bruno Conti est drôle, vive, même si la fin laisse sur la conclusion un peu amère « quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a »…

GaspardProust © Axel Coeuret

© istockphoto korionovr

Requiem de Mozart

25 & 26 mai Odéon de Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr 25 mai Théâtre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

La belle Adina (Maria Mudryak) est aimée du timide Nemorino (Sahy Ratia) qui a recours à l’élixir d’amour vendu par le charlatan Dulcamara (Sébastien Parotte). L’élixir (une bonne bouteille de Bordeaux) donne de l’assurance au jeune homme mais la préférence va au sergent Belcore (Philippe-Nicolas Martin), jusqu’au moment où un héritage change la donne… et Una furtiva lagrima est signe de sentiments enfin partagés. L’opéra de Donizetti pétille sous la houlette de Samuel Jean dans une mise en scène joyeuse de Fanny Gioria. 19 & 21 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


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au programme musiques vaucluse var Alpes-maritimes hérault

La folle aventure de Broadway L’orchestre régional Avignon-Provence s’invite dans l’univers du jazz et de la comédie musicale sous la direction de Samuel Jean aux côtés de la mezzo-soprano Isabelle Georges, du ténor Frédérik Steenbrink, tandis que leur donneront la réplique les instrumentistes Gilles Barikovsky (saxophone), Guillaume Naud (piano), David Grebil (batterie), Jérôme Sarfati (contrebasse) sur les arrangements de Cyrille Lehn. Mary Poppins y rejoindra Chantons sous la pluie. Supercalifragilisticexpialidocious !

Isabelle Georges © Kriss Logan

L’Orchestre Régional Avignon-Provence, dirigé par Christophe Mangou, fait l’école buissonnière et se glisse au cœur de la Collection Lambert pour une création mêlant musique et arts plastiques. L’installation Heaven, de Miroslaw Balka, a servi de support aux ateliers d’écriture et de recherche sonore dans lesquels se sont impliqués des enfants, sous la houlette de la compositrice Pascale Jakubowski dont le nouvel opus Translations établit de subtiles correspondances entre les arts.

24 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

L’on dit qu’Amors est dolce chose Accompagnée de Julien Lahaye, flûte, et Pierre Hamon, percussions, la voix de mezzo d’Eugénie de Mey épouse avec finesse les paroles composées aux XIIe et XIIIe siècles par des femmes trobairitz et trouvères, Comtesse de Die, Blanche de Castille, Duchesse de Lorraine, Maroie de Diergnau, mais aussi des chansons et polyphonies anonymes des chansonniers de l’époque… 26 mai Cour du Petit Palais, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

29 mai & 9 juin Collection Lambert, Avignon 22 juin Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Eugène Oneguine Elle l’aime, il est jeune et égoïste, il la rejette, tue en duel son meilleur ami. Quelques années plus tard, la belle Tatiana (Natalya Pavlova) est mariée, il la courtise alors, elle le rejette, fidèle à ses engagements d’épouse et malgré l’amour qu’elle lui porte encore, il part, désespéré. Eugène Oneguine, (Simon Mechliński) symbole d’une époque finissante, roman en vers de Pouchkine, opéra sublime de Tchaïkovski, sera dirigé par Dalia Stasevska dans une mise en scène d’Alain Garichot. 24, 26 & 28 mai Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

L’histoire du soldat Un soldat rentre de la guerre, fatigué. En chemin il croise le diable et troque son violon contre un livre qui prédit la fortune. Mais cet échange lui a fait perdre trois ans de vie. Sa propre famille l’a oublié… un choix se pose : amour ou richesse… Le mimodrame de Stravinsky sur un livret de Ramuz trouvera deux interprétations possibles, l’une à Montpellier dans une mise en scène d’Alex Ollé (La Fura del Baus), l’autre à Nice par Nicolas Lormeau…

mise en scène Alex Ollé © DR

Christophe Mangou © Jean-Baptiste-Millot

Translations

25 & 26 mai Opéra de Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr 28 & 29 mai Opéra de Nice 04 92 17 40 79 31 opera-nice.org

Fraternités L’Orchestre national Montpellier Occitanie, élégamment dirigé par David Niemann, se déplace en région pour un concert au cours duquel brilleront deux œuvres de Mozart, son Concerto pour clarinette en la majeur KV 622, interprété par Andrea Fallico, clarinette soliste de l’Orchestre, et sa Symphonie n°35 en ré majeur dite Haffner, du nom de son commanditaire. Inspirés par les musiques traditionnelles et populaires, se déclineront ensuite les Six Danses populaires roumaines de Bartók, et le Concerto Românesc de Ligeti. 24 mai Halle aux Grains, Castelnaudary 29 mai La Baleine, Onet-le-Château 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr


46 au programme musiques alpes-maritimes var bouches-du-rhône

Faust

Trio Barolo

L’Opéra de Nice fête à son tour les 160 ans de la partition de Faust. La légende populaire fut, avant l’œuvre lyrique de Gounod en 1859, adaptée au théâtre par Marlowe, Lessing, puis par Goethe avec ses deux pièces Faust I et Faust II. Quête de la jeunesse éternelle, pacte avec Méphistophélès (Nicolas Courjal), la fresque somptueuse menée par Giuliano Carella nous entraîne dans un rythme haletant, celui de l’impossible amour entre Faust (Stefano Secco, le jeune Faust et Antoine Normand, Faust vieux) et Marguerite (Chloé Chaume) dont on fredonnera, à la suite de la Castafiore, le célébrissime Air des bijoux.

Accompagnée par ses compagnons de route de toujours, le guitariste Bruno Caviglia, le percussionniste flamenco Xavier Sanchez et le pianiste, accordéoniste et bandonéiste Sébastien Debard, Christina Rosmini, auteure, arrangeuse, chanteuse (…) offre la primeur de son nouvel album de chansons, fortes, poétiques et sensibles, dans le cadre de la quatrième édition de la Faites de la Fraternité du Toursky.

© David Bonnet

© Christian Dresse 2019

Christina Rosmini

Inimitable, le style atypique du Trio Barolo mêle depuis plus de cinq ans le jazz, l’opéra et la musique du monde. Rémy Poulakis (accordéon), Francesco Castellani (trombone) et Philippe Euvrard (contrebasse) portent dans leur musique l’histoire des migrations européennes. Leur deuxième album, Casa Nostra, est un hommage à leurs origines méditerranéennes et s’écoute comme un joyeux périple d’un port à l’autre, une ode aux voyageurs libres. 24 mai Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

© Paul Evrard

22 au 28 mai Opéra, Nice 04 92 17 40 79 31 opera-nice.org

Spartenza

21 mai Théâtre Le Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr 24 mai Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

© J. Stey

25 mai Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

© DR

Maura Guerrera et Malik Ziad poursuivent leur cheminement artistique avec la sortie d’un nouvel album, Spartenza, mot sicilien lourd de sens, signifiant la séparation, le départ, la perte de l’être aimé. Au chant et tambourin pour la première, à la mandole, oud et autres instruments à cordes pour le second, le duo nous entraine d’un rivage à l’autre de la Méditerranée, avec pour seuls bagages les mélodies siciliennes d’antan et les rythmes de l’Algérie.

D.I.V.A

Carte blanche à Lionel Damei Le chanteur, compositeur, metteur en scène Lionel Damei propose lors de sa carte blanche au Toursky deux spectacles irrésistibles. Le Cabaret des Garçons d’honneur, par Lionel Damei, Christophe Roussel et Alain Klingler (lire journalzibeline.fr) conjugue avec virtuosité, humour, tendresse et pied de nez aux conventions une playlist jubilatoire aux géniaux arrangements. Dans ce chaos je me promène allie la beauté bouleversante du texte de Lionel Damei, dit, murmuré, chanté, slamé, les contre-chants subtils de Didier Roguet (alto, violon) et Pascale Giraud (violoncelle, piano, voix), et la danse interprétée et chorégraphiée par Yvan Gascon. Un grand moment ! 28 & 31 mai Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

Du charme et de l’extravagance au théâtre La Colonne pour (re)découvrir de façon décalée les plus grands classiques de l’Opéra. Mis en scène par Manon Savary, D.I.V.A réunit une troupe de cinq chanteuses lyriques aux robes excentriques et aux perruques monumentales. Dans une ambiance de cabaret bizarre en ombres et lumières, les exquises cantatrices poussent la voix sur La Traviata, Don Giovanni, La Flûte Enchantée, Carmen, Tosca et les Contes d’Hoffman. 25 mai Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcine.fr


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au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse alpes hérault

Quatuor Alètheia

Thierry Balasse invente la bande musicale de la mission Apollo 11 dans un concert-spectacle surprenant. On accompagne Neil Armstrong dans un voyage électroacoustique immersif, peuplé de sculptures sonores survolées par Chloé Moglia, artiste en apesanteur. La composition originale se mêle aux sons de l’époque, « musique mémorielle » (Beatles, Pink Floyd, …), interprétés par 5 musiciens. Ça va planer.

24 mai Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr

© Patrick Berger

Les quatre musiciennes chambriste du Quatuor Alètheia entament une tournée dans les Alpes, avec un répertoire classique et contemporain : autour du Quatuor de Claude Debussy, elles nous feront redécouvrir l’œuvre de Félicien David, et interprèteront les partitions de Florentine Mulsant, compositrice associée à la saison 2019 et de Benoit Menut, qui signe Sur mesures, (commande l’Espace Culturel de Chaillol)

28 mai Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

23 mai Château de Tallard 06 27 55 81 40 festivaldechaillol.com

Mélanie de Biasio

Jardins migrateurs

Julien Gélas

Ablaye Cissoko © DR

Récital de haute volée au Chêne Noir, assuré par le pianiste virtuose Julien Gelas. Après une longue tournée en Chine et la sortie de son album solo L’éclaircie, le musicien revient gagner le cœur des français et susciter l’émotion. Alternant nouvelles compositions et improvisations, le musicien jouera également les classiques de son répertoire : Liberté, Una tragedia, Les Amants d’automne, The train of passion…

C’est entre whisper jazzblues, trip-hop céleste et pop atmosphérique que Mélanie de Biasio a construit sa propre identité musicale. La chanteuse belge à la voix douce exhale des respirations, des échos ou encore le souffle d’une énergie. Après quatre albums et le prix de meilleure auteur/ compositeur au mia’s award en 2017, l’artiste est de retour avec des musiques aux notes sensuelles et aériennes.

19 mai Opéra Comédie, Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr

© Jerome Witz

« Les mélodies orales viennent de la terre, de l’eau, de l’air et du cœur des hommes ». Ablaye Cissoko, maître de la kora, livre la finesse, la virtuosité et la fluidité de ses compositions. La douceur de son timbre se mêle aux musiciens de l’Ensemble Constantinople. Avec Kiya Tabassian (setar, chant), ils nous invitent dans leurs Jardins migrateurs. © DR

24 mai Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

© DR

Cosmos 1969

Pas le temps de broyer du noir avec les explosives Swing Cockt’Elles. Avec un concert-spectacle, le trio chante les femmes dans tous leurs états. En posant le cadre d’une émission de télé loufoque, elles causent d’étonnantes rencontres. Bénabar fait la cour au compositeur Georges Bizet et Britney Spears roucoule avec le grand Rachmaninov avant qu’un autre pianiste virtuose ne chamboule toute cette affaire. La soirée se poursuivra avec un buffet suivi d’un film surprise ou d’une soirée dansante.

© DR

Pep’s and Pop

23 mai Théâtre sortieOuest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


48 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Transformer le Bauhaus Dans le cadre de la célébration des 100 ans du Bauhaus, le Goethe-Institut de Marseille et la Friche coproduisent le Tiny [Bau]House, un pavillon pour célébrer la naissance de ce courant architectural et faire ainsi découvrir le Bauhaus de manière pédagogique. Inside Out réunira trois artistes (Anais Borie, Ottonie von Röder et Aram Lee) qui transformeront des objets de la vie quotidienne en objets Bauhaus avec des marseillais. A.Z. Tiny [Bau]House, jusqu’au 2 juin Inside Out, 31 mai, 1er & 2 juin Friche de la Belle de Mai, Marseille lafriche.org

Marion Gronier

Inside Out, teekanne © DR

Marion Gronier est allée capter, suivant des petites troupes d’opéra itinérantes (les dernières) en Chine, le visage des acteurs avant et après la représentation. Temps suspendu, dénuement, grandeur passée, tout s'exprime dans ces visages tendus, exténués, rois déchus et anges magnifiques. A.Z. 23 mai au 22 juin Herbes flottantes La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com © Marion Gronier

Sainte(s)-Victoire(s) Il y a 30 ans, un terrible incendie ravageait la façade sud de la Montagne Sainte-Victoire. Aujourd’hui, la nature est restaurée, et le musée Granet célèbre, autour de l’exceptionnel prêt de la Sainte-Victoire de Cézanne (conservé à Berne) avec ceux qui se sont aussi inspiré du lieu (Constantin, Granet, Loubon, Grésy, Guigou, mais aussi Picasso, Masson, Tal Coat et Plossu) ce paysage hors normes. A.Z. 18 mai au 29 septembre Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 museegranet-aixenprovence.fr Paul Cézanne, Montagne Sainte-Victoire, vers 1890 - Huile sur toile, 65 x 95, 2 cm Paris, musée d’Orsay, donation de la petite-fille d’Auguste Pellerin, 1969

Autour de Henri Manguin En 1903, dans l’atelier du peintre Henri Manguin, naissait, sous les pinceaux de Matisse, Marquet, Camoin, un courant qui visait à simplifier le dessin et utiliser uniquement des couleurs pures. Tollé général. Le Fauvisme éclot, mouvement aussi puissant que fugace. Tous ses représentants, et associés, sont exposés dans les espaces rénovés et reconfigurés du musée Brayer. A.Z. jusqu’au 10 octobre Fauvisme et harmonie, Autour de Henri Manguin Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence 04 90 54 36 99 yvesbrayer.com

Albert MARQUET, Notre-Dame, soleil couchant, 1900, Pastel 24,5 x 30,5 cm © ADAGP, Paris 2019


au programme arts visuels vaucluse

var

Bêtes de scènes Bestiaire vs bestialité ? De la beauté animale aux hybridations les plus étranges, entre approche anthropomorphe ou vision idéalisée... comment la sculpture contemporaine investit le monde des animaux jusqu’à s’interroger sur la dramatique disparition des espèces. Avec gravité, humour ou dérision. C.L. 31 mai au 3 novembre Fondation Villa Datris, Isle-sur-la-Sorgue 04 90 95 23 70 villadatris.com

Dionysis Kavallieratos, Duck 2 © D. Kavallieratos. Courtesy Bernier-Eliades gallery, Athens

Raymond Depardon Lors de son service militaire, Raymond Depardon fut affecté comme photographe à la rédaction du magazine des armées Terre Air Mer. Dans les années 1962-63, le jeune artiste effectue ainsi plus de 2000 clichés, conservés aux archives de la Défense, et depuis plus jamais montrés. C’est toute une histoire qu’on redécouvre à travers la centaine d’images présentées, qui illustrent aussi la genèse d’un regard aujourd’hui mondialement connu. A.Z. Le tour de France militaire de Raymond Depardon 17 mai au 31 décembre Musée national de la Marine, Toulon musee-marine.fr Entrainement du 1er CHOC à Calvi (juillet à septembre 1962) © Raymond Depardon/ TAM/ECPAD/PAR 87-10

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50 au programme arts visuels var alpes-maritimes hérault

La source En 1970 Édouard Carmignac acquiert sa première œuvre : Lewis Carroll’s Wunderhorn de Max Ernst. La commissaire Chiara Parisi revient à la source de cette collection pour en explorer davantage les richesses autour de deux grandes thématiques : portraits féminins et abstraction, d’Egon Schiele à Valérie Belin, avec un premier solo show en France pour Sarah Lucas. C.L. jusqu’au 3 novembre Villa Carmignac, Île de Porquerolles, Hyères 04 65 65 25 50 fondationcarmignac.com Vue de l’exposition: Maurizio Cattelan, Untitled, 2019 – Roy Lichtenstein, Landscape with Scholar’s Rock, 1996. © Zeno Zotti

Hippolyte Hentgen Toiles grands formats, films, sculptures, installations... le duo improbable composé des deux complices, Lina Hentgen et Gaëlle Hippolyte, sort le grand jeu, stimulé par l’évocation du deux pièces de toile, ce si petit accessoire fort pratiqué sur la Riviera niçoise (et ailleurs). C.L. Le bikini invisible 17 mai au 10 novembre MAMAC, Nice 04 97 13 42 01 mamac-nice.org

Hippolyte Hentgen, B-R-E-E-K, 2018. Assemblage de tissus cousus et imprimés, 250x238 cm © A. Mole. Courtesy Semiose, Paris

Grèce à Grasse Grasse se tourne vers la Grèce en trois actes. Le premier met au devant de la scène les représentations à l’antique de la femme sous la Révolution française, pendant que les XVIIIe et XIXe siècles revivent dans les costumes grecs du Musée Benaki. Les photographies de George Tatakis et Michael Pappas restituent des traditions toujours vivantes aujourd’hui. C.L. 25 mai au 22 septembre Rome/Athènes, Ethos, Trésors du musée Benaki Musée Jean-Honoré Fragonard, Grasse 04 93 36 02 07 Musée Provençal du Costume et du Bijou, Grasse 04 93 36 91 42 fragonard.com

Ile de Crète, Rethymnon, village d’Anogia. Tenue traditionnelle, Startza, 2017. © Michael Pappas

Images Singulières Chaque fois plus fréquenté, le festival sétois est toujours plus exigent et ouvert à la production photographique mondiale. Cette année, la résidence est confiée à l’Anglaise Vanessa Winship, seule femme détentrice du prestigieux prix Cartier-Bresson (2011). John Trotter présentera le travail lauréat du prix Images Singulières l’an dernier. Une kyrielle de photographes (Mathias Depardon, Nina Berman, Adriana Lestido...), dans de multiples lieux investis pour l’occasion. A.Z. 29 mai au 16 juin Divers lieux, Sète 04 67 18 27 54 imagesingulieres.com

© Ronan Guillou



52 au programme arts visuels

Un PAC bien ficelé Les 53 structures fédérées par Marseille Expos multiplient les propositions de rencontres avec l’art contemporain, dans une 11e édition itinérante et festive

C

’est un gigantesque Wibaux à l’Art-Cade gafeu d’artifice qui comlerie des Grands Bains mencera d’embraser douches, la présentation l’ensemble du territoire des acquisitions récentes entre Aix et Marseille dès du Frac à Montévidéo, le 18 mai. Et finalement Iveta Duskova à la galerie Zemma, la Collection plus encore : l’explosion d’expositions ne sera pas Neuflize OBC et la perforqu’une fugace sensation du mance sonore d’Elio Liplaisir du choix multiple, baude, ainsi que les Atel’effet perdurera, puisque liers portes ouvertes des pour beaucoup d’entre 6 artistes de Triangle elles, elles se prolongeFrance à découvrir à La ront plus loin dans l’été. Friche, et, au Mucem, On compte plus de 70 évéles créations de huit arnements (les expos, donc, tistes roumains avec des mais aussi des soirées spé- Empreinte, 2019, Jean-Baptiste Gaubert objets traditionnels issus bois / pigments rouges bio - dégradables, Vaporisateur pour projeter le pigment rouge sur les cociales, des temps forts, des Copeaux de des collections du musée peaux, Drone. Dimension ajustable © DR (Persona). concerts, des rencontres avec les artistes). Le public (les avertis, et louper : Erwin Wurm au musée CanANNA ZISMAN ceux que la manifestation va « chercher », tini, Chers artistes, donnez-nous de vos au-delà des habitudes et des aprioris) nouvelles IV à l’Artothèque A. Artaud Printemps de l’Art Contemporain est invité à naviguer d’un lieu à l’autre, (édition d’un porte-folio des œuvres de 18 mai au 2 juin des parcours sont conçus pour une dé- l’ensemble des œuvres présentées là de- Divers lieux, Aix Marseille Provence Métropole pac.marseilleexpos.com couverte intuitive, mais aussi bien bali- puis 30 ans), Ismaïl Bahri et Delphine sée par un encadrement de médiateurs très présents tout au long de la manifestation. On pourra d’ailleurs se laisser embarquer sur les deux « Routes du Printemps », nouveauté 2019. Véritables voyages organisés (en car, 5 € la journée complète), elles seront l’occasion de s’immerger à la fois dans le territoire et l’art. Le 18 mai, aux environs de l’Étang de Berre, après une performance itinérante (collectif Chuglu) à Vitrolles, suivront la découverte à Saint-Chamas de l’œuvre monumentale de Diego Bustamente et le Paysage intime d’Yifat Gat ; après Istres et Martigues, déambulation dans Port-de-Bouc autour des Chantiers/ Coquilles d’Anaïs Lelièvre. Le 25, le second parcours relie 7 étapes, autour et à Aix (performance de Mathilde Dadaux au 3 bis F, voir P.39). À Marseille, le programme est pléthorique. 6 parcours pédestres sont proposés pour des visites guidées et gratuites (comme presque tout lors du PAC). Et sinon, vogue l’aventure ! Quelques « spots » à ne pas

Arts Éphémères, mais durables

I

ntégrés dans la programmation du PAC, dont ils assurent la soirée de lancement lors du vernissage le 29 mai, les Arts Éphémères ont pris place depuis 2009 dans le parc à l’anglaise de Maison Blanche. Chaque année, les artistes sont invités à investir le jardin, à lui donner une nouvelle identité : la plupart des pièces sont créées spécifiquement pour le lieu. « Flux » est le thème proposé pour cette 11e édition, dont Isabelle Bourgeois et Martine Robin assurent le commissariat. Une belle accroche, aux accents très contemporains, dont les plasticiens se saisiront à travers des œuvres qui traduisent la question de l’écologie, de la mondialisation, et posent l’enjeu d’un nouvel équilibre entre l’homme, ses savoirs et la nature. Au détour des allées, 19 (jeunes) artistes et 4 étudiants de l’École des Beaux-Arts de Marseille développeront leur inspiration

au cœur de la nature savamment domestiquée du parc. Il y aura du ludique (La voiture Jacuzzi Seat Ibiza, 2014, de Benedetto Bufalino), du land-art (Les sillons d’une gigantesque empreinte digitale végétale, Empreinte, 2019, Jean-Baptiste Gaubert) de l’illusion poétique (les parapluies fontaines de Pierre Luu, Rien ne va plus, 2019), du conceptuel (Aller-Retour, 2018, évocation à la fois utopique et terriblement réaliste du flux des migrants, Joana Zimmermann). Approches multiples, décryptées par des médiateurs cette année toujours présents dans le parc. A.Z.

Arts Éphémères 30 mai au 10 juin Parc Maison Blanche, Marseille arts-ephemeres.fr marseille9-10.fr


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No problem ? Présentée dernièrement à Marseille, Disorder in the house de Jeanne Susplugas se déplace presque à l’identique au Centre d’Art Contemporain et à la Chapelle Saint-Sulpice d’Istres. Dans la maison règne un désordre plutôt sage mais quelque peu étrange.

C

e chapitre 2 ne se différencie guère de celui présentée au Château de Servières à Marseille (2 février au 11 avril). Un travail de co-commissariat dont on ne voit pas trop l’intérêt pour le public : à quelques œuvres près, les mêmes sont distribuées selon un accrochage tenant compte de la spécificité du nouveau lieu. À moins d’avoir déjà vu la première phocéenne et de jouer la comparaison des partis d’accrochage, cela reste une expérimentation davantage pour commissaire. La proposition istréenne en deux parties/deux lieux offre donc un best of de l’artiste, peu exposée dans la région (expositions collectives Flux/Reflux, Images au CAC, en 2007 et plus récemment à Artorama en 2018). Pas de chaos comme annoncé dans le titre, lui-même inspiré d’une des œuvres, tant l’accrochage est propre et soigné comme souvent au CAC. Tout semble bien à sa place et dispense une atmosphère plus surréaliste /poétique que catastrophiste. Pourtant ce qui nous semble familier se pare d’un certain trouble. Une « inquiétante étrangeté » double les choses : flacons de verre gravés d’inscriptions sibyllines (Containers, 2016), cage et source lumineuse (Light house, 2009), blancheur aseptisante (Nature Morte, 2015-2018). Les références aux dysfonctionnements comportementaux, habituellement avancées dans la présentation du travail de l’artiste, n’apparaîtront pas d’évidence. Qui reconnaîtra « les molécules d’oxyde de lithium utilisées dans le traitement des troubles bipolaires » dans ces structures cruciformes suspendues recouvertes de brillants façon boules à facettes ? Cependant si la mise en scène rappelle les salles de danse, obscures et lumineuses à la fois, Disco Ball (2018) dégage une impression pesante. Et on aurait pu être déstabilisé davantage dans ce dernier étage si l’environnement sonore, déclinant en boucle plus de deux cents chansons évoquant des substances psychotropes, eut été plus puissant, voire violent, insupportable.

House or Mind ? Nous pourrions recommander de terminer cette visite par la Chapelle Saint Sulpice. Dans ce petit bijou d’art roman provençal, l’atmosphère respire à première vue un air d’Alice au pays des merveilles. Si la petite maison d’apparence de conte pour enfants ne décolle pas plus -elle devait initialement davantage simuler un envol- , quel rôle jouent les objets surdimensionnés posés au sol, rattachés à elle par de solides filins d’acier ? Raquette de tennis, crayon à papier, clef auto, réveil à cloches, couteau suisse, composent un réseau arachnéen, un soupçon enfantin, dérisoire et, dans le même temps, nous renvoient à un quotidien qui ne semble pas si serein à la vue du poing américain. Avec cette Flying house, version 2019, le merveilleux se mute en questions façon Petit Prince. Disorder

Flying house, installation à la chapelle Saint Sulpice/Disorder in the house chapitre 2, Istres 2019. © Photo C. Lorin/Zibeline

in your house or in your mind ? Pour ajouter à votre trouble, une application Snapchat vous ramènera virtuellement à la maison dans un univers de synapses -rappelant Flying house (les dessins), In my brain ou Thinking outside the box vus dans le premier volet. Mais de quel genre de maison au juste ? CLAUDE LORIN

Disorder in the house, chapitre 2 Dans le cadre du Printemps de l'Art Contemporain (lire ci-contre) jusqu’au 5 juin Chapelle Saint Sulpice, Istres 04 42 55 50 83 jusqu’au 12 juillet Centre d’Art Contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 istres.fr


54 au programme cinéma

Le Fils

Film de la semaine

© Nour Films

A

lexander Abaturov, né en 1984 en Sibérie, formé à Lussas en Ardèche, réalise en 2013 Les Âmes Dormantes. Un premier film, primé au Cinéma du réel, qui dénonçait l’emprise du parti de Poutine à 4000 km de Moscou dans la ville d’Atchinsk. Il revient sur nos écrans avec Le fils, un film plus personnel, tout aussi maîtrisé, qui vous saisit dès la première séquence. La caméra suit de jeunes soldats marchant

vers l’appel du soir. Arrêt. Garde à vous. Couvre-chef mis bas. Le visage tourné vers leur supérieur, hors champ, chacun, à tour de rôle, hurle dans l’ordre : le nom et grade d’un camarade tombé « en accomplissant sa mission de combattant », la date et le lieu de cette mort, puis, à mezza voce, presqu’en douceur, conclut par la formule : « décoré à titre posthume ». On est dans les Forces Spéciales de l’armée soviétique, les Spetsnaz.

Une part d’ombre

D

avid est un homme bien sous tous rapports : proche de ses amis, de ses enfants et très amoureux de sa femme. Jusqu’à ce qu’il se retrouve impliqué comme témoin au cœur d’une enquête pour meurtre, avant d’en devenir vite le premier accusé… Comment ne pas défendre cet homme en apparence irréprochable ? Tandis que les révélations se succèdent, commence à poindre l’ombre d’un doute… Une part d’ombre reprend le schéma entrevu dans La Chasse de Thomas Vinterberg : l’accusation puis la mise au pilori d’un protagoniste par un entourage de plus en plus suspicieux. À ceci près qu’ici, l’innocence de David n’est pas établie, ce qui amène le spectateur

Et ce n’est pas une médaille que le jeune réalisateur offre à Dima, son cousin de 21 ans tué d’une balle dans la tête le 29 mai 2013 au Daghestan, mais ce documentaire-hommage qui lie le deuil des parents du jeune homme, à un reportage en immersion dans le camp d’entraînement où il fut formé. Rites quotidiens des couchers et levers, discipline, lits au carré, rasage de crâne, récitation des règles d’allégeance à la Mère Patrie,

Film de la semaine

à s’identifier à l’entourage du héros et à traquer le moindre indice pouvant faire basculer le doute d’un camp vers l’autre. Point d’enquête policière menée tambour battant : l’accusation, la collecte d’indices, la bascule de l’opinion se font dans l’intimité de la famille et du cercle social. La mise en scène de Samuel Tilman, si elle sait très bien suggérer le hors-champ et jouer sur le flou et l’obscurité, s’y attarde peut-être un peu trop aux dépens de l’action, qui finit par peu impliquer le spectateur, faute de branches scénaristiques auxquelles se raccrocher. En conservant le mystère de la culpabilité de David, le film réussit l’audacieux défi de ne prendre le parti de personne, mais finit par en perdre un réel point de vue

narratif. Le long-métrage devient une fresque naturaliste réussie mais dont le ton peine à s’accorder à la tension d’un thriller. La grande réussite du film est son acteur principal Fabrizio Rongione, vieux complice du réalisateur. L’acteur belge Une part d'ombre © Destiny Films


ÉLISE PADOVANI

Le Fils, d’Alexander Abaturov, sortira le 29 mai (1h11)

mise davantage sur la suggestion que sur l’excès, si bien que cette réserve s’apparente tour à tour au repli d’un innocent ou à la réserve d’un manipulateur. PAUL CANESSA

Une part d’ombre, de Samuel Tilman, sortira le 22 mai (1h30)

festival du premier film francophone

37e festIval de la cIotat Berceau du cInéma

cinéma eden-théâtre la ciotat / 29 mai - 2 juin 2019 Infos : www.berceau-cinema.com / Billetterie : www.edencinemalaciotat.com

LA CiotAt

en partenariat avec la ville de la ciotat

Laëtitia Clément pendant le tournage de Luna de Elsa Diringer © grevephoto.com - Conception, réalisation Agathe Rescanières 04/2019

exercices dans la boue, à bout de souffle et de forces, simulation de combats et de blessures, épreuves de sélection à coups de poings : il « faut mériter le titre d’homme » et le béret rouge qui consacrera l’intégration au corps d’élite ! Des pratiques utilisées par les armées du monde entier, qui ne susciteront ici ni commentaire ni jugement dans une feinte neutralité. Un des camarades de Dima dira bien qu’il a été tué par le père d’un soldat ayant lui-même perdu son fils, et osera un « c’est un système hallucinant ! », mais on évoquera à peine le conflit caucasien et le terrorisme. Peu importe les causes des guerres, elles se donnent toutes les mêmes raisons : défendre la terre, les femmes, la patrie. Le cinéaste parle de tous les conflits armés et du déchirement universel de ceux qui y perdent leur enfant. Il laisse agir les images, les cadrages, et par le montage, juxtapose les rituels funéraires familiaux - célébration religieuse, collation, aménagement de la tombe, élaboration d’une statue à l’effigie du défunt - et les cérémonies de l’armée. Celles qui préparent les recrues à la mort qu’on donne et reçoit. Celles qui cimentent un corps collectif. Le cinéaste qui a côtoyé ces jeunes gens, dit avoir compris que quelque soit le degré de formatage des esprits et les efforts pour transformer un soldat en machine à tuer, un homme reste un homme. La galerie de portraits, face à la caméra, qui clôt le film le rappelle avant que le groupe ne soit embarqué dans un engin blindé dont les mâchoires se referment sur lui.


56 au programme cinéma

Petits meurtres entre époux Divorce à l’italienne, classique de la comédie italienne, ressort en version restaurée 4K

C

oincé dans un mariage sans affinité aucune avec Rosalia (Daniela Rocca, très enlaidie pour l’occasion), le baron sicilien Ferdinando Cefalù (Marcello Mastroianni) convoite en secret sa cousine encore adolescente, Angela (Stefania Sandrelli). Faute de pouvoir divorcer dans une Sicile des années 60 très respectueuse des traditions catholiques, il ourdit le plan de trouver un amant à sa femme avec qui il pourrait la surprendre, afin de mettre en scène un crime d’honneur pour lequel il n’écoperait que d’une courte peine. Le réalisateur Pietro Germi signe en 1961 avec Divorzio all’italiana la première des « comédies à l’italienne » qui feront

Divorce à l'Italienne © Les films du camélia

À L’Eden

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uste après Cannes, se tient chaque année à La Ciotat Le Festival du Premier Film Francophone organisé par Le Berceau du Cinéma en partenariat avec Les Lumières de l’Eden. Cette 37e édition nous propose en compétition 9 courts-métrages et 9 premiers longs-métrages sortis en 2018 et 2019, et c’est le

Lune de miel d’Elise Otzenberger

comédien Richard Anconina qui présidera le Jury. Une compétition où les femmes sont à l’honneur : 6 réalisatrices pour les longs comme pour les courts ! En avant première, Lune de miel d’Elise Otzenberger (sortie le 12 juin), où un couple de deux jeunes parisiens aux origines juives polonaises, invités à une commémoration, partent à la recherche

de leurs origines ; ils ne trouveront pas exactement ce qu’ils sont venus chercher… Dans Enkas avec Sandor Funtek et Sandrine Bonnaire, Sarah Marx nous raconte le trajet du jeune Ulysse qui, après 6 mois passés en cellule, se retrouve dans le monde « libre » avec l’obligation de prendre en charge sa mère malade et de construire sa propre réinsertion sociale. Un film inédit, sélectionné à Orizzonti / La Mostra de Venise et à Premiers plans d’Angers. Dans Marche ou crève, Margaux Bonhomme, inspirée par sa propre expérience de vie avec sa sœur handicapée, suit Élisa qui va, peu à peu, passer de l’amour à la haine, jusqu’à perdre pied et dans Mais vous êtes fous, (lire journalzibeline.fr) Audrey Diwan raconte comment un père accro à la cocaïne a drogué sa famille sans le vouloir. Pour vivre heureux des Belges Dimitri Linder et Salima Glamine nous plonge dans les milieux pakistanais de Bruxelles (lire journalzibeline.fr), et dans Une intime conviction Antoine Raimbault décrit un combat acharné contre l’injustice avec les excellents comédiens Marina Foïs, Olivier Gourmet et Laurent Lucas. Outre les trois autres longs en compétition,

Exfiltrés d’Emmanuel Hamon, Deux fils de Félix Moati et Curiosa de Lou Jeunet, il y aura aussi des temps forts hors compétition, comme en ouverture, Le Chant du Loup d’Antonin Baudry, l’histoire d’un jeune homme qui a le don, rare, de reconnaître chaque son qu’il entend et sur qui tout repose à bord d’un sous-marin nucléaire français... Et aussi des programmes de courts-métrages, 5 Courts d’ici, dont Trace ta route de Romuald Rodrigues Andrade (lire journalzibeline.fr) et 6 courts belges. Sans oublier le lancement de la cellule Kino Flots de La Ciotat avec la projection de courts-métrages sur le thème « Ma première fois ». Alors rendez-vous dans le plus ancien cinéma du monde, l’Eden-Théâtre du 29 mai au 2 juin ! ANNIE GAVA

Festival du premier film francophone 29 mai au 2 juin Cinéma Eden-Théâtre, La Ciotat berceau-cinema.com


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sa réputation : l’image noir et blanc, aujourd’hui restaurée, dépeint une très belle Sicile que vient illustrer non sans ironie la musique de Carlo Rustichelli. L’intrigue, dynamique, déroule sans temps mort ni hâte les desseins méticuleusement grotesques de Cefalù : le scénario fut d’ailleurs primé aux Oscars. Au centre de tout, le talent protéiforme de Marcello Mastroianni dans ce rôle comique du cynique amoureux fut une révélation : ses mimiques naïves et son charisme maladroit parviennent à inspirer la sympathie pour un personnage sans scrupules. Pour ceux qui le (re)verront en salles, le film demeure actuel. Il rappelle que le divorce resta interdit en Italie jusqu’à un référendum en 1974 et que la loi prévoyait

d’importantes réductions de peine pour les crimes « passionnels » : la foule des villageois siciliens applaudit ainsi ceux qui « rachètent » leur honneur. La projection mise en abyme de La Dolce Vita, qui fit scandale en 1960 avec Mastroianni dans le rôle principal, permet d’illustrer l’archaïsme hypocrite de l’Eglise : celle-ci s’empresse d’expliquer les crimes et tromperies des uns et des autres par les « déviances morales » du film de Fellini. Une autre séquence met en scène le Parti Communiste local, atterré par la misogynie primitive des habitants… Les spectateurs français retrouveront dans le ton, dans la voix off narrant avec une solennité comique ses fantasmes, et dans l’impayable moustache ironique de Cefalù, ce qui fera quinze ans plus tard

le succès d’Un éléphant ça trompe énormément (Yves Robert). Bref, un grand classique de la comédie satirique à ne pas manquer ! PAUL CANESSA

Divorce à l’italienne de Pietro Germi est sorti le 15 mai (1h44) dans sa version restaurée


Les films à ne pas louper Moi, Daniel Blake de Ken Loach dimanche 19 mai à 21h La femme d’à côté de François Truffaut lundi 20 mai à 20h50 Rester vertical d’Alain Guiraudie lundi 20 mai à 22h55 L’innocent de Luchino Visconti lundi 20 mai à 23h45

petit

écran

Diamond Island de Davy Chou jeudi 23 mai à 0h10

36 000 ans d’art moderne, de Chauvet à Picasso

Brazil de Terry Gilliam lundi 27 mai à 20h50

Ce passionnant documentaire de Manuelle Blanc fait écho à l’exposition Préhistoire, une énigme moderne, qui se tient au Centre Pompidou jusqu’au 16 septembre. Au début du XXe siècle, la découverte de l’art préhistorique s’infiltre dans les prémisses de l’art moderne naissant. Soulages, Miró, Picasso sont fascinés par leurs ancêtres, qui maîtrisaient déjà principes de perspective comme profondeur de champ. Au fil des époques, les découvertes majeures - grottes d’Altamira, de Lascaux, Chauvet - nourrissent l’inconscient collectif. Les surréalistes y cherchent une « certaine forme de rapport à l’origine », Nicolas de Staël nourrit ses toiles d’une « épaisseur pariétale » après un séjour à Altamira… Les fascinants dessins paléolithiques font preuve d’une utilisation des textures de la roche, donnant parfois naissance à des anamorphoses. Quelques décennies plus tard, les street-artistes reproduisent des gestes ancestraux sur les murs des villes.

La Grande Guerre de Mario Monicelli lundi 27 mai à 00h20 3h10 pour Yuma de Delmer Daves lundi 27 mai à 20h55 Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d’Elio Petri lundi 27 mai à 22h30

dimanche 19 mai à 17h35

Folles de joie de Paolo Virzì mercredi 29 mai à 20h55

Méditerranée lundi 20 mai après Soir 3 Cannois d’origine, Jérôme Espla fait partie de la génération Grand Bleu, à laquelle il a rendu hommage par un documentaire en 2017, revenant sur les lieux du tournage du film de Luc Besson à Amorgos, en compagnie de l’école des apnéistes de Nice. À travers ce nouveau « documentaire poétique », il rend hommage à la Méditerranée, qu’il a vu tout au long de sa vie « évoluer, vivre, s’appauvrir, rire, sourire, se fâcher… » Parti pris audacieux : la mer est ici personnifiée par une voix off. Au cri d’alarme, il préfère montrer la beauté qui reste à préserver, aux côtés d’Alex Voyer, photographe naturaliste, et de Marianne

Aventurier, apnéiste. Les hydrophones nous font entendre les conversations des cachalots, mais aussi la pollution sonore générée par l’activité industrielle. Devant le succès rencontré par ce documentaire déjà multiprimé, un 2e volet est en préparation : L’effet réserve, centré sur les aires marines de Méditerranée, et notamment sur les réserves naturelles de Corse.

PMA, le meilleur des mondes ? mardi 21 mai à 23h25 De parents relatant leur joie à l’annonce d’une « grossesse précieuse » tant espérée, aux confessions des scientifiques de l’époque, le documentaire opère en introduction un retour sur les premiers bébés éprouvettes, dans les années 80. Désormais, 25 000 bébés sont conçus in vitro chaque année. Les débats actuels portent sur l’ouverture de ces méthodes à tous. En Espagne, toutes les femmes ont droit à la PMA jusqu’à leurs 50 ans. Le documentaire sonde le désir de femmes ayant eu recours à la PMA, comme à celles qui y ont renoncé au dernier moment. Sans oublier son fil rouge, en


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référence au livre d’Aldous Huxley : une étonnante séquence, dans un Salon de la naissance, rend compte de l’énorme marchandisation du secteur, qui représente 20 milliards de dollars dans le monde. La conservation d’ovocytes, industrie de luxe ou réel progrès dans la satisfaction d’un désir intime ? La question est frontalement posée par les réalisateurs Laure Noualhat et Jean Crépu, sans faire l’impasse sur les questions financières mais aussi philosophiques, de la question sur l’origine de l’humanité, jusqu’aux risques de dérives eugéniques.

souffrance psychique entrainant une atteinte corporelle, aux conséquences parfois fatales. De l’Allemagne à l’Italie, une plongée dans les centres de soins étudie différentes thérapies, émaillées de témoignages de soignants et de patientes. Les intervenants évoquent aussi la dimension symbolique de l’alimentation, substance émotionnelle primale. Et soulèvent d’intéressantes réflexions : miroir de nos contradictions sociales, les pathologies actuelles comporteraient moins de psychose, mais davantage de troubles du comportement.

JULIE BORDENAVE

Droit de suite : SNCF, la fin d’un mythe ? jeudi 23 mai à 20h30 La fin du monopole de la SNCF s’annonce pour 2020. L’entreprise historique, qui fête ses 80 ans, se prépare à affronter la concurrence des compagnies de chemin de fer européennes, sur les grandes lignes du réseau de chemin de fer français. La notion de service public est-elle soluble dans la course au profit ? Frédéric Compain mène l’enquête, en remontant aux origines - transport de charbon, congés payés, nationalisation, reconstruction après-guerre… - jusqu’aux plus récentes mutations, qui voient la SNCF infiltrer tous les modes de transport pour diversifier ses activités.

Et aussi… Qu’est-ce qu’un bon impôt ? dimanche 19 mai à 0h Droit de suite : histoire secrète d’Action Directe lundi 20 mai à 20h30 Pigeons, citadins à plumes mardi 21 mai à 10h50 Élections européennes, l’union touchée au cœur mardi 21 mai à 20h50 Dans les coulisses du Brexit mardi 21 mai à 22h55

FBI : le dossier Chaplin dimanche 26 mai à 22h35 En 1947, la Guerre Froide fait rage. Sous l’ère du Maccarthysme, l’Amérique lance sa terrible chasse aux sorcières, contre les présumés espions soviétiques. Les méthodes brutales touchent notamment le milieu du cinéma. Le documentariste Patrick Cabouat s’attache au combat mené par Edgar Hoover contre Charlie Chaplin. Durant trois décennies, le patron du FBI accuse le comédien de sympathies communistes. Parti à Londres en 1952 pour y présenter la première mondiale de son film Les feux de la Rampe, le cinéaste sera interdit définitivement de revenir sur le sol américain.

Droit de suite : Chère anorexie jeudi 30 mai à 20h30 Les jeunes filles refusant de se nourrir traversent les âges : désignées comme jeûneuses ou mystiques au XVe siècle, puis hystériques et mélancoliques au XIXe, elles sont aujourd’hui considérées comme des patientes atteintes de troubles du comportement alimentaire. Le documentaire de Judith Pasquier tente de dénouer quelques mécanismes de cette

Quand l’Europe s’enflamme, maîtriser les incendies samedi 25 mai à 22h25 2 degrés, les dessous de la guerre climatique dimanche 26 mai à 14h Élections européennes, édition spéciale dimanche 26 mai à 19h45 Histoires courtes : Portrait de cinéaste. Lanners de Liège, dit Bouli dimanche 26 mai à 00h05 Papouasie occidentale lundi 27 mai à 15h35 Décennie de crise, l’urgence des migrants lundi 27 mai à 16h45 Phobies scolaires, le mal de grandir mardi 28 mai à 23h20 25 nuances de doc : En attendant papa mardi 28 mai à 00h15 Poutine, l’irrésistible ascension mercredi 29 mai à 0h45


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Comédie humaine en Chine

A

vec son nouveau roman, À la cime des montagnes, Chi Zijian brosse toute la vie d’un village de montagne dans la Chine contemporaine. Composé comme un immense puzzle, le livre nous invite à suivre les destins croisés de familles de Longzhan, non loin des frontières russes et de la Sibérie : la famille Xin dont un enfant adoptif sera meurtrier, la famille An, avec la grand-mère brodeuse, et la petite Neige aux pouvoirs prémonitoires, mais aussi la famille Shan, la famille Tang… Les récits particuliers peu à peu prennent sens, au cœur d’une ample fresque. Y éclot une galerie de portraits hauts en couleurs, où caractères et physiques sont

L’

esquissés en quelques mots incisifs. Les institutions et leurs changements influent sur la vie de chacun, de même que la nature omniprésente et chargée de légendes. D’ailleurs, le culte des divinités correspondant aux éléments subsiste malgré le régime en place… La grande histoire complète le tableau : la guerre contre les Japonais, l’intervention russe, les directives institutionnelles venues de Pékin… Les personnels dirigeants sont souvent corrompus ou corruptibles. Les mensonges, les omissions, les vérités cachées, nourrissent la trame de cette saga qui semble d’un autre temps. Le paraître y est une vertu essentielle, les notions d’honneur, d’image de

soi priment et jugulent les personnages. La violence, le cynisme, la cruauté se déchaînent, les passions s’exacerbent… peu de place est réservée à l’amour ou la compassion. On se meut entre archaïsme et modernité dans un univers où les équilibres basculent, les valeurs se tordent : se sustenter reste un enjeu alors qu’internet fait son apparition. Les tensions entre ces mondes contradictoires accordent son intensité dramatique au roman. En un style d’une élégante sobriété, les intrigues se recoupent, jouent du coup de théâtre, trouvent d’étonnantes et pourtant cohérentes résolutions. Les réalités lointaines nous deviennent familières au fil de tribulations enlacées dont la conclusion terrible laisse un parfum glacé et atterré. MARYVONNE COLOMBANI

À la cime des montagnes, Chi Zijian, traduit du chinois par Stéphane Lévêque et Yvonne André éditions Picquier, 22.50 €

Quand un jardin se dessèche

historien américain Kyle Harper a publié en 2017 cet « autre récit de la chute de Rome », aujourd’hui traduit en français par les éditions La Découverte. Un récit autre, parce que s’il n’élude pas les convulsions politiques, économiques et religieuses de l’Empire romain à l’agonie, il les situe avec précision dans un ample contexte environnemental. Dans l’Antiquité tardive, ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation était déjà à l’œuvre ; l’auteur analyse les puissantes et complexes interactions sous-tendant le destin de l’humanité d’une manière qui permet de porter un regard plus profond sur notre propre époque. Comment des forces aveuglément conjuguées - le climat, les maladies et les choix de société - malaxent-elles les populations ? Avant même que le capitalisme industriel ne le perturbe par ses émissions massives de CO2, le climat de la Terre a toujours été sujet à d’importantes variations, dues à l’irrégularité de son cycle orbital, de l’exposition au rayonnement

du soleil, et de l’activité volcanique. Selon l’historien, Rome, comme la dynastie des Han en Chine, a bénéficié d’un « optimum climatique » chaud et humide entre – 200 et + 150 après J.C. : la Méditerranée n’était alors qu’un « gigantesque jardin ». Les choses se sont gâtées par la suite ; le climat est devenu instable, avec succession de sécheresses et inondations, les hommes ont déforesté sans retenue, les microbes de la variole et de la peste se sont répandus le long des immenses circuits commerciaux de l’Empire, l’aridité des steppes eurasiennes a précipité les invasions barbares, l’effondrement démographique a renforcé l’essor du christianisme et de l’Islam, portés par

leur dimension eschatologique. Kyle Harper s’appuie sur des sources relatant une imminente fin de l’humanité et les considère avec empathie. Les Anciens pointaient la cupidité, péché ultime, comme responsable. Eux avaient l’espoir d’une Résurrection. Nous avons les données scientifiques. Le fait que l’histoire se soit poursuivie jusqu’à ce que nos 8 milliards d’individus dévorent la planète ne devrait-il pas nous entraîner à plus d’humilité vis-à-vis des puissances de la nature ? GAËLLE CLOAREC

Comment l’Empire romain s’est effondré Le climat, les maladies et la chute de Rome Kyle Harper Éditions La Découverte, 25 €


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Du fragile édifice de la fiction

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riger le mensonge en œuvre d’art… Un quasi pléonasme en littérature ! Le seul souci consiste à préserver une cohérence pour que le mensonge ne soit pas détecté involontairement ! Les éditions du Typhon poursuivent leur travail de réédition des auteurs que la critique des années 50 classa sous le nom de « Jeunes hommes en colère » et offrent à la lecture une œuvre culte en Angleterre, Billy le menteur de Keith Waterhouse (Billy Liar, 1959). Le roman suit tout au long d’une unique journée Billy Fischer, modèle de l’anti-héros. Ce dernier travaille dans une entreprise de pompes funèbres, vit chez ses parents, se commet dans un pub avec un spectacle

de blagues plus ou moins foireuses, rêve de quitter sa petite ville du Yorkshire pour Londres à la suite de la réponse que lui a faite un humoriste - un certain Dany Boon (rien à voir avec l’actuel) qui l’attendrait… L’écriture, en un brillant point de vue interne qui nous perd à loisir, suit les méandres de la pensée de ce personnage qui ne cesse de reconstruire la réalité dans laquelle il évolue au point de s’y fourvoyer. On le voit choisir la réplique qu’il songe la plus appropriée parmi le panel de celles qu’il a concoctées par avance, (« Mon répertoire de réponses allait de « Oui », « Non », (…) suivant l’humeur »), imaginer tel ou tel scénario, s’inventer multiples familles selon les

personnes qu’il côtoie, arpenter le monde comme un décor de théâtre, dans lequel chacun se voit attribuer un rôle, et luimême en endosse un, en fonction de ce qui l’entoure. Il imagine sans cesse de nouveaux moyens d’échapper à une réalité qui lui est insupportable pour des récits au tissage imparfait dont les fils mal ajustés l’enserrent et le condamnent à la faute, et à un dévoilement qu’il s’évertue à nier, jusqu’à l’épuisement, et au renoncement. À l’humour se mêle ainsi une musique douce-amère parée de désespoir. Le verbe « être » est parfois bien difficile à conjuguer ! MARYVONNE COLOMBANI

Billy le menteur Keith Waterhouse, traduction de l’anglais de Jacqueline Le Begnec, révisée par les éditeurs, éditions du Typhon, 17€

«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !

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© TnK1PrdZ

on, on ne va pas vous demander si vous avez fait vos devoirs. La dernière fois il vous était demandé de lire six pages. Et des plus admirables de l’histoire de la philosophie : le fameux appendice au livre I de L’Éthique de Spinoza. C’est fort, c’est beau, c’est clair : il est question de finalisme, de causalité, de liberté, de la conscience et donc de superstition, de la folie des dieux qui en viennent à délirer aussi fort

que les hommes ! Commençons par le « pourquoi ». Nous en avions déjà parlé, très belle question de l’enfant mais qui ne peut suffire à l’adulte qui veut comprendre le monde. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? C’est vouloir trouver la cause de la cause de la cause de la cause... jusqu’à ce qu’on en arrive à Dieu, qui délire, etcetera... Car la vraie question qui éclaire notre connaissance de la nature c’est le « comment ». Si par exemple on s’intéresse au langage

en se posant la question « Pourquoi les hommes parlent ? », la linguistique ne serait jamais apparue. Car dans la question « pourquoi », on suppose une intention : c’est ça le finalisme que combat Spinoza. La vraie question est : « Comment les hommes parlent ? » ; et la science peut advenir. Soyons plus proche de Spinoza : « Pourquoi agissons-nous ? Parce que nous voulons ». Telle est la réponse commune. « Telle est cette illusion de la liberté ; les hommes se croient libres parce qu’ils ont conscience de leurs désirs, mais ils ignorent les causes qui les déterminent à agir. » Et rien de mieux qu’une pierre qui tombe afin de nous éclairer sur ce drame. Prenons une pierre, dit Spinoza, lâchons là du haut d’une falaise. Jusque-là on comprend. Maintenant supposez que cette pierre, pendant sa chute, se mette à penser. On se dit qu’il va un peu loin Baruch. Alors posons-lui une question pendant qu’on y est : pourquoi tu bouges ? Parce que je le veux… Et vous avez tout compris sur cette illusion de la liberté. On y revient la prochaine fois. RÉGIS VLACHOS


62 feuilleton littéraire

Nos éclipses épisode 1 : La disparition du soleil L'auteur Éric Pessan, né en 1970 à Bordeaux, vit actuellement dans le vignoble nantais. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages : des romans, des pièces de théâtre, des textes destinés à la jeunesse, des livres réalisés avec des plasticiens. Il est membre du comité de rédaction de la revue Espace(s) du Centre National d’Études Spatiales. Derniers ouvrages parus : Quichotte, autoportrait chevaleresque (2018, Roman, Fayard), La connaissance et l’extase (2018, Essai-récit, éditions de l’Attente), L’homme qui voulait rentrer chez lui (2019, Roman jeunesse, L’École des loisirs).

Eric san Pessan © Mélio Pes

en co-production avec La Marelle

P

artout en Europe les gens ont acheté des lunettes noires permettant de regarder l’éclipse. La presse publie les recommandations : ne pas tenter de regarder le soleil sans protection de crainte de se brûler les rétines. Ne pas non plus se contenter de lunettes de soleil ordinaire. L’éclat de l’astre doit impérativement être filtré. Il faut faire attention en photographiant ou en filmant également. Le disque solaire qui sera visible autour de l’ombre de la lune demeure dangereux. C’en est presque drôle : occulter son regard pour mieux voir. Il y aurait là une métaphore un peu bancale de nos vies, dit Marin [tous les prénoms ont été transformés]. On regarde disparaitre le soleil pour ne pas voir la misère qui s’étale dans nos rues, ajoute-t-il. Sophia comme souvent l’écoute sans rien dire. La lutte des classes n’existe plus, enchaine Marin en forçant un peu sa voix. Muette, Sophia se lève et va observer son menton dans le miroir : sa peau est irritée par la barbe mal rasée de Marin. Elle va devoir s’hydrater, elle est presque brûlée par le frottement. Mais quelle manie a-t-il de toujours vouloir l’embrasser ? pense-t-elle tandis qu’il s’empêtre dans un discours creux sur l’ordre social. Elle ne

l’écoute pas, cela fait des mois qu’elle ne l’écoute plus. Il est déjà rhabillé, il fouille dans les poches intérieures de sa veste, extrait quelques billets, hésite un instant. Elle pense qu’il doit avoir le même geste, exactement, à la fin de chaque séance avec son psy. Il suit une psychanalyse, il l’a avoué un jour, c’est son principal problème : il parle trop et tout le temps. Et il cherche à tisser autre chose autour de ce qui n’est qu’un échange de prestations. Ce qui chez Marin avait touché Sophia au tout début de leur relation tarifée a disparu comme la buée d’un souffle sur une vitre. Marin noue ses lacets ; même penché en avant, il continue à parler. Pour le faire taire, Sophia va à la salle de bain prendre sa crème pour la peau, elle est nue encore ; un petit cadeau : les hommes aiment regarder le cul d’une femme qui marche. Marin ajoute deux ou trois généralités à ses propos simplistes. Ce qu’il ne dit pas résonne bien plus fort que ce qu’il dit. L’homme riche qu’il est peine à s’offrir une jeune femme sans en ressentir de la culpabilité. je peux t’emprunter un livre ? demande-t-il, et sans attendre de réponse il prend un ouvrage dans la bibliothèque de Sophia. Leurs rencontres se déroulent


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chez elle, il l’a trouvée sur un site d’escort. Sophia est jeune, très jeune. Elle a commencé à se vendre pour financer ses études, c’est une solution comme une autre pour achever son master, cela demande juste du détachement. Savoir se couper en deux à volonté, ce qui n’est pas dans les cordes du pauvre Marin. Elle a vite goûté à l’argent facile. Elle trie sa clientèle : des hommes installés, mariés, instruits, courtois et honteux de recourir à ses services. Leur culpabilité hypocrite, bien sûr, ne servant qu’à pimenter le plaisir qu’ils prennent à leur séance hebdomadaire ou mensuelle de sexe. Sophia ne répond rien. Toujours, Marin essaie de créer une complicité là où il n’y a que nécessité. Elle le laisse prendre le livre, il lui ramènera la semaine prochaine sans l’avoir lu, comme à chaque fois. Elle s’enveloppe dans un peignoir. La séance est finie, elle n’a qu’à croiser son regard pour qu’il comprenne et qu’il parte. Un jour, il lui avait demandé si elle était heureuse. C’est l’une des deux questions que les hommes posent invariablement aux filles comme elle. Ils se soucient de savoir si elles sont satisfaites de leur vie, et si elles jouissent. Marin attend un geste, un sourire, une attention qui ne vient pas, et il part, enfin. Dans la rue, il lève les yeux vers le ciel bleu sans nuage. L’éclipse décrite comme L’éclipse du siècle sera magnifique, rien ne troublera le spectacle offert par les cieux. Des gens ont posé des RTT pour être aux premières loges, des milliers de personnes ont roulé vers les montagnes du Massif Central où le phénomène sera le plus spectaculaire. Marin jette un œil sur l’ouvrage qu’il tient dans la main : La ronde, d’Arthur Schnitzler, du théâtre. Depuis le lycée, il n’a pas lu une pièce

de théâtre. Il n’est jamais allé voir un spectacle non plus, il n’a ni le goût ni le temps à ce genre de chose. Il a trop de responsabilités pour les loisirs culturels. Encore un motif de honte, il reste persuadé que les gens qui lisent ou vont au spectacle possèdent une chose qui lui fait défaut, il en a déjà parlé à son psy. Un chien aboie, Marin presse le pas pour rentrer chez lui. Poser des cloisons et multiplier les précautions depuis des années n’est pas sans risque. Marin ne peut s’empêcher de sursauter quand Luce entre dans la cuisine, le livre de Schnitzler à la main, et lui demande d’où il sort ça. Il se maudit intérieurement. Il est lucide sur son comportement, il prend des livres pour se trahir, c’est une partie de lui qui complote contre lui. Il laisse des traces en redoutant qu’un jour Luce n’apprenne à quoi il occupe certaines de ses après-midis. Il répond qu’il l’a trouvé dans une boîte, dans la rue, c’est de plus en plus fréquent : les gens laissent des livres lus à la disposition d’autrui, il n’y a généralement que de vieux best-sellers ou des Harlequin abandonnés par des vieilles dames, mais parfois on y déniche des surprises. Il l’a pris pour le sauver de la pluie, sans réfléchir. Luce fronce les sourcils un instant, sourit, se moque de lui qui ne lit jamais. Depuis combien de temps sont-ils mariés ? Trente ans bientôt. Elle ne l’a jamais vu lire autre chose que des rapports d’activité et des bilans financiers. Le journal parfois, rapidement : les pages économiques et les pages sportives surtout. Tu me le prêtes ? elle demande. Marin lui offre en se promettant de le racheter à Sophia.

Suite du feuilleton dans le prochain numéro...


D’après © Yohanne Lamoulère, création graphique : Atelier 25


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