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effectué au centre de santé
Figure 7.4 Incidence du paludisme et résultats du traitement par type de test effectué au centre de santé
1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0 a. Proportion des patients atteints de paludisme et des achats d’antipaludéens, par type de test clinique
Non testé TDR uniquement
Microscopie Test à domicile positif Achat d’antipaludéens
1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0 b. Correspondance entre le résultat du test de dépistage du paludisme et le traitement, par type de test clinique
Non testé TDR uniquement
Microscopie Correspondance globale Test négatif et pas de traitement Test positif et traité Source : Banque mondiale, à partir des données de Lopez, Sautmann et Schaner 2022a, 2022b. Note : Le panneau a montre la proportion des patients dont le test de dépistage du paludisme à domicile est positif et la proportion de ceux qui ont reçu un antipaludéen. Le panneau b montre la correspondance entre le traitement pour le paludisme et le résultat du test de paludisme à domicile. De gauche à droite, les achats d’antipaludéens passent de moins de 50 % à plus de 70 %, mais la proportion des patients correctement traités diminue, passant de 60 % à 40 %, en grande partie à cause du traitement excessif. TDR = test de diagnostic rapide.
proportions de patients ayant une « correspondance négative » (c’est-à-dire les patients qui n’avaient pas le paludisme et qui correctement n’ont pas reçu un antipaludéen).
Il est intéressant de noter que les taux de concordance positifs et négatifs sont plus élevés lorsque seul un TDR est utilisé que lorsqu’une microscopie est effectuée. De plus, l’étude a montré que la formation du personnel des centres de santé sur la précision des TDR réduit les tests faisant double emploi, tant avec les TDR qu’avec la microscopie, et améliore considérablement les taux de concordance positifs et négatifs (Lopez, Sautmann et Schaner 2022a ; voir également la figure 3.1, au chapitre 3). Ce résultat, ainsi que les taux élevés de non-concordance dans le cadre des tests microscopiques, permet de penser que les médecins traitent peut-être sur la base de frottis sanguins mal interprétés.
Bien entendu, les soins non indiqués peuvent aussi s’expliquer par le fait que l’établissement de santé ne dispose tout simplement pas des outils et du matériel de diagnostic requis. Le tableau 7.1 montre que les centres de santé de l’échantillon de l’étude de cas sur le paludisme étaient en rupture de stock de certains matériels de test du paludisme dans 31 % des cas. La figure 7.4 montre que près de 50 % des patients sans test de dépistage du paludisme ont néanmoins reçu un antipaludéen, peut-être parce que les prestataires ont rédigé des ordonnances alors que le test n’était pas disponible. Les lacunes en matière de connaissances et de capacités peuvent être comblées par le FBP à long terme si les directeurs d’établissement réagissent à ces incitations en formant ou en embauchant leur personnel de manière plus rigoureuse et en gérant mieux leur chaîne d’approvisionnement. Ces changements prendront probablement du temps.
Cependant, les taux de traitement des patients non testés de la figure 7.4 pourraient également indiquer qu’au moins certains médecins choisissent de ne pas effectuer de test, même si le matériel est disponible, et prescrivent sur la base du seul diagnostic clinique. Certains médecins peuvent également commander des tests de laboratoire ou des TDR mais en ignorent ensuite les résultats. Il s’agit là de la composante effort ou choix du prestataire de la qualité des soins. Les prestataires des établissements de santé étudiés peuvent ne pas effectuer de test ou ignorer un résultat de test qui n’est pas conforme à leur évaluation et prescrire quand même un antipaludéen, malgré des politiques de santé claires exigeant un test de paludisme positif pour une ordonnance d’antipaludéens (Ministère de la Santé 2013)5.
D’autres données de fait montrant que les médecins choisissent de ne pas suivre le protocole de diagnostic et de fournir des soins qui ne sont pas nécessaires, bien qu’ils aient les connaissances et les ressources pour le faire, proviennent des études d’audit et de patients standardisés. Ces études comparent les étapes réelles du diagnostic suivies dans la pratique clinique quotidienne avec le comportement dans une vignette hypothétique. Elles montrent que les médecins n’effectuent qu’une fraction des vérifications essentielles spécifiques au cas et prescrivent un traitement pour des affections que le patient ne présente pas, en dépit de leurs meilleures connaissances (voir, par exemple, Das et Hammer (2007) pour une première étude de ce type). Il est frappant de constater qu’en Inde, les médecins qui exercent à la fois dans des établissements publics et dans leur propre cabinet privé délivrent des soins de qualité très différente dans les deux contextes et sont 15 % plus susceptibles de diagnostiquer correctement le patient et 37 % plus susceptibles de proposer le bon traitement dans leur cabinet privé (Das, Holla, et al. 2016). Selon les auteurs, la prestation de soins de
santé à l’acte dans le secteur privé responsabilise davantage les médecins et les incite à fournir des soins de meilleure qualité. Le manque d’effort des prestataires et les incitations mal alignées sont clairement des facteurs importants qui contribuent à la faible qualité des soins de santé et spécifiquement à la prestation de soins non indiqués.
Incitations financières et non monétaires à la prescription et rôle du FBP Le rôle des incitations des prestataires dans le cadre de la prestation de soins excessif est double. Premièrement, les prestataires n’ont souvent pas d’incitations à établir un diagnostic exact ou à réduire les dépenses et ne s’efforcent donc pas explicitement à éviter l’utilisation excessive. Deuxièmement, il existe une série d’incitations externes qui tendent à encourager les prestataires à vendre des médicaments ou des services qui ne sont pas nécessaires. Dans ce contexte, le FBP a le potentiel d’améliorer les incitations à établir un diagnostic et à fournir un traitement exacts, mais dans la pratique, la nature des incitations offertes renforce souvent les incitations existantes à la vente excessive. Ce problème est lié aux difficultés d’évaluer la qualité de l’allocation des soins de santé et de récompenser avec précision le comportement souhaité. À mesure que les systèmes de santé se développent, les incitations extérieures à la fourniture excessive peuvent devenir encore plus fortes et renforcer davantage les incitations à la rémunération liée à la performance. Cette sous-section examine les données de fait sur les incitations à fournir des soins non indiqués dans les systèmes de santé des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire et dans les économies en transition, en utilisant les exemples de la Chine et de l’Inde. Elle souligne également brièvement les liens potentiels avec le FBP. La sous-section suivante revient sur l’exemple des soins prénatals du chapitre 4 et présente des données de fait montrant des soins non indiqués en réponse au FBP.
Les incitations financières sont le plus souvent citées comme le principal facteur déterminant de ce que l’on appelle la « demande induite par le médecin ». La demande induite se produit lorsque le prestataire « influence la demande de soins par un patient en contradiction avec l’interprétation par le médecin des meilleurs intérêts du patient » (McGuire 2000, 504). Le prestataire peut influencer la demande du patient car les soins de santé sont, à bien des égards, un bien de confiance, ce qui signifie que le patient n’observe pas directement les avantages et les inconvénients du traitement et qu’il doit se fier au jugement de l’« expert », ici le prestataire de soins de santé. Même les prestataires professionnels et altruistes peuvent agir à l’encontre de ce qu’ils estiment être le meilleur intérêt du patient si d’autres
intérêts les y contraignent fortement. Il existe de nombreuses données de fait établissant que les prestataires répondent à des incitations financières directes ou indirectes, par exemple en augmentant les taux des ordonnances pour accroître les bénéfices des ventes. Dans une étude sur des patients standardisés en Chine, les taux des ordonnances étaient de 55 % lorsque l’établissement de santé du prestataire bénéficiait de la vente, contre 10 % lorsque le patient indiquait qu’il achèterait un antibiotique prescrit dans une pharmacie non affiliée (Currie, Lin et Meng 2014).
Mais même si le volume des ventes ne fait pas l’objet d’une incitation financière, comme c’est le cas dans la plupart des établissements de santé publique et pour les médecins salariés6, les prestataires peuvent être tentés de fournir des soins non indiqués. Le souci de leur réputation peut les inciter à proposer un traitement plutôt que de demander au patient d’« attendre et voir » (Das, Hammer et Leonard 2008). Ce phénomène est lié à une cause souvent signalée, mais moins souvent étudiée de manière rigoureuse, de la surprescription, à savoir la demande des patients d’un traitement puissant. La théorie de la « demande induite » suppose que les médecins s’efforcent de persuader les patients réticents d’acheter plus que ce dont ils ont besoin, mais les prestataires signalent souvent que les patients arrivent aux consultations avec l’espoir de recevoir des traitements spécifiques (Kotwani, Chaudhury et Holloway 2012 ; Linder et al. 2014 ; van Staa et Hardon 1996). Dans l’étude de cas sur le paludisme, 57 % des agents de santé ont déclaré avoir subi des pressions de la part des patients pour qu’ils prescrivent des médicaments non nécessaires, et nombre d’entre eux ont nommé spécifiquement les antibiotiques et les antipaludéens. Parallèlement, 55 % des patients ont déclaré qu’ils pensaient avoir le paludisme avant même de consulter un médecin.
L’une des principales motivations de la recherche qui constitue la base de l’étude de cas sur le paludisme était de tester les effets de la demande des patients sur les pratiques des prestataires en matière d’ordonnances. Les auteurs ont mené une expérience au cours de laquelle ils ont distribué des bons qui réduisaient le prix d’une simple ACT pour le paludisme, mais ont fait varier, lors de journées choisies au hasard, le fait que les patients soient informés de cette réduction ou que les médecins puissent la mentionner à leur gré (Lopez, Sautmann et Schaner 2022b). Dans le groupe de traitement où les patients étaient au courant de la remise, les taux de prescription d’antipaludéens étaient sensiblement plus élevés et la correspondance entre le traitement et la maladie était moins bonne. En outre, parmi les établissements de santé sélectionnés au hasard où les prestataires ont reçu
une formation et où l’attribution du traitement antipaludique s’est améliorée, la satisfaction des patients a diminué. Cela donne à penser que, au moins dans ce contexte, certains soins non indiqués sont le résultat d’une « demande induite » : une proportion non négligeable de patients demandent des soins contre le paludisme alors qu’ils n’en souffrent pas, et ce sont les médecins qui se plient à contrecœur aux préférences des patients.
Les incitations basées sur la performance peuvent renforcer les incitations financières ou autres incitations externes et aggraver le problème de la fourniture excessive lorsqu’elles récompensent le volume de soins fournis, ce qui est souvent le cas (Miller et Babiarz 2014). Une incitation basée sur la réalisation d’une procédure sans en vérifier la pertinence agit comme une rémunération à la pièce et encourage la quantité au détriment de la qualité. Ce problème se pose davantage dans le domaine des soins curatifs, où un aspect important de la qualité des soins consiste à fournir le traitement aux bons destinataires plutôt qu’au plus grand nombre de destinataires possible ; cependant, comme le montre la sous-section suivante, le problème se pose également dans le domaine des soins préventifs (en utilisant ici l’exemple des SPR).
L’expérience des pays à revenu élevé donne un aperçu des problèmes à venir en matière de fourniture excessive de soins lorsque les systèmes de santé seront moins limités en ressources. Les incitations à fournir des soins non indiqués sont encore renforcées lorsque les patients ont des revenus élevés et donc une forte volonté de payer. En outre, les politiques de santé qui améliorent l’accès et protègent les patients contre les chocs inattendus, comme la couverture d’assurance maladie et les soins de santé publique subventionnés, créent également un écart entre les coûts auxquels les patients sont confrontés et la valeur qu’ils reçoivent. Dans cette situation, les patients sont disposés à accepter des traitements ou des diagnostics coûteux, même s’ils ne leur procurent que des avantages modérés.
Pour donner un exemple, les taux élevés de consommation de médicaments en Chine sont souvent attribués à la politique pharmaceutique qui visait historiquement à promouvoir les entreprises pharmaceutiques locales, ce qui a conduit à une réglementation inégale des prix et à des marges élevées (Sun et al. 2008). En conséquence, les revenus de la vente de médicaments dans les pharmacies appartenant aux fournisseurs assuraient effectivement une subvention croisée d’autres services de santé (voir également Currie, Lin et Meng 2014), et les médecins étaient fortement incités à augmenter les ventes de médicaments (Dupas et Miguel 2017). L’abus d’antibiotiques et de corticostéroïdes était particulièrement grave, avec
entre 55 % et 85 % des ordonnances de médicaments contenant un antibiotique (Currie, Lin et Meng 2014 ; Currie, Lin et Zhang 2011 ; Li et al. 2012 ; Sun et al. 2008). Dans un article récent, Fang et al. (2021) décrivent les effets de la « politique de majoration zéro » qui a été mise en œuvre dans les hôpitaux publics pour endiguer ce problème. Cette politique a été introduite de manière échelonnée dans toute la Chine à partir de 2009 et, en réponse, les médecins ont modifié leur régime de traitement de manière à ce que les dépenses en médicaments des patients soient remplacées par des dépenses non liées aux médicaments, ce qui a maintenu les revenus des hôpitaux au même niveau.
Un autre exemple est la tendance actuelle en Inde à payer les soins de santé avec l’assurance maladie publique, mais à les obtenir par le biais d’hôpitaux privés. Les données recueillies au Rajasthan montrent que les modifications des taux de remboursement fixes pour différents types de services ont entraîné des changements notables dans l’offre de ces services ainsi que des modifications des frais (interdits) facturés aux patients et des taux de fausses réclamations (Jain 2021). Ces résultats font écho à des données de fait de longue date, par exemple, de la réaction des médecins aux politiques de remboursement dans le système Medicare des États-Unis (Cabral, Geruso et Mahoney 2018 ; Rice 1983).
Il est impératif d’anticiper la hausse des coûts des soins de santé et l’augmentation de la fourniture de diagnostics et de soins non indiqués dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire au fur et à mesure que leurs systèmes de santé se transforment et de concevoir des politiques qui peuvent traiter à la fois la sous-fourniture et la sur-fourniture de soins de santé. Les systèmes de rémunération aux résultats peuvent soutenir ces efforts s’ils peuvent dissuader les soins non indiqués tout en favorisant les soins nécessaires. Un exemple d’intervention qui a connu un succès modéré dans la réduction de l’utilisation des antibiotiques dans les zones rurales de la Chine est un système conjoint de capitation et de rémunération à la performance piloté dans la province de Ningxia (Yip et al. 2014).
Soins inappropriés ou non pertinents lors des visites de SPR et effets du FBP
Un danger inhérent au FBP est que le fait de payer pour certains actes peut inciter les agents de santé à les faire même s’ils ne sont pas strictement nécessaires ou s’ils sont même dangereux (Cors et al. 2011 ; Lyu et al. 2017 ; Morgan et al. 2019). Cette sous-section examine l’utilisation
excessive dans le contexte des SPR à l’aide du cadre à trois volets et des données présentées au chapitre 4. Comme il a été mentionné au chapitre 4, bien que les données disponibles sur les SPR n’aient pas été conçues pour détecter l’utilisation excessive, il existe des indications de traitements non nécessaires même à la base, avant l’introduction des interventions de FBP.
Cette sous-section revient sur les mêmes indicateurs d’utilisation excessive que ceux examinés au chapitre 4, à savoir le commencement trop précoce du traitement préventif du paludisme et la fourniture trop précoce du vaccin antitétanique. Ces mesures sont définies comme 1) le commencement du traitement préventif du paludisme et 2) l’administration du vaccin antitétanique au cours du premier trimestre, alors que les directives de l’OMS stipulent qu’il ne devrait être administré qu’au cours du deuxième trimestre ou plus tard. En outre, l’administration trop précoce d’un traitement préventif contre le paludisme est non seulement un exemple de soins non nécessaires qui constitue une utilisation inefficace des ressources, mais elle est également préjudiciable au fœtus en pleine croissance (Peters et al. 2007 ; Hernandes-Diaz et al. 2000).
Comme cela a été présenté en détail dans les chapitres 5 et 6, les projets pilotes de FBP du Nigéria et du Cameroun incluaient le maintien du statu quo ainsi qu’un volet de financement direct des établissements (FDE) à des fins de comparaison. Dans ce dernier cas, les établissements bénéficiaient d’un financement amélioré et d’une autonomie quant à la dépense du budget supplémentaire, mais n’étaient pas autorisés à l’utiliser pour la rémunération du personnel. La figure 7.5 présente les données obtenues au Cameroun et au Nigéria concernant l’impact du FBP sur l’utilisation excessive par rapport au maintien du statu quo et au FDE. Par rapport au maintien du statu quo, au Nigéria, les indications selon lesquelles l’intervention de FBP aurait pu entraîner une augmentation de l’utilisation excessive des traitements contre le paludisme et de la vaccination contre le tétanos ont été estimées de manière imprécise. Les vaccins contre le tétanos étaient explicitement encouragés par le système de paiement (Khanna et al. 2021). Au Cameroun, l’intervention a également acheté la fourniture de vaccins antitétaniques pendant la grossesse. Par rapport au maintien du statu quo et au FDE, le FBP ne semble pas augmenter l’utilisation excessive des vaccins antitétaniques, bien que là encore, aucun des deux effets n’ait été estimé avec précision. Par rapport au FDE au Nigéria, le FBP a eu un impact plus faible et encore une fois non significatif sur le traitement du paludisme et la vaccination contre le tétanos.