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Discussion et conclusions
Nigéria, par exemple, les coûts administratifs du FBP représentaient 24 % des dépenses du programme (Zeng et al. 2021). Le volet FDE n’a pas entraîné ces coûts. Même avec l’approche hybride FBP-FDE, la vérification peut coûter cher, surtout si elle est effectuée en personne dans tous les établissements participants à intervalles réguliers. Des études récentes montrent cependant qu’un algorithme basé sur le risque peut réduire considérablement la nécessité d’une vérification en personne, ce qui réduit de deux tiers les coûts de vérification (Grover, Bauhoff et Friedman 2019).
En ce qui concerne le montant de la rémunération liée à la performance, deux sources de données indiquent que le montant versé par service n’a peut-être pas un effet déterminant sur les services fournis. Tout d’abord, une étude réalisée dans la province de Misiones en Argentine a estimé l’effet du triplement temporaire de la rémunération liée à la performance des prestataires de soins sur la fourniture de soins prénataux au cours du premier trimestre de la grossesse. L’augmentation de la rémunération a accru de 34% le nombre de consultations prénatales en début de grossesse dans le groupe de traitement, par rapport au maintien du statu quo pendant la période de traitement. À noter toutefois que cet effet a persisté 12 mois après le rétablissement du niveau de rémunération initial, ce qui suggère que les prestataires ne réagissent pas seulement au prix. Cependant, l’étude montre également que la qualité des soins peut être restée un obstacle à l’amélioration des résultats en matière de santé puisque l’augmentation du nombre de consultations prénatales en début de grossesse n’a pas eu d’effet sur l’issue des grossesses. Deuxièmement, les estimations de l’élasticité des prix sur le terrain au Nigéria (Bauhoff et Kandpal 2021) jettent un doute sur la mesure dans laquelle les prestataires réagissent à l’augmentation de la rémunération liée à la performance. Ce résultat donne à penser que le rôle principal du prix pourrait être de conférer plus d’importance à l’information transmise par la liste de contrôle. Ceci suggère à son tour une autre façon — au lieu de la vérification fondée sur le risque — d’améliorer le rapport coût-efficacité du FBP, en offrant simplement des prix symboliques. Enfin, il est également important de reconnaître que le FBP peut être difficile à mettre en œuvre (Paul et al. 2018), ce qui en fait un moyen coûteux et peut-être risqué de financer les services de première ligne.
Plusieurs idées se dégagent de l’analyse présentée dans ce chapitre. Les résultats de la méta-analyse montrent que si, en moyenne, les incitations
financières élargissent la couverture de tous les indicateurs de services de santé reproductive, maternelle et infantile inclus, les tailles d’effet sont relativement modestes, entre 2 et 6 points de pourcentage, les effets les plus importants étant pour l’accouchement médicalisé et la vaccination complète des enfants (environ 5 points de pourcentage). L’hétérogénéité de la taille d’effet des programmes d’incitation financière est faible à modérée pour tous les indicateurs, à l’exception de la vaccination de la mère contre le tétanos.
Les niveaux faibles à modérés d’hétérogénéité des tailles d’effet des programmes d’incitation financière se reflètent dans l’écart généralement faible entre la taille d’effet moyenne du FBP, des vouchers et des TMC. L’analyse ne permet pas de déterminer précisément l’ampleur de cet écart, mais, dans l’ensemble, les résultats indiquent que le FBP pourrait être légèrement moins efficace pour améliorer la couverture des services de santé reproductive, maternelle et infantile que les systèmes de voucher et de TMC.
En testant d’autres facteurs possibles d’hétérogénéité des tailles d’effet des programmes d’incitation financière, l’analyse ne trouve aucun élément établissant une complémentarité systématique entre les incitations liées à l’offre et celles liées à la demande, ni une influence systématique du niveau de base des indicateurs. Les résultats de l’examen systématique et de la méta-analyse ne sont pas sans limites. Les critères d’inclusion méthodologiques sont rigoureux, ce qui peut être considéré comme un point fort de l’analyse. Cependant, l’exclusion des études dont la conception et les méthodes empiriques sont moins rigoureuses réduit encore la puissance statistique, qui, malgré une base de données probantes de plus en plus importante, demeure insuffisante pour effectuer une analyse plus détaillée du rôle des caractéristiques de chaque intervention et du contexte de sa mise en œuvre. Cette limitation s’applique aux comparaisons de la taille d’effet du FBP, des vouchers et des TMC — les différences signalées doivent être interprétées uniquement comme des associations car l’analyse ne peut pas contrôler les facteurs de confusion. Afin de permettre des comparaisons plus fines entre les sous-groupes, les études sur les programmes d’incitation financière devraient s’appuyer sur des méthodes d’évaluation d’impact rigoureuses, réduire l’hétérogénéité évitable en utilisant des définitions uniformes des variables de résultats et inclure des informations détaillées sur les caractéristiques du programme.
Enfin, les indicateurs visés par les programmes d’incitation financière ont généralement un champ d’application plus large que le petit groupe de résultats étudiés ici. De nombreux programmes incitent à utiliser d’autres indicateurs de couverture sanitaire dans le domaine de la santé
reproductive, maternelle et infantile [pour un examen et un résumé des données sur la demande, voir, par exemple, Neelsen et al. (2021)]. Les programmes TMC comprennent souvent aussi des conditions liées à l’éducation et à la formation professionnelle et, comme les programmes de vouchers, ils peuvent avoir des effets supplémentaires sur la consommation et le bien-être des ménages. De même, les programmes FBP comprennent presque toujours des incitations visant à améliorer la qualité de l’équipement et la propreté des établissements et à rationaliser les procédures administratives, et on espère généralement que les effets du FBP sur la transparence, la responsabilisation des prestataires et l’utilisation des données auront un effet transformationnel sur l’ensemble des systèmes de santé (Friedman et Scheffler 2016 ; Ma-Nitu et al. 2018). Il est donc important de souligner que les résultats de la méta-analyse permettent uniquement de tirer des conclusions sur les effets des incitations financières sur les six indicateurs inclus, mais pas sur le coût-efficacité global de programmes spécifiques ou de séries complètes d’interventions.
Au-delà de la méta-analyse, les données de l’évaluation d’impact au Nigéria montrent que la rémunération liée à la performance peut être plus efficace pour améliorer la couverture lorsque les niveaux de base de l’indicateur sont faibles, ce qui donne à penser que le paiement d’indicateurs pour lesquels la couverture de base est élevée risque de ne pas être efficace puisque l’effort requis pour élargir la couverture n’est pas proportionnel au prix payé. Pour les indicateurs dont la couverture de base est particulièrement faible, les obstacles liés à la demande peuvent être importants mais en partie atténués par des transferts monétaires de faible montant aux patients/ ménages.
De nombreux obstacles à une couverture effective échappent au contrôle de l’agent de santé et ne répondent donc pas bien à un système de rémunération liée à la performance. C’est pourquoi il n’est peut-être pas surprenant que l’analyse montre que le FDE, généralement associé à des réformes de l’autonomie et de la supervision au niveau de l’établissement, peut améliorer la couverture et la couverture effective dans la même mesure que le FBP — souvent à moindre coût, puisque le FDE ne nécessite pas de mécanisme de vérification. Ce tableau nuancé de l’efficacité du FBP nous rappelle que, comme probablement toute intervention complexe, le FBP n’améliore pas toujours la couverture effective et cet échec peut être dû à une variété de raisons.
Les résultats mitigés quant à l’efficacité du FBP présentés dans ce chapitre soulignent les complexités d’une intervention FBP et montrent que
le FDE, le FBP et les transferts monétaires liés à la demande pourraient être considérés comme des options complémentaires pour augmenter la couverture effective. Les données présentées soulèvent également des questions sur l’attrait du FBP comme principal moyen de financement de la santé dans la plupart des pays en développement. Cela soulève également la question de savoir si les apports substantiels des bailleurs de fonds au titre du FBP ne pourraient pas être mieux utilisés — du moins en partie — pour d’autres modes de financement de la santé. Le FDE ou les transferts directs aux ménages peuvent produire une grande partie des améliorations obtenues grâce au FBP, mais à un moindre coût administratif et avec des effets moins hétérogènes. Même lorsqu’on utilise le FBP, il pourrait être judicieux de ne rémunérer qu’un petit nombre d’indicateurs ciblés. Ceux-ci peuvent être sélectionnés à titre d’achat stratégique s’ils relèvent du contrôle de l’agent de santé. Par exemple, les agents de santé peuvent ne pas être en mesure de répondre aux incitations en faveur des consultations prénatales en raison de contraintes liées à la demande, mais une fois qu’une femme utilise les services de soins prénatals, les agents de santé peuvent alors utiliser la qualité des soins dispensés pendant ces consultations pour la convaincre de revenir pour l’accouchement (Basinga et al. 2011 ; Bonfrer, Van de Poel et Doorslaer 2014). Ce chapitre fournit également plusieurs raisons qui incitent à la prudence avant d’attribuer l’impact observé du FBP sur les accouchements médicalisés entièrement au prix fixé dans le système FBP. Il examine des données qui semblent indiquer qu’un prix symbolique pourrait produire une grande partie des avantages de la rémunération liée à la performance, ce qui donne à penser que même les programmes FBP efficaces pourraient être plus économiques.
Les données présentées dans ce rapport proviennent, en grande partie, de l’effort sans précédent déployé pour étudier systématiquement l’impact du FBP. En 2008, lors du lancement du premier fonds fiduciaire, le HRITF, qui a financé ces essais et évaluations d’impact du FBP, de nombreuses questions restaient sans réponse quant à l’utilisation du FBP pour améliorer la couverture effective dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire. Comme ce chapitre l’a démontré, le grand nombre de projets pilotes et d’études d’impact financés par le HRITF a permis d’en apprendre beaucoup sur où, quand et pourquoi le FBP peut fonctionner et comment il peut être renforcé.
Néanmoins, ces données montrent également que le FBP est loin d’être la seule option, ni même la plus attrayante à tous égards, pour parvenir à assurer un financement durable des établissements de santé et une
couverture sanitaire universelle. En faisant la lumière sur les différents moyens viables de financer et renforcer les systèmes de santé, ce rapport vise à offrir des options aux responsables politiques. Le FBP et le FDE représentent l’un et l’autre une amélioration notable par rapport au statu quo pour faire avancer le processus de transformation des systèmes de santé. La facilité de mise en œuvre et le faible coût administratif du FDE peuvent rendre cette approche particulièrement attrayante pour les pays qui souhaitent relever les défis posés par la pandémie de COVID-19 aux systèmes de santé, mais le FBP peut être plus attrayant pour les bailleurs de fonds en raison du lien entre le financement et les résultats. Même avec les gains obtenus grâce au FBP ou au FDE, les taux de couverture effective restent faibles et il reste beaucoup à faire pour atteindre l’objectif de développement durable consistant à permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous. Ni le FBP ni le FDE ne pourra sans doute à lui seul à combler entièrement le fossé qui subsiste. Les deux derniers chapitres du rapport s’appuient sur les résultats présentés ici pour envisager l’avenir. Le chapitre 7 présente un programme de recherche et met en garde contre les risques de surprescription des soins lorsqu’on utilise le FBP pour développer les systèmes de santé, et pour conclure, le chapitre 8 examine les incidences opérationnelles des recherches passées en revue ici.