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Introduction
CHAPITRE 5
Le financement basé sur la performance améliore la couverture des interventions de santé reproductive, maternelle et infantile
Introduction
L’objectif de la couverture sanitaire universelle est de créer des systèmes de santé qui permettent à tous d’accéder à des services qu’ils ont les moyens de payer. Cet objectif a été énoncé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2005 et a conduit à des investissements soutenus et une assistance technique en faveur des systèmes de santé dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire (OMS 2010). Néanmoins, 17 ans plus tard, le financement durable des systèmes de santé reste un défi central sur la voie de la couverture sanitaire universelle (English et al. 2016 ; Reich et al. 2016). Selon les estimations de la Brookings Institution, les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire sont confrontés à un déficit de financement annuel de 370 milliards de dollars pour atteindre l’objectif de développement durable no 1, assurer une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. Ce déficit est particulièrement marqué en Afrique subsaharienne, qui représentait 16 % de la population mondiale, 3 % du personnel de santé mondial et 23 % de la charge de morbidité mondiale, mais seulement 1 % du total des dépenses de santé mondiales en 2015 (Ogbuoji et al. 2019 ;
Union africaine 2014). Selon un rapport de l’OMS sur le financement de la santé en Afrique, les stratégies et les mécanismes qui sous-tendent les systèmes de financement de la santé peuvent poser des problèmes (OMS 2013). Par exemple, dans pratiquement la moitié des pays africains, au moins 40 % des dépenses totales de santé sont directement couvertes par les ménages. Les flux au sein des systèmes de gestion des finances publiques existants peuvent être biaisés en faveur des zones urbaines et des soins spécialisés, même si la réforme des soins de santé primaires est depuis longtemps au cœur des efforts des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds pour élargir l’accès aux soins (OMS 1978).
En outre, les systèmes de gestion des finances publiques ne sont pas toujours alignés sur les réformes du financement de la santé, et les systèmes de suivi des dépenses publiques peuvent être engorgés, deux facteurs qui entraînent des retards vertigineux dans le versement des salaires. Cela peut avoir des effets négatifs sur la satisfaction et la motivation des agents, et réduire de ce fait la qualité des soins fournis (Diamond 2013). Il n’est donc peut-être pas surprenant que le financement de systèmes de santé de qualité constitue un défi supplémentaire dans ces pays. En effet, ce n’est que depuis quelques années que la garantie de soins de haute qualité est une priorité pour les bailleurs de fonds et les organisations internationales (OMS 2013, 2018). Néanmoins, les chapitres 2 à 4 du présent rapport soulignent que les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne, continuent d’être confrontés à des lacunes importantes dans la fourniture d’une couverture effective, pour ce qui est notamment de fournir des services de qualité pour les soins de maternité. Les chapitres 3 et 4 montrent en outre que, même s’il existe encore des lacunes structurelles et de connaissances dans la prestation des services de santé, le manque d’effort des agents de santé explique une grande part de la faible qualité des soins. S’agissant des stratégies visant à améliorer la couverture effective et la qualité des services de santé, ce chapitre passe en revue une grande partie des données publiées sur la manière dont les incitations financières, du côté de la demande comme de l’offre, ont amélioré les taux d’utilisation des services de santé. Le chapitre se concentre sur une approche courante des incitations financières du côté de l’offre, à savoir la rémunération liée à la performance. En général, dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire, la rémunération liée à la performance est incorporée dans les systèmes de financement basé sur la performance (FBP), qui comprennent la rémunération liée à la performance et d’autres éléments essentiels, notamment la réforme de la gestion des finances publiques,
l’autonomie des établissements de santé, la décentralisation, la supervision et le mentorat pour le personnel de première ligne et la participation communautaire. Le FBP a été décrit comme un « outil permettant de créer des services de santé de meilleure qualité, plus inclusifs et plus accessibles » (Fritsche, Soeters et Meessen 2014, 2). Ce chapitre et le chapitre 6 examinent la question de savoir si la rémunération liée à la performance et l’approche globale du FBP ont effectivement permis de fournir de « meilleurs » soins, en étudiant leur impact sur la qualité des structures et des procédures ainsi que sur les résultats en matière de santé, des soins « plus inclusifs », en évaluant les effets avérés sur l’équité, et des soins « plus accessibles », en examinant la couverture et la couverture effective.
Le chapitre commence par un aperçu de la rémunération liée à la performance et fournit un cadre théorique qui explique pourquoi ce système de rémunération peut améliorer la couverture effective. Il résume ensuite les récentes données d’évaluation, notamment celles tirées des investissements de la Banque mondiale dans les approches FPB dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire, telles que les effets sur la qualité des soins et l’équité. Cette vue d’ensemble des données probantes examine également les données concernant l’impact des projets FBP sur le recours aux services, l’équité et la qualité des soins, en utilisant le cadre des écarts entre capacités/ connaissances et action décrit au chapitre 3. Les études d’impact liées aux projets FBP financés par la Banque mondiale suggèrent que les interventions FBP ont eu tout au plus un impact mitigé sur la couverture des services de santé et la qualité clinique. Les gains observés ne sont pas favorables aux pauvres car les personnes relativement aisées peuvent mieux réagir aux améliorations de la qualité des installations et passent souvent du secteur privé au secteur public en réponse aux investissements dans le secteur public. En revanche, étant donné qu’une critique clé de la rémunération liée à la performance est qu’elle pourrait éroder la motivation des agents de santé (Paul et al. 2018), le chapitre procède à une analyse systématique et bien ciblée, dans plusieurs pays, des effets du FBP sur la motivation et la satisfaction des agents de santé1 .
Comme nous l’avons vu au chapitre 3, deux obstacles majeurs à l’amélioration de la couverture effective sont : 1) la qualité des soins ; 2) la dotation en personnel des établissements et la prestation des services de santé dans les régions pauvres et éloignées. Pour répondre au premier problème, dans la plupart des projets pilotes FBP, les établissements recevaient une prime de qualité supplémentaire basée sur une fiche de notation de la qualité destinée à mesurer la performance à l’aide d’indicateurs de qualité des structures et des
procédures, au lieu d’utiliser uniquement le volume des services fournis (voir, par exemple, Kandpal et al. (2019), pour donner un aperçu de la mise en œuvre de cette prime de qualité dans les projets pilotes FBP au Nigéria). En outre, dans de nombreux cas, les chefs d’établissement ont reçu une formation deux fois par an sur les meilleures pratiques d’administration financière et de gestion des établissements. Pour répondre au deuxième problème, plusieurs interventions des projets FBP étudiées ici offraient une prime supplémentaire liée à l’éloignement de l’établissement — souvent cette prime pouvait être substantielle, jusqu’à 40 % du salaire trimestriel avant la prime — selon la distance du siège administratif local. Enfin, conformément au principe de responsabilité des projets pilotes FBP, les niveaux déclarés des services ciblés fournis et les paiements associés étaient publiés en ligne sur les portails nationaux des projets (Fritsche, Soeters et Meessen 2014).
De plus, étant donné que l’objectif est la prestation efficace et équitable de services de santé de haute qualité, les projets FBP dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire comprennent souvent des composantes supplémentaires en plus de la rémunération liée à la performance. Dans les programmes étudiés dans ce chapitre, les paiements au titre des projets FBP sont aussi généralement accompagnés d’un financement supplémentaire pour l’infrastructure, les fournitures et les consommables et versés directement à l’établissement de santé. Cela peut constituer un changement important par rapport à la pratique habituelle pour les soins de santé primaires dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire. De plus, telles qu’elles sont mises en œuvre dans les soins de santé dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire, les interventions FBP font généralement partie d’une réforme plus large du système de santé qui comprend l’autonomie, la supervision, le suivi et la surveillance ou la participation de la population locale à la gestion de l’établissement (Meessen, Soucat et Sekabaraga 2011 ; Renmans et al. 2017). Lorsque ces interventions ont été pilotées dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire et déployées par la suite, on pensait généralement que ces interventions composites et globales étaient particulièrement adaptées pour revitaliser la performance des systèmes de santé dans les pays à faible revenu. Les experts en santé publique pensaient que les projets FBP pouvaient catalyser des réformes globales et aider à résoudre des problèmes structurels tels que le manque de réactivité, l’inefficacité et l’inégalité. La rémunération des prestataires basée sur leur performance, combinée à l’autonomie de décision au niveau de chaque établissement de santé, était considérée comme une approche