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Étude de cas au Mali

Tableau 3.2 Indicateurs de consultation sur l’usage rationnel des médicaments : Étude de cas au Mali

Indicateur Médiane

Antibiotiques prescrits (%) 63

Injection sous-cutanée ou intraveineuse reçue (%) Médicaments prescrits (moyenne) 40

3,8

Médicaments achetés (moyenne) 2,5 Sources : Banque mondiale, données tirées des indicateurs de l’INRUD/OMS dans l’étude de cas au Mali ; Lopez, Sautmann et Schaner 2022. Note : Les indicateurs ont été définis à partir des données recueillies pour une étude expérimentale sur le traitement du paludisme au Mali, qui comptait 627 observations de patients dans le groupe témoin (voir encadré 3.1). Tous les patients présentant des symptômes aigus ont été contactés pour des entretiens à l’entrée et à la sortie du dispensaire. Les indicateurs INRUD ne permettent pas de déterminer directement si un traitement donné était approprié, mais les niveaux documentés d’utilisation d’antibiotiques et d’injections et le taux de polypharmacie (plusieurs médicaments pour une même pathologie) dans cet échantillon sont très élevés. INRUD = International Network for the Rational Use of Drugs ; OMS = Organisation mondiale de la Santé.

d’indicateurs que l’OMS recommande pour les études sur l’utilisation des médicaments et les pratiques de prescription. Mais ils mesurent essentiellement les niveaux de soins et non la pertinence des soins, et ne permettent donc pas d’évaluer de nombreux aspects de la qualité des soins. Le tableau 3.2 présente les statistiques d’utilisation de médicaments dans l’étude de cas au Mali, empruntées à la liste de l’INRUD. La plupart des indicateurs ne font pas le lien entre l’utilisation réelle et l’utilisation optimale d’un traitement (bien que certaines études tentent de déterminer si une meilleure utilisation est représentée par l’augmentation ou la diminution d’un indicateur, par exemple, Holloway et al. 2020). Ce problème a limité les études publiées. Par exemple, une revue systématique des études sur l’utilisation irrationnelle des médicaments en Chine et au Viet Nam, basée sur les indicateurs de l’OMS, note que « aucune étude admissible n’a permis de déterminer si des médicaments inutiles ou coûteux étaient prescrits ou non, et si la prescription était conforme ou non aux directives cliniques » (Mao et al. 2015, 9).

L’indicateur INRUD le plus pertinent, mais peu utilisé, fait partie des indicateurs complémentaires : « prescription conforme aux directives de traitement ». Comme indiqué dans les directives de l’OMS, cette mesure peut être très efficace pour des pathologies bien définies avec des directives de traitement claires, mais elle pose des difficultés en termes de définition des problèmes de santé, de définition d’un traitement acceptable et

d’identification d’un nombre suffisant de problèmes spécifiques au cours d’une enquête sur l’utilisation de médicaments. Ces quelques lignes mettent en évidence les nombreux défis à relever pour mesurer les soins appropriés et identifier les soins insuffisants ainsi que les soins non indiqués. Le problème fondamental est que la qualité dépend non seulement de ce qui est fourni, mais aussi de ce qui devrait être fourni1 .

Ces dernières années, une nouvelle génération d’études sur l’économie de la santé a présenté diverses méthodes qui s’attaquent à cette question pour évaluer la qualité des soins. La première de ces méthodes, souvent proclamée l’« étalon-or » (Dupas et Miguel 2017), est ce qu’on appelle les études d’audit ou de patients standardisés, qui ont été utilisées pour divers travaux de recherche menés dans de nombreux pays à revenu faible et à revenu intermédiaire2. S’apparentant à des clients mystères, les patients standardisés sont formés pour présenter une pathologie spécifique à un prestataire qu’ils consultent incognito, et ils rendent ensuite compte de leur visite. Kwan, Bergkvist, et al. (2019) fournissent une introduction sur la manière d’utiliser la méthode pour la recherche, accompagnée d’une boîte à outils et d’un manuel. King et al. (2019) donnent des conseils pratiques pour la mise en œuvre.

La méthode du patient standardisé présente plusieurs avantages. Le plus important, bien sûr, est que les prestataires ne savent pas quels patients sont des cas d’audit3. Les comptes rendus de visite médicale sont donc représentatifs du comportement du prestataire dans ses interactions quotidiennes avec les patients. Étant donné que la « véritable » condition sous-jacente est connue du chercheur, le comportement du prestataire peut être comparé à la pratique clinique recommandée et ses conclusions peuvent être comparées au diagnostic correct. Chaque élément de la consultation peut être enregistré, comme le nombre de questions posées, le diagnostic et la durée de la visite. La méthode permet également au chercheur de faire varier systématiquement le comportement ou les caractéristiques des patients pour comprendre les réponses des prestataires, par exemple pour identifier la discrimination fondée sur le genre ou l’origine ethnique (Borkhoff et al. 2009 ; Planas et al. 2015) ou mesurer la façon dont les prestataires traitent les patients ayant différents niveaux de connaissances médicales (Currie, Lin et Meng 2014). À ces fins, il est particulièrement utile que plusieurs patients standardisés puissent consulter le même prestataire et enregistrer leur comportement dans différents cas, et inversement, le même individu formé comme patient standardisé peut se présenter avec différents profils

pathologiques, différents comportements, différentes tenues vestimentaires, etc.

Un inconvénient est que les types de pathologies présentées, ou le comportement et les réponses préétablis des patients standardisés, peuvent ne pas être représentatifs de la population réelle de patients. Les patients réels peuvent également avoir des antécédents ou des dossiers médicaux connus du médecin. En outre, les études sur patients standardisés posent le même problème que les études d’audit ou de type « client mystère » réalisées dans d’autres contextes : elles ne sont souvent pas réalisées en double aveugle, c’est-à-dire que la personne qui évalue la qualité connaît (ou déduit) les objectifs de l’étude. Cela peut conduire l’évaluateur à modifier inconsciemment son comportement pour obtenir une réponse spécifique, ce qui crée un biais de confirmation (Bertrand et Duflo 2017).

Une autre méthode de mesure de la qualité est l’observation directe. Dans ce cas, un clinicien formé — par exemple un médecin, une infirmière/ sage-femme ou un étudiant en médecine — assiste à la visite et prend des notes sur divers aspects de la consultation. Ces données d’observation sont généralement recueillies à l’aide d’une liste de contrôle basée sur les protocoles établis pour ce type de service (directives de l’OMS, politique nationale de santé ou autres protocoles médicaux acceptés). Une étude menée en Tanzanie montre que les réponses fournies en utilisant la liste de contrôle de l’observation directe correspondent étroitement aux souvenirs des patients lors d’un « examen rétroactif de la consultation » (ERC) (Leonard et Masatu 2006). De plus, malgré un effet Hawthorne initial — c’est-à-dire que le médecin observé réagit au fait d’être observé en faisant plus d’efforts — la qualité des soins dispensés dans les interactions observées est similaire à celle des interactions non observées (mesurée par un ERC) après les dix premières consultations environ (Leonard et Masatu 2010). Dans la mesure où les patients ne modifient pas leur comportement sous observation, cette approche est la plus proche de la « vie réelle » dans le sens où les conditions et les personnes observées constituent un échantillon représentatif de la population de patients concernée. Cependant, il peut être difficile d’établir une liste de contrôle suffisamment détaillée tout en couvrant tous les cas possibles que le médecin rencontre, surtout dans un cabinet généraliste.

Dans certaines situations, la meilleure façon de mesurer la qualité est de mener un entretien avec le patient après la consultation avec le médecin, comme dans un ERC. Leonard et Masatu (2006) font état d’une grande concordance entre l’observation directe du médecin et le compte rendu du

patient lorsque l’ERC a lieu peu de temps après la consultation. Cela est particulièrement utile lorsque l’entretien peut être combiné avec une réévaluation du diagnostic du patient. Par exemple, dans l’étude de cas sur le paludisme décrite dans l’encadré 3.1, les enquêteurs ont mené des entretiens de sortie au dispensaire ainsi que des entretiens de suivi et un test de paludisme à domicile le lendemain. Cette méthode utilise de vrais patients et peut éviter le biais d’observation dans le comportement des médecins, du moins dans une certaine mesure, mais elle présente également des inconvénients. Premièrement, les patients ne peuvent souvent pas indiquer avec précision quels tests ont été effectués. Ensuite, Lopez, Sautmann et Schaner (2022) constatent qu’il existe un biais de sélection dans le dépistage du paludisme à domicile : seuls les patients présentant des symptômes graves acceptent de passer le test de diagnostic rapide (TDR), qui comporte une piqûre au doigt pour prélever une goutte de sang. Les auteurs établissent ensuite un indice de risque de paludisme à partir du test à domicile, en utilisant la probabilité estimative de paludisme basée sur les symptômes signalés et les données démographiques du patient pour élargir l’analyse à tous les patients du dispensaire.

À titre d’illustration, la figure 3.1 montre le pourcentage de patients ayant reçu une prescription d’antipaludiques, en fonction du risque estimé de paludisme, d’un prestataire qui a suivi ou non un module de formation approfondie sur la précision du dépistage du paludisme (le groupe témoin n’a reçu qu’une formation pratique de base sur l’utilisation des TDR). Dans les dispensaires où les prestataires avaient reçu une formation supplémentaire, les patients présentant un faible risque de paludisme ont reçu moins de prescriptions que ceux présentant un risque élevé. Cette méthode qui consiste à rediagnostiquer un sous-ensemble de l’échantillon et à prédire le risque de maladie pour les autres patients peut être utile dans d’autres contextes.

Les mesures de la qualité des soins utilisées dans le chapitre 2 n’ont pas été effectuées au niveau des prestataires mais reposent sur des enquêtes représentatives de la population. Les chercheurs utilisent des enquêtes représentatives pour mesurer l’état de santé — taux de vaccination, taux de natalité, morbidité, mortalité ou données anthropométriques (par exemple, retard de croissance et poids des enfants) — ou la satisfaction des patients et leur souvenir des procédures médicales effectuées. Cette approche a l’avantage de mesurer les résultats de tous les soins reçus en tant qu’objets d’intérêt ultimes. Le chapitre 2 examine plus en détail les avantages et les inconvénients de la mesure de la qualité des soins de santé

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