The Red Bulletin INNOVATOR CF 23/01

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Idées pour un avenir meilleur

Comment la mĂ©decine hightech en Suisse rĂ©concilie l’homme et la machine afin de nous maintenir en bonne santĂ©

Robodoc

IDÉES POUR UN AVENIR MEILLEUR INNOVATOR BY THE RED BULLETIN 01/2023 3,80 CHF 01 2023 ÉDITION SUISSE
L’interniste Thomas Sauter avec des lunettes de rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, au CHU de Berne.

MASTER OF MATERIALS

RADO.COM
CAPTAIN COOK HIGH-TECH CERAMIC SKELETON

ÉDITORIAL

TRANSMETTRE LE COURAGE

CONTRIBUTIONS

Nicole Thurn est une journaliste de longue date. Elle est Ă©galement autrice, animatrice et facilitatrice d’ateliers. Pour nous, elle s’est penchĂ©e sur les projets de deux Autrichiens dont l’objectif est de dĂ©velopper une Ă©nergie nuclĂ©aire « sĂ»re » Ă  base de thorium.

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Lorsque nous avons commencĂ© Ă  rĂ©diger ce numĂ©ro, l’Europe et le monde Ă©taient confrontĂ©s Ă  certains des plus grands dĂ©fis de notre temps. Six mois plus tard, nous avons rĂ©ussi Ă  faire beaucoup de choses que l’on ne croyait pas possibles Ă  l’époque, grĂące Ă  l’engagement, au dĂ©vouement et Ă  l’inventivitĂ©. Et grĂące Ă  des personnalitĂ©s qui façonnent notre sociĂ©tĂ© avec de nouvelles idĂ©es, et en font chaque jour un endroit meilleur.

Michael Sieber est un photographe suisse primĂ©. Ses Ɠuvres ont Ă©tĂ© publiĂ©es entre autres dans GEO, 11 Freunde, Die Zeit et le NZZ Folio. Pour The Red Bulletin Innovator, il a photographiĂ© l’avenir virtuel de la mĂ©decine avec l’équipe du CHU de Berne.

SUJET DE COUVERTURE, PAGE 62

Nous les appelons les « faiseurs et les faiseuses de courage ». Cette Ă©dition leur est dĂ©diĂ©e. Elle Ă©voque des projets audacieux visant Ă  remettre notre approvisionnement en Ă©nergie sur de toutes nouvelles bases, des pionniers et pionniĂšres de la mĂ©decine de demain et de nombreux esprits crĂ©atifs qui rĂ©inventent tout, de la musique aux vĂȘtements en passant par nos centres urbains, et par une rĂ©volution technologique en matiĂšre de voilier volant.

Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir et de confiance en l’avenir Ă  la lecture de ce nouveau numĂ©ro de The Red Bulletin Innovator !

INNOVATOR
INNOVATOR 3
MICHAEL SIEBER (COUVERTURE), KONSTANTIN TAUFNER-MIKULITSCH

CONTENUS

Comment la quĂȘte de nouveautĂ© amĂ©liore nos vies et nous permet de sauver le monde.

L’avenir en confiance

Le désir de nouveauté nous est inné. Celles et ceux qui y voient leur vocation changent notre monde.

BULLEVARD

10 Médecine spatiale

L’astronaute Matthias

Maurer mùne des recherches à bord de l’ISS.

12 Une robe en spray

Un liquide qui se transforme en tissu : la mode du futur ?

14 Mister Groovy

Grñce à l’appli MyGroove, Martin Grubinger vous met à la pratique.

16 Confluence

À Zurich, art, Ă©conomie et technologie se croisent.

18 Lampe magique

Elle produit de la lumiùre, de l’eau potable et du sel, par la seule force du soleil.

20 Tradi moderne

La CitroĂ«n Oli rĂ©unit le meilleur de l’ancien et du nouveau.

22 Coup de pouce

Une start-up suisse transforme les drones en boĂźtes Ă  outils volantes

America’s Cup

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La révolution de la voile

Si les bateaux peuvent voler, c’est bien grĂące Ă  un travail d’ingĂ©nierie mĂ©ticuleux et audacieux. Comme le dĂ©montre les voiliers AC75 du team Alinghi Red Bull Racing.

24 Love Generation

La Suissesse Yaël Meier explique aux entreprises comment fonctionne la génération Z.

Santé

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PAGE 27 Intro
Robo-doc de Berne Au labo de simulation visuel du CHU de Berne, on Ă©tudie, on teste et on invente l’avenir de la mĂ©decine.
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MICHAEL SIEBER, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL BRATISLAV MILENKOVIC
Les spĂ©cifications peuvent varier selon la configuration. Les chiffres sont provisoires et sous rĂ©serve de la certification finale.  2 DĂ©couvrez Énergie (WLTP) Transmission Émissions polestar.com 14.8–17.1 kWh/100 km 100% Ă©lectrique 0 CO2 g/km Puissance 220 kW Couple 490 Nm Long range Single motor Propulsion arriĂšre A B C D E F G A

Avant-gardistes

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Les visages du virage

Énergie solaire dans les champs, mini-Ă©oliennes, piles Ă  hydrogĂšne
 voilĂ  l’avenir Ă©nergĂ©tique.

Auto-Test

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Expédition dans le virtuel

Le mĂ©tavers est une Ă©norme entreprise, et tout Ă  fait particuliĂšre. Notre auteur s’est « infiltrĂ© ».

Entretien

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Intelligence artificielle

La psychologue Martina Mara et le philosophe Mark Coeckelbergh nous expliquent ce phénomÚne.

PERSPECTIVES

90 Conférence

Urban Future Global réunit les personnalités du changement et des décisions.

92 Optimiser

Le biohackeur Andreas Breitfeld nous aide Ă  ĂȘtre en forme plus rapidement.

93 Mes perles

La fondatrice du podcast

Womens Authors of Achievement parle et partage.

94 Agenda

Six mois remplis d’évĂ©nements passionnants nous attendent.

96 Chronique

Ali Mahlodji raconte comment nos peurs peuvent nous rendre plus forts.

Recherche

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Opération Austrotom

Deux Autrichiens veulent rendre la l’énergie nuclĂ©aire sĂ»re, propre et bon marchĂ©. Merci le thorium !

98 Humour

Notre illustratrice

La Razzia porte son regard sur l’avenir.

CONTENU S INNOVATOR
6 INNOVATOR ANDREAS
JAKWERTH, FLORIAN VOGGENEDER, GREEN TECH VALLEY CLUSTER, RENATO QUADRONI, SEBASTIEN CRETTAZ, FABIO RODRIGUES MATHIS BURMEISTER

DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.

AU GOÛT FRUITÉ DE BAIES. NOUVEAU

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.

2024 Youth & Women’s America’s Cup Applications open on April 3rd until April 30th More information on: ywac.alinghiredbullracing.com

Bullevard

pour un monde meilleur

INNOVATOR
INNOVATOR 9 GETTY IMAGES PREMIUM ACCESS

Le 23 mars 2022, l’astronaute de l’ESA

Matthias Maurer a effectuĂ© une sortie extravĂ©hiculaire depuis l’ISS.

Solutions cosmiques

ENVOYÉ SPATIAL

L’astronaute allemand Matthias Maurer rĂ©alise dans l’espace des expĂ©riences destinĂ©es Ă  faire avancer la recherche mĂ©dicale sur Terre.

Alors que l’humanitĂ© tente depuis des dĂ©cennies de trouver des remĂšdes aux maladies mortelles, faut-il espĂ©rer que ça nous tombe un jour du ciel ? « Oui ! », nous rĂ©pond Matthias Maurer, 53 ans, qui voyage dans l’espace pour le compte de l’Agence Spatiale EuropĂ©enne. Pour lui, la recherche spatiale n’est pas un luxe de milliardaires en mal de destinations insolites : c’est un des moyens les plus effcaces de booster et de tester les avancĂ©es scientifques, notamment dans le domaine mĂ©dical.

Sa derniĂšre mission, pour laquelle il succĂ©dait Ă  Thomas Pesquet, l’a envoyĂ© Ă  bord de la Station Spatiale Internationale pour une durĂ©e de six mois. BaptisĂ©e Cosmic Kiss, cette mission avait pour objectif de rĂ©aliser une centaine d’expĂ©riences dans les domaines les plus variĂ©s

– recherche fondamentale, physique, biologie, mĂ©decine et observation terrestre.

Matthias Maurer est particuliĂšrement fer de certaines avancĂ©es qui ont Ă©tĂ© testĂ©es pendant sa mission. L’expĂ©rience Touching Surfaces a ainsi permis de « mettre au point des surfaces totalement anti-microbiennes, en traitant au laser des matĂ©riaux tels que l’acier, le cuivre ou le laiton. AprĂšs le traitement, ces surfaces dĂ©truisent tous les microbes, les virus et les bactĂ©ries qui entrent en contact avec elles ». Une dĂ©couverte de la recherche spatiale qui pourrait trouver de nombreuses applications sur Terre, dans le domaine mĂ©dical.

ProthĂšse cosmique

De tels matĂ©riaux peuvent dĂšs aujourd’hui ĂȘtre utilisĂ©s pour les stimulateurs cardiaques et

« Nous avons testĂ© un petit muscle cardiaque en milieu spatial : il s’est mis Ă  fonctionner pour de vrai – c’est de la science fiction ! »

Bullevard 10 INNOVATOR ESA/NASA/SPACEX TAHIRA MIRZA
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les stents (endoprothĂšses vasculaires, ndlr) » Un progrĂšs qui sauverait potentiellement des millions de vies, quand on sait que les implants actuels occasionnent, auprĂšs de la moitiĂ© des patiente·s, des infections qui peuvent s’avĂ©rer dangereuses, voire mĂȘme mortelles.

Retombées du ciel

Mais ce n’est pas tout : selon Matthias Maurer, le traitement au laser testĂ© au sein de la Station spatiale internationale (ISS) a Ă©galement montrĂ© que « la rĂ©sistance thermique surfacique diminue de 80 % par rapport Ă  celle d’autres alliages ». Un avantage qui pourrait servir Ă  booster la performance des panneaux solaires « d’environ 30 %, ce qui permettrait d’apporter une solution concrĂšte aux dĂ©fs Ă©nergĂ©tiques que l’on rencontre sur Terre ».

Labo sur orbite

Une autre expĂ©rience rĂ©alisĂ©e par l’astronaute allemand et son Ă©quipe lui tient particuliĂšrement Ă  cƓur : baptisĂ©e Lab-on-Chip, elle consiste Ă  « mettre en culture des petites cellules cancĂ©reuses et Ă  tester diffĂ©rents fuides ou mĂ©dicaments sur elles. De telles manipulations rĂ©alisĂ©es en milieu spatial permettent, grĂące Ă  la visualisation 3D, de voir instantanĂ©ment comment la tumeur rĂ©agit. Les expĂ©riences rĂ©alisĂ©es sur Terre dans des conditions classiques en laboratoire ne sont pas toujours fables. Ces expĂ©riences en milieu spatial sont forcĂ©ment bĂ©nĂ©fques Ă  la recherche sur le cancer ».

À terme, on imagine aussi qu’elles pourraient mettre fn Ă  l’expĂ©rimentation animale. Devant de tels espoirs, il ne semble pas Ă©tonnant que notre astronaute ait voulu baptiser sa mission Cosmic Kiss (trad. le baiser cosmique) : « C’est une dĂ©claration d’amour au cosmos, mais aussi Ă  l’ISS, que je considĂšre comme le lien qui unit l’humanitĂ© au cosmos, ainsi qu’à toutes les dĂ©couvertes, passĂ©es et Ă  venir, que l’ISS engendre. » esa.int

L’INFO EN PLUS Panneaux solaires, GPS, filtre Ă  eau, scan IRM, appareils sans fil, etc. Plusieurs innovations faites pour l’aventure spatiale font dĂ©sormais partie de notre quotidien.

IngĂ©nieur et docteur en sciences des matĂ©riaux, Matthias Maurer travaille depuis 2010 au sein de l’Agence Spatiale EuropĂ©enne (ESA).

Originaire de la Sarre, région frontaliÚre de la France, Matthias Maurer aime préparer des spécialités du cru à bord !

INNOVATOR INNOVATOR 11

Manel Torres mÚne des recherches sur la fast fashion durable depuis plus de deux décennies.

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C’est de la bombe !

INSTANTANÉ

Lorsque des créateurs vaporisent sur le corps nu de Bella Hadid un liquide qui se transforme en robe, le monde de la mode en reste bouche bée


La scĂšne se passe dans la Salle des Textiles du musĂ©e des Arts et MĂ©tiers Ă  Paris, Ă  l’automne 2022 : le dĂ©filĂ© Coperni va bientĂŽt se terminer, et pour le clore en beautĂ©, les deux designeurs de la maison française, SĂ©bastien Meyer et Arnaud Vaillant, ont imaginĂ© un numĂ©ro qui va bientĂŽt entrer dans l’Histoire de la mode.

Uniquement vĂȘtue d’un simple slip, Bella Hadid se tient au milieu du podium, seule figure Ă©clairĂ©e de la salle qui est plongĂ©e dans le noir. Le reste a Ă©tĂ© maintes fois relatĂ©, commentĂ© et reliĂ© sur les rĂ©seaux sociaux : une robe nĂ©e de la technique spray-on fabric, invention du designeur et chimiste catalan Manel Torres.

« L’idĂ©e m’est venue durant mes Ă©tudes de mode : si l’on arrivait Ă  enfermer des fibres naturelles ou synthĂ©tiques dans une bombe aĂ©rosol ou un pistolet, ça rĂ©duirait instantanĂ©ment le coĂ»t et le temps de production, »

explique Manel Torres. Lors de ses Ă©tudes au prestigieux Royal College of Art de Londres, il dĂ©cide, avec le soutien d’un ami chimiste, d’écrire son doctorat sur ce qu’on appelle les liquid fabrics (trad. tissus liquides). Un travail colossal qu’il est en quelque sorte « encore en train d’écrire », comme il ajoute en plaisantant – il faut dire que les spray-on fabrics n’en sont qu’au tout dĂ©but de leur histoire


Actuellement, Manel Torres travaille avec son équipe au sein du London Bioscience Innovation Centre,

En fait, il s’agit d’un mĂ©lange de cellulose, mais le couturier

Manel Torres compare volontiers son spray Ă  du daim.

VaporisĂ© Ă  l’aide d’une bombe aĂ©rosol sur le corps, le liquide devient fibre en quelques minutes.

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12 INNOVATOR GETTY IMAGES, ANDREW RANKIN LISA HECHENBERGER

testant dans son laboratoire d’apprenti sorcier les rĂ©actions de diffĂ©rents ingrĂ©dients – comme le sel et l’amidon : pour la robe du dĂ©filĂ© Coperni, il a ainsi utilisĂ© un mĂ©lange de solvant alcoolisĂ© et de fibres de cellulose, qui sont venues s’agglomĂ©rer sur la peau pour former un voile.

« C’est la mĂȘme matiĂšre utilisĂ©e pour un tee-shirt ou un pull, sauf que c’est sous forme liquide. »

Au contact de l’air, le liquide blanc composĂ© de fibres de coton et de matĂ©riaux synthĂ©tiques intĂ©grĂ©s Ă  une solution polymĂšre se transforme en un voile nontissĂ© : c’est ainsi que la mannequin Bella Hadid se retrouve en quelques minutes habillĂ©e d’une robe ultra-fine mais bien opaque. Quand on lui demande ce que l’on pourrait encore confectionner en utilisant

Automne 2022, lors de la Fashion Week à Paris : le monde découvre la robe en spray de Bella Hadid, brevetée par Manel Torres.

L’INFO EN PLUS L’Espagne et le Portugal sont devenus des sites incontournables de la mode durable : les marques Ecoalf, Lefrik, Organique ou NĂ€z cĂ©lĂšbrent les tendances slow fashion et upcycling en beautĂ©.

son procĂ©dĂ©, Torres rĂ©pond, enthousiaste : « Tout ! » Que ce soit des pantalons, des chapeaux, des sacs Ă  main, voire des revĂȘtements textiles pour les voitures ou les maisons, ou encore des bandages chirurgicaux
 Les dĂ©bouchĂ©s d’un tel procĂ©dĂ© sont infinis. Cerise sur le gĂąteau : chaque piĂšce pourrait ĂȘtre liquĂ©fiĂ©e et rĂ©utilisĂ©e indĂ©finiment – sans altĂ©rer sa qualitĂ©. Concernant le prix de tels vĂȘtements, Manel Torres prĂ©fĂšre rester vague : « Prenons la chemise que je porte en ce moment. Elle vaudrait 1 000 livres Sterling chez Chanel et 100 livres ailleurs. »

Mais le fondateur de Fabrican n’est pas prĂšs de brader son invention : depuis le dernier show de Coperni, il reçoit quotidiennement 300 Ă  400 e-mails de personnes intĂ©ressĂ©es. Quel que soit l’avenir de sa boĂźte, Torres a dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© son plus grand rĂȘve : prĂ©senter une robe de haute couture Ă  Paris. fabricanltd.com

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Fondateur d’une start-up, le percussionniste Martin Grubinger fait dĂ©couvrir la musique Ă  la jeune gĂ©nĂ©ration.

Comment Martin Grubinger, grĂące Ă  son application

MyGroove, repense la pratique de la musique et fait swinger un peu plus la planĂšte.

Le batteur et percussionniste Martin Grubinger est mondialement connu. C’est surtout au marimba (une sorte de xylophone gĂ©ant) qu’il est considĂ©rĂ© comme un brillant soliste. Il ne faudrait pas penser pour autant que ce Salzbourgeois de 39 ans est quelqu’un d’égocentrique et rĂ©fugiĂ© dans sa tour d’ivoire. Au contraire, il aime bien jouer avec les autres et dans des groupes. Transmettre la joie de pratiquer la musique est sa mission. Cela commence dĂ©jĂ  Ă  l’universitĂ© Mozarteum de Salzbourg oĂč il enseigne. À prĂ©sent, Martin a un nouveau support pour sa mission. Il veut mettre en relation les musiciens et musiciennes du monde

MyGroove est l’interface virtuelle entre la salle de cours, le local de rĂ©pĂ©tition, le studio d’enregistrement et la scĂšne de concert.

entier. Point de rencontre : sa toute nouvelle application MyGroove, qui sera lancĂ©e au printemps 2023. Il explique : « J’ai observĂ© que beaucoup d’enfants ne chantent plus ou ne dansent plus. Peut-ĂȘtre parce que l’école ne considĂšre plus la musique comme essentielle. Et peut-ĂȘtre aussi parce que la pratique d’un instrument a Ă©tĂ© remplacĂ©e par YouTube ou la PlayStation. »

Mission : musique

Sur la nouvelle appli, des pistes audio du monde entier sont reliĂ©es entre elles pour nous permettre de trouver l’inspiration.

Martin Grubinger veut lutter contre la disparition de la musique jouĂ©e Ă  la maison et dans les Ă©coles grĂące Ă  la dynamique de groupe. Car selon son expĂ©rience, la musique fonctionne mieux dans un groupe : « C’est dĂ©jĂ  bien de jouer d’un instrument tout seul Ă  la maison. Mais la meilleure motivation, c’est de

Ensemble Ă  la carte Bullevard 14 INNOVATOR

SIMON SCHREYER

3 SIMON PAULY

DIVERTISSEMENT

travailler avec les autres sur un bon rythme ou une chanson. Les dĂ©fis de notre Ă©poque et les progrĂšs de la technologie nous permettent de nous retrouver dans un espace en ligne pour faire une jam et apprendre les uns des autres avec des musicien·ne·s du monde entier ». MyGroove propose une interface virtuelle entre salle de cours, local de rĂ©pĂ©tition, studio d’enregistrement et scĂšne de concert.

Cette application novatrice remplit trois fonctions fondamentales : premiĂšrement, elle offre aux musicien·ne·s la possibilitĂ© de s’entraĂźner de maniĂšre ludique – en solo, en mode accompagnement. Il est possible de jouer 200 morceaux, appelĂ©s « missions », et ce, le plus correctement possible selon plusieurs niveaux de difficultĂ©. Tout comme un jeu vidĂ©o dans lequel il faut franchir des niveaux. La reconnaissance IA dĂ©veloppĂ©e par l’institut Fraunhofer est pour l’instant compatible avec les instruments les plus jouĂ©s, Ă  savoir le piano, la guitare, la basse, la batterie, les percussions et le chant. MyGroove affiche la notation, enregistre ta piste sonore, l’analyse et te signale tes erreurs, notamment rythmiques.

Au nom du groove

Lorsque deux artistes ou plus se rĂ©unissent pour cĂ©lĂ©brer le groove, ils et elles ont dĂ©jĂ  l’esprit de la musique en eux, celui du partage. Ce qui nous amĂšne Ă  la deuxiĂšme fonction de l’application : MyGroove

peut bien sĂ»r ĂȘtre aussi jouĂ© en mode multijoueur. Ici vous pouvez dĂ©cider de rĂ©pĂ©ter un morceau ensemble ou simplement faire un bƓuf. Le batteur peut se trouver dans le Tyrol, le bassiste Ă  GenĂšve, la chanteuse Ă  Singapour et la guitariste Ă  Brooklyn. Ce forum sera Ă©galement utilisĂ© pour des master class, pour lesquelles Martin a dĂ©jĂ  pu convaincre quelques noms connus (voir Ă  droite). LuimĂȘme donnera Ă©galement des cours en ligne.

Le troisiĂšme domaine d’application de MyGroove est la scĂšne numĂ©rique avec des concerts et des concours permettant de gagner des billets et mĂȘme des collaborations avec des labels de musique.

La qualitĂ© du matĂ©riel avec lequel tu utilises l’application est laissĂ©e Ă  ton apprĂ©ciation. Earpods ou casque audio bien isolant, microphone portable ou professionnel : tous les MyGroovistes dĂ©cident euxmĂȘmes combien ils veulent investir, afin de s’en donner Ă  cƓur joie.

mygroove.app

COLLECTION DE STARS

Dans l’application MyGroove, il est possible de jouer 200  morceaux de musique. L’enseignement est prodiguĂ© par des artistes qui excellent dans leur domaine.

1 Loreen Sima, basse

2 Hyung Ki Joo, piano

3 Joannie Labelle, percussions

4 Eko Fresh, voix

5 Yasi Hofer, guitare

6 Ben Jud, basse

7 Anika Nilles, batterie

8 Holly Madge, batterie

9 Arto MÀkelÀ, guitare

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L’art Ă  portĂ©e de main, c’est ce que propose le Zurich Art Weekend avec plus de cent Ă©vĂ©nements dans soixante lieux.

Questions d’art

RENCONTRE

ÉvĂ©nement atypique qui entend bousculer la crĂ©ation artistique en invitant les acteurs et actrices de la sociĂ©tĂ©, la deuxiĂšme Ă©dition du Zurich Art Weekend se tiendra du 9 au 11 juin.

Tout en dĂ©ambulant dans les rues du centre de Zurich, Charlotte von Stotzingen raconte la genĂšse de son dernier projet : « L’évolution de l’art est faite de soubresauts, de ces Ɠuvres pionniĂšres oĂč l’artiste emploie pour la premiĂšre fois un procĂ©dĂ©, une technique, qui va se normaliser avec le temps – ce sont ces instants-charniĂšres qui m’ont toujours fascinĂ©e. » Cette passionnĂ©e d’art contemporain, française d’origine, est la fondatrice du Zurich Art Weekend, un festival inĂ©dit de la scĂšne artistique suisse puisqu’il rassemble, sur trois jours, plusieurs disciplines.

« Pour Ă©voluer sur le plan artistique, il faut d’abord se dĂ©faire de ses modes de pensĂ©e traditionnels et ouvrir

son regard vers la nouveautĂ©. C’est dans cette Ă©mergence de nouvelles perspectives, au croisement de l’art, de la science et de l’économie, que nous avons conçu le Zurich Art Weekend. »

En matiĂšre d’art et de technologie, Zurich dispose d’un vĂ©ritable avantage

Lors du Zurich Art Weekend, les artistes parlent avec des expert e s de l’économie et de la science.

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16 INNOVATOR ZURICH ART WEEKEND, URS WESTERMANN PHILIPP LANDAUER
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L’idĂ©e de crĂ©er un Ă©vĂ©nement interdisciplinaire lui est venue lors d’un projet qu’elle menait au Kenya autour de l’autonomie numĂ©rique.

concurrentiel dans le paysage urbain europĂ©en, car elle allie un monde artistique de haut niveau et trĂšs diversifĂ© Ă  un paysage technologique rĂ©volutionnaire. « Zurich abrite quelques-uns des musĂ©es europĂ©ens les plus avancĂ©s, des centres d’art, des galeries, des fondations, des collections et des universitĂ©s, raconte von Stotzingen. Et c’est aussi un carrefour mondial pour le mĂ©tavers, avec des entreprises comme Microsoft, Facebook, Google, Disney Research et Magic Leap, qui ont ouvert des bureaux ou des laboratoires de recherche Ă  Zurich. » L’École polytechnique fĂ©dĂ©rale de Zurich (EPFZ) abrite le plus grand centre d’IA au monde et hĂ©berge son propre centre au Zurich Art Weekend.

Diversité fertile

Replacer l’art au cƓur des changements contemporains : Charlotte von Stotzingen veut bousculer la scùne artistique.

lĂ  aussi, il se passe actuellement beaucoup de choses nouvelles.

Pendant l’évĂ©nement, des expositions sont organisĂ©es dans toute la ville, comme ici Ă  la galerie d’art Liz Larner.

« La scĂšne artistique de Zurich est trĂšs diversifĂ©e, mais aussi trĂšs fragmentĂ©e – des grandes institutions artistiques aux petites galeries et aux espaces off, poursuis von Stotzingen. Nous crĂ©ons les conditions pour regrouper tout cela dans l’intĂ©rĂȘt de l’art. » Dans ce cadre, des institutions suisses comme des banques et des institutions scientifques sont Ă©galement Ă©troitement impliquĂ©es. « Non seulement parce qu’elles possĂšdent elles-mĂȘmes des collections, mais aussi parce que l’art est toujours un bon placement », souligne-t-elle. Et parce que

« Le meilleur exemple d’innovation majeure dans le domaine Tech & Art, ce sont les NFT. D’oĂč cette question : quelles opportunitĂ©s se crĂ©ent lorsqu’une Ɠuvre d’art, dans tous ses aspects, y compris fnanciers, peut ĂȘtre reproduite Ă  l’identique dans l’espace numĂ©rique ? » ConfĂ©rences, expositions, concerts, reprĂ©sentations de la Schauspielhaus, discussions et autres Ă©vĂ©nements : le programme du 9 au 11 juin sera chargĂ©, et entiĂšrement gratuit. « Si on dĂ©cide d’inclure tout le monde, pas simplement les artistes, les banques et les scientifques, il faut que cet Ă©vĂ©nement soit vraiment ouvert Ă  tous les publics. »

zurichartweekend.com

L’INFO EN PLUS Zurich devient le centre de la scĂšne artistique internationale avec expos, visites, dĂ©bats, ateliers etc. Cela, une semaine avant Art Basel, l’autre grand rendez-vous suisse.

INNOVATOR INNOVATOR 17

Le Néo-Zélandais

Henry Glogau, 26 ans, s’est spĂ©cialisĂ© dans les environnements extrĂȘmes.

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Le sel de la vie

L’idĂ©e la plus simple est parfois la meilleure : ces lampes fabriquĂ©es Ă  partir de plastique et de ruban adhĂ©sif produisent de l’eau potable et de la lumiĂšre.

Henry Glogau a toujours pensĂ© que ses compĂ©tences en design pouvaient servir Ă  apporter des solutions aux dĂ©fs du monde actuel. Lorsqu’il termine ses Ă©tudes d’architecture en 2018, au lieu de se mettre sur le marchĂ© du travail dans son pays natal, la Nouvelle-ZĂ©lande, il part Ă  Copenhague pour Ă©tudier Ă  l’AcadĂ©mie royale du Danemark. Aujourd’hui, le designeur de 26 ans, qui travaille pour le cabinet danois 3XN, s’est spĂ©cialisĂ© dans les solutions innovantes en milieux extrĂȘmes. « J’ai l’impression que nous, architectes et designeurs, sommes trop tentĂ©s de nous isoler dans le confort de notre cocon, explique Glogau. Nous dessinons des projets sans aller voir Ă  l’extĂ©rieur quels sont vĂ©ritablement les besoins et les conditions de vie des gens pour lesquels nous travaillons. »

Sous le soleil exactement

Ses Ă©tudes de master Ă  Copenhague le mĂšnent successivement en Alaska pour un projet de recherche, puis en 2019 au Chili, dans la petite ville cĂŽtiĂšre de Nueva Esperanza/Mejillones, situĂ©e au bord du dĂ©sert de l’Atacama. C’est dans cette rĂ©gion trĂšs aride, dont les prix d’accĂšs Ă  l’eau potable sont les

« Nous sommes prisonniers de notre zone de confort. Il est nécessaire de nous en dégager afin de comprendre le contexte de vie des gens que nous voulons aider. » Henry Glogau

BaptisĂ©e Solar Desalination Skylight, cette lampe solaire diffuse une douce lumiĂšre tout en transformant l’eau de mer en eau potable.

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ÉNERGIE 18 INNOVATOR

Une seule petite lampe

Skylight produit jusqu’à 540 ml d’eau potable par jour, par Ă©vaporation et dĂ©salinisation.

plus Ă©levĂ©s d’AmĂ©rique latine, qu’il trouve le terrain idĂ©al pour expĂ©rimenter l’une de ses idĂ©es : construire une lampe-fltre qui puisse fonctionner avec les deux seules ressources disponibles sur place en quantitĂ© illimitĂ©e –l’eau de mer et le soleil.

Produire de la lumiĂšre ET de l’eau potable avec un seul petit objet, qui plus est magnifque et facile Ă  fabriquer ? La Solar Desalination Skylight utilise non seulement l’énergie solaire mais aussi la saumure rĂ©coltĂ©e grĂące Ă  la fltration de l’eau de mer pour produire de l’électricitĂ©. Un systĂšme ingĂ©nieux qui rĂ©pond parfaitement aux besoins des locaux : « Les habitant·e·s des bidonvilles de Mejillones n’ont aucun accĂšs aux ressources de base, que ce soit l’eau potable, l’électricitĂ© ou les Ă©quipements sanitaires. C’est dans ce contexte, en tenant compte des conditions climatiques extrĂȘmes, que l’idĂ©e de cette lampe nous est venue. »

Énergie saline

La lampe en question est en fait un fltre qui fonctionne par Ă©vaporation et dĂ©salinisation : en douze heures, elle est capable de produire 540 ml d’eau potable, tout en se rechargeant de maniĂšre autonome grĂące Ă  ses capteurs solaires. La saumure rĂ©sultant du fltrage sert Ă  alimenter les batteries au sel, qui totalisent une production quotidienne – si l’on y ajoute celle de ses capteurs solaires – de 9,53 volts, soit l’équivalent d’une pile PP3. « Il s’agit aujourd’hui de rĂ©fĂ©chir Ă  des solutions qui nous permettent

de nous adapter à des milieux hostiles, pas de savoir comment faire pour les éviter. »

Henry Glogau voulait un objet qui s’insĂšre parfaitement dans son environnement : la forme bombĂ©e rĂ©sulte d’un moulage fait par CNC (pour commande numĂ©rique par calculateur) sur lequel sont gravĂ©es des rainures. L’eau de mer est versĂ©e par le haut et ressort progressivement par le bas, prĂȘte Ă  ĂȘtre consommĂ©e.

Le jeune architecte-designeur travaille actuellement sur d’autres prototypes perfectionnĂ©s ainsi que sur un projet plus concret : il forme la population des bidonvilles de Nueva Esperanza Ă  monter eux-mĂȘmes des fltres gĂ©ants qu’il a Ă©galement conçus.

Simplissimes Ă  utiliser et faciles Ă  monter, ces fltres fonctionnent comme des distillateurs et sont trĂšs Ă©conomes puisqu’on peut les bricoler soi-mĂȘme. Une bĂąche en plastique, quelques bouts de bois, du ruban adhĂ©sif, et le tour est jouĂ© !

« Ce que je veux, c’est avoir un produit fni et commercialisable, mais aussi d’autres versions disponibles en open source, en expliquant aux gens comment faire ces fltres avec les moyens du bord. Tout le monde n’a pas la mĂȘme approche du mĂ©tier de designeur : pour moi, l’essentiel est de partager mes idĂ©es pour en faire profter le plus de monde possible. » henryglogau.com

Le nord du Chili compte parmi les régions les plus arides de la planÚte : une situation aggravée par la sécheresse qui frappe le pays depuis douze ans.

L’INFO EN PLUS

Plus de deux milliards de personnes n’ont pas ou peu accĂšs Ă  l’eau potable. Des associations comme Water For People ou The Water Project tentent de remĂ©dier Ă  ce dĂ©fi planĂ©taire. 3xn.com

INNOVATOR INNOVATOR 19

6

Le toit et le capot de la CitroĂ«n Oli, en carton alvĂ©olaire, sont bien plus solides que s’ils Ă©taient en mĂ©tal.

E-MOBILITÉ

Un poids réduit de moitié, moins de matiÚres premiÚres, et une autonomie totale : avec le concept-car Oli, Citroën nous montre de quoi seront faits ses futurs modÚles.

pour les voitures à combustion que pour les voitures électriques.

borne de recharge. Le fait que l’on ne doive renoncer Ă  rien malgrĂ© la retenue de l’Oli est dĂ» Ă  l’intelligence du concept global. Les siĂšges en sont un bon exemple : ils sont fabriquĂ©s Ă  partir de trois piĂšces seulement et faits de matĂ©riaux recyclĂ©s extrĂȘmement lĂ©gers. Au fnal, 80 % de matĂ©riaux en moins par rapport aux siĂšges traditionnels. De plus, le design des dossiers en maille permet d’augmenter la luminositĂ© Ă  l’intĂ©rieur du vĂ©hicule, un facteur important, typique de CitroĂ«n, pour un meilleur bien-ĂȘtre Ă  bord.

Accent sur la fonctionnalité

Bien que le concept-car

CitroĂ«n Oli ressemble fortement Ă  l’avenir, l’idĂ©e vient du passĂ©. Dans les annĂ©es 70, une voiture familiale pesait 800 kilos, mesurait 3,7 m de long et 1,6 m de large. Compacte, intĂ©rieur rĂ©duit Ă  l’essentiel et peu gourmande en essence– pas de superfu. Quand on regarde les routes aujourd’hui, la situation est toute autre. Le paysage est dominĂ© par des SUV massifs de 2 tonnes et plus de 4,5 m de long. Avec pour consĂ©quence une augmentation de la consommation de matiĂšres premiĂšres et d’énergie, tant

Avec un poids de 1 000 kilos, la Citroën Oli est deux fois moins lourde que les voitures électriques actuellement disponibles sur le marché.

Le design du tableau de bord est fonctionnel : au lieu d’un cockpit high-tech avec plusieurs Ă©crans, l’Oli se contente d’un seul support symĂ©trique qui s’étend sur toute la largeur du vĂ©hicule. D’un cĂŽtĂ©, la colonne de direction ; de l’autre, une station d’accueil multimĂ©dia ; au milieu, un espace oĂč s’insĂšre le smartphone et cinq interrupteurs Ă  bascule clairement identifĂ©s pour la climatisation. C’est tout ce qu’elle a et tout ce dont elle a besoin. La planche de bord de l’Oli ne compte que 34 piĂšces alors que dans une voiture familiale compacte comparable, on en dĂ©nombre au moins 75.

20 INNOVATOR ARNAUD TAQUET/CONTINENTAL PRODUCTIONS PATRICK AULEHLA

Petite, compacte & hardie Bullevard
Si l’on veut construire un vĂ©hicule sĂ©rieusement durable, il ne sufft donc pas de fxer une batterie dans son plancher. Il faut une solution globale, dĂ©clare CitroĂ«n. Une solution qui, comme Oli, mise sur la retenue. Avec un poids de 1 000 kilos, le crossover Ă©lectrique stylĂ© est en effet deux fois moins lourd et, avec une consommation moyenne de dix kWh, deux fois moins gourmand que les voitures Ă©lectriques actuellement sur le marchĂ©. Pour une autonomie de 400 km, une batterie de 40 kWh (au lieu d’une de 80) sufft, avec tous les avantages qui en dĂ©coulent : consommation de matiĂšres premiĂšres rĂ©duite de moitiĂ© lors de la fabrication, moins d’émissions de COÂČ sur l’ensemble du cycle de vie, chargement plus rapide Ă  la

En haut : le smartphone et le haut-parleur font office d’ordinateur de bord. Ce qui en fait un cockpit minimaliste.

En bas : les siÚges de la Citroën Oli sont constitués de seulement trois éléments, ce qui les rend trÚs légers.

Toutes les piÚces du concept-car ont été recyclées et sont réutilisables, ce qui facilite la réparation et le remplacement.

Autre point fort : l’infotainment est contrĂŽlĂ© par le smartphone personnel arrimĂ© Ă  la prise centrale. Les informations tĂ©lĂ©phoniques et les applications sont ainsi combinĂ©es avec les donnĂ©es du vĂ©hicule, telles que la vitesse et l’état de charge de la batterie, et projetĂ©es sur le pare-brise via un systĂšme de smartband. Le mĂȘme principe s’applique au systĂšme audio : pour jouir de la musique Ă  bord, il est possible de brancher des enceintes Bluetooth aux deux extrĂ©mitĂ©s du tableau de bord.

Et CitroĂ«n a compris que l’utilisation d’un vĂ©hicule

L'INFO EN PLUS CitroĂ«n a profitĂ© de la prĂ©sentation de la CitroĂ«n Oli pour dĂ©voiler son nouveau logo : un hommage Ă  l’original de 1919.

ne s’arrĂȘte pas lorsque l’on en sort. MĂȘme en stationnement, la batterie de l’Oli peut servir de source d’énergie : avec 40 kWh d’énergie, un appareil Ă©lectrique externe de 3 000 watts peut ĂȘtre utilisĂ© pendant douze heures. Pratique pour les barbecues Ă©lectriques, les glaciĂšres ou les enceintes de fĂȘte.

Durée de vie des pneus : 500 000 km

CitroĂ«n prĂ©voit en outre d’inscrire l’Oli dans une Ă©conomie circulaire. Une grande partie des matiĂšres premiĂšres qui la composent peuvent ĂȘtre recyclĂ©es et sa durĂ©e de vie doit ĂȘtre prolongĂ©e le plus longtemps possible. Par exemple, grĂące Ă  des pneus spĂ©cialement conçus pour durer jusqu’à 500 000 km.

L’ensemble du vĂ©hicule peut en outre ĂȘtre « rĂ©inventĂ© » pour plusieurs propriĂ©taires, en utilisant de nouvelles dĂ©corations ou couleurs, voire des piĂšces modernisĂ©es. Il en va de mĂȘme pour les rĂ©parations : des piĂšces recyclĂ©es sont disponibles pour les portes, les phares ou les parechocs. Pour Vincent CobĂ©e, CEO de CitroĂ«n, une chose est claire : « Les vĂ©hicules Ă©lectriques doivent ĂȘtre plus lĂ©gers et moins chers. Oli montre de maniĂšre impressionnante comment CitroĂ«n envisage cet avenir. » citroen.ch

INNOVATOR INNOVATOR 21

BoĂźte Ă  outils volante

HIGH TECH

Jusqu’ici, l’usage de drones civils se concentrait sur la crĂ©ation d’images spectaculaires. Une start-up suisse explore des possibilitĂ©s insoupçonnĂ©es.

Si je m’y attendais ? Pas le moins du monde », avoue Timo MĂŒller, CPO et cofondateur de Voliro. En compagnie d’autres Ă©tudiant·e·s de l’École polytechnique fĂ©dĂ©rale de Zurich (EPFZ), il participe en 2019 Ă  un concours de projets de drones innovants organisĂ© Ă  Abu Dhabi et dĂ©croche la premiĂšre place haut la main grĂące au concept « work at height ». L’idĂ©e: dĂ©velopper un drone capable d’effectuer des travaux manuels comme le vissage ou la peinture dans des endroits en hauteur extrĂȘmement difficiles d’accĂšs. « Au cours mes recherches dans le labo d’essai de l’EPFZ consacrĂ© au dĂ©veloppement des drones, je me suis demandĂ© comment faire pour construire un engin qui puisse disposer d’une force de charge suffisante pour exĂ©cuter ces travaux tout en pouvant rester assez longtemps dans les airs »,

Les drones de Voliro peuvent pivoter jusqu’à 90 ° et ĂȘtre Ă©quipĂ©s d’une multitude de capteurs et d’outils.

raconte Timo. Ce qui a fini par constituer le thÚme central de son mémoire de master.

PrĂ©dispositions pratiques À l’universitĂ©, Timo MĂŒller et Mina Kamel (son binĂŽme de recherche de l’époque devenu cofondateur de Voliro) travail-

7 Bullevard
22 INNOVATOR VOLIRO PHILIPP LANDAUER

Le fondateur de Voliro, Timo MĂŒller (au centre) et son Ă©quipe travaillent sur l’un de leurs drones.

Un drone de Voliro inspecte une Ă©olienne jusqu’à 50 fois plus vite que ne le permettent les mĂ©thodes classiques.

L’INFO EN PLUS

La Suisse est un hotspot pour les drones spĂ©cialisĂ©s. Le plus grand show de drones d’Europe se tiendra Ă  GenĂšve du 18 au 21 mai, ainsi que les Swiss Drone Days, Ă  Zurich, chaque mois de juin.

veloppement pour lui trouver de nouvelles applications. Et la demande ne tarit pas : « La plupart de nos gros clients aux États-Unis, en Allemagne et au Benelux sont des entreprises d’inspection. »

laient autant sur la faisabilitĂ© technique d’un tel drone que sur les futures possibilitĂ©s d’utilisation commerciale. Et lĂ  aussi, c’était une vraie forĂȘt vierge : « La rĂ©putation du savoir-faire technique suisse n’est plus Ă  faire. En revanche, niveau vente et marketing, il faut reconnaĂźtre qu’il y a encore de la marge », explique Laurent Zimmerli, responsable de l’expĂ©rience client chez Voliro. Suite Ă  sa victoire Ă  Abu Dhabi, la start-up a rĂ©uni des investissements de deux millions de francs de la part de bailleurs de fonds suisses.

Précision en suspens

Les jeunes techniciens ont mis au point un drone capable, grĂące Ă  six rotors orientables Ă  360°, de maintenir une position constante en plein vol, mĂȘme en cas de vent, et ce Ă  quelques centimĂštres seulement de la surface Ă  traiter.

« En fait, on utilise plutÎt le

Voliro conçoit son robot comme une sorte de plateforme d’outils volants, qui est continuellement dĂ©veloppĂ©e pour de nouvelles applications.

terme de robot volant, indique Laurent. Donc pour ĂȘtre prĂ©cis, nous ne sommes pas des fabricants de drones mais une entreprise spĂ©cialisĂ©e en robotique. »

Une niche du marchĂ© qui concerne actuellement le contrĂŽle des paratonnerres situĂ©s sur les rotors des Ă©oliennes et la mesure par ultrasons de l’épaisseur des rĂ©servoirs en acier ou des ponts afin de dĂ©terminer la porositĂ© du matĂ©riau. Il suffit de changer l’embout du drone pour adapter celui-ci aux diffĂ©rentes manƓuvres et surfaces d’application. Voliro considĂšre son robot comme une sorte de plateforme d’outils volants en perpĂ©tuel dĂ©-

En effet, ce sont gĂ©nĂ©ralement des pros de la grimpe industrielle spĂ©cialisĂ©e qui se chargent de ces travaux d’inspections cycliques et obligatoires situĂ©s dans des endroits en hauteur ou quasiment inaccessibles. Ce qui coĂ»te du temps et de l’argent. « Normalement, il faut monter, vĂ©rifier, redescendre
 On rĂ©duit ce temps par dix ! », s’enorgueillit Laurent.

Pour bien mettre en Ă©vidence cet avantageux potentiel Ă©conomique, Voliro mise sur la transparence maximale : son site internet propose une Ă©valuation du robot volant par les entreprises d’inspection ainsi qu’une comparaison avec le prestataire de services prĂ©cĂ©dent. « DerniĂšrement, il ne nous a fallu que quelques jours pour contrĂŽler l’ensemble des paratonnerres des parcs Ă©oliens d’Allemagne du nord. En fait, c’est le client qui s’en est chargĂ© lui-mĂȘme », sourit Timo. Car l’idĂ©e de Voliro, c’est de former ses client·e·s en quelques semaines afin qu’ils et elles les pilotent en toute autonomie. voliro.com

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INNOVATOR 23

La Suissesse

Yaël Meier a créé, à 19 ans, ZEAM, une agence qui prépare les grandes entreprises à la génération Z.

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NEW WORK

Une nouvelle génération, la génération Z, se prépare à renouveler le marché du travail. Cette jeune femme explique aux entreprises comment elle conçoit l'emploi.

À23 ans, YaĂ«l Meier a dĂ©jĂ  fait pas mal de choses dans sa vie : Ă  15 ans, elle a jouĂ© dans son premier long mĂ©trage, Ă  19 ans elle a fondĂ© sa premiĂšre agence, Ă  20 ans elle a eu son premier bĂ©bĂ© (le deuxiĂšme est en route), et entre-temps, elle a Ă©galement sorti un livre. Gen Z : FĂŒr Entscheider:innen (trad. GĂ©nĂ©ration Z pour les dĂ©cideurs et dĂ©cideuses, pas encore traduit) examine les attentes de la gĂ©nĂ©ration Z, c’est-Ă dire de celles et ceux qui sont né·e·s entre 1997 et 2012.

gĂ©nĂ©ration sur le marchĂ© du travail, la gĂ©nĂ©ration Z, si l’on en croit un TikTok publiĂ© en 2022. Ces formules semblent symboliser le mĂ©lange de dĂ©tachement et de soif de libertĂ© qui caractĂ©rise cette gĂ©nĂ©ration. Entre les deux, on perçoit leur inquiĂ©tude rĂ©elle face aux dommages environnementaux que les humains infligent sans rĂ©pit Ă  la Terre.

prĂ©dĂ©cesseuses, plus axĂ©e sur la justice sociale, plus radicale sur les questions environnementales et climatiques et plus ouverte sur la tolĂ©rance en matiĂšre de genre et de sexualitĂ©. Les entreprises devraient s’y prĂ©parer. LĂ  oĂč la gĂ©nĂ©ration Y a secouĂ© et frappĂ© aux portes de l’inĂ©galitĂ©, la gĂ©nĂ©ration Z abat maintenant les murs.

Instagram : @yaelmeier

L’INFO EN PLUS

“I’m out”, “Don’t reply” et “Apologies for existing” Voici un Ă©chantillon des formules de conclusion des e-mails de la derniĂšre

Les gens nés avant 1980 sont appelés « immigrants numériques » ; nés aprÚs 1980, ce sont des « natifs numériques ». La génération Z est la derniÚre génération de natifs et natives numériques.

24 INNOVATOR SIMON TANNER/NZZ JULIA C. SEIDL

Jeune, smart & insolente Bullevard
Une des principales caractĂ©ristiques de la gĂ©nĂ©ration Z est son utilisation intuitive des technologies numĂ©riques. Ils et elles ont grandi dans un monde oĂč les smartphones, les mĂ©dias sociaux et le numĂ©rique sont omniprĂ©sents. De ce fait, la gĂ©nĂ©ration Z a une meilleure comprĂ©hension des risques et des dangers du monde digital, argumente le livre. La santĂ© mentale et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privĂ©e jouent Ă©galement un rĂŽle important. Elle est Ă©galement plus progressiste que ses
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L’avenir appartient aux gens audacieux

Nous naissons avec une insatiable soif de nouveautĂ© qui change nos vies et nous pousse Ă  innover. Comment ? C’est-ce que nous allons voir dans ce numĂ©ro.

ConfrontĂ© Ă  la nouveautĂ©, notre corps libĂšre une fopĂ©e de neurotransmetteurs : la dopamine nous inonde de plaisir, le cortisol et l’adrĂ©naline boostent notre niveau de stress, la sĂ©rotonine stimule notre sentiment de bonheur et l’ocytocine renforce nos liens sociaux. Nous craignons la nouveautĂ© autant que nous la dĂ©sirons et en faisons une quĂȘte quotidienne. La preuve avec ce reportage pour lequel nous nous sommes, nous aussi, mis en quĂȘte de toutes celles et ceux qui en ont fait

INNOVATOR 27 ANDREAS JAKWERTH BENJAMIN WOLF
L’experte en robotique Martina Mara nous parle de l’IA et de la maniĂšre dont les algorithmes gouvernent dĂ©jĂ  nos vies.

un métier et une vocation.

À l’image de Thomas Sauter, chercheur en Medical

Extended Reality (XR) Ă  l’hĂŽpital universitaire de Berne, un secteur qui englobe tĂ©lĂ©mĂ©decine, simulation d’opĂ©rations pour chirurgien·ne·s et de soins thĂ©rapeutiques par casque de rĂ©alitĂ© virtuelle (VR) et permet de dĂ©velopper de nouveaux vaccins contre le cancer (p. 62).

La technologie de demain, c’est aussi le thĂšme central de notre grand entretien consacrĂ© Ă  l’intelligence artifcielle (IA). Midjourney, ChatGPT ou Eleven Labs bouleversent internet avec des sons, des images et des dialogues gĂ©nĂ©rĂ©s par ordinateur. Notre auteure Saskia Jungnikl-Gossy discutera avec la psychologue robotique Martina Mara et le philosophe de la technique Mark Coeckelbergh (p. 46) de cette nouvelle Ăšre, des dĂ©fs posĂ©s par l’IA et de la raison pour laquelle certains algorithmes de mĂ©dias sociaux sont dĂ©jĂ  plus puissants que n’importe quel robot. « La question que tout le monde se pose : Ă  quand l’amour avec un robot ? », explique Martina Mara.

Chercheur à l’Hîpital de l’Île (CHU de Berne)
28 INNOVATOR
Thomas Sauter est Ă©galement responsable du labo de simulation virtuelle de l’établissement. MICHAEL SIEBER, MATHIS BURMEISTER, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL

Dans notre dossier Sport meets Tech, nous nous pencherons sur des cyborgs dĂ©jĂ  bien rĂ©els : grĂące Ă  leurs hydrofoils, les voiliers de l’équipe suisse Alinghi Red Bull Racing survolent les eaux en atteignant des vitesses de 40 nƓuds (74 km/h) et seul un Ă©quipage de huit personnes est nĂ©cessaire Ă  leur pilotage (p. 34). Une prouesse uniquement rendue possible grĂące Ă  une parfaite synergie entre l’ĂȘtre humain et la machine qui a permis aux Suisses de ramener la coupe de l’America en Europe pour la premiĂšre fois depuis 152 ans, et leur vaut d’ĂȘtre imitĂ©s par les navigateurs et navigatrices du monde entier. Cette symbiose entre ĂȘtre humain et machine est Ă©galement au cƓur du concept de mĂ©tavers : nouveau ? AssurĂ©ment, mais peut-il vraiment nous faire vibrer, nous surprendre et surtout nous satisfaire ? Des questions que notre auteur, Marc Baumann, se posera en testant un casque de rĂ©alitĂ© virtuelle (p. 54). Il cherchera des rĂ©ponses auprĂšs d’expert·e·s du mĂ©tavers et au cours d’un dialogue entre un poulet virtuel et une cacahuĂšte numĂ©rique.

Le voilier AC75 ne navigue pas, il vole sur l’eau et ce, grñce à la technologie suisse.
INNOVATOR 29
Mais qu’est-ce que le mĂ©tavers ? Notre auteur a dĂ©cidĂ© de tester ce monde virtuel pour vous.

7 pionniers et pionniĂšres du changement

Panneaux solaires au-dessus des champs, éoliennes dans les villes ou mini-centrales hydroélectriques : le tournant énergétique est en marche.

Retour Ă  la rĂ©alitĂ© physique : l’un des plus grands dĂ©fs de l’époque est de dĂ©velopper une Ă©nergie sĂ»re, verte et bon marchĂ©. DĂ©f relevĂ© par nos avant-gardistes de la transition Ă©nergĂ©tique (p. 72) grĂące Ă  des panneaux solaires au-dessus des parkings et des champs, des Ă©oliennes en forme de turbines et bien d’autres approches qui nous promettent un feu d’artifce Ă©nergĂ©tique.

Qui dit nature ne dit pas seulement eau, soleil et vent mais aussi tonnerre, donc thorium. Une cuillĂšre (10 g) de ce matĂ©riau peu radioactif suffrait Ă  alimenter annuellement 250 foyers en Ă©lectricitĂ© (p. 80). Deux Autrichiens travaillent actuellement sur un rĂ©acteur Ă  sels fondus. Une Ă©nergie atomique apparemment sĂ»re (sans uranium) qui ne produirait que de faibles quantitĂ©s de dĂ©chets radioactifs. Une rĂ©volution en marche dans la patrie de Mozart elle-mĂȘme trĂšs critique Ă  l’égard de l’énergie nuclĂ©aire ?

Ce qui est sĂ»r, c’est qu’une foule de nouveautĂ©s nous attend. Et un petit coup de dopamine Ă  chaque page de ce magazine. Bonne lecture !

Le nom du thorium vient de Thor, dieu nordique du tonnerre. L’Europe dispose de vastes gisements de ce matĂ©riau faiblement radioactif.
30 INNOVATOR FLORIAN VOGGENEDER

Les facettes de l’innovation

Certaines sont attendues depuis longtemps, d’autres viennent de nulle part : chaque jour, de nouvelles idĂ©es et inventions changent notre vie et chamboulent profondĂ©ment l’économie. Voici quelques exemples marquants.

100

ont utilisĂ© ChatGPT (un modĂšle d’IA de type chatbot), dans les deux mois qui ont suivi son lancement. La croissance d’utilisation la plus rapide d’un nouvel outil dans toute l’histoire d’internet.

1,5

mĂštre

au-dessus de l’eau : le voilier AC75 fle à toute allure lors de l’America’s Cup grñce aux toutes derniùres innovations technologiques suisses.

de personnes BRATISLAV MILENKOVIC

millions INNOVATOR 31

milliards de dollars

investis par Meta, maison mĂšre de Facebook, dans son propre mĂ©tavers. Plus que l’ensemble des investissements annuels en Suisse pour la recherche et le dĂ©veloppement.

35 % de croissance annuelle

ce que devrait atteindre le marché de la réalité virtuelle médicale dans les cinq prochaines années. Le rÎle de la VR dans la médecine va devenir essentiel.

2,6

kilos de thorium

seraient suffsants pour alimenter 10 000 foyers en électricité pendant un an, sans risque de catastrophe nucléaire. Deux Autrichiens développent le réacteur nécessaire à cet effet.

36
32 INNOVATOR BRATISLAV MILENKOVIC

Disputée sur des voiliers AC75 taillés comme des missiles, la régate la plus high-tech au monde est avant tout une aventure humaine.

Fusées véliques

TEXTE Andy Rice PHOTOS Samo Vidic / Alinghi Red Bull Racing
America’s Cup
35
L’Alinghi Red Bulll Racing AC75 lors d’une course d’entraĂźnement au large de Barcelone. Le yacht prend le dĂ©part de l’America’s Cup.

LL’America’s Cup est une course qui cumule aussi bien les paradoxes que les superlatifs : historiquement d’abord, il s’agit de la plus ancienne rĂ©gate au monde, dont les rĂšgles ont Ă©tĂ© Ă©tablies pour la premiĂšre fois en 1852. Avec le temps, elle est devenue la grande vitrine de l’évolution nautique, mettant en scĂšne les voiliers les plus modernes et les plus rapides du moment : ce sont les fameux AC75, monocoques gĂ©ants de 22 mĂštres de long hĂ©rissĂ©s de foils, qu’on croirait sortis tout droit d’un flm de science-fction. À bord, la machinerie et le tableau de bord ressemblent effectivement au cockpit d’un vaisseau spatial : des ordinateurs Ă  la pointe de l’innovation technologique contrĂŽlent aussi bien les ailes que l’hydraulique. Cependant, aucune commande automatique n’est autorisĂ©e : protocole oblige, toutes les manƓuvres Ă  bord doivent ĂȘtre effectuĂ©es Ă  la main. Le mĂ©lange de cybernĂ©tique (autorĂ©gu-

lation) et d’organique (dans ce cas : rĂ©gulation par l’homme) a un nom : Cyborg. Comme quoi, mĂȘme sur ces cyborgs fottants, la tradition est plus forte que tout.

Parce qu’il faut bien l’avouer : c’est la dimension humaine et tout ce qu’elle implique d’incertain et de faillible qui rend cette compĂ©tition passionnante, quelles que soient les avancĂ©es technologiques qui ont bouleversĂ© l’America’s Cup ces derniĂšres dĂ©cennies. Ces fusĂ©es vĂ©liques, aussi modernes soient-elles, ne sont rien sans la parfaite coordination d’un Ă©quipage surentraĂźnĂ©, au sein duquel chaque membre a un rĂŽle Ă  jouer. À bord, on aura le groupe formant « les jambes » du bateau – des gros costauds qui savent mouliner Ă  fond – et les autres qui constituent « la tĂȘte », choisis pour leur expĂ©rience et leur sens tactique.

America’s Cup
« On apprend Ă  reconnaĂźtre le vent sur l’eau et on dĂ©veloppe un sixiĂšme sens pour l’environnement. »
MAXIME BACHELIN, BARREUR
Nicolas Charbonnier, l’un des barreurs, à bord du voilier AC75 lors d’un entraünement au large de Barcelone.
36 INNOVATOR

Les hydrofoils (à gauche et à droite) soulùvent le yacht AC75 jusqu’à 1,5 m au-dessus de l’eau, ce qui lui permet d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 40 nƓuds (74 km/h).

__ Foiling, késako ?

Il vole, il vole, le voilier. La technologie qui se cache derriĂšre est la mĂȘme que celle qui fait dĂ©coller les avions.

Le foiling est une technique qui permet aux voiliers de s’élever hors de l’eau et de naviguer sur des « hydrofoils » (c’est-Ă dire des ailes sous-marines). Celles-ci crĂ©ent une portance et rĂ©duisent la rĂ©sistance Ă  l’air, offrant au bateau la possibilitĂ© de glisser au-dessus de l’eau.

L’augmentation de la vitesse et de l’efficacitĂ© qui en rĂ©sulte permet Ă  l’équipage de naviguer plus tranquillement. Le team ARBR est un pionnier de la technologie du foiling dans le monde de la voile.

Le voilier AC75 utilise des foils en forme de T et un systĂšme de stabilitĂ© dynamique pour obtenir un foil stable et efficace, mĂȘme par gros temps. La technologie des voiles a permis Ă  l’équipe de remporter de nombreuses victoires dans les grandes compĂ©titions internationales de voile, notamment lors de l’America’s Cup.

INNOVATOR 37

Les AC75, que l’on verra Ă  l’Ɠuvre lors de la prochaine Coupe qui aura lieu en 2024 Ă  Barcelone, ont la particularitĂ© d’avoir de gigantesques foils capables de soulever les 6,5 tonnes du voilier dĂšs lors qu’il dĂ©passe les 18 nƓuds (soit environ 33 km/h). La rĂ©sistance de l’eau devient alors quasiment nulle et le bateau accĂ©lĂšre d’un coup, volant Ă  la surface de l’eau Ă  une vitesse pouvant atteindre jusqu’à 100 km/h. Dans cette phase critique oĂč l’équilibre du bateau menace Ă  tout moment de rompre, la moindre erreur de jugement ou de synchronisation peut avoir des consĂ©quences fatales. Les voiles doivent ĂȘtre rĂ©ajustĂ©es, « rĂ©glĂ©es » comme on dit, l’angle des ailes doit ĂȘtre mis en position en un clin d’Ɠil afn de garantir une tenue rĂ©guliĂšre sur et au-dessus de l’eau. Les deux Ă©quipes Ă  bord – au total, huit tĂȘtes et autant de paires de bras – doivent ĂȘtre parfaitement synchrones, connaĂźtre leur partition Ă  la note prĂšs, et garder Ă  l’esprit l’Ɠuvre dans son ensemble.

« Ça ressemble Ă  un orchestre », rĂ©sume Pietro Sibello, conseiller de la Team Alinghi Red Bull Racing (ARBR), qui reprĂ©sentera le dĂ©f suisse lors de la 37e America’s Cup.

« Chaque musicien doit savoir précisément à quel moment jouer quelle note et pour combien de temps. »

Pour nous aider Ă  comprendre le travail complexe des Ă©quipiers entre eux, et avec la machine, The Red Bulletin est parti Ă  la rencontre des membres de l’équipage qui fera voler son AC75 aux couleurs d’Alinghi Red Bull Racing en 2024. Dans ce texte, vous apprendrez ce que signife ĂȘtre un composant « vivant » d’un bateau.

« C’est comme un orchestre. Chaque instrument complĂšte les autres. La mesure, le tempo et la hauteur s’accordent entre eux. »
America’s Cup 38 INNOVATOR OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL
PIETRO SIBELLO, CONSEILLER NAVIGATION

Le voilier d’entraünement AC40 à Barcelone lors de sa premiùre sortie. Il s’agit d’une version plus petite de l’AC75.

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1 2 3 7 8 4 5 6 40 INNOVATOR ALEX PANG

Les postes sur un AC75

L’édition 2024 de l’America’s Cup impose une limite de huit Ă©quipiers Ă  bord (on en comptait onze en 2021) : ce changement inĂ©dit oblige Ă  repenser complĂštement la composition des Ă©quipages, dont celui d’ARBR, qui n’est pas encore fixĂ© Ă  ce jour. Petite prĂ©sentation – non exhaustive –des diffĂ©rents rĂŽles qu’on peut avoir sur ces monocoques Ă  foils.

GROUPE DE PILOTAGE

AppelĂ© “driving group” en anglais, il est rassemblĂ© autour du cockpit (Ă  l’arriĂšre du bateau) et comprend le(s) barreur(s), le tacticien, le navigateur, les rĂ©gleurs de foils et de voiles. C’est le « cerveau » du bateau, responsable de la stratĂ©gie Ă  suivre avant et pendant la course.

Il dirige le bateau – en cumulant parfois les fonctions de capitaine, tacticien et de navigateur – et a une grosse responsabilitĂ© sur le lancement et la coordination des manƓuvres. Il est reliĂ© aux autres par radio. Traditionnellement, il n’y a qu’un seul barreur, qui change de bord Ă  chaque changement d’amure (et est remplacĂ© temporairement par le rĂ©gleur le temps de passer de tribord Ă  bĂąbord, ou vice-versa).

Mais en 2021, les Italiens de la Team Luna Rossa crĂ©ent la surprise avec deux barreurs Ă  bord, un de chaque cĂŽtĂ© du bateau. « Sur un AC75 lancĂ© Ă  pleine vitesse sur ses foils, on risque d’ĂȘtre Ă©jectĂ© par-dessus bord dĂšs qu’on se dĂ©place », explique Pietro Sibello, ancien tacticien de Luna Rossa maintenant chez ARBR.

Cette mesure de sĂ©curitĂ© pose cependant des problĂšmes de coordination, puisqu’on a deux Ă©quipiers pour une seule barre. VoilĂ  un exercice de communication de haut niveau qui a ses avantages et ses inconvĂ©nients.

3 Le régleur de foils

SurnommĂ© “fight controller” en anglais, c’est lui qui rĂšgle l’angle des foils de chaque cĂŽtĂ© du bateau. Habituellement, seul le cĂŽtĂ© sous le vent est dans l’eau, alors que la partie au vent fotte dans les airs. Sauf lorsque la vitesse est plus faible : dans ce cas, on va sortir les deux en mĂȘme temps pour rĂ©duire la rĂ©sistance de l’eau. Le rĂ©gleur de foils doit ĂȘtre constamment aux aguets dĂšs que la mer devient un peu agitĂ©e.

4 Le régleur de voiles

Petit cours de voile accĂ©lĂ©rĂ© : la principale source d’énergie Ă©olienne sur un AC75 est la grand-voile Ă  double bord. C’est une grande toile de 145 mÂČ, hissĂ©e sur un mĂąt en fbre de carbone, haut de 26,5 mĂštres. À l’avant du bateau, on a une voile plus petite, en gĂ©nĂ©ral, le foc. L’espace entre le foc et la grand-voile est appelĂ© « fente ». C’est l’écoulement d’air entre les deux qui va agir – entre autres – sur la vitesse du bateau. Les rĂ©gleurs de foc et de grand-voile sont donc constamment obligĂ©s de se

coordonner pour optimiser la portance du bateau. Par petit temps, on va essayer de gonfer les voiles en augmentant le creux, mais dĂšs que les foils sont en action et que la rĂ©sistance de l’eau disparaĂźt, l’action des voiles devient tellement violente que le rĂ©gleur de grand-voile doit instantanĂ©ment rĂ©duire le creux pour Ă©quilibrer le bateau.

GROUPE D’ÉNERGIE

Ce groupe, Ă©galement appelĂ© “power group”, est traditionnellement constituĂ© de gros costauds, capables de mouliner suffisamment pour alimenter la centrale hydraulique qui permet toutes les manƓuvres Ă  bord. Plus ça mouline, plus l’équipe de pilotage va pouvoir ĂȘtre prĂ©cise dans ses rĂ©glages.

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Les winchers ou cyclistes Les Ă©quipiers chargĂ©s de mouliner sont appelĂ©s “grinders” en anglais parce que les poignĂ©es avec lesquelles ils actionnent les winchs (treuils Ă  main) pour rĂ©gler les voiles et dĂ©placer la bĂŽme ressemblent Ă  d’énormes moulins Ă  cafĂ©, tout en imitant leur bruit. Tout a changĂ© en 2017 lorsqu’on a dĂ©couvert que le voilier de l’Emirates Team New Zealand (ETNZ) avait Ă©tĂ© Ă©quipĂ© de pĂ©daliers : perchĂ©s sur leurs vĂ©los, les Ă©quipiers produisaient ainsi 20 % d’énergie en plus, tout en ayant les mains libres pour d’autres manipulations. Les Kiwis ont remportĂ© la Coupe cette annĂ©e-lĂ . AprĂšs avoir Ă©tĂ© bannis en 2021, les pĂ©daliers seront de nouveau autorisĂ©s en 2024 : ce qui explique pourquoi, en ce moment, l’entraĂźnement des Anglais ressemble Ă  celui des coureurs du Tour de France. Du cĂŽtĂ© suisse, on hĂ©site encore entre les bras et les jambes – mĂȘme si l’un des Ă©quipiers ARBR est un ancien champion olympique de cyclisme en salle et que l’entraĂźnement des sept autres comprend des heures de pĂ©dalage.

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1 2 Le barreur
America’s Cup INNOVATOR 41

Plus jeune barreur de l’équipe Ă  seulement 24 ans, Maxime Bachelin jouit pourtant d’une solide expĂ©rience de marin : aprĂšs avoir tirĂ© ses premiers bords en Optimist Ă  8 ans, il se dĂ©couvre une vĂ©ritable passion pour la voile, qui ne le quittera plus. Certes, les petites barquettes Ă  frites qu’il manƓuvrait Ă©tant gamin n’ont rien Ă  voir avec les bolides flottants qu’il barre dĂ©sormais, mais comme il l’explique, « l’Optimist t’apprend Ă  sentir le bateau, Ă  voir l’action du vent sur l’eau, Ă  dĂ©velopper un sixiĂšme sens pour tout ce qui t’entoure ». Les annĂ©es passĂ©es comme Ă©quipier sur diffĂ©rents bateaux lui ont aussi appris Ă  dĂ©velopper un sens de la communication quasi tĂ©lĂ©pathique au sein de l’équipage. Toute cette expĂ©rience est pourtant loin d’ĂȘtre suffisante pour espĂ©rer remporter l’America’s Cup : comme pour les pilotes de F1, les Ă©quipiers doivent entraĂźner leur temps de rĂ©action : « On passe des heures dans le simulateur Ă  devoir amĂ©liorer notre rĂ©activitĂ© face Ă  toutes sortes de situations susceptibles d’arriver lors de la rĂ©gate. On chronomĂštre par exemple le temps qu’on met Ă  changer une petite ampoule. Plus on est rĂ©actif, plus on sera efficace une fois sur l’eau. »

Bryan Mettraux

La premiĂšre fois qu’il a fait de la voile, Bryan Mettraux ne s’en souvient pas, car il n’avait pas encore fĂȘtĂ© son premier anniversaire : « Mon pĂšre nous emmenait souvent naviguer avec lui, raconte ce marin aujourd’hui ĂągĂ© de 32 ans. J’ai fait mes gammes sur du 420 (quillard de 4,20 mĂštres, ndlr)», avant de dĂ©couvrir les joies de la rĂ©gate en duel – une formule que l’on retrouve dans l’America’s Cup.

« J’ai longtemps rĂ©gatĂ© sur des GC32 (catamarans Ă  hydrofoils, ndlr), et mĂȘme si ce n’est pas aussi rapide ou technique qu’un AC75, c’est parfait pour aiguiser sa rĂ©activitĂ©. » Bryan Mettraux s’entraĂźne actuellement sur deux missions : savoir rĂ©gler les foils et la grand-voile. « Ça permet de mieux comprendre l’interconnexion des diffĂ©rents postes Ă  bord, et puis c’est

À partir de 2024, seuls huit membres d’équipage pourront s’employer Ă  faire voler un yacht


toujours mieux d’avoir des Ă©quipiers polyvalents. » Par exemple lorsque le rĂ©gleur de foils doit aider Ă  wincher, le barreur peut s’occuper des foils pendant ce temps-lĂ . Quant au rĂ©glage des voiles, Mettraux explique qu’il se fie autant Ă  son instinct qu’aux indications sur son Ă©cran. À long terme, il espĂšre devenir un navigateur 100 % instinctif – aprĂšs tout, l’électronique n’est utilisĂ© en voile que depuis peu, et les donnĂ©es ne reflĂštent que les Ă©vĂ©nements rĂ©cents. Il est bien plus important de deviner, dans le feu de l’action, ce que l’avenir proche nous rĂ©serve : « Avec l’expĂ©rience, on arrive vraiment Ă  sentir ce dont le bateau a besoin. »

2 Régleur de foils et de grand-voile 1 Barreur Maxime Bachelin
« Lors du parage, environ la moitiĂ© est de l’instinct et l’autre un regard sur les donnĂ©es Ă  l’écran. »
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BRYAN METTRAUX, RÉGLEUR DE FOILS ET DE GRAND-VOILE

Nils Theuninck a passĂ© ses annĂ©es de voile en solitaire. Il a commencĂ© en Optimist, puis a Ă©voluĂ© vers le finning lourd de 4,5 m, un dĂ©riveur qui exige une force et une intelligence brutales de la part des navigateurs et qui a formĂ© plus d’une recrue de l’America’s Cup. En 2021, Theuninck prenait la tĂȘte du classement mondial des navigateurs finlandais et remportait le bronze aux championnats d’Europe. Certes, son rĂȘve de reprĂ©senter la Suisse aux JO de Tokyo s’est envolĂ©, mais lors de la prochaine America’s Cup, le marin de 26 ans est bien dĂ©cidĂ© Ă  rendre fier son pays d’origine. « On y affronte les meilleurs navigateurs au monde, sur les bateaux les plus avancĂ©s jamais construits », dit-il. Pour pouvoir donner le meilleur de lui-mĂȘme dans la salle des machines de l’ARBR AC75, il s’entraĂźne Ă  des niveaux de forme et de force toujours plus Ă©levĂ©s. En tant que gĂ©ant de 1,94 m et 93 kilos, il sait que tout dĂ©pend du bon rapport poids/puissance. De plus, il faut avoir l’esprit clair pour prendre des dĂ©cisions tactiques et pousser le bateau vers ses meilleures performances. En Finndinghy, premier bateau de course en solitaire, il a bien pu s’y prĂ©parer.

La Coupe de l’America 2024 se dĂ©roulera Ă  Barcelone.

L’équipe d’ARBR s’entraĂźne dĂ©jĂ  sur place.

America’s Cup INNOVATOR 43
5 Groupe d’énergie Nils Theuninck

Augustin Maillefer

Augustin Maillefer a toujours dĂ©testĂ© le vent – enfin, dans le sport qu’il pratiquait avant de dĂ©couvrir la voile : l’aviron. Ce rameur vaudois, trente ans au mois d’avril, a Ă©tĂ© titrĂ© champion du monde juniors en 2010, 2013 et 2014 et a reprĂ©sentĂ© la Suisse aux Jeux olympiques de 2012 et 2016 avant de prendre sa retraite, il y a trois ans. RecrutĂ© pour le power group d’ARBR, il doit dĂ©sormais apprendre Ă  travailler en synchronisation parfaite avec les autres membres de l’équipage. « En aviron, tu ne te prĂ©occupes pas de ce que font les trois autres coĂ©quipiers, tu tiens ton rĂŽle et c’est tout. Sur un voilier aussi complexe qu’un AC75, on doit ĂȘtre conscient du rĂŽle de chacun, de son action sur la performance globale du bateau et de ce qu’il faut faire pour faciliter la tĂąche de nos coĂ©quipiers. Cela dit, je suis lĂ  avant tout pour fournir de l’énergie, et mon expĂ©rience dans la rame m’a appris Ă  ĂȘtre endurant et performant, mĂȘme au-delĂ  de la souffrance physique. »

ConceptualisĂ©s en Suisse, utilisĂ©s sur toutes les mers du monde. Les yachts d’ARBR sont une vitrine de la technologie de pointe helvĂ©tique.

Analyste performance

Andrea Emone, 26 ans, est responsable des donnĂ©es tĂ©lĂ©mĂ©triques collectĂ©es par les nombreux capteurs qui entourent l’ARBR AC75. « J’ai concouru dans la catĂ©gorie olympique de planche Ă  voile, j’ai Ă©tudiĂ© l’ingĂ©nierie aĂ©rospatiale et je suis titulaire d’un master en mĂ©canique des fluides numĂ©rique », explique-t-elle. Son expertise lui donne du poids sur une question Ă©pineuse : l’ARBR AC75 est-il encore un bateau ? « Ce n’est pas un avion, rĂ©pond-elle, et ce n’est pas non plus un bateau traditionnel. La navigation a toujours Ă©tĂ© basĂ©e sur la crĂ©ation d’une portance, mais avec des voiles verticales. L’ARBR AC75 s’élĂšve aussi horizontalement hors de l’eau. Mais c’est bien un bateau. » Un bateau qui peut se dĂ©placer deux fois plus vite que les frĂšres Wright lors du premier vol motorisĂ© au monde en 1903


Conseiller navigation Pietro Sibello

Lui aussi pense que, dans le milieu de la rĂ©gate, les ordinateurs surpassent les performances humaines Ă  bien des Ă©gards – notamment sur la prĂ©cision. « Barrer un AC75, c’est comme piloter un avion, rĂ©sume ce skipper italien de 43 ans, sauf que sur un voilier de rĂ©gate, comme rien n’est automatisĂ©, le boulot doit ĂȘtre fait par tous les Ă©quipiers, qui doivent ĂȘtre parfaitement synchrones. » Comme un orchestre. « Les ordinateurs sont beaucoup plus prĂ©cis et rapides, et c’est vrai que le voilier irait plus vite si l’on avait le droit d’automatiser les manƓuvres. Mais lĂ  oĂč l’ĂȘtre humain surpasse l’ordinateur, c’est dans sa capacitĂ© Ă  anticiper les situations, Ă  profiter de son expĂ©rience, Ă  deviner les bourrasques qui arrivent rien qu’en regardant la surface de l’eau
 Au final, les Ă©quipages humains sont encore supĂ©rieurs aux ordinateurs lors des rĂ©gates – pour le moment. »

6 Groupe d’énergie
Andrea Emone
« En aviron, on se concentre simplement sur le fait de donner le meilleur de soi-mĂȘme. »
AUGUSTIN MAILLEFER, GROUPE D’ÉNERGIE
America’s Cup 44 INNOVATOR OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL

« Il y a des choses sur lesquelles je me laisserais volontiers influencer

L’IA est-elle la rĂ©ponse Ă  tout ?

Ou bien représente-telle un danger ?

À propos de l’image de l’IA dans notre sociĂ©tĂ© et de ce qu’elle peut nous apporter de bon.

Entretien
Martina Mara, robopsychologue TEXTE Saskia Jungnikl-Gossy PHOTOS Andreas Jakwerth
»

« Donc la manipulation s’oppose Ă  l’humanisme »

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Une aprĂšs-midi dans le centre-ville de la capitale autrichienne. La nuit commence Ă  tomber. Il bruine. Dans la suite de l’hĂŽtel Altstadt, le dĂ©bat est trop intense pour que quiconque s’en aperçoive.

La manipulation positive existe-t-elle ? Qu’est-ce que l’humanisme ? Qu’est-ce qui inquiĂšte encore les expert·e·s en intelligence artificielle comme Martina Mara ou Mark Coeckelbergh ? Entretien croisĂ© sur le pouvoir de l’IA.

L’intelligence artificielle transforme nos vies, notre maniĂšre de travailler, de passer nos vacances, de voir les choses. Si l’idĂ©e vous prenait de consacrer, comme nous, un magazine entier Ă  l’innovation, nous ne saurions trop vous conseiller de rĂ©unir deux experts comme Martina Mara et Mark Coeckelbergh autour d’une table, qui s’intĂ©ressent depuis des annĂ©es aux effets, aux dangers et aux opportunitĂ©s de l’IA. Robopsychologue Ă  l’universitĂ© Kepler de Linz, Martina Mara Ă©tudie la maniĂšre dont les ĂȘtre humains et les machines peuvent collaborer en harmonie. Coeckelbergh analyse quant Ă  lui l’impact Ă©thique des innovations technologiques sur notre sociĂ©tĂ©. Le dĂ©bat est riche, et pourrait durer encore longtemps. Le long du couloir qui mĂšne Ă  la sortie, les deux personnes interviewĂ©es s’arrĂȘtent Ă  plusieurs reprises pour poursuivre la discussion.

the red bulletin innovator : Imaginons un graphique sur lequel 100 % reprĂ©senteraient une vie totalement imprĂ©gnĂ©e d’IA : oĂč en serions-nous actuellement ?

coeckelbergh : Pas haut, vers 20%. Mon tĂ©lĂ©phone ne m’envoie pas encore de notification pour me dire : « Tu es trop stressĂ©, Mark ! » (rires) Mais ça ne devrait pas tarder. mara : Oui, on a encore de la marge. Peu de monde se rend rĂ©ellement compte de tous les domaines oĂč l’IA est utilisĂ©e. Quand on leur parle d’IA, la plupart des gens s’imaginent une sorte d’humanoĂŻde fantastique. La vĂ©ritĂ©, c’est que l’IA est invisible. On la retrouve dans les prĂ©visions mĂ©tĂ©o, les systĂšmes de traduction, etc. Donc, d’un cĂŽtĂ©, on a peut-ĂȘtre encore de la marge, mais de l’autre, on ne mesure pas Ă  quel point l’IA est dĂ©jĂ  prĂ©sente dans nos sociĂ©tĂ©s, tout simplement parce qu’elle ne ressemble pas Ă  l’idĂ©e que l’on s’en fait.

coeckelbergh : En tout cas, pas Ă  un robot ou Ă  une superintelligence.

Il y a une certaine ambivalence chez les gens : d’un cĂŽtĂ©, ils ont peur des robots qui risqueraient de prendre le pouvoir, de l’autre, ils n’ont aucun problĂšme Ă  partager des informations privĂ©es avec des assistants vocaux intelligents. Faut-il qu’un robot ressemble Ă  un robot pour en ĂȘtre un ?

mara : C’est le privacy paradox : des Ă©tudes montrent que mĂȘme si les gens se prĂ©occupent de leurs donnĂ©es, ils n’agissent pas en consĂ©quence.

coeckelbergh : Cela fait longtemps que nous avons tirĂ© un trait sur notre vie privĂ©e. Ces donnĂ©es sont dĂ©jĂ  lĂ , mais elles ne sont pas toutes personnelles. Selon moi, il faudrait plus prĂȘter attention Ă  ce qui est fait de ces donnĂ©es et Ă  ce que cela implique. Si mes donnĂ©es sont utilisĂ©es pour me manipuler, ce n’est pas la mĂȘme chose. Le problĂšme, c’est que l’IA est invisible. C’est pour cela que l’on n’y fait pas attention.

Mark Coeckelbergh, dans votre dernier livre AI Ethics, vous affirmez qu’il est essentiel de prendre de la distance avec les histoires vĂ©hiculĂ©es dans notre sociĂ©tĂ© quand on aborde les questions Ă©thiques liĂ©es Ă  la technologie. Qu’est-ce que cela signifie ?

Entretien
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Martina Mara

Robopsychologue

NĂ©e Ă  Linz (Autriche) en 1981, elle a Ă©tudiĂ© les sciences de la communication Ă  Vienne et obtenu un doctorat en psychologie Ă  l’universitĂ© de Coblence-Landau (Allemagne).

AprĂšs avoir effectuĂ© des recherches dans le domaine extrauniversitaire, notamment Ă  l’Ars Electronica Futurelab, elle est depuis 2018 professeur de robopsychologie – la premiĂšre du genre dans le monde entier – Ă  l’Institute of Technology de l’universitĂ© Johannes Kepler, Ă  Linz.

Elle Ă©tudie la maniĂšre dont l’ĂȘtre humain et la machine peuvent coexister en harmonie.

Robots sexuels ou Terminator
 Il ne faut pas se limiter aux rĂ©cits utopiques et dystopiques. L’IA va bien plus loin que cela, souligne Mara.

coeckelbergh : De nombreuses histoires qui manquent cruellement de sens critique nous font croire qu’avec la technologie, tout ira mieux Ă  l’avenir. La technologie a du bon, mais on a tĂŽt fait de ne plus considĂ©rer les choses qu’à travers ce genre d’histoires, parce que c’est tout ce que l’on ne nous propose. Et c’est important d’apporter aussi d’autres perspectives. mara : La maniĂšre dont on parle de l’IA dans le discours public est trĂšs importante. La question qui revient tout le temps, c’est de savoir quand le Terminator ou les robots sexuels deviendront une rĂ©alitĂ©. Dans mon labo, nous avons analysĂ© 10 000 images diffusĂ©es par les mĂ©dias sur le thĂšme de l’intelligence artificielle et le contenu le plus frĂ©quent, c’est une reprĂ©sentation de l’IA Ă  l’image de l’ĂȘtre humain ou bien avec un aspect menaçant. On voit beaucoup plus rarement des personnes qui font rĂ©ellement quelque chose avec l’IA. Donc il faudrait revenir Ă  la rĂ©alitĂ© quant Ă  la vĂ©ritable apparence de l’IA.

coeckelbergh : Personne ne parle des outils que l’on utilise au quotidien, comme Google Search. En comparaison, les robots sont rudimentaires.

Mais alors, Ă  quoi cela ressemble, un robot classique ?

coeckelbergh : La robotique, ça n’a rien Ă  voir avec ce que l’on s’imagine. Bien sĂ»r, il y a de bons robots industriels, mais c’est autre chose. Les humanoĂŻdes, en tout cas, ne sont pas comme dans la science-fiction.

mara : On parle beaucoup des humanoĂŻdes, mais il n’existe pratiquement aucun robot de ce genre qui soit capable de monter les escaliers ou d’ouvrir une porte tout seul. Et pourtant, dans les esprits, c’est ce genre de robot qui prĂ©domine.

coeckelbergh : Il faudrait s’intĂ©resser Ă  celles et ceux qui font dĂ©jĂ  partie de notre vie quotidienne, comme les gens qui utilisent l’IA pour

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nous influencer sur le plan politique par exemple. Le truc, c’est que l’on ne peut pas en faire de jolies photos, parce que ce ne sont que des gens assis Ă  leur bureau. Et pourtant, cela peut avoir un Ă©norme impact sur toute une Ă©lection. Je fais actuellement des recherches sur la dĂ©mocratie et l’IA. Notre comportement en matiĂšre de vote politique est influencĂ© par l’IA et les grandes entreprises tentent de manipuler notre comportement, nous devrions nous en inquiĂ©ter.

Il faudrait donc rĂ©glementer l’IA sur le long terme et dans le monde. Mais est-ce vraiment possible ?

coeckelbergh : Il n’existe actuellement aucune solution au niveau international. Parce que le problĂšme n’est pas assez pris au sĂ©rieux. Et parce que les institutions sont internationales et que, mĂȘme si les États dialoguent entre eux, cela n’a rien d’obligatoire. Il n’y a que des documents sur les stratĂ©gies IA. Il faudrait une vĂ©ritable rĂ©gulation.

mara : Dans l’UE, on travaille actuellement sur l’AI Act, un rĂšglement europĂ©en sur l’IA. Un Ă©norme challenge. Ce n’est pas facile de trouver un compromis entre le besoin d’innovation et les principes Ă  dĂ©fendre dans notre systĂšme de valeurs, comme l’équitĂ©, la vie privĂ©e, la transparence.

coeckelbergh : Ce sont des questions politiques et sociales, et le numĂ©rique devrait ĂȘtre une affaire d’État, car il influence toute notre Ă©conomie.

Quels sont les changements structurels nĂ©cessaires dans la politique, la sociĂ©tĂ©, l’éducation ?

mara : Il y a des manquements au niveau de l’éducation. Les nouvelles gĂ©nĂ©rations sont plus sensibilisĂ©es Ă  ces questions. Des dĂ©cisions doivent ĂȘtre prises au niveau politique.

coeckelbergh : Il est important d’apporter des changements dans l’éducation dans le sens oĂč l’on apprend Ă  argumenter, Ă  avoir un esprit critique vis-Ă -vis de ce que l’on lit et de ce que l’on entend, car il est de

« Que se passe-t-il si je dĂ©cide, en tant qu’ĂȘtre humain autonome, que je veux ĂȘtre influencĂ© ?

Comment jugeons-nous cela d’un point de vue Ă©thique ? »

plus en plus difficile de dĂ©terminer Ă  quel point nous sommes influencĂ©s. Le problĂšme se pose aussi quand on n’échange qu’avec des gens qui partagent notre opinion. Le numĂ©rique dans l’éducation, cela ne se limite pas Ă  distribuer des iPads aux Ă©lĂšves et Ă  donner des cours sur Zoom. Il s’agit aussi de savoir quel genre de citoyennes et citoyens nous voulons former. Il s’agit de dĂ©mocratie.

Zoom est en train de mettre au point une technologie qui permet, de lire sur les visages Ă  quel point les personnes participantes Ă  une visio sont attentives, comment elles se sentent, etc. C’est terrifiant. coeckelbergh : C’est de la manipulation. Qu’advient-il de mes donnĂ©es ? C’est une tentative de changer le comportement des travailleur·euse·s, des consommateur·rice·s. Il faut donc nous assurer de ne pas nous retrouver dans une vĂ©ritable dystopie.

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Martina Mara (Ă  g.) et Mark Coeckelbergh en discussion avec Saskia JungniklGossy sur les dangers et les opportunitĂ©s de l’IA.

Glossaire

En quoi consiste l’AI Act de l’UE et qu’est-ce qu’un humanoïde : petit lexique des termes importants.

IA

Il n’y a pas de dĂ©finition universelle de l’intelligence artificielle (IA), parce que l’intelligence en soi n’est pas clairement dĂ©finie. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ce terme dĂ©signe la tentative de transposer l’apprentissage et le raisonnement humains sur un ordinateur. Le principe est donc de concevoir et de programmer des ordinateurs de maniĂšre Ă  ce qu’ils puissent rĂ©soudre des problĂšmes par eux-mĂȘmes. L’objectif de la recherche en IA est de comprendre le fonctionnement de notre cerveau et de le reproduire de maniĂšre artificielle.

HumanoĂŻde

Les humanoĂŻdes sont des robots reproduits Ă  l’identique des ĂȘtres humains, mais qui ne prĂ©sentent pas de caractĂ©ristiques telles que les traits du visage. Les positions des articulations ainsi que les mouvements s’inspirent de l’appareil locomoteur humain. Les possibilitĂ©s de l’IA, c’est-Ă dire la capacitĂ© d’apprentissage du robot, pourraient permettre d’utiliser des robots humanoĂŻdes pour des tĂąches simples dans le domaine des soins aux personnes et aux malades.

AI Act de l’UE

Avec l’AI Act, l’UE entend crĂ©er une loi pour une rĂ©glementation globale de l’intelligence artificielle. Alors que l’IA s’immisce dans presque tous les domaines de notre vie, il n’existe encore aucune rĂ©glementation adĂ©quate. L’UE compte ainsi renforcer l’innovation tout en limitant les atteintes aux droits fondamentaux des personnes Ă  travers un cadre juridique uniforme. Un accord est attendu au premier trimestre 2023. Le rĂšglement devrait ĂȘtre mis en application d’ici 2025.

Utilitariste

L’utilitarisme est un courant philosophique qui Ă©value les actions humaines non pas en fonction de leurs motivations, mais de leurs consĂ©quences. Les actions utilitaristes sont des actions qui augmentent le bien-ĂȘtre global d’une sociĂ©tĂ© en crĂ©ant plus d’avantages pour tous les individus (ou du moins pour un grand nombre d’entre eux) ou en les rendant plus heureux. Autrement dit : la fin justifie-t-elle les moyens ? Pour l’utilitarisme, la rĂ©ponse est oui, dĂšs lors que le moyen utilisĂ© a globalement plus d’effets positifs.

mara : Influencer les gens, cela ne date pas d’hier. Mais il y a des choses sur lesquelles je me laisserais volontiers influencer. Un exemple : je ne suis pas du tout sportive et je tĂ©lĂ©chargerais Ă  la seconde n’importe quelle application qui rĂ©ussirait Ă  me manipuler pour me faire faire un peu plus de sport. (rires) Donc qu’estce que cela ferait si, en tant qu’ĂȘtre humain totalement autonome, je dĂ©cidais de me laisser influencer ?

Ou prenons le thĂšme de la durabilitĂ© : si une IA nous incitait Ă  Ă©conomiser de l’énergie de maniĂšre efficace et cohĂ©rente, qu’y aurait-il Ă  en dire sur le plan Ă©thique ?

Influence positive ?

coeckelbergh : C’est un problĂšme trĂšs intĂ©ressant. C’est presque vouloir se manipuler soi-mĂȘme, en fait. J’en parle justement dans mon livre Self Improvement. On a l’impression de devoir faire du sport. On se sent obligĂ© de s’amĂ©liorer. S’amĂ©liorer, c’est une bonne chose en soi, mais cela devient obsessionnel de nos jours.

mara : Laissons le sport de cÎté alors ! Et la conscience écologique ?

coeckelbergh : D’un point de vue macro, c’est sĂ»r que ce serait super si davantage de personnes changeaient leurs habitudes. Mais ce n’est pas sans poser de problĂšmes. La vision utilitariste du monde va Ă  l’encontre de l’idĂ©e selon laquelle nous voulons ĂȘtre des individus autonomes. Ce serait donc comme la manipulation et l’utilitarisme opposĂ©s Ă  l’humanisme, qui place l’ĂȘtre humain au centre.

mara : En tant qu’individu autonome, j’ai grandi dans le plus grand luxe en Europe centrale, oĂč l’on a de la viande dans nos assiettes et parfois plusieurs voitures par foyer. Mais je sais qu’il y a un besoin urgent de changer nos comportements. Ce qu’il faudrait peut-ĂȘtre, ce serait que les algorithmes sur Internet ne me montrent plus que des publicitĂ©s de produits neutres en carbone. Qu’en est-il si je le dĂ©cide moi-mĂȘme ?

coeckelbergh : DĂ©cider soi-mĂȘme, c’est dĂ©jĂ  mieux, oui. Mais une dĂ©cision aussi peut ĂȘtre influencĂ©e. Quelles influences sont acceptables ?

Je n’ai pas de rĂ©ponse Ă  cette question, il faudrait en discuter. Dans quelle mesure est-il possible et souhaitable d’exercer une influence positive ? On n’a aucune envie que les

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choses se passent comme en Chine. Mais ici, chez nous, le comportement des individus ne subit quasiment aucune influence. Alors, oĂč se situent les limites ? C’est un problĂšme trĂšs intĂ©ressant.

L’un des domaines dans lesquels l’IA est de plus en plus prĂ©sente, c’est le monde du travail. Le nombre de tĂąches qui sont et qui peuvent ĂȘtre effectuĂ©es par l’IA est en augmentation constante. Allons-nous un jour ĂȘtre contraints de crĂ©er des emplois fictifs pour que les gens aient quelque chose Ă  faire et se sentent utiles ?

coeckelbergh : Certains métiers seront remplacés.

Remplacés ou supprimés ?

coeckelbergh : Et aprĂšs, quoi, on prend tous du bon temps ? Pour moi, c’est une utopie. L’idĂ©e de la sociĂ©tĂ© des loisirs existe depuis longtemps, c’est un leurre. Ce qui existe, ce sont des gens qui ont l’impression de ne servir Ă  rien. C’est lĂ  que le gouvernement doit prendre les choses en main pour veiller au bon fonctionnement de nos systĂšmes sociaux. La dĂ©mocratie avec ses Ă©lĂ©ments sociaux sera mise sous pression.

Le revenu universel sans conditions est-il une solution sociale ?

coeckelbergh : Je ne sais pas quelle est la solution, mais il nous faut des alternatives. Car il y aura aussi des bouleversements sur le plan dĂ©mographique et du fait de l’automatisation. Ce sera compliquĂ© de s’en sortir sans un travail bien payĂ© et une retraite complĂ©mentaire.

mara : Le principe mĂȘme du progrĂšs technologique devrait ĂȘtre que la technologie nous libĂšre de certaines tĂąches et nous facilite la vie. Si l’IA pouvait effectuer des tĂąches que nous, ĂȘtres humains, n’avons pas envie de faire, ce serait super. Oui mais, oĂč est-il donc, ce monde ? OĂč tout le monde peut faire ce qu’il a envie ?

L’idĂ©e existe depuis longtemps. Je pense pourtant qu’il s’agit d’une utopie.

C’est vrai que ce serait gĂ©nial en thĂ©orie. Nous, ĂȘtres humains, qui avons le privilĂšge d’ĂȘtre des esprits crĂ©atifs, n’aurions sĂ»rement aucun mal Ă  trouver quoi faire de notre temps. coeckelbergh : Ce n’est pas ça le problĂšme. Le problĂšme, c’est que dans ce monde, les gens sont trĂšs stressĂ©s et inquiets, et d’une maniĂšre bien particuliĂšre. Prenons l’exemple du travail de bureau : les e-mails Ă©taient censĂ©s nous soulager puisqu’ils nous permettaient d’envoyer des courriers plus facilement. Mais au final, c’est l’inverse qui s’est produit : nous sommes totalement dĂ©passĂ©s par la quantitĂ© d’e-mails que nous recevons dĂ©sormais. Ce sont toujours ces choses dont on nous raconte qu’elles nous soulageront qui finissent par nous compliquer la vie. Et cela ne s’applique pas qu’au travail. Les loisirs aussi deviennent de plus en plus stressants.

La technologie aurait-elle ouvert une brĂšche ?

mara : Oui, et ce qui est plus simple devient forcĂ©ment beaucoup plus frĂ©quent. Ce ne sont donc plus cinq courriers que l’on reçoit par jour, mais cent. Avant, on se posait peut-ĂȘtre plus la question avant de se dĂ©cider Ă  Ă©crire quelque chose Ă  un instant T.

Martina Mara, vous avez dit que l’objectif Ă©tait de crĂ©er un avenir robotique centrĂ© sur l’ĂȘtre humain. À quoi cela pourrait-il ressembler et qu’est-ce que cela impliquerait ?

mara : En psychologie, on parle de besoins fondamentaux et il y en a trois qui sont essentiels : l’autonomie, la compĂ©tence et les relations sociales. Avec l’autonomie, je peux

dĂ©cider moi-mĂȘme de mes actes. Pour moi, l’IA entre en ligne de compte ici, car dans nos vies quotidiennes, de plus en plus de dĂ©cisions sont au moins suggĂ©rĂ©es par des algorithmes. Ensuite, la compĂ©tence : nous, ĂȘtres humains, voulons ĂȘtre compĂ©tents dans quelque chose, et l’IA a aussi une incidence sur cela, en mĂ©decine par exemple, oĂč elle peut analyser une radiographie plus rapidement qu’un mĂ©decin. La question est donc de savoir comment les compĂ©tences humaines et de la machine peuvent se complĂ©ter au mieux. Et enfin, les relations sociales sont, elles aussi, impactĂ©es par l’IA, notamment Ă  cause des chatbots : on a l’impression de discuter avec des amis, mais en fait, ils ne font qu’enregistrer tout ce que l’on dit pour alimenter leurs donnĂ©es et nous dire ce que l’on a envie d’entendre. En ce qui concerne l’approche centrĂ©e sur l’ĂȘtre humain, il faudrait trouver le moyen de prĂ©server toute l’autonomie humaine et d’utiliser l’IA comme un outil. Si des robots sociaux pouvaient servir d’intermĂ©diaires pour que la grand-mĂšre qui se sent seule chez elle puisse entrer en contact avec d’autres personnes par ce biais, ce serait formidable.

Mark Coeckelbergh

Philosophe de la technologie

NĂ© en Belgique en 1975, il est professeur de philosophie des mĂ©dias et de la technologie Ă  l’Institut de philosophie de l’UniversitĂ© de Vienne, depuis 2015. Il est expert en Ă©thique de l’intelligence artificielle – son dernier livre Robot Ethics est paru en 2022 – et fait partie du groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle de la Commission europĂ©enne. Ses recherches portent sur les dĂ©veloppements dans le domaine de la robotique, de l’IA et des technologies de l’information et de la communication.

coeckelbergh.wordpress.com

« Que les robots fassent la besogne à notre place ?
»
Entretien 52 INNOVATOR

L’IA peut vraiment avoir du bon.

« Ce qu’il faut, c’est bien garder Ă  l’esprit les consĂ©quences Ă©thiques et aussi rĂ©flĂ©chir au monde que nous voulons en dĂ©finitive », dĂ©clare Coeckelbergh.

Inspiration

L’IA est devenue accessible pour beaucoup de monde. Des outils en ligne comme Midjourney crĂ©ent des images sur la base de ce que l’on appelle des prompts (mots clĂ©s). Des applis telles que Lensa transforment les selfies en incroyables photos de profil.

Et les systĂšmes de dialogue comme ChatGPT effectuent des tĂąches basĂ©es sur du texte d’une maniĂšre semblable Ă  ce que ferait un ĂȘtre humain.

coeckelbergh : ConsidĂ©rer l’IA non pas comme un ennemi, mais comme un intermĂ©diaire.

Et puisqu’on a dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© ce qui vous faisait peur, dites-nous ce que l’IA peut avoir de bon Ă  nous apporter.

coeckelbergh : Je pense que l’IA peut contribuer Ă  rĂ©soudre des problĂšmes tels que le changement climatique. Ou du moins, nous aider Ă  mieux les gĂ©rer. Les scientifiques ont besoin de l’IA et de donnĂ©es. Dans

le domaine mĂ©dical, par exemple, Ă  l’instar des diagnostics oĂč un cancer est dĂ©tectĂ© alors qu’il aurait pu passer inaperçu. Ce qu’il faut, c’est bien garder Ă  l’esprit les consĂ©quences Ă©thiques et aussi rĂ©flĂ©chir au monde que nous voulons en dĂ©finitive. mara : Il y a de vrais risques, mais aussi de rĂ©elles opportunitĂ©s. Il va de soi que la lutte contre le changement climatique ne fonctionnera que si nous, les ĂȘtres humains, faisons Ă©galement des efforts pour changer. On ne peut pas se contenter de se dire que la technologie rĂ©soudra le problĂšme Ă  notre place. Mais telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, l’IA peut tout de mĂȘme ĂȘtre utile – en tant qu’outil statistique basĂ© sur l’analyse des donnĂ©es et capable de faire des prĂ©visions. Par exemple : oĂč peuton Ă©viter la surproduction ? Quant Ă  moi, d’un point de vue tout Ă  fait profane, je voudrais un jour avoir un assistant IA qui me dĂ©barrasserait de mes e-mails. Quand serons-nous enfin rĂ©ellement soulagĂ©s par ce genre d’outils ? (rires) Je n’ai aucune envie de lire 300 e-mails par jour, donc personnellement, j’ai vraiment hĂąte que cela arrive. Mais comme on l’a dit : on a encore de la marge !

INNOVATOR 53

Expédition en terre inconnue

Qu’est-ce que le mĂ©tavers ? OĂč le trouve-t-on ? Comment draguer quand on est un poulet virtuel ? Est-ce vraiment le monde qui nous attend demain ? ExpĂ©rience avec casque de rĂ©alitĂ© virtuelle et rĂ©sultats dĂ©concertants. TEXTE

Le métavers est un pendant virtuel de notre monde réel.

Le fondateur de Facebook et PDG de Meta, Mark Zuckerberg (Ă  droite), semble y trouver son bonheur.

AUTO-TEST
Marc Baumann ILLUSTRATIONS Mathis Burmeister
54 INNOVATOR GETTY IMAGES, ADOBE STOCK

J’ai harcelĂ© une cacahuĂšte. VoilĂ  comment dĂ©marre ma premiĂšre journĂ©e dans le mĂ©tavers. Une explication s’impose : la cacahuĂšte gĂ©ante bipĂšde est le premier avatar que je croise dans ce chat en rĂ©alitĂ© virtuelle (VR). AnimĂ©e en style BD, cette derniĂšre, une femme d’aprĂšs sa voix, s’adresse Ă  moi en anglais (prĂ©cisons que nous sommes les seuls dans ce chat situĂ© dans un bar en images de synthĂšse perchĂ© sur les toits d’une grande ville fctive). « Ah, je ne suis pas toute seule, me dit la cacahuĂšte d’un ton enjouĂ©. Salut, comment ça va ? »

J’aimerais lui rĂ©pondre, mais dire Ă  voix haute « Salut, ravi de te rencontrer » comme ça, debout dans son salon au beau milieu de la nuit avec un casque de rĂ©alitĂ© virtuelle vissĂ© sur le crĂąne requiert une certaine hardiesse qui me fait prĂ©sentement dĂ©faut. J’opte pour l’envoi d’un emoji amical au moyen d’une des deux manettes qui simulent mes mains dans cet univers virtuel. Mais mon pouce fait dĂ©fler la barre des emojis beaucoup trop vite et au lieu du « clin d’Ɠil », c’est un « clin d’Ɠil-bisou » que j’envoie fotter dans l’espace-temps. La cacahuĂšte exprime haut et fort son dĂ©goĂ»t puis prend ses jambes Ă  son cou. Mon avatar de poulet essaie de la retenir : « Fausse manip’ ! DĂ©solĂ© ! Je suis nouveau ici ! » Trop tard. « Avec qui tu hurles comme ça au milieu de la nuit ? », m’apostrophe alors ma copine. J’îte mon casque et lui rĂ©ponds : « Avec une cacahuĂšte. GĂ©ante. » Bienvenue dans le mĂ©tavers.

Dans soixante ans, je serai le premier à en rire. Nous serons en 2082, mon vieux corps usé et ridé sera maintenu en vie dans un bassin artifciel tandis que je vivrai, éternel jeune

Jhomme, des aventures extraordinaires dans un monde virtuel. C’est du moins ainsi que je me reprĂ©sente l’avenir dans le mĂ©tavers, un peu comme dans le classique hollywoodien Matrix ou dans le roman Ready Player One, oĂč l’humanitĂ©, en 2045, se rĂ©fugie dans la rĂ©alitĂ© virtuelle de l’OASIS pour Ă©chapper Ă  la morositĂ© du quotidien. Le mot mĂ©tavers, dans ce contexte prĂ©cis, apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans le roman Snow Crash, de l’écrivain Neil Stephenson, paru en 1992. Dans ce livre, les entreprises mondiales ont pris le pouvoir et remplacĂ© l’État. (SpĂ©ciale dĂ©dicace Ă  Elon Musk.) Dans Snow Crash, les plus riches peuvent se rĂ©fugier dans le mĂ©tavers. Vision dystopique terriblement noire.

Ready, Player Marc ?

Mais quand la rĂ©daction de The Red Bulletin Innovator m’appelle pour me demander si je veux tester le mĂ©tavers, je rĂ©ponds pourtant : « Oui, carrĂ©ment, j’adore ce sujet ! »  avant de googler timidement, sitĂŽt la conversation terminĂ©e : « C’est quoi le mĂ©tavers? » Puis poursuis mes recherches par « Comment entrer dans le mĂ©tavers? » et « De quoi ai-je besoin pour le mĂ©tavers? ». Les pages web s’enchaĂźnent et s’accroissent, tout comme ma perplexitĂ©. Ici, je lis qu’il faut se rendre sur Decentraland, ce serait la Mecque du mĂ©tavers. Ailleurs, quelqu’un Ă©crit que c’est plutĂŽt sur The Sandbox ou sur Roblox qu’il faut aller. LĂ  encore, j’apprends que le jeu vidĂ©o Fortnite, c’est dĂ©jĂ  du mĂ©tavers, fnalement. Et aussi qu’un casque VR n’est certes pas indispensable mais essentiel et que le produit phare, le Quest 2, a Ă©tĂ© interdit Ă  la vente en Allemagne pendant deux ans pour raison de protection des donnĂ©es.

Tout cette histoire de mĂ©tavers reste bien confuse et s’apparente davantage Ă  une phase bĂȘta prĂ©maturĂ©e qu’à une technologie avancĂ©e. Seuls 15 % de la gĂ©nĂ©ration Z, nĂ©e entre 1995 et 2012, ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dans le mĂ©tavers (enquĂȘte menĂ©e auprĂšs de gamers et gameuses). Et seulement 8 % parmi celles et ceux de ma gĂ©nĂ©ration, la gĂ©nĂ©ration X. Je fais donc partie des 92 % restant, alors que j’utilise internet depuis 1997, que j’ai travaillĂ© avec la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e en 2009 et que je me suis bravement frottĂ© aux montagnes russes en VR,

L’AUTO-TESTEUR

Marc Baumann a 45 ans.

Il vit Ă  Munich et travaille comme auteur indĂ©pendant pour le SĂŒddeutsche Zeitung Magazin Actuellement, il se consacre aux impondĂ©rables du mĂ©tavers.

des vraies, avec pleins de loopings, le tout avec un casque de rĂ©alitĂ© virtuelle, s’il vous plaĂźt. Et j’ai mĂȘme failli essayer un simulateur de vol lors d’un grand salon de la technologie, mais le businessman avant moi avait vraiment l’air trop con, Ă  plat ventre sur une sorte de banc de ftness Ă  s’agiter en tous sens, imitant un vol avec son casque VR sur le crĂąne. Sa chemise est sortie de son pantalon et il s’est retrouvĂ© les fesses Ă  l’air, ce qu’il n’a mĂȘme pas remarquĂ©, parti qu’il Ă©tait dans son dĂ©lire VR. Le mĂ©tavers est peut-ĂȘtre passionnant, visionnaire, rĂ©volutionnaire, mais pas trĂšs stylĂ©.

Jouer, bavarder, faire ses courses, travailler
 Le mĂ©tavers doit faciliter tout cela. L’experte en logiciels Johanna Pirker (Ă  droite) prĂ©vient : « Nous transposons dans le monde virtuel nos problĂšmes du monde rĂ©el. »

« À qui parles-tu si fort au milieu de la nuit ? », me demande mon amie. Je retire mes lunettes de VR et lui rĂ©ponds : « Avec une cacahuĂšte. »
Auto-Test 56 INNOVATOR
GIAN PAUL LOZZA, ADOBE STOCK
INNOVATOR 57

DĂ©jĂ , Ă  l’époque, la vidĂ©o Youtube d’octobre 2021 oĂč Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, dĂ©voila au public ses grands projets de mĂ©tavers Ă©tait franchement craignos. Ce court-mĂ©trage d’une dizaine de minutes le met en scĂšne se transformant en son propre avatar en images d’animation, puis il annonce que son entreprise s’appellera dĂ©sormais Meta. Ensuite, avatar Zuckerberg rencontre ses autres potes avatars dans une station spatiale et ils font une partie de cartes. Mark Z. lance alors Ă  un collĂšgue : « Hey, j’étais censĂ© ĂȘtre le robot ! » Et tout le monde rit aux Ă©clats, de ce rire forcĂ© qui rĂ©pond Ă  la boutade d’un chef. Cette vidĂ©o Youtube, que l’on peut considĂ©rer comme le coup d’envoi offciel du mĂ©tavers, ne donne malheureusement pas trĂšs envie d’y goĂ»ter et fait plutĂŽt penser Ă  des parents qui auraient forcĂ© leur gamin ado Ă  jouer Ă  la Nintendo-Wii avec son petit frĂšre. Quelques semaines plus tard, Zuckerberg d’enfoncer le clou avec son avatar en selfe devant une tour Eiffel en mode mĂ©tavers Ă  l’animation si ringarde que tout le monde sur Twitter s’est moquĂ© de son grand projet.

Hype, hype, hourra

C’est donc pour ça qu’il dĂ©pense des milliards et met la santĂ© fnanciĂšre de Facebook en pĂ©ril, comme le rĂ©vĂšlent anonymement certains employé·e·s de l’entreprise ? Heureusement, je tombe sur le podcasteur Thomas Riedel, qui se dĂ©crit lui-mĂȘme par cette magnifque tournure : « J’ai bien peur d’ĂȘtre le premier journaliste allemand du mĂ©tavers. » Le fait que je cherche vainement la porte d’entrĂ©e du mĂ©tavers ne le choque pas outre mesure : « Votre exaspĂ©ration m’inonde de joie, car j’ai moi-mĂȘme l’intime conviction que le mĂ©tavers n’existe pas encore. » Pardon ? « C’est un hold-up mĂ©diatique oĂč tout le monde cherche Ă  se faire du fric en disant que c’est du mĂ©tavers », explique Thomas Riedel. Okay, temps mort, on arrĂȘte les frais, j’appelle la rĂ©daction, cette histoire de mĂ©tavers c’est du pipeau, on retente le coup dans cinq ans, d’ici lĂ , bye-bye !

Pas si vite, me retient Thomas Riedel. Le mĂ©tavers deviendra un jour un immense rĂ©seau d’expĂ©riences de rĂ©alitĂ© virtuelle et augmentĂ©e oĂč tout sera interconnectĂ©.

Des chiffres et des lettres

Dans le métavers, la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité physique se rejoignent. Petit lexique des termes les plus importants.

Définition

Le métavers est un équivalent virtuel de notre monde réel.

Terminaux

Le mĂ©tavers peut ĂȘtre utilisĂ© avec un smartphone, un ordinateur portable, une tablette ou des lunettes VR. La rĂ©alitĂ© virtuelle (VR) ou la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e (AR) sont une option, mais ne sont pas indispensables.

Économie numĂ©rique

L’un des principaux objectifs du mĂ©tavers est de crĂ©er une Ă©conomie numĂ©rique propre, dans laquelle les biens virtuels sont vendus avec leurs propres monnaies.

Secteurs & entreprises

Les investissements dans le domaine du métavers sont réalisés par de grandes entreprises de technologie comme Microsoft, ainsi que par des marques de mode comme Nike, Adidas et H&M.

En temps réel

Le mĂ©tavers est toujours en cours. Il ne peut pas ĂȘtre mis en pause, rĂ©initialisĂ© ou arrĂȘtĂ©.

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Les plateformes métavers seront accessibles dÚs 2023. Meta, la société mÚre de Facebook, en développe actuellement deux.

1992

C’est cette annĂ©e-lĂ  que le terme mĂ©tavers a Ă©tĂ© mentionnĂ© pour la premiĂšre fois, dans le roman de science-fiction Snow Crash de Neal Stephenson.

63 milliards de dollars

C’est le capital en bourse que reprĂ©sente le marchĂ© des mĂ©tavers selon les estimations.

1 Ă  12 billions de dollars

C’est, selon la banque JP Morgan, la somme des biens prĂ©sents dans le mĂ©tavers en 2029.

450 000 dollars ont été payés en 2021 pour un terrain dans le métavers

The Sandbox

62 % de toutes les terres virtuelles actuellement disponibles se trouvent dans le métavers

The Sandbox, qui a été lancé

58

La question est donc de savoir qui sera le premier Ă  construire l’emballage virtuel qui enrobera le tout. VoilĂ  pourquoi Mark Zuckerberg est en train d’essayer de construire une sorte de html pour mĂ©tavers. La phase de dĂ©veloppement prendra encore cinq, dix ou vingt ans, mais en attendant, on peut dĂ©jĂ  en essayer les diffĂ©rentes parties, que ce soit en rĂ©alitĂ© virtuelle ou augmentĂ©e, ou tout simplement sur notre Ă©cran.

Je tente une seconde excursion dans la rĂ©alitĂ© virtuelle et me tourne vers l’alpinisme. SaluĂ© par les critiques, The Climb propose des graphismes extrĂȘmement rĂ©alistes, ce qui correspond bien plus Ă  ce que j’attends du mĂ©tavers. AprĂšs trois ou quatre minutes de chargement (un casque VR coĂ»te dans les 500 euros, un prix destinĂ© Ă  attirer le plus grand nombre d’acheteur·euse·s possible. Ils ne sont donc pas ultra performants), je commence The Climb sur une mince plateforme en pleine montagne, entourĂ© de ravins. Les manettes permettent de s’emparer des prises dans la roche pour se hisser au sommet mĂštre aprĂšs mĂštre. Une erreur et c’est la chute fatale, je ne peux rĂ©primer un bref sursaut au moment de l’impact. Je passe Ă  Medal of honor : me voilĂ  en soldat britannique blessĂ© sur un champ de bataille pendant la Seconde Guerre mondiale. Deux camarades me portent secours. Fascinant de se retrouver sur un lit d’hĂŽpital avec ces manettes qui imitent de vraies mains. Mais quand commence le premier combat et que mon soldat dĂ©fouraille Ă  tout va, me voilĂ  pris de nausĂ©e alors que je suis immobile dans mon salon. Un phĂ©nomĂšne appelĂ© motion sickness qui retarde encore le grand boom de la VR. AprĂšs 90 minutes, j’ai besoin

d’une pause. J’enlĂšve mon casque et sors sur la terrasse. Pendant une ou deux minutes, j’ai l’impression que mon chien et le paysage sont des images de synthĂšse. Autre chose de bizarre, mais peut-ĂȘtre est-ce mon imagination : mon rythme cardiaque me semble chamboulĂ© quand je remets le casque.

PPlus je passe de temps dans le mĂ©tavers, plus j’ai envie d’aller folĂątrer dans la nature ; situation devenue trop rare, je promĂšne mon chien sans emporter mon tĂ©lĂ©phone. Le corps s’habituera-t-il au va-et-vient entre le monde rĂ©el et ce monde imaginaire en trompe-l’Ɠil ? Ou tout va-t-il se brouiller, comme au sortir du sommeil, quand on est encore Ă  moitiĂ© dans le rĂȘve et qu’on n’est pas sĂ»r d’ĂȘtre Ă©veillĂ© ? « Impossible de tenir plus de deux heures avec un casque VR », explique Thorsten Hennig-Thurau. Enseignant Ă  MĂŒnster et Ă  Londres, ce professeur en marketing multimĂ©dia a recréé une partie de l’universitĂ© de MĂŒnster, son propre bureau inclus, en images de synthĂšses. Il travaille actuellement sur les premiers cours entiĂšrement en VR. Je le retrouve dans son bureau au bord de la mer. La plage que j’aperçois derriĂšre lui n’existe que dans mon casque VR, puisqu’il se trouve en fait Ă  MĂŒnster et moi Ă  Munich. Mais nos avatars se font face assis tous deux autour de la mĂȘme table virtuelle, et en Ă©tirant mes jambes chez moi Ă  Munich, je crains l’espace d’un instant de frĂŽler les siennes sous la table avant de me rappeler que 600 kilomĂštres nous sĂ©parent. Nous sommes des avatars en style BD, avec juste le haut du corps animĂ© (dans un souci d’optimisation du traitement de donnĂ©es). Toutefois, la rencontre est Ă©tonnamment immersive. Le professeur me montre comment se passer des manettes pour travailler uniquement avec les gestes de la main, puis nous allons tous deux Ă©crire un peu au tableau. Il est juste devant moi et j’ai vĂ©ritablement l’impression de pouvoir le toucher. Hennig-Thurau porte un modĂšle de casque VR dernier cri

Notre auteur se dĂ©plaçant dans le mĂ©tavers en haut lors d’un appel vidĂ©o virtuel, en bas avec un avatar flottant.

qui, contrairement au mien, est capable de reconnaĂźtre les expressions du visage : quand il rit, son avatar rit aussi, quand une question est complexe, l’avatar fronce les sourcils. ComparĂ©e Ă  toutes ces rĂ©unions zoom emblĂ©matiques de ces derniĂšres annĂ©es de pandĂ©mie, oĂč l’on apparaĂźt dans de minuscules fenĂȘtres, une rĂ©union VR avec des avatars a en effet l’air plus « rĂ©elle ». VoilĂ  peutĂȘtre l’avenir du tĂ©lĂ©travail.

Ou pas. Car nul ne sait Ă  quoi le monde de demain ressemblera exactement ; tout comme nous Ă©tions loin d’imaginer, en 1992, mĂȘme si nous pouvions dĂ©jĂ  envoyer des e-mails, que trente ans plus tard, nous serions tous et toutes scotché·e·s sur nos smartphones Ă  regarder messages persos, vidĂ©os et nouvelles du monde entier dans le mĂ©tro en allant au boulot. Tout est encore possible dans le mĂ©tavers, mĂȘme les scĂ©narios les plus sombres : « Pour l’instant, nous copions tous nos problĂšmes rĂ©els dans le mĂ©tavers : crise immobiliĂšre

« Le mĂ©tavers est un battage mĂ©diatique oĂč tout le monde veut faire de l’argent. »
THOMAS RIEDEL
Auto-Test INNOVATOR 59

(des terrains virtuels sont dĂ©jĂ  vendus Ă  des prix absurdes), racisme, harcĂšlement sexuel et mĂȘmes des cellules de soutien VR pour les femmes », explique Johanna Pirker, dĂ©veloppeuse informatique Ă  l’universitĂ© technique de Graz et chercheuse en systĂšmes interactifs et sciences des donnĂ©es. « Ce qui est gĂ©nial, c’est que ce cyberespace permet enfn l’intĂ©gration des personnes exclues, handicapĂ©es ou dĂ©munies dans le rĂ©el, toutes cultures confondues. »

AprĂšs 90 minutes de rĂ©alitĂ© virtuelle, la nature nous attire d’autant plus. Le mĂ©tavers nous rend-il finalement plus actifs dans le monde rĂ©el ?

gigantesque chantier totalement improvisé, légÚrement déjanté et incroyablement excitant.

Musique, films, logiciels & pizza

L’idĂ©e du mĂ©tavers est nĂ©e dans un roman de sciencefiction. Aujourd’hui encore, la culture pop, Hollywood et les entreprises de jeux sont Ă  l’origine des idĂ©es de la Silicon Valley.

Snow Crash (1992)

Dans le roman de Neal Stephenson, le mĂ©tavers est un lieu de retraite d’une AmĂ©rique dystopique oĂč seuls « la musique, les films, les logiciels et la livraison de pizzas Ă  grande vitesse » sont encore valables.

Second Life (2003)

Le proto-métavers

LLe mĂ©tavers pourrait devenir un lieu oĂč l’espace virtuel est conçu par toutes et tous, oĂč l’on bĂątit son propre espace sous la forme d’une longue avenue qui fait le tour du monde et sur laquelle nous pouvons nous rencontrer. C’est l’exacte description du mĂ©tavers dans Snow Crash : une route. Il ne reste plus qu’à espĂ©rer que chacun·e puisse emprunter cette route de maniĂšre Ă©quitable et que des lois empĂȘchent les crimes de rester impunis (contrairement Ă  ce qui se passe actuellement sur le darknet). Les prochaines annĂ©es nous diront si l’avenir virtuel choisira l’ombre ou la lumiĂšre.

D’ici lĂ , il faut peut-ĂȘtre se reprĂ©senter le mĂ©tavers comme Berlin-Est aprĂšs la chute du mur en 1990 : un

Alors que mon avatar de poulet se promĂšne dans un McDo virtuel, un chariot d’entretien fotte dans les airs, peut-ĂȘtre est-ce un bug, peutĂȘtre sommes-nous toutes et tous devenu·e·s fous. J’observe le menu au dessus du comptoir et me sens un peu insultĂ© par les Chicken McNuggets, tout poulet VR que je suis, puis m’empare d’un gobelet de Coca qui traĂźne et le « sirote », ce qui ne fait Ă©videmment aucun sens, avec mon casque VR sur la tĂȘte.

Revenu sur le parking, je suis soudain abordĂ© par un groupe d’avatars, dont un Ă©norme chat et un monstre sinistre qui, au fl de la conversation, fnit par m’inviter Ă  une soirĂ©e de chat VR. Un peu plus tard, alors que je me mets Ă  agiter mes ailes de poulet sur une piste de danse presque dĂ©serte, je trĂ©buche sur mon chien endormi dans le monde rĂ©el et m’écrase brutalement au sol. Mon casque est intact, mais mon genou s’orne bientĂŽt d’un joli bleu, ultime crĂ©ation nĂ©e de cette union du monde rĂ©el et virtuel.

Second Life, dĂ©veloppĂ© par Linden Lab, existe depuis vingt ans dĂ©jĂ . Jusqu’à 200 000 adeptes utilisent la plateforme chaque jour.

World of Warcraft (2004)

Avec plus de 8 millions de joueurs actifs par mois, WoW détient le record du jeu de rÎle en ligne multijoueur (MMORPG) le plus populaire de tous les temps.

Ready Player One (2011/18)

Le film de Steven Spielberg, adaptĂ© du roman d’Ernest Cline, a rendu le monde virtuel OASIS cool, malgrĂ© la dystopie qui l’entoure.

Auto-Test 60 INNOVATOR ADOBE STOCK

PRÉPARE-TOI POUR UNE DESCENTE ÉPIQUE

DÉPART: 3023, LES ATTELAS

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TEXTE

Muamer Becirovic & GĂŒnther Kralicek

PHOTOS

Michael Sieber

62 INNOVATOR
SANTÉ Allî doc ? Ici le futur !

Un diagnostic ultra précis en quelques secondes réalisé par un algorithme ? Des robots-chirurgiens ? Des vaccins anti-cancer ? Ce qui ressemble à de la science-fiction pourrait bientÎt faire partie du quotidien des hÎpitaux.

Grùce aux techniques les plus modernes, la médecine est à l'aube d'une nouvelle Úre.

Le mĂ©decin Thomas Sauter avec des lunettes VR au CHU de Berne, oĂč des recherches sont menĂ©es sur la XR (extended reality).
INNOVATOR 63

LLa scĂšne se passe en 2050. Un homme est allongĂ© dans une salle d’opĂ©ration pour subir l’ablation d’une tumeur cĂ©rĂ©brale. Au-dessus de sa tĂȘte, des bras robotisĂ©s se dĂ©placent lentement, selon une chorĂ©graphie tĂ©lĂ©guidĂ©e d’une prĂ©cision Ă  couper le souffe. Assis derriĂšre une vitre sans tain, non loin de la table d’opĂ©ration, le chirurgien en chef commande les bras du robot Ă  partir d’une modĂ©lisation en 3D du cerveau du patient : la tumeur, qui apparaĂźt sur l’écran dans une couleur vive, y est parfaitement localisable. Le chirurgien marque, Ă  l’aide d’un stylo, une entaille minuscule : 1,3 mm trĂšs exactement. Inutile de dire qu’à l’Ɠil nu, une main humaine ne pourrait atteindre la mĂȘme prĂ©cision : c’est en fait le robot-assistant, avec sa vision haute rĂ©solution, qui est Ă  l’Ɠuvre, et c’est lui qui va bientĂŽt procĂ©der Ă  une opĂ©ration qui semblait inimaginable quelques dĂ©cennies plus tĂŽt. Si l’assistance robotique en chirurgie n’en est encore qu’à ses dĂ©buts, ce domaine de recherche est promis Ă  un trĂšs bel avenir : Thomas Neumuth, qui travaille au CHU de Leipzig, en Allemagne, en est convaincu. Ce professeur allemand, ingĂ©nieur informaticien de formation, sait de quoi il parle, puisqu’il dirige le centre de recherche sur la chirurgie assistĂ©e par ordinateur, au sein du CHU.

L’info en rĂ©seau

Son projet, c’est de faire en sorte que ce rĂȘve devienne rĂ©alitĂ©. L’un des plus gros obstacles Ă  surmonter est assez surprenant, Ă  premiĂšre vue : il s’agit de l’incompatibilitĂ© des diffĂ©rents appareils utilisĂ©s en salle d’opĂ©ration. Tous ceux qu’on y trouve ont leurs

propres systĂšmes d’opĂ©ration, leurs propres interfaces, leurs propres Ă©crans – et sont souvent incompatibles entre eux. Qu’elle soit le rĂ©sultat de considĂ©rations techniques ou de stratĂ©gies marketing des fabricants, cette situation pose de gros problĂšmes fnanciers, puisque l’équipement technologique opĂ©ratoire doit ĂȘtre renouvelĂ© tous les dix Ă  douze ans pour rester Ă  la pointe.

Mais alors, la solution ne seraitelle pas, pour les hĂŽpitaux, de s’approvisionner chez un seul fabricant ? D’un point de vue technico-mĂ©dical, cette option est rejetĂ©e par de nombreux mĂ©decins, qui prĂ©fĂšrent l’idĂ©e d’une interconnexion modulaire permettant de combiner, de relier et, si nĂ©cessaire, de remplacer des appareils ultra

L’hĂŽpital universitaire de Berne a plus de 600 ans d’histoire mĂ©dicale derriĂšre lui. Avec plus de 10 000 collaborateurs et collaboratrices, il est aujourd’hui le plus grand hĂŽpital de Suisse.

L’avenir de la mĂ©decine s’écrit Ă  Leipzig, Berne et Hambourg, avec la rĂ©alitĂ© virtuelle, la biotechnologie et la tĂ©lĂ©santĂ©.
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Thomas Sauter

Médecin & professeur Rendre la numérisation utile à la médecine est sa passion.

Thomas Sauter est mĂ©decin spĂ©cialiste en mĂ©decine interne gĂ©nĂ©rale Ă  l’hĂŽpital de l’Île Ă  Berne, professeur Ă  l’universitĂ© de Berne, et codirecteur du Virtual Inselspital Simulation Lab.

Il y effectue des recherches sur des phénomÚnes tels que la télémédecine, les wearables et la réalité étendue en médecine (XR), ce qui correspond à une réalité virtuelle (VR) ou réalité augmentée (AR) pour les médecins et les chirurgien·ne·s.

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Des lunettes VR sont utilisĂ©es par les chirurgien·ne·s du laboratoire de simulation virtuelle pour s’entraĂźner Ă  des opĂ©rations rares Ă  haut risque.

__ De quoi sera capable la médecine de demain ?

Une combinaison de progrÚs techniques et de recherche ciblée permet de mettre de nouvelles percées médicales à portée de main.

1 LA RÉALITÉ ÉTENDUE (XR) GrĂące Ă  la rĂ©alitĂ© virtuelle et Ă  la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, les mĂ©decins peuvent s'entraĂźner Ă  des interventions difficiles.

2 LA TÉLÉMÉDICINE Suivi Ă  distance, l'Ă©change de donnĂ©es et les appels vidĂ©o permettent de traiter les patient·e·s plus rapidement et mieux.

3 LES VACCINS À ARNM La technologie peut non seulement ĂȘtre utilisĂ©e pour se protĂ©ger du Covid, mais pourrait bientĂŽt combattre le paludisme, le VIH ou la grippe, et le cancer.

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spĂ©cialisĂ©s. Cette « modularitĂ© » serait rendue possible par la crĂ©ation d’une plate-forme numĂ©rique suffsamment bien confgurĂ©e pour intĂ©grer tous les fux de donnĂ©es et les diffĂ©rents composants des appareils : en Allemagne, le CHU de Leipzig est justement l’un des premiers Ă  utiliser ce systĂšme, qui permet aux appareils d’échanger leurs donnĂ©es et de les faire converger dans le systĂšme central de l’hĂŽpital.

lorsqu’il dĂ©crit les progrĂšs ainsi rĂ©alisĂ©s : « La personne en charge de la chirurgie peut dĂ©sormais surveiller d’un seul coup d’Ɠil toute la salle d’opĂ©ration. » Certaines infos cruciales comme l’activitĂ© cardiaque ou le niveau d’anesthĂ©sie proviennent de diffĂ©rents appareils installĂ©s d’un bout Ă  l’autre de la salle. Or, le·la chirurgien·ne ne peut aller consulter ces infos puisqu’il doit rester prĂšs de la personne malade. C’est dans ce cas que la compatibilitĂ© des appareils devient intĂ©ressante car « [elle] permet au mĂ©decin de consulter les donnĂ©es directement sur son Ă©cran – des donnĂ©es ultra prĂ©cises, en plus d’une commande Ă  distance simplifĂ©e : tout cela facilite le travail du chirurgien ». Une effcacitĂ© accrue qui concerne Ă©galement toute la paperasse administrative post-opĂ©ratoire : toutes ces tĂąches rĂ©barbatives seront bientĂŽt exĂ©cutĂ©es par des programmes, ce qui soulagera les Ă©quipes mĂ©dicales.

Au total, Thomas Neumuth estime Ă  20 % le gain de temps et d’effcacitĂ© qu’un tel systĂšme apporterait en salle d’opĂ©ration, sans parler des coĂ»ts Ă©conomisĂ©s. D’ici 2032, prĂ©voit-il, tous les hĂŽpitaux d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche seront Ă©quipĂ©s d’un systĂšme modulaire.

Respecter le corps humain

Mais lĂ  n’est pas, selon Thomas Neumuth, le principal avantage de cette rĂ©volution technologique. La chirurgie est en effet arrivĂ©e Ă  un tournant majeur de son histoire et doit prendre en compte le fait que

L’histoire de la chirurgie est Ă  un tournant. La technologie numĂ©rique rendra les opĂ©rations plus prĂ©cises Ă  l’avenir, ce qui permettra de rĂ©duire la taille de l’intervention et d’accĂ©lĂ©rer le processus de guĂ©rison.

chaque acte chirurgical reste une intrusion, un traumatisme pour le corps humain, qui rĂ©cupĂšre plus ou moins vite selon l’état de santĂ© et la gravitĂ© des opĂ©rations.

« Chaque acte chirurgical a des effets collatĂ©raux, pour la simple raison que l’on incise des tissus sains pour aller enlever ou rĂ©parer des tissus endommagĂ©s. Tout l’enjeu consiste maintenant Ă  rĂ©duire au maximum le traumatisme en amĂ©liorant la prĂ©cision des interventions chirurgicales, ce qui va permettre de rĂ©duire considĂ©rablement le temps de rĂ©cupĂ©ration post-opĂ©ratoire, et donc le temps que les patient·e·s passent Ă  l’hĂŽpital. LĂ  encore, on va gagner en effcacitĂ©, puisque davantage pourront ĂȘtre traité·e·s, » conclut Neumuth.

anglais eHealth – et de ce qu’on appelle la « mĂ©decine d’urgence Ă  distance ». C’est dans le cadre de ces domaines qu’il a créé, il y a deux ans, un poste de professeur-assistant Ă  l’universitĂ© de Berne – le tout premier dans l’espace germanophone.

LLa scĂšne se passe sur une autoroute, un accident terrible vient de se produire et les ambulances viennent d’arriver sur place pour s’occuper des blessé·e·s. PenchĂ©e sur l’un d’eux, une jeune mĂ©decin urgentiste est en train de lui prodiguer les premiers secours. Des gestes prĂ©cis qu’elle doit connaĂźtre par cƓur et pouvoir rĂ©aliser dans toutes les situations de stress. Ça y est, le patient est maintenant hors de danger. SoulagĂ©e, elle retire son casque de rĂ©alitĂ© virtuelle et essuie la sueur de son front : exercice pratique rĂ©ussi !

Simuler des situations d’urgence pour favoriser la formation mĂ©dicale : c’est l’une des nombreuses applications concrĂštes de la rĂ©alitĂ© virtuelle qui sont utilisĂ©es aujourd’hui dans des centres de formation : comme par exemple Ă  l’hĂŽpital universitaire de Berne, dont le dĂ©partement de mĂ©decine d’urgence utilise de tels moyens pour former les futurs urgentistes. Thomas Sauter est le directeur responsable de la formation, de la santĂ© numĂ©rique – en

« Le dĂ©partement que je dirige s’intĂ©resse Ă  tous les aspects liĂ©s Ă  la numĂ©risation de la mĂ©decine urgentiste », explique Sauter. Si l’on s’en tient Ă  la dĂ©fnition stricto sensu que donne l’OMS de la « tĂ©lĂ©mĂ©decine », celle-ci dĂ©signe une forme de pratique mĂ©dicale mettant en relation patient·e·s et professionnel·le·s de santĂ© via les technologies d’information et de communication. « Par contre, le domaine de ce qu’on appelle la “tĂ©lĂ©-santĂ©â€ regroupe d’autres aspects, comme celui de la formation notamment, oĂč l’utilisation de casques VR, de l’intelligence artifcielle, de “wearables” (c’est-Ă -dire l’informatique vestimentaire, ndlr) et d’applis fait partie intĂ©grante de la formation du personnel soignant. » Parmi ces wearables, on peut citer par exemple les montres connectĂ©es qui informent le ou la malade de son Ă©tat de santĂ©. Quant aux applis de santĂ©, elles permettent de l’aider Ă  choisir son lieu de prise en charge ou de calculer la nĂ©cessitĂ© d’un traitement. Quelles que soient les avancĂ©es que cela reprĂ©sente en termes d’effcacitĂ©, la numĂ©risation de la mĂ©decine est un vrai dĂ©bat de sociĂ©tĂ© parce qu’elle peut prĂ©senter des risques, notamment une dĂ©shumanisation des relations mĂ©decin-patient·e mais aussi une concentration exponentielle de donnĂ©es personnelles. Pour Thomas Sauter, ces interrogations lĂ©gitimes ne doivent pas remettre en question le progrĂšs Ă©norme que reprĂ©sente la tĂ©lĂ©-santĂ© : « Il ne s’agit pas d’éloigner le ou la patient·e de son mĂ©decin mais au contraire d’établir une vĂ©ritable collaboration. Par le biais de ces accessoires Ă©lectro-

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niques et des applications smartphone, la personne malade devient l’actrice de sa santĂ© car elle est pleinement intĂ©grĂ©e au processus mĂ©dical. »

Selon Sauter, il n’y aucune raison de croire que les mĂ©decins soient un jour remplacĂ©s par des algorithmes : au contraire, la numĂ©risation servira tout au plus Ă  renforcer la relation entre le mĂ©decin et ses patient·e·s. Encore faut-il que tout le monde s’y mettre : si certains hĂŽpitaux ont tout de suite intĂ©grĂ© les derniĂšres innovations, quitte Ă  ressembler Ă  des dĂ©cors de science-fction, la situation est loin d’ĂȘtre la mĂȘme partout. « La rĂ©alitĂ©, c’est qu’on a encore beaucoup de praticien·ne·s qui s’échinent Ă  tout documenter Ă  la main sur papier
 Une habitude qui freine considĂ©rablement l’échange des donnĂ©es mĂ©dicales », regrette Sauter.

CCar c’est justement dans ce domaine qu’il perçoit le plus gros potentiel de la santĂ© numĂ©rique : la formation d’un vĂ©ritable rĂ©seau d’échanges, qui permettrait non seulement aux mĂ©decins de collaborer Ă  distance en Ă©changeant des informations, mais aussi d’interagir avec le ou la malade et de l’inclure davantage dans ce processus. « La mĂ©decine numĂ©rique sera mieux adaptĂ©e Ă  l’individu, plus participative et beaucoup plus effcace dans la prĂ©vention. Que ce soit pour interprĂ©ter des radiographies, prescrire le bon mĂ©dicament, Ă©tablir un diagnostic fable : la mĂ©decine numĂ©rique est avant tout lĂ  pour aider le personnel mĂ©dical dans son travail, pas pour le remplacer. Il n’est pas question de toucher Ă  la relation de confance qui existe entre le mĂ©decin et son ou sa

La visite de mondes virtuels sur tablette, comme ici une grotte marine, aide Ă  soulager les douleurs.

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patient·e. » Dernier rejeton du dĂ©partement de mĂ©decine d’urgence au sein du CHU bernois, le projet VISL – pour Virtual Insel Simulation Lab, trad. Laboratoire de simulation d’ülots virtuels – s’intĂ©resse depuis 2020 Ă  ce qu’on appelle la Medical Extended Reality ou rĂ©alitĂ© Ă©tendue (abrĂ©gĂ©e XR), un domaine qui inclut la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e (AR), la rĂ©alitĂ© virtuelle (VR) et la rĂ©alitĂ© mixte (MR). Si ces innovations ont tout de suite Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es dans l’univers du gaming, elles sont en train de rĂ©volutionner le domaine mĂ©dical. Tanja Birrenbach est la cofondatrice, avec son collĂšgue Thomas Sauter, du

L’HĂŽpital universitaire de Berne utilise la rĂ©alitĂ© virtuelle pour aider les malades en cas de douleur ou d’anxiĂ©tĂ©.

projet VISL : spĂ©cialiste de la mĂ©decine d’urgence, elle est convaincue que la rĂ©alitĂ© Ă©tendue trouvera une multitude d’applications concrĂštes dans tous les secteurs de la mĂ©decine, de la formation du personnel soignant Ă  la prise en charge des patient·e·s.

« Les simulations en MR ou en VR permettent de s’entraĂźner Ă  des interventions rares ou Ă  haut risque, pour lesquelles les exercices pratiques conventionnels seraient bien trop chers Ă  mettre en place ou beaucoup trop dangereux. En utilisant la MR et la VR, nous avons mis au point toute une palette d’exercices qui touchent Ă  tous les niveaux de compĂ©tence : on y apprend aussi bien comment bien utiliser son Ă©quipement de protection que la maniĂšre adĂ©quate de mettre un cathĂ©ter jugulaire sur quelqu'un de gravement blessĂ©. »

Mais ce n’est pas tout : la rĂ©alitĂ© virtuelle facilite les formations interdisciplinaires des Ă©quipes et optimise le suivi de ces formations – grĂące Ă  la quantitĂ© de matĂ©riel numĂ©rique ainsi produit. Elle intervient aussi dans le traitement des malades, notamment pour aider Ă  gĂ©rer la douleur ou le stress. On les place dans des mondes virtuels qui leur permettent d’oublier – au moins pour un temps – leurs douleurs. Tanja Birrenbach : « Le potentiel d’applications concrĂštes est dĂ©jĂ  Ă©norme, mais il va certainement s’amplifer au fur et Ă  mesure que l’utilisation de la XR deviendra plus intuitive. »

Un vaccin anti-cancer ?

Assis dans le cabinet de son mĂ©decin, un pĂšre de famille vient d’apprendre que son cancer de la peau est trop avancĂ© pour pouvoir envisager une ablation chirurgicale. DĂ©sespĂ©rĂ©, il comprend que son seul espoir rĂ©side dĂ©sormais dans une chimiothĂ©rapie, avec tous les effets secondaires douloureux que cela suppose – sans certitude d’une issue heureuse : dans le meilleur des cas, ce lourd traitement

« Nous avons dĂ©veloppĂ© diffĂ©rents entraĂźnements VR et AR : des formations simples sur les compĂ©tences aux procĂ©dures trĂšs complexes, comme la pose d’un cathĂ©ter dans l’aorte chez un·e patient· e gravement blessĂ© · e. »
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Tanja Birrenbach

lui permettra de vivre encore quelques années, mais à quel prix et dans quel état physique ?

Le cancer de la peau est une maladie qui touche de plus en plus de personnes sur Terre et dont les chances de survie diminuent s’il est diagnostiquĂ© trop tard pour envisager une intervention chirurgicale. Depuis quelques annĂ©es, une thĂ©rapie rĂ©volutionnaire est en train d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e, avec des rĂ©sultats trĂšs prometteurs. La pandĂ©mie de Covid-19 a permis au grand public de dĂ©couvrir les fameux vaccins Ă  ARN messager (abrĂ©gĂ© en ARNm) – ARN pour acide ribonuclĂ©ique. Ces nouvelles thĂ©rapies, loin de se limiter au coronavirus, promettent de trĂšs nombreuses applications, notamment dans la prĂ©vention et le traitement du cancer.

Chaque annĂ©e, rien qu’en Suisse, 40 000 nouveaux cas de cancer sont dĂ©celĂ©s : c’est la deuxiĂšme cause de mortalitĂ© dans le pays, juste aprĂšs les maladies cardiovasculaires. Alors que l’on connaĂźt cette maladie depuis plus de deux siĂšcles, les traitements restent lourds, invasifs et – si le cancer n’est pas dĂ©pistĂ© Ă  temps ou pour les formes graves – trop souvent ineffcaces.

la vaccination à ARNm – avec peu d’effets secondaires.

2. la radiothérapie, qui convient aux carcinomes diffciles à opérer mais bien délimités ;

3. la chimiothĂ©rapie, oĂč l’on administre par voie intraveineuse des mĂ©dicaments dits « cytotoxiques » qui vont tuer les cellules tumorales. Cette thĂ©rapie est Ă©videmment redoutĂ©e en raison des terribles effets secondaires.

La stratĂ©gie la plus communĂ©ment adoptĂ©e aujourd’hui est de combiner ces trois traitements : aprĂšs opĂ©ration, la personne malade est soumis Ă  des sĂ©ances de radiothĂ©rapie sur les zones Ă  risque. La chimiothĂ©rapie vient ensuite aider Ă  Ă©radiquer dĂ©fnitivement toutes les cellules cancĂ©reuses qui pourraient encore circuler dans le sang. L’un des points faibles de ces thĂ©rapies, en plus d’ĂȘtre invasives, c’est qu’elles ne peuvent ĂȘtre adaptĂ©es Ă  chaque individu – contrairement aux thĂ©rapies utilisant l’ARN messager.

DUn atout de taille

forme grave ou gĂ©nĂ©ralisĂ©e, la thĂ©rapie Ă  base d’ARN messager n’est pas suffsante. LĂ  oĂč elle dĂ©montre en revanche toute son effcacitĂ©, c’est pour les mĂ©lanomes, parce qu’ils sont – au mĂȘme titre que le cancer du rein – directement liĂ©s au systĂšme immunitaire. Alors que d’autres cancers, comme celui du poumon ou du sein, interagissent moins avec le systĂšme immunitaire : dans ces cas-lĂ , un vaccin ARNm va ĂȘtre moins effcace pour empĂȘcher la formation de cellules cancĂ©reuses. »

Directeur et mĂ©decin-chef du prestigieux Tumorzentrum Ă  Hambourg, Dirk Arnold est considĂ©rĂ© comme l’un des plus grands spĂ©cialistes du cancer en Allemagne. Il dĂ©crit la complexitĂ© de cette maladie en quelques mots : « Les tumeurs sont des systĂšmes intelligents qui apprennent trĂšs vite, et c’est cette capacitĂ© Ă  s’adapter et Ă  muter rapidement qui leur permet de rĂ©sister non seulement au systĂšme immunitaire du corps humain mais Ă©galement aux traitements extĂ©rieurs. »

Il existe actuellement trois voies classiques pour le traitement du cancer de la peau :

1. l’intervention chirurgicale, avec ablation de la tumeur ;

VoilĂ  qui intĂ©resse de plus en plus la recherche mĂ©dicale, parce que cela bouleverse l’approche thĂ©rapeutique : en effet, les trois voies classiques ont comme point commun de constituer des « agressions » venant de l’extĂ©rieur, face auxquelles l’organisme malade reste dans un Ă©tat de passivitĂ©. Alors que la thĂ©rapie Ă  l’ARN messager utilise activement le systĂšme immunitaire la personne malade : elle intervient aprĂšs l’ablation de la tumeur sous forme d’un sĂ©rum « individuel » Ă©laborĂ© Ă  partir de cellules cancĂ©reuses prĂ©levĂ©es sur cette personne.

Cette substance n’a pas le mĂȘme rĂŽle qu’un vaccin classique : il ne s’agit pas de protĂ©ger des personnes saines potentiellement Ă  risque, mais plutĂŽt de prĂ©venir les rĂ©cidives.

Autre bĂ©mol, l’ARN messager ne convient pas Ă  tous les types de cancer, comme l’explique Dirk Arnold : « Pour de nombreux types de cancer, notamment ceux prĂ©sentant une

Quel que soit l’état actuel de la recherche autour de l’ARNm, cette technologie est promise Ă  un bel avenir : les Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur des patient·e·s atteint·e·s d’un cancer de la peau, Ă  un stade trop avancĂ© pour pouvoir ĂȘtre opĂ©ré·e·s, ont livrĂ© des rĂ©sultats positifs – sans augmentation, ou alors minime, des effets indĂ©sirables. DiffĂ©rents laboratoires dans le monde travaillent sur d’autres terrains d’action de l’ARNm, en Ă©valuant comment il pourrait intervenir pour d’autres cancers. L’équipe de Dirk Arnold dirige actuellement une Ă©tude rĂ©alisĂ©e sur 200 patient·e·s souffrant d’un cancer de l’intestin, pour voir dans quelle mesure un vaccin ARNm aiderait Ă  empĂȘcher les rĂ©cidives une fois la tumeur enlevĂ©e. Certes, il faudra attendre quelques annĂ©es pour en connaĂźtre les conclusions, et quelques autres encore pour voir arriver sur le marchĂ© des « vaccins anti-cancer » mais une chose est sĂ»re : la mĂ©decine actuelle n’a pas fni de faire reculer les frontiĂšres de l’impossible. Une raison de plus de croire en l’avenir.

Pour en voir plus

Au cours des cinq prochaines années, le marché de la réalité virtuelle en médecine devrait croßtre de 35 % par an.

Sur Youtube, Philippe Cattin, directeur du DĂ©partement d’ingĂ©nierie biomĂ©dicale de l’UniversitĂ© de BĂąle, montre Ă  quoi cela ressemble en pratique.

Des patient· e ·s dont le cancer de la peau Ă©tait si grave qu’il ne pouvait plus ĂȘtre opĂ©rĂ© ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© traitĂ©s avec succĂšs par
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Thomas Sauter avec des lunettes et des contrîleurs VR dans son travail quotidien à l’Hîpital de l’Île de Berne.

Les visages du renouveau

L’énergie solaire du Tessin, des bĂątiments intelligents, de la lumiĂšre de GenĂšve Ă  Delhi...

Ces six personnalités rendent notre électricité propre.

Avant-gardistes
1 Greta Ziegler, Green Tech Valley 2 Mauro Caccivio, SUPSI PVLab 3 Fabiana Lisco, SwissSolarSolutions  4 Sabine Marbet & Lidia Gallego, Energie Zukunft Schweiz
72
5 Govinda Upadhyay, SmartHelo 6 Maël Perret, E-nno
INNOVATOR
1 3 5 2 6 INNOVATOR 73 4 GREEN TECH VALLEY CLUSTER, RENATO QUADRONI, SEBASTIEN CRETTAZ, MARCO ZURSCHMIEDE, FABIO RODRIGUES

Green Tech

Greta Ziegler

Cette visionnaire de 27 ans n’en dĂ©mord pas : la technologie peut changer le monde. « Je ne me laisse pas gouverner par la peur comme la plupart de mes contemporain·e·s. J’essaie de me focaliser sur ce que je peux faire pour construire un avenir meilleur sur cette planĂšte », explique Greta Ziegler.

Elle n’a pas 30 ans mais dĂ©jĂ  un parcours professionnel trĂšs impressionnant. Cheffe de projet, elle encadre diffĂ©rentes start-ups issues de la Green Tech Valley, ce nouvel Eldorado technologique autrichien pour la protection climatique et l’économie circulaire

Nom

Greta Ziegler

Fonction

Cheffe de projet

Projet

La Green Tech Valley soutient les innovations vertes en Autriche. Plus de 300 pionnier·Úre·s mondiaux de la Green Tech y poursuivent leurs travaux de recherche.

basĂ© en Styrie et en Carinthie. « Si je m’implique dans quelque chose, il faut que ça ait du sens, poursuitelle. J’entends par lĂ  un travail aux ramifications plus larges tout en gardant une ligne de conduite claire pour aboutir Ă  des changements positifs. Ça doit rester un plaisir, Ă©videmment. »

AprĂšs des Ă©tudes en sciences des systĂšmes environnementaux, Ziegler soumet son propre concept Ă  l’Academic Startup Accelerator du GrĂŒndungsgarage de Graz (le garage des crĂ©ations, programme de soutien Ă  la crĂ©ation de startups). Un enthousiasme de la premiĂšre heure pour cette communautĂ© qui ne l’a plus quittĂ©e depuis. Son rĂŽle au sein du groupe de la Green Tech Valley ? Connecter start-ups vertes, entreprises Ă©tablies et grands investisseurs pour stimuler la croissance de ces jeunes pousses et donner ainsi davantage de visibilitĂ© Ă  leur succĂšs.

Éduquer les gĂ©nĂ©rations

Qu’il soit Ă©cologique ou social, le dĂ©veloppement durable est au cƓur de presque toutes les prĂ©occupations de Greta Ziegler. « Pour moi, c’était l’évidence mĂȘme dĂšs le dĂ©part: je devais travailler dans une entreprise qui soit favorable au dĂ©veloppement durable et qui participe activement Ă  son essor. » À ce titre, les chiffres de la Green Tech Valley sont Ă©loquents : plus de trois cents entreprises et instituts de recherche en sont membres, dont un vingtaine a dĂ©jĂ  rejoint le cercle trĂšs fermĂ© des leaders technologiques mondiaux. Plus de 2 300 chercheurs et chercheuses travaillent sur les solutions vertes de demain, six cents produits sont d’ores et dĂ©jĂ  sur le marchĂ©. D’une centrale thermique de recyclage inĂ©dite alimentant l’usine de papier Norske Skog aux plus grandes installations solaires thermiques et photovoltaĂŻques d’Autriche, le tournant Ă©nergĂ©tique est devenu une rĂ©alitĂ©.

« Oubliez la Silicon Valley, le futur est ici dans la Green Tech Valley ! », proclame, non sans malice, Greta Ziegler.

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74 INNOVATOR FOTOSTUDIO HELMUT JOKESCH,
RENATO QUADRONI

Une place au soleil

Dans un monde oĂč beaucoup rĂ©sistent au changement, Mauro Caccivio penche pour les dĂ©cisions audacieuses et n’hĂ©site pas Ă  se lancer dans l’inconnu.

L’ingĂ©nieur en Ă©lectronique de 51 ans a dĂ©jĂ  pas mal roulĂ© sa bosse, tant dans le domaine de la conception de cartes Ă©lectroniques pour l’industrie spatiale que dans le dĂ©veloppement de panneaux solaires pour les satellites et les missions scientifiques dans l’espace.

En 2008, retour sur Terre pour rejoindre les rangs d’une start-up spĂ©cialisĂ©e dans la production d’un nouveau type de panneaux solaire Ă  couche mince avant d’accepter, quatre ans plus tard, un poste de chercheur et testeur au sein de l’Institute for Applied Sustainability to the Built Environment de la Supsi, Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e de Suisse italienne.

de l’électricitĂ© aujourd’hui. De lĂ  Ă  conclure que les panneaux solaires sont faits pour durer, il n’y a qu’un pas !

Loin de cantonner son engagement au domaine strictement professionnel, Caccivio a dĂ©cidĂ© de l’étendre Ă  sa vie quotidienne. Sa compagne et lui ont dĂ©libĂ©rĂ©ment optĂ© pour un logement prĂšs de la gare afin de privilĂ©gier le vĂ©lo et les transports en commun. Ils achĂštent essentiellement des fruits et lĂ©gumes de saison et des produits locaux, et Caccivio essaie de rĂ©duire chaque annĂ©e un peu plus sa consommation en viande, mĂȘme s’il a du mal Ă  tirer un trait dĂ©finitif sur le fameux bifteck Ă  la florentine de sa Toscane natale.

Éduquer les gĂ©nĂ©rations

Nom

Mauro Caccivio

Fonction

Cofondateur & CEO

Projet

Anywhere.Solar transforme tous types de surfaces en centrales solaires grĂące Ă  des installations simples et pratiques surplombant parkings et champs agricoles.

Mauro Caccivio dirige dĂ©sormais le laboratoire photovoltaĂŻque (PVLab) de la SUPSI, le seul dans son genre officiellement reconnu en Suisse. Il pilote des projets pour amĂ©liorer la fiabilitĂ© et la qualitĂ© des panneaux solaires par le biais de tests accĂ©lĂ©rĂ©s, de suivi sur le long terme et d’une charte de caractĂ©risation prĂ©cise des technologies standard et innovantes.

Son Ă©quipe peut se vanter d’avoir créé, dĂšs 1982, la premiĂšre installation photovoltaĂŻque en Europe reliĂ©e au rĂ©seau Ă©lectrique. Et celle-ci produit encore

Son plus grand souhait pour l’avenir ? La mise en place d’une transition durable en faveur des Ă©nergies renouvelables et une production d’énergie dĂ©centralisĂ©e pour aboutir Ă  un rĂ©seau Ă©lectrique synonyme de durabilitĂ© et de dĂ©mocratie. Il rĂȘve que la rĂ©volution des smart grids, ou rĂ©seaux Ă©lectriques intelligents, soit aussi rapide que celle des tĂ©lĂ©communications mobiles et qu’elle connaisse le mĂȘme succĂšs. Une attitude aussi positive qu’optimiste qui se reflĂšte bien dans ses travaux destinĂ©s Ă  amĂ©liorer l’avenir de notre planĂšte grĂące Ă  des technologies innovantes et des dĂ©cisions audacieuses.

Caccivio conclut : « Je pense que la technologie peut nous sauver. Mais pour cela, il faut avoir la bonne approche. Car si l’unique objectif est de faire toujours plus de profits, on court tout droit Ă  notre perte. Pour rendre le monde meilleur, il faut injecter un peu plus d’humanitĂ© dans nos technologies. »

Avant-gardistes
« Rendre l’électricitĂ© dĂ©mocratique et durable grĂące Ă  une Ă©nergie renouvelable et dĂ©centralisĂ©e. »
Mauro Caccivio 2
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Du soleil dans le bĂątiment

Fabiana Lisco

Fabiana Lisco est ingĂ©nieure chez 3S Swiss Solar Solutions, une entreprise suisse spĂ©cialisĂ©e dans le dĂ©veloppement et la production de matĂ©riaux de construction Ă©metteurs d’énergie solaire avec de l’électricitĂ© sans COÂČ. C’est dĂšs l’enfance que cette femme aujourd’hui ĂągĂ©e de 39 ans a pris conscience de son environnement : « Pour moi, il Ă©tait normal que mes grandsmĂšres italiennes nous prĂ©parent des repas sains, qu’elles se fournissent en fruits et lĂ©gumes frais sur les marchĂ©s locaux et jamais, au grand jamais, elles n’auraient achetĂ© d’aliments transformĂ©s. »

Elle estime qu’il faudrait enseigner ce respect de l’environnement aux enfants dĂšs leur plus jeune Ăąge : « Leur montrer la magie de planter des lĂ©gumes, de les laisser suivre leur cycle naturel et d’attendre patiemment la bonne saison pour rĂ©colter leur fruit prĂ©fĂ©rĂ©. »

Une patience et une persĂ©vĂ©rance dont Fabiana Lisco n’a pas manquĂ© non plus au cours de sa carriĂšre : un master en chimie dĂ©crochĂ© Ă  Bari, un second master en matĂ©riaux et Ă©nergie renouvelable Ă  l’universitĂ© de Novare, puis un doctorat au Centre for Renewable Energy Systems de l’universitĂ© britannique de Loughborough, avant de rejoindre 3S Swiss Solar Solutions en 2022.

BĂątiment solaire

« VoilĂ  plus de vingt ans que nous dĂ©veloppons et produisons des systĂšmes photovoltaĂŻques, souligne Fabiana Lisco. « Nos modules solaires ne sont pas montĂ©s sur le toit, mais directement intĂ©grĂ©s dans le bĂątiment – le toit, la façade ou la balustrade. Ils produisent ainsi de lâ€˜Ă©lectricitĂ© propre sans Ă©mettre de COÂČ et sans devoir Ă©tanchĂ©ifier des surfaces supplĂ©mentaires. » Et pourquoi est-ce si important ? « Les bĂątiments sont responsables de 40 % des Ă©missions mondiales de COÂČ. Environ 15 % sont causĂ©es par la production de matĂ©riaux de construction et 25 % proviennent de la climatisation et du chauffage des bĂątiments, y compris en Suisse. »

Lisco travaille au sein d’une Ă©quipe d’ingĂ©nieur·e·s chargĂ©e de la conception, des processus, des lignes et systĂšmes de production. En plus de la crĂ©ation de panneaux solaires, la sĂ©lection de fournisseur·euse·s agrĂ©gé·e·s et l’organisation de tests pour Ă©tudier la fiabilitĂ© des produits, elle s’occupe Ă©galement des essais de matĂ©riaux, de l’analyse des don-

nées et du développement des processus de production.

« Je suis ravie de faire partie de cette Ă©quipe : ensemble, nous rĂ©flĂ©chissons et Ă©changeons des idĂ©es en permanence, explique Lisco. Je suis fermement convaincue que le succĂšs dĂ©pend de l’esprit d’équipe. Depuis mon enfance, je rĂȘve de faire quelque chose d’important pour notre sociĂ©tĂ©. » L’ingĂ©nieure conclut :

« On devrait toutes se demander comment améliorer nos décisions quotidiennes en termes de durabilité pour rendre le monde meilleur. »

Nom

Fabiana Lisco

Fonction

Ingénieure chez 3S

Swiss Solar Solutions

Projet

SystÚme photovoltaïque intégré aux bùtiments

Avant-gardistes 3 76 INNOVATOR

Sabine Marbet

Mission : efficacité !

Sabine Marbet & Lidia Gallego

Energie Zukunft Schweiz (EZS) veut accĂ©lĂ©rer le tournant Ă©nergĂ©tique en Europe. L’entreprise suisse, titulaire de fliales en Italie, Roumanie, Allemagne et Espagne, compte dĂ©sormais prĂšs de 200 collaborateurs et collaboratrices. Leur mission ? Aider les entreprises de distribution d’énergie, le secteur immobilier et les pouvoirs publics Ă  utiliser les Ă©nergies renouvelables et Ă  amĂ©liorer l’effcacitĂ© Ă©nergĂ©tique.

La dream team

Sabine Marbet est responsable du secteur d’activitĂ© EffcacitĂ© Ă©nergĂ©tique, et vice-prĂ©sidente du directorat suisse. Elle s’occupe de stratĂ©gies climatiques et Ă©nergĂ©tiques ainsi que de la planifcation et de la mise en Ɠuvre de mesures d’effcacitĂ© dans la construction. « Et je suis aussi responsable culturelle chez EZS, ajoute Marbet. Ma devise : People frst » Sa collĂšgue Lidia Gallego est cheffe d’équipe pour les projets photovoltaĂŻques et s’occupe des stratĂ©gies climatiques et Ă©nergĂ©tiques, ainsi que de la planifcation et la mise en Ɠuvre de mesures d’effcacitĂ© dans la construction. « Je consacre beaucoup de temps et d’énergie Ă  mon travail. Donc pour moi, c’est important que celui-ci soit aussi utile qu’agrĂ©able. »

Si, pour l’une comme pour l’autre, le chemin vers EZS n’était

Noms

Sabine Marbet (en haut), Lidia Gallego

Fonctions

Responsable de l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique ; Responsable des projets photovoltaĂŻques.

Projet

Energie Zukunft Schweiz aide les entreprises à accélérer le tournant énergétique.

pas tout tracĂ©, il correspond en tous points Ă  leurs ambitions. Marbet a Ă©tudiĂ© les sciences de l’environnement Ă  l’EPF de Zurich et s’est particuliĂšrement intĂ©ressĂ©e aux processus atmosphĂ©riques Ă  une Ă©poque oĂč la thĂ©matique du trou dans la couche d’ozone Ă©tait trĂšs actuelle. « J’ai ensuite travaillĂ© trois ans comme mĂ©tĂ©orologue et prĂ©sentatrice chez MeteoNews avant de rejoindre Energie Zukunft Schweiz en 2018. J’étais la seconde employĂ©e, j’ai donc pu accompagner pas Ă  pas sa genĂšse. Quand j’ai choisi mes Ă©tudes, le dĂ©veloppement durable Ă©tait dĂ©jĂ  un sujet essentiel pour moi. Je suis pragmatique, c’est l’impact des choses qui m’intĂ©resse : pas seulement parler mais agir, apporter ma pierre Ă  l’édifce. »

Le tournant, c’est maintenant Gallego obtient son master avec spĂ©cialisation en Ă©nergie solaire Ă  la Haute Ă©cole des sciences appliquĂ©es de Zurich (ZHAW). Elle travaille ensuite pour des entreprises solaires en ThaĂŻlande et en Suisse en tant que dĂ©veloppeuse de projets avant de rejoindre l’équipe d’Energie Zukunft Schweiz en 2018.

« J’espĂšre que le grand changement vers une sociĂ©tĂ© durable se produira dans les annĂ©es Ă  venir, parce qu’il n’y pas d’autre alternative, tout simplement », rĂ©sume Lidia Gallego.

« Ce qui m’intĂ©resse c’est l’impact des choses. Parler, c’est bien, agir, c’est mieux. »
4 INNOVATOR 77 MARCO ZURSCHMIEDE

5

Plus de lumiĂšre Ă  Delhi Govinda Upadhyay

Chaque Ă©tĂ©, nos parents nous emmenaient, mon frĂšre et moi, dans le village de nos ancĂȘtres en Inde. Mais il n’y avait pas d’électricitĂ©, raconte Govinda Upadhyay. Et comme le gouvernement n’était pas fiable, il a fallu beaucoup de temps pour que le village en ait. C’est ce qui a Ă©veillĂ© mon intĂ©rĂȘt pour les solutions Ă©nergĂ©tiques dĂ©centralisĂ©es. Des solutions qui ne nĂ©cessitent pas d’intervention extĂ©rieure et qui permettent nĂ©anmoins un accĂšs sĂ»r et propre Ă  l’électricitĂ©. »

Govinda Upadhyay est le fondateur et le PDG de SmartHelio. Cette entreprise de logiciels améliore les performances et la longévité des installations solaires.

« Nous voulons ainsi jouer notre rĂŽle dans la rĂ©alisation des objectifs en matiĂšre d’énergie propre, dans la rĂ©duction des dĂ©chets Ă©lectriques et dans l’accĂ©lĂ©ration de la transition Ă©nergĂ©tique, explique-t-il. Nous pensons que l’énergie propre est une solution importante pour rĂ©duire drastiquement les Ă©missions de carbone dans notre sociĂ©tĂ©. »

ÂgĂ© aujourd’hui de 34 ans, il a fondĂ© sa deuxiĂšme entreprise, SmartHelio, en 2019. La premiĂšre, LEDSafari, est spĂ©cialisĂ©e dans l’éducation des enfants des

Nom

Govinda Upadhyay

Fonction

Fondateur & CEO de SmartHelio & LEDSafari

Projet

SmartHelio améliore la performance et la longévité des installations solaires ; LEDSafari enseigne la durabilité aux enfants des pays émergents.

pays Ă©mergents au dĂ©veloppement durable et Ă  l’énergie propre. « J’ai alors constatĂ© que les installations solaires ne fonctionnaient souvent pas comme elles le devraient pour couvrir les besoins Ă©nergĂ©tiques. » C’est ainsi qu’il a eu l’idĂ©e de dĂ©velopper une solution qui aiderait Ă  dĂ©tecter Ă  distance les dĂ©fauts de performance et les pannes des installations Ă©nergĂ©tiques, et Ă  y remĂ©dier rapidement.

Ce chercheur en climatologie et en énergie a fait ses études en SuÚde, aux Pays-Bas et en Inde. En 2016, Upadhyay a été classé dans la liste Forbes des trente

meilleurs pour son travail dans le domaine de l’énergie durable. « La conscience climatique est au cƓur de mon activitĂ© et de mon style de vie. J’essaie de faire attention aux petites habitudes qui peuvent avoir un impact important, nourriture, transport, etc. Je n’ai pas de voiture, par exemple. » En Europe, Upadhyay se dĂ©place le plus souvent en train. Il est vĂ©gĂ©tarien et prĂ©fĂšre acheter des aliments produits localement.

Avec courage et fermeté

« J’ai grandi Ă  Delhi et j’ai vu la ville prospĂ©rer, mais aussi devenir polluĂ©e. Je vois l’impact sur la santĂ© et la vie des gens, dĂ©clare Upadhyay. Il faut apprendre Ă  nos enfants Ă  ĂȘtre conscients des risques, leur enseigner qu’ils et elles ont le pouvoir d’agir et de changer le statu quo. Nous ne devons pas nous rĂ©signer Ă  une situation injuste et nous pouvons nous battre pour nos convictions afin de servir les gens. Je veux que mon enfant et tous les autres vivent dans une sociĂ©tĂ© durable oĂč l’air est propre. Je veux qu’il y ait de l’énergie propre partout. C’est la mission de SmartHelio : accĂ©lĂ©rer l’introduction de l’énergie propre dans la sociĂ©tĂ©. J’espĂšre que nous pourrons aller vite, et par lĂ  j’entends vraiment vite. »

Avant-gardistes
« La conscience climatique est au cƓur de mon activitĂ© et de mon mode de vie. »
78 INNOVATOR SEBASTIEN CRETTAZ

Le docteur du bĂątiment

Maël Perret

Il se jette dans l’ocĂ©an depuis les falaises, part Ă  l’assaut des montagnes et parcourt les rues de GenĂšve Ă  vĂ©lo. Aventurier passionnĂ©, MaĂ«l Perret s’est fxĂ© un objectif de taille : insuffer un peu plus de durabilitĂ© dans le monde de l’immobilier. IngĂ©nieur en Ă©nergie spĂ©cialisĂ© dans l’IoT (Internet of Things) et les bĂątiments intelligents, il s’est concentrĂ© sur la gestion de donnĂ©es pour garantir l’effcacitĂ© Ă©nergĂ©tique des bĂątiments.

E-nno, sa société fondée en 2018, a développé une technologie capable de décoder les bùtiments

Nom

Maël Perret

Fonction

Directeur gĂ©nĂ©ral et fondateur d’E-nno

Projet

E-nno transforme les bĂątiments en bĂątiments intelligents grĂące Ă  des Ă©conomies d’énergie pouvant atteindre 35 %.

pour fournir une multitude de donnĂ©es sur leur fonctionnement. Cette solution permet d’identifer en douze semaines toutes les Ă©conomies d’énergie potentielles et de rĂ©duire automatiquement la consommation Ă©nergĂ©tique du bĂątiment jusqu’à 35 % sans rien changer au bien-ĂȘtre des occupant·e·s. « Pour moi, la durabilitĂ© n’est pas qu’un mot Ă  la mode, c’est un engagement au quotidien, dĂ©clare Perret. Je veux contribuer Ă  l’avĂšnement d’un monde meilleur et je suis convaincu que le secteur immobilier a un rĂŽle important Ă  jouer. »

Pour lui, il ne fait aucun doute que les technologies destinĂ©es Ă  rĂ©duire l’empreinte Ă©cologique vont continuer de se dĂ©velopper Ă  l’avenir. « C’est bien d’inclure les besoins de sĂ©curitĂ© dans la pyramide de Maslow, ce serait encore mieux d’y ajouter les questions environnementales. »

Perret gĂšre son entreprise selon un modĂšle durable, sollicitant les boĂźtes locales pour le dĂ©veloppement et l’application de sa technologie tout en veillant Ă  l’énergie et aux ressources mobilisĂ©es. BaptisĂ© pay-as-you-save, son modĂšle commercial se base sur une Ă©conomie d’énergie autofnancĂ©e, ce qui permet aux professionnels de l’immobilier de prendre les bonnes dĂ©cisions concernant leurs futurs investissements en Ă©nergie.

Pour les gĂ©nĂ©rations Ă  venir Perret est trĂšs engagĂ© en faveur d’une intĂ©gration de thĂšmes tels que la crise environnementale et l’évolution technologique dans les programmes scolaires. « Je veux que les nouvelles gĂ©nĂ©rations soient pleinement conscientes du problĂšme et Ă©quipĂ©es des outils nĂ©cessaires au changement. »

À 35 ans, MaĂ«l Perret fait fgure de prĂ©curseur dans le secteur de l’immobilier. « On ne peut pas rendre le monde meilleur si chacun·e ne prend pas sa part de responsabilitĂ©. La mienne, c’est de faire des bĂątiments plus effcaces en termes d’énergie tout en prĂ©servant l’environnement. J’ai hĂąte de me lancer dans de nouvelles aventures. »

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INNOVATOR 79

Cet homme peut-il rendre le nucléaire sûr ?

TEXTE Nicole Thurn PHOTOS
80 INNOVATOR
Florian Voggeneder

Deux Autrichiens travaillent en labo sur un prototype de rĂ©acteur sans danger – qui pourrait ĂȘtre alimentĂ© par du thorium. C’est bien plus qu’une utopie, encore Ă  l’état de projet.

Entrepreneur

nucléaire et ami des animaux : Florian Wagner (ci-contre) vit à Graz avec 21  chats et 3  chiens, et élÚve des crapauds pendant son temps libre. Ici en photo : son chat ragdoll « Dior ».

30 g de thorium, un métal faiblement radioactif (ici sous forme de poudre) devraient suffire à alimenter 360 foyers en électricité, en toute sécurité pendant un an.

Le « bon » nucléaire, est-ce possible ?
Recherche

L’énergie nuclĂ©aire – rien que ce mot dĂ©clenche automatiquement une rĂ©action de rejet chez beaucoup. On pense Ă  Hiroshima, Tchernobyl et Fukushima, Ă  la guerre froide et aux missiles qui s’abattent autour des centrales nuclĂ©aires ukrainiennes. Et aux flms de Bond, dans lesquels Dr. No et Blofeld menacent le monde avec des armes radioactives
 Et voilĂ  que notre duo entre en scĂšne !

Il est composĂ© d’un entrepreneur dĂ©brouillard qui vit dans une villa blanche en forme de vaisseau extraterrestre Ă  fanc de colline avec 21 chats et trois chiens et qui

LĂ©lĂšve des crapauds pendant son temps libre. Et d’un ex-activiste de Greenpeace et physicien nuclĂ©aire. Ensemble, ils veulent sauver le monde du changement climatique – et ce, grĂące Ă  du « bon » nuclĂ©aire. L’entrepreneur s’appelle Florian Wagner, et a 43 ans. Le physicien s’appelle Mario MĂŒller, et a onze ans de plus.

Au moment de leur rencontre, Florian Wagner venait d’emmĂ©nager avec sa nouvelle start-up Emerald Horizon dans la communautĂ© Greentech de la Science Tower de Graz. Homme imposant au parler Ă©nergique, Wagner avait fondĂ© avec des amis la sociĂ©tĂ© d’investissement QBasis Invest pendant ses Ă©tudes

Depuis 1962, il existe un rĂ©acteur expĂ©rimental prĂšs du parc du Prater, Ă  Vienne. Mario MĂŒller (Ă  gauche) et Florian Wagner l’utilisent pour la recherche.

de mĂ©decine aprĂšs l’éclatement de la bulle dotcom en 2002 ; il l’avait dĂ©veloppĂ©e pour en faire une place de marchĂ© de plusieurs millions et Ă©tait Ă  la recherche de placements dans le domaine des Ă©nergies alternatives. Une seule chose lui manquait : le savoir-faire scientifque.

C’est alors que MĂŒller est arrivĂ©. DĂ©jĂ  passionnĂ© d’électrotechnique au lycĂ©e, il a Ă©tudiĂ© la physique, s’est engagĂ© pour Greenpeace, a toujours votĂ© vert et a fait de la recherche pendant quelques annĂ©es au CERN, l’Organisation europĂ©enne pour la recherche nuclĂ©aire prĂšs de GenĂšve. C’est lĂ  qu’il Ă©tait entrĂ© en contact avec Carlo Rubbia, laurĂ©at du prix Nobel et inventeur, dans les annĂ©es 1980, d’un concept utopique d’accĂ©lĂ©rateur de particules pour les centrales nuclĂ©aires. Cette idĂ©e deviendra plus tard une piĂšce importante du puzzle pour Emerald Horizon.

Dr. Yes et l’amplificateur ADES

Florian Wagner venait de faire des recherches sur les rĂ©acteurs de quatriĂšme gĂ©nĂ©ration et butait sur des approches de valorisation des dĂ©chets nuclĂ©aires : « Chaque approche en soi prĂ©sentait des solutions partielles prometteuses, mais n’était pas satisfaisante dans son ensemble », explique-t-il. C’est alors qu’il a dĂ©cidĂ©, avec Mario MĂŒller, de rĂ©unir les meilleures solutions partielles en un concept global. Best of the past, selon MĂŒller, qui s’est joint au projet en tant que directeur de la recherche et du dĂ©veloppement. En 2019 la start-up a dĂ©marrĂ©, en 2020 le travail sur un modĂšle numĂ©rique a commencĂ©, en 2021 l’entreprise a lancĂ© la recherche fondamentale en laboratoire. Le rĂ©sultat est l’ « ADES Amplifer » : un amplifcateur qui peut aussi produire

Recherche 82 INNOVATOR

sa propre Ă©nergie en tant que centrale Ă©lectrique. Avec une puissance allant jusqu’à 25 MW, un module pourrait alimenter de 5 000 Ă  10 000 foyers en Ă©lectricitĂ© et en chaleur. Une centrale souterraine au thorium et Ă  sels fondus, petite et modulaire, sans risque de fusion du cƓur du rĂ©acteur nuclĂ©aire, utilisant le thorium faiblement radioactif comme source d’énergie et dotĂ©e d’un petit accĂ©lĂ©rateur de particules rĂ©volutionnaire, dont la technologie est utilisĂ©e dans la recherche mĂ©dicale pour lutter contre le cancer. Des composants de

MĂŒller montre une maquette du rĂ©acteur ADES. Le prototype de la grande version devrait ĂȘtre mis Ă  l’essai avant la fin de l’annĂ©e 2023.

l’amplifcateur sont dĂ©veloppĂ©s et testĂ©s au cĂ©lĂšbre institut Jozef Stefan de Ljubljana, en SlovĂ©nie, et le prototype est en cours de construction.

Sur simple pression d’un bouton Dans la rĂ©alitĂ©, l’amplifcateur ADES devrait ĂȘtre assez peu spectaculaire : une petite boĂźte grise pour la commande, Ă  cĂŽtĂ© de grands boĂźtiers pour la production d’électricitĂ© et d’hydrogĂšne. La fssion nuclĂ©aire proprement dite se dĂ©roule cachĂ©e, sous terre, dans un conteneur fermĂ© et Ă©tanche. La principale diffĂ©rence d’ADES par rapport Ă  une centrale nuclĂ©aire classique rĂ©side dans le fait que « les rĂ©acteurs des centrales nuclĂ©aires classiques sont toujours dangereux. Cela signife qu’il faut maĂźtriser le dĂ©veloppement massif d’énergie et faire des efforts pour que ça ne surchauffe pas et n’explose pas comme une bombe atomique", explique MĂŒller. ADES fonctionne « de maniĂšre plus sĂ»re, car une fusion du cƓur du rĂ©acteur, et donc une catastrophe, est impossible. On peut l’allumer et l’éteindre de l’extĂ©rieur. Et en cas d’un hypothĂ©tique incident, il s’arrĂȘterait de luimĂȘme plus vite qu’en un millioniĂšme de seconde, explique Wagner. GrĂące Ă  l’accĂ©lĂ©rateur de particules, on peut contrĂŽler avec prĂ©cision le dĂ©veloppement de la chaleur et sans devoir introduire au prĂ©alable ni uranium ni plutonium ». À vrai dire, le terme de rĂ©acteur ne convient pas non plus Ă  l’ADES, « car nous le pilotons de

INNOVATOR 83
Contrairement aux centrales, il ne reste pas de transuraniens hautement radioactifs, comme le plutonium, Ă  partir duquel fabriquer des bombes atomiques.

l’extĂ©rieur – peut-ĂȘtre devrions-nous l’appeler module de production contrĂŽlĂ©e d’énergie nuclĂ©aire », rĂ©fĂ©chit Wagner Ă  haute voix.

Le fonctionnement du conteneur est le suivant : l’accĂ©lĂ©rateur de particules est activĂ© de l’extĂ©rieur par la commande et envoie un faisceau de particules ciblĂ© dans un anneau rempli de thorium et de sels fondus. Le thorium faiblement radioactif est transformĂ© en uranium 233 et un Ă©tat intermĂ©diaire est créé, ce qui permet de « rĂ©colter » d’énormes quantitĂ©s d’énergie et de chaleur jusqu’à 900 °C. Contrairement aux centrales nuclĂ©aires traditionnelles, il ne reste pas de transuraniens hautement radioactifs comme le plutonium, Ă  partir duquel on peut fabriquer des bombes atomiques.

L’idĂ©e n’est pas tout Ă  fait nouvelle. Des rĂ©acteurs au thorium et Ă  sels fondus ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s dans les annĂ©es 1960 et ont Ă©chouĂ© car le risque de corrosion des cuves par les sels fondus Ă©tait trop Ă©levĂ©. C’est pourquoi, dans l’ADES, les sels fondus sont maintenus en mouvement continu dans un anneau par une pompe de circulation afn qu’ils ne se dĂ©posent pas. L’anneau est composĂ© de cĂ©ramique en carbure de silicium rĂ©sistant Ă  la corrosion et est entourĂ© d’une enveloppe de protection. Si les sels fondus devaient malgrĂ© tout s’échapper, ils s’écouleraient dans un bac et se solidiferaient immĂ©diatement au contact de l’air. « Le module ADES fnal n’aura pas besoin d’une maintenance maximale », explique MĂŒller. Un logiciel appelĂ© Safety Security Environment doit garantir le contrĂŽle en toute sĂ©curitĂ©.

Comment ça marche ?

L’équipe d’Emerald Horizon veut construire un rĂ©acteur Ă  sels fondus made in Austria, appelĂ© module ADES.

AprĂšs la mise en marche, l’accĂ©lĂ©rateur de particules 1 est activĂ© : il bombarde l’anneau (loop 2 ) rempli de thorium et de sels avec des protons, et produit des neutrons de haute Ă©nergie. Une unitĂ© de circulation 3 maintient les sels Ă  l’état liquide en mouvement dans l’anneau. Le thorium transmute et se dĂ©sintĂšgre,

libĂ©rant ainsi de l’énergie. La chaleur obtenue est transportĂ©e par des Ă©changeurs de chaleur 4 vers deux conteneurs situĂ©s Ă  l’extĂ©rieur ( 5 et 6 ), oĂč une turbine Ă  vapeur et un gĂ©nĂ©rateur produisent de l’électricitĂ© ou de l’hydrogĂšne. Une partie de l’électricitĂ© peut ĂȘtre rĂ©injectĂ©e : l’amplificateur devient ainsi une centrale Ă©lectrique. ADES peut ĂȘtre Ă©teint et allumĂ© via la fonction On/Off, et s’éteint automatiquement en cas de panne.

À quoi sert le thorium ?

FFini ce qui dérange et qui irradie ?

Nikolaus MĂŒllner, chercheur Ă  l’Institut des sciences du risque et de la sĂ©curitĂ© de l’UniversitĂ© des ressources naturelles de Vienne, est sceptique. Le chercheur a notamment rĂ©alisĂ© des analyses de sĂ©curitĂ© pour la centrale nuclĂ©aire argentine d’Atucha et des rapports de recherche sur l’élimination des dĂ©chets nuclĂ©aires. Les startups technologiques comme Emerald Horizon Ă©mergent au niveau international. Personne ne sait comment

Ce mĂ©tal blanc-gris a Ă©tĂ© dĂ©couvert en NorvĂšge en 1828 et n’est que faiblement radioactif. Il doit son nom au dieu nordique du tonnerre, Thor. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie atomique, basĂ©e Ă  Vienne, il existe entre six et onze millions de tonnes de thorium dans le monde. Le gisement en Autriche serait

compris entre 25 000 et 100 000 tonnes, ce qui en ferait le plus grand d’Europe. 2,6 kg de thorium dans un rĂ©acteur ADES permettrait d’alimenter 10 000 foyers en Ă©nergie pendant un an. MathĂ©matiquement parlant, les gisements existants permettraient d’alimenter tous les foyers de l’UE pendant des centaines d’annĂ©es.

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L’entrepreneur Florian Wagner (photo) et son collĂšgue, le physicien Mario MĂŒller (page suivante), planifient la rĂ©volution nuclĂ©aire made in Austria

Directeur de recherche chez Emerald Horizon, Mario MĂŒller a construit l’anneau du rĂ©acteur ADES Ă  Graz, et l’injecteur de neutrinos Ă  Vienne.

une nouvelle technologie rĂ©agit rĂ©ellement dans la pratique. « Tout peut fonctionner en thĂ©orie et en laboratoire, mais en exploitation constante, des perturbations imprĂ©vues peuvent survenir », fait remarquer MĂŒllner.

Florian Wagner ne se laisse pas freiner dans son enthousiasme.

« Nous ne construisons pas une grande installation dont l’issue est incertaine, mais une machine qui peut ĂȘtre testĂ©e avec prĂ©cision, adaptĂ©e sans complication et menĂ©e Ă  la production en sĂ©rie. » Pour une sĂ©curitĂ© et un contrĂŽle optimaux, les modules resteront la propriĂ©tĂ© d’Emerald Horizon, et les client·e·s ne paieront que les frais d’achat d’énergie de 12 cents par kilowattheure via un contrat : « Comme nous le faisons dĂ©jĂ  avec nos installations photovoltaĂŻques », explique Wagner.

Les Atomic-Twins autrichiens sont mĂȘme si optimistes qu’ils ont avancĂ© Ă  2029 le dĂ©but de la production en sĂ©rie de l’ADES, initialement prĂ©vu pour 2039 : « Nous allons bientĂŽt construire le dĂ©monstrateur, avant mĂȘme que le prototype ne soit terminĂ©, car nous savons dĂ©jĂ  assez prĂ©cisĂ©ment ce qui fonctionne ou pas grĂące au jumeau numĂ©rique et aux tests effectuĂ©s jusqu’à prĂ©sent », explique Wagner. La construction du dĂ©monstrateur et la procĂ©dure d’autorisation coĂ»teront 250 millions d’euros. La moitiĂ© de cette somme devrait provenir de partenaires et futur·e·s acheteur·euse·s : « Des producteurs d’électricitĂ©, des groupes industriels, des hĂŽpitaux, des chantiers navals, etc. MĂȘme une Ăźle est intĂ©ressĂ©e et souhaite devenir autonome en Ă©nergie avec ADES », poursuit Wagner. MĂŒllner doute que le calendrier

d’Emerald Horizon tienne la route. « L’approche est encore trĂšs innovante en termes de matĂ©riaux et de mise en Ɠuvre. MĂȘme si tous les tests de sĂ©curitĂ© et de matĂ©riaux se dĂ©roulent bien, les autorisations prennent des dĂ©cennies en raison de la complexitĂ© de la lĂ©gislation. Les fondateur·rice·s de nombreuses start-ups sont Ă©loignĂ©s du secteur et sous-estiment l’extrĂȘme lenteur de tels projets. »

LĂ  encore, Florian Wagner ne veut pas se laisser dĂ©contenancer. C’est justement le fait d’ĂȘtre Ă©loignĂ© du secteur qui permet de trouver des solutions plus innovantes. GrĂące Ă  la coopĂ©ration de divers partenaires et

« Nous ne construisons pas une grande installation Ă  l’issue incertaine, mais une machine qui peut ĂȘtre testĂ©e avec prĂ©cision et adaptĂ©e sans complication.
»
MARIO MÜLLER
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Le retour du nucléaire en Europe

De nombreux pays europĂ©ens investissent dans des technologies nuclĂ©aires amĂ©liorĂ©es. D’autres s’accrochent Ă  leurs anciens rĂ©acteurs. Un aperçu.

En tant qu’opposante convaincue Ă  l’énergie nuclĂ©aire, l’Autriche est dĂ©sormais bien seule en Europe :

1 En Finlande, la centrale nucléaire Olkiluoto-3 a été inaugurée en 2022.

2 La Slovaquie construit les troisiÚme et quatriÚme unités de la centrale de Mochovce.

3 La France redĂ©marre des centrales nuclĂ©aires arrĂȘtĂ©es en 2022 et prĂ©voit de construire de petites centrales modulaires (appelĂ©es SMR) dĂšs 2030.

4 La centrale nuclĂ©aire hongroise de Paks, et son homologue anglaise 5 Hinckley Park reçoit des millions de subventions nationales. L’UE a rejetĂ© une plainte de la RĂ©publique d’Autriche Ă  ce sujet. D’autres

misent sur les centrales de quatriÚme génération.

6 La RĂ©publique tchĂšque prĂ©voit la plus petite centrale nuclĂ©aire d’Europe dans le parc nuclĂ©aire de TemelĂ­n : elle devrait ĂȘtre construite d’ici 2035.

7 La Pologne prĂ©voit de se lancer dans l’utilisation de l’énergie nuclĂ©aire en 2033, avec un total de six unitĂ©s d’une capacitĂ© totale de 6 Ă  9 GW d’ici 2043.

En dehors de l’Europe, la Chine construit un petit rĂ©acteur au thorium et aux sels liquides Ă  Wuhei. Bill Gates veut lui aussi, avec sa sociĂ©tĂ© TerraPower, produire d’ici 2050 des centaines de petites centrales nuclĂ©aires refroidies au sodium. Le premier rĂ©acteur est actuellement en construction dans le Wyoming pour 180 millions d’euros et devrait ĂȘtre mis en service en 2028.

du monde de la fnance, ADES doit ĂȘtre rapidement produit en sĂ©rie. Pour la recherche et le dĂ©veloppement, l’entreprise a dĂ©jĂ  quelques soutiens assurĂ©s comme le groupe Bernard ou l’universitĂ© technique de Graz. À l’aide d’une obligation verte qu’il a Ă©mise, Wagner veut « apporter les milliards de Wall Street Ă  l’industrie autrichienne ».

Les milliards viennent donc de Manhattan, mais oĂč vont les dĂ©chets ? ADES produit des dĂ©chets nuclĂ©aires radioactifs, mais ceux-ci ne doivent ĂȘtre stockĂ©s « que » pendant 300 ans, le matĂ©riau ayant dĂ©jĂ  perdu beaucoup de sa dangerositĂ© aprĂšs cinquante ans. Pour le plutonium en revanche, il s’agit de 240 000 ans, et mĂȘme de millions d’annĂ©es pour certains transuraniens. Selon Florian Wagner, le thorium prĂ©sente mĂȘme une production d’énergie Ă©levĂ©e avec peu de dĂ©chets : « On peut utiliser 97 % du thorium pour produire de l’énergie ; pour l’uranium, ce n’est que 3 %. » Cela tombe bien : en novembre de l’annĂ©e derniĂšre, le plus grand gisement de thorium du monde aurait Ă©tĂ© dĂ©couvert en Carinthie (Autriche). Selon Florian Wagner, les modules ADES devraient mĂȘme, dans une prochaine Ă©tape, rĂ©duire la nocivitĂ© des dĂ©chets nuclĂ©aires des centrales nuclĂ©aires traditionnelles. Mais pour l’instant, ils doivent ĂȘtre utilisĂ©s pour produire de l’énergie et renforcer les installations Ă©oliennes et hydroĂ©lectriques.

MMais l’objectif principal d’Emerald Horizon est de remplacer le « mauvais » nuclĂ©aire par le « bon » et d’accĂ©lĂ©rer la sortie du nuclĂ©aire des centrales obsolĂštes, notamment autour de l’Autriche. La voie est-elle ouverte Ă  une « opĂ©ration Austrotom » ? « L’Autriche a toujours Ă©tĂ© un pays sans nuclĂ©aire, neutre et aussi siĂšge de l’AIEA. Nous sommes aujourd’hui assis sur un incroyable trĂ©sor de thorium. Quel pays serait donc plus appropriĂ© comme point de dĂ©part pour une technologie rĂ©volutionnaire ? », interrogent en chƓur Wagner et MĂŒller.

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Perspectives

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Du bienfait du dialogue sur nos villes

Transports publics non-polluants, villes sans Ă©missions : Gerald Babel-Sutter, fondateur d’Urban Future, propose une confĂ©rence sur l’essor des mĂ©tropoles durables.

the red bulletin innovator : Pourquoi Urban Future est-elle devenue la conférence sur le développement urbain durable numéro un en Europe ?

Gerald b abel-Sutter : Parce nous avons un objectif prĂ©cis. Notre confĂ©rence internationale se tient chaque annĂ©e dans une ville innovante diffĂ©rente. Des expert·e·s et des dĂ©cideur·euse·s de la politique, de l’économie et du civil unissent leur savoir-faire et leur passion pour que le changement s’opĂšre enfn dans nos villes. Cette annĂ©e, la confĂ©rence se tient Ă  Stuttgart, rĂ©gion passionnante elle-mĂȘme confrontĂ©e Ă  d’immenses changements structurels.

Quelle est la genùse d’Urban Future?

Tout a commencé en 2014 à Graz avec un atelier sur le thÚme de la mobilité pour favoriser les échanges entre expert·e·s sur

leurs défs et leurs projets. Nous nous sommes soudain retrouvés avec mille personnes invitées de plus de trente nations, ce qui nous a totalement surpris : nous avions manifestement touché une corde sensible. Les conférences traitent généralement du « pourquoi ». Nous nous intéressons au « comment ». Comment transformer une idée ou une vision en réalité ? Quelles sont les obstacles ? Comment les surmonter ? Voilà les différents thÚmes abordés par Urban Future.

Y a-t-il des domaines dans lesquels les villes se sont améliorées au cours des dix derniÚres années ?

Oui, heureusement. Les choses ont bien Ă©voluĂ©. De nombreuses grandes mĂ©tropoles se sont rĂ©unies pour fxer des rĂšgles communes en matiĂšre de gaz d’échappement Ă  l’entrĂ©e des villes. Et citons aussi

Le Viennois est fondateur et PDG d’Urban Future, qui connecte les dĂ©cideurs et dĂ©cideuses des villes du monde entier avec les acteurs et actrices du changement. Ses prĂ©cĂ©dents postes : Head of Conferences (cb brand), Head of Business Development & Marketing (CMS), Marketing Manager (Steiner Optics).

Conférence
Gerald Babel-Sutter
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Gerald BabelSutter, fondateur de l’Urban Future Global Conference.

Participant·e·s lors de l’Urban Future Global Conference Ă  Oslo en 2019.

les « C40 Cities », une coalition de villes qui ont annoncĂ© qu’à partir de 2025, elles n’achĂšteraient plus que des bus sans Ă©missions de COÂČ pour le transport public. Cette nouvelle approche se traduit Ă©galement par une plus grande marge de manƓuvre.

Que peuvent faire les villes pour développer leur durabilité plus rapidement ?

Les villes subissent d’énormes transformations dans presque tous les domaines. Pour la mobilitĂ©, il faut favoriser les transports publics, le vĂ©lo et l’autopartage. Pour le bĂątiment, la construction durable et la rĂ©novation Ă©nergĂ©tique. Et pour l’énergie, Ă©conomiser, dĂ©velopper les Ă©nergies renouvelables locales et abandonner les Ă©nergies fossiles.

Vous avez des exemples positifs en milieu urbain ?

Bien entendu. L’essentiel est de fxer des objectifs communs, faire preuve d’innovation et de crĂ©ativitĂ© et encourager la coopĂ©ration. Parmi les projets rĂ©ussis, on peut citer le concept de la villeĂ©ponge de Rotterdam : absorber et stocker l’eau de pluie dans les villes au lieu de la canaliser et de l’évacuer. Le centreville d’Oslo sans voitures, les canaux de dĂ©bordement de Graz en cas de fortes pluies ou encore Tokyo et son gigantesque projet d’infrastructure pour la prĂ©vention des inondations sont autant d’exemples de bonnes pratiques.

Y a-t-il des diffĂ©rences d’approches marquantes selon les villes ?

Absolument ! Si les villes europĂ©ennes excellent dans l’optimisation et la planifcation stratĂ©gique, les villes d’Afrique et d’AmĂ©rique latine impressionnent par leur crĂ©ativitĂ© et leur approche pragmatique.

Urban Future ne propose pas que des dialogues mais aussi des ateliers, des visites interactives et bien plus encore.

Quelle est la situation en Suisse, en Allemagne et Autriche ?

Les transports publics de l’espace germanophone sont parmi les meilleurs au monde. C’est un atout majeur. En revanche, les structures rigides, l’administration lĂ©thargique et les interminables processus de dĂ©cision freinent la transformation des villes. Dans de nombreux cas, la devise reste : « PrĂ©server plutĂŽt que changer. »

Comment provoquer défnitivement le changement ?

Pour assurer une meilleure durabilitĂ©, le pouvoir reste entre les mains de toutes les personnes agissant en ce domaine. Si l’ensemble est encadrĂ© par de « bonnes » personnalitĂ©s dirigeantes et des Ă©quipes passionnĂ©es, on trouvera toujours un moyen, quel que soit l’endroit de la planĂšte oĂč le changement s’opĂšre.

Urban Future Global Conference

du 21 au 23 juin 2023, Ă  Stuttgart (Allemagne)

Toutes les infos sur : urban-future.org

Qu’attendez-vous du dĂ©veloppement urbain durable dans les dix, voire les vingt prochaines annĂ©es ?

Des dirigeants et dirigeantes qui pensent autrement, plus de jeunes aux postes clĂ©s, plus de diversitĂ© au sein des Ă©quipes dirigeantes urbaines, et surtout, plus de femmes. L’objectif est que la durabilitĂ© dĂ©passe ce statut de secteur pour devenir une attitude fondamentale qui concerne tout le monde.

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INNOVATOR 91 GEIR ANDERS RYBAKKEN Ø RSLIEN BENJAMIN WOLF

« Entrave le sang, augmente la force »

Le biohackeur Andreas Breitfeld prĂ©sente ce gadget sensĂ© amĂ©liorer la vie. Comment un brassard intelligent vous aide Ă  ĂȘtre visiblement plus musclé·e.

Les hormones de croissance sont la clĂ© pour prendre de la masse musculaire, pour une rĂ©gĂ©nĂ©ration plus rapide et une peau plus lisse. Il est donc judicieux de stimuler la sĂ©crĂ©tion de ces hormones lors de l’entraĂźnement. On peut le faire avec des poids qui sollicitent les articulations, les ligaments et les tendons, ou on peut obtenir le mĂȘme effet en rĂ©duisant de maniĂšre dosĂ©e la circulation sanguine avec un poids d’entraĂźnement plus faible (− 75 %) et un nombre de rĂ©pĂ©titions Ă©levĂ© (20-40). Pourquoi ? L’augmentation de la circulation sanguine aprĂšs l’entraĂźnement de musculation entraĂźne, en plus de

l’amĂ©lioration visuelle due au « pompage », une production accrue d’hormones en rĂ©compense des efforts fournis Ă  la salle de sport. Un certain nombre d’études affrment dĂ©sormais que le meilleur rĂ©sultat est obtenu lorsque l’apport sanguin aigu est rĂ©duit Ă  court terme par des bandes ou des manchettes. Il est important de noter qu’il s’agit toujours d’une rĂ©duction du dĂ©bit, et non d’un Ă©tranglement. En consĂ©quence, je recommande uniquement des solutions spĂ©cifques comme B-Strong, et non l’utilisation d’élastiques, qui peuvent entraĂźner des lĂ©sions nerveuses ou pire encore. Les bandeaux spĂ©ciaux B-Strong sont disponibles pour le bras et la cuisse en diffĂ©rentes tailles, avec une appli qui calcule la pression avec laquelle ils rĂ©duisent le fux sanguin (comme un brassard de tension). env. 490 CHF ; win.gs/B-Strong

Le cƓur de B-Strong : un bandeau pour le haut du bras afin de rĂ©guler le dĂ©bit sanguin.

Andreas Breitfeld est un biohackeur qui prend sa santé en main et teste des gadgets dans son laboratoire. Il évalue pour nous divers gadgets.

Optimiser
Gadget-o-mĂštre Pour tous Pour les freaks 10 10 0 0 Science ÉsotĂ©risme Bonne affaire Luxe 10 0 92 INNOVATOR KLAUS PICHLER, NORMAN KONRAD

1.

Quel est le livre qui t’a le plus appris ?

Guerre et Paix, de LĂ©on TolstoĂŻ. Il est intemporel. Il permet de dĂ©celer les mĂ©canismes de la vie et la profondeur des relations humaines. Plus les personnages et leurs relations sont variĂ©s, mieux on peut comprendre les autres et aussi se comprendre soimĂȘme. Ce livre permet de se pencher sur sa propre vie.

2.

Quelle newsletter lis-tu jusqu’à la fin ?

Cee Cee Berlin, Ă  laquelle je suis abonnĂ©e depuis 2015. J’aime cette lettre d’infos sur la vie culturelle de la capitale. Et il y a bien sĂ»r, la WAA Podcast Newsletter ;)

3.

Quel est le compte Insta que tu likes le plus?

Sans aucun doute

This Place: une marque de cosmĂ©tiques clean créée par une de mes amies invitĂ©e du podcast, Laura Simonow. J’adore Ă  la fois l’esthĂ©tique et la qualitĂ© des produits mais aussi le vrai sentiment « d’appartenir Ă  la communautĂ© ».

Le pouvoir des femmes

4.

Quel est le podcast dont tu ne rates aucun épisode ?

Question difficile, car je n’ai guĂšre le temps, Ă  cĂŽtĂ© de mon podcast, d’en Ă©couter d’autres. Mais quand j’y arrive, c’est Fast&Curious, de Verena Pausder et LeaSophie Cramer, un duo trĂšs dynamique qui se dĂ©marque et qui m’inspire avec des insights personnels et originaux sur le monde des affaires et de la carriĂšre.

5.

Quelle est la derniÚre appli que tu as découverte ?

RĂ©cemment, j’ai eu la chance de lire des articles sur les thĂšmes passion economy et side hustle pour l’appli Informed. J’ai trouvĂ© ça vraiment plein de bon sens et trĂšs informatif.

6.

Quel est le plaisir coupable que tu t’octroies ?

La recherche de meubles d’occasion ou vintage sur Cocoli (site allemand de revente de meubles, ndlr)! C’est toujours pour moi une vraie petite chasse au trĂ©sor.

Daria Suvorova est la fondatrice et l’animatrice du podcast, en anglais, Women Authors of Achievement (WAA), dans lequel elle raconte des histoires de femmes qui ont rĂ©ussi dans tous les domaines possibles. Elle travaille Ă©galement comme directrice de lancement pour la fintech europĂ©enne Klarna et enseigne en tant que professeure invitĂ©e Ă  la Popakademie Baden-WĂŒrttemberg. ThĂšme : « Le pouvoir des podcasts » Le podcast Women Authors of Achievement (WAA) peut ĂȘtre Ă©coutĂ© sur toutes les grandes plateformes.

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Mes perles 6 5 INNOVATOR 93
Quelles applications et quels textes ont inspiré la fondatrice de Women Authors of Achievement, Daria Suvorova ?
DONYA JOSHANI, COCOLI, OMR

Save the Date 19

au 29 octobre 2023

Avec le slogan Artificial Worlds, le festival international de la culture numĂ©rique fait son retour Ă  l’automne. Le DA Z –Digital Art Zurich rĂ©unit en un seul lieu les artistes numĂ©riques les plus remarquables au monde. Pendant dix jours, on pourra dĂ©couvrir ces artistes et leurs Ɠuvres lors d’expositions, d’installations, d’expĂ©riences virtuelles, de concerts et de dĂ©bats dans le centre-ville de Zurich. L’art numĂ©rique n’est donc plus seulement prĂ©sent sur les smartphones, mais aussi dans les rues.

DA Z – Digital Art Zurich da-z.net

novembre 2023

au 17 mai 2023

“That’s Infotainment at its best!” VoilĂ  qui plonge dans l’esprit angliciste du festival. Trois journĂ©es de rencontre dans la Marx Halle de Vienne, trois thĂ©matiques bien distinctes : 4Pioneers, 4Future, 4Gamechangers. Conseils pour start-ups et investisseur·euse·s, avenir du systĂšme de santĂ©, discussions sur le journalisme de qualitĂ©, corruption et Ă©mancipation fĂ©minine, presque tous les sujets brĂ»lants du moment seront abordĂ©s. Le programme sera Ă©galement retransmis Ă  la tĂ©lĂ©vision sur Puls24 et ORF et en streaming sur l’application ZAPPN.

4Gamechangers

4gamechangers.io

avril 2023

Martina Panchyrz (ci-dessus) a plusieurs cordes Ă  son arc : journaliste, fondatrice de l’entreprise de mĂ©dias M.STORIES, dĂ©voreuse de livres
 et dĂ©sormais organisatrice du Female Business Festival. Sous la devise Courage, 1 500 participantes sont conviĂ©es pour la premiĂšre fois Ă  Munich pour cerner et atteindre leurs objectifs grĂące Ă  un large panel d’activitĂ©s, entre scĂšne de pitch et de podcasts en live, sessions de yoga et dĂ©gustations de vin. RĂ©aliser ses rĂȘves n’a jamais Ă©tĂ© aussi fun !

Female Business Festival martinastories.com

QuinziĂšme Ă©dition du Swiss Innovation Forum de Zurich, le rendez-vous annuel numĂ©ro un dans le domaine de l’innovation. Objectif de la confĂ©rence suisse : faire dialoguer science et Ă©conomie avec un menu trĂšs variĂ©, cette annĂ©e encore, entre Experience Zone, exemples de meilleures pratiques et discours inspirants sans oublier la remise du Swiss Technology Award (STA). Si l’évĂ©nement n’aura lieu qu’à la fin de l’annĂ©e, les billets Early Bird sont disponibles dĂšs maintenant.

Swiss Innovation Forum swiss-innovation.com

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Agenda
Un petit air d’Hollywood et du cash pour vos idĂ©e innovantes et durables : tous les rendez-vous incontournables en Suisse, en Autriche et en Allemagne.
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HANTKE, SANDRA BLASER, NICLAS RUEHL, MARCELLA RUIZ CRUZ

mai 2023

Tu es jeune, pĂ©tri d’innovation, tes idĂ©es sont gĂ©niales mais il te manque encore le partenaire idĂ©al pour les concrĂ©tiser ? Alors, tu ferais mieux de te jeter illico sur le programme annuel du Social Impact Award (SIA) et marquer la date du 8 mai en rouge dans ton calendrier. Ce printemps, des Ă©vĂ©nements et des ateliers seront organisĂ©s dans toute l’Autriche pour t’aider Ă  dĂ©velopper ton projet ou ton concept social. Et tu as jusqu’au dĂ©but du mois de mai pour soumettre celui-ci, recevoir un ticket pour l’appel Ă  projet SIA d’une valeur de plus de 20 000 euros et avoir accĂšs Ă  toute une Ă©quipe d’expertes, d’experts et de mentors.

Social Impact Award

socialimpactaward.net

9 au 10 mai 2023

Le festival OMR de Hambourg est le plus grand Ă©vĂ©nement germanophone de ce type pour les crĂ©ateurs de contenu numĂ©rique. Cette annĂ©e, des intervenant·e·s sont dĂ©jĂ  annoncé·e·s : Pamela Reif, productrice de vidĂ©os web et influenceuse, le designeur Ronnie Fieg (entre autres fondateur de la marque de mode Kith) ainsi que l’investisseur tech et mĂ©dia Scooter Braun. Dans la ville hansĂ©atique, tout tourne autour de l’information, de l’inspiration et du rĂ©seautage autour du business numĂ©rique ainsi que de nombreux aperçus du monde des grands. Cela vaut donc la peine de se rendre au festival OMR ; y participer est encore bien plus important !

OMR Festival omr.com

et 14 juin 2023

TroisiĂšme Ă©dition du Customer Experience Forum de Biel/Bienne. Sous la devise Impact matters!, l’évĂ©nement organisĂ© par SUCCUS se focalise sur la stratĂ©gie CX au niveau de l’entreprise. De la conception de produits au dĂ©veloppement commercial et Ă  la vente, tout ce qui est important pour l’expĂ©rience client est prĂ©sent. Et cette annĂ©e, honneur au networking ! Au programme : des discours d’expert·e·s, ateliers et dĂ©bats ouverts. Les billets Early Bird sont dĂ©jĂ  disponibles. Customer Experience Forum succus.at

avril et 25 mai 2023

Quelle forme auront les espaces de travail de demain ? Quelle sera l’importance du bien-ĂȘtre mental ? Comment mĂšnera-ton son Ă©quipe vers la rĂ©ussite ? Trois des centaines de questions auxquelles le Female Future Festival (au lac de Constance et Ă  Munich) rĂ©pondra grĂące Ă  l’intervention de confĂ©renciers, confĂ©renciĂšres, et entrepreneurs, entrepreneuses Ă©clairé·e·s. Le thĂšme de cette annĂ©e : Level-up: nouveaux mondes du travail

Female Future Festival female-future.com

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Le festival OMR de Hambourg réunit la crÚme de la crÚme des podcasts.

La peur est notre guide !

Ali Mahlodji, conférencier de renom et fondateur de startups, explique sa notion de la liberté, et pourquoi il est si important de faire face à ses peurs pour la conquérir.

En d’autres termes, derriĂšre notre peur se cache la libertĂ©. Quand je rencontre des personnes qui ont (apparemment) rĂ©ussi, je constate encore et toujours la mĂȘme chose : leur libertĂ© intĂ©rieure a fait place Ă  la peur. Comme ce directeur de stratĂ©gie d’une grande banque europĂ©enne qui m’expliquait rĂ©cemment combien il dĂ©testait son travail. Pourtant, lorsque je lui ai rĂ©torquĂ© d’un ton lapidaire qu’il n’avait qu’à dĂ©missionne et prendre une annĂ©e sabbatique, il m’a rĂ©pondu : « C’est impossible. Qu’est-ce que je vais faire aprĂšs ? Imagine qu’on ne veuille plus de moi ? »

Il m’a confĂ© ressentir une vĂ©ritable angoisse existentielle Ă  l’idĂ©e de se retrouver sans emploi. Il prĂ©fĂ©rait attendre que la situation s’amĂ©liore sur son lieu de travail. Il avait acceptĂ© ce poste il y a plus de trois ans et avait dĂ©jĂ  eu envie de tout quitter au bout de six mois. Il avait 39 ans, une santĂ© de fer, de brillantes Ă©tudes derriĂšre lui et un splendide CV. Sans femme ni enfants ni dettes, il disposait d’un confortable matelas fnancier qui lui aurait permis de tenir facilement pendant un an et demi sans avoir Ă  travailler ni rien sacrifer Ă  son style de vie.

Ali Mahlodji est un maĂźtre du changement : de l’abandon scolaire Ă  la crĂ©ation de start-ups et au conseil en entreprise, de l’enfant rĂ©fugiĂ© Ă  l’un des meilleurs confĂ©renciers de l’espace germanophone. À 41 ans, il est ambassadeur auprĂšs de l’UE pour la jeunesse, podcasteur, auteur et chroniqueur.

Et quel style de vie ! Vacances Ă  HawaĂŻ, soirĂ©es cocktails hyper branchĂ©es et un magnifque loft mansardĂ© de 150 mÂČ au cƓur Vienne. Il avait tout ce dont rĂȘve le commun des mortels et pourtant, la plupart de mes connaissances aux revenus bien plus modestes se sentaient plus libre que lui


Succombant au mirage de la possession, il s’était enfermĂ© dans un carcan d’opulence. Oui, ses possessions s’étaient littĂ©ralement emparĂ©es de lui. Il avait commencĂ© Ă  confondre son train de vie actuel avec l’apparente illusion de la sĂ©curitĂ©.

Peur ou excitation ?

Une peur manifestement ridicule pour les personnes menacées de pauvreté. Néanmoins, il souffrait des symptÎmes caractéristiques de ce mal qui le rongeait : panique, mains moites et tendance à éviter le sujet.

Une peur est toujours quelque chose de trĂšs individuel. Ce qui fait trembler une personne en remplit peut-ĂȘtre une autre de dĂ©licieux frissons. Aussi me paraĂźt-il essentiel de respecter la peur de chacun·e, Ă  dĂ©faut de la comprendre.

Certain·e·s ont peur des chiens, d’autres de parler en public, d’autres encore de voler et en mĂȘme temps on trouve autant d’ami·e·s des bĂȘtes, de confĂ©rencier·Úre·s fanatiques et d’accros de l’avion qui passent leur temps Ă  guetter les offres des compagnies aĂ©riennes.

Je me souviens encore de ce jour oĂč une peur panique s’est emparĂ©e de moi lors d’un vol secouĂ© par de fortes turbulences sur le territoire amĂ©ricain. Les dix annĂ©es suivantes, j’ai vĂ©cu un enfer Ă  chaque vol, qu’il soit sans histoires ou non. Je me bourrais de sprays, de mĂ©dicaments et faisais des exercices respiratoires au moment du dĂ©collage. Peine perdue : j’avais mĂȘme l’impression que la situation ne faisait qu’empirer.

Je suis en train d’écrire ces lignes dans un avion qui me ramĂšne de France. Le vol est agitĂ©, les prĂ©visions mĂ©tĂ©o pour l’atterrissage Ă  Vienne sont catastrophiques. Le commandant de bord vient d’annoncer qu’à cette altitude, nous sommes confrontĂ©s Ă  un vent latĂ©ral trĂšs fort et qu’il faut s’attendre Ă  de nouvelles turbulences lors des 25 prochaines

Chronique 96 INNOVATOR MATO JOHANNIK

minutes. J’écoute cela tout en Ă©crivant et je suis dĂ©tendu. TrĂšs dĂ©tendu mĂȘme. À plusieurs milliers de mĂštres au-dessus de la terre ferme, je termine de dĂźner et sirote paisiblement mon cafĂ©. Il y a probablement plusieurs personnes sur ce vol qui sont en train de se dire : « Mais comment il fait ce type devant moi pour rester aussi calme alors que l’avion est secouĂ© comme un prunier ? »

Le savoir, plus fort que tout

Que s’est-il passĂ© au cours des dix derniĂšres annĂ©es ? Par quel miracle la poule mouillĂ©e que j’étais s’est-elle changĂ©e en un passager presque neurasthĂ©nique et ce, en l’espace d’une seule journĂ©e ?

La solution est Ă  la fois simple et incroyablement complexe : j’ai affrontĂ© ma peur et me suis confrontĂ© Ă  ce que je craignais le plus : les scĂ©narios dans lesquels nous sommes pris dans de terribles turbulences et oĂč l’issue sera probablement fatale.

Ma dĂ©livrance a eu lieu au cours d’une soirĂ©e oĂč le hasard a voulu que je me retrouve assis Ă  cĂŽtĂ© d’un homme qui travaillait comme pilote privĂ© pour un cĂ©lĂšbre champion de Formule 1. AprĂšs quelques verres, je lui ai parlĂ© de ma peur de voler et il m’a simplement rĂ©pondu : « C’est comme de prendre le bus, sauf que de rouler en bus est beaucoup plus dangereux. » Avisant mon air perplexe, il a pris le temps de rĂ©pondre Ă  toutes mes peurs de voler. Au cours de la nuit, il m’a expliquĂ© calmement comment fonctionne un avion, sans Ă©luder aucune de mes questions et en opposant des rĂ©ponses claires Ă  toutes mes objections. Ma peur s’est changĂ©e en savoir.

Une semaine plus tard, je suis de nouveau dans les airs et j’ai dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi de m’asseoir cĂŽtĂ© hublot. La peur a dĂ©fnitivement fait place au respect. En me confrontant Ă  mes craintes, en choisissant de me faire aider, j’ai retrouvĂ© le plaisir de prendre l’avion. Quant Ă  ma peur, je l’ai rangĂ©e dans le tiroir des inquiĂ©tudes infondĂ©es, ce grinçant tiroir qui ne s’ouvre que lorsqu’on Ă©vite de se confronter Ă  ses angoisses.

M entions légales

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Rédacteur en chef The Red Bulletin Andreas Rottenschlager

Rédacteur en chef Innovator Benjamin Wolf

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Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Miles English, Kevin Faustmann- Goll, Tara Thompson RĂ©daction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty, Susie Forman, Tahira Mirza, Elena Rodriguez Angelina, Rudi Übelhör

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Gestion commerciale co-édition Alexandra Ita Rédaction co-édition Gundi Bittermann, Michael Hufnagl, Alexander Klein, Irene Olorode, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser Directeur exécutif de la création Markus Kietreiber

Gestion de projet création senior Elisabeth Kopanz

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Le trait de la fin

Notre illustratrice La Razzia, et son regard sur le monde de demain.

La Razzia

Doris Schamp est illustratrice et caricaturiste. Elle a remportĂ©, en 2013, le Prix international de la bande dessinĂ©e d’Aix-la-Chapelle (Allemagne). Doris Schamp, 39 ans, explore les abĂźmes de l’humour et de Los Angeles, oĂč elle a vĂ©cu, et autrefois dĂ©veloppĂ© des images animĂ©es pour Red Bull. Quand elle ne fait pas de planche Ă  voile, elle dessine et Ă©volue entre la campagne et la capitale autrichienne.

Humour 98 INNOVATOR LA RAZZIA/DORIS SCHAMP
HORS DU COMMUN theredbulletin.com RICARDO NASCIMENTO / RED BULL CONTENT POOL

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volvocars.ch/EX90

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