israel palestine origine et enjeux actuels de la solution a deux etats

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SOMMAIRE

2.1.

5.

3.2.

Introduction

Sinousexposonslesracineshistoriquesdenotreproblème,c’estparcequenous sommesconvaincusqu’ilfauts’attaquerauxracinesmêmesdesproblèmesqui préoccupentlemondesil’onveutleurdonnerunesolutionvalable1

Yasser Arafat, 1974.

Le conflit israélo-palestinien soulève des enjeux historiques, politiques et humanitaires d’une complexité inégalée. Cette étude a pour objectif d’accompagner le lecteur à travers une question complexe qui anime la scène internationale et trouve un véritable ancrage en Belgique. Les questions de la solution à deux Etats et de la reconnaissance de la Palestine, loin de se limiter aux frontières du Moyen-Orient, divisent la classe politique belge et l’opinion publique, révélant des points de vue contrastés sur la politique étrangère et le droit international. L’objectif est de fournir les outils nécessaires pour une meilleure compréhension du lecteur et de promouvoir un dialogue éclairé, condition essentielle au vivre-ensemble et à une coexistence fondée sur des valeurs de respect et de justice.

Cette étude retrace l'origine et l'évolution du concept de la solution à deux Etats, mettant en lumière les principaux conflits et moments-clés ayant façonné les revendications palestiniennes et israéliennes sur la question de la solution à deux Etats depuis la Palestine mandataire jusqu’à aujourd’hui. À travers ce panorama historique, nous examinerons les positions et arguments des principaux acteurs, les enjeux majeurs liés à cette solution, ainsi que les implications juridiques et politiques qu’elle soulève, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de l’État de Palestine, qui constitue un élément central de la question. Compte tenu de l'ampleur du sujet et de la pluralité des acteurs impliqués, il est impossible d'aborder l'ensemble des événements historiques et des perspectives individuelles. Une sélection a été réalisée afin de fournir au lecteur une compréhension claire et structurée des étapes essentielles ayant marqué l'évolution des positions sur la solution à deux États

Il convient tout d’abord de distinguer « la solution à deux Etats » et « la reconnaissance de l’Etat de Palestine ». Ces deux concepts sont parfois utilisés de manière interchangeable par la communauté internationale. Bien qu’ils soient inextricablement liés, leurs fondements et implications sont différents. Comme son nom l’indique, la solution à deux Etats se présente comme une solution de paix établissant deux Etats souverains et indépendants, dont les frontières sont internationalement reconnues. Cette solution s’oppose à la « solution à un Etat », c’est-à-dire l’établissement d’un Etat binational où Israéliens et Palestiniens vivraient côte à côte. La reconnaissance de l’Etat de Palestine concerne quant à elle le statut diplomatique de l’Etat. Elle consiste en l’attestation juridique de l’existence d’un Etat comme sujet de droit international doté d’une souveraineté. Elle repose sur les critères de l’État définis par la Convention de Montevideo de 1933, qui incluent une population permanente, un territoire défini, un gouvernement, et la capacité d’interagir avec d’autres États. À ce jour, 146 des 193 États membres de l’ONU reconnaissent l’État de Palestine, ce qui confère une légitimité internationale croissante à l’existence de cet État. Au sein de l’Union européenne, l’Espagne, l’Irlande, Malte et la Slovénie sont les derniers pays avoir initié cette démarche diplomatique (en mai et juin 2024). Plusieurs Etats européen autrefois satellites de l’URSS ont reconnu l’Etat de Palestine en 1988. La Russie et la Chine sont les seuls des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à reconnaitre la Palestine. Actuellement, la Belgique soutient la solution à deux Etats, mais ne reconnait pas l’Etat de Palestine. La position du gouvernement fédéral est de lier la reconnaissance de la Palestine au succès de négociations entre les autorités israéliennes et palestiniennes. Cette étude met en lumière le rôle structurant de la reconnaissance de la Palestine comme point de départ nécessaire pour établir une coexistence pacifique entre deux États. Cette perspective sous-tend la réflexion et guide l’analyse des enjeux abordés.

1 Yasser Arafat dans sa première allocution devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 novembre 1974, en ligne sur a238ec7a3e13eed18525624a007697ec_French.pdf

1. Les origines du conflit israélo-palestinien

1.1. Le mandat britannique

En 1922, la Société des Nations place la Palestine, ainsi que d’autres anciens territoires ottomans, sous mandat britannique. Ce mandat vise à administrer la région tout en préparant sa transition vers l’autodétermination. Alors que tous ces territoires accèdent par la suite à une pleine indépendance, la Palestine reste une exception. La puissance mandataire, au-delà de fournir un soutien administratif, s’engage à mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration Balfour de 1917, qui promettait l’établissement en Palestine d’un « foyer national pour le peuple juif ». Entre 1922 et 1947, de nombreux juifs, principalement d’Europe de l’Est, immigrent en Palestine, une tendance amplifiée par les persécutions nazies des années 1930. En 1937, opposée au mouvement sioniste et à l’immigration juive, la population arabe se soulève. Ce soulèvement marque le début d’un cycle de violences impliquant les deux parties, qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Incapable de trouver une solution pour pacifier le territoire et l’amener à l’indépendance, le Royaume-Uni décide, en 1947, de confier la gestion de la question palestinienne à l’Organisation des Nations Unies2 .

1.2. Le plan de partage de l’ONU et la guerre de 1948

La première occurrence officielle d’une « solution à deux Etas » remonte à la Commission Peel en 1937. Cette commission britannique, chargée d'analyser les causes des tensions entre Juifs et Arabes en Palestine sous mandat britannique, propose de diviser la Palestine historique en deux États : l'un juif et l'autre arabe, avec Jérusalem et ses environs placés sous administration britannique.

Dix ans plus tard, en 1947, la commission spéciale des Nations Unies en charge de la question propose un plan de partage de la Palestine reflété dans la résolution 181 (II)3. La proposition prévoit la fin du mandat britannique et la création d’un Etat juif et d’un Etat arabe, avec Jérusalem demeurant sous statut international. L’Etat juif proposé correspondait à 55% du territoire de la Palestine historique avec 500.000 Juifs et 400.000 Arabes ; l’Etat arabe à 45% du territoire avec 700.000 Arabes et quelques milliers de Juifs ; la zone de Jérusalem à 200.000 personnes dont la moitié arabe et l’autre moitié juive. Le 29 novembre 1947, la résolution 181 est acceptée à la majorité des deux tiers de l’Assemblée générale de l’ONU : 33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions4. Le Royaume-Uni s’abstient, adoptant une position de non-interférence. Accepté par les dirigeants juifs, ce plan est rejeté par la partie arabe qui dénonce la spoliation de la majorité autochtone au profit des immigrés juifs. La création d’un État juif au sein d’un espace majoritairement musulman est perçue par les pays voisins comme une rupture avec les équilibres traditionnels. Longtemps associés au statut de minorité protégée sous les régimes islamiques, les Juifs accèdent à la souveraineté. Une telle transformation bouleverse les cadres traditionnels de domination et de coexistence dans l’oumma musulmane et provoque de vives tensions et réactions de la part des pays arabes voisins5. Le plan de partage n’aboutit jamais et accentue les affrontements entre forces sionistes et militants palestiniens. C’est le début d’une première vague d’exode des Palestiniens vers les pays voisins.

Incapable de gérer l’escalade de violence et influencé par d’autres considérations, le Royaume-Uni met un terme à son mandat en mai 1948. David Ben Gourion (à l’époque président de l’Agence juive) proclame ensuite l’établissement de l’Etat d’Israël unilatéralement le 14 mai 1948, s’appuyant sur la résolution 181, mais sans indiquer quelles seraient les frontières du nouvel Etat6 Ben Gourion devient alors Premier ministre du pays. Au lendemain de cette proclamation de l’établissement d’Israël, la guerre entre forces sionistes et militants palestiniens s’intensifie et les armées arabes des pays

2 « Histoire de la question de Palestine », Nations Unies, en ligne sur Histoire de la question de Palestine - Nations Unies - La question de Palestine

3 Résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée sur le rapport de la Commission ad hoc chargée de la question palestinienne, en ligne sur ARES181II.pdf

4 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, pages 122-123

5 BARNAVI Elie, « Israël-Palestine : une seule solution, les deux Etats », Politiqueétrangère, N° 242(2), page 91, en ligne sur https://doi.org/10.3917/pe.242.0089

6 « La proclamation de l’État d’Israël », Hehaloutz, no 5, Paris, mai 1948, pp. 2-3, en ligne sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50840933/f3.item

limitrophes interviennent dans le conflit. Cette première guerre israélo -arabe dure jusqu’en juillet 1949 et à son terme, Israël contrôle 78% du territoire de la Palestine historique. Seuls deux territoires échappent à son contrôle : la Cisjordanie et Jérusalem-Est, annexées par la Jordanie en 1950. La bande de Gaza, quant à elle, passe sous administration égyptienne.

Entre 700.000 et 800.000 Palestiniens sont forcés de quitter leur foyer et cet exode est désigné en arabe sous le nom de « Nakba » (la catastrophe). Ils deviennent réfugiés et ne seront jamais autorisés à rentrer chez eux. La majorité des réfugiés palestiniens se trouvent aujourd’hui en Jordanie, en Syrie et au Liban. Selon les données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à la fin de l’année 2023, environ 6 millions de réfugiés palestiniens étaient enregistrés auprès de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le ProcheOrient)7

En 1950, Israël accède au statut de membre à part entière des Nations Unies. La Palestine, quant à elle, n'apparaît plus sur la carte géographique ni politique. Les Palestiniens sont dispersés : certains ont acquis la citoyenneté israélienne, d'autres sont devenus citoyens jordaniens, tandis que d'autres encore vivent dans des camps de réfugiés8

Dans les années 1950, la reconnaissance internationale de l'État d'Israël progresse, bien que les pays arabes et musulmans, à quelques exceptions près, refusent de le reconnaître. Par exemple, la Turquie laïque reconnait le nouvel Etat de facto en 1949 et dejure en 19529 La majorité des nations arabes et musulmanes maintiennent une position de non-reconnaissance, considérant la création d'Israël comme une injustice envers les Palestiniens. Concernant la Palestine, aucun État ne reconnaît officiellement un État palestinien durant cette période et les Palestiniens eux-mêmes ne formulaient pas encore cette revendication. Les aspirations nationales palestiniennes sont ainsi marginalisées, et la question de la reconnaissance d'un État palestinien ne se pose pas sur la scène internationale10

Parallèlement, Gamal Abdel Nasser, devenu président de l'Égypte en 1954, émerge comme une figure centrale du panarabisme. Le panarabisme est un mouvement visant à l'unification des peuples arabes. Nasser s'oppose fermement à l'existence d'Israël, qu'il considère comme une entité coloniale imposée. Sous sa direction, l'Égypte nationalise le canal de Suez en 1956, provoquant une crise internationale et renforçant son prestige dans le monde arabe11. Toutefois, bien que Nasser soutienne la cause palestinienne, il ne propose pas de solution concrète pour la création d'un État palestinien indépendant, se concentrant davantage sur la lutte contre Israël et la promotion de l'unité arabe.

2.

Le mouvement palestinien et le panarabisme

2.1. L’émergence de l’OLP et du Fatah

Le 28 mai 1964 est fondée l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), à l’initiative de la ligue des Etats arabes lors du premier Sommet arabe organisé au Caire12. L’organisation se présente comme un mouvement nationaliste arabe représentant les Palestiniens. À cette époque, l’OLP est fortement influencée par les pays arabes, en particulier l'Égypte, ce qui limite son autonomie dans l'élaboration de sa stratégie13. La Charte nationale palestinienne adoptée en 1964 par le premier Conseil national palestinien (CNP) établit les objectifs politiques de l’OLP. Elle reflète une vision où l’identité palestinienne est indissociable de l’ensemble arabe, tout en affirmant des droits spécifiques

7 « Tendances mondiales », HCR, en ligne sur https://www.unhcr.org/fr/tendances-mondiales.

8 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 164

9 HASSAN Shamir, « Turkey’s Israel Policy Since 1945 », ProceedingsoftheIndianHistoryCongress , vol. 69, 2008, pp. 921929, en ligne sur http://www.jstor.org/stable/44147254

10 HIRSCHFELD, Yair, “Creating the enabling conditions for reaching an Israel-Palestine Two-State Solution” in “Developing an Israeli Grand Strategy toward a Peaceful Two-State Solution, S. Daniel Abragam Center for Strategic Dialogue & Friedrich Ebert Stiftung, octobre 2016, p.8, en ligne sur 13113.pdf

11 LEVALLOIS, Agnès, « Nasser ou le rêve panarabe », par Agnès Levallois (septembre 2014) // https://www.mondediplomatique.fr/53279

12 Organisation de Libération de la Palestine (OLP)

13 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 168

sur le territoire de la Palestine. Le texte affirme que la Palestine, dans ses frontières du mandat britannique, constitue une unité territoriale indivisible, mais l’intègre dans la « Grande nation arabe », en soulignant des liens étroits avec les autres pays arabes. Le peuple de Palestine est décrit comme une partie inséparable de la Nation arabe. La Charte ne parle pas explicitement d’un « peuple palestinien », mais attribue une « personnalité palestinienne » transmise de génération en génération, même en exil. Selon elle, sont considérés Palestiniens les Arabes vivant en Palestine jusqu’en 1947 ou leurs descendants, où qu’ils soient14. La charte ajoute que seuls « les Juifs qui résidaient habituellement en Palestine avant le début de l'invasion sioniste seront considérés comme Palestiniens »15. Le document rejette catégoriquement la Déclaration Balfour, le mandat britannique, la partition de 1947 et la création d’Israël, considérant ces événements comme illégitimes et contraires au droit à l’autodétermination des Palestiniens. Elle réclame la « libération de la Palestine », mais ne revendique pas un nationalisme palestinien indépendant. Au fil des décennies, nous verrons que la position et les revendications de l’OLP vont évoluer à cet égard.

Parallèlement, de petites organisations palestiniennes plus indépendantes commencent à émerger. Parmi elles, le Fatah, fondé en octobre 1959 par Yasser Arafat, affirme que la libération de la Palestine doit être menée par les Palestiniens eux-mêmes, indépendamment de la tutelle des pays arabes. Dès janvier 1965, le Fatah lance ses premières actions armées contre Israël, posant ainsi les bases d'une lutte armée directement dirigée par des Palestiniens16. Le mouvement reste cependant minoritaire jusqu’à la guerre des Six Jours de 1967. Le Fatah jouera ensuite un rôle important dans les négociations pour une solution à deux Etats dès les années 1980.

2.2. La guerre des Six jours (1967) et la défaite de l’unification arabe

En mai 1967, débute une escalade vers un conflit régional. Tout d’abord, l’Egypte ferme le détroit de Tiran (entre le golfe d’Aqaba et la mer Rouge), bloquant ainsi l’accès au port israélien d’Eilat, et réoccupe le Sinaï, exigeant le retrait des forces internationales. Ceci encourage une vague antiisraélienne dans le monde arabe. Face à la menace, Israël, sous la direction du général Yitzhak Rabin et du premier ministre Levi Eshkol, décide d’attaquer. L’offensive du 5 juin 1967 contre l’Egypte conduit à la conquête israélienne du Sinaï, de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est, de la bande de Gaza et du plateau du Golan. La rapide victoire israélienne, notamment par la destruction de l’aviation égyptienne et la prise de Jérusalem, marque un tournant majeur. Près d’un demi-million de Palestiniens fuient vers les pays voisins17. Israël occupe désormais le restant de la Palestine historique (les territoires de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza). Cette guerre a également pour conséquence l’occupation militaire du Golan syrien et de la péninsule du Sinaï.

Quelques mois après la guerre des Six jours de 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 24218 Cette dernière exige le retrait des forces armées israéliennes des « territoires occupés » et demande donc à Israël de quitter les territoires qu’elle occupe. Cette résolution place la reconnaissance de l’Etat palestinien sur les frontières de 1967, cédant ainsi formellement 78% de la Palestine historique aux Israéliens. Cette résolution n’est jamais respectée par l’Etat hébreu. À l’époque, la résolution est également rejetée par l’OLP qui vise alors la libération totale de la Palestine.

L’occupation de ces territoires aura pour conséquence l’émergence de « colonies israéliennes » dans les territoires palestiniens occupés. Les colonies israéliennes sont des établissements civils créés par Israël dans les territoires occupés depuis la guerre des Six Jours en 1967, notamment en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et sur le plateau du Golan. Majoritairement peuplées par des citoyens israéliens d'origine juive, ces implantations sont jugées illégales au regard du droit international. Plusieurs organismes tels que Human Rights Watch, Amnesty International et B’Tselem y dénoncent un régime

14 LEGRAIN, Jean-François, « La Palestine : de la terre perdue à la reconquête du territoire », Vol 21-22, printemps-été 1996 en ligne sur https://doi.org/10.4000/conflits.261

15 (Traduction libre) The PLO National Charter, 1964 and 1968; en ligne sur: Avalon.law.yale. edu/20th_century/PLOCOV.asp

16 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page

169

17 « Histoire de la question de Palestine », Nations Unies, en ligne sur https://www.un.org/unispal/fr/history/

18 Resolution 242 (1967) / [adopted by the Security Council at its 1382nd meeting], of 22 November 1967, en ligne sur Resolution 242 (1967) /

de ségrégation constituant un système d’apartheid. Deux populations vivant dans une même région sont régies par deux systèmes de loi différentes. Les Palestiniens, soumis à la loi militaire, font face à de fortes restrictions de mouvement et sont exclus des droits civiques et sociaux israéliens. En revanche, les Israéliens, y compris les colons, bénéficient de la loi civile et de l’ensemble des droits accordés aux citoyens israéliens19. Dans son avis du 19 juillet 2024, la Cour internationale de justice a déclaré illicite l’occupation israélienne de ces territoires et a exhorté Israël à y mettre un terme rapidement20

L'extrême droite israélienne, notamment le camp national-religieux, considère la guerre des Six Jours de 1967 et la « libération » de la Judée, de la Samarie et de Gaza comme des actes divins. Selon cette vision, ces territoires, perçus comme sacrés, doivent être conservés et peuplés, même en défiant les autorités israéliennes. Ces groupes ont activement soutenu et promu la politique de colonisation dans les territoires occupés, dans le but explicite d’empêcher toute perspective de solution à deux États 21 Le Premier ministre de l’époque, Begin et son parti, le Likoud, sont également opposés à la création d'un État palestinien. Cependant, cette opposition à un État palestinien ne se limitait pas au Likoud et aux partis nationaux-religieux. Le Parti travailliste israélien, à ses débuts, partageait également cette position. Dans ses mémoires, Battling for Peace, Shimon Peres (ancien Premier ministre d'Israël et président de l'État) écrivait : « À notre avis, un État palestinien, même démilitarisé au départ, chercherait inévitablement à développer sa propre puissance militaire. La communauté internationale, largement soutenue par les pays du Sud au sein des Nations unies, ne ferait rien pour l’en empêcher. Une telle armée finirait par se retrouver aux portes de Jérusalem et le long de toute la longueur étroite d'Israël, représentant une menace constante pour notre sécurité et pour la paix et la stabilité de la région. »22

2.3. Impact de la défaite de 1967 sur le mouvement palestinien

L’épisode de 1967 a contribué à organiser la résistance palestinienne depuis certains pays arabes limitrophes et à partir des territoires palestiniens. Le Fatah gagne ainsi en influence, tant sur le plan politique que psychologique. Jusque-là, la libération de la Palestine était considérée comme une mission relevant pays arabes. Cependant, la défaite arabe de 1967 porte un coup fatal à cette vision. À partir de 1967, un changement de paradigme s’opère. La défaite de Nasser met fin aux espoirs d’unité arabe et confirme l’hégémonie du Fatah sur les Palestiniens et l’OLP. En effet, le mouvement palestinien redéfinit alors ses priorités et stratégies. La période post-1967 voit naitre une affirmation croissante de l’autonomie palestinienne dans la lutte pour leur territoire. Le Fatah, qui commence à s’imposer comme une force centrale, joue un rôle clé dans cette transition, à la fois sur le plan psychologique et politique. Dès lors, la libération de la Palestine devient une mission menée par les Palestiniens eux-mêmes, consolidant la domination du Fatah au sein de l’OLP.

Parallèlement, l’émergence de nouvelles factions comme le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), fondé par Georges Habache en 1967, illustre les divergences idéologiques croissantes au sein du mouvement. Habache, initialement partisan de l’unité arabe comme préalable à la libération de la Palestine, change de position après la guerre de 1967. Il prône désormais une approche centrée sur les Palestiniens eux-mêmes pour récupérer leur terre natale. Il estime notamment que seule la mise en place d'un État binational garantissant des droits équitables aux populations juives et arabes constitue la voie vers une paix durable dans la région23. Cependant, Habache se

19 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, pages 176-177

20 « Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », avis consultatif de la Cour internationale de Justice rendu le 19 juillet 2024, en ligne sur 186-20240719-sum01-00-fr.pdf

21 HIRSCHFELD, Yair, “Creating the enabling conditions for reaching an Israel-Palestine Two-State Solution” in “Developing an Israeli Grand Strategy toward a Peaceful Two-State Solution, S. Daniel Abragam Center for Strategic Dialogue & Friedrich Ebert Stiftung, octobre 2016, p.8, en ligne sur 13113.pdf

22 PERES, Shimon, “Battling for Peace – A Memoir”; Edition David Landau (London, Weidenfeld and Nicolson), 1995, pages 352-353.

23 SIGNOLES, Aude, Biographie de Georges Habache, Encyclopedia Universalis, en ligne sur Biographie de GEORGES HABACHE (1924-2008) - Encyclopædia Universalis

distingue par son opposition résolue à tout compromis, ce qui l’amène fréquemment à s’opposer aux positions plus pragmatiques d’Arafat.

En 1968, Nayef Hawatmeh se sépare du FPLP pour créer le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP). Il prône la création d’un État binational, laïc et égalitaire, et appelle à une alliance entre les mouvements de gauche et à une révolution sociale pour lutter à la fois contre l’occupation israélienne et les forces réactionnaires arabes. Toutefois, la montée de l ’islamisme et l’effondrement du communisme international affaiblissent cette stratégie dans les décennies suivantes24

En juillet 1968, lors du quatrième Congrès national palestinien, les différentes organisations de résistance palestinienne, y compris le FPLP et le FDLP, intègrent l’OLP, consolidant le rôle de l’organisation en tant que représentante principale du peuple palestinien. Le Fatah, alors en pleine ascension, s’impose comme la force dominante au sein de cette coalition. Yasser Arafat, chef du Fatah, accède à la direction de l’OLP en février 1969, renforçant encore son influence25. À la fin des années 1960, le Fatah devient la plus grande organisation palestinienne, bénéficiant des meilleurs financements et d’un soutien croissant, notamment de l’Algérie indépendante26

Inspiré par les mouvements de décolonisation, en particulier par l’exemple algérien, le Fatah adopte des méthodes similaires pour organiser la résistance palestinienne. Cependant, il devient rapidement évident que la situation palestinienne est plus complexe que celle de l’Algérie. Alors que l’indépendance algérienne a été marquée par le départ des colons européens, la réalité israélienne, où une grande partie de la population juive est enracinée depuis plusieurs générations, ne permet pas une solution similaire. De plus, en 1970, l’ensemble du monde, y compris du camp socialiste ont des relations avec Israël et ne remettent pas en cause son existence. Cette prise de conscience pousse le Fatah à reconsidérer ses objectifs et ses moyens27

Jusqu’en 1967, l’OLP revendiquait la « libération totale de la Palestine », selon les termes de sa charte nationale, ce qui impliquait le départ des « colons juifs ». Mais en 1969, le Fatah amorce une réflexion sur la possibilité d’un État démocratique non confessionnel où Musulmans, Chrétiens et Juifs pourraient coexister. Bien que cette idée reste imprécise, elle marque une évolution notable, car elle reconnaît pour la première fois que la présence juive en Palestine est une réalité durable. Comme l’explique Alain Gresh, il ne s’agit pas de la proposition d’un Etat binational ou multiconfessionnel, mais d’une réflexion sur ce que pourrait être un Etat à définir28. Cette position marque un tournant en reconnaissant pour la première fois depuis 1948 que la présence juive en Palestine est permanente

Un autre moment significatif survient en 1973, lorsque le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP), dirigé par Nayef Hawatmeh, propose la création d'un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Jusqu’alors, les modèles proposés reposaient sur un partage vertical du pouvoir entre les communautés. Face au rejet de ce modèle par les Israéliens, l’idée d’un partage territorial horizontal émerge comme une alternative. Ce tournant dans la pensée politique palestinienne, symbolisé par la transition vers un partage territorial, ouvre la voie à des négociations futures tout en redéfinissant les objectifs à long terme du mouvement. 29

L’ambition de construire un monde nouveau fondé sur une véritable égalité suscite ainsi de nouveaux questionnements, notamment parmi les alliés du Fatah, sur ce que signifie l’Etat palestinien ainsi que les moyens et les objectifs de cette transformation. Cette réorganisation du mouvement palestinien après 1967 illustre une phase de transformation idéologique et stratégique. L’OLP, dominée par le Fatah, devient l’incarnation d’une lutte portée par les Palestiniens eux-mêmes, tout en intégrant des divergences internes sur les moyens et les objectifs à atteindre. Cette période charnière prépare le terrain pour les évolutions politiques des décennies suivantes, posant les bases des revendications pour une solution à deux États.

24 « Organisation de libération de la Palestine », Larousse, en ligne sur OLP sigle de Organisation de libération de la Palestine - LAROUSSE

25 ROMEO Lisa, « Septembre noir », LesClésduMoyen-Orient , 20 octobre 2004, en ligne sur Septembre noir

26 « Fatah | West Bank, Peace Process, & Relations with Hamas », Britannica, last updated 4 décembre 2024, en ligne sur https://www.britannica.com/topic/Fatah

27 « Quand l’OLP proposait une Palestine pour tous », Midi de l’Iremmo, 22 novembre 2021, en ligne sur https://www.iremmo.org/Quand-l-OLP-proposait-une-Palestine-pour-tous

28 Op.cit.

29 MANSOUR Camille, « Le nationalisme palestinien en miroir du nationalisme israélien », dans Dimitri Nicoaïdis, Bernard Ravenel et Gilbert Wasserman (dir.), Lenationalismepalestinienenmiroirdunationalismeisraélien, pages 76-84, en ligne sur https://www.cairn.info/Le-nationalisme-palestinien-en-miroir-du-nationalisme-israelien

3. Evolutions géopolitiques et individualisation de la cause palestinienne

3.1. Septembre noir (1970)

Après 1967, l’OLP établit sa base en Jordanie, où les camps de réfugiés palestiniens deviennent un vivier pour la résistance armée. L’OLP privilégie l’action armée et lance des commandos contre Israël depuis la Jordanie, entraînant des ripostes israéliennes. Initialement tolérées, les actions contre Israël entraînent des représailles importantes et exacerbent les tensions avec le régime jordanien30. À partir de 1970, la montée en puissance de l’OLP est perçue comme une menace par le roi Hussein de Jordanie, déclenchant des restrictions et des affrontements croissants, notamment après des attentats et une tentative d’assassinat du roi. Ces événements marquent une radicalisation de la résistance palestinienne et une détérioration des relations avec le régime hachémite31

Le 17 septembre 1970, le roi Hussein ordonne une offensive militaire pour rétablir l'autorité de l'État. Ainsi éclate un conflit majeur entre l'armée jordanienne et les factions armées palestiniennes, principalement l’OLP, connu sous le nom de « Septembre Noir ». Les affrontements, particulièrement violents à Amman et dans le Nord du pays, causent des milliers de morts, principalement parmi les civils palestiniens. En juillet 1971, l'OLP est expulsée de Jordanie et transfère ses bases au Liban. Cet événement creuse un fossé profond entre le mouvement palestinien et certains États arabes, tout en intensifiant le conflit israélo-palestinien32

Les événements de 1970 entraînent la création d’une nouvelle branche du Fatah, baptisée « Septembre Noir ». Son acte inaugural est l’assassinat du Premier ministre jordanien Wasfi al-Tall le 28 novembre 1971. Cette organisation, centrée sur des actions de terrorisme international, est responsable d’environ quarante attentats à travers le monde, dont le massacre des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972. Sous la pression des États arabes, l’organisation est dissoute en 197333. La résistance palestinienne questionne ainsi l’idée de lutte armée comme seule voie de libération de la Palestine et s’oriente progressivement vers des actions politiques et diplomatiques34

3.2. De

la guerre du Kippour (1973) aux accords de Camp David (1978)

Le jour du Yom Kippour de 1973, fête religieuse en Israël, les armées syriennes et égyptiennes attaquent l’Etat hébreu dans le plateau du Golan et la péninsule du Sinaï, territoires occupés par Israël depuis 1967. Anouar el-Sadate, successeur de Nasser à la présidence égyptienne, ordonne la première offensive de cette guerre en lançant des attaques simultanées sur les deux fronts. L’objectif égyptien est de reprendre ces territoires perdus lors de la guerre de 1967. Cette guerre est profondément traumatique pour la société israélienne car elle est totalement prise par surprise. Néanmoins, en l’espace d’une semaine, l’armée israélienne entreprend des contre-offensives qui lui permettent de pénétrer en profondeur sur le territoire syrien et de traverser le canal de Suez pour progresser vers le sud et l'ouest en Égypte.

Les grandes puissances, tout en ayant soutenu les belligérants en leur fournissant du matériel militaire, étaient en réalité favorables à une cessation rapide des hostilités. Elles ont donc appuyé l’adoption, le 22 octobre 1973, de la résolution 338 du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution demandait un cessez-le-feu immédiat et l’ouverture de négociations pour parvenir à une paix durable au ProcheOrient. Elle réaffirmait également les principes de la résolution 242, adoptée après la guerre des Six

30 ROMEO Lisa, « Septembre noir », LesClésduMoyen-Orient , 20 octobre 2004, en ligne sur Septembre noir

31 Op.cit

32 Op.cit

33 Op.cit.

34 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 171

Jours, qui exigeait le retrait israélien des territoires occupés et la reconnaissance d’Israël comme État par les pays arabes35

La guerre s’est officiellement achevée le 26 octobre 1973, après que les deux parties acceptent de respecter le cessez-le-feu. Toutefois, Israël n’a pas immédiatement cessé ses actions militaires après l’accord, poussant le Conseil de sécurité à réitérer ses appels au respect du cessez-le-feu. Sous la pression américaine, Israël et l’Égypte ont entamé des négociations le 28 octobre 1973, qui ont abouti à un nouvel accord de cessez-le-feu le 11 novembre 1973.

En Israël, l'incapacité des services de renseignement à prévoir l'offensive a provoqué un bouleversement politique important, aboutissant notamment à la démission de la Première ministre Golda Meir. Sur le plan international, la guerre du Kippour a également engendré une conséquence majeure : la crise pétrolière de 1973. En signe de solidarité, les États arabes ont imposé un embargo pétrolier aux pays occidentaux, entraînant une hausse spectaculaire des prix du pétrole et une inflation préoccupante36

Les conséquences de la guerre de 1973 marquent le début d’un rapprochement historique entre l’Égypte et Israël, qui aboutira à la signature des accords de Camp David en 1978. Exclusivement conclus entre ces deux nations sous la médiation des États-Unis, ces accords représentent une avancée diplomatique majeure avec la normalisation des relations entre l’Égypte et Israël. En échange de la récupération de la péninsule du Sinaï, occupée par Israël depuis 1967, l’Égypte s’engage à ne plus attaquer Israël. Cette réouverture des frontières scelle un accord de paix historique, mais elle symbolise également un tournant dans les dynamiques régionales.

Les accords de Camp David marquent en effet un désengagement progressif de l’Égypte de la cause palestinienne, contribuant au déclin du nationalisme panarabe. Pour la première fois, l’unité du front arabe est publiquement rompue. En retirant son soutien direct au conflit contre Israël, l’Égypte, autrefois leader incontesté des nations arabes, ouvre la voie à un nouvel équilibre régional. Ce retrait affaiblit considérablement la position palestinienne et offre à Israël une marge de manœuvre accrue, notamment visible lors de l’invasion du Liban en juin 198237

3.3. L’évolution des revendications de l’OLP

La guerre du Kippour de 1973 a un impact significatif sur les revendications et la stratégie du mouvement palestinien. Bien que les Palestiniens n’aient pas participé directement à ce conflit, ses conséquences redéfinissent l’équilibre géopolitique et mettent en lumière le fait que des démarches diplomatiques, soutenues par des puissances internationales, peuvent jouer un rôle complémentaire à la lutte armée.

À partir de 1974, une nouvelle étape dans l'évolution de la solution à deux États se dessine, marquée par un tournant stratégique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le 9 juin 1974, le Conseil national palestinien adopte l’idée d’établir une autorité palestinienne surtoutepartielibéréedu territoire. L’OLP admet ainsi pour la première fois un objectif intermédiaire qui serait la fondation d’un État palestinien limité à la Cisjordanie et à Gaza, malgré l’opposition du « front du refus » dirigé par le FPLP38. Bien que cette approche n’entraîne pas une reconnaissance de jure de l’Etat d’Israël, elle suggère une coexistence implicite entre deux États. Ce changement reflète une volonté pragmatique de l’OLP de redéfinir ses objectifs dans un contexte international où la pression s’intensifie pour obtenir une reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens. La communauté internationale, en exerçant cette pression, encourage Yasser Arafat à reconnaître l’existence de l’État d’Israël, un acte qui sera officialisé plus tard. Cette logique sera souvent décrite comme « la terre contre la paix »39. La

35 « Histoire de la question de Palestine », Nations Unies, en ligne sur https://www.un.org/unispal/fr/history/

36 « 6 octobre 1973 : l'offensive surprise de l'Égypte et la Syrie contre Israël déclenchait la guerre du Kippour », INA, publié le 2 octobre 2013 et mis à jour le 7 octobre 2023, en ligne sur 6 octobre 1973 : l'offensive surprise de l'Égypte et la Syrie contre Israël déclenchait la guerre du Kippour | INA

37 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 173

38 LEGRAIN, Jean-François, « La Palestine : de la terre perdue à la reconquête du territoire », Vol 21-22, printemps-été 1996, en ligne sur https://doi.org/10.4000/conflits.261

39 Op.Cit.

situation reste cependant dans l'impasse : Israël, avec le soutien des États-Unis, refuse toute négociation avec ce qu’il qualifie d’« organisation terroriste ». Certains responsables israéliens vont jusqu’à nier l’existence d’un peuple palestinien, préférant envisager un accord avec le roi Hussein, basé sur la restitution partielle de la Cisjordanie en échange de la paix40

En octobre 1974, le VIIe sommet arabe de Rabat reconnait l’OLP comme le représentant légitime du peuple palestinien. Les États de la Ligue arabe reconnaissent ainsi l’affirmation réussie du nationalisme palestinien, qui a su s’imposer face aux revendications de tutelle de la Jordanie, particulièrement sur la Cisjordanie. Cette reconnaissance donne à l’OLP une légitimité accrue sur la scène internationale, renforçant sa position dans les forums diplomatiques et dans la lutte pour les droits des Palestiniens. Elle marque également un tournant symbolique en consolidant l’identité politique palestinienne distincte, jusque-là souvent perçue à travers le prisme des intérêts des États arabes voisins.

Au niveau international, le 13 novembre 1974, Yasser Arafat prononce son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Il y expose l’objectif de l’OLP : « Je vous invite à aider notre peupleàréintégrerlapatriedontilaétéexiléparlaforcedesarmes,parlatyrannieetparl’oppression, afinquenouspuissionsrecouvrernosbiens,notreterreetvivredansnotrepatrie,libresetsouverains, jouissant de tous les droits attachés à l’indépendance nationale. (…) Je fais appel à vous pour que vous mettiez notre peuple à même de s’établir sur sa propre terre en nation souveraine et indépendante »41. L’Assemblée générale des Nations Unies adopte ensuite le 22 novembre 1974 la résolution 3236 qui réaffirme les droits inaliénables du peuple palestinien à l’autodétermination, à l’indépendance, à la souveraineté et au retour42. L’OLP obtient le statut d’organisation observatrice à l’Assemblée générale de l’ONU par la résolution 3237 également votée le 22 novembre 1974 43. L’OLP n’est donc pas membre des Nations Unies à part entière ; l’organisation peut participer aux travaux, mais ne dispose pas du droit de vote. À noter que le statut d’Etat observateur des Nations Unies est accordé à la Palestine en 2012.

Ainsi, malgré son attachement initial à la lutte armée, l’OLP amorce un changement stratégique en intégrant des démarches diplomatiques, tout en conservant la résistance armée comme levier politique. Ce basculement, catalysé par des événements comme la guerre du Kippour et les évolutions régionales qui en découlent, reflète une prise de conscience progressive des limites d’une stratégie purement militaire et de libération totale de la Palestine historique. Cependant, cette transition reste source de divisions au sein du mouvement, entre les partisans d’un pragmatisme politique et ceux attachés à la cause initiale. Ces derniers ainsi que la pression internationale poussant Arafat à sans cesse nier tout objectif de destruction d’Israël dénature le projet démocratique originel. Ce processus, intensifié suite à la guerre de 1973, persistera durant les négociations ultérieures, reflétant l’influence extérieures sur l’évolution de sa stratégie politique44

40 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 172

41 « Question de la Palestine », 2282e séance plénière de l’Assemblée générale des Nations Unies, 29e session, le 13 novembre 1974, en ligne sur a238ec7a3e13eed18525624a007697ec_French.pdf

42 Résolutions 3236 et 3237, Assemblée générale des Nations Unies, en ligne sur ARES3236XXIX.pdf

43 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 171

44 « Quand l’OLP proposait une Palestine pour tous », Midi de l’Iremmo, 22 novembre 2021, en ligne sur https://www.iremmo.org/Quand-l-OLP-proposait-une-Palestine-pour-tous

4. De la proclamation d’indépendance palestinienne aux fractures internes du mouvement national (1982-2006)

4.1. De 1982 à 1988 : reconnaissance internationale

Le retrait de l’Égypte du conflit israélo-palestinien après les accords de Camp David a bouleversé l’équilibre régional. En se désengageant de la cause palestinienne, l’Égypte, le plus puissant des États arabes, a laissé le champ libre au gouvernement israélien, qui a profité de cette dynamique pour envahir le Liban en juin 1982. Cette invasion visait notamment à affaiblir l’OLP, alors installée à Beyrouth. Cependant, loin de réduire son influence, cette période marque une transformation stratégique majeure pour l’OLP, particulièrement dans les années suivantes.

Durant la seconde moitié des années 1980, l’OLP amorce un tournant significatif dans ses positions vis-à-vis d’Israël. En 1988, l’OLP proclame l’indépendance de la Palestine lors d’une session solennelle du Conseil national palestinien à Alger45. L’OLP estime que le plan de partage de la Palestine adopté par l'ONU en novembre 1947, qui prévoyait la création d’un État juif sur 55 % du territoire et d’un État arabe sur 45 %, confère une « légitimité internationale » au « droit du peuple palestinien à la souveraineté et à l’indépendance »46. Cependant, après la guerre des six jours, 78% du territoire est occupé par Israël. C’est donc sur les 22% restants que l’OLP envisage d’établir la Palestine. L’OLP fait pour la première fois référence à la résolution 242 des Nations unies, jusque-là rejetée, et limite son projet d’État aux frontières de 1967, incluant Gaza et la Cisjordanie. Ce choix, bien que pragmatique, illustre un compromis majeur, marquant un éloignement formel de l’idée d’une libération totale de la Palestine.

Quelques minutes après la proclamation de l’État de Palestine, l’Algérie en annonce la reconnaissance officielle. Dans la semaine qui suit, 40 pays, dont la Chine, l’Inde, la Turquie et la majorité des nations arabes, se rallient à cette reconnaissance. Peu après, presque tous les États du continent africain et ceux du bloc soviétique emboîtent le pas. Au cours des années 2010 et 2011, de nombreux pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine leur emboîtent le pas, affirmant ainsi leur prise de distance vis-à-vis des États-Unis, principal allié d’Israël sur la scène internationale 47

Ce tournant stratégique reflète la volonté de l’OLP de conjuguer revendications nationales et diplomatie internationale, tout en consolidant son statut de représentant légitime du peuple palestinien. Cette période marque une étape clé dans la quête de reconnaissance de la Palestine comme État souverain sur la scène mondiale.

4.2. L’émergence du Hamas (1987)

La proclamation d’indépendance de la Palestine en 1988 et l’évolution stratégique de l’OLP marquent une phase cruciale pour la cause palestinienne. Cependant, cette période est également marquée par l’émergence d’une nouvelle force politique et militaire, le Hamas, qui s’oppose aux stratégies diplomatiques et aux compromis incarnés par l’OLP. Le Hamas se positionne comme un acteur clé, bouleversant les dynamiques internes du mouvement palestinien tout en exacerbant les tensions avec Israël.

Fondé par le cheikh Ahmad Yacine dans le contexte de la première Intifada en 1987 (soulèvement populaire que nous détaillerons plus tard), le Hamas est un groupe terroriste islamiste palestinien issu des Frères musulmans. Avant 1987, les islamistes ne manifestaient pas d'ambition révolutionnaire

45 Annexe 3, “Declaration of independence”, Question of Palestine, 43e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, 18 novembre 1988, en ligne sur n8830256.pdf

46 FILIU, Jean-Pierre, « L’enjeu de la reconnaissance de la Palestine », Le Monde, 19 mai 2024, en ligne sur L’enjeu de la reconnaissance de la Palestine comme Etat

47 « Quels sont les pays qui reconnaissent l’Etat de Palestine », AFP, 28 mai 2024, Carte interactive. Quels sont les pays qui reconnaissent l'État de Palestine ?

explicite. Leur action se limitait à combler les lacunes de l'occupation militaire dans les domaines sociaux et de prédication48. Dans les camps de Gaza et de Cisjordanie, le Hamas a efficacement organisé l’assistance dépossédés. Ernest Gellner décrit cet islam comme une source de dignité pour ces masses déracinées49

Avec l’intensification de la première Intifada, le Hamas évolue rapidement en une organisation militarisée, prônant la lutte armée contre Israël. En opposition au processus de paix d’Oslo, il revendique alors la reconquête de toute la Palestine historique, y compris les territoires reconnus comme appartenant à l’État israélien. Parallèlement à son engagement militaire, le Hamas continue le développement d’un réseau social et humanitaire structuré, comprenant des écoles, des hôpitaux et des centres caritatifs, tout en soutenant les familles des combattants, renforçant ainsi son implantation dans les territoires palestiniens.

Le Hamas se distingue de l’OLP par sa dimension religieuse et sa vision idéologique. Il met l’accent sur la réislamisation de la société palestinienne et l’instauration de la charia. Politiquement, il se divise principalement en deux branches : une politique et une militaire. Sur le plan militaire, sa branche armée, les Brigades Ezzedine al-Qassam, se rend responsable d’attentats suicides et d’autres attaques intensifiées, notamment durant la seconde Intifada.

Le retrait israélien de Gaza en 2005 marque un tournant pour le Hamas, renforçant son pouvoir politique. En 2006, il remporte les élections législatives, sanctionnant le Fatah et l’Autorité palestinienne pour leur gestion du processus de paix. Cette victoire lui permet de former un gouvernement dirigé par Ismaël Haniyeh, mais entraîne rapidement une rupture avec le Fatah. Ces tensions culminent avec des affrontements internes violents, menant à la prise de contrôle totale de Gaza par le Hamas50

Sur le plan politique, le Hamas reste en opposition frontale avec Israël, refusant de reconnaître son existence. Cependant, depuis 2017, il reconnaît l’idée d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967, bien que cette position soit sujette à des nuances internes51. Cette reconnaissance partielle illustre une évolution stratégique, tout en maintenant une opposition radicale à toute normalisation avec Israël.

4.3. La charte « caduque » de Yasser Arafat (1989)

Le 2 mai 1989, lors d’une déclaration à Paris, Yasser Arafat, alors leader de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), pose un acte politique marquant en qualifiant de « caduque » l’article 19 de la charte nationale palestinienne. Cet article stipulait que « le partage de la Palestine et la création d’Israël n’ont aucune validité ». Ce geste, bien que symbolique, résonne comme une tentative d’ajuster le discours palestinien face aux exigences internationales et aux pressions diplomatiques croissantes52

Cette déclaration intervient dans un contexte où le président français François Mitterrand invite explicitement Arafat à clarifier les positions de l’OLP. Lors de leur rencontre, Mitterrand lui lance : « Votre charte, rejetant l’existence d’Israël, est une charte de combat. Et votre combat n’est pas terminé.Maispourquoinepasdirequelacharteseracaduquedansl’hypothèsedelapaix ?» Arafat, qui estime déjà avoir reconnu implicitement Israël lors du Conseil national palestinien à Alger en novembre 1988, choisit ses mots avec précaution. Plutôt que de parler d’abrogation, il opte pour le terme « caduque », permettant ainsi de concilier la réalité politique avec les attentes de l’opinion publique palestinienne53

En qualifiant de caduque la charte nationale adoptée en 1964 et révisée en 1968, Arafat amorce une évolution dans la rhétorique de l’OLP. Cette charte, longtemps perçue comme un « texte maudit » par

48 LEGRAIN, J., F., "Islamistes et lutte nationale palestinienne dans les territoires occupés par Israël", Revuefrançaisede sciencepolitique, volume 36, n° 2, avril 1986, p. 3227.

49 GELLNER, Ernest, “Up from imperialism”, TheNewRepublic, 22 mai 1989, p. 35.

50 CHAIGNE-OUDIN, Anne-Lucie, « Hama », Les clés du Moyen-Orient, le 9 mars 2010, en ligne sur Hamas

51Ahmad L. (alias), entretien du 12 décembre 2024 avec l’organisation Challenge qui défend le « Federal Forum Project »

52 TLEMCANI, Rachid, «Le Proche-Orient entre guerre et paix: l'O.L.P, les islamistes, Israël et l'accord Gaza -Jericho», Revue desMondesmusulmansetdelaMéditerranée, n° 68-69,1993/2-3, p. 125

53 LANGELLIER, Jean-Pierre, « Arafat et la charte "caduque" », LeMonde, 10 novembre 2009, en ligne sur Arafat et la charte "caduque"

Israël, comportait des articles appelant à « l’élimination de la présence sioniste et impérialiste » (articles 15 et 22) et considérant le plan de partage de 1947 comme illégal. Si ces positions avaient servi d’alibi à l’intransigeance de la droite israélienne, elles constituaient également un frein majeur aux négociations internationales.

Cependant, la stratégie d’Arafat va au-delà du simple toilettage rhétorique. En novembre 1988, l’OLP avait déjà accepté les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’ONU, reconnaissant ainsi implicitement Israël. Arafat avait proclamé un État palestinien sur une superficie bien inférieure à celle de la Palestine historique, marquant un tournant dans l’histoire du mouvement palestinien. En décembre 1988, lors d’une rencontre à Genève, il va encore plus loin en reconnaissant explicitement « le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité », tout en renonçant au terrorisme.

L’emploi du terme « caduque » à Paris s’inscrit dans cette continuité. Il s’agit d’une trouvaille diplomatique qui permet de présenter la charte comme étant tombée en désuétude, sans avoir à subir l’opposition interne que pourrait provoquer une abrogation formelle. Arafat réussit ainsi à donner des gages à la communauté internationale tout en ménageant l’opinion publique palestinienne. Pourtant, cette démarche révèle aussi les limites de son pouvoir : faire accepter à son peuple une transition historique où l’OLP abandonne définitivement certaines revendications.

En somme, cette déclaration de 1989 constitue une étape charnière dans l’évolution politique de l’OLP. Elle illustre l’art de la diplomatie d’Arafat, naviguant entre les attentes pressantes de la communauté internationale et les réticences profondes d’une grande partie de la population palestinienne.

5. Des échecs diplomatiques à la marginalisation de la cause palestinienne (1991-2023)

5.1. Les négociations de paix à partir de 1991

Les années 1991-1993 constituent une période de transition, marquée par une alternance entre négociations publiques (Madrid, Washington) et discussions secrètes (Oslo). Si les discussions officielles n’ont pas débouché sur des accords concrets, elles ont permis de poser les bases des accords d’Oslo en établissant un dialogue initial et en clarifiant les positions des parties. C’est cependant le canal clandestin d’Oslo qui a conduit aux résultats les plus substantiels. Attardons-nous sur ces accords.

À l’époque, l'épuisement des deux camps favorise l'amorce d'un dégel. En Israël, le ciment idéologique qui avait longtemps uni la société se fissure. Un mouvement hétéroclite en faveur de la paix émerge, tandis qu’une partie de la jeunesse conteste les trois années de service militaire obligatoire. Même parmi les réservistes, la lassitude se fait sentir : nombreux sont ceux qui aspirent à une vie normale, loin des obligations militaires répétées. Du côté palestinien, la première Intifada (le premier soulèvement populaire en 1987) et une résistance coûteuse laissent des traces profondes. Exténués, beaucoup espèrent avant tout la reconnaissance rapide de leurs droits sur la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza54 .

Après des négociations secrètes menées à Oslo entre représentants israéliens et palestiniens, parallèlement aux discussions publiques issues de la conférence de Madrid en 1991, les jalons d’un processus de rapprochement et de conciliation commencent à se dessiner. En septembre 1993, ces efforts aboutissent à la signature de la déclaration de principe des accords d’Oslo. Les accords d’Oslo s’articulent en trois étapes principales : 1) La déclaration de principes (13 septembre 1993) 2) Les accords de Jéricho-Gaza ou « Oslo I » (4 mai 1994) 3) Les accords de Taba ou « Oslo II » (28 septembre 1995) 55

54 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 189

55 « Accords d’Oslo », LeMondeDiplomatique, en ligne sur https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/accordsdoslo

Signée à Washington par Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, et Yasser Arafat, la déclaration de principes établit le cadre général des négociations. Elle prévoit une période intérimaire de cinq ans durant laquelle une Autorité palestinienne autonome serait mise en place en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les domaines de compétence transférés incluent l'éducation, la culture, la santé, les affaires sociales, la fiscalité directe et le tourisme. Les questions clés telles que Jérusalem, les réfugiés, les colonies, les arrangements de sécurité et les frontières devaient être abordées dans des négociations ultérieures sur le statut permanent56

Signés au Caire, les accords de Jéricho-Gaza ou Oslo I détaillent le retrait progressif des forces israéliennes de la bande de Gaza et de la région de Jéricho, transférant ainsi l'autorité sur ces zones à l'Autorité palestinienne. Ils définissent également les structures administratives et sécuritaires, y compris la création d'une force de police palestinienne pour maintenir l'ordre. Ces accords marquent le début de l'autonomie palestinienne sur des territoires spécifiques.

Après les accords d'Oslo I, un contexte tendu marque la reprise des négociations en janvier 1995. Ces tensions sont exacerbées par des attentats menés par le Hamas en octobre 1994, ainsi que par l’expansion des colonies autorisée par le gouvernement israélien, entraînant de nouveaux affrontements. Malgré la poursuite des attaques, qui touchent à la fois des civils et des militaires israéliens, le Premier ministre Yitzhak Rabin choisit de poursuivre les discussions. Les pourparlers se concentrent sur plusieurs sujets clés : les délimitations territoriales, l’organisation des élections palestiniennes et les aspects économiques. Cependant, en Israël, ces négociations suscitent une vive opposition, en particulier de la droite religieuse, qui rejette catégoriquement toute idée de partage du territoire considéré comme la terre d’Israël. Négociés à Taba, en Égypte, les accords « Oslo II » subdivisent finalement la Cisjordanie en trois zones distinctes : la zone A : Sous contrôle civil et sécuritaire total de l'Autorité palestinienne, la zone B : Contrôle civil palestinien et contrôle sécuritaire conjoint israélo-palestinien et la zone C : Sous contrôle total israélien, englobant les colonies israéliennes et les zones militaires. Cette répartition était conçue comme une étape transitoire vers un transfert accru de compétences aux Palestiniens, avec l'objectif de parvenir à un accord final sur le statut permanent. Sur le plan politique, les accords prévoient l’organisation d’élections démocratiques pour constituer un Conseil palestinien composé de 82 membres et présidé par un élu au suffrage universel. Ce Conseil disposera à la fois de pouvoirs législatifs et exécutifs. Sur le plan économique, les relations entre Israël et les Palestiniens, définies dans l’accord de Paris du 29 février 1994, sont reprises, bien que la question cruciale de l’accès à l’eau reste en suspens. Par ailleurs, l’OLP s’engage à modifier sa charte en supprimant les articles appelant à la destruction d’Israël. Cet engagement inclut une obligation formelle : le Conseil national palestinien devra approuver ces modifications dans un délai de deux mois après l’installation du Conseil palestinien. Enfin, les négociations sur le statut final des territoires sont programmées pour commencer au plus tard le 5 mai 1996, marquant ainsi une étape cruciale dans la poursuite du processus de paix57

Le problème de ces accords, c’est ce qu’ils ne disent pas. Les questions les plus épineuses, telles que les frontières, le statut de Jérusalem, le sort des réfugiés, celui des colonies restent non résolues et doivent être abordées dans le cadre de négociations sur un accord permanent, prévues pour débuter dès la troisième année de l’autonomie. La reconnaissance mutuelle, scellée par un échange de lettres entre Yasser Arafat et Itzhak Rabin, est asymétrique. L’OLP reconnait l’État d’Israël, tandis qu’Israël se limite à reconnaître l’OLP en tant que représentant du peuple palestinien, sans aller jusqu’à reconnaître un État palestinien58. Le droit des Palestiniens à disposer d’un Etat n’est pas évoqué. Alors que l’OLP avait accepté dès 1988 l’idée d’un État palestinien limité aux frontières de 1967 et était allée jusqu’à reconnaître l’État d’Israël, l’Etat hébreu persistait à n’accorder qu’une reconnaissance partielle, admettant la légitimité de son interlocuteur sans répondre à ses aspirations étatiques.

Selon Yair Hirschfeld, Yitzhak Rabin était l’un des dirigeants israéliens les plus proches d’une position favorable à une « solution à deux États », mais il évite à l’époque d’afficher un soutien explicite à cette solution. Dans un discours à la Knesset en octobre 1995, il exprime ses réserves sur la création d’un État palestinien indépendant. Il envisage plutôt une confédération jordano-palestinienne. Il affirme que le Jourdain doit rester la frontière de sécurité d’Israël, que les blocs de colonies doivent être annexés

56« Accords d’Oslo 1993 » , DigithèqueMLP, en ligne sur Israël Palestine, Accords d'Oslo, 1993, Digithèque MJP

57 CHAIGNE-OUDIN, Anne-Lucie, « Oslo II ou accords de Taba », Les clés du Moyen-Orient, le 5 octobre 2010, en ligne sur Oslo II ou accords de Taba

58 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 190-191

à Israël et que d'autres colonies peuvent rester à leur emplacement actuel. Il rejette également un retour aux lignes d’armistice du 4 juin 1967 et réitère l’importance de maintenir l’unité de Jérusalem59

Au sein des populations israélienne et palestinienne, de nombreux groupes rejettent toute forme de compromis. Le Hamas organise des attentats destinés à faire échouer les accords d’Oslo et la droite israélienne traite le Premier ministre de traitre. Le 25 février 1994, le massacre de la mosquée d’Hébron, au cours duquel 29 Palestiniens sont tués par Baruch Goldstein, un colon extrémiste, constitue un tournant tragique dans la détérioration de la situation. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre israélien, Itzhak Rabin, est assassiné par un extrémiste juif, marquant une nouvelle escalade dramatique dans le conflit60. Cet événement va signer la mort des accords d’Oslo. Les questions en suspens ne seront jamais réglées, la colonisation s’est poursuivie et le plan de partage n’a jamais été mis en place. Benyamin Nétanyahou arrive au pouvoir en Israël en 1996 et voit même les accords d’Oslo comme une violation du droit historique du peuple juif sur la terre d’Israël.

En juillet 2000, le président américain Bill Clinton a réuni le Premier ministre israélien Ehud Barak et le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat à Camp David, dans le but de négocier un accord de paix définitif. Malgré des discussions intensives, les parties n'ont pas réussi à surmonter leurs divergences sur des questions clés telles que le statut de Jérusalem, les frontières et le droit au retour des réfugiés palestiniens. Cet échec a été suivi, en septembre 2000, par le déclenchement de la seconde Intifada, marquant une escalade significative du conflit israélo-palestinien. En septembre 2000, Ariel Sharon, alors chef du Likoud, visite l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem, un acte perçu comme une provocation par les Palestiniens. Dès le lendemain, la seconde Intifada éclate, marquée par une escalade de violences. Cette révolte, initialement spontanée, se structure rapidement autour de groupes armés tels que le Hamas, le Djihad islamique, les Brigades al-Aqsa et le Fatah, et est sévèrement réprimée par l’armée israélienne. En février 2001, Ariel Sharon devient Premier ministre et adopte une politique encore plus dure. Il accuse la résistance palestinienne de viser l’anéantissement d’Israël et s’attaque directement à l’Autorité palestinienne, souvent en ciblant ses infrastructures. Alors que la violence atteint son paroxysme, l’ONU et la Ligue des États arabes tentent de trouver des solutions pour apaiser la crise61

En mars 2002, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1397, mentionnant pour la première fois l’idée d’un État palestinien. Peu après, le sommet de la Ligue arabe se tient à Beyrouth les 27 et 28 mars 2002, bien que des dirigeants clés, comme Yasser Arafat, n’y participent pas. Lors de ce sommet, les membres de la Ligue adoptent à l’unanimité l’Initiative de paix arabe, inspirée par le prince héritier saoudien Abdallah62. Ce plan propose à Israël un retrait complet des territoires occupés en 1967, la reconnaissance d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, et une solution juste pour les réfugiés, conformément à la résolution 194 de l’ONU. En échange, les pays arabes s’engagent à normaliser leurs relations avec Israël. Cependant, cette proposition est immédiatement rejetée par Ariel Sharon, qui refuse de revenir aux frontières de 1967 pour des raisons de sécurité et qualifie le plan de stratégie voilée visant à affaiblir Israël. Le 28 mars 2002, un attentat-suicide revendiqué par le Hamas frappe un hôtel lors de la célébration de la Pâque juive, tuant 29 civils israéliens. En réponse, Israël lance l’opération « Rempart » le 29 mars, visant à réoccuper la Cisjordanie. Les combats reprennent, mettant un terme aux espoirs d’avancée dans le processus de paix63

Cette période coïncide avec l’élection de George W. Bush, qui désigna Ariel Sharon comme « a man of peace ». Sous l'administration de George W. Bush, la gestion du conflit israélo-palestinien oscille entre désengagement initial et interventions stratégiques limitées. Pendant son premier mandat, Bush et son administration se montrent réticents à investir dans un conflit qu'ils jugent secondaire face aux

59 HIRSCHFELD, Yair, “Creating the enabling conditions for reaching an Israel-Palestine Two-State Solution” in “Developing an Israeli Grand Strategy toward a Peaceful Two-State Solution, S. Daniel Abragam Center for Strategic Dialogue & Friedrich Ebert Stiftung, octobre 2016, p.9, en ligne sur 13113.pdf

60 GRESH, Alain, « Israël-Palestine : vérités sur un conflit », édition actualisée après le 7 octobre 2023, Edition Pluriel, page 199

61 ROMEO, Lisa, « Il y a 10 ans : l’initiative de paix de la Ligue des Etats arabes », LesclésduMoyen-Orient , 5 mars 2012, en ligne sur Il y a 10 ans : l’initiative de paix de la Ligue des Etats arabes (mars 2002)

62 HIRSCHFELD, Yair, “Creating the enabling conditions for reaching an Israel-Palestine Two-State Solution” in “Developing an Israeli Grand Strategy toward a Peaceful Two-State Solution, S. Daniel Abragam Center for Strategic Dialogue & Friedrich Ebert Stiftung, octobre 2016, p.10, en ligne sur 13113.pdf

63 Op.cit

enjeux mondiaux, notamment après le 11 septembre 200164. En juin 2002, sous la pression internationale et arabe, le président américain exprime son soutien à la solution à deux États dans son discours prononcé dans le Rose Garden de la Maison-Blanche. Il déclare : « Ma vision est celle de deuxÉtatsvivantcôteàcôte,enpaixetensécurité...Ilestimpossibled’atteindrecettepaixtantque toutes les parties ne combattent pas le terrorisme. Lorsque le peuple palestinien disposera de nouveaux dirigeants, de nouvelles institutions et de nouvelles dispositions sécuritaires avec ses voisins,lesÉtats-Unisd’Amériquesoutiendrontlacréationd’unÉtatpalestiniendontlesfrontièreset certains aspects de la souveraineté seront provisoires, jusqu’à ce qu’un règlement final au MoyenOrient soit trouvé »65 La vision exprimée par le Président américain de l’époque reflète une constante parmi les pays qui plaident pour la solution à deux Etats mais qui n’ont pas encore reconnu l’Etat de Palestine. Ces derniers conditionnent la reconnaissance de l’Etat au succès des négociations de paix, à l’émergence de nouveaux interlocuteurs palestiniens et la création d’institutions étatiques viables. L'administration américaine de l’époque adopte une position qui conditionne la paix à une transformation de la direction palestinienne, ce qui conduit à des élections démocratiques en 2006, mais débouche sur la victoire du Hamas, exacerbant les tensions. Du côté palestinien, des États arabes et d’autres Etats notamment européens ayant récemment reconnu la Palestine, la reconnaissance de l’Etat palestinien est considérée, au contraire, comme le point de départ vers une solution de paix et non le point d’arrivée. Il s’agit de négocier sur un pied d’égalité les différentes conditions d’un accord pour une solution de paix.

L’invasion de l’Irak en 2003, l’implication prolongée des États-Unis dans le Golfe, ainsi que leur intervention en Afghanistan, renforcent la position stratégique d’Israël en tant qu’allié clé. Entre 2001 et 2010, Israël bénéficie d'une liberté d’action quasi totale dans son affrontement avec les Palestiniens.

En juillet 2013, après une interruption de près de trois ans, des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens ont repris, grâce aux efforts du secrétaire d'État américain John Kerry. Les pourparlers ont débuté à Washington, avec pour objectif de parvenir à un accord de paix global en neuf mois. Les négociateurs principaux étaient Tzipi Livni pour Israël et Saeb Erekat pour l'Autorité palestinienne. Malgré des discussions intensives, les négociations ont échoué en avril 2014, sans aboutir à un accord final. Les principaux obstacles comprenaient la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que des divergences sur des questions clés telles que les frontières, le statut de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés palestiniens. Depuis l'échec de ces pourparlers, aucune négociation directe significative n'a eu lieu entre les deux parties, et le processus de paix reste dans l'impasse.

Signés en 2020 sous l’égide des États-Unis, les Accords d’Abraham marquent une avancée diplomatique majeure entre Israël et plusieurs pays arabes, dont les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Ces accords visent à normaliser les relations entre Israël et ses voisins arabes, en contournant la question palestinienne. Si ces traités apportent une stabilité régionale relative et renforcent les alliances économiques et sécuritaires, ils accentuent également l’isolement des Palestiniens sur la scène internationale. Pour les dirigeants palestiniens, ces accords représentent une trahison des principes de solidarité arabe. En contournant la résolution du conflit israélo-palestinien, ils sapent les fondements de l’initiative de paix arabe de 2002, qui conditionnait la normalisation avec Israël à la création d’un État palestinien. En conséquence, les Accords d’Abraham, loin de favoriser une solution durable, contribuent à figer le statu quo en marginalisant davantage la cause palestinienne.

Rachid Tlemcani le pointait déjà en 1993 : « les principaux points de litige sur lesquels un conflit meurtrier inter-palestinien ou une déflagration sociale générale risque d’éclater au grand jour dans les territoires occupés sont : le droit de retour des Palestiniens expulsés de leur terre par vagues successives depuis 1948, la question du statut de Jérusalem et les implantations de colonies juives »66

64 COPPOLANI, Antoine (2010) . Les années Bush et le conflit israélo-palestinien : un bilan. Politiqueétrangère, Printemps(1), pages 193-204. https://doi.org/10.3917/pe.101.0193.

65 Traduction libre, “President Bush calls for new Palestinian leadership”, White House Archives, 24 juin 2002, en ligne sur President Bush Calls for New Palestinian Leadership

66 TLEMCANI, Rachid, «Le Proche-Orient entre guerre et paix: l'O.L.P, les islamistes, Israël et l'accord Gaza -Jericho», Revue desMondesmusulmansetdelaMéditerranée, n° 68-69,1993/2-3, p. 125

5.2. Des échecs successifs au 7 octobre 2023

Le 7 octobre 2023 marque un tournant tragique et profondément perturbateur dans le conflit israélopalestinien. Le groupe terroriste Hamas a mené depuis Gaza une attaque coordonnée d’une ampleur inédite, frappant plusieurs localités israéliennes, massacrant plus de 1 200 civils israéliens et prenant plus de 200 otages En retour, le siège de Gaza, les déplacements forcés de population et les attaques militaires systématiques et indiscriminées du gouvernement israélien ont causé un nombre de victimes civiles palestiniennes sans précédent et font courir un risque de génocide dans la bande de Gaza, comme l’a indiqué la Cour internationale de Justice dans son ordonnance du 26 janvier 2024. Le 21 novembre 2024, la Cour Pénale Internationale a émis des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou (l’actuel Premier ministre israélien), Yoav Gallant (le ministre de la Défense israélien limogé en novembre 2024) et Mohammed Deif (le commandant du Hamas) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés dans la bande de Gaza.

Le climat de peur et de méfiance mutuelles est dès lors profondément renforcé. Pour la population israélienne, ces attaques exacerbent le sentiment d’insécurité et renforcent l’idée que les Palestiniens représentent une menace existentielle. Ce traumatisme profond alimente les positions politiques les plus intransigeantes et complique davantage tout soutien à une solution à deux États. Du côté palestinien, les souffrances sont incommensurables. Les frappes indiscriminées de l’armée israélienne sur Gaza, déjà sous blocus depuis des années, ont ravagé les infrastructures civiles, détruisant écoles, hôpitaux, habitations et réseaux essentiels, plongeant la population dans une situation humanitaire désespérée. Ce cycle de violence alimente un ressentiment durable, rendant la réconciliation entre les deux peuples de plus en plus difficile.

En réalité, ces événements marquent un nouvel échec pour la perspective d’une solution de paix à deux États. Les traumatismes psychologiques des deux côtés, la polarisation accrue des opinions publiques et l’incapacité des acteurs politiques à engager un dialogue crédible éloignent davantage toute possibilité de coexistence pacifique. La communauté internationale, bien qu’appelant à la désescalade, semble incapable de proposer des solutions viables à un conflit dont la dynamique devient chaque jour plus complexe. Le conflit a également enclenché une escalade régionale dangereuse, incluant des acteurs tels que le Hezbollah au Liban, le clan al-Assad en Syrie (désormais réfugié en Russie), le régime iranien ou encore les Houthis au Yémen Le conflit actuel à Gaza constitue non seulement une tragédie humaine sans précédent, mais aussi une fracture politique, régionale et sociale qui compromet encore davantage l’espoir d’une paix durable fondée sur la coexistence de deux États.

Conclusion

La solution à deux États et la reconnaissance de l’État de Palestine sont deux concepts étroitement liés, mais fondamentalement distincts, qui traversent toute l’histoire contemporaine du conflit israélopalestinien. Ce texte a retracé les origines et les évolutions de ces idées, en revenant sur les moments historiques marquants, depuis le mandat britannique et le plan de partage de 1947, jusqu’à l’échec des Accords d’Oslo et des négociations ultérieures. Ces étapes historiques mettent en lumière les rapports de force et les dynamiques politiques qui façonnent encore aujourd’hui les blocages structurels du conflit.

Les échecs répétés des négociations trouvent leurs racines dans des questions fondamentales qui restent irrésolues. Le droit au retour des réfugiés palestiniens, le statut de Jérusalem, la question des colonies israéliennes forment un socle d’enjeux complexes qui, bien que centraux, n’ont jamais été résolus de manière cohérente. Les Accords d’Oslo, en ne réglant que partiellement ces problématiques, ont laissé ces tensions de persister, exacerbant les divisions idéologiques et politiques des deux côtés. À cela s’ajoute une fragmentation interne au sein du mouvement palestinien, notamment entre le Fatah et le Hamas, qui complique encore l’émergence d’une vision commune, à la fois sur le plan interne et dans les négociations internationales.

L’analyse a également montré que l’idée de la solution à deux États, bien qu’inscrite dans le débat depuis le plan de partage de 1947, a toujours été influencée par les rapports de force régionaux et internationaux. Des événements majeurs comme la guerre des Six Jours de 1967, les Intifadas ou encore l’Initiative de paix arabe de 2002 ont illustré les tensions entre pragmatisme politique et revendications historiques. Ces moments de bascule ont également révélé que l’absence de reconnaissance formelle de la Palestine par certains acteurs influents, comme les États-Unis, des membres clés de l’Union européenne et l’Etat hébreu lui-même, continue de perpétuer une asymétrie structurelle entre Israël et la Palestine. Cette asymétrie empêche l’établissement de bases équitables pour des négociations et contribue à renforcer les déséquilibres au détriment de la partie palestinienne.

Les paramètres précis d’une solution à deux États, ainsi que les contours d’une paix durable, restent avant tout une responsabilité des Palestiniens et des Israéliens. Ils doivent être définis par ces deux peuples, dans un cadre de négociations directes, appuyées par des garanties internationales. Délimiter ces paramètres ou prévoir une forme concrète de coexistence dépasse le cadre de cette étude. Ce sont des questions qui mériteraient une analyse approfondie dans une réflexion future.

Aujourd’hui, si 146 États membres de l’ONU reconnaissent la Palestine, de nombreux pays, notamment occidentaux, conditionnent encore cette reconnaissance au succès de la solution de paix à deux États. Or, reconnaître la Palestine ne signifie pas imposer des frontières ou un gouvernement Cette posture, incohérente sur le plan du droit international, freine les perspectives de paix en privant les Palestiniens de leur pleine légitimité sur la scène diplomatique. La reconnaissance de l’Etat de Palestine doit être perçue comme un acte unilatéral de justice et de droit, préalable indispensable à l’établissement d’un processus de paix véritablement équilibré. A travers l’analyse des événements historiques majeurs ayant façonné les revendications palestiniennes et israéliennes, il apparait que cette reconnaissance constitue une étape indispensable pour offrir une véritable chance à la solution à deux États La déconnexion de la reconnaissance de la Palestine de la solution de paix dans le cadre diplomatique est essentielle pour ouvrir de nouvelles perspectives. En refusant de conditionner cette légitimation à la réussite d’un accord de paix, la communauté internationale et l’Etat d’Israël feraient un pas essentiel vers des négociations sur un pied d’égalité

En conclusion, l’assimilation entre reconnaissance de la Palestine et solution à deux États reste un obstacle majeur dans le processus de paix. La reconnaissance de l’État de Palestine, bien qu’elle ne résolve pas en elle-même toutes les questions du conflit, constitue néanmoins un préalable essentiel pour établir une base de légitimité internationale indispensable à des négociations de paix. En permettant à la Palestine de disposer du statut d'État souverain, cette reconnaissance lui offrirait le fondement juridique et politique nécessaire pour s'engager sur un pied d'égalité dans les négociations avec Israël, un facteur essentiel pour surmonter les asymétries structurelles qui perdurent aujourd’hui. Il convient cependant de souligner que la reconnaissance de la Palestine, bien qu'indispensable pour rétablir un équilibre de pouvoir, ne résout pas en soi les différends de fond qui divisent les deux parties.

Des questions cruciales comme le statut de Jérusalem, les frontières définissant les deux États, le sort des réfugiés palestiniens, et les garanties de sécurité pour Israël demeurent des défis majeurs qui nécessitent un compromis complexe et difficile. Par conséquent, la reconnaissance de la Palestine ne doit pas être perçue comme la solution unique au conflit, mais plutôt comme un levier fondamental pour amorcer un processus de négociation équitable et crédible. Ces questions reflètent les complexités géopolitiques et diplomatiques du conflit israélo-palestinien, mais elles offrent aussi une opportunité pour les acteurs internationaux de repenser leurs stratégies et de renouveler leur engagement envers une paix durable.

Bibliographie

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