

SOMMAIRE
1. Introduction 1
2. Est-ce que l’évolution du déficit de 2013 à 2023 est expliquée par l’évolution des dépenses ? 2
3. Quel déficit sous les Gouvernements des droites et quelles évolutions prévues en recettes et en dépenses ? 3
4. Est-ce que la situation est problématique ? 5 5. Conclusion 7
Biographie de l’auteur Cédric Norré est conseiller à l’Institut Emile Vandervelde.
1. Introduction
Durant la campagne électorale, tous les partis ont promis d’améliorer la situation budgétaire du pays Cette promesse se trouve aussi en bonne place dans l’accord de gouvernement Arizona (rassemblant la N-VA, le MR, Les Engagés, Vooruit et le CD&V).
L’accord de gouvernement précise d’ailleurs : «Àpolitiqueinchangée,ledéficitbudgétairebelge risquededevenirleplusimportantd’Europe.Inverserstructurellementcettetendancenéfasteserala première et la plus importante tâche de notre gouvernement [ ] il s’agira de l’assainissement budgétaireleplusdifficiledenotrehistoiremoderne »
Le gouvernement Arizona reprenait l’objectif budgétaire suivant : «Leprochaingouvernementapour objectif de renverser la détérioration dramatique à politique inchangée, et de réduire le déficit budgétairesousleseuileuropéende3%d’ici2030pourl’entitéI »1
Dès la mise en place du gouvernement Arizona, le déficit budgétaire important a servi de justification à toutes les politiques d’austérité décidées par la nouvelle majorité
Prenant prétexte de ce déficit, tous les partis du gouvernement défendent la nécessité de réaliser davantage d’économies dans les dépenses, en particulier dans la sécurité sociale. Pour atteindre ses objectifs budgétaires, le gouvernement Arizona a ains prévu dans sa trajectoire budgétaire presque 27 milliards d’économies sur les pensions, la santé, l’enveloppe bien-être et la santé.
Le vice-Premier ministre MR, David Clarinval, déclarait d’ailleurs : «Ledérapagebudgétairesesitue surtoutdanslesdépensesliéesauxpensionsetauxsoinsdesanté»2
La présente analyse a pour but d’objectiver le débat et d’analyser les origines des déficits sur la base des questions suivantes :
• Est-ce que l’évolution du déficit de 2013 à 2023 est expliquée par l’évolution des dépenses ?
• Quel déficit sous les gouvernements des droites et quelles évolutions prévues en recettes et en dépenses ?
1 Accord de coalition fédérale. 2025-2029, Introduction, disponible sur le site internet Belgium.be à l’adresse https://www.belgium.be/sites/default/files/resources/publication/files/Accord_gouvernemental-Bart_De_Wever_fr.pdf
2 « Le dérapage budgétaire se situe surtout dans les dépenses liées aux pensions et aux soins de santé », article disponible sur le site de la Libre Belgique à l’adresse https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2025/09/22/david-clarinval-mr-lederapage-budgetaire-se-situe-surtout-dans-les-depenses-liees-aux-pensions-et-aux-soins-de-sante6RP5TNGITJCFFGPNQLTLUWEZPY/ dernière consultation le 28 septembre 2025.
2. L’évolution du déficit de 2013 à 2023 s’explique-telle par l’évolution des dépenses ?
Le déficit se crée lorsque les recettes de l’État ne permettent plus d’assurer les dépenses.
Sur le graphique suivant, nous avons repris les dépenses de l’État en rouge et ses recettes en bleu.
Recettes/dépenses
Quelquesélémentsdelecture?
Dépenses Recettes
Source : BNB
Ø Lorsque la courbe rouge est au-dessus de la courbe bleue, un déficit se crée Dans le cas inverse, le budget est en équilibre.
Ø Au plus l’écart entre les deux courbes est grand, au plus le déficit est important.
Quelsenseignementspeut-on en tirer ?
Ø Depuis dix ans, aucun budget n’est à l’équilibre.
Durant cette période, le PS n’a été au gouvernement que pendant trois ans.
À titre de comparaison, le MR était au gouvernement sans discontinuer et la N-VA a été au gouvernement pendant quatre ans.
Durant cette période, les ministres du Budget étaient tous libéraux :Olivier Chastel (MR), Hervé Jamar (MR), Sophie Wilmès (MR), David Clarinval (MR), Eva De Bleeker (VLD) et Alexia Bertrand (VLD-MR).
Ø En dix ans, les dépenses de l’État ont diminué et aucun budget n’a été à l’équilibre.
Alors que les dépenses représentaient 55,9 % du PIB en 2013, elles ne représentaient plus que 53,3 % en 2023.
Les dépenses ont donc diminué de 2,6 points de pourcentage du PIB. En euros, cela représente environ 15,5 milliards en moins.3
On note certes un pic durant les années 2020 et 2021 du fait des crises successives (Covid-19, guerre en Ukraine, inondations ) mais il n’a pas eu d’impact structurel. Les dépenses ont rapidement retrouvé leur niveau d’avant-crises puisque le niveau de dépense de 2022 est similaire à celui de 2018.
3 Le PIB belge était de 596.20 milliards € 45 47 49 51 53 55 57 59 61
Contrairement à ce que l’on entend souvent, il n’y a donc pas de dérapage lié aux dépenses, que ce soit dans les dépenses de sécurité sociale ou les autres dépenses de l’État.
Ø Cependant, en dix ans, les recettes de l’ État ont davantage diminué.
Alors que les recettes représentaient 52,7 % du PIB en 2013, elles ne représentaient plus que 49,1 % en 2023.
Les recettes ont donc diminué de 3,6 % points de pourcentage En euros, cela représente environ 21,46 milliards en moins.
On voit bien que le niveau de recettes est en baisse constante depuis 2014 notamment en raison du tax shift opéré par le gouvernement MR/N-VA qui a sorti ses pleins effets en 2019.
Ø Le déficit est donc dû à une baisse des recettes.
Les recettes diminuent plus vite que la baisse des dépenses. Si l’ on avait maintenu le niveau de recettes de 2013, le budget serait équilibré Toutes choses étant égales par ailleurs, le budget aurait ainsi affiché un boni pour l’année 2022 et un léger déficit en 2023.
Le déficit ne s’explique donc pas par l’évolution des dépenses mais bien par la baisse des recettes.
3. Quel déficit
sous les
gouvernements
des droites
et quelles évolutions prévues en recettes et en dépenses ?
a. L’évolution du déficit sous l’effet des gouvernements des droites :
Des institutions indépendantes (Cour des comptes, Bureau fédéral du Plan et Comité de monitoring) ont réalisé des projections sur la base des mesures inscrites dans l’accord de gouvernement Arizona.
Sur la base de ces projections, force est de constater que ce gouvernement n’atteindra pas ses objectifs budgétaires.
Le rapport du Comité de monitoring de septembre 2025 prévoit l’évolution suivante pour le déficit à l’horizon 2030 pour l’entité 1 4 :
4 Rapport du Comité de monitoring, disponible sur le site de BOSA à l’adresse, https://bosa.belgium.be/sites/default/files/content/documents/250922%20Rapport%20Comit%C3%A9%20de%20monitoring.p df, dernière consultation le 28 septembre 2025.
Déficit en % du PIB pour l'entité 1
Que peut-on constater ?
• Le déficit en 2030 double par rapport à 2024 ;
• Le déficit en 2030 s’élève à près de 6 % de PIB, loin de l’objectif de -3 % annoncé par le gouvernement Arizona.
Pour l’ensemble de la Belgique, sous l’effet des gouvernements des droites, le déficit projeté est encore plus important et s’élèverait à 6,5 % du PIB
Déficit % PIB pour l'ensemble de la Belgique
Source : BFP
b. Qu’est - ce qui explique cette évolution du déficit entre 2024 et 2030 ?
Si l’on regarde les perspectives du Bureau fédéral du plan de juin 2025, on constate que les dépenses devraient rester relativement stables. On passerait de 54,5 % à 55 % du PIB.
Malgré les économies réalisées dans les pensions, sur le marché du travail et en santé par le gouvernement Arizona, les augmentations de dépenses en défense (34 milliards) maintiennent les dépenses à un niveau stable en pourcentage du PIB.
En revanche, les recettes continueront à se réduire, passant de 50,3% à 48,5 % du PIB de 2025 à 2030 pour l’ensemble de la Belgique (soit plus de 11 milliards de recettes en moins).
Recettes/dépenses en Belgique (en %du PIB)
Dépenses Recettes
Source : BFP
4. Cette situation est-elle problématique ?
Pour combler le déficit public, l’État doit emprunter et s’endette.
Une dette publique maîtrisée n’est pas mauvaise en soi. Il peut même s’agir d’un instrument qui permet aux États de jouer un rôle crucial dans la création de richesses et d’investir pour générer des revenus durables et soutenir l’économie.
Néanmoins, la dette doit impérativement rester maîtrisée, surtout dans le contexte actuel d’incertitude et d’augmentation des taux d’intérêts.
Taux moyens pondérés
6,00 %
4,00 %
2,00 %
0,00 %
Source : Agence Fédérale de la Dette - 6,5%
Même s’ils ne doivent pas être sacralisés, les critères du Pacte de croissance et de stabilité européen fixent un ratio (plafond) maximum de 60 % de dette sur PIB et un déficit maximal de 3 % du PIB. Les perspectives du Bureau fédéral du Plan prévoient que le déficit entraînera une dette de 120,8 % du PIB en 2030 soit deux fois la norme européenne.
Evolution de la dette publique (en % du PIB)
Source : BFP
Les partis composant le gouvernement Arizona se sont engagées à appliquer les règles budgétaires européennes Le dépassement des seuils fixés exposent donc la Belgique à des mesures encore plus drastiques que celles prévues par l’Arizona.
Par ailleurs, des déficits et des dettes importants, comme ceux attendus à la suite des mesures prises par la gouvernement De Wever, génèrent des emprunts et donc des charges d’intérêts.
Les intérêts payés, ce sont des moyens qui ne peuvent pas être consacrés aux investissements et aux politiques mises en œuvre au profit des citoyens.
L’explosion du taux d’endettement provoqué par le gouvernement Arizona et l’augmentation des taux d’intérêts risquent de faire déraper la dette. En effet, les prévisions indiquent que la dette progressera plus vite que le PIB.
Cela risque d’entraîner des conséquences dramatiques pour les citoyens car cela priverait l’État belge de sa capacité d’investir et de soutenir les citoyens
5. Conclusion
Depuis 2013, les déficits publics s’expliquent par une baisse des recettes et non par une augmentation des dépenses Les dépenses ont en effet diminué de 2,6 % du PIB (environ 15,5 milliards EUR en moins). Dans le même temps, les recettes ont diminué de 3,6 % du PIB (environ 21,46 milliards EUR en moins).
Lors de la période 2014 à 2019, le mouvement a été significatif avec une baisse des recettes de 2,5 % de PIB.
Le gouvernement De Wever va renforcer cette spirale négative, en sabrant dans la sécurité sociale au bénéfice de la défense, et en diminuant les recettes.
En effet :
• Les dépenses seront stables en fonction des projections ;
• Les recettes sont envisagées à la baisse, passant de 50 % à 48,5 % du PIB pour l’ensemble de la Belgique (soit plus de 11 milliards de recettes en moins) ;
• Ce qui signifie que le déficit en 2030 sera porté à 6,5 %.
Les chiffres le montrent donc clairement : les politiques de droite n’ont pas pour ambition d’améliorer la situation budgétaire et les conditions de vie de tous et toutes.
Elles mènent en revanche à l’affaiblissement de l’État, des services publics et de la sécurité sociale. C’est un choix idéologique.
La stratégie consiste à limiter les recettes de l’État afin de creuser les déficits et ainsi créer une crise des finances afin de justifier de nouvelles politiques d’austérité.
Depuis des décennies, la droite impose un récit dogmatique : celui de l’austérité présentée comme une fatalité. Ce mythe, hérité de Thatcher et popularisé sous l’acronyme Tina There Is No Aternative sert un objectif clair : protéger les plus fortunés, affaiblir l’État, et démanteler les conquêtes sociales arrachées de haute lutte par les partis qui défendent les travailleurs, la redistribution de la richesse produite. En focalisant obsessionnellement le débat public sur les dépenses, la droite détourne l’attention des vrais enjeux : la justice fiscale, la redistribution, la solidarité. Ce n’est pas une nécessité économique, c’est un choix politique. Et il est temps de le nommer comme tel.
Il est d’ailleurs piquant de constater que, sur les derniers ministres du Budget qui ont géré les dépenses, six sont libéraux et un démocrate-chrétien
Aux finances, là où se gèrent les recettes, depuis 30 ans, il n’y a également eu que des ministres libéraux, N-VA ou démocrate-chrétiens
En réalité, des alternatives sont possibles comme le démontrent l’Espagne et le Portugal.