Le droit de vote des personnes en situation de handicap mental ou psychique-2020

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ETAT DE LA QUESTION

LE DROIT DE VOTE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

MENTAL OU PSYCHIQUE

Benoît Anciaux

ER Florence Lepoivre13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles JUIN 2020
SOMMAIRE 1. Introduction 3 2. La loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine 3 2.1. La protection extra-judiciaire 4 2.2. La protection judiciaire 4 2.2.1. La capacité 4 2.2.2. La question d’une liste des « états de santé » 5 3. L’internement 6 3.1. Admission forcée et internement : deux réalités très différentes sur le plan du droit 6 3.2. La double nature de l’internement 6 4. Le droit de vote 7 4.1. Des préjugés tenaces 7 4.2. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées 8 4.3. Que dit le droit belge ? 8 4.3.1. L’appréciation judiciaire : quelle intime conviction ? 8 4.3.2. Les oubliés de l’internement   9 5. L’inclusion dans la sphère politique 10 5.1. Nécessité d’une approche globale 10 5.2. L’accompagnement dans le processus de vote 10 5.3. L’exercice du droit de vote 11 6. Conclusion 11

1. Introduction

Le droit de vote dans une démocratie n’est pas un privilège ou plutôt n’est plus un privilège. Il s’agit d’un droit fondamental. Il constitue l’attribut majeur de la qualité de citoyen et participe au sentiment d’appartenance à la communauté.

Le droit de vote porte en lui l’idée que chaque citoyen détient une parcelle égale de souveraineté. Une personne avec une déficience mentale ou un trouble psychique dispose d’une prérogative exactement équivalente à celle d’une personne dite « normale ».

Après un rappel de la législation relative à la protection judiciaire et à l’internement, le présent Etat de la question s’interrogera sur les idées reçues qui pèsent encore sur l’électeur qui présente un handicap mental ou psychique.

Nous terminerons par les difficultés qu’éprouvent ces citoyens concernant leur inclusion dans la vie politique et l’exercice de leur droit de vote.

2. La loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine

Dans le cadre des normes internationales tendant à placer la personne en situation de handicap au centre des préoccupations, il est apparu que notre pays souffrait d’une législation dépassée en matière d’incapacité.

Dans l’objectif d’une société plus inclusive, le code civil a été profondément modifié par la loi du 17 mars 2013. Celle-ci permet une approche individualisée des mesures de protection et préserve désormais, autant que possible, le pouvoir décisionnel de la personne concernée.

Elle poursuit l’objectif de répondre entre autres aux exigences de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées1. Selon l’article 1er, alinéa 2, de la convention, « par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». L’interaction avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’environnement » n’est évidemment pas réductible à des obstacles empêchant l’accès physique aux droits auxquels tous les citoyens peuvent prétendre (mobilité, travail, loisirs, accès aux infrastructures, etc.). Elle concerne aussi les limitations auxquelles sont confrontées les personnes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble psychique quant à l’exercice de leurs droits civils et politiques.

Le principe directeur de la convention est « l’égalité avec les autres ». Mais que l’on comprenne bien qu’il s’agit ici d’égalité des chances. Une société inclusive est une société qui privilégie les solutions équitables plutôt que les traitements égalitaires2. En effet, l’équité permet un traitement différencié des individus, en tenant compte de leurs particularités. C’est l’environnement qui doit s’adapter aux personnes en situation de handicap et non l’inverse. Dès le début de la conception d’un outil, d’une infrastructure, d’un lieu, …, il s’impose de penser à son utilisation autonome par tous plutôt que d’apporter ultérieurement des mesures « correctives ». Le but étant de garantir la pleine et effective participation de chacun à la vie de la société, il va sans dire que cela s’applique aussi à l’exercice des droits politiques.

Avant la réforme de 2013, pas moins de quatre régimes de protection coexistaient pour les personnes majeures dites « incapables » :

• la minorité prolongée ;

1 Convention adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 2006, signée et ratifiée par la Belgique en 2009. La Belgique s’est aussi alignée sur d’autres instruments internationaux comme les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l’Europe (protection juridique des personnes incapables).

2 Le moteur d’une société inclusive est l’enseignement. C’est la base même d’une société sans exclusion. Une école inclusive s’adapte à tous les enfants : les élèves en situation de handicap bien entendu, mais aussi ceux qui vivent dans un contexte familial difficile (pensons par exemple à la pauvreté infantile), les élèves « primo-arrivants », etc.

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• l’interdiction ;

• le conseil judiciaire ;

• l’administration provisoire.

La notion de « handicap » était absente mais, à l’exception de l’administration provisoire qui faisait référence à « l’état de santé », le champ d’application respectif des autres régimes reflétait des « entités psychiatriques » désuètes et aliénantes3 non seulement par rapport au progrès des disciplines médico-sociales mais aussi - et surtout - par rapport à une approche du handicap axée sur les droits de l’homme et la citoyenneté. La nouvelle loi utilise désormais des termes neutres afin d’éviter l’arbitraire de la « catégorisation ». Ainsi, la formulation du nouvel article 488/1 du Code civil : « le majeur qui, en raison de son état de santé, est totalement ou partiellement hors d’état d’assumer lui-même, comme il se doit, sans assistance ou autre mesure de protection, fût-ce temporairement, la gestion de ses intérêts patrimoniaux ou non patrimoniaux, peut être placé sous protection si et dans la mesure où la protection de ses intérêts le nécessite ».

Cette nouvelle approche permet de dépasser de loin ce qu’il est convenu d’appeler « le handicap mental ». Les personnes âgées dont l’état de santé évolue vers une pathologie (Alzheimer, Parkinson, …), les personnes victimes d’un grave accident, les personnes non reconnues dans le champ du handicap en tant que tel (pour l’obtention d’une allocation ou d’une aide à domicile par exemple) mais souffrant d’un retard intellectuel ou d’une addiction pourront aussi bénéficier d’une protection adaptée à leurs capacités. La mise sous protection d’une personne étant une question d’ordre médical (« état de santé »), il est entendu qu’un certificat médical devra être remis au juge de paix à l’appui de la demande4

La lourdeur des procédures était un autre problème auquel les proches étaient confrontés. Pour prendre un exemple, l’administration provisoire des majeurs « incapables » était un instrument utile mais elle était limitée à la gestion des biens de la personne concernée. Par conséquent, les familles étaient tributaires d’autres statuts d’incapacité (la minorité prolongée, l’interdiction) pour ce qui concernait les actes en lien avec la personne (mariage, exercice de l’autorité parentale, choix de la résidence, etc.). En effet, l’exercice d’un acte patrimonial et l’exercice d’un droit personnel ne s’excluent pas nécessairement l’un l’autre. L’aspect archaïque des « catégories » et le coût des procédures incitaient les proches à recourir à des solutions informelles et bancales sur le plan juridique.

Notons que le régime de la minorité prolongée ne pouvait pas s’appliquer si une maladie empêchant la personne de manifester sa volonté était constatée après l’âge de la majorité. Désormais, ces quatre régimes sont remplacés par deux systèmes visant à conserver au mieux les droits des personnes vulnérables : la protection extra-judiciaire et la protection judiciaire.

2.1. La protection extra-judiciaire

La protection extra-judiciaire est un contrat entre la personne (le mandant) et son futur représentant (le mandataire) mais qui porte exclusivement sur l’ensemble ou sur une partie des biens de la personne à protéger. Le mandat doit être enregistré auprès d’un notaire ou du greffe de la Justice de paix du lieu de résidence de la personne à protéger. Il prend effet immédiatement mais il peut aussi être « différé ».

2.2. La protection judiciaire5

2.2.1. La capacité

Inspiré de l’ancien régime de l’administration provisoire, le régime de protection judiciaire doit obligatoirement faire l’objet d’une ordonnance prononcée par le juge de paix. Il peut concerner les actes en lien avec la personne et/ou en lien avec les biens mais les deux types de mesures de protection ne sont pas liées l’une à l’autre6.

3 Catégories issues de la psychiatrie du début du XXe siècle : « arriération mentale grave » pour la minorité prolongée (anc. articles 487bis et suivants du Code civil), « état habituel d’imbécilité ou de démence » pour l’interdiction (anc. articles 489 et suivants), etc.

4 Article 1241 du Code judiciaire.

5 Pour une analyse détaillée, voir (notamment) Une protection judiciaire polymorphe offerte aux majeurs incapables - Le nouveau régime d’incapacité à ses premiers balbutiements, Mémoire réalisé par Delphine Sabiau, Faculté de droit et de criminologie de l’UCL, année académique 2014-2015.

6 Lorsque le juge de paix ordonne à la fois une mesure de protection judiciaire de la personne et une mesure de protection judiciaire des biens, il doit déterminer dans deux parties distinctes de son ordonnance les actes en rapport avec la personne et les actes en rapport avec les biens que la personne protégée sera incapable d’accomplir.

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Le requérant peut être la personne elle-même, lorsqu’elle se sent en état de vulnérabilité quant à la gestion de ses actes.

Peu importe le cas de figure, le juge doit énumérer expressément les actes que la personne est incapable de poser, en tenant compte des circonstances personnelles et de l’état de santé. Il s’agit donc d’une protection « sur mesure ». Le juge doit néanmoins se prononcer expressément sur la capacité d’accomplir certains actes - énumérés dans la loi - liés à la personne (choisir sa résidence, consentir au mariage ou à la cohabitation légale, exercer l’autorité parentale, etc.) et/ou aux biens (ester en justice, contracter un emprunt, acheter un bien immeuble, accepter ou renoncer à une succession, etc.).

La personne protégée conserve sa capacité pour tous les actes qui ne sont pas énumérés dans l’ordonnance. Le principe de la capacité est fondamental. Il renverse le principe qui était en vigueur précédemment7. Même dans le cas de l’administration provisoire des biens, en l’absence d’indication dans l’ordonnance, l’administrateur représentait la personne protégée dans tous les actes juridiques et toutes les procédures, tant en demandant qu’en défendant8

L’importance de cette loi - on l’aura compris - est qu’elle « ouvre la porte » à l’exercice de toute une série de droits fondamentaux et constitutionnels.

Le droit de vote ne faisant pas partie des actes liés à la personne que le juge est tenu d’examiner, il en résulte que la capacité subsiste si le juge ne retire pas expressément ce droit dans son ordonnance (voir point 3.3.1.).

Le législateur a introduit deux types de protection judiciaire : l’assistance et la représentation. Lorsqu’une personne est expressément déclarée incapable d’accomplir tel ou tel acte, elle est automatiquement (« de plein droit ») soumise au régime de l’assistance. Quant à la représentation, elle peut être générale ou ne s’appliquer que pour les actes expressément repris dans l’ordonnance, le juge étant tenu d’examiner la situation dans le respect du principe de nécessité et de subsidiarité (« si l’assistance ne suffit pas »).

2.2.2. La question d’une liste des « états de santé »9

La loi de 2013 avait introduit une importante dérogation au principe de nécessité et de subsidiarité10 : « Le Roi établit, sur avis conforme de l’Ordre des médecins et du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées, une liste des états de santé réputés altérer gravement et de façon persistante la faculté de la personne à protéger d’assumer dûment la gestion de ses intérêts patrimoniaux, même en recourant à l’assistance (…) »11 Il en résulte que les personnes dont « l’état de santé » serait mentionné dans cette liste sont de plein droit soumises au régime de la représentation, sauf si le juge en décide autrement.

Nous sommes d’avis que cette disposition a été heureusement abrogée par la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses.

D’abord, parce qu’elle constituait une régression par rapport à l’esprit de la loi. Même si l’incapacité était réputée générale pour la seule gestion des biens, il était quasi inévitable que le juge allait pencher dans le même sens pour les actes liés à la personne.

Ensuite, malgré l’avis favorable du CSNPH12 qui estimait - avec toutefois des réserves13 - qu’une telle liste serait « de nature à orienter et faciliter le travail des différents intervenants, du médecin qui rédige le certificat médical circonstancié au juge de paix qui prend la décision de mise sous protection », il existe une objection de principe à l’élaboration d’une liste des états de santé. La « catégorisation » de pathologies mentales qui affectent ou non la capacité de décision (laquelle est une question de fait et non de droit) est dangereuse parce que la

7 La minorité prolongée et l’interdiction entraînaient une incapacité juridique totale et générale.

8 Ancien article 488bis - F§3 du Code civil.

9 La protection des personnes majeures vulnérables et mineures : redéfinition du concept de capacité juridique au regard de celui du discernement, Thomas Van Halteren, Revue de droit et de criminologie de l’ULB, septembre 2019.

10 Une autre exception a été introduite concernant les « prodigues ». La prodigalité (notion subjective et contestable) ne peut plus être soumise à un régime de représentation mais uniquement à un régime d’assistance judiciaire pour les actes repris dans la loi. Elle n’est d’ailleurs plus une maladie (un certificat médical n’est donc pas requis). Notons que la prodigalité n’est pas définie par la loi (le juge est souverain dans son appréciation). Les cas sont très rares.

11 Article 492/5 du Code civil (abrogé par la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice). On remarquera la prudence dans les termes utilisés : « réputés », « altérer gravement et de façon persistance », « assumer dûment » …

12 Avis 2015-24 relatif à l’élaboration d’un arrêté royal en exécution de l’article 492/5 du Code civil émis pendant la séance plénière du 21 septembre 2015.

13 Pas de liste « fourre-tout » de pathologies génériques, nécessité de faire référence à des pathologies « univoques déjà étayées », exigence d’une approche multidisciplinaire dans le but d’obtenir une description nuancée des états de santé, …

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médecine psychiatrique n’est tout simplement pas une science exacte. Certes, il s’agit d’une discipline qui est en constante évolution mais qui « s’interroge aussi sur elle-même » en ce sens qu’un consensus est rarement atteint sur la capacité et donc sur le discernement d’un patient à prendre telle ou telle décision. Une certitude sur la capacité/l’incapacité ne peut reposer que sur une analyse empirique et multidisciplinaire de la personne observée isolément et - surtout - de manière longitudinale.

Si le fil conducteur de la loi est l’obligation pour le juge de prendre une ordonnance personnalisée ou « sur mesure » quant à la protection judiciaire, on ne voit pas en quoi le droit devrait faire une exception pour la médecine à qui on demanderait de « figer » des pathologies dans une sorte de catalogue exhaustif.

3. L’internement

3.1. Admission forcée et internement : deux réalités très différentes sur le plan du droit

Au préalable, il ne faut pas confondre l’internement avec l’admission forcée dans un service psychiatrique d’un centre hospitalier.

Dans le cas d’une admission forcée14 ordonnée par un juge de paix (après avis d’un médecin psychiatre), aucun fait criminel ou délictuel passible d’une peine de prison n’a été commis. C’est généralement l’entourage de la personne qui tire la « sonnette d’alarme », lorsqu’il remarque des symptômes qui comportent un danger potentiel pour la personne elle-même ou pour la société. Un trouble psychique ou un retard mental sévère n’est donc jamais suffisant pour justifier une admission forcée. Il est également impératif d’examiner si des solutions alternatives sont possibles (admission volontaire, traitement au domicile, …). La mise en observation ne peut excéder 40 jours mais une prolongation est possible à la demande du médecin.

On comprendra que les admissions forcées sont indubitablement une solution provisoire15, surtout pour bon nombre de patients isolés qui se trouvent dans des situations sociales difficiles et qui sont dès lors exposés à une rechute rapide lorsqu’ils quittent l’hôpital. Une admission dans une structure adaptée ou, à tout le moins, un suivi en ambulatoire est indispensable pour la réinsertion de ces personnes dans le circuit d’une vie dite « normale ».

3.2. La double nature de l’internement

La notion d’internement doit être lue au regard de la loi du 5 mai 201416 qui a subi de nouvelles modifications en 201617

Fondamentalement, les multiples réformes qui ont ponctué la loi initiale (celle de la défense sociale de 1930) ne changent pas l’articulation de deux principes, celui de protéger la société et celui du traitement. L’article 2 de la loi le rappelle très clairement : « L’internement (…) est une mesure de sûreté destinée à la fois à protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société. Compte tenu du risque pour la sécurité et de l’état de santé de la personne internée, celle-ci se verra proposer les soins dont elle a besoin pour mener une vie conforme à la dignité humaine. Ces soins (…) sont dispensés - lorsque cela est indiqué et réalisable - par le biais d’un trajet de soins18 (...). »

Depuis 2016, l’internement ne concerne que la personne qui a commis un fait portant atteinte ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers19, qui - au moment des faits, de l’expertise psychiatrique médicolégale et de la décision d’internement - était atteinte d’un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et pour laquelle le danger existe qu’elle commette de nouvelles

14 Loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Cette loi remplace l’ancien régime de la collocation.

15 Elles posent d’ailleurs un problème par rapport à la réduction du nombre de lits psychiatriques que l’on observe depuis des années : faute de places suffisantes pour les admissions volontaires, le nombre d’admissions forcées augmente. Ce qui signifie encore moins de places disponibles. Une autre conséquence du manque de lits est la tendance « productiviste » qui consiste à écourter les admissions forcées pour libérer des places à de nouveaux patients (volontaires ou non). Le phénomène de « cercle vicieux » que nous venons d’expliquer soulève une question fondamentale, celle du regard que porte la société sur la souffrance psychique.

16 Loi du 5 mai 2014 relative à l’internement.

17 Loi du 4 mai 2016 réformant le régime de l’internement des personnes

18 La problématique des soins aux internés a été intégrée au sein de la coordination fédérale de la réforme des soins en santé mentale (dite « réforme 107 »). Des « trajets de soins » ont été initiés, l’objectif étant de ne réserver les soins « en interne » qu’aux cas les plus lourds qui ne peuvent être admis dans le circuit régulier.

19 Article 9 de la loi de 2014 précitée (modifié par la loi de 2016).

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infractions en raison de son trouble mental (éventuellement combiné avec d’autres facteurs de risque). Le champ d’application de la loi est donc désormais limité20

Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure d’internement, elle est placée dans un établissement de défense sociale, un centre de psychiatrie légale (organisé par l’autorité fédérale) ou dans un hôpital psychiatrique sécurisé21. Des chambres de protection sociale ont été instituées au sein du tribunal d’application des peines. Elles peuvent décider de permissions de sortie, de libérations à l’essai, de semi-libertés, de libérations définitives.

En Belgique, les internés restaient parfois pendant des années dans les annexes psychiatriques surpeuplées des prisons dans l’attente d’un jugement définitif et d’un transfert éventuel vers un établissement adapté. Cette situation s’oppose à l’esprit de la loi qui insistait sur le caractère provisoire de l’internement en annexe psychiatrique. Clairement identifiées comme lieux de « non soins » (pour ne pas dire de « non droits »), les « annexes »22 ont fait l’objet d’un nombre important de recours en justice, la Cour européenne des droits de l’homme estimant - et à maintes reprises - que l’Etat belge se livrait à des traitements inhumains et dégradant23. La Cour a rappelé qu’il était obligatoire de garantir aux malades un traitement de qualité.

4. Le droit de vote

4.1. Des préjugés tenaces

Les personnes en situation de handicap mental/intellectuel ou psychique ne forment évidemment pas un groupe homogène. De surcroît, ces personnes vivent des réalités parfois très différentes par rapport à leur propre singularité et par rapport à leur milieu de vie.

Pourtant, elles sont très souvent jugées « incapables » de voter. Leur exclusion politique - de droit ou de fait - est un réflexe ancré dans la pensée démocratique issue du XVIIIe siècle.

Ceux qui émettent des objections sans nuance à l’exercice de ce droit fondamental, pour une partie importante de nos concitoyens, oublient trop souvent que leur jugement de valeur pourrait très bien se retourner contre eux. On leur opposera l’argument du « rendre capable de voter » qui s’applique finalement à tout le monde. En effet, la citoyenneté n’est jamais définitivement acquise, elle se construit au quotidien et elle est un facteur d’intégration. Ne pas l’aborder sous l’angle électoral est incompatible avec un projet démocratique fort.

Certains - en se défendant de toute « handiphobie » - iront même jusqu’à prétendre que le droit de vote des personnes en situation de handicap rabaisse l’opération électorale à un acte mécanique où la raison n’aurait plus vraiment d’importance. Ce public devant être constamment « entouré/protégé », il serait nécessairement sous le contrôle d’un entourage « prosélyte ». Du slogan populiste selon lequel l’exercice du droit de vote ne serait rien d’autre qu’une opération d’instrumentalisation de la souffrance d’autrui (à des fins politiciennes), il n’y a qu’un pas ...

Rappelons que la légitimité du suffrage féminin a été conquise sur des préjugés de même nature. Hier les femmes, aujourd’hui les personnes en situation de handicap, demain les personnes d’origine étrangère, après-demain les « pauvres » et les personnes dites « trop âgées »24 ?

Même concernant la « liste » dont il était question dans l’ancien article 492/5 du Code civil, remarquons que la formulation « (…) réputés altérer gravement et de façon persistante la faculté de la personne à protéger (…) » ne concernait que les actes liés aux biens, ce qui laissait au juge la liberté d’apprécier la capacité quant aux actes liés à la personne.

Interrogeons-nous sur cette fameuse « influençabilité » qui menacerait l’intégrité d’un processus électoral. Mais

20 Est-ce une bonne chose ? Pas nécessairement car une personne souffrant d’un handicap mental ou d’un trouble psychique qui commet un délit non lié à l’intégrité physique ou psychique de tiers risque la prison. Quels soins adaptés lui seront-ils garantis ?

21 Etablissement reconnu par l’autorité compétente qui est organisé par le secteur privé, une Communauté, une Région, ... Des accords concernant le placement sont bien entendu requis avec l’autorité fédérale.

22 Le terme « annexe » à lui seul est déjà le reflet juridique et géographique d’une sous-catégorie de détenus.

23 Pas moins de huit arrêts condamnant la Belgique en janvier 2014.

24 Les personnes âgées seraient soupçonnées de creuser le défi démographique par des votes « intenables » sur le plan budgétaire. Les « pauvres » seraient dans le même registre de l’exclusion, ils seraient « dangereux » car tout simplement incapables d’exprimer un vote conforme à l’ordre social que la société leur offre dans un espace dont les assises ne sauraient souffrir d’une remise en cause individuelle ou collective.

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ne tombons pas non plus dans le simplisme qui consisterait à nier que les familles et/ou les accompagnateurs psycho-sociaux n’auraient aucune « influence » sur le vote de la personne en situation de handicap mental ou psychique.

Mais osons ces questions qui devraient bousculer la « certitude capacitaire » :

• une campagne électorale n’a-t-elle pas pour objectif légitime de « convaincre » et donc forcément « d’influencer » ?

• une stratégie de communication déployée dans le cadre d’une campagne électorale ne va-t-elle pas nécessairement agir sur la perception qu’ont les électeurs des grands enjeux de société ? Qu’en est-il du rôle des organes de presse ? Les « brexiters » du Royaume-Uni qui se plaignent d’avoir « mal votés » sont-ils des irresponsables parce qu’ils estiment avoir été mal informés ?

• n’y aurait-il aucune influence communautaire dans le vote de certains électeurs d’origine extra-européenne ? Quid aussi de l’influence du facteur religieux ?

• les « primo-votants » sont-ils indifférents par rapport à l’émergence des courants environnementalistes ou extrémistes ?

4.2. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées

Les Etats Parties à la Convention des Nations Unies s’engagent à garantir aux personnes en situation de handicap la pleine reconnaissance, la jouissance et l’exercice des droits politiques.

La première disposition (article 2) concerne les discriminations qui ont pour objet ou pour effet25 de compromettre ou de réduire à néant les droits et les libertés fondamentales notamment dans le domaine politique. La seconde (article 29) porte sur la participation à la vie politique et à la vie publique : « Les Etats Parties s’engagent a) à faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues, et pour cela les Etats Parties, entre autres mesures : i) veillent à (…) ; ii) protègent (…) ; iii) garantissent (…) ».

Les termes de l’article 29 ont parfois été interprétés comme autorisant un certain « pragmatisme ». Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU n’a nullement cautionné une telle orientation : « l’article 29 ne prévoit aucune restriction raisonnable et n’autorise d’exception pour aucune catégorie de personnes handicapées »26

4.3. Que dit le droit belge ?

L’article 7 du Code électoral concerne la suspension des droits électoraux des personnes protégées qui ont été expressément déclarées incapables d’exercer leurs droits politiques en vertu de l’article 492/1 du Code civil et des personnes qui sont internées par application de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement.

Il importe de bien comprendre que la non-admission au vote pour ces deux catégories de personnes ne vaut que pour la durée de l’incapacité, celle-ci prenant fin « en même temps que la fin de l’incapacité en vertu de l’article 492/4 du Code civil ou que la mise en liberté définitive de l’interné ».

4.3.1. L’appréciation judiciaire : quelle intime conviction ?

Déclarer une personne incapable d’exercer ses droits politiques est une question éminemment complexe et délicate.

Une décision sur l’incapacité peut être prise en s’appuyant, sans plus, sur des éléments qui se dégagent du certificat médical. Mais nous devons bien admettre que la voie de la « facilité » n’est absolument

25 Y compris le refus d’aménagement raisonnable.

26 Comité des droits des personnes handicapées, Communication n°4, 2011, §9-4 - Constatations adoptées à sa dixième session (2-13 septembre 2013).

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pas conforme à l’esprit de la réforme de 2013.

Si l’audition judiciaire doit rester le moment privilégié et déterminant de l’évaluation, elle n’évacue cependant pas non plus le risque de subjectivité dans le chef du juge qui se positionnerait comme une sorte de « contrepouvoir » vis-à-vis du médecin. « S’abstenir de décider » peut aussi signifier que le juge s’estime incompétent pour évaluer objectivement la capacité ou l’incapacité d’une personne à exercer un droit aussi fondamental que celui de participer à la vie politique.

4.3.2. Les oubliés de l’internement

L’idée que les prisonniers doivent être privés de leurs droits civiques est très répandue dans l’opinion pour qui cela semble « aller de soi ». La privation du droit de vote est un vestige d’une tradition historique qui s’appuie sur la morale.

A la suite d’une condamnation de notre pays par la Cour européenne des droits de l’homme, depuis le 15 avril 2009, ceux qu’on appelle les détenus de droit commun disposent pourtant du droit de vote sauf si le juge prend une décision contraire et motivée lors de la condamnation (interdiction à perpétuité ou interdiction temporaire)27. Un détenu ne peut donc plus être déchu de son droit de vote du seul fait qu’il est incarcéré suite à une condamnation. L’interdiction est un régime d’exception et non plus une règle générale.

Si on retire les détenus qui n’ont pas la nationalité belge et ceux qui ont été déchus par jugement, il y aurait pas moins de 6.000 personnes incarcérées en droit de participer à un scrutin électoral. Mais faut-il rappeler aussi que le vote en Belgique est obligatoire. Les personnes incarcérées sont donc dans l’obligation d’effectuer leur devoir électoral. Dans les faits, les obstacles techniques à l’exercice du droit de vote sont tels que le Ministre de l’Intérieur accorde systématiquement des dérogations.

Quels sont ces obstacles qui expliquent le très faible taux de participation des détenus aux scrutins électoraux ?

D’abord le problème pour obtenir la convocation électorale. Quel relais avec l’extérieur ? Ensuite le système aléatoire de la procuration qui est la seule possibilité de voter en prison. Trouver une personne de confiance qui accepterait d’être mandataire est loin d’être évident et il faut être conscient que cette personne risque bien de refuser si elle doit se déplacer trop loin le jour du scrutin. Aux obstacles matériels s’additionnent des barrières psychologiques (le sentiment que la citoyenneté n’existe plus en prison).

Nous sommes d’avis que ces obstacles et barrières traduisent un manque total de volonté politique qui s’exprime à deux niveaux. A l’obstacle matériel, il existe des solutions pourtant simples : autoriser le vote par correspondance est une solution mais notre préférence ira plutôt à l’installation de bureaux de vote dans les prisons. A l’obstacle psychologique, le seul fait de rendre réellement accessible le droit de vote permettra peut-être de faire bouger la « ligne de démarcation » qui sépare actuellement un candidat à une élection avec un public qui aura forcément de nombreuses plaintes et revendications à formuler. Encore faudrait-il faire en sorte que l’exercice effectif du droit de vote soit encouragé par un accompagnement sur « l’intérêt à voter »28

Tous ces problèmes ne se posent évidemment pas pour les personnes qui font l’objet d’une mesure d’internement (entre 500 et 600 personnes) puisque l’article 7 du Code électoral suspend automatiquement leurs droits électoraux.

Quand bien même l’opinion publique accepterait que ces personnes soient jugées irresponsables des actes qu’elles ont commis, le risque est toujours qu’on leur oppose l’étiquette de « fou dangereux » et donc qu’il est impossible de leur maintenir une prérogative équivalente à celle d’un citoyen « normal ».

Cette différence de traitement29 est pourtant clairement discriminatoire par rapport aux détenus de droit commun

27 Loi du 14 avril 2009 modifiant le Code électoral.

28 Le Genepi Belgique, la CAAP (Concertation des Associations Actives en Prison) et Bruxelles Laïque ont lancé une campagne pour le droit de vote et le respect de la citoyenneté des détenus dans le cadre des dernières élections législatives (« campagne des 6.000 »). Des ateliers et des séances d’information ont été organisés. Voir aussi leur communiqué de presse du 25 mars 2019 dont l’en-tête rappelle le non-respect de l’article 6 de la loi de principes du 12 janvier 2005 (loi dite « Dupont »)« Le détenu n’est soumis à aucune limitation de ses droits politiques, civils, sociaux, économiques ou culturels autre que les limitations qui découlent de sa condamnation pénale ou de la mesure privative de liberté, celles qui sont indissociables de la privation de liberté et celles qui sont déterminées par ou en vertu de la loi. » https://genepibelgique.wixsite.com/genepi/droit-de-vote-des-detenu-e-s#!

29 On peut considérer que la suspension des droits électoraux des internés est un reliquat de ce que la doctrine appelle « la mort civile ». La mort civile consiste en l’extinction légalement prononcée, pour une personne de sa personnalité juridique, ce qui emporte une privation générale des droits. La personne est réputée ne plus exister, bien qu’elle soit vivante physiquement. Il s’agit donc d’une fiction juridique

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lorsque ceux-ci bénéficient du droit de vote. En quoi le régime d’exception, c’est-à-dire l’interdiction dûment motivée, ne pourrait-il pas s’appliquer aussi à l’interné ? C’est d’autant plus incompréhensible que la loi de 2014 a pour objectif de rétablir un lien entre la personne internée et le monde extérieur.

5. L’inclusion dans la sphère politique

Comme nous l’avons dit plus haut (point 3.1.), « rendre capable de voter » est un exercice de citoyenneté qui s’adresse à tout le monde. Il s’agit d’un processus et non pas d’un acte isolé qui se limiterait « bon gré mal gré » à se déplacer et à déposer mécaniquement un bulletin dans une urne.

Prétendre que les personnes avec un handicap mental ou psychique ne s’intéressent pas à la politique n’a aucun fondement. Le désintérêt est variable et s’observe dans toutes les couches de la population. Le clivage « intérêt/ désintérêt » suivant des considérations fantasmées est inacceptable car il nie ce que les personnes « différentes » peuvent ou veulent témoigner au travers de l’apprentissage de leur citoyenneté.

5.1. Nécessité d’une approche globale

Pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique, l’accompagnement dans le processus de vote revêt bien entendu une importance capitale.

Au préalable, si nous voulons véritablement améliorer le droit à la citoyenneté de ces personnes, c’est avant tout l’accessibilité à la chose politique dans son ensemble qui doit faire l’objet de toutes les attentions. C’est la raison pour laquelle - à tous les niveaux de pouvoir30 - il convient de promouvoir la constitution d’organisations qui luttent en faveur de leurs droits, mais surtout d’assurer la participation et la représentation des personnes concernées elles-mêmes. Mais l’objectif d’inclusion exige aussi la « transversalité ». Ces personnes doivent pouvoir aussi participer aux affaires publiques et être associées à l’action des partis politiques et à la prise de décision au sein de ceux-ci.

Enfin, l’inclusion dans la sphère politique passe obligatoirement par une communication pédagogique et adaptée en fonction de la « différence dans les différences »31. La rencontre de cet objectif dépasse évidemment le cadre d’une période électorale. Elle doit se faire en partenariat et de manière régulière afin que la personne puisse s’approprier l’information de la vie politique qui lui permettra de guider sa participation à un scrutin.

5.2. L’accompagnement dans le processus de vote

Dans un article publié dans la revue Démocratie32, les auteurs s’appuient sur les premières conclusions d’une étude d’Unia quant à la participation des personnes avec une déficience intellectuelle ou un trouble psychique aux élections de 2018 et 201933

L’environnement familial et/ou institutionnel dans lequel évolue la personne est un facteur déterminant mais on peut identifier deux problèmes.

D’abord le manque de temps pour préparer les résidents des structures d’accueil au vote. Cet obstacle n’est pas uniquement de nature organisationnelle ou budgétaire. Il doit nous interpeller aussi sur la motivation et la formation du personnel en place par rapport à l’apprentissage du droit de vote dans le chef des résidents. N’oublions pas non plus que cet apprentissage implique aussi des explications techniques sur la manière de voter correctement.

Ensuite, le souci de rester « neutre » et de savoir répondre aux interrogations de la personne renvoie aux propres informations dont disposent les personnes accompagnatrices. Or les programmes électoraux, les débats, l’information par les médias, sont souvent difficiles à appréhender surtout si le personnel encadrant est lui-même éloigné de la politique. Pouvoir disposer d’un support accessible est indispensable pour éviter l’échec. Et ce n’est pas suffisant car l’implication des candidats à une élection se mesure aussi à leur disponibilité pour des rencontres concrètes avec des citoyens « différents ».

30 Y compris à l’échelon international.

31 On ne communique pas de la même manière suivant que l’on s’adresse à des personnes atteintes d’un handicap mental d’ordre biologique ou à des personnes autistes ou encore psychotiques.

32 Pourquoi le « vote pour tous » n’est pas encore une réalité, Tine Anseel, François Bouharmont et Marie Horlin, Revue Démocratie, 7 mai 2019.

33 https://www.unia.be/fr/articles/premiers-resultats-dune-etude-sur-la-participation-citoyenne-des-personnes

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5.3. L’exercice du droit de vote

L’accessibilité aux sites électoraux est un cheminement. Elle doit être étudiée de l’habitation de la personne jusqu’aux techniques de vote.

Même si des efforts ont été enregistrés pour rendre les bureaux de vote accessibles aux personnes en situation de handicap, ils se sont surtout concentrés sur un public à mobilité réduite.

Pour les personnes avec une déficience intellectuelle ou un trouble psychique, le premier problème est d’ordre organisationnel. Les élections ayant lieu un dimanche, il faut du personnel en suffisance pour accompagner ces personnes au « bon » bureau de vote, c’est-à-dire celui qui est désigné dans la commune de domiciliation (ce qui n’est pas la même chose que la commune de résidence). Il faut souvent aussi un transport adapté et des emplacements de parking réservés à proximité de l’entrée du bureau de vote. C’est particulièrement important pour les personnes en situation de polyhandicap.

Aussi importante qu’elle soit, la mobilité n’épuise évidemment pas tous les obstacles. Les présidents et les assesseurs sont-ils assez formés/sensibilisés à la problématique du handicap? Le droit (et non l’obligation) de se faire assister dans l’isoloir par une personne accompagnatrice est-il toujours respecté34 ? Les équipements et matériels électoraux sont-ils appropriés, faciles à comprendre et à utiliser ? Le regard des autres, les files parfois interminables, un accueil peu amène, …, ne peuvent-ils pas créer un effet anxiogène ?

6. Conclusion

Comme nous l’avons vu tout au long de cette analyse, sous l’impulsion de la Convention des Nations Unies, la Belgique a réformé et unifié ses régimes d’incapacité en veillant à préserver au mieux l’intérêt et les libertés individuelles des personnes à protéger. C’est évidemment la pratique des juges qui déterminera si l’objectif est atteint ou non.

En ce qui concerne précisément les droits politiques des personnes en situation de handicap mental ou psychique, des difficultés importantes subsistent sur le terrain pour garantir l’exercice effectif de leurs droits en n’oubliant pas que le droit à une « information accessible » est le fondement même d’une démocratie saine qui s’inscrit dans un objectif d’inclusion et non pas dans une logique d’exclusion ni même d’intégration. L’intégration part d’une bonne intention mais elle est « paternaliste » car le degré « d’admissibilité » de l’expression de la personne se mesurera en fonction de la morale collective ou individuelle.

Une dernière considération mais sur le vécu individuel de notre public-cible quant à l’exercice de son expression au travers du droit de vote. Ce droit est absolu mais il est aussi « réparateur » au niveau thérapeutique car il interpelle directement la reconstruction de l’image et de l’estime de soi au travers d’un exercice qui n’a rien de banal.

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34 Le vote est secret et une assistance en quelque sorte « forcée » peut s’avérer néfaste sur le plan psychologique.

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RÉSUMÉ

Sous l’impulsion de la Convention des Nations Unies dont l’approche du handicap repose sur les interactions individu/environnement, la Belgique a réformé et unifié ses régimes d’incapacité en veillant à préserver au mieux l’intérêt et les libertés individuelles des personnes à protéger.

En ce qui concerne les droits politiques des personnes en situation de handicap mental ou psychique, des difficultés importantes subsistent sur le terrain pour garantir l’exercice effectif de leur droit de vote. N’oublions pas non plus que le droit à une « information accessible » est le fondement même d’une démocratie saine qui s’inscrit dans un objectif d’inclusion. D’autre part, la suspension unilatérale de l’admission au vote des personnes qui font l’objet d’une mesure d’internement, même « aménagée » par le tribunal d’application des peines, est un anachronisme incompréhensible par rapport aux détenus ordinaires pour qui l’interdiction est devenu un régime d’exception depuis 2009.

Si le droit de vote est un droit fondamental qui repose sur le principe absolu que chaque citoyen détient une parcelle égale de souveraineté, il revêt pour la personne en situation de handicap mental ou psychique une dimension supplémentaire, celle de l’image et de l’estime de soi. Il participe donc à une fonction « réparatrice » sur le plan individuel et même collectif.

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