Désinformation : comment la Russie mène la guerre à nos démocraties ?

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SOMMAIRE

2.2.1

3.3

Biographie de l’auteur

Titulaire d’un Master en Communication politique et Lobbying de l’Université libre de Bruxelles, Gauthier Hansel est conseiller à l’Institut Émile Vandervelde, où il contribue notamment à la recherche et l’éducation permanente.

Introduction

« Il ne s'agit pas d'une bombe qui peut vous tuer, mais d'un poison qui peut coloniser vos esprits [ ] Les acteurs de la manipulation de l'information et de l'ingérence étrangère cherchent activement à saper nos démocraties, en proposant un modèle alternatif, en incitant les gens à se méfier de tout - à se méfier des institutions - et en infiltrant nos sociétés de manière toxique, pour les empoisonner. » (Josep Borrell, le 23 janvier 2024).1

Ces mots sont ceux du socialiste espagnol Josep Borrell, alors Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, lorsqu’il aborde la menace que représentent les manipulations de l’information par des puissances étrangères en 2024. Il faut dire que cette année n’a rien d’anodine, puisqu’elle va voir plus de la moitié de la population mondiale en âge de voter appelée aux urnes, un chiffre record dans l’histoire. Parmi les principaux scrutins, nous retrouvons notamment les élections présidentielles américaines ainsi que les élections européennes, qui s’adresseront respectivement à 240 et 350 millions d’électeurs Inutile de préciser que l’issue de ces deux rendez-vous pourrait donc avoir de très larges répercussions sur l’équilibre géopolitique international, le soutien occidental à l’Ukraine, le conflit au Proche-Orient et bien plus encore.

La Russie en est évidemment bien consciente, elle qui mène depuis des décennies ce que nous pouvons qualifier de « guerre de l’information » face à l’Occident En effet, bien que la liberté d’informer ait directement contribué à renforcer les systèmes démocratiques jusqu’à en devenir un pilier central, le Kremlin a su en tirer profit pour infiltrer l’Europe et les Etats-Unis à la manière d’un cheval de Troie. En pleine recrudescence depuis le 24 février 2022, date du lancement de l’invasion de l’Ukraine, nous assistons désormais à une « militarisation » des moyens communicationnels. La diffusion d’informations falsifiées est devenue monnaie courante pour fragmenter les sociétés, accroître les divisions sociales en leur sein et influer sur les choix politiques des populations Via des messages propagandistes amplifiés par son réseau d’acteurs étatiques, ses médias internationaux ou les nouvelles technologies du numérique, l’objectif de Moscou est clair : user de la « désinformation » pour conquérir les esprits en dehors de ses frontières. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur le danger que ces actions d’ingérence russe font peser sur nos démocraties occidentales, ainsi que sur les façons d’y répondre.

Au travers d’une revue extensive de la littérature, nous avons cherché à établir une réponse progressive et construite à la question. Nous avons d’abord retracé, après avoir clairement définis les concepts centraux, l’évolution des pratiques d’influence du Kremlin depuis leurs origines soviétiques jusqu’au tournant de la guerre en Ukraine. Cela a ensuite permis la mise en évidence des différentes stratégies et méthodes utilisées par le régime pour arriver à ses fins. Nous nous sommes notamment aperçus que ces dernières ne cessaient de se perfectionner, en tirant constamment profit du contexte politique et technologique au sein duquel elles opéraient. Il n’a toutefois pas fallu attendre l’avènement récent de l’intelligence artificielle pour constater des opérations majeures de manipulation russe en Occident Dans ce cadre, nous sommes successivement revenu sur une série de campagnes avérées et documentées, se déroulant aussi bien dans des contextes électoraux que non-électoraux. Parmi ces cas : les élections présidentielles américaines de 2016, les élections législatives slovaques de 2023, ainsi que l’opération Doppelgänger visant l’ensemble de l’Europe. Nous avons poursuivi en nous penchant plus spécifiquement sur la situation de la France et de la Belgique, ce qui nous a permis de remarquer que ces deux pays ne semblaient pas faire face au même degré de menace. Ce constat nous a amené à notre troisième et dernière partie, consacrée à l’analyse des réponses occidentales pour lutter contre cette désinformation russe. Au cours de celle-ci, nous avons exposé les initiatives prises aux niveaux international, européen et belge, ainsi que les efforts restants pour garantir la confiance des citoyens dans le débat public, de même que la protection de nos valeurs démocratiques.

1 European Union External Action. « Disinformation and Foreign Interference: Speech by High Representative/Vice-President Josep Borrell at the EEAS Conference | EEAS », 23 janvier 2024 Consulté le 22 mai 2024. https://www.eeas.europa.eu/eeas/disinformation-and-foreign-interference-speech-high-representativevice-president-josepborrell-eeas_en

État de la question 2024 - IEV • 1

1 La désinformation russe

Avant de plonger dans le cœur de cette étude, il convient d’éclaircir et de cadrer son concept central, celui de « désinformation » Cela va nous permettre, dans un second temps, de nous apercevoir que cette pratique est omniprésente depuis bien des années en Russie, avec des origines qui remontent au temps de l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes (URSS). Nous constatons toutefois que la désinformation a pris une toute autre dimension depuis le début des années 2000 suite à l’avènement d’internet, et que ses objectifs se sont transformés notamment depuis le début de la guerre en Ukraine

1.1 Les concepts

La manipulation de l’information est un vaste sujet, traversé par une série de concepts aussi abondants qu’imprécis. Entre des notions classiques telles que celles de « désinformation » ou de « propagande » , et des néologismes comme celui de « fake news » ou de « post-vérité », il est impératif de remettre de l’ordre au sein de cette profusion de terminologies.

Commençons par cadrer le concept de « désinformation », central dans cette étude Le politologue français Stéphane François le définit comme « une technique de manipulation de l’opinion publique par la diffusion d’informations fausses, véridiques mais tronquées, ou véridiques avec l’ajout de compléments faux »2 . Son but est dès lors « d’influencer, de manipuler ou d’induire en erreur l’opinion publique »3 Il se différencie d’une part de la « mésinformation », mieux connue sous l’appellation anglaise de « misinformation » , au travers de son caractère purement volontaire et de sa volonté de nuire. D’autre part, son côté mensonger le distingue de la « malinformation », qui désigne quant à elle la diffusion d’informations véridique porter préjudice à quelqu’un ou quelque chose.4

Figure 1 : Distinction malinformation.5

La désinformation apparaît alors distinctement comme plus spécifique que le terme de « propagande », qui englobe pour sa part toutes les tentatives d’influence de la conduite d’une société et de l’opinion, sans tenir compte de la véracité ou de la fausseté de l’information relayée 6

2 Stéphane François. « Désinformation », Publictionnaire (7 novembre 2016) https://publictionnaire.huma-num.fr/wpcontent/uploads/2015/09/desinformation.pdf

3 Audinet, Maxime, Eloïse Fardeau Le Meitour, and Alicia Piveteau. “L’appareil de désinformation russe” Diplomatie, no 124 (novembre-décembre 2023): 70–72.

4 Hussain, Mumtaz, et Tariq Rahim Soomro. « Social Media: An Exploratory Study of Information, Misinformation, Disinformation, and Malinformation ». Applied Computer Systems 28, no 1 (1 juin 2023): 13-20. https://doi.org/10.2478/acss-2023-0002

5 Centre de crise National. « Désinformation - Centre de Crise ». Consulté le 23 mai 2024. https://centredecrise.be/fr/risques-enbelgique/risques-pour-la-securite/desinformation/desinformation

6 Domenach, Jean-Marie « La Propagande politique ». PUF, 1965 : 8.

Enfin, l’appellation de « fake news » apparaît comme plus restrictive, puisqu’elle désigne directement une information qui est forgée pour tromper. Le terme tend ainsi à omettre que, dans certains cas, le problème ne vient pas tant du contenu en lui-même, mais plutôt de la façon dont il est présenté. De plus, après une explosion de son utilisation depuis les élections présidentielles américaines de 2016, l’expression a acquis une certaine connotation populiste promouvant une défiance envers la liberté de la presse. En effet, il est dorénavant utilisé par des figures politiques, afin de discréditer et dévaloriser des informations qu’elles n’apprécient tout simplement pas.7 Pour ces raisons, nous avons évité de parler de fake news dans cette étude

1.2 Une pratique en évolution

Maintenant que nous avons clairement saisi la distinction entre les différents concepts, entrons dans le vif du sujet. Centrons nous spécifiquement sur le cas de la Russie, en retraçant l’évolution de ses pratiques de désinformation au cours de ces dernières décennies.

1.2.1 Un héritage soviétique

La désinformation est loin d’être une apparition nouvelle. Elle a même probablement toujours existé, avec des origines qui remontent aux prémices de la vie en société. L’ouvrage « L’Art de la guerre » écrit au IVe siècle avant notre ère par le stratège militaire chinois Sun Tzu la théorisait d’ailleurs déjà, en mentionnant notamment l’importance de faire parvenir des fausses informations au camp ennemi sur l’état de son armée.

L’Empire russe dans un premier temps, et l’Union soviétique ensuite, ont très vite pris conscience du potentiel de ces pratiques. Le chercheur Maxime Audinet, spécialiste de la Russie, va jusqu’à qualifier de « systématique » l’utilisation de la manipulation informationnelle par les autorités du pays 8 En effet, il apparaîtrait de surcroît que le terme « désinformation » tire lui-même ses racines du mot d’origine soviétique dezinformatsia. Ce dernier aurait été établi aux environs des années 1920 par l’URSS, dans le but de qualifier et de désigner les opérations dont elle s’estimait personnellement victime.9

Qui plus est, le régime a formalisé la manipulation de l’information en tant qu’outil de guerre dès 1923, lorsqu’une unité spécialisée a été créée au sein du Guépéou, ancienne police d’État de l’Union soviétique, pour mener à bien plusieurs opérations d’envergure. Il faudra toutefois attendre la guerre froide avant de voir ces stratégies d’influence s’affiner et s’amplifier. La campagne soviétique de désinformation la plus célèbre est sans nul doute la théorie selon laquelle l’assassinat de John F. Kennedy aurait été orchestré par la CIA, la célèbre agence de renseignement américaine. Cette rumeur persiste encore aujourd’hui dans certains milieux complotistes et est d’ailleurs toujours invoquée par le Kremlin pour contrer certaines accusations.10

En somme, bien que la Russie contemporaine diffère fondamentalement de l’URSS, nous observons une continuité frappante dans leur recours à la désinformation. Nous remarquons toutefois une différence majeure dans l’approche contemporaine du Kremlin. Celle-ci réside dans l’abandon de l’engagement idéologique. Contrairement à autrefois, les autorités nationales admettent désormais ouvertement ne plus chercher à promouvoir une quelconque idéologie par le biais de leurs tentatives

7 Mercier, Arnaud (dir.). « Fake News et Post-Vérité : 20 Textes Pour Comprendre et Combattre La Menace ». E-book de The Conversation (7 juin 2018) : 4-8 http://theconversation.com/fake-news-et-post-verite-20-textes-pour-comprendre-et-combattrela-menace-97807

8 Audinet, Maxime, Eloïse Fardeau Le Meitour, and Alicia Piveteau. “L’appareil de désinformation russe” Diplomatie, no 124 (novembre-décembre 2023) : 70–72.

9 Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contrepropagande ? » Revue Défense Nationale, vol 801, no 6 (2017): 95 https://doi.org/10.3917/rdna.801.0093

10 J.-B. Jeangene Vilmer, A. Escorcia, M. Guillaume. et J. Herrera. « Les Manipulations de l’information : un defi pour nos democraties ». Rapport du Centre d’analyse, de prevision et de strategie (CAPS) du ministere de l’Europe et des Affaires etrangeres et de l’Institut de recherche strategique de l’Ecole militaire du ministere des Armees, Paris (aout 2018) : 49-58

https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/les_manipulations_de_l_information_2__cle04b2b6.pdf

1.2.2 Le tournant de la guerre en Ukraine

Depuis de nombreuses années, il est particulièrement fréquent de voir la désinformation russe utiliser des sujets polarisants, des points de tensions internes à nos sociétés occidentales. Une fois ceux-ci identifiés, la volonté du Kremlin est alors d’aggraver délibérément la situation pour favoriser le chaos, la fragmentation et une ingouvernabilité croissante. Arnaud Mercier, professeur de communication à l’Université Paris-Panthéon-Assas, désigne ces stratégies visant à « mettre de l’huile sur le feu » sous l’appellation de « propagande de pyromane ».12 Nous aurons l’occasion d’illustrer, dans la seconde partie de notre étude, ces tentatives de perturbation du débat public par des exemples concrets

Malgré tout, depuis le 24 février 2022, date du lancement de l’invasion russe en Ukraine, le contexte géopolitique s’est radicalement métamorphosé. Toutes les guerres incluent généralement une composante informationnelle importante et le conflit russo-ukrainien ne fait pas figure d’exception. Si la désinformation a été directement utilisée par Moscou pour tenter de justifier leur intervention militaire, son importance dépasse largement ce simple spectre. La Russie sait pertinemment que l’Occident est le principal soutien, tant financier qu’en termes de matériel militaire, à l’effort de guerre ukrainien. Déstabiliser les sociétés occidentales permet donc de perturber directement l’acheminement de l’aide vers Kiev et, par conséquent, d’augmenter les chances d’avancement des troupes russes sur le front.13

Dans ce contexte, nous avons par exemple assisté, en décembre 2023, à l’émergence d’une rumeur indiquant que le président ukrainien Volodymyr Zelynsky avait utilisé l’argent envoyé par les ÉtatsUnis pour s’offrir deux luxueux yachts. Malgré l’absence de fondement à cette allégation, celle-ci s’est rapidement propagée en ligne Elle a finalement trouvé écho parmi les membres du Congrès américain, alors que ces derniers étaient appelés à prendre une décision délicate au sujet de l’accord d’une aide supplémentaire à l’Ukraine. Pourtant promue par un site web lié à la Russie, la rumeur semble bien avoir favorisé un report des discussions Qui plus est, elle a notamment été relayée sur les réseaux sociaux par l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene, qui déclarait que « toute personne votant pour financer l’Ukraine finançait le plus important système de corruption de toute guerre étrangère ».14

Outre sa volonté distincte de diviser l’Occident et de perturber le soutien à Kiev, nous nous devons d’ajouter que Moscou cherche également à influencer délibérément les résultats des élections dans un sens favorable à ses intérêts propres. Le Parlement européen en a d’ailleurs bien conscience et a demandé davantage de fermeté à cet égard en amont du scrutin du 9 juin 2024 15

1.3 Les stratégies et méthodes

Alors que nous disposons dorénavant d’une meilleure vision de l’intérêt de la Russie à recourir à de telles pratiques de désinformation, tentons de comprendre les stratégies, les méthodes et les acteurs impliqués dans ce large dispositif d’influence Si, dans certains cas, le lien avec le pouvoir russe est

11 Commission chargee de la defense de la souverainete et de la protection contre l’ingerence dans les affaires interieures du Conseil de la Federation (chambre haute) « Rapport du 5 mars 2018 ». Consulté le 10 mai 2024 http://council.gov.ru/media/files/BX3FqMRAl7ykAmPLRl4cR1ju4RaswiKN.pdf

12 Radio Canada.ca. « La machine à propagande de Moscou n’est pas près de s’arrêter | Guerre en Ukraine », 13 avril 2022. Consulté le 10 mai 2024. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1875638/propagande-desinformation-russie-guerre-ukrainecontrole-poutine

13 Agence France-Presse. « L’Ukraine accuse la Russie de « désinformation » pour diviser le camp occidental ». Mediapart, 27 février 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/270224/l-ukraine-accuse-la-russie-dedesinformation-pour-diviser-le-camp-occidental

14 BBC News. « How Pro-Russian “yacht” Propaganda Influenced US Debate over Ukraine Aid » , 20 décembre 2023. Consulté le 13 mai 2024. https://www.bbc.com/news/world-us-canada-67766964

15 Parlement européen. « Les députés demandent une réponse ferme pour contrer l’ingérence russe | Actualité | Parlement européen », 25 avril 2024. Consulté le 13 mai 2024. https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240419IPR20542/lesdeputes-demandent-une-reponse-ferme-pour-contrer-l-ingerence-russe

État de la question 2024 - IEV • 4 de manipulation informationnelle.11 En effet, l’objectif actuel n’est plus tellement de convaincre, mais plutôt d’affaiblir les sociétés occidentales en les divisant. Dans cette optique, les techniques héritées de l’époque soviétique demeurent néanmoins hautement pertinentes.

particulièrement évident et ne laisse pas de place au doute, nous assistons à une nette recrudescence d’opérations désinstitutionnalisées s’organisant principalement en ligne

1.3.1 Les acteurs étatiques

La guerre informationnelle menée par la Kremlin mobilise premièrement son propre réseau d’acteurs étatiques, tels que son ministère des Affaires étrangères, son ministère de la Défense, son service des renseignements extérieurs, ainsi que ses ambassades et consulats. En bref, toutes les institutions officielles de l’État russe impliquées dans l’action internationale du pays

Ainsi, il n’est pas rare de voir des hauts gradés du régime propager publiquement et directement des informations fausses, trompeuses ou manipulées. Cela fut notamment le cas le 19 mars 2024, lorsque le chef des renseignements extérieurs russes Sergueï Narychkine affirmait qu’il savait, « de source sûre », que Paris s’apprêtait à envoyer 2000 de ses soldats sur le front ukrainien.16 Pourtant, bien que le président français avait refusé d’exclure l’envoi de ses troupes en Ukraine lors d’une sortie un mois plus tôt, aucune preuve crédible n’a jusqu’alors permis de soutenir de telles affirmations.17

Ce narratif a néanmoins continué de circuler massivement dans les communications de l’État russe par la suite, relayé notamment par son réseau diplomatique disposant d’un ancrage « plus local ». Si ce dernier a d’abord été utilisé par le Kremlin pour propager de nombreux éléments de langage pro-russe, il adopte dorénavant une posture bien plus agressive, notamment par le biais des réseaux sociaux. En effet, les représentations diplomatiques de Moscou ont durci le ton depuis le 24 février 2022. Elles mobilisent désormais, elles aussi, la désinformation publiquement et de façon totalement décomplexée.18 L’exemple ci-dessous datant du 7 mai 2024 en témoigne (cf. figure 2). Au sein de celuici, nous observons l’ambassade russe en Afrique du Sud déclarer ouvertement que « la Légion étrangère française aurait subi ses premières pertes en Ukraine »

Figure 2 : Publication de l’ambassade russe en Afrique du Sud, datant du 7 mai 2024, sur le réseau social X (anciennement Twitter).19

16 TASS. « France preparing contingent of 2,000 troops to be sent to Ukraine intelligence chief » , 19 mars 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://tass.com/politics/1762083

17 Coquaz, Vincent. « La France a-t-elle envoyé des soldats de la Légion étrangère en Ukraine ? » Libération, 6 mai 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://www.liberation.fr/checknews/la-france-a-t-elle-envoye-des-soldats-de-la-legion-etrangere-enukraine-20240506_7LS5PUMUPNHHJOUMMN4KEYEWJU/

18 Limonier, Kévin. « La stratégie d’influence informationnelle russe ». La Grande Conversation, 4 avril 2023. Consulté le 10 mai 2024. https://www.lagrandeconversation.com/monde/la-strategie-dinfluence-informationnelle-russe/

19 X (anciennement Twitter). Publication de Russian Embassy in South Africa (@EmbassyofRussia), 7 mai 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://twitter.com/EmbassyofRussia/status/1787829348981957005

de la question 2024 - IEV • 5

Face à cela, l’ambassade de France en Afrique du Sud a bien évidemment réagi par le biais d’une communication interposée (cf. figure 3) Le compte officiel de la représentation diplomatique a alors démenti toute implication de troupes françaises sur le front ukrainien, en appelant à la « fake news » et à la désinformation.

Figure 3 : Publication datant du 7 mai 2024, sur le

Certes, de telles déclarations émanant directement des acteurs étatiques russes sont peu susceptibles d’emporter une franche adhésion au sein de nos sociétés occidentales. Toutefois, la situation exposée illustre pleinement la pression constante à laquelle nos démocraties sont confrontées Par ces tentatives de désinformation incessantes, Moscou espère avant tout saper l’unité occidentale en créant du doute. Comme le mentionne Stephen Hutchings, spécialiste de la désinformation à l’université de Manchester, « si les autorités d’un pays tiers commencent à se demander si l’un de leurs alliés ne leur cache pas quelque chose, il s’agira déjà d’une grande victoire pour Moscou »21

1.3.2

Les médias internationaux

Parallèlement à la communication provenant directement de ses acteurs institutionnels, le régime russe mobilise également les médias internationaux RT et Sputnik Là encore, le lien que ces organes entretiennent avec le pouvoir russe est évident et ne peut être remis en question.

Pour preuve, le premier a été lancé en 2005 sous l’appellation de « Russia Today » par Mikhaïl Lesin, qui n’est autre que l’ancien ministre de la Communication de Vladimir Poutine. L’approche du réseau d’information était alors « russocentrée », comme son nom le laisse d’ailleurs sous-entendre, et visait directement à embellir l’image de la Russie au-delà de ses frontières. Financé par l’État, ce n’est qu’après la guerre russo-géorgienne de 2008 que le média décide d’adopter une ligne éditoriale plus agressive à l’égard de l’Occident, mobilisant volontiers la désinformation tout comme les théories du complot Traduit en six langues dont cinq européennes, RT fait alors de l’Europe sa cible prioritaire.22

En 2014, la chaîne télévisée est rejointe par l’agence Sputnik, un service radiophonique et numérique également financé par le gouvernement russe. Très vite, les programmes de radio proposés par le média ont été disponibles dans pas moins de 34 pays et 30 langues différentes, dont une dizaine font parties des langues officielles de l’Union européenne. Une fois de plus, Sputnik n’a pas pour vocation de s’adresser à la population russe à l’intérieur du pays, mais bien à des audiences étrangères.23

Pour atteindre ces publics internationaux dans un marché de l’information saturé, RT et Sputnik ont misé sur une posture alternative aux médias conventionnels occidentaux, qu’ils présentent comme

20 X (anciennement Twitter). Publication de France in South Africa (@FrenchEmbassyZA), 7 mai 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://twitter.com/FrenchEmbassyZA/status/1788214765107425432

21 France 24. « Quand le chef des renseignements extérieurs russes s’affiche en première ligne de la propagande », 20 mars 2024. Consulté le 10 mai 2024. https://www.france24.com/fr/europe/20240320-quant-le-chef-des-renseignementsext%C3%A9rieurs-russes-s-affiche-en-premi%C3%A8re-ligne-de-la-propagande

22 Limonier, Kévin, et Audinet, Maxime. « La stratégie d’influence informationnelle et numérique de la Russie en Europe », Hérodote, vol. 164, no 1 (2017): 123-144.

23 Campion, Baptiste. « L’Occident face à la propagande russe ». La Revue Nouvelle, no 5 (2022): 54-61. https://doi.org/10.3917/rn.223.0054

« dominés par la puissance américaine ». Les valeurs véhiculées ont alors été majoritairement souverainistes, eurosceptiques, anti-atlantistes, ainsi qu’antiglobalistes.24

Cette prise de position a permis aux chaînes russes de mettre davantage en avant, pendant des années, des personnalités politiques issues de partis extrémistes. En France, Sputnik a par exemple longtemps relayé les discours de Marine Le Pen et du Rassemblement national. En Angleterre, un rapport révèle quant à lui que RT a massivement surreprésenté les députés européens issus du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) durant la campagne pour le Brexit en 2016.25 Ajoutons également que ces médias ont atteint leur paroxysme en France durant le mouvement des Gilets jaunes. La crise a été amplement abordée sur les antennes des chaînes pro-russes, à tel point que beaucoup s’interrogent sur le rôle joué par la Russie dans la popularisation des manifestations.26

Ici encore, la stratégie russe est claire : propager au sein des sociétés occidentales des messages discordants, contradictoires, voire extrêmes, dans le but de perturber le débat public et d’instaurer un certain « chaos ». Cela s’est toutefois compliqué le 4 mars 2022, lorsque l’Union européenne a décidé d’interdire la diffusion sur son sol de RT et Sputnik, qu’elle a considéré comme étant des « outils de propagande du Kremlin » dans l’invasion de l’Ukraine 27 Si ces médias ont depuis lors perdu la quasitotalité de leurs audiences en Europe, ils se sont rapidement repositionnés en Afrique, et principalement en Afrique francophone, qui constitue dorénavant une cible prioritaire pour Moscou.28

La Russie a-t-elle pour autant réduit ses efforts et son investissement dans ses médias internationaux après le revers connu en Occident ? Pas tellement, à en croire les récents rapports de Reporters sans frontières. L’ONG a rapporté l’existence, en avril 2024, d’une école de journalisme financée par le Kremlin dans le but de former des correspondants de guerre en phase avec les positions du régime Au programme de la formation dispensée notamment par des journalistes appartenant à la chaîne RT : « apprendre à mener des interviews avec des soldats russes, préparer la logistique d’un reportage ou encore effectuer un stage sur la ligne de front » 29

1.3.3 L’émergence de nouvelles pratiques en ligne

L’interdiction de RT et de Sputnik sur le territoire européen aurait même permis aux Russes d’établir et d’amplifier des stratégies de contournement en ligne. Celles-ci se veulent désormais décentralisées et bien plus opaques. En effet, elles s’organisent de moins en moins sur des réseaux sociaux ouverts comme Facebook, Instagram ou X (anciennement Twitter), mais passent de plus en plus par des messageries chiffrées telles que Telegram, empêchant en grande partie la traçabilité des opérations.30

Une enquête du Washington Post publiée fin décembre 2023 affirme que le Kremlin véhicule et promeut ses messages en ligne par le biais d’une stratégie digitale particulière, celle des « fermes à trolls » , aussi appelées « usines à trolls » En substance, ce qualificatif désigne la création d’un ensemble de faux comptes prétendant appartenir à des individus occidentaux, dans le but de partager massivement des idées pro-russes. Le média démontre d’ailleurs que, une fois devenus viraux grâce à ces larges soutiens fictifs, certains contenus ou éléments langagiers issus de la propagande du Kremlin sont

24 Limonier, Kévin, et Audinet, Maxime. « La stratégie d’influence informationnelle et numérique de la Russie en Europe » Hérodote, vol. 164, no 1 (2017): 132.

25 Nimmo, Ben, et Eyal, Jonathan. « RUS0016 - Evidence on Russia: Implications for UK defence and security », mars 2016 Consulté le 10 mai 2024. https://committees.parliament.uk/writtenevidence/65511/html/

26 Gérard, Colin, Marotte, Guilhem, et Salamatian, Loqman. « RT, Sputnik et le mouvement des Gilets jaunes : cartographie des communautés politiques sur Twitter ». L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique, no 40 (21 octobre 2020). https://doi.org/10.4000/espacepolitique.8092

27 Le Monde.fr. « Guerre en Ukraine : l’Europe suspend les médias d’État russes RT et Sputnik » , 2 mars 2022. Consulté le 10 mai 2024. https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/02/guerre-en-ukraine-l-europe-suspend-les-medias-d-etat-russes-rtet-sputnik_6115791_3234.html

28 Limonier, Kévin. « La stratégie d’influence informationnelle russe ». La Grande Conversation, 4 avril 2023. Consulté le 10 mai 2024. https://www.lagrandeconversation.com/monde/la-strategie-dinfluence-informationnelle-russe/

29 Reporters sans frontières. « Propagande russe : comment le Kremlin forme des “correspondants” de guerre pour travailler dans les territoires occupés d’Ukraine | RSF », 30 avril 2024. Consulté le 10 mai. https://rsf.org/fr/propagande-russe-comment-lekremlin-forme-des-correspondants-de-guerre-pour-travailler-dans-les

30 Limonier, Kévin. « La stratégie d’influence informationnelle russe ». La Grande Conversation, 4 avril 2023. Consulté le 10 mai 2024. https://www.lagrandeconversation.com/monde/la-strategie-dinfluence-informationnelle-russe/

parfois même repris par des figures politiques principalement d’extrême droite. En France, ce n’est autre que Marine Le Pen et son parti, le Rassemblement national, qui ont été accusés de porter et d’endosser le narratif du Kremlin.31

Initialement, ces « usines à trolls » étaient des entités commerciales conçues pour stimuler les clics, les partages ainsi que les likes, dans le but d’accroître la visibilité et de générer des revenus. Aujourd’hui, la Russie a bien compris l’intérêt de cette pratique dans un registre de déstabilisation politique et n’hésite plus à s’inspirer de ces anciennes stratégies de marketing.32 D’autant plus, l’avènement de l’intelligence artificielle auquel nous assistons renforce son potentiel Il est désormais aisé de générer des deepfakes, ces faux contenus pouvant imiter la voix ou les expressions faciales d’une personne avec un haut degré de réalisme33 , avant de les diffuser à une large audience par l’intermédiaire de faux comptes.

Pour illustrer et mieux comprendre cette méthode, intéressons-nous à la vidéo falsifiée dont a été victime Volodymyr Zelynsky en mars 2022, moins d’un mois après le lancement de l’invasion russe (cf. figure 4). La séquence « deepfake » mettait en scène le président ukrainien appelant ses troupes à capituler et à déposer les armes. Elle a d’abord émergé sur le site d’information Ukraine 24, après que ce dernier ait été victime d’une attaque informatique en provenance de la Russie, et s’est ensuite propagée sur diverses plateformes en ligne telles que Facebook et Instagram Le groupe Meta, propriétaire de ces deux réseaux sociaux, a finalement décidé de supprimer la vidéo de ses serveurs.34

Figure 4 : Aperçu de la vidéo « deepfake » ciblant Volodymyr Zelynsky le 17 mars 2022.35

Si son caractère fallacieux a pourtant rapidement été détecté, cette tentative ouvre la voie à des formes de manipulation bien plus élaborées. Elle interroge directement sur les dangers que pourrait représenter l’intelligence artificielle. D’autant plus, nous assistons à un développement et à un perfectionnement continu de la technologie Nul doute que cette situation profitera aux dispositifs de désinformation du Kremlin, en élargissant le champ des possibles et en amplifiant directement la portée des messages

31 Belton, Catherine. « Russia Is Working to Subvert French Support for Ukraine, Documents Show ». Washington Post, 1 janvier 2024. Consulté le 13 mai 2024. https://www.washingtonpost.com/world/2023/12/30/france-russia-interference-far-right/

32 Limonier, Kévin. « La stratégie d’influence informationnelle russe ». La Grande Conversation, 4 avril 2023. Consulté le 13 mai 2024. https://www.lagrandeconversation.com/monde/la-strategie-dinfluence-informationnelle-russe/

33 Chadha, Anupama, Vaibhav Kumar, Sonu Kashyap, et Mayank Gupta. « Deepfake: An Overview ». In Proceedings of Second International Conference on Computing, Communications, and Cyber-Security, édité par Pradeep Kumar Singh, Sławomir T. Wierzchoń, Sudeep Tanwar, Maria Ganzha, et Joel J. P. C. Rodrigues, 557-66. Singapore: Springer, 2021. https://doi.org/10.1007/978-981-16-0733-2_39

34 RTBF. « Guerre en Ukraine : Meta supprime une fausse vidéo de Zelensky appelant à la capitulation » , 17 mars 2022. Consulté le 13 mai 2024. https://www.rtbf.be/article/guerre-en-ukraine-meta-supprime-une-fausse-video-de-zelensky-appelant-a-lacapitulation-10956869

35 Sky News « Ukraine War: Deepfake Video of Zelenskyy Telling Ukrainians to “lay down Arms” Debunked » , 17 mars 2022. Consulté le 13 mai 2024. https://news.sky.com/story/ukraine-war-deepfake-video-of-zelenskyy-telling-ukrainians-to-lay-downarms-debunked-12567789

2 L’Occident face à la menace russe

Nous l’avons constaté, la désinformation russe n’en est pas à ses débuts. Celle-ci continue de perfectionner son approche et d’adapter ses stratégies au contexte au sein duquel elle opère Le régime de Vladimir Poutine compte d’ailleurs un certain nombre de tentatives d’influence avérées à son actif, avec des degrés de réussite variables. Revenons sur les plus marquantes d’entre elles

2.1 Des scrutins électoraux influencés ?

Intéressons-nous d’abord à deux cas majeurs d’ingérence russe dans le cadre de scrutins électoraux, en l’occurrence, les élections présidentielles américaines de 2016 et législatives slovaques de 2023.

2.1.1 Les élections présidentielles américaines de 2016

Les élections présidentielles de 2016 aux Etats-Unis, opposant la candidate démocrate Hillary Clinton au candidat républicain et futur président Donald Trump, ont été le théâtre d’une prolifération massive d’informations partiellement ou complètement fausses sur les réseaux sociaux américains Cette désinformation a été largement orientées en faveur du camp républicain et donc, à l’encontre du camp démocrate.36

Bien évidemment, considérer que la Russie est à l’origine de l’ensemble de ces publications fallacieuses serait une exagération grossière. Certaines rumeurs, comme celle qui affirmait que le Pape François soutenait Donald Trump, avait par exemple pour vocation d’être un canular avant de devenir virale. Toutefois, le média britannique The Guardian avertissait déjà en novembre 2016, deux jours avant le déroulement du scrutin, que de nombreux fervents partisans du candidat républicain sur internet étaient en réalité des propagandistes russes rémunérés, autrement dit, « des trolls ».37

Ces propos ont par la suite été soutenus par le Washington Post, qui a lui aussi dénoncé une « campagne sophistiquée » de désinformation russe dans le but de « nuire à Clinton, soutenir Trump et miner la confiance en la démocratie américaine ». Cette propagande a été décrite comme passant par des milliers de faux comptes liés à Moscou, qui partageaient amplement les informations trompeuses issues de sites ultra-conservateurs ou de médias pro-russes, tels que RT et Sputnik 38 La situation semble donc illustrer au mieux comment les différentes techniques de manipulation du Kremlin peuvent se renforcer mutuellement dans le but de perturber le débat public et démocratique.

D’autant plus, une enquête interne menée par Facebook rapporte que plusieurs centaines de « trolls » opérant depuis la Russie n’ont pas seulement servi à relayer des publications mensongères, mais également à acheter des publicités visant à attiser les tensions politiques en amont de l’élection. En effet, environ 470 comptes créés par une société russe appelée The Internet Research Agency (IRA) auraient dépensé pas moins de 100 000 dollars pour diffuser des annonces à caractère trompeur, ou pour rediriger les internautes vers des pages contenant ce type de contenu biaisé. Les sujets exploités touchaient notamment aux droits des personnes LGBTQIA+, aux violences policières à l’encontre des Afro-Américains, à l’immigration ou encore à la question clivante du port d’armes 39

36 Allcott, Hunt, et Gentzkow, Matthew. « Social Media and Fake News in the 2016 Election ». Journal of Economic Perspectives, no 2 (1 mai 2017): 211-236. https://doi.org/10.1257/jep.31.2.211

37 Benedictus, Leo. « Invasion of the Troll Armies: From Russian Trump Supporters to Turkish State Stooges ». The Guardian, 6 novembre 2016 Consulté le 14 mai 2024 https://www.theguardian.com/media/2016/nov/06/troll-armies-social-media-trumprussian

38 Timberg, Craig. « Russian Propaganda Effort Helped Spread ‘Fake News’ during Election, Experts Say ». Washington Post, 24 novembre 2016 Consulté le 14 mai 2024. https://www.washingtonpost.com/business/economy/russian-propaganda-efforthelped-spread-fake-news-during-election-experts-say/2016/11/24/793903b6-8a40-4ca9-b712-716af66098fe_story.html

39 Shane, Scott, et Goel, Vindu. « Fake Russian Facebook Accounts Bought $100,000 in Political Ads ». The New York Times, 6 septembre 2017. Consulté le 14 mai 2024. https://www.nytimes.com/2017/09/06/technology/facebook-russian-political-ads.html

Ces thèmes hautement polarisants ont été directement employés par les trolls de l’IRA pour élargir les fractures sociales et raciales déjà répandues au sein de la société américaine Sans nécessairement se positionner en faveur d’un candidat, les faux comptes prenaient simultanément position des deux côtés du débat, adoptant les positions les plus extrêmes possibles. Ainsi, sur la question migratoire par exemple, une partie des propagandistes en ligne revendiquait une abolition des frontières, utilisant des hashtags tels que #OpenBorders, alors que l’autre militait pour une politique bien plus stricte au travers des slogans #BuildTheWall ou #StopRefugees 40

Enfin, il est important de mentionner que ces mêmes élections ont été la cible de piratages, dont le camp d’Hillary Clinton a directement été victime. Ces cyberattaques ont conduit au vol et à la diffusion de milliers d’e-mails provenant de l’équipe de campagne démocrate. A l’origine de cette manœuvre : douze membres du service des renseignements russes inculpés depuis lors par la justice américaine.41 Si nous n’allons pas approfondir cela comme il ne s’agit pas tellement de désinformation à proprement parler, cette manipulation témoigne encore un peu plus de l’implication du Kremlin dans le scrutin.

Le procureur spécial américain Robert Mueller, ancien directeur du FBI, a d’ailleurs mené une enquête rendue publique en 2019 à ce propos. Dès la première page du rapport, il établit avec certitude que « le gouvernement russe a interféré dans l’élection présidentielle de 2016 de façon generalisee et systématique. Cette ingérence a favorise le candidat présidentiel Donald Trump et dénigré la candidate Hillary Clinton. »42 Si les chiffres fournis par les plateformes numériques aux autorités font état d’au moins 120 millions d’Américains touchés par la désinformation russe rien que sur Facebook en amont du scrutin43, il est impossible de déterminer avec exactitude l’impact de ces messages. En effet, nous ne pourrons jamais savoir si ceux-ci ont réellement permis d’influencer les votes de la population. Néanmoins, ces constats illustrent la menace croissante qui pèsent sur nos démocraties.

2.1.2 Les élections législatives slovaques de 2023

Similairement aux élections présidentielles américaines de 2016, un dispositif de désinformation massif a ciblé la Slovaquie en amont du scrutin législatif de septembre 2023. Pour remettre les éléments en contexte, celui-ci opposait notamment le parti populiste slovaque Smer-SD, pro-russe et défendant un arrêt du soutien à Kiev, au parti libéral pro-européen nommé « Slovaquie progressiste ». Représentées par leur leader respectif Robert Fico et Michal Šimečka, ces deux formations étaient annoncées comme largement favorites et au coude-à-coude.44

Dans un premier temps, les manipulations de l’information sont restées relativement traditionnelles, similaires aux cas analysés précédemment. Nous constatons par exemple une explosion des messages hostiles à l’Ukraine sur les réseaux sociaux, ainsi qu’une ambassade russe particulièrement active. Cette dernière serait même « la plus active de toutes les ambassades russes dans le monde » selon les données de Facebook, diffusant « beaucoup de désinformation et de récits manipulateurs » 45 Par ailleurs, le candidat Robert Fico semblait lui-même endosser une partie du narratif utilisé par le Kremlin.

40 Bornstein, Roman. « Ingérence numérique, mode d’emploi : la Russie et la présidentielle américaine de 2016 ». Fondation Jean Jaurès Éditions (20 avril 2022) : 28-30 https://www.jean-jaures.org/publication/ingerence-numerique-mode-demploi-la-russie-etla-presidentielle-americaine-de-2016/

41 France 24. « États-Unis : douze agents russes inculpés pour piratage de l’élection présidentielle de 2016 », 13 juillet 2018. Consulté le 14 mai 2024. https://www.france24.com/fr/20180713-etats-unis-presidentielle-trump-clinton-democrates-agentsrusses-inculpes-piratage

42 Bornstein, Roman. « Ingérence numérique, mode d’emploi : la Russie et la présidentielle américaine de 2016 ». Fondation Jean Jaurès Éditions (20 avril 2022) : 3. https://www.jean-jaures.org/publication/ingerence-numerique-mode-demploi-la-russie-et-lapresidentielle-americaine-de-2016/

43 Bornstein, Roman. « Ingérence numérique, mode d’emploi : la Russie et la présidentielle américaine de 2016 ». Fondation Jean Jaurès Éditions (20 avril 2022) : 63 https://www.jean-jaures.org/publication/ingerence-numerique-mode-demploi-la-russie-et-lapresidentielle-americaine-de-2016/ 44 euronews. « Législatives décisives en Slovaquie, avec l’Ukraine en toile de fond », 30 septembre 2023. Consulté le 15 mai 2024. https://fr.euronews.com/2023/09/30/legislatives-decisives-en-slovaquie-avec-lukraine-en-toile-de-fond 45 Laurent, Sarah, et AFP. « A quelques jours des élections législatives, la Slovaquie visée par des campagnes de désinformation ». Libération, 28 septembre 2023. Consulté le 15 mai 2024. https://www.liberation.fr/international/europe/aquelques-jours-des-elections-legislatives-la-slovaquie-visee-par-des-campagnes-de-desinformation20230928_MIVBNID2CRBLPAHUG5AS3MTKFY/

Les manœuvres d’influence vont pourtant prendre une toute autre ampleur moins de 48 heures avant le scrutin, durant la période où les médias et les candidats étaient supposés rester silencieux, lorsqu’un deepfake audio apparaissait sur les réseaux sociaux. Au sein de celui-ci, il était possible d’entendre le leader pro-européen Michal Šimečka entretenir une discussion avec une journaliste, dans laquelle il exprimait son intention de truquer les élections. Si cet enregistrement s’est finalement révélé être entièrement généré par l’intelligence artificielle, le moment judicieux de sa publication l’a rendu particulièrement difficile à démentir. Bien qu’il soit compliqué d’en évaluer précisément les effets, il semblerait que le deepfake ait tout de même contribué à démobiliser l’électorat progressiste. Au final, c’est le parti populiste Smer-SD qui l’a emporté avec 5% d’avance sur son principal rival.46

2.2 L’Europe directement visée

La situation américaine et slovaque ne sont pas des cas isolés. La Commission européenne a ellemême publié un rapport après le scrutin de 2019, exposant une « activité de désinformation continue et soutenue de la part de sources russes visant à limiter la participation électorale tout en influençant les préférences des électeurs »47 . Fort heureusement, les conséquences finales semblent ici avoir été relativement limitées. Néanmoins, cela démontre que l’Europe comme ses pays membres ne doivent pas négliger la menace que représente la guerre de l’information opérée depuis la Russie.

2.2.1 L’opération Doppelgänger

La récente « opération Doppelgänger » , baptisée en référence à un mot issu du folklore germanique qui désigne un « double maléfique », est d’ailleurs là pour le rappeler Documentée pour la première fois en septembre 2022 dans un rapport de l’ONG EU DesinfoLab, cette campagne de désinformation cible l’Europe depuis le lancement de la guerre russo-ukrainienne. Elle emploie une méthode d’une simplicité désarmante : créer des copies de sites de presse ou d’organisations officielles, dans le but faire passer des messages portant atteinte à l’Ukraine. Si le narratif employé dans ces activités d’influence est directement aligné avec la propagande du Kremlin, il n’est dès lors pas surprenant de découvrir que de nombreux éléments et indices pointent vers l'implication d'acteurs basés en Russie.48

Parmi les médias visés, nous retrouvons notamment les très populaires Bild et Der Spiegel en Allemagne, Le Figaro et Le Monde en France, The Guardian en Angleterre ou encore l’agence de presse italienne ANSA. Analysons plus en profondeur l’exemple concret disponible en figure 5, rapidement démenti par plusieurs vérificateurs d’information, afin de mieux comprendre les rouages de cette opération.

46 Łabuz, Mateusz, et Christopher Nehring. « On the Way to Deep Fake Democracy? Deep Fakes in Election Campaigns in 2023 ». European Political Science (26 avril 2024) https://doi.org/10.1057/s41304-024-00482-9

47 Franceinfo. « Comment des “fake news” russes ont tenté d’influer sur les élections européennes », 14 juin 2019. Consulté le 14 mai 2024. https://www.francetvinfo.fr/elections/comment-des-fake-news-russes-ont-tente-d-influer-sur-les-electionseuropeennes_3489839.html

48 Alaphilippe, Alexandre, Machade, Gary, Miguel, Raquel et Poldi, Francesco. « Doppelganger - Media Clones Serving Russian Propaganda » EU DisinfoLab, 27 septembre 2022. Consulté le 14 mai 2024. https://www.disinfo.eu/doppelganger/

État de la question 2024 - IEV • 11

Figure 5 : Aperçu d’un article pro-russe attribué au média allemand Bild en mai 2022.49

Titré "en essayant de brûler le drapeau russe, des réfugiés ukrainiens en Allemagne brûlent une maison mise à leur disposition", cet article adopte l’ensemble des codes et la charte graphique du site d’information allemand. Assorti d’une vidéo témoignant des faits, rien ne laisse à première vue penser qu’il s’agit d’un faux contenu. Pourtant, l’information a belle et bien été créée de toute pièce sur base d’images tirées d’un incendie dans la région dix ans plus tôt. L’objectif était ainsi de remettre en question l’arrivée de réfugiés ukrainiens en Allemagne, qui figurait comme l’un des principaux pays d’accueil.50

Ces copies sont généralement extrêmement poussées, à tel point que les liens hypertextes insérés en leur sein renvoient généralement vers d’autres articles authentiques publiés par le média. Les pages disposent également de noms de domaine quasiment similaires, ce qui les rend particulièrement difficiles à déceler. Elles sont ensuite propagées au travers des méthodes russes habituelles : des partages par des faux comptes sur les réseaux sociaux, un investissement dans la publicité en ligne, ainsi qu’une implication du réseau diplomatique et des centres culturels liés au Kremlin.51

Après l’avoir démantelée et exposée au grand jour, l’Europe pensait s’être débarrassée de cette grande campagne de désinformation. Le Conseil de l’Union européenne avait d’ailleurs adopté une série de sanctions à l’égard des entités russes à l’origine de celle-ci en juillet 2023.52 Toutefois, la réalité a été toute autre L’opération Doppelgänger semble depuis lors avoir repris de plus belle, notamment après le terrible attentat terroriste qui s’est déroulé dans un théâtre de Moscou le 22 mars 2024. Comme le documente le média russe indépendant basé en Lettonie The Insider, la Russie a coordonné dans la foulée de celui-ci une nouvelle manipulation visant à propager de faux articles imitant l’apparence de grands organes de presse européens, afin de faire porter la responsabilité de l’attaque à l’Ukraine 53

49 Marinov, Viktor. « Gefälschter Bild-Artikel über ukrainische Flüchtlinge, die angeblich ein Haus in Brand gesetzt haben ». correctiv.org (blog), 19 mai 2022. Consulté le 15 mai 2024. https://correctiv.org/faktencheck/2022/05/19/gefaelschter-bild-artikelueber-ukrainische-fluechtlinge-die-angeblich-ein-haus-in-brand-gesetzt-haben/

50 AFP Factuel. « Des réfugiés ukrainiens incendient une maison mise à leur disposition en Allemagne ? C’est faux », 31 mai 2022. Consulté le 15 mai 2024. https://factuel.afp.com/doc.afp.com.32BK26B

51 France 24. « Doppelgänger : la France a déjoué une campagne numérique russe de désinformation », 13 juin 2023. Consulté le 15 mai 2024. https://www.france24.com/fr/france/20230613-la-france-a-d%C3%A9jou%C3%A9-une-campagnenum%C3%A9rique-russe-de-d%C3%A9sinformation-un-acte-indigne

52 Council of the EU. « Information Manipulation in Russia’s War of Aggression against Ukraine: EU Lists Seven Individuals and Five Entities », 28 juillet 2023 Consulté le 15 mai 2024. https://www.consilium.europa.eu/en/press/pressreleases/2023/07/28/information-manipulation-in-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-eu-lists-seven-individuals-and-fiveentities/

53 The Insider. « Kremlin Bot Network Spreads Articles Claiming ISIS Not Responsible for Crocus City Hall Terrorist Attack, Points Fingers at Kyiv, UK, U.S. » , 25 mars 2024. Consulté le 15 mai 2024. https://theins.ru/en/news/270225

2.2.2

La France comme cible privilégiée

Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sait pertinemment que son pays figure parmi les cibles privilégiées de Moscou. « Nous sommes pilonnés par la propagande de la Russie. Il ne se passe pas une semaine sans que la France ne soit la cible de manœuvres coordonnées et délibérées pour perturber le débat public »54 , prévenait-il au début du mois d’avril 2024

Il faut dire que l’influence russe s’est particulièrement accentuée au sein du pays récemment, en particulier depuis que le président Emmanuel Macron a annoncé ne pas exclure l’envoi de troupes françaises sur le front ukrainien. Nous l’avons constaté en début d’étude, cette déclaration a suscité des réactions fallacieuses d’ambassades et de hauts gradés des services du Kremlin, dans le but de saper le soutien populaire à la cause ukrainienne La désinformation à cet égard ne s’est pas arrêtée là, puisque l’opération Doppelgänger s’est elle-même saisie de l’opportunité. En mars dernier, la France constatait ainsi l’apparition d’une page internet adoptant les codes et les logos de son propre site gouvernemental, afin d’annoncer que son armée de Terre recrutait « 200 000 volontaires pour s’engager en Ukraine » (cf. figure 6) Selon le dispositif russe habituel, le contenu s’est propagé sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire de comptes malveillants, ce qui a obligé le Ministère des Armées à réagir publiquement pour démentir l’information.55

Figure 6 : Aperçu du faux site internet « Sengager-Ukraine.fr », suspendu le 28 mars 2024. 56

Il n’a toutefois pas fallu attendre le lancement de l’invasion russe en Ukraine pour constater des cas avérés d’ingérence russe dans l’Hexagone. En 2017, dans le cadre de l’élection présidentielle opposant Macron à Le Pen, le premier avait déjà été victime d’une manœuvre de déstabilisation mieux connue sous l’appellation des « Macron Leaks ». Au cours de celle-ci, et après un piratage de l’équipe de campagne du candidat, une rumeur émergeait en ligne indiquant que Macron disposait d’un compte bancaire caché aux Caraïbes. Les publications s’accompagnaient majoritairement de la formule « #MacronCacheCash », laissant ainsi penser à une opération organisée, et renvoyaient vers des documents « attestant des faits ». Si la fachosphère américaine a joué un rôle dans la propagation de l’accusation, elle a été accompagnée par des comptes proches des médias pro-Kremlin RT et Sputnik Les documents « de preuve », qui se sont révélés être de grossiers montages, contenaient également

54 Vernay, Stéphane. « ENTRETIEN. Le ministre Jean-Noël Barrot : « Nous sommes pilonnés par la propagande russe » » , OuestFrance.fr, 20 avril 2024. Consulté le 15 mai 2024. https://www.ouest-france.fr/europe/entretien-jean-noel-barrot-nous-sommespilonnes-par-la-propagande-russe-3f40942a-ff18-11ee-b295-c2640ef35bd2

55 AFP Factuel. « Attention à ce faux site de l’Armée française appelant à “s’engager pour l’Ukraine” », 28 mars 2024. Consulté le 15 mai 2024. https://factuel.afp.com/doc.afp.com.34MN2RF

56 Horn, Alexandre. « Non, l’armée française n’a pas lancé un site pour s’engager en Ukraine ». Libération, le 28 mars 2024. Consulté le 15 mai 2024. https://www.liberation.fr/checknews/non-larmee-francaise-na-pas-lance-un-site-pour-sengager-enukraine-20240328_7GZX6BYUR5C6PENPE4EWCPHR7Y/

des métadonnées suggérant une implication russe. Nous tenons toutefois à préciser que cette opération de désinformation a été un échec, et qu’elle ne semble pas avoir influencé significativement le scrutin 57

Cela ne fait plus l’ombre d’un doute, l’ingérence électorale et le conflit en Ukraine constituent les deux enjeux majeurs de la guerre informationnelle livrée par Moscou. Nous constatons toutefois que la Russie cherche également à exploiter toute crise interne à la France, aussi anecdotique soit-elle, afin d’accroître les tensions sociales dans une démarche purement opportuniste. Via la création de faux sites internet ou l’activation de son « armée de trolls », le dispositif d’influence du Kremlin aurait ainsi permis d’amplifier artificiellement la psychose des punaises de lit ayant touché Paris en septembre 202358 , ou les images de tags d’étoiles de David deux mois plus tard 59 Il faut dire qu’à l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, compétition durant laquelle l’Hexagone sera au centre de l’attention internationale, l’intérêt pour Moscou de porter atteinte à l’image du pays n’est que plus grande encore.

2.3 La Belgique, relativement préservée ?

Après avoir exposé ces multiples cas de désinformation ayant touché la France comme l’ensemble de l’Europe récemment, nous sommes en droit de penser que la Belgique est jusqu’à présent relativement épargnée Ce constat est d’ailleurs partagé par le général Michel Van Strythem, chef du tout nouveau Commandement Cyber de la Défense belge, dans des propos recueillis par La Libre début mars 2024.60

Si nous pouvons nous réjouir que peu d’attaques majeures semblent directement cibler le pays, le spectre de l’influence russe n’est jamais loin et ne peut être négligé. En 2019 déjà, le média public flamand VRT témoignait de fausses informations à l’égard de la Belgique propagée par la chaîne russe RT. 61 Plus récemment, en février 2024, une enquête de la BBC révélait la présence d’un Belge à la tête d’un vaste réseau de propagande pro-Kremlin appelé « Russosphère » Actif sur X, YouTube et Telegram, ce dernier visait notamment à « diffuser des idées hostiles à l’égard de l’Occident ».62

Les journalistes de la VRT ont d’ailleurs approfondi l’investigation en retrouvant notamment le cerveau des opérations, un Carolorégien de 65 ans dénommé Luc Michel. Alors qu’il se décrit comme staliniste, le propagandiste pro-russe aurait auparavant été proche du parti d’extrême droite Vlaams Belang, ainsi que des milieux néonazis. La chaîne flamande est d’ailleurs parvenue à se procurer un contenu diffusé au sein du réseau (cf. figure 7) Sur celui-ci, nous pouvons apercevoir des images de rayons vides au sein d’un supermarché localisé à Jodoigne, une petite ville située dans la Province du Brabant wallon. La séquence a été capturée en février, en pleine période de manifestations des agriculteurs et de blocages des centres de distribution. Seulement, Russosphère affirme que la situation de pénurie est due aux sanctions internationales contre la Russie, et non à la colère du monde agricole. Il s’agit donc

57 Vilmer, Jean-Baptiste Jeangène, Siim Alatalu, Irina Borogan, Elena Chernenko, Sven Herpig, Oscar Jonsson, Xymena Kurowska, et al. « Lessons from the Macron leaks ». Hacks, Leaks and Disruptions: Russian Cyber Strategies European Union Institute for Security Studies (EUISS), 2018. https://www.jstor.org/stable/resrep21140.11

58 Le Figaro. « France: la psychose des punaises de lit a été «amplifiée» par Moscou, affirme le ministre délégué à l’Europe », 1 mars 2024. Consulté le 16 mai 2024. https://www.lefigaro.fr/actualite-france/france-la-psychose-des-punaises-de-lit-a-eteamplifiee-par-moscou-affirme-le-ministre-delegue-a-l-europe-20240301

59 France Diplomatie - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. « Russie – Nouvelle ingérence numérique russe contre la France », 9 novembre 2023. Consulté le 16 mai 2024. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossierspays/russie/evenements/evenements-de-l-annee-2023/article/russie-nouvelle-ingerence-numerique-russe-contre-la-france-0911-23

60 Clevers, Antoine. « La Belgique doit-elle craindre des attaques russes ? “On doit se préparer, tant en termes de désinformation que d’attaques cyber” ». La Libre.be, 16 mai 2024. https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukrainerussie/2024/03/13/cela-fait-plus-de-100-ans-que-les-russes-font-de-la-desinformation-la-guerre-se-gagne-aussi-dans-lecyberespace-T3UXTYII35D3BJDV2I55MPEXC4/

61 Steffens, Eric. « La Russie lance une nouvelle campagne de “fake news” contre la Belgique » VRT NWS, 30 mars 2019. Consulté le 16 mai 2024 https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2019/03/30/la-russie-lance-une-nouvelle-campagne-de-fake-news-contrela-b/

62 Atanesian, Grigor. « Russia in Africa: How Disinformation Operations Target the Continent ». BBC, 1 février 2023. Consulté le 16 mai 2024. https://www.bbc.com/news/world-africa-64451376

de la question 2024 - IEV • 14

bien d’une nouvelle manière de détourner la réalité pour promouvoir un narratif favorable à la Russie, capable d’influencer le débat public.63

Figure 7 : Aperçu d’une publication trompeuse d Russosphère recueillie par la VRT en février 2024.

Accueillant le siège des institutions européennes et de l’OTAN, la Belgique a de surcroît une responsabilité accrue dans la lutte contre la désinformation russe, qui va au-delà des seules attaques visant ses citoyens. Pour cette raison, le gouvernement avait notamment pris la décision d’expulser une vingtaine de diplomates russes accusés de tentatives d’influence au début de la guerre en Ukraine.64 Dernièrement, c’est le parquet fédéral belge qui a lui-même ouvert une enquête au sujet de députés européens soupçonnés d’avoir acceptés des paiements pour relayer la propagande du Kremlin.65

3 Les réponses occidentales

Si la désinformation russe apparaît bien comme omniprésente aux Etats-Unis comme dans l’ensemble de l’Union européenne, elle ne doit pas pour autant être perçue comme une fatalité. L’Occident est désormais moins naïf qu’autrefois, et poursuit le renforcement de son arsenal de lutte contre les manipulations. Du travail a certes été fait, mais beaucoup reste à faire pour protéger nos démocraties.

3.1 La posture privilégiée

Dans la lutte contre la désinformation orchestrée par la Russie, désormais devenue une priorité explicite pour l'Union européenne, l'OTAN et la grande majorité de leurs pays membres, la consigne est claire :

63 Santens, Tobias. « VRT NWS praat met Belgen die online propaganda voor Rusland verspreiden: “We zijn informatieoorlog aan het winnen” » VRT NWS, 17 février 2024. Consulté le 16 mai 2024 https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2024/02/15/russischepropaganda-door-belgen/ 64 RTBF. « La Belgique et les Pays-Bas expulsent 38 Russes pour espionnage et menace sécuritaire », 29 mars 2022. Consulté le 16 mai 2024. https://www.rtbf.be/article/la-belgique-et-les-pays-bas-expulsent-38-russes-pour-espionnage-et-menacesecuritaire-10965077

65 Le Soir. « Le Parlement européen visé par un réseau d’influence russe : une enquête ouverte », 12 avril 2024. Consulté le 16 mai 2024. https://www.lesoir.be/580623/article/2024-04-12/le-parlement-europeen-vise-par-un-reseau-dinfluence-russe-uneenquete-ouverte

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ne pas utiliser une « contre-propagande » comme moyen de réponse. Ce principe est souligné dans une résolution du Parlement européen datant de 2016, qui stipule que « lutter contre la propagande par de la propagande » est inefficace. L’organe législatif recommande plutôt à l'UE et à ses États membres de « réfuter les campagnes de désinformation et diffuser des messages positifs ».66 Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, partage d’ailleurs cette approche. Il affirme que l’Alliance ne recourra jamais à la propagande pour contrer celle des autres, préférant laisser les journalistes rétablir la vérité. De même, dans les cabinets ministériels, cette méthode d’influence est perçue comme un repoussoir Considérée comme le discours de l’autre, il s'agit bien souvent d’éviter de s'abaisser à une telle pratique.67

Cette posture adoptée par le bloc occidental s’explique au travers de plusieurs éléments D’abord, il s’agit d’une question de moyens. Moscou investit des ressources humaines et financières absolument colossales dans ses pratiques d’influence. Selon les chiffres communiqués en 2018, la Russie injecterait plus d’un milliard d’euros par an dans son dispositif de manipulation, notamment pour faire fonctionner ses médias internationaux et ses usines à trolls.68 Qui plus est, il est légitime de suggérer que ce budget a été revu à la hausse depuis le début de la guerre en Ukraine Les dernières révélations du média estonien Delfi vont d’ailleurs dans ce sens et parle d’un montant de 1,1 milliard d’euros alloué par le gouvernement russe à sa propagande pour l’année 2024 69 À titre de comparaison, le budget de l'East StratCom Task Force, la cellule du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) consacrée à la lutte contre la désinformation, était de 1,9 million d’euros en 2018 70 Cet écart abyssal est révélateur d’un manque de moyens criant, qui rendrait impossible toute contre-propagande occidentale.

En outre, celle-ci aurait de grandes chances d’être inefficace. Nous savons pertinemment que tout message émanant d’une organisation gouvernementale est intrinsèquement partisan Il risque donc, au mieux, d’être perçu comme peu crédible. Au pire, il pourrait même être exploité et instrumentalisé par l’adversaire à son avantage. D’autant plus, cette méthode serait purement contre-productive : une réponse similaire, où l’Occident reproduirait les actions qu’elle dénonce elle-même, annulerait l’ensemble de ses efforts. Elle minerait sa distinction fondamentale et son discours basé sur les droits humains, les valeurs démocratiques et les libertés, de même que l'état de droit.71 Dès lors, les pistes privilégiées pour faire face à la propagande du Kremlin reposent principalement sur le développement d’outils législatifs et de régulations, ainsi que sur l’éducation et la sensibilisation de la population.

3.2 Les principales avancées

Comme la désinformation n’a rien d’illégale en soi, il est impossible de l’interdire et particulièrement compliqué de la contenir. Toutefois, des initiatives concrètes de lutte sont prises pour limiter la propagation de ces informations fallacieuses à la fois à l’échelle internationale, européenne et nationale

3.2.1

Au niveau international

Depuis bien des années déjà, les Nations Unies par l’intermédiaire de son Secrétaire général Antonio Guterres appellent les États membres à accentuer leurs efforts pour combattre la désinformation et

66 Parlement européen. « Communication stratégique de l’Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers », 23 novembre 2016. Consulté le 17 mai 2024. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2016-0441_FR.html

67 Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contrepropagande ? » , Revue Défense Nationale 801, no 6 (2017): 93-105. https://doi.org/10.3917/rdna.801.0093

68 L’Echo. « La Russie dépense plus d’un milliard par an pour désinformer », 6 décembre 2018. Consulté le 17 mai 2024. https://www.lecho.be/economie-politique/europe/general/la-russie-depense-plus-d-un-milliard-par-an-pourdesinformer/10076114.html

69 Le Figaro. « «Kremlin Leaks» : les révélations inédites sur l’ampleur de la propagande et du contrôle de l’information en Russie », 28 février 2024. Consulté le 17 mai 2024. https://www.lefigaro.fr/international/kremlin-leaks-les-revelations-inedites-surl-ampleur-de-la-propagande-et-du-controle-de-l-information-en-russie-20240228

70 Stolton, Samuel. « EU Commission Takes Aim at Disinformation, Admits Funding Deficit ». Euractiv, 6 décembre 2018. Consulté le 17 mai 2024. https://www.euractiv.com/section/digital/news/eu-commission-takes-aim-at-disinformation-admitsfunding-deficit/

71 Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contrepropagande ? » , Revue Défense Nationale 801, no 6 (2017): 93-105. https://doi.org/10.3917/rdna.801.0093

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protéger les droits humains. Les demandes énumérées font notamment l’objet de l’adoption d’une approche basée sur la transparence, d’un respect de la liberté d’expression et du pluralisme des médias, ainsi que d’une garantie de diffusion d’informations exactes par les agents publics.72

En février 2024, nous avons assisté à un moment charnière : le lancement de la toute première coalition internationale de lutte contre l’ingérence étrangère via la désinformation. Sous l’impulsion des EtatsUnis, du Canada et de la Grande-Bretagne, le réseau souhaite renforcer la coordination des pratiques visant à défendre l’intégrité de son espace informationnel et espère attirer d’autres puissances à l’avenir. Parmi les grandes lignes annoncées du projet, l’alliance compte notamment s’accorder sur une définition commune du terme désinformation et développer des mécanismes de réaction multilatéraux.73

Cet accord apparaît un an après la proposition américaine de mettre à disposition d’autres nations les compétences du Global Engagement Center (GEC), son centre gouvernemental dédié à la lutte contre la propagande étrangère. Cette annonce avait été faite par James Rubin, ancien journaliste et assistant du président Bill Clinton devenu coordinateur de la cellule, et s’adressait principalement aux pays des Balkans. L’homme disait alors vouloir « leur transmettre des outils pour analyser l’empoisonnement de leur espace informationnel » au travers « d’une meilleure approche des médias gratuits, de la vérification de l’info et d’une architecture conçue pour résister. »74

Si cet organe forgé pour lutter contre la désinformation et se tenant à disposition de pays tiers apparaît comme une excellente initiative, il convient de rappeler que le GEC fait partie intégrante de l’État américain. Dès lors, il pourrait à juste titre être soupçonné de favoriser le narratif de Washington, hostile à l’égard de la Russie et de son président Vladimir Poutine. Pour qu’un telle cellule puisse réellement être aussi efficace que vertueuse, il conviendrait qu’elle soit indépendante de tout gouvernement, toute idéologie politique et religieuse, ou tout intérêt économique.

3.2.2 Au niveau européen

En plus de la création en 2015 de l'East StratCom Task Force, unité spéciale de lutte contre la désinformation que nous avons précédemment décrite comme sous-financée, l’Union européenne a établi une stratégie multidimensionnelle pour lutter contre la propagande russe.

En 2018, elle a introduit un « code de bonnes pratiques contre la désinformation ». Renforcé en 2022, ce dernier s’adresse principalement aux grandes plateformes numériques. Il a d’ailleurs très vite été signé par plus d’une trentaine d’acteurs, dont Google, Facebook, Tiktok ou Twitter, qui a depuis lors décidé de s’en retirer après son rachat par Elon Musk. Bien qu’il n’ait aucun pouvoir contraignant, l’instrument vise notamment à améliorer la transparence des contenus sponsorisés, à fermer les faux comptes et à réduire les bénéfices financiers issus de la publicité pour les sites de désinformation. Les signataires s’engagent également à promouvoir une information fiable et à fournir des indications sur le fonctionnement de leurs algorithmes à la Commission européenne.75

Parallèlement, l’Union européenne a renforcé considérablement sa législation dans le domaine, notamment par le biais du Digital Services Act (DSA). Depuis août 2023, ce règlement impose aux grandes plateformes et aux moteurs de recherche des obligations strictes en termes de modération des contenus, ainsi que des sanctions en cas de non-respect des principes 76 Il a été complété plus récemment par la législation sur l’intelligence artificielle, mieux connue sous l’appellation de « AI Act » ,

72 Nations Unies. « Combattre la désinformation pour promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales ». Rapport du 12 août 2022. Consulté le 17 mai 2024. https://www.un.org/fr/countering-disinformation

73 United States Department of State. « Joint Statement from the United States, United Kingdom, and Canada on Countering Foreign Information Manipulation », 16 février 2024 Consulté le 17 mai 2024. https://www.state.gov/joint-statement-from-theunited-states-united-kingdom-and-canada-on-countering-foreign-information-manipulation/

74 Ching, Nike. « VOA Interview: US Intends to Sign More Agreements With Allies to Counter Disinformation ». Voice of America, 6 juin 2023. Consulté le 17 mai 2024. https://www.voanews.com/a/us-intends-to-sign-more-agreements-with-allies-to-counterdisinformation-/7126216.html

75 Commission européenne. « Code de bonnes pratiques contre la désinformation 2022 | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe » Consulté le 21 mai 2024. https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/code-practice-disinformation

76 Commission européenne. « Le paquet législatif sur les services numériques | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe ». Consulté le 21 mai 2024. https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/digital-services-act-package

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qui adresse notamment le problème plus spécifique des deepfakes Ce tout premier cadre juridique en la matière exige que toute personne indique clairement lorsqu’elle a recourt à l’intelligence artificielle dans le but générer ou de manipuler un contenu constituant une contrefaçon profonde 77 Avec une application progressive prévue jusqu’en 2026, le texte pourrait permettre, à terme, de lutter contre les situations de désinformation semblables à celle vécue durant les élections législatives slovaques de 2023

Dans l’attente et en préparation du scrutin du 9 juin 2024, les députés européens ont aussi décidé d’encadrer davantage la publicité politique, et plus particulièrement sa transparence ainsi que son ciblage. Dorénavant, ce type de contenu publicitaire va devoir être clairement identifié, qu’il soit diffusé en ligne ou sur d’autres supports, et ne pourra plus utiliser des données personnelles sans le consentement explicité de la personne impliquée Qui plus est, il sera bientôt interdit de sponsoriser des publicités politiques depuis un pays non membre de l'Union européenne trois mois avant chaque référendum ou chaque élection, peu importe qu'elle soit locale, nationale ou européenne 78

Enfin, l’Union européenne mène également de multiples initiatives d’éducation aux médias sur son territoire Au travers de campagnes de sensibilisation, de formations ou d’une promotion de l’esprit critique dès le plus jeune âge, elle vise à rendre les citoyens mieux préparés face aux informations consultées en ligne. 79 D’autres formations ou initiatives s’adressent par ailleurs directement aux journalistes et aux organes de presse, afin qu’ils prennent eux aussi conscience de leur rôle, leurs droits et leurs devoirs. Dans ce cas précis, la démarche s’inscrit dans les nombreux engagements pris par l’UE pour valoriser le pluralisme des médias et la liberté de presse.80

3.2.3 Au niveau belge

Si la boîte à outils européenne de lutte contre les manipulations de l’information apparaît comme relativement étoffée, les marges de manœuvre au niveau belge semblent quant à elles plus restreintes. Néanmoins, ce constat ne signifie pas pour autant que rien n’est mis en place au sein du pays pour faire face aux ingérences étrangères.

En effet, le 19 octobre 2022, la ministre socialiste de la Défense Ludivine Dedonder inaugurait la naissance du Cyber Command, une première étape vers la création d’une cinquième Composante au sein du ministère. L’unité contribue depuis lors à assurer la cybersécurité du pays, en collaboration avec différentes parties prenantes du milieu industriel, académique ou associatif. Elle est de surcroît impliquée dans la lutte contre la désinformation et veille, selon les dires de son commandant, à « éviter que des forces extérieures n’instrumentalisent des thématiques clivantes, comme la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient, pour déstabiliser notre modèle démocratique » 81

Le gouvernement belge a par ailleurs décidé, à l’issue d’un Conseil national de sécurité fin mars 2024, de renforcer sa stratégie contre la propagation de fausses informations en amont des différents scrutins. Dans ce contexte, plusieurs services de sécurité du pays sont amenés à renforcer leur coordination au sein d’une task force spéciale, qui restera active jusqu’aux élections communales d’octobre, ainsi que durant toute la période de formation du prochain gouvernement fédéral. Les efforts se veulent à la fois préventifs et réactifs. Dans le premier cas, le Centre de crise National a créé une page internet spéciale expliquant les mécanismes et les dangers de la désinformation, ainsi que les moyens de s'en prémunir

77 Commission européenne. « Législation sur l’IA | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe ». Consulté le 21 mai 2024. https://digitalstrategy.ec.europa.eu/fr/policies/regulatory-framework-ai

78 Parlement européen. « Le PE adopte de nouvelles règles de transparence pour la publicité politique | Actualité | Parlement européen », 27 février 2024. Consulté le 21 mai 2024. https://www.europarl.europa.eu/news/fr/pressroom/20240223IPR18071/le-pe-adopte-de-nouvelles-regles-de-transparence-pour-la-publicite-politique

79 Commission européenne. « Éducation aux médias | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe ». Consulté le 21 mai 2024. https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/media-literacy

80 Commission européenne. « Liberté et pluralisme des médias | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe ». Consulté le 21 mai 2024. https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/media-freedom

81 La Défense. « La Composante Cyber : une histoire sans fin ? » Consulté le 21 mai 2024. https://beldefnews.mil.be/lacomposante-cyber-une-histoire-sans-fin/?lang=fr

Dans le second, des communications officielles émanant des autorités ont été prévues, via la presse ou les réseaux sociaux, pour démentir et faire face à l’émergence d’éventuelles fausses informations 82

Cette démarche réactive a également été adoptée par de nombreux grands médias nationaux ces dernières années. La RTBF ne fait pas figure d’exception puisqu’elle possède elle-même sa propre plateforme de fact-checking, autrement dit, de vérification de l’information. Par le biais d’un rigoureux travail journalistique visant à recueillir des éléments factuels et objectifs, les groupes médiatiques utilisent désormais leur notoriété pour contrer, à leur échelle, la vague de désinformation qui s’accroît.83

3.3 Les efforts restants

Nous le constatons, de nettes avancées ont été établies ces dernières années à différentes échelles, notamment depuis que les Occidentaux ont réellement pris conscience de la menace que représentait la désinformation provenant de puissances étrangères Un travail conséquent reste néanmoins encore à fournir, avant de pouvoir réellement se considérer comme « en sécurité » dans cette guerre de l’information.

Les chercheurs font d’ailleurs fréquemment part de leurs recommandations à ce sujet. Parmi celles-ci, nous retrouvons notamment le besoin d’adopter une définition claire des termes, et plus particulièrement de celui de « désinformation », reconnue à l’international. Cela permettrait de ne pas confondre la défense des intérêts nationaux avec une falsification intentionnelle de l’information, facilitant ainsi sa dénonciation Cette proposition rejoint donc l’initiative prise conjointement par le Canada, la GrandeBretagne et les Etats-Unis présentée précédemment, en l’approfondissant davantage.84

D’autres recommandations invitent par ailleurs à accroître la recherche en la matière, que ce soit dans les ministères, les universités ou les think tanks. Cela permettrait de suivre plus attentivement et de mieux cerner l’évolution des pratiques, laissant donc plus de marge pour s’en prémunir Un soutien accru aux initiatives non-gouvernementales, aux ONG de défense des journalistes ou aux plateformes de fact-checking, apparaît également comme primordial. En effet, inclure la société civile et le secteur privé dans la détermination des pistes de solution permettrait de contourner les limites d’une réponse purement gouvernementale, qui sera toujours suspectée d’être biaisée.85

Enfin, si l’Union européenne a belle et bien renforcé son emprise sur les plateformes numériques par le biais du Digital Services Act ou de l’AI Act, ses pays membres ne semblent pas souhaiter s’arrêter en si bon chemin. À la mi-mai 2024, le parti social-démocrate suédois réclamait par exemple à l’Europe d’adresser un autre problème majeur, celui de la prolifération des « trolls » en ligne. Pour cela, l’ancienne première ministre Magdalena Andersson et l’eurodéputée socialiste Heléne Fritzon suggéraient l’introduction d’une vérification d’identité obligatoire sur les réseaux sociaux, ce qui rendrait impossible toute création de faux comptes.86

Bien qu’il ne s’agisse que d’une proposition parmi tant d’autres, et que celle-ci est encore bien loin d’aboutir, elle montre que de nombreux leviers d’actions restent inexploités. L’Occident n’a définitivement pas épuisé ses ultimes ressources et dispose toujours d’une marge de manœuvre considérable pour garantir une plus large protection de ses citoyens, de son débat public, ainsi que de ses valeurs démocratiques

82 L’Echo. « Un plan anti-désinformation face aux manipulations des élections », 28 mars 2024. Consulté le 21 mai 2024. https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/un-plan-anti-desinformation-face-aux-manipulations-deselections/10536164.html

83 RTBF. « Faky : la plateforme de fact checking de la RTBF », 23 avril 2021. Consulté le 21 mai 2024. https://www.rtbf.be/article/faky-la-plateforme-de-fact-checking-de-la-rtbf-10747195

84 Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contrepropagande ? » , Revue Défense Nationale 801, no 6 (2017): 100-105 https://doi.org/10.3917/rdna.801.0093

85 Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. « La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contrepropagande ? » , Revue Défense Nationale 801, no 6 (2017): 100-105 https://doi.org/10.3917/rdna.801.0093

86 Szumski, Charles, et Eliza Gkritsi. « Sweden’s Social Democrats Want EU ID Verification to Fight Social Media Trolls ». Euractiv, 17 mai 2024. Consulté le 22 mai 2024. https://www.euractiv.com/section/politics/news/swedens-social-democrats-wanteu-id-verification-to-fight-social-media-trolls/

État de la question 2024 - IEV • 19

Conclusion

En 2024, plus de la moitié de la population mondiale sera appelée aux urnes. S’il s’agit bel et bien d’un record historique, cette situation suscite une inquiétude légitime face à la menace croissante que représente la désinformation qui pèse sur nos démocraties occidentales. Cette pratique, définie communément comme la diffusion intentionnelle d’informations fausses dans le but de nuire ou de tromper, est directement utilisée par des puissances étrangères, en particulier la Russie, dans ce qui peut désormais être qualifié de « guerre de l’information ». L’objectif de Moscou est clair : fragmenter nos sociétés occidentales, accroître l’ingouvernabilité, élargir les divisions sociales et influer sur les résultats électoraux dans un sens favorable à ses intérêts propres

Ces tentatives de manipulation ne sont toutefois pas nouvelles Notre étude a mis en lumière une menace complexe et évolutive, ancrée dans un héritage soviétique et intensifiée par le lancement de l’invasion russe en Ukraine en février 2022 Depuis lors, l’enjeu est double pour le Kremlin. Ce dernier sait pertinemment qu’en s’attaquant à l’Europe et aux Etats-Unis, principaux alliés de Kiev dans le conflit, il peut directement espérer perturber l’acheminement de l’aide vers le front ukrainien Pour ce faire, la Russie n’hésite plus à utiliser ses personnalités politiques, son réseau diplomatique, ainsi que ses médias internationaux, pour diffuser de fausses informations de façon assumée et décomplexée. Ces méthodes d’influence ont par ailleurs démontré un perfectionnement et une adaptabilité inquiétante. Par le biais de l’intelligence artificielle et de « trolls », ces comptes factices conçus pour amplifier artificiellement des contenus en ligne, Moscou a étoffé son dispositif. Désormais, il leur est également possible de générer de toute pièce des messages de propagande, avant de les propager de manière désinstitutionnalisée et bien plus opaque.

De nombreux exemples récents illustrent l’ampleur de cette ingérence et exposent au grand jour les rouages des techniques d’influence russe. Parmi ces cas avérés : les élections présidentielles américaines de 2016, les élections législatives slovaques de 2023, l’opération Doppelgänger qui touche l’ensemble de l’Europe, la psychose des punaises de lit en France ou encore la découverte d’un vaste réseau de propagande pro-Kremlin opéré depuis la Belgique. Si aucun pays occidental n’apparaît comme épargné par la menace, nous avons tout de même constaté que celle-ci semblait s’abattre sur chacun d’eux avec des degrés d’intensité variables. À en croire nos observation, la France en particulier serait devenue une cible prioritaire, tandis que la Belgique semble, jusqu'alors, relativement préservée.

Face à cette pression constante, les réponses occidentales, bien qu'encore imparfaites, montrent des progrès significatifs. Plutôt que de répondre à la propagande russe par de la « contre-propagande » , ce qui serait contraire à ses valeurs les plus fondamentales et impensable en termes de moyens, l’Occident privilégie une approche qui repose sur la sensibilisation et la régulation. Au niveau international, des alliances et des partenariats commencent à se former pour développer des mécanismes de réaction multilatéraux. Au niveau européen, de nouvelles législations sont notamment mises en place pour renforcer l’emprise sur les géants du numérique, dont la responsabilité dans la propagation des fausses informations n’est plus à démontrer, protégeant ainsi un peu plus le débat public et démocratique. En Belgique, malgré une marge de manœuvre plus limitée, des efforts sont également déployés pour sensibiliser et protéger la population. La création d’une nouvelle unité chargée de la cybersécurité au sein de la Défense, d’une task force spéciale contre la désinformation, ainsi que de plateformes de factchecking, prouvent la détermination du pays à garantir le bon déroulement des scrutins électoraux.

En somme, la lutte contre la désinformation russe est une bataille perpétuelle qui nécessite une vigilance constante et une adaptation proactive. À l’approche de rendez-vous électoraux cruciaux qui risquent de bouleverser l’équilibre géopolitique international, il est impératif de renforcer nos défenses pour garantir des choix politiques éclairés basés sur des informations véridiques, et non pas sur des manipulations insidieuses. La préservation de notre débat public et de nos valeurs démocratiques en dépendent directement Ce n’est qu’en faisant face, avec détermination, à cette guerre de l’information que nous livre Moscou, que nous serons capable de protéger nos institutions tout en restaurant la confiance des citoyens dans les processus démocratiques.

Bibliographie

• Articles de presse

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