2024-12-05-Note EP 2024 - Institutionnel intra-francophone- LDL V2 LN (1)

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SOMMAIRE

1. Le fonctionnement actuel des Communautés 2

1.1. Des compétences matérielles des Communautés dans la Constitution 3

1.1.1. Les compétences de pleine autonomie 6 1.1.2. Les compétences de large autonomie (la Constitution ou la loi spéciale 6 prévoit des exceptions au profit du fédéral) 6

1.1.3. Les compétences partagées (« certains volets de compétences sont dévolus 7 à l’autorité fédérale, et la compétence du fédéral relève d’une telle importance 7 qu’il n’y a pas de prédominance des Communautés ») 7

1.2. De la compétence territoriale des Communautés 7

1.2.1. Les compétences en matière culturelle et d’enseignement 7 1.1.2. Les compétences dans les matières personnalisables 7 1.1.3. La question du champ d’application territorial des compétences communautaires en Région de Bruxelles-Capitale 7

2. Cadre général et vision relative à la sixième réforme de l’État 9

2. Vers une nouvelle conception de l’espace institutionnel intra-francophone

Biographie de l’auteure

Letizia De Lauri est juriste expert, notamment des questions constitutionnelles et des réformes institutionnelles auprès de l’Institut Emile Vandervelde

Introduction

La création des Communautés et Régions est le résultat d’un compromis entre les visions différentes existant au nord et au sud du pays sur la manière de concevoir l’État fédéral belge.

Au nord, la création des entités fédérées a été axée autour de la dimension culturelle et de la langue. Au sud, sur une dimension territoriale relative aux réalités économiques et sociales.

« Lecompromiss’estréaliséparl’incorporationdanslaConstitutiondesdeuxlogiques1 ».

La première réforme de l’État, mise en œuvre en 1970, a permis d’insérer les actuels articles 2 et 3 de la Constitution, établissant que la Belgique comprend trois Communautés et trois Régions. Cette réforme a également introduit l’article 4, qui opère le découpage en quatre régions linguistiques et établit la règle des majorités pour les lois spéciales. Les articles 38 et 39 ont été ajoutés pour reprendre de manière générique les compétences des Communautés et des Régions, tandis que les articles 127 et 129 concernent les compétences culturelles et linguistiques des Communautés.

À cette époque, le fonctionnement du gouvernement fédéral a également été revu, et les lois des 3 et 21 juillet 1971 ont été adoptées pour formaliser le fonctionnement des entités fédérées. Ces lois ont jeté les bases du système fédéral belge tel que nous le connaissons aujourd’hui.

La deuxième réforme de l’État, en 1980, a marqué une évolution significative en passant du concept de « communauté culturelle » à celui de « Communautés ». Ce changement a permis de doter les Communautés de compétences dans les matières dites personnalisables, comme en dispose l’actuel article 128 de la Constitution.

Cette réforme a également renforcé et amélioré les principes du fédéralisme, en introduisant des éléments tels que l’autonomie constitutive des entités fédérées, la Cour constitutionnelle et le pouvoir fiscal des Régions. C’est à cette époque qu’a été adoptée la loi spéciale de réformes institutionnelles (LSRI).

Depuis ces deux premières réformes de l’État, la logique de l’inscription des compétences régionales et communautaires est restée la même dans la Constitution, à l’exception de la mise en œuvre de l’article 35, tel qu’il a été révisé lors de la sixième réforme de l’État. Cela signifie que :

1. Compétences régionales : L’article 39 de la Constitution évoque de manière générale les compétences régionales, et il faut se référer à l’article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 pour retrouver la nomenclature des compétences qui leur sont attribuées.

2. Compétences communautaires : L’article 38 de la Constitution fournit une disposition générale, tandis que les articles 127 (compétences en matière d’enseignement et culturelles), 128 (matières personnalisables) et 129 (autonomie et compétence en matière linguistique) détaillent les compétences spécifiques. Le maintien de ces dispositions entraîne de conséquences sur la répartition des compétences des Communautés, notamment quant à leur champ d’application territorial. En outre, les compétences culturelles sont listées à l’article 4 de la LSRI, et les matières personnalisables à l’article 5 de cette même loi

Lors des deux premières réformes de l’État, la création de la Région de Bruxelles-Capitale a été mise au frigo, c’est-à-dire reportée sine die

La troisième réforme de l’État, en 1989, a reconnu la Région de Bruxelles-Capitale comme une région à part entière, moyennant certaines exceptions. Cette réforme a également introduit le système de financement des entités fédérées par la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989. La consécration de la Région de Bruxelles-Capitale a soulevé la question de l’organisation des compétences communautaires sur son territoire, menant à la création de trois « entités communautaires » : la COCOF, la COCOM et la COCON, qui existent toujours.

1 M. UYTTENDAELE, Trente leçonsdedroit constitutionnel, Bruxelles, Anthemis, 2014, p. 715

La quatrième réforme de l’État, entre 1991 et 1993, visait principalement à affirmer le caractère fédéral de l’État dans les institutions fédérales. Cette réforme a inclus la réforme du Sénat, la révision de la Chambre et l’introduction des mécanismes de confiance et de méfiance actuels. Elle a également accordé plus d’autonomie aux entités fédérées pour leur organisation interne, et reconnu leur compétence internationale via l’article 167 de la Constitution et les accords de coopération suivants.

La cinquième réforme de l’État, en 2001, s’est concentrée sur certains transferts de compétences aux Régions, notamment en matière de pouvoirs locaux, d’agriculture et de commerce extérieur. Elle a aussi garanti la représentation de la minorité néerlandophone au sein des institutions bruxelloises et refinancé la Communauté française.

Enfin, la sixième réforme de l’État a abordé plusieurs sujets, dont la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), de nouveaux transferts de compétences vers les entités fédérées (notamment les allocations familiales, première et seule branche de la sécurité sociale transférée dans une logique bicommunautaire à Bruxelles et régionale pour les autres entités), une révision du système de financement, une réforme du Sénat pour y inclure une représentation accrue des entités fédérées, et l’introduction de la loyauté fédérale comme principe fondamental contrôlé par la Cour constitutionnelle.

Actuellement, alors que des propositions existent pour mettre en œuvre une septième réforme de l’État, il convient d’étudier la place qu’occuperont la Communauté française, la Région wallonne et la Région bruxelloise.

La présente analyse a pour objectif de dresser le tableau de la répartition des compétences entre les entités francophones (1), d’analyser les différents mécanismes permettant le transfert de compétences (2) et de mettre en avant les scénarios possibles pour redessiner leurs contours (3).

1. Le fonctionnement actuel des Communautés

En Belgique, le système fédéral se caractérise par une répartition des compétences entre l'État fédéral, les Régions et les Communautés. Les Communautés jouent un rôle crucial dans la gestion de certaines matières qui touchent directement les citoyens. Ces compétences sont principalement définies par la Constitution et la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980

Les compétences des Communautés couvrent plusieurs domaines clés, notamment : L'enseignement Les Communautés sont responsables de l'organisation, du financement et de la réglementation de l'enseignement à tous les niveaux, depuis l’enseignement fondamental jusqu’à l'enseignement supérieur. Elles déterminent les programmes, les normes de qualité et les conditions de reconnaissance des établissements.

La culture Chaque Communauté gère les politiques culturelles sur son territoire, incluant la promotion des arts, la gestion des institutions culturelles (musées, théâtres, bibliothèques) et le soutien aux initiatives culturelles locales. Cette compétence permet de préserver et de promouvoir la diversité culturelle propre à chaque Communauté.

Les matières personnalisables Il s'agit de domaines qui touchent directement les individus, tels que la santé publique, l'aide sociale, la protection de la jeunesse et les politiques familiales. Les Communautés ont le pouvoir de légiférer et de mettre en œuvre des politiques adaptées aux besoins spécifiques de leur population.

L'emploi des langues Les Communautés sont également compétentes en matière de politique linguistique, notamment en ce qui concerne l'usage des langues dans l'enseignement, l'administration et les services publics. Cette compétence est essentielle pour garantir le respect des droits linguistiques des citoyens dans un pays multilingue comme la Belgique.

1.1. Des compétences matérielles des Communautés dans la Constitution

Les compétences des Communautés sont fixées dans la Constitution aux dispositions suivantes :

- Art. 38 : « ChaquecommunautéalesattributionsquiluisontreconnuesparlaConstitutionou parlesloisprisesenvertudecelle-ci. »

- Art.127 : « §1er.LesParlementsdelaCommunautéfrançaiseetdelaCommunautéflamande, chacunpourcequileconcerne,règlentpardécret :

1° les matières culturelles;

2°l'enseignement,àl'exception:

a) delafixationdudébutetdelafindel'obligationscolaire;

b) desconditionsminimalespourladélivrancedesdiplômes;

c) durégimedespensions;

3°lacoopérationentrelescommunautés,ainsiquelacoopérationinternationale,ycomprisla conclusiondetraités,pourlesmatièresviséesaux1°et2°.

Uneloiadoptéeàlamajoritéprévueàl'article4,dernieralinéa,arrêtelesmatièresculturelles viséesau1°,lesformesdecoopérationviséesau3°,ainsiquelesmodalitésdeconclusionde traités,viséeau3°

§2.Cesdécretsontforcedeloirespectivementdanslarégiondelanguefrançaiseetdansla région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées commeappartenantexclusivementàl'uneouàl'autrecommunauté. »

- Art.128 : « §1er.LesParlementsdelaCommunautéfrançaiseetdelaCommunautéflamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'encesmatières,lacoopérationentrelescommunautésetlacoopérationinternationale,y comprislaconclusiondetraités.

Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête ces matières personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de traités.

§2.Cesdécretsontforcedeloirespectivementdanslarégiondelanguefrançaiseetdansla régiondelanguenéerlandaise,ainsique,saufsiuneloiadoptéeàlamajoritéprévueàl'article 4, dernier alinéa, en dispose autrement, à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées commeappartenantexclusivementàl'uneouàl'autrecommunauté. »

- Art.129 : « §1er.LesParlementsdelaCommunautéfrançaiseetdelaCommunautéflamande, chacunpourcequileconcerne,règlentpardécret,àl'exclusiondulégislateurfédéral,l'emploi deslanguespour:

1° les matières administratives;

2°l'enseignementdanslesétablissementscréés,subventionnésoureconnusparlespouvoirs publics;

3° les relations sociales entre les employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et documentsdesentreprisesimposésparlaloietlesrèglements.

§2.Cesdécretsontforcedeloirespectivementdanslarégiondelanguefrançaiseetdansla régiondelanguenéerlandaise,exceptéencequiconcerne :

- lescommunesougroupesdecommunescontigusàuneautrerégionlinguistiqueetoùlaloi

prescrit ou permet l'emploi d'une autre langue que celle de la région dans laquelle ils sont situés. Pour ces communes, une modification aux règles sur l'emploi des langues dans les matièresviséesau§1er nepeutêtreapportéequeparuneloiadoptéeàlamajoritéprévueà l'article4,dernieralinéa;

- les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis;

- lesinstitutionsfédéralesetinternationalesdésignéesparlaloidontl'activitéestcommuneà plusd'unecommunauté. »

- Art. 130 : « §1er.LeParlementdelaCommunautégermanophonerèglepardécret:

1° les matières culturelles;

2° les matièrespersonnalisables;

3°l'enseignementdansleslimitesfixéesparl'article127,§1er,alinéa1er,2°;

4°lacoopérationentrelescommunautés,ainsiquelacoopérationinternationale,ycomprisla conclusiondetraités,pourlesmatièresviséesaux1°,2°et3°.

5°l'emploideslanguespourl'enseignementdanslesétablissementscréés,subventionnésou reconnusparlespouvoirspublics

La loi arrête les matières culturelles et personnalisables visées aux 1° et 2°, ainsi que les formesdecoopérationviséesau4°etlemodeselonlequellestraitéssontconclus.

§2.Cesdécretsontforcedeloidanslarégiondelangueallemande. »

Les compétences sont ensuite listées dans la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (LSRI), à l’article 4 pour les matières culturelles et à l’article 5 pour les matières personnalisables2

2 LSRI, article 5

« §1.Lesmatièrespersonnalisablesviséesàl'article[10128,§1er],delaConstitution,sont:

I.[Encequiconcernelapolitiquedesanté:

1°sanspréjudicedel'alinéapremier,2°,3°,4°,5°et6°,lapolitiquededispensationdesoinsdansetaudehorsdesinstitutions desoins,àl'exception:

a)delalégislationorganique,àl'exceptionducoûtdesinvestissementsdel'infrastructureetdesservicesmédicotechniques ;

b)dufinancementdel'exploitation,lorsqu'ilestorganiséparlalégislationorganiqueetce,sanspréjudicedescompétences descommunautésviséesaua);

c)desrèglesdebaserelativesàlaprogrammation;

d) de la détermination des conditions et la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux;

2°lapolitiquededispensationdessoinsdesantémentaledanslesinstitutionsdesoinsautresqueleshôpitaux;

3°lapolitiquededispensationdesoinsdanslesinstitutionspourpersonnesâgées,encecomprislesservicesdegériatrie isolés;

4°lapolitiquededispensationdesoinsdanslesservicesspécialisésisolésderevalidationetdetraitement

5°lapolitiquederevalidationlongtermcare;

6°l'organisationdessoinsdesantédepremièreligneetlesoutienauxprofessionsdessoinsdesantédepremièreligne;

7°encequiconcernelesprofessionsdessoinsdesanté:

a)leuragrément,danslerespectdesconditionsd'agrémentdéterminéesparl'autoritéfédérale;

b)leurcontingentement,danslerespect,lecaséchéant,dunombreglobalquel'autoritéfédéralepeutfixerannuellementpar communautépourl'accèsàchaqueprofessiondessoinsdesanté;

8° l'éducation sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive, ainsi que toute initiative en matière de médecinepréventive.

L'autoritéfédéralerestetoutefoiscompétentepour:

1° l'assurance maladie-invalidité;

2°lesmesuresprophylactiquesnationales.

Toutavant-projetoupropositiondedécret,toutamendementàunprojetoupropositiondedécret,ainsiquetoutprojetd'arrêté d'unecommunautéayantpourobjetdefixerdesnormesd'agrémentdeshôpitaux,desserviceshospitaliers,desprogrammes desoinshospitaliersetdesfonctionshospitalièresesttransmispourrapportàl'assembléegénéraledelaCourdesComptes afinquecelle-ciévaluelesconséquencesdecesnormes,àcourtetlongterme,surlebudgetdel'État fédéral et de la sécurité sociale.

Cerapportestégalementtransmisaugouvernementfédéralainsiqu'àtouslesgouvernementsdescommunautés.

Aprèsavoirobligatoirementrecueillil'avisdel'Institutnationald'assurancemaladieinvaliditéetdel'administrationcompétente delacommunautéconcernéeetaprèsavoir,lecaséchéant,recueillil'avisfacultatifduCentrefédérald'expertisedes soins de santé,l'assembléegénéraledelaCourdesComptesémetdansundélaidedeuxmoissuivantlaréceptiondel'avant-projet,

delaproposition,del'amendementouduprojet,unrapportcirconstanciésurtouteslesconséquencesdecesnormes,àcourt etlongterme,surlebudgetdel'Étatfédéraletdelasécuritésociale.Cedélaipeutêtreprolongéd'unmois.

Ce rapport est communiqué par la Cour des Comptes au demandeur de rapport, au gouvernement fédéral et à tous les gouvernementsdecommunauté.

Silerapportconclutquel'adoptiondecesnormesaunimpactnégatif,àcourtoulongterme,surlebudgetdel'État fédéral etdelasécuritésociale,uneconcertationassociantlegouvernementfédéraletlesgouvernementsdecommunautéalieuàla demandedugouvernementfédéraloudugouvernementdelacommunautéconcernée.Sicetteconcertationn'aboutitpasàun accord,lesnormessontsoumisesàl'accorddesministresfédérauxcompétentsouàl'accordduConseildesMinistressil'un de ses membres demande l'évocation de ce dossier.

Siaucunrapportn'estrendudansledélaidedeuxmois,prolongéd'unmois,laconcertationviséeàl'alinéa7peutavoirlieu àl'initiativedugouvernementdelacommunautéconcernéeoudugouvernementfédéral.

La Cour des Comptes rédige chaque année un rapport circonstancié sur l'incidence, au cours de l'exercice budgétaire précédent, des normes d'agrément communautaires en vigueur sur le budget de l'État fédéral et de la sécurité sociale. Ce rapportestcommuniquéaugouvernementfédéraletauxgouvernementsdecommunauté.]

II.Enmatièred'aideauxpersonnes:

1°Lapolitiquefamilialeencecompristouteslesformesd'aideetd'assistanceauxfamillesetauxenfants.

2°(Lapolitiqued'aidesociale,encecomprislesrèglesorganiquesrelativesauxcentrespublicsd'aidesociale,àl'exception : a)delafixationdumontantminimum,desconditionsd'octroietdufinancementdurevenulégalementgaranti,conformément àlalégislationinstituantledroitàunminimumdemoyensd'existence;

b)desmatièresrelativesauxcentrespublicsd'aidesociale,régléesparlesarticles1eret2etdansleschapitresIV,Vet VII de la loi organique du 8 juillet 1976 relative aux centres publics d'aide sociale sans préjudice de la compétence des communautés d'octroyer des droits supplémentaires ou complémentaires [3 et à l'exclusion de la compétence des régions relativeàlamiseautravaildespersonnesquibénéficientdudroitàl'intégrationsocialeoududroitàl'aidesocialefinancière viséeàl'article6,§1er,IX,2/1°];

c)desmatièresrelativesauxcentrespublicsd'aidesocialerégléesdanslaloidu2avril1965relativeàlapriseenchargedes secoursaccordésparlescommissionsd'assistancepublique;

d)desrèglesrelativesauxcentrespublicsd'aidesocialedescommunesviséesauxarticles6et7desloissurl'emploides languesenmatièreadministrative,coordonnéesle18juillet1966,etdescommunesdeComines-WarnetonetFourons,inscrites danslesarticles6,§4,11,§5,18ter,27,§4,et27bis,§1er,dernieralinéa,delaloiorganiquedu8juillet1976relative aux centres publics d'aide sociale et dans la loi du 9 août 1988 [1 portant modification de la loi communale, de la nouvelle loi communale, de la loi électorale communale, de la loi organique des centres publics d'aide sociale, de la loi provinciale, du Code électoral, de la loi organique des élections provinciales et de la loi organisant l'élection simultanée pour les chambres législativesetlesconseilsprovinciaux,tellequemodifiéeparlaloispécialedu19juillet2012]1.)<L1993-07-16/30,art.1,006; Envigueur:1993-07-30>

3°Lapolitiqued'accueiletd'intégrationdesimmigrés.

4°Lapolitiquedeshandicapés,encecomprislaformation,lareconversionetlerecyclageprofessionnelsdeshandicapés[4 etlesaidesàlamobilité],àl'exception:

a)[desrèglesetdufinancement,encecomprislesdossiersindividuels,desallocationsauxhandicapésautresquel'allocation d'aideauxpersonnesâgées;]

b)desrèglesrelativesàl'interventionfinancièrepourlamiseautravaildetravailleurshandicapés,octroyéeauxemployeurs occupantdeshandicapés.

5°Lapolitiquedutroisièmeâgeàl'exceptiondelafixationdumontantminimum,desconditionsd'octroietdufinancementdu revenulégalementgarantiauxpersonnesâgées.

6°(Laprotectiondelajeunesse,encecomprislaprotectionsocialeetlaprotectionjudiciaire,àl'exception:

a)desrèglesdudroitcivilrelativesaustatutdesmineursetdelafamille,tellesqu'ellessontétabliesparleCodecivil et les loisquilecomplètent;

b) des règles de droit pénal érigeant en infraction les comportements qui contreviennent à la protection de la jeunesse et établissant des peines qui punissent ces manquements, en ce compris les dispositions qui ont trait aux poursuites, sans préjudicedel'article11[etdel'article11bis];

c)del'organisationdesjuridictionsdelajeunesse,deleurcompétenceterritorialeetdelaprocéduredevantcesjuridictions ; d)[l'exécutiondespeinesprononcéesàl'égarddesmineursayantcommisunfaitqualifiéd'infractionquiontfaitl'objetd'une mesurededessaisissement,àl'exclusiondelagestiondescentresdestinésàaccueillircesjeunesjusqu'àl'âgedevingt-trois ans];

e)deladéchéancedel'autoritéparentaleetdelatutellesurlesprestationsfamilialesouautresallocationssociales;)<L198808-08/30,art.2,002;Envigueur:1989-01-01>

(7°L'aidesocialeauxdétenus,envuedeleurréinsertionsociale;)<L1988-08-08/30,art.3,002;Envigueur:1988-08-23> [8°l'aidejuridiquedepremièreligne.]

III.[L'organisation,lefonctionnementetlesmissionsdesmaisonsdejustice,etduservicecompétentpourassurerlamise en oeuvreetlesuividelasurveillanceélectronique.

Toutefois,l'autoritéfédéraledéterminelesmissionsquelesmaisonsdejusticeoulesautresservicesdescommunautésqui lesreprennent,lecaséchéant,exercentdanslecadredelaprocédurejudiciaireoudel'exécutiondesdécisionsjudiciaires.]

[IV.Lesprestationsfamiliales.]

[V.Lecontrôledesfilms,envuedel'accèsdesmineursauxsallesdespectaclecinématographique.]

§2.Les(gouvernementsdecommunauté)informentl'(autoritéfédérale)compétentedeleursdécisionsenmatièred'agréation, defermetureetd'investissementsconcernantlesmatièresviséesau§1er,I,1°.<L1993-07-16/30,art.127,Envigueur:199307-30>

§3.IlestinstituéunorganedeconcertationdelapolitiquedesantédanslarégionbilinguedeBruxelles-Capitale.

Cet organe de concertation regroupe les représentants des (gouvernements de communauté) et de l'(autorité fédérale) compétente.<L1993-07-16/30,art.127,Envigueur:1993-07-30>

Sa composition et ses missions sont fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. Cet arrêté royal veillera à la présencedereprésentantsdelarégionbilinguedeBruxelles-Capitale »

Selon la nomenclature classique et l’existence ou non d’une exception au profit du fédéral, indépendamment des transferts intra-francophones (cf. .infra) , on distingue les compétences de pleine autonomie, les compétences d’autonomie large et les compétences partagées3

1.1.1. Les compétences de pleine autonomie4

- Les matières culturelles au sens strict (voir article 4, 1° à 17° LSRI5) ;

- La politique familiale ;

- La politique d’accueil et d’intégration des immigrés ;

- L’aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale ;

- La politique relative à l’organisation, au fonctionnement et aux missions des maisons de justice ;

- L’aide juridique de première ligne ;

- La politique des allocations familiales ;

- La politique de contrôle des films.

1.1.2. Les compétences de large autonomie6 (la Constitution ou la loi spéciale prévoit des exceptions au profit du fédéral)

- La politique de l’enseignement ;

- La politique de l’emploi des langues ;

- La politique des handicapés, en ce compris la formation, la reconversion et les aides à la mobilité ;

- La politique du troisième âge.

3 M. UYTTENDAELE, Trente leçonsdedroitconstitutionnel, op.cit., p. 863-873.

4 M. UYTTENDAELE, Trente leçonsdedroitconstitutionnel, op.cit., p. 863-873.

5 LSRI article 4

« 1°Ladéfenseetl'illustrationdelalangue;

2°L'encouragementàlaformationdes chercheurs;

3° Les beaux-arts;

4° Le patrimoine culturel, les musées et les autres institutions scientifiques culturelles (à l'exception des monuments et des sites);

5°Lesbibliothèques,discothèquesetservicessimilaires; 6° [les aspects de contenu et techniques des services de médias audiovisuels et sonores à l'exception de l'émission de communicationsdugouvernementfédéral;]

(6°bisLesoutienàlapresseécrite;)

7°Lapolitiquedelajeunesse;

8°L'éducationpermanenteetl'animationculturelle; 9°L'éducationphysique,lessportsetlavieenpleinair; 10°Lesloisirs[...];

11°Laformationpréscolairedanslesprégardiennats;

12°Laformationpostscolaireetparascolaire;

13°Laformationartistique;

14°Laformationintellectuelle,moraleetsociale; 15°Lapromotionsociale;

16° La reconversion et le recyclage professionnels, à l'exception des règles relatives à l'intervention dans les dépenses inhérentes à la sélection, la formation professionnelle et la réinstallation du personnel recruté par un employeur en vue de la créationd'uneentreprise,del'extensionoudelareconversiondesonentreprise;

17° [les systèmes de formation en alternance, dans lesquels une formation pratique sur le lieu de travail est complétée en alternanceavecuneformationdansuninstitutd'enseignementoudeformation.] »

6 M. UYTTENDAELE, Trente leçonsdedroitconstitutionnel, op.cit., p. 863-873.

1.1.3. Les compétences partagées7 (« certains volets de compétences sont dévolus à l’autorité fédérale, et la compétence du fédéral relève d’une telle importance qu’il n’y a pas de prédominance des Communautés »)

- La politique de la santé ;

- La politique de la protection de la jeunesse ;

- La promotion de Bruxelles au niveau national et international.

1.2. De la compétence territoriale des Communautés

Afin de déterminer la compétence territoriale des Communautés, il convient de se référer directement au libellé des articles 127 à 129 de la Constitution.

1.2.1. Les compétences en matière culturelle et d’enseignement

Pour ces matières, la Communauté française est compétente :

- sur le territoire de la région de langue française (territoire wallon à l’exclusion de la Communauté germanophone) ;

- sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale mais uniquement à l’égard des institutions qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme étant exclusivement du ressort de la Communauté française.

Les matières biculturelles relèvent de la compétence de l’autorité fédérale.

1.1.2. Les compétences dans les matières personnalisables

Pour ces compétences, la Communauté française est compétente :

- sur le territoire de la région de langue française (territoire wallon à l’exclusion de la Communauté germanophone) ;

- sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale mais uniquement à l’égard des institutions qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme étant exclusivement du ressort de la Communauté française.

Les matières bipersonnalisables sont réglées par la COCOM.

1.1.3. La question du champ d’application territorial des compétences communautaires en Région de Bruxelles-Capitale

Il ressort textuellement de la Constitution que les Communautés doivent s’abstenir d’édicter des règles qui s’adressent directement aux citoyens sur le territoire de Bruxelles-Capitale.

Les normes communautaires s’appliquent à des institutions :

- Tantôt en raison de leurs activités : pour les matières culturelles et l’enseignement ; o Exemple : une école est considérée comme francophone si l’enseignement qu’elle offre s’adresse à des enfants francophones. C’est dans ce cadre que les décrets de la Communauté s’y appliquent.

- Tantôt en raison de leur organisation : pour les matières personnalisables.

o Exemple : une crèche est considérée comme francophone si son organisation et son fonctionnement sont francophones.

Cette question a été soulevée lors de la sixième réforme de l’État, et il en a résulté deux exceptions, qui ne remettent pas en cause la logique pour autant :

7 M. UYTTENDAELE, Trente leçonsde droit constitutionnel, op.cit., p. 863-873.

1. Les matières culturelles d’intérêt régional ont été dévolues à la Région de Bruxelles-Capitale, de même que les infrastructures sportives communales (article 135bis de la Constitution).

2. Pour les matières personnalisables auxquelles s’attachent un droit ou des obligations à l’égard des personnes, il faut une gestion bicommunautaire à la COCOM. C’est ainsi que les allocations familiales ont été directement dévolues à la cette Commission communautaire commune

Cette logique n’a cependant pas pu être poussée à son terme en raison de l’exercice des compétences uni-communautaires qui se pratiquait déjà depuis plusieurs années sur le territoire de Bruxelles-Capitale. L'absence de volonté politique et d'accord pour revoir les institutions communautaires bruxelloises a également joué un rôle déterminant. Par exemple, en ce qui concerne l’emploi des langues, les partis néerlandophones étaient fermement opposés à l’idée de conférer à la Région de Bruxelles-Capitale une autonomie de gestion et d’organisation dans ce domaine. Ainsi, l’emploi des langues à Bruxelles reste sous la juridiction du gouvernement fédéral.

Ce cadre d’application territoriale des compétences communautaires a été au cœur de la création de la Région de Bruxelles et de son autonomie. Les partis néerlandophones ont toujours défendu une cogestion de la région bruxelloise, refusant d’accorder à celle-ci une autonomie complète. Cette cogestion traduit donc la volonté de trouver un équilibre entre les positions des différentes communautés linguistiques de la Région, tout en préservant les intérêts de chacune. En conséquence, la Région de Bruxelles-Capitale fonctionne sous un modèle de gouvernance unique qui vise à créer une région autonome à part entière, tout en conciliant les aspirations des francophones et des néerlandophones.

Sur le plan juridique, cela implique ce qu’on appelle, l’interdiction des « sous-nationalités » sur le territoire de la région centrale

La Constitution et les lois de réformes institutionnelles excluent ainsi toute forme de sous-nationalité. « Celasignifiequ’iln’existe,pourdésignerlespersonnesdestinatairesdesnormescommunautaires, aucuncritèrepersonnel8».Celanesignifiepas,enrevanche,quelespersonnesphysiquesrésidantà Bruxellesn’appartiendraientàaucuneCommunautéou,pourledireautrement,quelesCommunautés ne seraient pas compétentes à leur égard. Les Bruxellois sont bel et bien destinataires des décrets communautaires mais ils ne le sont qu’indirectement, par l’intermédiaire des institutions unicommunautairesauxquellesilsfontappel 9».

L’interdiction des sous-nationalités à Bruxelles poursuit trois objectifs principaux et consacre les principes suivants :

- Garantir la liberté individuelle Cette mesure vise à assurer que chaque individu puisse choisir librement les institutions auxquelles il souhaite s'affilier, sans être contraint une sous-nationalité imposée. Cela permet de préserver l'autonomie personnelle et de respecter les préférences individuelles en matière d'institutions.

- Éviter une vision scindée des politiques à Bruxelles : L'objectif est d'éviter que les habitants de Bruxelles soient obligés de s'attacher à l'une ou l'autre communauté linguistique, ce qui pourrait entraîner des débats complexes sur la réversibilité ou l'irréversibilité de ce choix. De plus, le financement des institutions en fonction de leur fréquentation pourrait créer des disparités significatives entre les communautés néerlandophones et francophones sur le territoire de Bruxelles. En tempérant ce fédéralisme personnel, le législateur a cherché à maintenir un équilibre et à éviter des inégalités financières et institutionnelles.

- Éviter les discriminations Cette règle s'applique également au-delà des frontières de Bruxelles, empêchant ainsi toute discrimination basée sur l'appartenance à une communauté linguistique spécifique (francophone ou néerlandophone). Cela garantit que les choix à opérer, les obligations à observer et les droits dont on peut bénéficier ne seront pas influencés par le rattachement à une communauté particulière, ce qui conforte l'égalité de traitement de tous les citoyens.

8 F. RIGAUX, « Les règles de droit délimitant leur propre domaine d’application », Ann. dr. Louv., 1983, p. 316.

9 H. DUMONT et S. VAN DROOGHENBROECK, « L’interdiction des sous-nationalités à Bruxelles », APT, 2011/3, p. 201. Indiquer in extenso car pas de liste des abréviations et tu t’adresses à tous les publics.

En résumé, l'interdiction des sous-nationalités à Bruxelles vise à protéger les libertés individuelles, à maintenir un équilibre linguistique et à prévenir les discriminations, tant à Bruxelles qu'au-delà10

L’interdiction des sous-nationalités a néanmoins certains inconvénients, liés à l’exercice des compétences :

1. Les Communautés doivent souvent adopter des dispositions spécifiques pour l’application de leurs décrets à Bruxelles et passer le relais à d’autres autorités chaque fois qu’elles voudraient contraindre directement les personnes physiques ;

2. Pour certaines matières, en dehors de la santé et de la crise de la covid, l’autorité fédérale et la Commission communautaire commune manquent souvent de diligence lorsqu’il s’agit d’assumer leurs responsabilités ;

3. L’interdiction des sous-nationalités a aussi pour conséquence de rendre très difficile, sinon impossible, l’exercice de certaines compétences communautaires, par exemple la compétence fiscale ou, plus anecdotiquement, l’insertion d’un jour férié « communautaire ».

4. Pour une certaine doctrine flamande, visant un « détricotage » de la sécurité sociale, l’interdiction des sous-nationalités est perçue comme un obstacle à un approfondissement de la communautarisation de la sécu., compte tenu de l’enjeu que cela représente pour la répartition des compétences à Bruxelles À cet égard, Wouter Pas écrit notamment sur la volonté de permettre de rattacher les Bruxellois exclusivement à l’une ou l’autre Communauté dans tous les domaines, afin de permettre un basculement total de la sécurité sociale dans le périmètre des matières personnalisables.

2. Cadre général et vision relative à la sixième réforme de l’État

L’article 138 de la Constitution prévoit la possibilité pour la Communauté française de transférer ses compétences vers la Région wallonne et la Commission communautaire française de Bruxelles (COCOF).

Cet article est libellé comme suit :

« LeParlementdelaCommunautéfrançaise,d'unepart,etleParlementdelaRégionwallonneetle groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part, peuvent déciderd'uncommunaccordetchacunpardécretqueleParlementetleGouvernementdelaRégion wallonne dans la région de langue française et le groupe linguistique français du Parlement de la RégiondeBruxelles-CapitaleetsonCollègedanslarégionbilinguedeBruxelles-Capitaleexercent, entoutouenpartie,descompétencesdelaCommunautéfrançaise.

CesdécretssontadoptésàlamajoritédesdeuxtiersdessuffragesexprimésauseinduParlement delaCommunautéfrançaiseetàlamajoritéabsoluedessuffragesexprimésauseinduParlementde laRégionwallonneetdugroupelinguistiquefrançaisduParlementdelaRégiondeBruxelles-Capitale, à condition que la majorité des membres du Parlement ou du groupe linguistique concerné soit présente. Ils peuvent régler le financement des compétences qu'ils désignent, ainsi que le transfert dupersonnel,desbiens,droitsetobligationsquilesconcernent.

Cescompétencessontexercées,selonlecas,parvoiededécrets,d'arrêtésouderèglements. »

- Accord de la Saint-Quentin :

Il a été fait usage de cette possibilité dès son introduction en 1993, dans le cadre de l’accord de la Saint-Quentin. Celui-ci a été traduit par trois décrets adoptés en juillet 19931112. Les compétences totalement ou partiellement transférées à la Région wallonne et à la Commission communautaire française concernaient : « des matières culturelles (les infrastructures sportives, le tourisme, la promotionsociale),desmatièrespersonnalisables(unepartiedelapolitiquedesanté,unepartiede lapolitiquefamiliale,lapolitiqued'aidesociale,lapolitiqued'accueiletd'intégrationdesimmigrés,la politique des handicapés et la politique du troisième âge) et quelques éléments de la politique d'enseignement (le transport scolaire et la gestion, avec la Communauté française, de six sociétés d'administrationdesbâtimentsscolaires).13 »

- Accord de la Sainte-Émilie :

En vertu de nouveaux décrets de transfert, adoptés conformément à l’article 138 de la Constitution, certaines compétences attribuées à la Communauté française par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État ne feront que transiter par cette entité. En effet, dès l’entrée en vigueur de ces décrets, les compétences concernées ont été exercées par la Région wallonne, dans les limites du territoire de la région de langue française, et par la Commission communautaire française, en région bilingue de Bruxelles-Capitale.

Ce processus s’inscrit dans la continuité des transferts intra-francophones précédents. Les accords de la Sainte-Émilie, qui font partie de cette dynamique et prévoient le transfert de compétences supplémentaires à la Région wallonne et à la COCOF.

Ce transfert de compétences est conçu tant pour améliorer l’efficacité administrative et budgétaire de la gestion de ces matières que pour répondre de manière plus adéquate aux besoins régionaux.

« Contrairement aux accords intra-francophones de 1993, les accords de la Sainte-Émilie n’ont pas pourobjectifpremierderefinancerlaCommunautéfrançaise14 ». Ils avaient pour principale ambition d’homogénéiser certaines politiques, compte tenu du lien de connexité indéniable entre les compétences attribuées à la Communauté française par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État et les compétences déjà exercées par la Région wallonne et la COCOF en vertu des décrets II et III15

« S’agissant du financement des compétences nouvellement transférées, c’est le principe de la neutralitébudgétairequiacettefoisprévalu:lesmoyenstransférésparlaCommunautéfrançaisesont chaque année équivalents à ceux qu’elle reçoit de la part de l’autorité fédérale pour le financement descompétencestransférées16 ». Outre le montant des dotations complémentaires au profit des deux

11 Décret I des 5 et 7 juillet 1993 relatif au transfert de l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et la Commission communautaire française (Mon. b., 10 septembre 1993.)

Décret II de la Communauté française du 19 juillet 1993 attribuant l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française ; décret II de la Région wallonne du 22 juillet 1993 attribuant l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française.(Mon. b., 10 septembre 1993.)

Décret III de la Commission communautaire française du 22 juillet 1993 attribuant l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française (Mon. b., 10 septembre 1993.) 12 Techniquement, le transfert de compétences se réalise au moyen de trois instruments juridiques. La Communauté française adopte un décret spécial de transfert. Pour leur part, la Région wallonne et la Commission communautaire française prennent chacune un décret ordinaire aux termes duquel elles acceptent de prendre en charge les matières transférées. Quelles sont ces matières « régionalisées » ? Des matières culturelles sont transférées aux autorités de la Région wallonne. Elles concernent le tourisme, la promotion sociale, la reconversion et le recyclage professionnels, les infrastructures communales, provinciales, intercommunales et privées d'éducation physique, de sport et de vie en plein air (décret II de la Région wallon ne du 22 juillet 1993 attribuant l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française, art. 3. 1" à 4° ; voy. égal, les décrets ayant le même intitulé, de la Communauté française du 19 juillet 1993 et de la Commission communautaire française du 22 juillet 1993). Les seules matières éducatives transférées concernent le transport scolaire (décret II de la Région wallonne du 22 juillet 1993, art. 3, 5"). Les matières personnalisables sont, pour leur plus grande part, transférées. Hormis quelques exceptions significatives les hôpitaux universitaires, l'O.N.E., l'éducation sanitaire, la médecine préventive, la protection de la jeunesse... , ces matières sont prises en charge par les autorités de la Région wallonne (décret II de la Région wallonne du 22 juillet 1993, art. 3, 6" et 7")

13 CRISP, « Accord de la Saint-Quentin » , Vocabulaire politique, sur https://www.vocabulairepolitique.be/accord-de-la-saintquentin/

14 Les décrets II et III ont transféré l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la COCOF en ne leur allouant qu’une partie des moyens y afférant.

15 Doc., Parl., Comm. fr., sess. 2013-2014, n° 587/4, pp. 8 et 11

16 Doc., Ass. COCOF, sess. 2013-2014, n° 65, compte-rendu de la séance plénière du 4 avril 2014, p. 5.

entités bénéficiaires des transferts, les nouveaux décrets règlent le transfert du personnel et des biens meubles et immeubles nécessaires à l’exercice des compétences transférées, et le transfert des droits et obligations relatifs à ces compétences17

La recherche d’homogénéité des compétences se heurte à deux obstacles importants 18 :

- « Lepremierobstacleconcernel’interdictionpourlaRégionwallonnederéglerdansunmême acte – arrêté ou décret – desmatièresrégionalesetcommunautaires »19. En effet, le champ d’application territorial des normes diffère selon que la Région wallonne s’empare de l’une ou l’autre matière. Contrairement aux matières régionales qu’elle règle pour l’ensemble du territoire wallon, les matières qui lui ont été confiées en application de l’article 138 de la Constitution ne sont exercées par cette entité fédérée que dans les limites du territoire de la région de langue française. Il lui incombe dès lors de faire la distinction entre les deux.

- « LesecondobstaclerésultedeslimitesquiaffectentlescompétencesdelaCOCOFdansles matièrestransféréesparl’applicationdel’article138delaConstitution.20»

D’une part, la COCOF n’est compétente à Bruxelles qu’à l’égard des institutions unicommunautaires francophones, à savoir celles qui se rattachent exclusivement à la Communauté française en raison de leurs activités ou de leur organisation. Or, certaines des compétences communautaires dont l’exercice est transféré à la COCOF ne peuvent être effectivement exercées par cette entité fédérée, compte tenu des compétences qui, sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, sont attribuées à l’autorité fédérale par l’article 127, § 2 de la Constitution, et à la COCOM par ses articles 128, § 2 et 135, ainsi que par les lois prises en vertu de celle-ci. « Lerespectdesrèglesrépartitrices decompétencesprévuesparouenvertudelaConstitutionimpliquedèslorsnécessairementcertaines asymétriesdanslestransfertsopérés »

D’autre part, la sixième de l’État, en renforçant sur certains volets la COCOM, a revu le système de transfert classique via l’article 138 de la Constitution. C’est pour cette raison qu’au-delà des transferts opérés directement vers la COCOM, faute de moyens suffisants alloués à la COCOF, les partis francophones signataires des accords de la Sainte-Émilie ont incité certaines institutions qui étaient agréées par la COCOF à basculer vers le régime bicommunautaire21

Plus particulièrement, concernant les transferts communautaires opérés à Bruxelles dans le cadre de la sixième réforme de l’État, on distingue :

• Des compétences qui relèvent exclusivement de la COCOM

En ce qui concerne cette première catégorie, on trouve le cas le plus évident : celui des allocations familiales. « Faisant usage de l’habilitation contenue dans l’article128, §2, de la Constitution,lelégislateurspécialaréservédemanièreexpresseàlaCOCOMlacompétence exclusive de régler les allocations familiales à Bruxelles, “en ce compris à l’égard des institutionsqui, enraisondeleurorganisation,doiventêtreconsidéréescommeappartenant exclusivement à l’une ou à l’autre communauté”22».

• Des compétences qui dépendent de la COCOM en fonction du critère prévu à l’article 128 § 2 de la Constitution.

En ce qui concerne la seconde catégorie, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État éclairent sur le critère qui permet le

17 Art. 5 à 12 des nouveaux décrets de transfert.

18 L. LOSSEAU et M. DEKLEERMAKER, « Transferts intrafrancophones de compétences », in Le Dictionnaire de la sixième réforme de l’État, Larcier, Bruxelles, 2015, p. 880 à 905.

19J. SAUTOIS, « Quelques points nodaux de l’exercice des compétences bruxelloises », in Le droit bruxellois après 25 ans d’application(1989-2014), Bruylant, Bruxelles, 2015. Voy. égal. la thèse développée par la section du contentieux administratif du Conseil d’État dans C.E., arrêt Schiltz, n° 22.690 du 26 novembre 1982.

20 L. LOSSEAU et M. DEKLEERMAKER, « Transferts intrafrancophones de compétences », op.cit., p. 884

21 La clause dite de « basculement » du statut unicommunautaire vers un statut bicommunautaire, et inversement, prévue par l’article 48/1, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, inséré par la loi spéciale du 6 janvier 2014 portant réforme du financement des communautés et des régions, élargissement de l’autonomie fiscale des régions et financement des nouvelles compétences.

22 X. DELGRANGE et M. EL BERHOUMI, « Le découpage des compétences régionales et communautaires à Bruxelles ou la tentation de la transgression », in Ledroitbruxelloisaprès25ansd’application(1989-2014), Bruylant, Bruxelles, 2015.

rattachement à la COCOM. Après avoir rappelé que « dans la mesure où les compétences impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits à une intervention ou une allocation,oudanslamesureoùils’agitd’institutionsbicommunautaires,l’autoritécompétente en région bilingue de Bruxelles-Capitale sera la Commission communautaire commune (COCOM)23 », le législateur spécial établit deux listes de matières. D’une part, les matières transférées aux Communautés pour lesquelles la loi spéciale prévoit que l’autorité compétente sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale sera la Commission communautaire commune : l’allocation d’aide aux personnes âgées, les consultations sevrage tabagique ou les aides à la mobilité. D’autre part, les matières transférées aux Communautés par la loi spéciale qui doivent tantôt être traitées par les institutions unicommunautaires ou par la COCOM, lorsque les institutions ne doivent pas être considérées, en raison de leur organisation, comme appartenant exclusivement à l’une ou à l’autre Communauté. Cette liste de matières comprend, entre autres : les campagnes de vaccination, les infrastructures hospitalières et les maisons de repos.

Cette différence de catégories opérée par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État vise à respecter l’esprit de la répartition des compétences à Bruxelles. Soit, au moment du transfert, la loi spéciale attribue directement la compétence à la COCOM ; soit il faut désigner la COCOM comme compétente au regard de la nécessité d’une gestion bicommunautaire de certaines compétences reprises. Cela apparaît dans l’avis du Conseil d’État de l’époque24

Cependant, plusieurs auteurs ont souligné qu’indépendamment de ce découpage, la quasi-totalité des moyens relatifs à ces transferts ont été dévolus à la COCOM, ce qui entraîne pour conséquence que « lamontéeenpuissancedubicommunautaireaudétrimentdelaCOCOFfait,plusquejamais, del’article138delaConstitutionunmécanismedestinéàtransférerl’exercicedecompétencesdela CommunautéfrançaiseàlaseuleRégionwallonne 25».

La vision mise en œuvre à Bruxelles lors de la sixième réforme de l’État a donc renforcé la gestion bicommunautaire et l’identité bruxelloise, mais elle a amoindri la possibilité d’opérer des transferts classiques via l’article 138 de la Constitution, du fait d’une focalisation sur la COCOM. Il en résulte qu’un transfert intra-francophone futur devra prendre compte cette nouvelle réalité, et le fait d’opérer un transfert vers une entité la COCOF désargentée.

23 Doc. parl., Sénat, sess. 2012-2013, n° 5-2321/1, p. 6 à 8.

24 Avis n° 53.932/AG donné le 27 août 2013, Doc. parl., Sénat, sess. 2012-2013, n° 5-2232/3, p. 16-17

25 L. LOSSEAU et M. DEKLEERMAKER, « Transferts intrafrancophones de compétences », op.cit., p. 880-905.

2. Vers une nouvelle conception de l’espace institutionnel intra-francophone

Dans plusieurs articles parus à la suite de la sixième réforme de l’État, la doctrine francophone a mis en avant la nécessité d’opter entre une vision régionale ou communautaire claire

Hugues Dumont, dans un chapitre de l’ouvrage Lasixièmeréformedel’État,l’artdenepas choisir ou l’art du compromis ?26 intitulé « Trois communautés-trois régions : le nœud gordien ou la résistance d’une distinction largement dépassée27 », reprend différentes propositions pour une septième réforme de l’État afin visant à simplifier et rendre plus cohérent le paysage institutionnel belge.

- Première proposition En ce qui concerne la culture et l’enseignement, le maintien des trois Communautés actuelles, ou à tout le moins de la Communauté germanophone, d’une collectivité interrégionale flamande et d’une collectivité interrégionale francophone semble s’imposer. L’auteur souligne que même les plus régionalistes ne contestent pas « lanécessité deconserver,souslelabelcommunautaireousousunautrenom,uneassembléelégislative etunexécutifcommunsauxfrancophonesdeBruxellesetdeWalloniepourrégirdesmatières commeledroitdel’enseignement,larecherchefondamentalemenéedanslesuniversités,le droitdel’audiovisuel,ladéfenseetl’illustrationdelalanguefrançaiseoulareconnaissanceet le subventionnement des institutions culturelles actives aussi bien dans la région de langue française que dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale28 » Du côté flamand, il rappelle qu’une série de matières incompressibles doivent rester communautaires. L’auteur va plus loin en évoquant que : « Silemaintiendesdeuxcommunautésflamandeetfrancophone,sousune nouvelle dénomination le cas échéant, ainsi resserrées autour de leurs compétences culturellesetéducatives,nousparaîtdoncs’imposer,celanedevraitpasexclurepourautant la faculté pour la Région bruxelloise d’intervenir financièrement dans le domaine desdites compétencespourcompléterlesmoyensinvestisparl’uneetl’autre ».

- Deuxième proposition En ce qui concerne les compétences biculturelles, celles qui relèvent d’une échelle de rayonnement fédéral devraient rester à ce niveau si l’on veut éviter le piège d’un transfert aux deux principales Communautés qui seraient chacune dépendante de la bonne volonté de l’autre pour conclure d’aléatoires accords de coopération. Toutes les autres compétences biculturelles devraient être confiées à la Région de Bruxelles-Capitale ou à la COCOM. En ce qui concerne le secteur biéducatif, on a relevé l’inaction de l’État fédéral alors qu’il dispose de la compétence au titre des matières résiduelles (exemple des écoles bilingues à Bruxelles). De plus, en matière d’éducation, chaque Communauté agit à Bruxelles par hypothèse dans les limites de sa propre sphère d’intervention, sans prendre en considération les problèmes qui peuvent naître de l’absence de coordination de leurs politiques respectives. « Il ressort de ces constats que personne n’assure aujourd’hui la responsabilité ultime à Bruxellesdudevoird’assurereffectivementlerespecttantdel’obligationscolairequedudroit à l’instruction et du libre choix. Dans ces conditions, il nous semble recommandable de transférerlesecteurbiéducatifàlaRégiondeBruxelles-CapitaleouàlaCOCOM,moyennant des concertations avec les communautés pour garantir une cohérence des politiques scolaires sur le territoire bruxellois. »

- Troisième proposition Une régionalisation ou une « Cocomisation » pure et simple de toutes les matières personnalisables, ainsi que de certaines matières culturelles comme la formation professionnelle serait cohérente. On sortirait ainsi de la juxtaposition actuelle des compétences de la Communauté flamande, de la Communauté française, de la Région bruxelloise, de la COCOF et de la COCOM. Avantages : il y aurait moins de matières où le législateur flamand estimerait devoir mêler ses compétences régionales et communautaires ; d’un point de vue budgétaire, la Région bruxelloise pourrait exercer son pouvoir fiscal propre ou doter la COCOM des moyens financiers nécessaires ; on éviterait aussi la répartition 80/20 vers les institutions unicommunautaires qui induit un sous-financement de la COCOF et un

26 H. DUMONT, M. EL BERHOUMI, I. HACHEZ (dir ), La sixième réforme de l'État: l'art de ne pas choisir ou l'art du compromis ?, Larcier, Bruxelles, 2016.

27 H. DUMONT, « Chapitre 6 Trois communautés-trois régions : le nœud gordien ou la résistance d’une distinction largement dépassée », in La sixième réformedel'État:l'artdenepaschoisiroul'artducompromis ?, op.cit., p. 139-158.

28 H. DUMONT, « Chapitre 6 Trois communautés-trois régions : le nœud gordien ou la résistance d’une distinction largement dépassée »,op.cit., p. 152-153

surfinancement de la Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC), la Commission communautaire flamande

Dans un article de 2017, sur un modèle institutionnel à quatre, plusieurs auteurs évoquaient le fait que lors de la sixième réforme de l’État29, « si le pragmatisme a permis de dépasser partiellement des tabous – celuidel’article39delaConstitution,celuidescritèresde rattachement de l’article 128 de laConstitution –,cettelogiquen’apuallerjusqu’àentraîneruneorganisationinstitutionnellecohérente. Au contraire, elle s’est heurtée à la nécessité de trouver un compromis entre deux visions opposées 30 ». Cela a eu pour conséquence de continuer à juxtaposer des visions bicommunautaire, unicommunautaire et régionale. Les auteurs concluaient, de manière positive, qu’il fallait « attendre la prochaine réforme pour confirmer ou infirmer l’option d’une vision avec une assise territoriale donc régionaleetqu’avantcela,ilrevenaitauxautoritéspolitiquesbruxelloisesetauxsecteursconcernés dedémontrerqu’ilssontprêtsàs’inscriredansunelogiquebicommunautaire31 »

Le débat d’un nouveau modèle institutionnel pour les entités fédérées a été relancé depuis 2020. Certains acteurs, notamment côté néerlandophone32 plaidant pour un modèle 2+2, et d’autres, côté francophone, plaident pour un modèle à 4 régions.

Paul De Grauwe et Olivier Van Pariijs, à travers le think-thank, Re-bel, ont lancé le débat en 2021 et 2022 en invitant des intervenant francophones et flamands sur ce sujet33. A travers les débats menés, les questions suivantes ont été abordés.

Il ressortait de ces débats qu’une structure fédérale simplifiée pour la Belgique, composée de quatre entités fédérées territorialement définies : la Flandre, la Wallonie, Bruxelles et la Région Ostbelgien (Communauté germanophone). Ils soulignent les avantages potentiels de cette réforme tout en identifiant certaines difficultés comme la coordination des politiques communautaires à Bruxelles, la localisation des institutions flamandes sur le territoire de la Région Bruxelles-Capitale et les questions sous-jacentes de financement34

Sur la question du financement, pour aller plus loin, les lecteurs peuvent lire les études de Willem Sas35 et de l’ULB commandé par Sven Gatz (alors ministre du budget en Région de Bruxelles-Capitale) en décembre 202136

29 C. ROMAINVILLE, « Le partage des compétences à Bruxelles », in Lesgrandsarrêtssurlepartagedescompétences, Larcier, Bruxelles, 2019

30 M. EL BERHOUMI, L. LOSSEAU, S. VAN DROOGHENBROECK, « Vers une Belgique à quatre ? Les compétences communautaires à Bruxelles après la sixième réforme de l’État », in E. VANDENBOSSCHE (dir.), DeBrusselseinstellingenanno2014/Lesinstitutions bruxelloises en 2014, Die Keure, Bruges, 2017

31 M. EL BERHOUMI, L. LOSSEAU, S. VAN DROOGHENBROECK, ibid.

32 A. Alen, « Il est nécessaire de simplifier le modèle institutionnel », disponible sur https://www.lesoir.be/367591/article/202104-22/andre-alen-il-est-necessaire-de-simplifier-le-modele-institutionnel

33 https://rethinkingbelgium.eu/event/naar-een-belgie-met-zijn-vieren-vers-une-belgique-a-quatre/

34 Paul De Grauwe et Philippe Van Parijs, « Vers une Belgique à quatre? », Le Soir, https://rethinkingbelgium.eu/wpcontent/uploads/2021/04/21.04.20.De-Grauwe-Van-Parijs-.Vers-une-Belgique-a%CC%80-quatre.pdf

35 https://bplus.be/fr/articles/mythes-nationalistes/le-mythe-des-transferts-financiers-demasque

36 https://svengatz.prezly.com/letude-de-lulb-expose-les-flux-financiers-en-cas-de-reforme-de-letat-avec-4-regions

Conclusion

La question d'une réforme intra-francophone et du transfert de compétences de la Communauté française vers les Régions, ou via le mécanisme de l'article 138 de la Constitution, est cruciale pour l'avenir institutionnel de la Belgique. La suppression des Communautés, consacrées constitutionnellement, nécessiterait une vaste révision de la la loi fondamentale et une réforme institutionnelle en profondeur. Les questions relatives à une réforme de l’État mettent en avant la nécessité de choisir entre une vision régionale ou communautaire claire, afin de simplifier la répartition des compétences et de renforcer la cohérence du système.

Les analyses et scénarios présentés dans cette note montrent que plusieurs options sont envisageables, chacune avec ses avantages et ses inconvénients. La régionalisation ou la « cocomisation » des matières personnalisables et de certaines matières culturelles pourrait offrir une solution cohérente, en dépassant la juxtaposition actuelle des compétences entre les différentes entités. Cependant, cela nécessiterait une volonté politique forte et un consensus entre les différentes parties.

L’accord de gouvernement wallon du 11 juillet 2024 se démarque des propositions dégagées par la doctrine en ne retenant que certaines matières et en visant notamment à recommunautariser une partie d’entre elles. Cet accord mentionne qu’en ce qui concerne les compétences dans l’espace intrafrancophone, une concertation aura lieu avec le Collège de la Commission communautaire française, les gouvernements wallon et communautaire, ainsi qu’avec les institutions bruxelloises. Dès avant l’organisation de cette concertation, cette déclaration de politique régionale formule cependant déjà des conclusions : il annonce que les infrastructures sportives et celles de la petite enfance seront retransférées à la Fédération Wallonie-Bruxelles (Communauté française), tandis que le patrimoine culturel sera régionalisé. Par ailleurs, cet accord de gouvernement indique que la formation en alternance doit faire l'objet d'un mécanisme de codécision entre la communauté et les régions.

Pourtant, comme nous l’avons vu, ces décisions doivent s’insérer dans une vision plus large d’une réforme du paysage institutionnel intra-francophone. La structure que les francophones décideront de donner à leurs institutions constitue en effet un enjeu majeur pour dessiner le paysage institutionnel de la Belgique. Cette réforme doit donc être abordée avec pragmatisme et ambition, en tenant compte des réalités budgétaires, économiques et sociales des communautés, des régions et de l’autorité fédérale.

En effet, dans le « rapport mon pays pour demain »37, de février 2023 qui ressort de l’initiative du gouvernement De croo (2020-2024), qui visait à sonder les citoyens sur une série de questions, nous observons que dans le volet : « comment organiser le pays ? », les avis divergent sur la gestion des matières communautaires tant au nouveau global qu’à Bruxelles.

Il est également essentiel de considérer les implications à long terme de ces réformes. Une approche bien pensée pourrait non seulement améliorer l'efficacité administrative, mais aussi renforcer la cohésion sociale et politique au sein de la Belgique. Les réformes doivent viser à créer un système institutionnel plus simple et plus transparent, où les compétences sont clairement définies et où les responsabilités sont assumées de manière efficace. Cela nécessitera un dialogue ouvert et constructif entre toutes les parties et une majorité spéciale, ainsi qu'une volonté politique pour parvenir à des solutions équilibrées et durables.

En conclusion, la réforme intra-francophone et le transfert de compétences sont des enjeux importants dans les débats institutionnels de la Belgique. Ils doivent être abordés avec une vision claire et la volonté d’améliorer le fonctionnement des institutions, tout en respectant la diversité et les spécificités des régions et communautés

37 https://www.unpayspourdemain.be/download_file/Rapport_un_pays_pour_demain_portrait.pdf

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