Constats, défis et perspectives des régimes de pension en Belgique-2018

Page 1

ETAT DE LA QUESTION

CONSTATS, DÉFIS ET PERSPECTIVES DES RÉGIMES DE PENSION EN BELGIQUE

Benoît ANCIAUX

DÉCEMBRE 2018

ER Gilles Doutrelepont13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles
SOMMAIRE 1. Introduction 4 2. Les régimes de pension et les principes qui les sous-tendent 4 2.1. Le premier pilier 4 2.1.1. Le régime des travailleurs salariés 5 2.1.2. Le régime des travailleurs indépendants 5 2.1.3. Le régime des fonctionnaires 5 2.1.4. Le cas particulier des pensions de survie 6 2.2. Le second pilier 6 2.3. Le troisième pilier 7 3. Les étapes historiques et les évolutions récentes 7 3.1. La fin des golden sixties 8 3.2. Les années 80 8 3.3. Le Plan global de 1993 9 3.4. La réforme de 1997 9 3.4.1. La problématique des travailleurs à temps partiel 9 3.4.2. L’émergence d’un « droit minimum » 10 3.4.3. La suppression des coefficients de revalorisation 10 3.4.4. L’âge de la pension des femmes 10 3.4.5. La pension anticipée 10 3.5. Le Fonds de vieillissement 10 3.6. La loi sur le second pilier de pension 11 3.7. Le Pacte de solidarité entre les générations (2005) 11 3.7.1. Le mécanisme biennal de liaison au bien-être 12 3.7.2. Le bonus de pension 12 3.8. Le gouvernement Di Rupo (2012-2014) 12 3.8.1. La retraite anticipée 12 3.8.2. Le traitement de référence et la convergence des tantièmes dans le secteur public 13 3.8.3. La réforme des pensions de survie 13 3.9. Le gouvernement MR N-VA 13
4. Les défis 15 4.1. Le défi démographique 15 4.2. Le financement de la sécurité sociale 16 4.2.1. Considérations générales 16 4.2.2. Le financement 17 4.3. Le défi sociétal 17 5. Quelle réforme pour la Belgique ? 18 5.1. Le déplacement d’une logique bismarckienne vers une logique de Beveridge 18 5.2. Les deux modèles de répartition avec contributions définies 18 5.2.1. Le modèle suédois des comptes notionnels 18 5.2.2. Le système à points 19 5.3. Les réformes paramétriques 20 5.3.1. Relèvement de l’âge de la pension 20 5.3.2. Ajustement des prestations aux cotisations 21 5.3.3. Ajustement des cotisations aux prestations 21 5.3.4. Modification des sources de financement 21 6. Considérations finales 23 6.1. La liaison au bien-être 23 6.2. La dimension de genre 23 7. Conclusion 24

1. Introduction

L’avenir des pensions est sans nul doute le dossier le plus préoccupant de cette législature.

Le gouvernement MR N-VA a porté l’âge légal de la pension de 65 à 67 ans. Il a réduit les départs anticipés à la retraite et les périodes assimilées qui permettaient aux travailleurs qui avaient été contraints, pour des raisons multiples, de suspendre leur carrière, de les considérer comme des périodes de travail. Il entend (y parviendrat-il ?) supprimer les tantièmes préférentiels donnant à certains fonctionnaires exerçant des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite.

Le gouvernement MR N-VA prépare, pour un futur plus ou moins proche, l’instauration d’un régime « harmonisé » de pension sur base de « points » que chaque travailleur accumulera au cours de sa carrière professionnelle. Ce système est présenté comme un « nouveau contrat social » alors qu’il ne s’agit pas d’un « contrat » mais bien d’une réforme dictée par des considérations budgétaires et macro-économiques. Un vrai contrat ne saurait se passer d’un large débat démocratique où les différentes parties échangent sur ce qui est « possible » pour aboutir à un rapport équilibré entre les aspirations légitimes de la population, les contraintes budgétaires et les moyens d’y faire face1. C’est d’autant plus important que le vieillissement est un phénomène irréversible qui engage toute la société et qui, dès lors, doit interpeller chacun d’entre nous.

Tant sur le fond que sur les méthodes, le gouvernement fédéral de Charles Michel ne construit pas. Il reste sourd à l’opinion publique qui ne l’a d’ailleurs nullement mandaté dans les orientations prises. Il détruit « pas à pas » le consensus historique sur lequel les partenaires sociaux ont bâti les solidarités inter et intra-générationnelles.

La présente analyse n’a pas la prétention d’apporter une « recette miracle » aux défis actuels et futurs. Elle se veut pédagogique pour que chacune et chacun comprennent les bases techniques, les évolutions, les enjeux, les pistes de réforme dont celles de la majorité MR N-VA mais surtout celles qui ont été synthétisées à l’issue d’un vrai débat avec la société civile, soit à l’occasion du Chantier des idées mené récemment par le PS (2015-2017).

2. Les régimes de pension et les principes qui les sous-tendent

La théorie des « trois piliers de pensions » est d’origine suisse et repose sur une philosophie de diversification des sources de revenus de pension.

2.1. Le premier pilier

Le premier pilier est la base même de notre système de sécurité sociale en matière de pension. Il fonctionne selon une technique financière qui est celle de la répartition (solidarité entre les générations) : L’affectation des cotisations sociales prélevées sur les revenus du travail des actifs au régime des salariés ou au régime des indépendants ;

La prise en charge par le budget général de l’Etat des pensions de la fonction publique (notion de « traitement différé »).

Outre la dimension du financement, le commun dénominateur des trois régimes légaux de pension en Belgique (salariés, indépendants, fonctionnaires) est l’affiliation obligatoire et le versement de prestations définies à l’âge de la pension, lesquelles vont dépendre de la durée de la carrière professionnelle et des revenus du travail (droit acquis chaque année pour les salariés et les indépendants, droit acquis sur les dernières années pour les fonctionnaires). Cependant, la proportionnalité (principe d’assurance) qui est l’héritage de notre système « bismarckien » est fortement tempérée par de nombreux mécanismes internes de solidarité dont l’objectif est d’assurer à chaque retraité une pension « décente » (éventuellement complétée par le recours à la GRAPA2).

L’âge normal de la pension est uniforme (65 ans, porté à 66 ans à partir du 1er janvier 2025 et à 67 ans à partir du 1er janvier 2030). Il existe des possibilités de prendre anticipativement sa pension moyennant des conditions

1 Le « livre vert » (2010) de l’ancien Ministre des Pensions, Michel Daerden, préparait précisément ce débat de société.

2 Garantie de revenus aux personnes âgées (régime résiduaire dont le montant dépend d’une enquête sur les ressources).

Etat de la Question 2018 • IEV 4

d’âge et de carrière. La durée de la carrière pour obtenir une pension complète est de 45 années pour les salariés et les indépendants (principe de « l’unité de carrière » mais il a été supprimé récemment pour les travailleurs qui dépassent l’unité) et elle est variable pour les fonctionnaires (principe du « maximum de pension » qui dépend de facto du « tantième » applicable).

2.1.1. Le régime des travailleurs salariés

Le régime des salariés est en quelque sorte « pleinement contributif » puisque le calcul des cotisations s’opère sur des salaires déplafonnés. Par contre, la rémunération prise en compte chaque année pour le calcul de la pension est plafonnée.

Chaque année de carrière donne droit à une fraction (1/45) du montant (plafonné) de la rémunération réelle, fictive ou forfaitaire, limitée à 75% pour les ménages et à 60% pour les isolés. Les rémunérations fictives ou forfaitaires sont ce qu’on appelle communément les « périodes assimilées » à des prestations de travail (maladie et invalidité, congé de maternité, chômage, congés thématiques, etc.). La prise en compte varie en fonction de la nature de l’inactivité. Elle peut être illimitée ou limitée dans le temps.

2.1.2. Le régime des travailleurs indépendants

Depuis le 1er janvier 2015, le mode de calcul des cotisations sociales pour les indépendants a été réformé.

En début d’activité, le travailleur indépendant (le « starter ») paye des cotisations trimestrielles provisoires et forfaitaires. Lorsqu’il comptera trois années civiles complètes, les cotisations sont régularisées sur base des revenus professionnels réels de l’année de référence (cotisations définitives). L’indépendant qui exerce son activité depuis plus de trois ans paie aussi des cotisations provisoires (cotisations indiquées par la caisse d’assurances sociales sur base des revenus d’il y a trois ans) mais elles sont régularisées sur base des revenus de l’année même (lorsque ces revenus sont communiqués par l’administration fiscale). De plus, avec l’accord de la caisse d’assurances, l’indépendant a la possibilité de « moduler ses paiements » selon l’évolution de sa situation financière.

Une différence notoire par rapport au régime des salariés est que les cotisations (définitives) dans le régime des indépendants sont calculées sur base de deux tranches de revenus professionnels : un taux (20,5% en 2018) est appliqué sur les revenus inférieurs à un plafond intermédiaire (58.513,59 euros) et un taux plus faible (14,16%) est appliqué sur les revenus supérieurs à ce plafond mais inférieurs à un plafond maximum (86.230,52 euros).

Comme dans le régime des salariés, les revenus professionnels sont pris en compte pour le calcul de la pension jusqu’à une certaine limite et le taux de la pension est de 75% (ménage) ou de 60% (isolé).

Le calcul pour chaque année d’activité est particulièrement complexe en raison du coefficient d’adaptation qui comprend l’application d’un coefficient de revalorisation (indexation) puis d’un coefficient « d’harmonisation » Introduit en 1984, l’objectif de celui-ci est de refléter le rapport entre les taux de cotisation dans le régime de pension des indépendants, d’une part, et dans le régime de pension des salariés (cotisation personnelle et cotisation patronale), d’autre part. Depuis 1997, du fait notamment de l’introduction de la gestion financière globale, le rapport a été remplacé par deux coefficients d’harmonisation plus faibles s’appliquant sur le revenu professionnel revalorisé qui est subdivisé en deux composantes (deux plafonds). Ces coefficients influent à la baisse le revenu professionnel adapté3

2.1.3. Le régime des fonctionnaires

Le régime des pensions du secteur public constitue un des aspects de la situation statutaire de l’agent puisque les dispositions en vigueur ont été présentées, depuis l’origine (1844), comme des dispositions de « rémunération ». C’est pourquoi on parle généralement de « traitement différé ». Ce régime est donc non contributif, à l’exception du financement des pensions de survie.

Le calcul de la pension de retraite dans la fonction publique se distingue de ceux des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants en ce sens que le traitement de référence est le traitement moyen des dernières années d’activité. Le traitement est multiplié par une fraction dont le numérateur est égal à la durée de la carrière et

Etat de la Question 2018 • IEV 5
3 Voir la réponse du Ministre des Classes moyennes à la question écrite du député E. Lachaert (QRVA 54 056 - Question n° 0224 du 24 novembre 2015).

dont le dénominateur est un nombre variable appelé « tantième ». Le tantième de base est 1/60 mais il existait beaucoup d’exceptions (« tantièmes préférentiels ») justifiés soit pour des raisons de pénibilité soit pour des raisons d’accessibilité tardive à la fonction. Ces tantièmes préférentiels ont été rationnalisés en 2013.

La pension ne peut excéder 75% (3/4) du traitement de référence. Par exemple, pour un fonctionnaire d’un service public fédéral (SPF), il lui faut 45 années de travail pour atteindre le maximum de pension (45/60 = 0,75). Par contre, un enseignant du non-universitaire doit comptabiliser 41 ans et 3 mois (55 x 45/60).

Une autre particularité des pensions publiques est le mécanisme de péréquation. Il s’agit aussi d’une conséquence directe de la notion de traitement différé. Lorsque le traitement afférent au dernier grade de l’agent pensionné était augmenté (relèvement de l’échelle barémique), la pension était automatiquement et proportionnellement adaptée. Ce mécanisme était critiquable car il fonctionnait « en vase clos » (intérêt sélectif des pouvoirs publics) et il aboutissait à des disparités très fortes : certaines pensions n’étaient jamais péréquatées (avec un risque réel de pauvreté) tandis que d’autres l’étaient régulièrement et parfois de façon importante. Avec les réformes successives de l’Etat, le système était devenu d’une complexité extrême.

Il faut avoir l’honnêteté de dire que la loi « Tobback » de 2007 a eu le mérite de remplacer la péréquation individuelle par une péréquation dite par « corbeille » (15 secteurs bien définis dans les services publics). Sur base des augmentations constatées au cours d’une période de deux ans, toutes les pensions qui se rattachent à une « corbeille » sont péréquatées à concurrence d’un même pourcentage. Ceci présente l’avantage d’une plus grande solidarité entre les actifs et les pensionnés et entre les pensionnés eux-mêmes. Le revers de la médaille est que l’on constate des disparités entre les secteurs du fait du morcellement des compétences4

2.1.4. Le cas particulier des pensions de survie

Dans les trois régimes, il existe ce qu’on appelle la « pension de survie » en cas de veuvage. Le modèle a été bâti à une époque où le mariage et le partage des rôles entre époux s’imposaient naturellement dans l’esprit de la majorité de la population.

La pension de survie est un droit dérivé. Contrairement à une idée répandue, elle n’est pourtant pas fondée sur la réalité (la preuve) de la qualité de « personne à charge » d’un titulaire de droits directs du vivant de celui-ci5 Peu importe que le conjoint survivant ait été ou non « à charge » pendant les années ou certaines années du mariage, le seul fait - au moment du décès - de ne pas travailler, d’arrêter son travail ou de le limiter dans le cadre de la réglementation existante (régime des « revenus autorisés ») suffit pour l’ouverture du droit pour autant que les autres conditions soient remplies. Sauf exceptions6, les principales conditions sont le mariage dont la durée requise est d’au moins un an et l’âge du survivant7

Dans une optique d’individualisation des droits et de lutte contre les pièges à l’embauche (surtout pour les femmes peu qualifiées), les règles relatives aux pensions de survie ont été profondément modifiées par une réforme intervenue en 2014 dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2015. La question est développée au point 2.8.3.

2.2. Le second pilier

Le second pilier (dit « professionnel ») fonctionne selon le principe de la capitalisation.

L’utilisation de cette technique va générer des réserves d’épargne dans le but de financer un complément à la pension légale des travailleurs. Les produits financiers souscrits par l’employeur sont gérés, au niveau de l’entreprise ou du secteur, soit par des assureurs (assurances groupe) soit par des organismes de pension (fonds de pension).

4 Par exemple, la péréquation 2015 était égale à 0% pour l’enseignement de la Communauté française mais de 0,73% pour l’enseignement de la Communauté flamande. Elle était de 0% pour la SNCB mais de 0,51% pour les entreprises publiques autonomes.

5 Au contraire de la pension de conjoint divorcé dans le régime des salariés ou des indépendants. Les années pour lesquelles un droit est ouvert à une pension de retraite personnelle ne sont pas prises en considération. A noter que le droit à la pension de conjoint divorcé est indépendant du fait que l’ex-conjoint soit en vie ou non. Dans le secteur public, le conjoint divorcé n’a droit qu’à la pension de survie. La pension de retraite étant un droit individuel, aucun droit n’est assuré au conjoint divorcé du vivant de celui-ci.

6 Exceptions centrées sur des réalités sociales comme, par exemple, la charge d’un enfant ou l’invalidité du survivant. En outre, il existait un système complexe de pension « temporaire » qui précédait parfois une pension « continuée » pour que le survivant atteigne l’âge de 45 ans.

7 Avant le 1er janvier 2015, l’âge était de 45 ans dans le secteur privé et quel que soit l’âge dans le secteur public (mais en dessous de 45 ans, la pension de survie était forfaitaire).

Etat de la Question 2018 • IEV 6

Quant à la dimension des prestations, on distingue principalement :

les plans à « contributions définies » (la très grande majorité). Il s’agit de plans dans lesquels l’employeur (et éventuellement le travailleur) verse périodiquement une prime fixe ou un pourcentage fixe de la rémunération. La prestation allouée comprendra les primes versées, le rendement obtenu sur ces primes et une éventuelle participation bénéficiaire. Il n’y a donc aucune garantie d’obtention d’un taux de remplacement déterminé. Si le risque est supporté par le travailleur, notre législation impose toutefois un rendement minimum garanti8 ; les plans à « prestations définies ». Au moment de la prise de pension, il y a une garantie pour le travailleur de percevoir une prestation déterminée (une certaine quotité de sa rémunération en fonction de la durée de sa carrière). Il y a donc une obligation de résultat.

En ce qui concerne les travailleurs indépendants, il existe ce qu’on appelle « la pension complémentaire libre pour indépendant » (PCLI). Récemment, le gouvernement a instauré un second pilier de pension pour les indépendants en personne physique afin de supprimer la discrimination par rapport aux indépendants en société qui avaient accès tant à la PCLI qu’au second pilier en entreprise (engagement individuel).

2.3. Le troisième pilier

Outre les régimes légaux et les engagements de pension d’ordre professionnel, tout individu qui souhaite disposer de revenus de remplacement suffisants au moment de sa retraite se doit d’être « prévoyant » tout au long de sa carrière professionnelle.

Le troisième pilier peut prendre des formes très variées, les plus connues étant l’assurance-vie et l’épargne pension. Les investissements mobiliers et/ou immobiliers, les comptes d’épargne, etc. sont parfois aussi rangés dans ce troisième pilier mais au sens strict la notion recouvre plutôt des formes d’épargne individuelle qui sont encouragées par les pouvoirs publics par le biais d’avantages fiscaux spécifiques : l’assurance-vie, l’épargne pension, le crédit hypothécaire pour acheter, construire ou rénover sa propre habitation.

Il faut toutefois éviter de parler d’un « troisième pilier de pension » dans la mesure où celui-ci est lié à l’individu et non à son statut professionnel.

3. Les étapes historiques et les évolutions récentes

Introduction

Succédant à la prévoyance individuelle et volontaire (création de la Caisse générale d’épargne et de retraite - la CGER - par la loi du 8 mai 1850), l’assurance vieillesse obligatoire verra le jour d’abord pour les mineurs (1911), ensuite pour les ouvriers et les employés (1924 et 1925).

Les régimes de capitalisation mis en place ne résisteront pas à la dépréciation de la monnaie. Sous l’influence de la conception « bismarckienne » des assurances sociales, les interlocuteurs sociaux considèrent de plus en plus que le risque ne doit plus être couvert individuellement mais qu’il doit être pris en charge de manière collective. Ce principe va apparaître clairement dans le « projet d’accord de solidarité sociale » de 1944 qui donnera naissance à l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 (une sécurité sociale obligatoire pour tous les travailleurs salariés et un mode centralisé de perception des cotisations).

A mesure que la prévoyance individuelle cède le pas à la solidarité, la relation entre les cotisations et les prestations va se délier progressivement mais jusqu’à une certaine limite afin d’éviter un glissement vers le modèle anglosaxon ou « beveridgien ».

La loi du 29 décembre 1953 renoncera en grande partie à la capitalisation individuelle au profit d’une technique de financement fondée sur la répartition. Les lois du 21 mai 1955 (pour les ouvriers) et du 12 juillet 1957 (pour les employés) seront unifiées par l’arrêté royal n°50 du 24 octobre 1967 qui crée une base de solidarité s’étendant à l’ensemble des travailleurs et qui soumet ces derniers à une seule réglementation générale (quelques différences

8 Voir le point 2.6. (La loi sur le second pilier de pension).

Etat de la Question 2018 • IEV 7

subsisteront néanmoins pour les mineurs et les marins) : pension à l’âge de 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes, possibilité d’anticipation de 5 ans, calcul à raison d’1/45e (hommes) ou 1/40e (femmes), pension égale à 60% (pour les isolés) ou 75% (pour les ménages) des rémunérations brutes (et réévaluées) acquises au cours de la vie active. Généralisant la technique de répartition avec constitution de réserves, l’arrêté royal n°50 supprime pour l’avenir tout recours à la capitalisation.

Quant aux pensions des travailleurs indépendants, la loi du 30 juin 1956 succède à l’assurance libre et instaure un régime obligatoire par capitalisation individuelle avec toutefois une dose de répartition. Pour atténuer le caractère obligatoire qui n’avait pas la faveur d’une partie de la classe moyenne, le gouvernement de l’époque offrit aux indépendants la possibilité d’aménager leur régime personnel de pension selon différentes formules (cotisations, assurance-vie, affectation d’un bien immobilier, etc.). Une partie des cotisations est donc affectée à la constitution de rentes individuelles tandis que le surplus permet d’allouer par répartition une pension minimum à ceux dont les ressources sont insuffisantes. L’enquête sur les ressources (pour les personnes dont les rentes sont insuffisantes) sera progressivement supprimée.

3.1. La fin des golden sixties

Le développement économique et l’augmentation du bien-être général au cours de deux décennies (1950-1970) avaient permis l’extension considérable tant de la couverture sociale que de la population assurée9

Dans le régime des salariés, les gouvernements successifs avaient, entre autres, augmenté régulièrement les pensions afin que les retraités puissent aussi bénéficier de la croissance. La loi du 28 mars 1973 (loi « Namèche »10) va même instaurer un mécanisme structurel de liaison des pensions au bien-être, mécanisme qui - sous l’effet de la crise - va être rapidement abandonné (en 1976) au profit d’une politique sélective : revalorisation des pensions les plus basses et les plus anciennes et introduction d’une pension minimum11. Il faut être conscient que l’adaptation au bien-être n’a pas trébuché sous les seuls effets de la crise mais aussi en raison de la divergence entre les partenaires sociaux quant aux critères à prendre en compte pour apprécier l’évolution du bien-être. Les syndicats estimaient que seule importait l’évolution des salaires tandis que le patronat - s’appuyant sur le fait que la loi n’indiquait pas un paramètre unique à prendre en compte - revendiquait un ensemble de facteurs (salaires, revenus moyens par habitant, consommation, épargne, dépenses de l’Etat en matière d’infrastructure, etc.).

C’est à partir de 1976 que la technique de capitalisation en tant que mode de gestion du régime des indépendants va disparaître. La loi du 6 février 1976 met fin à la dualité des prestations dans le régime des indépendants (rentes et pensions minimums). Désormais, le régime n’accordera plus que des pensions « proprement dites » financées selon le système de répartition. Les pensions sont forfaitaires (en fonction des années de carrière) mais les cotisations sont proportionnelles aux revenus moyennant certains minima et plafonds.

La prise de conscience que la crise n’est pas de nature conjoncturelle et que la sécurité sociale ne pourra se maintenir qu’au prix de mesures d’assainissement n’apparaîtra qu’à la fin des années 70.

3.2. Les années 80

Sous les gouvernements Martens-Gol (1982/1987), le thème du rapprochement entre les différents régimes de pension avait été mis sur le devant de la scène politique.

Malgré certaines restrictions, la loi d’harmonisation (loi « Mainil ») du 15 mai 1984 n’a pas modifié fondamentalement la pension de retraite des agents de la fonction publique. Certains aspects étaient positifs comme, par exemple, la suppression de l’âge minimum de 19 ans pour le calcul de la durée de carrière ou encore la sauvegarde des droits à la pension pour les agents démissionnaires. Cette dernière mesure prenait donc le contre-pied du principe archaïque de la « fidélité » qui prévalait dans la législation antérieure au profit de l’idée de mobilité professionnelle. Par contre, les pensions de survie ont subi d’importantes modifications dont notamment les règles de cumul avec une pension de retraite.

Dans le régime du secteur privé, l’harmonisation a été plus évidente. Ainsi, les travailleurs indépendants (seuls

9 En 1953, le budget de la sécurité sociale représentait environ 8% du PIB. En 1980, il dépassait les 20%.

10 Louis Namèche (PS), Ministre de la Prévoyance sociale dans le gouvernement Eyskens-Cools (1972-1973).

11 Loi du 8 août 1980 et loi du 10 février 1981 qui élargit le système aux personnes pouvant justifier d’une carrière égale à au moins 2/3 d’une carrière complète.

Etat de la Question 2018 • IEV 8

vrais « gagnants » de la loi de 1984) obtiendront une pension proportionnelle à leurs revenus ayant servi de base à la perception des cotisations et d’un minimum de pension dans les mêmes conditions que celles applicables pour les travailleurs salariés mais pour un montant moindre. Parallèlement, la limitation de la rémunération annuelle prise en considération pour le calcul de la pension sera généralisée pour tous les travailleurs et l’introduction du principe de l’unité de carrière (comptabilisation de la durée de la carrière pour accéder à la pension) limitera aussi les effets de la proportionnalité12

Enfin, c’est aussi à cette époque que l’Etat abandonnera le régime de la prépension légale13 pour le remplacer par celui de la pension anticipée.

Les mesures les plus douloureuses dans le régime des travailleurs salariés viendront en 1986 avec notamment la suppression de la retraite anticipée à 55 ans pour les femmes et la réduction des coefficients de revalorisation des rémunérations afférentes aux années 1955-197414

3.3. Le Plan global de 1993

La politique menée par le premier gouvernement Dehaene s’inscrit dans le cadre de l’entrée de la Belgique dans l’Union économique et monétaire (traité de Maastricht du 10 décembre 1991). Les exigences européennes ne se limitent pas à des mesures macro-économiques (maîtrise de la dette publique, résorption des déficits, compétitivité, etc.). L’objectif est aussi d’optimaliser la gestion de la couverture des risques sociaux. C’est ainsi que le concept de « gestion globale de la sécurité sociale » finira par s’imposer à partir du 1er janvier 1995.

En matière de pension, les économies attendues seront pour l’essentiel la cession des réserves du Fonds national des pensions à la gestion globale de la sécurité sociale, celle-ci bénéficiant d’ailleurs des premiers financements alternatifs (c’est-à-dire de sourices de financement autres que des cotisations patronales ou des cotisations personnelles des travailleurs). Mais il faut également mentionner la cotisation de solidarité sur les pensions introduite par la loi du 30 mars 1994 portant des dispositions sociales.

La cotisation de solidarité sera retenue sur le montant brut total des pensions, rentes et certains avantages complémentaires dans le but d’assainir les finances publiques mais aussi d’instaurer une forme de solidarité intragénérationnelle (affectation d’une partie des recettes au relèvement des plus basses pensions) afin de ne pas devoir alourdir les contributions des travailleurs actifs au financement du vieillissement démographique15

A partir d’un certain montant brut total, elle est progressive jusqu’à un maximum de 2%. En 2008, le montant en dessous duquel il n’y a pas de cotisation a été relevé16. En parallèle, dans un esprit de justice sociale, les pensions minimum et la GRAPA ont été augmentées.

3.4. La réforme de 1997

Suite à l’adoption de la loi « cadre » du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pensions, le deuxième gouvernement Dehaene a tenté d’apporter une réponse à long terme aux évolutions démographiques et sociologiques. La réforme de 1997 n’a toutefois pas été à la hauteur des ambitions du gouvernement. Elle n’a pas vraiment dépassé le cadre de la « maîtrise des dépenses » même si certaines décisions ont eu le mérite d’adapter les pensions aux nouvelles réalités du travail.

3.4.1. La problématique des travailleurs à temps partiel

Les périodes assimilées ont été étendues pour les heures non prestées des travailleurs et des travailleuses à temps partiel avec « maintien des droits »17 : assimilation limitée dans le temps pour le statut maintien des droits sans allocation de garantie de revenus, assimilation illimitée dans le temps pour ceux et celles qui bénéficient d’une

12 Ces deux mesures ont été prises avant la loi d’harmonisation, soit par l’arrêté royal n° 205 du 29 août 1983. Jusqu’au 1er janvier 1981, les rémunérations annuelles à prendre en considération pour le calcul de la pension n’étaient plafonnées que pour les employés.

13 La prépension légale avait été instaurée en 1978. Elle se distinguait de la « conventionnelle » par le fait que l’indemnité complémentaire à l’allocation de chômage était à charge de l’Etat pour autant que l’employeur remplace le travailleur âgé (60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes) par un jeune chômeur complet indemnisé. En 1980, on comptait déjà une moyenne annuelle de bénéficiaires de la prépension légale supérieure à celle de la prépension conventionnelle.

14 L’explication de ces coefficients est donnée au point 2.4.3.

15 Notons qu’en 1992, le taux de cotisation des travailleurs avait été relevé de 1% pour les soins de santé.

16 Avant 2008, une cotisation était déjà due sur le montant qui dépassait 1.257 euros bruts par mois pour un isolé et 1.571 euros pour un ménage (800.000 pensionnés étaient concernés, pour l’essentiel des pensionnés de la fonction publique et des titulaires d’une assurance-groupe). Difficile de défendre l’idée selon laquelle il s’agissait là de « grosses pensions ».

17 Les travailleurs à temps partiel involontaire.

Etat de la Question 2018 • IEV 9

allocation de garantie de revenus.

3.4.2. L’émergence d’un « droit minimum »

D’autre part, un droit minimum par année de carrière est introduit pour les travailleurs et les travailleuses à bas salaires qui ne peuvent prétendre à la pension minimum.

En résumé, pour bénéficier de ce droit, la personne concernée doit avoir travaillé au moins 15 ans (périodes assimilées comprises) en tant que travailleur salarié à au moins 1/3 d’une occupation à temps plein.

3.4.3. La suppression des coefficients de revalorisation

La mesure « droit minimum » compense quelque peu la disparition progressive des coefficients de revalorisation pour les années 1955-1974 que le gouvernement Martens-Gol avait déjà rabotés de manière significative.

De quoi s’agit-il ? Pour la prise en compte d’une année de travail, on prend la rémunération réelle ou assimilée et on lie cette rémunération à l’indice des prix à la consommation sur base duquel la pension est calculée. A une époque où le salaire garanti n’existait pas, il est évident que seule l’indexation ne suffisait pas pour assurer une pension décente à de nombreux travailleurs et travailleuses. C’est pourquoi un « coefficient de réévaluation » ne se contentait pas de tenir compte de l’inflation mais aussi de l’évolution du bien-être de la population active au moment de la prise de pension. C’est ce dernier élément qui sera progressivement supprimé.

3.4.4. L’âge de la pension des femmes

De la réforme de 1997, la mesure la plus importante aura été celle du relèvement progressif de l’âge de la pension des femmes sur celui des hommes (65 ans).

La période transitoire (et donc aussi le passage à la fraction de carrière de 1/45e) s’est clôturée le 1er janvier 2009.

3.4.5. La pension anticipée

La condition de carrière pour obtenir la pension anticipée à 60 ans passera de 20 ans à 35 ans au 1er janvier 2005.

3.5. Le Fonds de vieillissement

C’est sous le deuxième gouvernement Dehaene que l’on prend conscience que la réduction du taux d’endettement public doit permettre la constitution progressive d’excédents budgétaires qui renforceront le démantèlement de la dette (dont l’allégement de la charge d’intérêt) et créant de facto des marges disponibles pour préfinancer le vieillissement démographique. L’idée d’un « fonds argenté » fait son chemin mais il faudra attendre l’année 2001, sous le gouvernement « arc-en-ciel », pour qu’elle se concrétise légalement sous la forme d’un « Fonds de vieillissement »18

L’objectif était d’absorber le coût budgétaire du vieillissement non pas en renforçant les prélèvements fiscaux et parafiscaux mais en utilisant une technique de répartition étalée dans le temps. Comme l’ont mentionné de nombreux experts, le Fonds devait inciter à un consensus politique sur une réduction continue de la dette dans la perspective du problème démographique. C’est donc un instrument de discipline budgétaire mais il importe de préciser que la loi ne prévoyait pas de financement structurel19. En outre, les réserves accumulées ne pouvaient être utilisées qu’à partir de 2010 et pour autant que le taux d’endettement soit inférieur à 60%.

L’impact de la crise financière et bancaire de 2008 marquera un coup d’arrêt et fatal au Fonds de vieillissement qui partira littéralement en fumée (les avoirs s’élevaient à plus ou moins 17 milliards d’euros fin 2008). En effet, la plus grave récession depuis les années 30 ne pouvait pas épargner notre pays qui tire près de 70% de sa prospérité de son ouverture sur l’étranger. Les inévitables injections de capitaux dans le secteur bancaire, l’impact des plans de relance, des dépenses de chômage plus élevées (dont la « prime de crise » accordée aux ouvriers

18 Loi du 5 septembre 2001 portant garantie d’une réduction continue de la dette publique et création d’un Fonds de vieillissement

19 Le Fonds était financé par des surplus budgétaires, d’éventuels excédents de la sécurité sociale, des recettes fiscales non-récurrentes et par le rendement des placements.

Etat de la Question 2018 • IEV 10

licenciés) et des recettes en chute libre ont entraîné dans le rouge l’ensemble des indicateurs budgétaires de notre pays. La dynamique du ratio d’endettement renouait dangereusement avec celle - explosive - des années 90 (l’effet « boule de neige » des charges d’intérêt). Selon Eurostat, notre pays affichait fin 2017 un ratio de dette publique par rapport au PIB de 103,1%, un des taux les plus élevés de l’Union européenne.

Le Fonds de vieillissement a été supprimé par la loi du 18 décembre 201620. Toutefois, le Comité d’étude sur le vieillissement (CEV) et ses missions subsistent. Le CEV est chargé de la rédaction d’un rapport annuel sur les conséquences budgétaires et sociales du vieillissement à long terme.

3.6. La loi sur le second pilier de pension

La loi sur les pensions complémentaires (LPC) du 28 avril 2003 a profondément modifié, pour les salariés, le second pilier de pension de manière à ce que les nouvelles règles de souscription permettent la « démocratisation » du système (accès à un plus grand nombre de travailleurs, en particulier aux ouvriers qui bénéficiaient rarement d’un engagement collectif de pension).

Une attention particulière a été portée aux plans sectoriels parce que de tels engagements offrent l’avantage d’un cercle de solidarité plus large que les plans d’entreprise et parce que ces engagements résultent d’un processus négocié avec les travailleurs. La pension sectorielle n’a pas sa place dans une philosophie du « mérite » mais elle doit s’inscrire, au contraire, dans une perspective de protection sociale basée sur l’égalité et la solidarité. C’est pourquoi l’orientation qui a été prise est de stimuler fiscalement les plans sectoriels - ou même d’entreprise - qui répondent à certaines conditions : application à tous les travailleurs, gestion ou surveillance paritaire, répartition des bénéfices proportionnellement aux réserves des affiliés, instauration obligatoire d’un volet « solidarité ». Le contenu de cette solidarité peut revêtir différentes formes : couverture des périodes non prestées (maladie, etc.), indemnités pour des risques spécifiques (décès, invalidité, etc.) ou encore garantie d’un financement supplémentaire dans l’hypothèse d’un nivellement par le bas du rendement d’un plan de type « cotisations définies ». Outre les avantages fiscaux, les « engagements sociaux de pension » permettent aussi de ne pas comptabiliser les dépenses dans la norme salariale.

La loi règle aussi de manière stricte ce qu’on appelle « l’opting out »21. Par exemple, il est interdit pour ce qui concerne le volet « solidarité » des engagements sociaux de pension.

Comme on l’a vu précédemment, un rendement minimum garanti est exigé sur les réserves accumulées dans le cadre des plans à « contributions définies ». Le rendement minimum était de 3,25% pour les contributions patronales et de 3,75% pour les éventuelles contributions du travailleur. Dans l’hypothèse où les rendements ne sont pas atteints par l’assureur, l’écart doit être couvert par l’employeur.

Avec la baisse des taux d’intérêt sur le marché obligataire, les garanties de rendement offertes par les assureurs aux employeurs se sont effondrées. Les employeurs ont donc fait pression sur les gouvernements pour qu’ils suppriment ou à tout le moins qu’ils rabaissent les taux de rendement garanti. Difficile d’imaginer qu’un gouvernement MR N-VA puisse rester sourd à de telles doléances. Même si les organisations syndicales ont obtenu quelques balises, depuis le 1er janvier 2016 le taux de la garantie est désormais identique pour les contributions patronales et personnelles et évolue d’année en année en fonction du rendement moyen de l’obligation linéaire de l’Etat (OLO) à 10 ans avec un minimum de 1,75% et un maximum de 3,75%. Les réserves acquises ne sont pas épargnées dans plus ou moins 25% des régimes de pension complémentaire.

3.7. Le Pacte de solidarité entre les générations (2005)

Depuis 1980, la lente dégradation des revenus de remplacement par rapport au bien-être général menaçait le principe fondateur de la sécurité sociale, à savoir prévenir l’insécurité d’existence et non la combattre. La légitimité même du système risquait d’être remise en cause.

Le Conseil des ministres d’Ostende des 20 et 21 mars 2004 sera d’une importance capitale car le PS y imposa un mécanisme biennal de liaison au bien-être des allocations sociales sous la forme de trois enveloppes budgétaires (salariés, indépendants, bénéficiaires des régimes d’assistance).

Etat de la Question 2018 • IEV 11
20 Loi du 18 décembre 2016 organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant des dispositions diverses en matière de finances. 21 Possibilité donnée à un employeur de renoncer en tout ou en partie à un régime normalement obligatoire pour lui (CCT sectorielle) et d’organiser lui-même l’engagement de pension.

Parallèlement, le PS imposa le principe d’un bonus de pension afin d’inciter les travailleurs à poursuivre leur carrière professionnelle au-delà de l’âge de 62 ans ou lorsqu’ils entament leur 44e année de carrière.

Les deux acquis ont été coulés dans la loi du 23 décembre 2005 relative au Pacte de solidarité entre les générations.

3.7.1. Le mécanisme biennal de liaison au bien-être

Ce mécanisme est constitué d’un double dispositif : d’une part, à partir d’une série de paramètres socioéconomiques, il définit une méthode de calcul qui permet de déterminer l’enveloppe disponible avec toutefois un montant « plancher »22 ; d’autre part, il instaure une procédure de négociations entre partenaires sociaux quant à la répartition de cette enveloppe budgétaire. La priorité est de cibler les adaptations là où le « déficit » est le plus préoccupant. Dans le secteur des pensions, il s’agit surtout des pensions les plus anciennes mais aussi d’affermir le principe d’assurance (augmentation des plafonds salariaux pour le calcul des pensions) et le principe de solidarité (pension minimum, droit minimum par année de carrière, etc.).

Sous le gouvernement Di Rupo (2012-2014), l’enveloppe bien-être consacrée aux revenus de remplacement (régimes des salariés et des indépendants) sera exceptionnellement amputée de 40% pour les années 2013 et 2014. Il n’empêche que pour désamorcer un processus de limitation structurelle, le PS a exigé la restauration intégrale de l’enveloppe biennale à partir de 2015. Mais les socialistes ont obtenu bien plus que ça car la loi du 15 mai 2014 portant exécution du pacte de compétitivité, d’emploi et de relance (la dernière loi importante de la législature sous le précédent gouvernement) instaure également un mécanisme d’adaptation automatique si les partenaires sociaux ne rendent pas un avis sur l’importance et la répartition des moyens financiers avant la date du 15 septembre de l’année au cours de laquelle le gouvernement doit prendre une décision. Cette date limite avait été fixée par le pacte de solidarité entre les générations et n’a jamais été respectée, le ban patronal prenant systématiquement cette manne financière comme une monnaie d’échange dans les négociations pour un accord interprofessionnel (dont le calendrier coïncide avec celui de l’adaptation au bien-être). Or, il n’y a aucun lien légal entre l’adaptation au bien-être et un accord interprofessionnel.

Estimant que l’éventuelle adaptation automatique au bien-être était une mesure « idéologique et anti-patronale » , le gouvernement MR N-VA s’est empressé de la supprimer23

3.7.2. Le bonus de pension

Le bonus de pension (secteur privé) avait été conçu comme une mesure temporaire par le Pacte des générations. Comme on l’a vu ci-dessus, il a pour but d’inciter le travailleur à poursuivre sa carrière professionnelle au-delà de l’âge de 62 ans ou lorsqu’il entame sa 44e année de carrière. Dans la fonction publique, il existait déjà un complément d’âge24 qui sera d’ailleurs aligné sur le bonus de pension.

Au départ, le bonus était d’un peu plus de 2 euros (montant indexé) par jour de travail effectif et, dans une certaine mesure, par jour assimilé. Pour les indépendants, il était de 156 euros par trimestre.

3.8. Le gouvernement Di Rupo (2012-2014)

3.8.1. La retraite anticipée

Tant dans le secteur privé que dans le secteur public, l’âge de la retraite anticipée passera progressivement à 62 ans (contre 60 ans) à l’horizon 2016 et la condition de carrière à 40 ans (contre 35 ans dans le secteur privé et 5 ans dans le secteur public25).

Le relèvement graduel de l’âge de la pension anticipée et l’allongement de la condition de carrière ont naturellement amené le gouvernement à réformer le bonus de pension. En effet, le maintien du système en cours n’avait plus de

22 L’enveloppe doit être au moins équivalente à la somme de l’estimation des dépenses suivantes : + 0,5% de toutes les allocations de remplacement (à l’exclusion des allocations forfaitaires) ; + 1% de toutes les allocations forfaitaire ; + 1,25% des plafonds salariaux (allocations de remplacement) ; + 1,25% du droit minimum par année de carrière.

23 Articles 185 à 187 de la loi-programme du 19 décembre 2014.

24 Le complément d’âge avait été introduit dès 2001. Pour chaque mois de service presté après l’âge de 60 ans, le complément correspondait à un pourcentage du taux annuel de la pension et variait en fonction de l’âge : 0,125% par mois entre 60 et 62 ans et 0,167% par mois après 62 ans. Soit un bonus qui pouvait atteindre 9% pour un statutaire qui reste en service jusqu’à 65 ans.

25 5 ans de services admissibles donnaient droit à la pension immédiate à l’âge de 60 ans.

Etat de la Question 2018 • IEV 12

sens puisque les travailleurs contraints de poursuivre leur carrière au-delà de 62 ans (parce que la condition de carrière n’est pas atteinte) auraient bénéficié du bonus. L’effet « incitant » allait donc disparaître.

Le bonus de pension sera modifié à partir de 201426. Il ne sera accordé qu’à l’issue des 12 mois qui suivent la date au cours de laquelle les conditions d’âge et de carrière pour la pension anticipée auront été atteintes. La limite d’âge (65 ans) sera supprimée et le montant évoluera chaque année en fonction de l’âge27

3.8.2. Le traitement de référence et la convergence des tantièmes dans le secteur public

Le traitement de référence pour le calcul de la pension des fonctionnaires âgés de moins de 50 ans se fait désormais sur 10 ans au lieu de 5 ans.

Les tantièmes plus favorables qu’1/48 sont alignés sur ce tantième avec maintien des droits acquis et dérogation pour les fonctionnaires âgés de moins de 55 ans. Cet alignement sur le tantième 1/48 (qui est celui du personnel roulant de la SNCB) a pour conséquence qu’il allonge les carrières si les personnes concernées veulent obtenir le maximum de pension (75% du traitement de référence).La réforme ne vise en aucune manière les enseignants (dans le maternel, primaire, secondaire, supérieur non universitaire), le personnel non roulant de la SNCB, les services actifs (facteurs, contrôleurs aériens, agents des services extérieurs de la sécurité de l’Etat, etc.), les membres du cadre de la police intégrée ou encore ceux d’un corps opérationnel de pompiers, etc.

Etant donné que les tantièmes plus avantageux que le tantième de base (1/60) avaient été introduits pour des raisons de pénibilité ou d’accession tardive à la nomination, un coefficient multiplicateur est appliqué sur la condition minimale de carrière pour l’obtention de la pension anticipée.

3.8.3. La réforme des pensions de survie

La réforme de 2014 a pour objectif de faire en sorte qu’en dessous d’un certain âge, les personnes concernées par le veuvage réintègrent le marché du travail ou se maintiennent à l’emploi et, par conséquent, qu’elles se constituent des droits propres à la pension de retraite.

C’est pourquoi il a été décidé que le critère d’âge se devait d’être plus réaliste par rapport au marché du travail :

l’âge est relevé progressivement jusqu’à l’âge limite de 50 ans28 (qui sera atteint en 2025) ; une allocation de transition de 12 ou de 24 mois est prévue pour celles et ceux qui ne peuvent accéder à la pension de survie29. Cette allocation est calculée comme la pension de survie et, le cas échéant, elle ouvre un droit à des allocations au chômage à l’expiration du délai.

3.9. Le gouvernement MR N-VA

Le MR et les droites flamandes ont fait des pensions leur principal outil d’assainissement budgétaire dans la sécurité sociale pour - à terme - uniformiser tous les régimes.

Les mesures prises nous permettent déjà de dresser un bilan – temporaire – de l’inventaire du désastre :

Relèvement de l’âge légal de la pension à 66 ans à partir du 1er janvier 2025 et à 67 ans à partir du 1er janvier 2030. Durcissement progressif de l’accès à la retraite anticipée : au 1er janvier 2019, le travailleur devra avoir soit 63 ans et 42 années de carrière, soit (pour les carrières longues) 61 ans et 43 années ou 60 ans et 44 années30

26 Loi-programme du 28 juin 2013.

27 De 1,50 euro par jour (entre 63 et 64 ans) à 2,50 euros (entre 68 et 69 ans). Les nouveaux critères - exigés par les libéraux pour réaliser des nouvelles économies (40 millions dès 2015) - préfiguraient la suppression du bonus en cas de changement de majorité. Ce qui sera le cas avec le gouvernement MR N-VA.

28 Le gouvernement MR N-VA a relevé la condition d’âge à 55 ans (voir point 2.9.).

29 La pension de survie (pour celles et ceux qui n’y ont pas droit au moment du décès de leur conjoint) subsiste à la prise de la pension de retraite individuelle.

30 Loi du 10 août 2015 visant à relever l’âge légal de la pension de retraite, les conditions d’accès à la pension de retraite anticipée et l’âge minimum de la pension de survie.

Etat de la Question 2018 • IEV 13

• Suppression du bonus de pension31.

• Réduction en deux temps de l’enveloppe bien-être32

• Relèvement de l’âge d’accès à la pension de survie (55 ans) et sanction si la demande d’une allocation de transition est introduite au-delà des 12 mois qui suivent le décès du conjoint33

• Suppression de la bonification pour diplôme dans la fonction publique et remplacement par un système de rachat onéreux (y compris pour les salariés et les indépendants), sans que cela ne soit comptabilisé pour la durée de carrière34.

• Suppression des 45 années les plus favorables pour le calcul de la pension des salariés qui sont au chômage ou à la prépension en fin de carrière35

• Restriction des périodes assimilées en matière de chômage (seconde période)36

• Introduction de la pension mixte dans la fonction publique37

• Réforme du Fonds solidarisé des pensions des agents des administrations des pouvoirs locaux, ce qui pénalisera fortement les communes en difficultés qui ne pourront pas instaurer un second pilier pour leurs agents contractuels38

• Diminution du rendement minimum garanti des engagements de pension de type « contributions définies » dans le cadre du second pilier (garantie de rendement variable avec un minimum et un maximum)39

Il faut ajouter à cette liste, des mesures de portée générale comme la suppression du Fonds de vieillissement, le saut d’index, l’austérité salariale (réforme de la loi sur la compétitivité) ou encore la diminution du salaire brut des jeunes « sans expérience professionnelle suffisante ».

Mais le chantier des réformes est loin d’être terminé ! L’objectif est d’instaurer à terme la pension « à points » dont l’objectif est de dissoudre les trois régimes légaux dans un système « harmonisé »

Outre ce qui a été mentionné ci-avant, cinq projets préparent encore ce « passage » :

1° les critères de pénibilité40 et la liste de métiers pénibles pour chaque régime (donc y compris pour les indépendants). On diviserait les années de carrière requises pour l’accès à la pension anticipée par un coefficient. Il y en aurait trois41. Il est entendu que l’âge ne pourra jamais être inférieur à 60 ans ;

2° le démantèlement des tantièmes préférentiels dans la fonction publique (conséquence mécanique du régime « pénibilité ») ;

31 Loi-programme du 19 décembre 2014 (pour le bonus de pension des salariés et des indépendants) et loi du 28 avril 2015 portant des dispositions concernant les pensions du secteur public (pour le complément d’âge des agents de la fonction publique).

32 Suppression de la part des allocations familiales dans le calcul de l’enveloppe (ce qui est d’ailleurs contraire à la 6ième réforme de l’Etat) puis réduction linéaire (pour 2017-2018). Rappelons que les allocations familiales ne sont pas des revenus de remplacement mais des revenus de complément. Elles ne bénéficient donc pas du bien-être mais elles participent au calcul de l’enveloppe (allocations forfaitaires). Le cumul des économies fait désormais pencher le total de l’enveloppe vers les … 57% de ce qu’elle devrait être.

33 Loi du 10 août 2015, op.cit.

34 Loi du 28 avril 2015 portant des dispositions concernant les pensions du secteur public et loi du 2 octobre 2017 relative à l’harmonisation de la prise en compte des périodes d’études pour le calcul de la pension.

35 Loi du 5 décembre 2017 modifiant diverses dispositions relatives aux régimes de pension des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants, en ce qui concerne le principe de l’unité de carrière.

36 Arrêté royal du 19 décembre 2017 modifiant l’article 24bis et l’article 34 de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de retraite et de survie des travailleurs salariés.

37 Loi du 30 mars 2018 relative à la non prise en considération de services en tant que personnel non nommé à titre définitif dans une pension du secteur public, modifiant la responsabilisation individuelle des administrations provinciales et locales au sein du Fonds de pension solidarisé, adaptant la réglementation des pensions complémentaires, modifiant les modalités de financement du Fonds de pension solidarisé des administrations provinciales et locales et portant un financement supplémentaire au Fonds de pension solidarisé des administrations provinciales et locales.

38 Loi du 30 mars 2018, op.cit.

39 Loi du 18 décembre 2015 visant à garantir la pérennité et le caractère social des pensions complémentaires et visant à renforcer le caractère complémentaire par rapport aux pensions de retraite.

40 Charge physique, organisation du travail, risques de sécurité, charge mentale ou émotionnelle.

41 Dans le projet du Ministre, le coefficient serait de 1,05 pour un seul critère de pénibilité, 1,10 pour deux critères et 1,15 pour plus de deux critères. Le seul critère de la charge mentale ou émotionnelle ne suffit pas. Il doit être combiné avec un autre critère.

Etat de la Question 2018 • IEV 14

3° le calcul du traitement de référence des fonctionnaires qui doit être aligné sur celui des salaires du privé ;

4° la suppression de la pension pour inaptitude physique dans la fonction publique (renvoi à l’INAMI) ;

5° les critères pour accéder à une pension minimum (où il ne serait plus question de prendre en compte les périodes assimilées).

Il est également prévu de réduire progressivement la cotisation de solidarité à partir du 1er janvier 201942

Tous ces projets du gouvernement MR N-VA sont aujourd’hui au point mort en raison des échecs successifs de la concertation sociale.

4. Les défis

4.1. Le défi démographique

Le vieillissement démographique trouve son origine première dans le déclin de la natalité qui est la conséquence directe du recul de la mortalité infantile. A partir de la seconde moitié du XXe siècle, un second facteur vient renforcer le vieillissement. C’est le début des progrès médicaux qui vont augmenter de manière constante l’espérance de vie à la naissance et l’espérance de vie à partir de 65 ans.

Selon Eurostat, l’espérance de vie (à la naissance) est de 79 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes en 2016. Quant à l’espérance de vie en bonne santé, elle régresse par rapport à 2015 : 63,7 ans pour les hommes (contre 64,4) et 63,8 ans (contre 64) pour les femmes.

La prolongation de la vie jusqu’à des âges de plus en plus avancés est une richesse de notre société mais elle doit évidemment nous interpeller sur la pertinence du relèvement de l’âge de la pension (voir point 4.3.1) et sur la problématique du facteur travail dans des économies de plus en plus capitalistiques. En effet, l’évolution démographique n’explique pas tout. Dans le système de répartition qui est le nôtre, les conditions socioéconomiques de la charge des pensions des générations du baby-boom par les générations qui leur succèdent ont tendance à se dégrader : destruction d’emplois (numérisation de certaines activités économiques), réductions massives (et non contrôlées) de cotisations sociales, stagnation des salaires, précarité croissante des contrats de travail, défi des « métiers en pénurie », explosion des maladies de longue durée, etc.

Le rapport des générations évolue dans le sens d’une aggravation des coefficients de dépendance.

Que doit-on entendre par « coefficients de dépendance » ?

On en distingue trois. Tout d’abord, le coefficient démographique qui est le rapport entre la population âgée de 67 ans et plus et la population âgée de 18 à 66 ans (actifs réels et actifs potentiels). Ensuite, le coefficient socioéconomique qui est le rapport entre cette même population âgée (les bénéficiaires d’une pension) et la population réellement au travail. Il va de soi que c’est ce dernier coefficient qui est déterminant parce qu’il permet de mesurer les capacités de financement des pensions par le facteur travail, soit le coefficient financier (rapport entre le coût des pensions et la masse salariale).

Les rapports annuels du Comité d’étude sur le vieillissement (CEV) nous donnent des perspectives sur l’évolution démographique et le coût du vieillissement mais il importe de rester prudent car les hypothèses de l’évolution de la croissance économique (emploi, gains de productivité) et de la réduction attendue de certaines dépenses de sécurité sociale nous permettent d’encadrer les projections du CEV d’une marge d’erreur plus ou moins importante.

Dans son rapport 201743, le CEV indique que le coefficient de dépendance démographique devrait augmenter d’un peu moins de 55% et le coefficient socio-économique de près de 25% entre 2016 et 2060.

42 Note de politique générale (pour l’année 2017) du Ministre des Pensions (Doc. 54. 2111/016, p. 16). La cotisation de solidarité rapporte encore environ 85 millions d’euros.

43 Rapport annuel (juillet 2017). https://www.conseilsuperieurdesfinances.be/fr

Etat de la Question 2018 • IEV 15

Pour 2016-2040 (période au cours de laquelle le coefficient de dépendance des âgés s’accroît particulièrement), le coût budgétaire du « vieillissement » (dans ses différentes composantes) devrait s’alourdir de 3,2 points de pourcentage du PIB. Ce chiffre tient compte du rôle « d’amortisseur » que jouent les mesures prises en matière de pension, la rigueur/austérité (supposée constante) des dépenses en soins de santé et les économies attendues dans d’autres secteurs de la sécurité sociale (comme le chômage). Concernant l’ensemble de la période de projection 2016-2060, le coût budgétaire du vieillissement devrait s’élever à 2,3 points de pourcentage du PIB (- 0,9 point pour 2040-2060).

4.2. Le financement de la sécurité sociale

4.2.1. Considérations générales

Il est impossible d’envisager la problématique de la viabilité de nos régimes légaux de pension en la dissociant de son financement.

Dans tout le débat sur le financement par répartition ou par capitalisation, on oublie trop souvent que la question n’est pas seulement d’ordre technico-financier mais qu’il s’agit avant tout d’un choix de société. Un financement par répartition permet d’organiser une redistribution verticale descendante et, parce que le rapport au travail est au cœur même de ce système, il permet des revendications et des arbitrages sociaux, la pension étant un salaire « différé » mais aussi « solidarisé » afin d’atténuer les inégalités socio-économiques. Par contre, un financement par capitalisation (contributions définies) octroie en principe des rentes proportionnelles aux versements de chacun mais le risque repose sur les affiliés. Il n’y a pas de solidarité intergénérationnelle puisque chaque génération supporte sa propre charge de pensions.

Si les fluctuations des marchés financiers n’ont aucun impact sur un régime de répartition, il en va autrement du « risque démographique ».

Des réformes se sont imposées dans bon nombre de pays européens. Ce sont évidemment des choix politiques qui guident toute réforme. Si les choix techniques ne viennent qu’en « appui », il est toutefois primordial de veiller à ce qu’ils ne contredisent pas les orientations prises en amont.

Une vision socialiste implique l’acceptation explicite qu’un financement par répartition est le seul modèle crédible pour préserver la cohésion sociale parce qu’il est basé sur la solidarité. La solidarité est intergénérationnelle puisque les cotisations sont prélevées sur les salaires et qu’elles financent les pensions en cours. La solidarité est intragénérationnelle car les cotisations sont déplafonnées et qu’elles donneront droit à des prestations qui, elles, sont plafonnées. Elle s’exprime aussi par d’autres formes de redistribution comme, par exemple, le transfert des hommes vers les femmes, celui des isolés vers les ménages (puisque le taux de calcul de la pension est différent), l’assurance d’un minimum vital à chaque retraité (pension minimum, droit minimum par année de carrière, GRAPA) ou encore le financement des accidents de la vie par nature peu ou pas « assurables » (valorisation de périodes d’inactivité sans que l’affilié n’ait dû s’acquitter d’une cotisation).

Il ne faut toutefois pas que la solidarité soit conflictuelle avec l’équité. Ces deux valeurs sont différentes : la première obéit à des mécanismes collectifs de répartition tandis que la seconde consiste à tenir compte de manière proportionnée des différences de situations. Evitons tout d’abord l’écueil des différences de traitement entre les régimes eux-mêmes (salariés, indépendants, fonctionnaires). Les disparités existantes entre les différents « statuts » s’expliquent pour des raisons historiques et ne sauraient se résoudre par une confrontation et donc par une harmonisation « par le bas » comme le fait l’actuel gouvernement MR N-VA. Par contre, dans le régime des salariés, on évoque souvent le plafond salarial qui serait inéquitable par rapport aux cotisations versées. Certes, la solidarité implique un choix et ce choix ne peut pas faire l’impasse sur la capacité contributive de chacun, sur les inégalités socio-économiques ou encore sur les risques de pauvreté. Mais les règles de plafonnement ne peuvent aboutir à une distorsion trop forte entre les contributions et les prestations. On glisserait alors insensiblement vers des prestations « uniformes » avec le risque d’une remise en cause de la légitimité du système.

Une autre valeur qui doit guider toute réforme est bien entendu sa pérennité ou sa « soutenabilité ». Si un financement est conçu comme une solution pour « sauver » les pensions en cours en reportant les problèmes de gouvernem

ent en gouvernement, une telle attitude politique serait irresponsable.

Etat de la Question 2018 • IEV 16

4.2.2. Le financement

La crédibilité à long terme d’un financement par répartition doit se mesurer en premier lieu par le relèvement du taux d’emploi (des aînés, des jeunes, etc.) mais il importe de préciser aussi qu’une augmentation quantitative n’a aucun sens si elle ne s’accompagne pas d’une politique qualitative qui vise la durabilité : aménagements des fins de carrière, temps de travail et conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, contrats stables et salaires décents, prévention des maladies d’origine professionnelle, formation de qualité, etc.

En parallèle du relèvement du taux d’emploi, il faut s’interroger sur le manque à gagner pour la sécurité sociale des réductions de charges sociales pour asseoir la compétitivité des entreprises. Ces réductions sont massives, singulièrement sous le gouvernement MR N-VA, et s’accompagnent de deux autres phénomènes : le développement d’un nombre impressionnant d’avantages44 qui échappent en tout ou en partie aux cotisations sociales et qui n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul des revenus de remplacement (l’exemple type est celui des voitures de société ou celui des bonus salariaux) et l’imputation sur les deniers de l’assurance d’un certain nombre de dépenses qui ne sont pas spécifiques à la sécurité sociale45

Les conséquences socio-économiques de la crise financière et bancaire de 2008 ont conduit les gouvernements à assurer les comptes de la sécurité sociale par une dotation annuelle d’équilibre. Cette dotation vient en appui du financement « classique » (cotisations sociales, financement alternatif, subvention de l’Etat hors effet conjoncturel).

Il n’est pas une surprise que ce type d’intervention ait été immédiatement remis en cause par le gouvernement MR N-VA. La loi de 201746 maintient le principe de la dotation mais soumet son application à des « facteurs de responsabilisation » dont le fil conducteur est la contribution de la sécurité sociale au Pacte de stabilité. D’autre part, la « neutralisation » du tax shift par le financement alternatif n’est pas garantie, le gouvernement pariant surtout sur les « effets retours ». Or, ces derniers se traduisent en grande partie par une augmentation des emplois précaires (ce qui rend aléatoire la croissance du volume des cotisations). Enfin, la subvention de l’Etat est affectée d’un coefficient annuel de vieillissement (ce qui est positif en soi) mais celui-ci est assorti d’une augmentation de l’âge effectif moyen de départ à la retraite et d’une condition de croissance réelle du PIB d’au moins 1,5%. En résumé, les dépenses liées au vieillissement glissent dans la sphère marchande.

4.3. Le défi sociétal

Le vieillissement collectif implique des changements majeurs dans la société civile depuis la force de travail jusqu’à la transmission patrimoniale en passant par la prise en charge de la dépendance et, comme on l’a vu, par la question du financement des retraites. Mais le phénomène n’est pas réductible à une collecte de « statistiques » dont s’emparent d’ailleurs certains pour qui le vieillissement ne serait qu’une charge budgétaire intenable à terme.

Les profils du retraité d’aujourd’hui et de demain seront très différents. Les retraités d’aujourd’hui ont connu les golden sixties, l’emploi rapide, des prépensions attractives (parfois à l’âge de 50 ans), le crédit à des taux avantageux, la transmission quasi-intacte du patrimoine familial et une capacité d’épargne stimulée par des taux appréciables. Les pensionnés de demain, eux, auront connu les crises économiques et les plans d’austérité, les difficultés d’embauche, la précarité de l’emploi, la stagnation des salaires, des emprunts de plus en plus difficiles et une transmission successorale de moins en moins évidente

Le rôle « d’amortisseur social » que peuvent jouer les aînés vis-à-vis de leurs cadets s’affaiblit au fil du temps. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Au-delà de l’effritement des patrimoines (effet mécanique des « générations successives »), la prolongation de l’espérance de vie s’accompagne aussi de besoins nouveaux en termes de mode de consommation et de participation à la vie en société. Il s’agit d’un phénomène dynamique et positif, ce qui implique l’obligation de respecter et d’encourager non seulement le « vieillissement actif » (loisirs, transmission de savoir, travail pour la collectivité, etc.) mais aussi les choix personnels des personnes âgées quant à leur milieu de vie (domicile, logement adapté, maison de repos, etc.).

Dans ce contexte, la pension légale va occuper une place de plus en plus importante dans les moyens d’existence du futur pensionné. Or, en s’attelant de manière systématique à réduire les droits à la pension, le gouvernement

44 Avantages de toute nature (avantages extra-légaux, c’est-à-dire qui complètent la rémunération). A ne pas confondre avec l’avantage en nature.

45 Voir à ce propos Quel avenir pour le financement des pensions ? Michel Jadot, Etat de la question, novembre 2013.

46 Loi du 18 avril 2017 portant réforme du financement de la sécurité sociale. Voir aussi la carte blanche Danger sur notre modèle de sécurité sociale, publiée dans le journal Le Soir du 2 janvier 2017 et signée par tous les syndicats, plusieurs mutuelles et mouvements associatifs.

Etat de la Question 2018 • IEV 17

MR N-VA prend le risque d’une désaffection croissante pour nos régimes légaux qui n’assureraient plus des moyens de subsistance suffisants. Pire, la politique menée risque d’opposer les générations entre elles ou plus précisément de générer des populations qui vivent en « vase clos », les unes refusant désormais de participer à la solidarité, les autres s’accrochant à leurs « droits acquis »

Culturellement, nous devons relever un paradoxe. La société favorise la ségrégation des âges parce que la « vieillesse » nous rappelle le caractère inéluctable de la condition humaine, ce que l’on voudrait à tout prix « oublier ». Il existe deux symptômes de cette peur refoulée : d’une part, une certaine mythification de la jeunesse (le « jeunisme ») et, d’autre part, l’image d’un certain vieillissement qui est celle de la personne relativement aisée, en bonne santé, active et en quelque sorte « éternelle ». Cette image nous fait oublier que les personnes âgées ne forment absolument pas un groupe homogène. Les disparités sont dues à des différences de moyens financiers et matériels, certes, mais elles dépendent aussi de l’image de soi. Il est significatif que les personnes pour qui « bien vieillir » constitue une réalité tangible sont celles aussi qui estiment avoir eu une « vie réussie » dans ses multiples dimensions. Or, on ne peut dissocier la réussite personnelle et familiale des conditions socioéconomiques antérieures à la « prise d’âge ».

5. Quelle réforme pour la Belgique ?

5.1. Le déplacement d’une logique bismarckienne vers une logique de Beveridge

Les Pays-Bas sont incontestablement l’exemple d’une telle transition.

Le premier pilier de répartition (l’AOW) y est organisé sur base d’une pension uniforme qui est indépendante des rémunérations (et donc des cotisations obligatoires). La pension est calculée au prorata de la carrière et s’exprime en pourcentage d’un salaire minimum fixé par la loi. Elle est aussi « universelle » dans le sens où une durée minimum d’affiliation n’est pas requise.

Le centre de gravité des retraites a été déplacé vers le second pilier qui joue ainsi un rôle d’amortisseur du risque démographique. Le second pilier couvre plus de 90% de la population. Les fonds de pension aux Pays-Bas sont le moteur de ce second pilier et leur particularité est généralement d’engager des plans en prestations définies. En cumulant avec la pension de base, les taux de remplacement sont appréciables. Les réserves des fonds de pension constituent une part importante du PIB.

Le modèle hollandais présente deux dangers. Le premier est celui du degré de solidarité (premier pilier) qui est fortement tributaire du niveau de la pension de base. Le second est bien sûr l’exposition aux marchés financiers et l’inflation (second pilier).

5.2. Les deux modèles de répartition avec contributions définies

5.2.1. Le modèle suédois des comptes notionnels

Une technique de répartition avec contributions définies existe en Suède depuis la fin des années 90.

Il s’agit des « comptes notionnels » qui sont complétés par un premier pilier bis en capitalisation pure et obligatoire. Le système « notionnel » est complexe mais il allie deux concepts forts dans une logique très « bismarckienne » : la solidarité des actifs vis-à-vis des pensionnés et l’équité via un taux de remplacement qui essaye de refléter au mieux l’effort contributif de chacun.

La capitalisation des versements est virtuelle mais exprimée en unités monétaires. Elle est utilisée pour payer les pensions en cours. Son rendement n’est pas financier mais macro-économique (évolution des salaires, du PNB, etc.). En retour, le taux de remplacement n’est pas vraiment explicite dans la mesure où il faut tenir compte des financements de solidarité. En outre, si les ressources de l’assurance ne permettent pas d’honorer les montants de retraite, des mécanismes sont mis en œuvre tant en agissant sur le capital notionnel (augmentation des cotisations, par exemple) que par l’intermédiaire de fonds d’équilibre (les caisses de retraite en Suède possédaient d’importantes réserves avant que le système ne passe aux comptes notionnels).

Etat de la Question 2018 • IEV 18

Il faut surtout relever que la situation de la Suède est tout à fait particulière : le taux de fécondité est relativement élevé par rapport au reste de l’Europe, elle n’a pas connu d’important « baby-boom » et le taux d’emploi des seniors (55-64 ans) est important.

5.2.2. Le système à points

C’est le projet « phare » du gouvernement MR N-VA. Comme le Ministre Bacquelaine l’affirme lui-même, toutes les mesures qui ont déjà été prises préparent le passage (lors de la prochaine législature) à ce qui est présenté comme un « nouveau contrat social ».

Le projet de réforme « pension à points » s’inspire de la France et de l’Allemagne, deux pays où l’architecture des régimes de répartition est globalement similaire mis à part que le système français se caractérise par sa grande complexité : régimes de base (qui fonctionnent en prestations définies), régimes complémentaires obligatoires par points (sorte de premier pilier bis) qui se caractérisent par des taux « d’appel » de cotisations pour assurer l’équilibre de la répartition.

Très schématiquement, le système à points souhaité par le gouvernement MR N-VA se résume comme suit :

pour chaque année de travail, le travailleur accumule des points sur base du « salaire moyen » en vigueur dans le régime de pension auquel il appartient. Il capitalise donc des points qui ne sont pas exprimés en valeurs monétaires (contrairement au modèle suédois) ;

en fin de carrière, on additionne les points et on convertit le total en euros en fonction aussi du salaire moyen en cours.

Le système est a priori intéressant car il reflète mieux les salaires réels au moment de la prise de pension (et pas uniquement l’inflation). On s’orienterait donc vers un taux de remplacement plus favorable.

Sauf que :

1° la valeur du point n’est connue au mieux qu’en fin de carrière, ce qui supprime toute prévisibilité du montant de la pension ;

2° l’incertitude est totale concernant le « point acquis » lors d’une période d’arrêt de travail (maladie, chômage, etc.) ;

3° des corrections « actuarielles » sont prévues, corrections dont les experts confisquent parfois le débat (recul des tables de mortalité, durée de la carrière en fonction d’une durée dite « de référence », taux d’emploi, croissance, dette publique, etc.). Certes, la valeur du point ne pourra pas baisser (nous dit-on) mais elle pourra bel et bien être gelée pendant des années. La valeur du point est donc une variable d’ajustement pour assurer l’équilibre du régime. Le système à points s’inscrit parfaitement dans la logique des facteurs de « responsabilisation » du financement de la sécurité sociale.

Par conséquent, le système à points remet en cause un élément essentiel de la pension légale dans notre pays, celui de la prestation définie.

Une nouvelle formule de « répartition » apparaît. Il ne s’agit plus seulement de répartir la population en deux groupes (l’un qui contribue, l’autre qui bénéficie) mais de partager le coût du vieillissement entre les actifs et les pensionnés eux-mêmes. La manipulation du concept de « solidarité intergénérationnelle » est dès lors évidente. Cette solidarité est présentée comme « à sens unique » (elle n’existerait qu’au moment de la prise de pension).

C’est oublier un peu vite que la solidarité intergénérationnelle s’exprime tout au long de la vie soit de manière informelle (soutien des parents vis-à-vis de leurs enfants) soit - et surtout - de manière formelle via l’impôt et les cotisations qui permettent scolarité, allocations familiales, bourses d’étude, allocations d’insertion, aides à l’emploi, etc.

Etat de la Question 2018 • IEV 19

5.3. Les réformes paramétriques

Les réformes paramétriques visent à remédier au déséquilibre entre prestations et cotisations.

Elles supposent en principe le maintien des grands principes qui sous-tendent le régime En principe car le gouvernement actuel procède par « ajustements » successifs pour aboutir à terme à une réforme structurelle (la répartition par points).

Nous abordons ci-dessous trois exemples de ces mesures paramétriques.

5.3.1. Relèvement de l’âge de la pension

Le durcissement des conditions d’accès à la pension anticipée et l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans ont été justifiés par les coefficients de dépendance et par l’augmentation de l’espérance de vie (qui n’affecterait pas la durée de la retraite puisque « l’on vit plus longtemps »).

Le raisonnement est d’une simplicité déroutante. On ne répètera jamais assez que ce n’est pas l’espérance de vie qui est le facteur principal à prendre en compte mais bien l’espérance de vie en bonne santé dont l’âge - on l’a vu - est en-dessous de l’âge de 65 ans. Ignorer ce facteur, c’est tout simplement affirmer que « travailler quelques années en plus ce n’est vraiment pas bien grave, même si la santé ne suit plus ». Faut-il rappeler que l’espérance de vie en bonne santé doit être fortement nuancée en fonction du type d’activité professionnelle ? Faut-il rappeler aussi que « la santé » d’un travailleur est une question globale qui ne dépend pas uniquement des conditions de travail, même si celles-ci influent dans un sens négatif ou même positif moyennant une gestion responsable des ressources humaines et des dispositifs qui permettent au travailleur de ralentir en fin de carrière ? Quand on parle de « la santé » on peut difficilement faire l’impasse sur les inégalités tant biologiques qu’environnementales et sociales.

Dès lors, procéder par « listes » de métiers pénibles est une technique peut-être nécessaire mais qui a ses limites. N’oublions pas non plus que le « métier » et la « fonction » ne se confondent pas nécessairement.

La question est de savoir si ce n’est pas une réponse générale qui s’impose. Chacun devrait avoir le droit d’anticiper sa retraite en fonction de sa situation de vie tout en ne perdant pas de vue que les conditions de travail doivent aussi être pris en compte dans le cadre d’une politique à la fois préventive et curative. Les enquêtes d’opinion démontrent que les travailleurs ne sont pas hostiles à travailler plus longtemps mais en échange d’une moindre intensité de travail47. Or, force est de constater que le gouvernement MR N-VA s’attèle à cadenasser tous les dispositifs « fin de carrière » : le crédit-temps spécifique des aînés a été drastiquement raboté48, les prépensions deviennent quasi inaccessibles et les retraites anticipées pour « pénibilité » s’enlisent dans des négociations interminables et conflictuelles. Dans un tel contexte, quoi de plus étonnant que la mécanique des « vases communicants » de notre sécurité sociale (transfert des dépenses vers l’incapacité de travail) fonctionne à plein régime ? Même sous cet aspect, la politique du gouvernement actuel consiste à soupçonner l’assurance maladie-invalidité de servir de « marchepied commode » pour le retrait anticipé du marché du travail.

Le rétablissement de « la pension anticipée à 60 ans et de la pension légale à 65 ans », tel qu’il est proposé par le Parti Socialiste,49 ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux obstacles qui empêchent actuellement les travailleurs de poursuivre leur carrière après avoir atteint l’âge de la pension. Si le contrat de travail ne prend pas fin par le simple fait que le travailleur a atteint l’âge de la retraite (est nulle une clause qui irait en ce sens50), l’affirmation selon laquelle « personne n’est obligé d’arrêter son travail » est largement théorique (sauf bien sûr pour les indépendants). Dans la fonction publique, la limite d’âge est imposée sauf exceptions. Dans le secteur privé, rares sont les employeurs qui acceptent de maintenir l’emploi au-delà de l’âge dit « normal ». Par le biais d’un licenciement avec préavis réduit, la facilité avec laquelle les employeurs se débarrassent de ceux qui ne souhaitent pas prendre leur pension pose toute la question (complexe) de la discrimination basée sur l’âge. L’argument selon lequel la flexibilité offerte à l’employeur (« pour l’emploi ») « s’équilibrerait » avec l’âge auquel le travailleur est en droit d’obtenir sa pension nous semble contestable.

47 Bien que la dernière enquête parue dans Le Soir du 12 juin 2018 nous enseigne que l’âge idéal de la retraite pour les Belges est en moyenne de 62,3 ans.

48 Passage à 60 ans pour avoir droit à la diminution de carrière d’1/5 ou à la réduction des prestations d’1/2. Des dérogations « pénibilité » sont possibles mais les accords interprofessionnels sont chaque fois mis sous pression par le gouvernement (exemple : interdiction de prévoir une clause de tacite reconduction).

49 170 engagements pour un futur idéal (proposition 150).

50 En compensation, lorsque l’âge de la pension légale va être atteint le délai de préavis en cas de licenciement est de 26 semaines maximum.

Etat de la Question 2018 • IEV 20

5.3.2. Ajustement des prestations aux cotisations

De nombreuses possibilités existent. Elles sont toutes inacceptables.

La mesure la plus radicale ou la plus idéologique est de s’en prendre aux périodes assimilées afin de réduire les montants de pension. Pour ce faire, il existe différentes techniques (qui peuvent parfois se combiner) : la limitation dans le temps, l’assimilation sur base d’un droit minimum, le « découplage » du plafond salarial, la différenciation sur base de critères d’âge et/ou de carrière, ...

Les périodes assimilées constituent le principal mécanisme de solidarité de notre premier pilier de pension. Elles représentent un poids très important dans la carrière (surtout des travailleuses). Selon le Bureau fédéral du plan51, 30% des journées ouvrant un droit à la pension dans le régime des salariés sont des journées assimilées pour les hommes et 37% le sont pour les femmes. Dans le régime des indépendants, les taux sont respectivement de 3 et de 5%. Dans la fonction publique, environ 10% sont des droits assimilés (« services admissibles »). Pour les salariés, ce sont évidemment les périodes de chômage et de prépension qui sont les plus importantes : 24,12% et 22,75% pour les hommes, 41,55% (!) et 6,98% pour les femmes. Les pourcentages de journées assimilées pour cause d’incapacité de travail chez les indépendants (47% pour les hommes et 86% pour les femmes) ne doivent pas nous étonner puisque leur régime n’ouvre pas de droit aux allocations de chômage.

Malheureusement, une tendance qui se manifeste depuis des années est le rabotage constant des périodes assimilées. Avec le gouvernement MR N-VA, Il s’accélère dangereusement : la seconde période de chômage (mesure la plus grave), la suppression des 45 années les plus favorables pour les chômeurs et les prépensionnés, le « crédit-temps » non motivé (effet mécanique de la suppression de l’allocation ONEM), etc. Il faut ajouter la menace sous-jacente qui pèse sur les malades de longue durée en fonction de leurs efforts de réintégration professionnelle.

Pour ajuster les dépenses aux recettes, d’autres options imbuvables sont possibles. Ainsi, par exemple, le remplacement de la rémunération de chaque année par la rémunération moyenne de la carrière, l’individualisation des droits « vers le bas » (alignement des couples mariés sur les isolés et les cohabitants, soit 60%), l’austérité salariale et les sauts d’index, etc.

5.3.3. Ajustement des cotisations aux prestations

Le maintien des prestations par un relèvement des taux de cotisations sur le facteur travail est une option difficilement imaginable.

S’agissant d’une augmentation des cotisations personnelles de sécurité sociale, les travailleurs ne l’accepteraient pas si cette augmentation n’est pas neutralisée au niveau du pouvoir d’achat et si elle n’est pas accompagnée de mesures significatives et lisibles de revalorisation des pensions. Et encore, toute mesure positive n’est pas une garantie pour le futur ! Cibler une « progressivité » à partir d’un seuil de revenus professionnels serait plus acceptable mais ce serait au prix d’un nouvel affaiblissement du principe d’assurance.

S’agissant des cotisations patronales, la solution ne doit pas venir d’une augmentation linéaire. La problématique doit être abordée sous l’angle de la pertinence de l’outil que constituent les réductions de cotisations, c’est-à-dire dans le cadre du financement alternatif (voir ci-dessous).

5.3.4. Modification des sources de financement

Certains dénoncent l’utopie de la technique des financements « alternatifs » soit par le biais de l’impôt (subvention de l’Etat), soit en élargissant l’assiette des prélèvements à d’autres revenus que les salaires (cotisation sociale généralisée, par exemple). Curieusement, ce mode de pensée affirme que cette technique n’est nullement « adaptée » au défi du financement qui s’annonce.

Pour quelles raisons ?

Mystère… Quand on sait que le PIB devrait augmenter de plusieurs centaines de milliards d’euros d’ici 2060 !

Etat de la Question 2018 • IEV 21
51 Importance et composition des périodes assimilées dans les trois régimes de pensions, Bureau fédéral du Plan, mai 2016.

Sauf que le discours ambiant distille dans l’opinion publique l’idée que les pensions ne seront plus payables sans des réformes de grande ampleur. L’inquiétude sur l’avenir de nos pensions devient un « phénomène de société », y compris chez les jeunes.

Nous devons toutefois garder à l’esprit qu’un écart trop grand entre les salaires et les moyens de financement nous éloignerait de la logique « bismarckienne » avec le risque de déforcer les partenaires sociaux et de « légitimer » en quelque sorte des atteintes à la proportionnalité des prestations (principe d’assurance). Les 170 engagements pour un futur idéal portés par le Parti Socialiste sont sans ambiguïté sur l’équilibre à respecter52. Ils rappellent aussi que la politique d’austérité salariale doit cesser.

Comme Michel Jadot l’affirme53, la priorité doit être avant tout d’effectuer un « nettoyage de tous les avantages qui échappent injustement à la notion de salaire ». Leur multiplication « représente au final des montants considérables »54. Actuellement, certains de ces avantages extra-légaux font l’objet de cotisations spécifiques (cotisation spéciale, cotisation de solidarité55) mais celles-ci ne donnent aucun droit supplémentaire en matière de sécurité sociale56

Ensuite, le concept de « financement alternatif » et celui de « financement complémentaire » de notre sécurité sociale doivent être distingués. Le premier a pour but de compenser les réductions de cotisations sociales, le second étant lié aux contraintes démographiques et à des politiques de revalorisation des prestations pour couvrir les besoins.

Le financement alternatif doit être conçu par rapport au coût net pour la sécurité sociale des réductions de charges, c’est-à-dire lorsque celles-ci servent (comme la réduction collective du temps de travail ou les réductions ciblées) ou ne servent pas ou pas entièrement l’emploi (comme les réductions structurelles). Dans un tel exercice (qui est loin d’être simple), il est impératif d’apprécier « l’emploi créé » en fonction de son coût mais aussi de sa qualité. Il est inacceptable - comme c’est le cas avec le gouvernement actuel - que le taux d’emploi augmente au prix d’une explosion de la précarité dans les contrats de travail.

La suppression des fausses mesures « pour l’emploi » augmente évidemment les cotisations patronales de sécurité sociale57. On pourrait même affecter l’augmentation des cotisations d’un coefficient de « responsabilisation » par rapport au coût que la sécurité sociale a supporté pour des « effets retours » qui ne s’avèrent pas exacts ni sur le plan quantitatif ni sur le plan qualitatif.

Des sources « externes » doivent être identifiées et redistribuées pour assurer le financement de la sécurité sociale. Les 170 engagements du PS tracent des pistes pour une fiscalité juste et soucieuse de la diminution préoccupante de la part des salaires dans la richesse totale produite58 : cotisation sociale sur la technologie (destructrice d’emplois), globalisation des revenus et meilleure progressivité de l’impôt des personnes physiques, révision de l’impôt des sociétés, taxe sur les grands patrimoines, etc. Quoiqu’il en soit, il est hors de question d’impacter à nouveau le pouvoir d’achat de la population via une augmentation de la TVA.

Une idée souvent avancée est celle de la suppression (ou de la diminution) de l’avantage fiscal immédiat du troisième pilier. Le produit de l’opération serait alors affecté à la consolidation des régimes légaux. Encore une fois, une telle position est délicate car elle doit être appréciée en fonction de ce que le premier pilier peut réellement offrir en « compensation ». Toutefois, une piste intéressante serait de réorienter la fiscalité vers le maintien des avantages mais uniquement pour des placements qui profitent à l’économie réelle (la recherche et le développement, l’économie durable, le capital à risque dans des objectifs innovants, le soutien à des entreprises en expansion qui sont soucieuses de l’emploi et de l’environnement).

Faut-il augmenter la cotisation de solidarité sur les pensions supérieures (retenue effectuée sur la pension légale mais en calculant son montant en fonction du cumul « premier pilier et deuxième pilier »). La principale critique de cette cotisation est qu’elle est contraire au principe de répartition. Il serait plus rationnel de la remplacer par un

52 170 ENGAGEMENTS pour un FUTUR IDEAL, proposition 154 : « (…) Toutes les sources de revenus doivent contribuer au financement de la sécurité sociale, tout en maintenant un équilibre entre sources propres (cotisations sur le travail) et sources externes (fiscales), pour éviter de perdre le lien avec le travail et délégitimer ainsi la gestion paritaire ».

53 Etat de la question (novembre 2013), op.cit.

54 En ce sens, voir également la proposition 154 des 170 Engagements, op.cit.

55 Y compris dans le chef des travailleurs comme c’est le cas (depuis 2013) pour les avantages non récurrents.

56 Ces cotisations ne sont pas des cotisations normales de sécurité sociale.

57 Proposition 154 des 170 Engagements, op.cit.

58 Voir le Chapitre 10 (Fiscalité) des 170 Engagements.

Etat de la Question 2018 • IEV 22

impôt de solidarité sur l’ensemble du patrimoine, impôt qui ne devrait pas se limiter aux seuls pensionnés.

Signalons que dans le débat sur les « sources de financement de la sécurité sociale », le recours automatique à la « dotation d’équilibre » serait la solution la plus simple. Une trop grande diversification rend le système opaque et peu compréhensible pour les citoyens.

Un dernier aspect doit attirer notre attention. Il s’agit du financement du statut social des travailleurs indépendants. Historiquement, le plafonnement du seuil de revenus déterminant le paiement des cotisations sociales était justifié par le caractère forfaitaire des indemnités ou par l’absence de certaines prestations (chômage59, pécule de vacances). L’introduction de la pension proportionnelle (depuis 1984) a ouvert une première brèche dans le raisonnement. Récemment (depuis le 1er août 2016), le législateur a assuré l’égalité parfaite des montants de la pension minimum avec ceux des salariés. Certes, il existe encore des prestations forfaitaires (en incapacité de travail, par exemple) et il est parfaitement légitime qu’un droit aux allocations de chômage soit ouvert aux indépendants.

A partir du moment où les indépendants revendiquent les mêmes droits que les salariés, il va de soi que les mécanismes internes de solidarité doivent également être revus60. Ceci permettrait de gommer le coefficient d’harmonisation dont l’Union des classes moyennes revendique le relèvement et - à terme - la suppression (« un euro cotisé pour la pension dans n’importe quel régime doit donner droit au même montant de pension »)61

6. Considérations finales

6.1. La liaison au bien-être

En dehors des mécanismes internes aux régimes de pension des salariés et des indépendants, les principes d’assurance et de solidarité fonctionnent aussi par le biais de la répartition de l’enveloppe bien-être (adaptation à l’évolution des revenus moyens des travailleurs actifs).

Sachant que le vieillissement est un phénomène graduel et irréversible, la liaison du plafond salarial (pour tous les travailleurs) et des pensions en cours (du moins pour les plus basses) ne devrait-elle pas revêtir un caractère automatique plutôt que de procéder par des « rattrapages biennaux » (et donc par des arbitrages) ?

6.2. La dimension de genre

Les disparités entre les pensionnés des deux sexes sont particulièrement criantes. Pour une carrière complète de salarié, l’écart entre la pension mensuelle moyenne des hommes et des femmes s’élève à 612 euros (montant brut). Le différentiel est encore plus accentué dans le régime des indépendants. Le statut des fonctionnaires est le plus « égalitaire » (même s’il existe aussi un écart).

46,2% des femmes travaillent aujourd’hui à temps partiel (contre 10,3% des hommes) et les secteurs qui recourent massivement au temps partiel sont aussi les secteurs où les rémunérations sont les plus basses (grande distribution, titres-services, etc.). En outre, le temps partiel est souvent un « choix contraint » : il ne s’agit pas d’une alternative au temps plein mais bien d’une alternative à la privation pure et simple d’emploi. Même lorsque la femme assume un choix « volontaire » pour le temps partiel, il subsiste une ambiguïté dans la mesure où – les stéréotypes ayant la vie dure - l’identité féminine se constitue principalement autour de la famille (chez l’homme, l’identité se construit par le travail et à temps plein). Deux autres facteurs expliquent les inégalités en matière de pension. Tout d’abord, ce sont les femmes qui assument les tâches les plus importantes en matière d’éducation (d’où un recours plus important à des formules d’interruption de carrière mais aussi des périodes de chômage plus longues). Ensuite, la différence de salaire horaire (pour une même fonction) entre les femmes et les hommes est encore de 7,6% dans notre pays. Au rang des inégalités salariales, citons également le fameux « plafond de verre ».

59 A ne pas confondre avec ce qu’on appelle « le droit passerelle » (anciennement l’assurance sociale en cas de faillite) qui a été renforcé à partir du 1er janvier 2017 mais qui ne s’apparente en rien à un régime de chômage.

60 170 ENGAGEMENTS pour un FUTUR IDEAL (proposition 155).

61 Voir l’étude (complexe) réalisée pour l’UCM par son Service d’Etudes, de Représentation et de Positionnement, Etude comparative de la rentabilité des cotisations sociales en matière de pensions chez les indépendants et chez les salariés, 18 décembre 2017. UCM-ETUDE-Pensions_Coefficient_de_correction_BD_ rf_20171218.pdf

Etat de la Question 2018 • IEV 23

Les pensions subissent mécaniquement le « choc » des inégalités sur le marché du travail. Si le combat pour l’égalité entre femmes et hommes se mène d’abord sur ce terrain (c’est l’évidence même), affirmer que « la pension n’est finalement rien d’autre que le reflet de la carrière professionnelle » procède d’une vision « passéiste » des réalités socio-économiques. C’est ce qui caractérise le gouvernement MR N-VA, lequel aggrave d’ailleurs les inégalités de genre par sa politique de l’emploi et par ses coupes dans les périodes assimilées. Encore une fois, le « nouveau contrat social » n’en est pas un. Déjà « autiste » par son absence de débat démocratique, le gouvernement refuse d’appréhender la pension sous l’angle du chapitre qui pourtant la précède, celui du marché du travail.

Il existe des mécanismes qui peuvent améliorer les pensions de celles et ceux dont les carrières ont été « atypiques » non pas parce que celles-ci découlaient d’un « choix de vie » mais parce que les réalités ne leur offraient tout simplement pas d’autres alternatives. Outre les pistes « classiques » des assimilations et du droit minimum par année de carrière, une voie innovante pour le calcul de la pension des femmes serait de fixer un « salaire de référence » égal à celui des hommes dans le même secteur d’activité et pour la même fonction. Et ceci tant que les discriminations salariales ne sont pas éradiquées.

7. Conclusion

Dans cette analyse, nous avons pointé quelques-uns des multiples problèmes auxquels est confronté notre système d’assurance sociale dans sa composante des pensions.

Il y a nécessité d’une réponse (pas d’une révolution) mais celle-ci ne peut s’inscrire dans une optique de régression sociale. C’est ce qui anime l’actuel gouvernement MR N-VA qui multiplie les mesures inacceptables au nom de « l’harmonisation » alors qu’il conviendrait de répondre à une contrainte fondamentale, celle de notre temps ! Dans une société où l’enrichissement collectif se poursuit à un rythme soutenu et où le travail n’est plus le facteur principal d’accumulation, la protection sociale ne devrait-elle pas être assurée sur l’ensemble de la richesse produite plutôt que par des prélèvements effectués principalement sur la masse salariale ?

Les systèmes de capitalisation ne sont rien d’autre qu’une créance sur l’activité économique au moment où l’individu fait valoir cette créance si bien que la valeur réelle peut parfois être en totale distorsion avec la valeur faciale inscrite sur le titre émis au moment où l’épargne commence à se constituer.

Cette étude n’a pas abordé le problème du taux de pauvreté chez les pensionnés dont les variables relèvent d’études statistiques qui n’épuisent absolument pas la problématique. Cette pauvreté existe, elle est très souvent « cachée » et elle joue comme un « miroir déformant », nous interpellant sur ce qui est le principe fondateur de notre sécurité sociale, celui de prévenir la pauvreté.

Penser que notre société pourra générer une croissance suffisante pour une redistribution équitable de la richesse produite n’est pas une spéculation. On nous dira alors que c’est un « acte de foi » mais il est impossible de se passer de cet « acte de foi » car une vision socialiste exige de créer un autre paradigme où il ne s’agit pas d’adapter l’humain à ce qui est présenté comme « l’environnement » mais c’est bien l’inverse qui s’impose.

Etat de la Question 2018 • IEV 24

DANS LA MÊME COLLECTION / ETAT DE LA QUESTION IEV

La pauvreté infantile et juvénile en Fédération Wallonie-Bruxelles

Etat des lieux et leviers d’action

Delphine GILMAN et Baptiste MEUR

Vers une cotisation sociale sur la technologie ?

Letizia DE LAURI

La réforme de la loi sur la compétitivité ou comment cadenasser l’austérité salariale

Benoît ANCIAUX

Démocratiser les entreprises

Olivier BODY

Vers des allocations familiales plus justes en Wallonie

Anne LIESSE

Le traitement équitable des consommateurs d’électricité face à l’évolution du paysage énergétique

Guillaume LEPÈRE

La taxe européenne sur les transactions financières : utopie ou véritable proposition ?

Letizia DE LAURI

Incapacité de travail : le trajet de réintégration professionnelle

Benoit ANCIAUX

Vers l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire à trois ans ?

Baptiste MEUR

Des soins de santé pour tous

Anne LIESSE

L’écosocialisme

Guillaume LEPERE

Quel avenir pour l’investissement public en Europe ?

Hakim BOUZBIB

Les partenariats public-privé : une bonne idée pour stimuler l’investissement public ?

Alex REUTER

Vers une réglementation du cannabis en Belgique

Cyrille CORNEROTTE, Olivier LEGRAND, Anne LIESSE, Baptiste MEUR

Les enseignants qui quittent leur métier: état des lieux et pistes d’amélioration

Baptiste MEUR

Le casier judiciaire alimente-t-il la récidive ?

Olivier LEGRAND

La réduction collective du temps de travail, une solution aussi pour les indépendants ?

Olivier BODY, Stéphanie BOON et Sophie CHARLIER

Faut-il supprimer l’effet dévolutif de la case de tête ?

Rim BEN ACHOUR

Le Tax shift du gouvernement fédéral : une perte sèche de pouvoir d’achat pour les moins nantis

Alex REUTER

RÉSUMÉ

Le gouvernement MR N-VA a porté l’âge légal de la pension de 65 à 67 ans. Il a réduit les départs anticipés à la retraite et les périodes assimilées qui permettaient aux travailleurs qui avaient été contraints, pour des raisons multiples, de suspendre leur carrière, de les considérer comme des périodes de travail. Il entend (y parviendra- t-il ?) supprimer les tantièmes préférentiels donnant à certains fonctionnaires exerçant des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite.

Le gouvernement MR N-VA prépare, pour un futur plus ou moins proche, l’instauration d’un régime « harmonisé » de pension sur base de « points » que chaque travailleur accumulera au cours de sa carrière professionnelle. Ce système est présenté comme un « nouveau contrat social » alors qu’il ne s’agit pas d’un « contrat » mais bien d’une réforme dictée par des considérations budgétaires et macro-économiques. Un vrai contrat ne saurait se passer d’un large débat démocratique où les différentes parties échangent sur ce qui est « possible » pour aboutir à un rapport équilibré entre les aspirations légitimes de la population, les contraintes budgétaires et les moyens d’y faire face. C’est d’autant plus important que le vieillissement est un phénomène irréversible qui engage toute la société et qui, dès lors, doit interpeller chacun d’entre nous.

Tant sur le fond que sur les méthodes, le gouvernement fédéral de Charles Michel ne construit pas. Il reste sourd à l’opinion publique qui ne l’a d’ailleurs nullement mandaté dans les orientations prises. Il détruit « pas à pas » le consensus historique sur lequel les partenaires sociaux ont bâti les solidarités inter et intra-générationnelles.

La présente analyse n’a pas la prétention d’apporter une « recette miracle » aux défis actuels et futurs. Elle se veut pédagogique pour que chacune et chacun comprennent les bases techniques, les évolutions, les enjeux, les pistes de réforme dont celles de la majorité MR N-VA mais surtout celles qui ont été synthétisées à l’issue d’un vrai débat avec la société civile, soit à l’occasion du Chantier des idées mené récemment par le PS (2015-2017).

Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles

Téléphone : +32 (0)2 548 32 11

Fax : + 32 (02) 513 20 19

iev@iev.be www.iev.be

Institut Emile Vandervelde

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.