ETAT DE LA QUESTION
LâASSURANCE CHĂMAGE : ĂTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES
Benoit ANCIAUX
DĂCEMBRE 2018
1. Introduction
Mieux adapter lâoffre Ă la demande est le dĂ©fi le plus important auquel notre marchĂ© du travail est (et sera) confrontĂ© aujourdâhui (et demain). Il ne sâagit pas dâun phĂ©nomĂšne qui touche exclusivement les demandeurs dâemploi mais aussi les travailleurs actifs qui sont de plus en plus exposĂ©s aux transformations Ă©conomiques et technologiques. Tant pour les premiers que pour les seconds, le risque de « dĂ©classement » est rĂ©el, surtout pour les moins qualifiĂ©s1
« De la destruction de certains emplois Ă la modification profonde des relations de travail (individualisation des relations entre travailleurs et employeurs, structure en rĂ©seau et non plus pyramidale, etc.), la rĂ©volution numĂ©rique va avoir des consĂ©quences non nĂ©gligeables sur lâemploi (âŠ). Dans le mĂȘme temps, lâĂ©conomie 4.02 crĂ©era de nouvelles formes dâemplois desquels dĂ©couleront des nouveaux statuts »3
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on restera prudent sur ce quâon appelle « les mĂ©tiers de demain ». Il est prĂ©fĂ©rable dâapprĂ©hender le phĂ©nomĂšne sous lâangle de lâĂ©volution des fonctions. « Car Ă lâavenir, on va passer dâune logique de mĂ©tier Ă celle de portefeuille de compĂ©tences, avec une hybridation progressive des fonctions »4
Dâautre part, bien quâils Ă©voluent aussi au niveau fonctionnel, des mĂ©tiers dits « classiques » (carreleur, carrossier, infirmier, boucher, cuisinier, etc.) sont aussi des mĂ©tiers dâavenir car ils souffrent actuellement de pĂ©nuries pour diverses raisons.
Certains se plaisent Ă penser quâil suffit dâopposer les chiffres du nombre dâemplois perdus Ă ceux des mĂ©tiers en pĂ©nurie pour lesquels il y aurait quelques 143.000 offres dâemplois non satisfaites. Le slogan du « il nây a quâà » relĂšve du populisme. Il Ă©vacue dâemblĂ©e quatre problĂ©matiques qui sont au cĆur mĂȘme du diffĂ©rentiel entre lâoffre et la demande : les qualifications « immĂ©diates » exigĂ©es par les employeurs5, les conditions de travail6, les ambitions personnelles du travailleur7 et un rĂ©gime dâallocations de chĂŽmage qui glisse dangereusement sur la pente de lâassistance8
Sâil est donc primordial de renforcer les instruments dont disposent les pouvoirs publics et les partenaires sociaux afin quâils assurent cette transition9 dans une logique prospective du marchĂ© de lâemploi, il est tout aussi important de garantir Ă la fois des emplois durables et de qualitĂ© et des moyens suffisants pour que les demandeurs dâemploi et les travailleurs actifs puissent y accĂ©der et - surtout - sây maintenir.
Notre marché du travail est confronté à deux tendances lourdes.
La premiĂšre est le « dĂ©classement » que lâon observe sur le terrain qui aboutit, certes, Ă une diminution des emplois peu qualifiĂ©s mais pas Ă une diminution des emplois prĂ©caires. Au contraire, les travailleurs peu qualifiĂ©s sont de plus en plus soumis Ă la concurrence de personnes de niveau de qualification intermĂ©diaire, qui les Ă©vincent mĂȘme dans la catĂ©gorie des professions dites « Ă©lĂ©mentaires ». Il sâensuit que les exigences du marchĂ© - sâappuyant sur le gouvernement MR N-VA - fragmentent lâemploi au lieu de le construire, avec son cortĂšge dâinsĂ©curitĂ© : « braderie » salariale, explosion du temps partiel, passage quasi-obligĂ© par lâintĂ©rim (avec parfois une « fidĂ©lisation » via des contrats Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e), moindre protection sociale, etc.
1 Les offres dâemploi qui exigent peu de qualification ne cessent de diminuer.
2 LâĂ©conomie 4.0 (phĂ©nomĂšne de numĂ©risation des activitĂ©s de lâĂ©conomie, quatriĂšme rĂ©volution industrielle) est entiĂšrement bĂątie sur un nouveau concept dâorganisation des moyens de production et de distribution. Son fil directeur est la convergence du monde virtuel et de la gestion (finance/marketing) avec le monde rĂ©el, câestĂ -dire en personnalisant - via (entre autres) la robotisation - la production des biens et services (ce qui implique une limitation ou mĂȘme une disparition des volumes « standardisĂ©s »).
3 170 engagements pour un futur idéal (PS), Emploi pour tous (chapitre 5), p. 67.
4 Le Forem a identifiĂ© les mĂ©tiers de demain, interview de Jean-Claude Chalon, directeur du service Analyse et prospective du marchĂ© de lâemploi (Amef), dans le journal Le Soir du 2 fĂ©vrier 2018.
5 CritĂšres qualitatifs exigĂ©s par les employeurs (diplĂŽme avec spĂ©cialisation, expĂ©rience professionnelle dans le secteur, connaissance approfondie des langues, etc.). Souvent les critĂšres sont excessifs. Les employeurs veulent des travailleurs opĂ©rationnels tout de suite (« clĂ©s sur porte ») alors que la formation continuĂ©e en entreprise est peut-ĂȘtre le meilleur gage de rĂ©ussite pour Ă©liminer les fonctions dites « critiques ».
6 Les conditions de travail ne se limitent pas Ă la pĂ©nibilitĂ© (horaires coupĂ©s, travail lourd, âŠ). Elles renvoient aussi Ă des salaires souvent trop bas par rapport aux exigences des employeurs.
7 On peut souscrire Ă une obligation de « mise Ă niveau » dans une activitĂ© professionnelle mais, en aucun cas, on ne peut adhĂ©rer Ă un systĂšme qui obligerait un demandeur dâemploi Ă se recycler dans une profession pour laquelle il nâa aucune motivation ou aucune possibilitĂ© matĂ©rielle de la poursuivre Ă terme.
8 Un rĂ©gime de chĂŽmage qui nâassure pas la sĂ©curitĂ© dâexistence est inacceptable et empĂȘche lâassurĂ© social de rechercher un emploi dans de bonnes conditions. Il gĂ©nĂšre une image nĂ©gative de soi, de lâisolement social, des problĂšmes de santĂ© et/ou de logement, etc. On peut se rĂ©fĂ©rer notamment Ă certains passages dâun article publiĂ© dans le mensuel DĂ©mocratie - Les chĂŽmeurs : tous des glandeurs !?, 2 fĂ©vrier 2014, revue-democratie.be (rubrique Social > Protection sociale) - Ecrit par Christine Steinbach.
9 Partenariat entre les services rĂ©gionaux et les opĂ©rateurs et/ou acteurs du marchĂ© (centres de compĂ©tence, etc.), formation en alternance, stages, formation continuĂ©e dans les entreprises, mesures sectorielles en faveur des groupes Ă risque, outplacement de qualitĂ©, âŠ
La seconde tendance est lâapparition de nouveaux « concepts » Ă©conomiques qui remettent parfois ouvertement en cause les fondements de notre droit du travail, de notre modĂšle social et de notre modĂšle fiscal. LâubĂ©risation qui est une forme extrĂȘme de lâĂ©conomie de plateforme10 exploite les failles juridiques de notre systĂšme socioĂ©conomique et crĂ©e de la concurrence dĂ©loyale et du dumping social (faux indĂ©pendants, contrats prĂ©caires, paiement Ă la piĂšce, contournement des lois sociales, etc.). On assiste aussi Ă la multiplication des boulots dits « dâappoint » qui bĂ©nĂ©ficient dâune exonĂ©ration sociale et fiscale : les flexi-jobs (dâabord dans le secteur horeca puis Ă©tendus dans dâautres secteurs) et, plus rĂ©cemment, les prestations effectuĂ©es au sein des sites agréés de lâĂ©conomie de plateforme11 et la mesure « 500 euros par mois » pour les jobs de « proximitĂ© » ou de « temps libre » dont les avantages sont curieusement prĂ©sentĂ©s par le gouvernement comme « le prix de la cohĂ©sion sociale ».
La « nouvelle Ă©conomie » qui se dessine dĂ©montre la dĂ©rĂ©gulation de plus en plus forte de notre marchĂ© du travail. Le prĂ©sent Etat de la question nâa pas pour objet dâĂ©tudier lâĂ©tat actuel et les perspectives du marchĂ© du travail en Belgique. De nombreuses Ă©tudes existent Ă ce sujet et, Ă ce propos, on peut se rĂ©fĂ©rer utilement aux travaux prospectifs du FOREM (percevoir les Ă©volutions futures des secteurs et mĂ©tiers afin dâinfluencer lâoffre de prestation pour rĂ©pondre aux besoins de demain)12. Notre analyse, ici, se limite Ă un fondement de notre sĂ©curitĂ© sociale, celui de lâassurance chĂŽmage qui est mise Ă mal depuis plusieurs dĂ©cennies. Elle vise Ă©galement Ă approfondir certaines propositions issues du Chantier des idĂ©es13
2. Les allocations de chĂŽmage
2.1. La modulation familiale des allocations
Dans le rĂ©gime du chĂŽmage, la diffĂ©rentiation « travailleur ayant charge de famille », « travailleur isolĂ© » et « travailleur cohabitant » peut apparaĂźtre de diverses maniĂšres. La plus connue est le taux diffĂ©renciĂ© (qui nâapparaĂźt aujourdâhui quâen seconde pĂ©riode de chĂŽmage) mais la sĂ©lectivitĂ© sâexerce aussi via les minimums et les maximums.
Le caractĂšre liĂ© Ă la famille de notre assurance chĂŽmage existait dĂšs le dĂ©but de la sĂ©curitĂ© sociale obligatoire. Pour sâen convaincre, il suffit de se rĂ©fĂ©rer Ă lâarticle 7, § 1er, de lâarrĂȘtĂ©-loi du 28 dĂ©cembre 1944 concernant la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs salariĂ©s qui dispose encore aujourdâhui : « Dans les conditions que le Roi dĂ©termine, lâOffice national de lâemploi a pour mission de (âŠ) i) assurer, avec lâaide des organismes créées ou Ă crĂ©er Ă cette fin, le payement aux chĂŽmeurs involontaires et Ă leur famille des allocations qui leur sont dues ». La dualitĂ© de lâassurance chĂŽmage qui sâexprime par un caractĂšre « en partie individuel » et « en partie liĂ© Ă la famille » sera confirmĂ©e par des lĂ©gislations ultĂ©rieures. Ainsi, si lâarticle 7 de la loi du 29 juin 1981 Ă©tablissant les principes gĂ©nĂ©raux de la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs salariĂ©s se contente (sans plus) dâaffirmer que les assurĂ©s sociaux en chĂŽmage involontaire complet ou partiel ont droit Ă un revenu de remplacement, la disposition est immĂ©diatement « rattrapĂ©e » par lâarticle 3 qui dĂ©finit lâobjectif de la sĂ©curitĂ© sociale (dans lâensemble de ses branches) comme Ă©tant lâattribution dâun revenu de remplacement (ou de complĂ©ment) afin de prĂ©server le travailleur des consĂ©quences de certains risques du travail, de certaines situations de famille et conditions de vie.
La sĂ©lectivitĂ© familiale va ĂȘtre renforcĂ©e en pĂ©riode de crise et servir dâappui aux mesures prises pour tenter de maintenir lâĂ©quilibre financier de la sĂ©curitĂ© sociale.
Dans les annĂ©es 80, les deux gouvernements Martens-Gol ont surtout rĂ©duit les droits des chĂŽmeurs non chefs de mĂ©nage. Ce sont Ă©videmment les femmes qui payeront lâessentiel de la facture des « inflexions familialistes » de la politique menĂ©e par les gouvernements sociaux-chrĂ©tiens - libĂ©raux14. Ainsi, les droits des cohabitant(e)s seront rĂ©duits Ă pas moins de quatre reprises : deux atteintes structurelles aux taux dâindemnisation15, une diminution de la seconde pĂ©riode de chĂŽmage16 et lâinstauration dâun mĂ©canisme dâexclusion pour « chĂŽmage anormalement
10 A ce propos, voir LâĂ©conomie collaborative et lâĂ©conomie de plateforme pour construire une sociĂ©tĂ© plus juste, Nathan Lallemand, Etat de la Question (IEV), dĂ©cembre 2016.
11 Loi « De Croo ». Si le travailleur (peu importe son statut) perçoit un revenu infĂ©rieur Ă 5.000 euros brut par an, le taux dâimposition est de 10%.
12 https://www.leforem.be
13 170 engagements pour un futur idéal (PS).
14 La contradiction avec les politiques qui visent Ă encourager les femmes Ă intĂ©grer le marchĂ© du travail saute aux yeux. De plus, lâinĂ©galitĂ© de genre est accentuĂ©e par les dispenses de disponibilitĂ© accordĂ©es par lâONEM qui profitent en trĂšs grande majoritĂ© aux hommes (prĂ©pensions, etc.).
15 ArrĂȘtĂ©s royaux du 30 mars 1982 et du 8 aoĂ»t 1986.
16 En 1986, la seconde période (12 mois) sera réduite de 6 mois (avec prolongation de 3 mois par année de travail).
long » dont lâapplication dĂ©pendra des revenus du mĂ©nage17. Notons que, depuis 1981, les cohabitants qui entraient en troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage Ă©taient dĂ©jĂ pĂ©nalisĂ©s par lâintroduction dâune indemnitĂ© forfaitaire (Ă©gale Ă 40% du revenu minimum mensuel moyen garanti) sauf sâils pouvaient prouver 20 ans de travail salariĂ© ou une incapacitĂ© de travail dâau moins 33%.
On peut affirmer que Martens-Gol a Ă©tĂ© le catalyseur dâun rĂ©gime de chĂŽmage de plus en plus sĂ©lectif basĂ© sur lâĂ©tat de besoin rĂ©el ou supposĂ© des mĂ©nages. Si lâassurance sociale est par essence antinomique avec une enquĂȘte sur les moyens dâexistence, cette dissociation doit fortement ĂȘtre nuancĂ©e. En effet, afin de dĂ©terminer si le taux « chef de mĂ©nage » peut ĂȘtre octroyĂ© au travailleur qui perd son emploi, lâĂ©tat de besoin est apprĂ©hendĂ© par divers critĂšres de revenus18 (de remplacement ou mĂȘme de travail) dont disposent les personnes qui composent la cellule familiale de celui (ou de celle) qui perd son emploi.
Cette logique engendre des inĂ©galitĂ©s entre assurĂ©s sociaux. Lâaspect « patriarcal »19 est dĂ©sexualisĂ© mais au profit de qui est considĂ©rĂ© comme le moteur Ă©conomique dâune cohabitation, lâhomme le plus souvent.
2.2. Le plan dâactivation de recherche dâemploi
Câest sous le deuxiĂšme gouvernement Verhofstadt (2003/2007) que la responsabilitĂ© « mesurĂ©e » des demandeurs dâemploi a vu le jour par rapport Ă leur propre insertion sur le marchĂ© du travail20
La disponibilitĂ© active devient une nouvelle condition pour le maintien21 des allocations de chĂŽmage. Auparavant, seule la disponibilitĂ© dite « passive » (dont la notion nâĂ©tait pas aussi vaste quâaujourdâhui) Ă©tait contrĂŽlĂ©e Ă lâexception de lâarticle 80 qui permettait aux chĂŽmeurs cohabitants menacĂ©s dâexclusion de prouver des efforts exceptionnels dans leur recherche dâemploi.
Le nouveau dispositif est une condition supplĂ©mentaire pour le maintien des droits au chĂŽmage. Pour les jeunes qui sortent des Ă©tudes, il est aujourdâhui une condition supplĂ©mentaire pour lâoctroi et le maintien des allocations dâinsertion (ex-allocations dâattente). Le plan dâactivation a fait couler beaucoup dâencre et a suscitĂ© de nombreuses polĂ©miques. Certes, il est impossible dâassurer une parfaite Ă©galitĂ© des deux parties dans le processus. Dans le chef du « facilitateur », il y a toujours le risque de la subjectivitĂ© rĂ©elle ou dâune Ă©valuation dictĂ©e par la contrainte quâelle soit budgĂ©taire ou tout simplement liĂ©e Ă un « effet de groupe »22. Dans le chef du chĂŽmeur, de fausses recherches dâemploi et des jeux de manipulation sont Ă©galement possibles.
La philosophie du plan dâactivation ne repose pas sur une « standardisation » qui induirait quâil existe un « commun dĂ©nominateur » dans tout chĂŽmeur convoquĂ© pour une Ă©valuation. Une carence constatĂ©e dans le comportement doit tenir compte du profil socio-professionnel, de lâĂąge et des conditions de vie de lâassurĂ© social. Câest lâobjet mĂȘme de la « contractualisation » qui intervient Ă lâissue dâun premier entretien sâil sâavĂšre nĂ©gatif.
En rĂ©sumĂ©, les allocations octroyĂ©es aux chefs de mĂ©nage et aux isolĂ©s sont rĂ©duites pendant quatre mois aux montants du revenu dâintĂ©gration sociale (RIS) Ă lâissue dâun second entretien nĂ©gatif. Quant aux cohabitants, leurs allocations sont purement et simplement supprimĂ©es pendant quatre mois. A lâissue dâun troisiĂšme entretien nĂ©gatif, les chefs de mĂ©nage et les isolĂ©s continuent Ă percevoir lâĂ©quivalent du RIS pendant six mois puis câest lâexclusion dĂ©finitive. Par contre, les cohabitants sont directement exclus.
2.3. La dégressivité
Un rappel de la rĂ©glementation actuelle sâimpose.
La rĂ©forme intervenue en 2012 nâa pas modifiĂ© le nombre de pĂ©riodes de chĂŽmage (il y en a trois) mais cellesci sont subdivisĂ©es autrement, un peu mieux indemnisĂ©es pendant les trois premiers mois, plus rapidement dĂ©gressives par la suite.
17 Le fameux « article 80 » de la réglementation du chÎmage.
18 Et non pas des « ressources » (revenu cadastral, revenus de biens mobiliers, etc.) comme dans les enquĂȘtes effectuĂ©es par les CPAS pour lâattribution du minimum de moyens dâexistence.
19 170 engagements pour un futur idéal, op.cit. (Chapitre 14, Protections sociales, p.139).
20 La responsabilitĂ© « mesurĂ©e » signifie quâil nây a pas une obligation de rĂ©sultat dans le chef du chĂŽmeur mais bien une obligation de moyens.
21 Le maintien et non pas lâoctroi des allocations, sauf pour les jeunes qui sortent des Ă©tudes qui verront une accessibilitĂ© aux allocations dâinsertion de plus en plus contraignante Ă partir de 2012.
22 Un facilitateur peut subir des pressions de la part de ses collĂšgues parce quâil serait trop « laxiste ».
2.3.1. PremiÚre période de chÎmage (12 premiers mois)
Lâindemnisation est Ă©gale Ă 65% du salaire plafonnĂ© pour les trois premiers mois (plafond salarial supĂ©rieur). Elle est Ă©gale Ă 60% pour les trois mois suivants (mĂȘme plafond salarial) et Ă 60% pour les six derniers mois mais avec un plafond salarial moindre (plafond salarial moyen). Pendant la premiĂšre pĂ©riode, le taux dâindemnisation et le plafond salarial sont donc les mĂȘmes pour toutes les catĂ©gories mais le minimum diffĂšre selon la situation familiale.
La dĂ©gressivitĂ© sâexerce donc (dĂ©jĂ ) de trois maniĂšres : le taux diminue de 5% aprĂšs trois mois de chĂŽmage, le plafond salarial diminue aprĂšs six mois, le minimum est modulĂ© en fonction de la composition du mĂ©nage dĂšs le dĂ©but de la premiĂšre pĂ©riode.
2.3.2. DeuxiÚme période (36 mois maximum)
Pendant toute la deuxiĂšme pĂ©riode, le taux dâindemnisation est diffĂ©rent selon la catĂ©gorie Ă laquelle appartient le chĂŽmeur. Les chefs de mĂ©nage conservent 60% de leur rĂ©munĂ©ration plafonnĂ©e, les isolĂ©s sont indemnisĂ©s Ă concurrence de 55% et les cohabitants Ă concurrence de 40%.
Le plafond salarial se rĂ©duit pour les trois catĂ©gories (plafond salarial de base). Le minimum est identique Ă celui de la premiĂšre pĂ©riode Ă lâexception du minimum « cohabitant » qui commence Ă se rĂ©duire Ă partir de la troisiĂšme sous-pĂ©riode.
Dans cette seconde période, il existe trois sous-périodes :
⹠la premiÚre sous-période est fixe (deux mois) ;
⹠la seconde se calcule à concurrence de deux mois par année de travail salarié (avec un maximum de dix mois) ;
âą la troisiĂšme (pour autant quâil reste un solde aprĂšs les dix mois) se calcule Ă concurrence de deux mois par annĂ©e de travail (avec un maximum de 24 mois) mais une dĂ©gressivitĂ© intervient tous les six mois (donc quatre phases de six mois maximum).
Avec une telle mĂ©canique, on comprendra que celui qui ne comptabilise pas cinq ans de passĂ© professionnel passe rapidement Ă la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage, donc au forfait. Exemple : un travailleur a un passĂ© professionnel de troi ans. Son indemnitĂ© « assurance » couvrira 12 mois (premiĂšre pĂ©riode) + 2 mois (sous-pĂ©riode fixe de la seconde pĂ©riode) + 6 mois (sous-pĂ©riode variable de la seconde pĂ©riode) = 20 mois. AprĂšs cette pĂ©riode, lâindemnitĂ© est forfaitaire (troisiĂšme pĂ©riode).
Il existe des exceptions qui tiennent compte du passĂ© professionnel (25 ans), de lâincapacitĂ© (inaptitude dâau moins 33%) ou de lâĂąge (55 ans). Pour le chĂŽmeur concernĂ©, le montant de lâallocation auquel il a droit au cours de la seconde pĂ©riode est maintenu pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e.
2.3.3. TroisiÚme période
Les montants sont forfaitaires et nâont plus aucun lien avec le salaire perdu. Ils varient en fonction de la configuration familiale de lâintĂ©ressĂ©.
2.3.4. Conclusion
Les explications qui ont Ă©tĂ© donnĂ©es ci-dessus nâont pas la prĂ©tention dâĂ©puiser la complexitĂ© du fonctionnement de la dĂ©gressivitĂ© dans toutes les situations que peuvent avoir les demandeurs dâemploi vis-Ă -vis de lâONEM. Mais elles dĂ©montrent la dĂ©rive vers un systĂšme oĂč lâidĂ©e du « chĂŽmeur responsable de sa situation » supplante insidieusement le principe du droit Ă un revenu de remplacement acceptable.
Notre sĂ©curitĂ© sociale a Ă©tĂ© bĂątie (notamment) sur le principe que chaque assujetti doit avoir une perspective claire de ses droits et de lâĂ©volution de ses revenus en cas de perte dâemploi, de maladie ou de dĂ©part Ă la retraite. Quelle est la prĂ©visibilitĂ© de sĂ©curitĂ© dâexistence encore possible pour un demandeur dâemploi indemnisĂ© ?
Il existe un tableau « technique » (avec une multitude de codes diffĂ©rents et de renvois Ă des dispositions rĂ©glementaires) qui se trouve en annexe de lâarticle 114, § 1er, alinĂ©a 2, de lâarrĂȘtĂ© royal du 25 novembre 1991 portant rĂ©glementation gĂ©nĂ©rale du chĂŽmage. Nous le reproduisons, ici, pour que le lecteur comprenne bien ce « Ă quoi » sont confrontĂ©s les chĂŽmeurs.
Période
(1) durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sâil est satisfait au § 2, alinĂ©a 2
(2) si non-bĂ©nĂ©ficiaire du complĂ©ment dâanciennetĂ©
(3) si bĂ©nĂ©ficiaire du complĂ©ment dâanciennetĂ©
(4) la durée à laquelle peut prétendre le chÎmeur est fixée au § 2, alinéa 3 ou 5
(5) la durée à laquelle peut prétendre le chÎmeur est fixée au § 2, alinéa 4 ou 5
(6) pas dâapplication - voir les § 1er, alinĂ©a 3 et 4, § 2 et § 4
(7) pas dâapplication - voir les §§ 3 et 4
2.4. Les attaques directes et indirectes du gouvernement MR N-VA
La ligne directrice du gouvernement actuel nâest pas de cibler de nouvelles Ă©conomies sur les cohabitants (dont le statut a Ă©tĂ© rabaissĂ© Ă des limites difficilement franchissables) mais de sâen prendre directement et indirectement (par le biais de la rĂ©forme des pensions) Ă tous les chĂŽmeurs au travers des divers mĂ©canismes dâassurance et de solidaritĂ©.
Les atteintes - version « Michel » - Ă la redistribution des revenus fondĂ©e sur la solidaritĂ© se distingue mĂȘme au niveau du saut dâindex dont la linĂ©aritĂ© tranche avec les sauts dâindex annuels appliquĂ©s pendant trois annĂ©es Ă partir de 1984, lesquels ont Ă©tĂ© « adoucis » par une prime de rattrapage accordĂ©e aux allocateurs sociaux dĂ©tenteurs de revenus insuffisants (rĂ©fĂ©rence Ă lâĂ©tat de besoin). Le slogan MR N-VA des « compensations » accordĂ©es par lâenveloppe « bien-ĂȘtre » (rĂ©duites Ă deux reprises sous cette lĂ©gislature) tĂ©moigne soit du cynisme soit de la mĂ©connaissance dâune loi que les libĂ©raux ont pourtant votĂ©e lors du pacte de solidaritĂ© entre les gĂ©nĂ©rations. Il faut garder Ă lâesprit que les tensions au sein des composantes du gouvernement Michel ont parfois abouti Ă des « amĂ©nagements » mais toujours ⊠à la marge !
2.4.1. Dégressivité « accélérée » en fonction du passé professionnel
Depuis le 1er novembre 2016, il faut désormais comptabiliser 25 ans de travail salarié pour échapper à la dégressivité « accélérée ».
2.4.2. Suppression des complĂ©ments dâanciennetĂ©
A la suite de plusieurs accords interprofessionnels23, des complĂ©ments dâanciennetĂ© ont Ă©tĂ© introduits dans la rĂ©glementation du chĂŽmage fin des annĂ©es 80 Ă lâinitiative de Philippe Busquin, Ministre des Affaires sociales de lâĂ©poque. Ces complĂ©ments Ă©taient financĂ©s par une cotisation patronale spĂ©cifique (qui sera intĂ©grĂ©e plus tard dans la cotisation globale) et ils Ă©taient dus Ă partir de lâĂąge de 50 ans moyennant un an de chĂŽmage complet, une carriĂšre de salariĂ© dâau moins 20 ans et une demande de dispense de la disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail. Lâobjectif Ă©tait de rapprocher la situation des chĂŽmeurs ĂągĂ©s de celle des prĂ©pensionnĂ©s afin dâenrayer le chĂŽmage structurel des jeunes.
Notons que les conditions ont Ă©voluĂ© au fil du temps : obligation de maintenir la qualitĂ© de demandeur dâemploi jusquâĂ un certain Ăąge (avec parfois des implications sur la disponibilitĂ© active du chĂŽmeur24) et, Ă partir du 1er juillet 2012, relĂšvement Ă 55 ans de lâĂąge dâoctroi des complĂ©ments (sans toucher Ă la condition de carriĂšre).
Concernant le volet « chĂŽmage », la suppression des complĂ©ments dâanciennetĂ© a Ă©tĂ© lâune des premiĂšres mesures prises par le gouvernement MR N-VA. Elle est effective depuis le 1er janvier 2015. Il existe des dĂ©rogations pour les travailleurs licenciĂ©s dans le cadre dâune restructuration dâentreprise et pour ceux qui Ă©taient occupĂ©s dans un mĂ©tier lourd mais, pour tous les autres chĂŽmeurs, la condition de carriĂšre est dĂ©sormais de 35 ans et lâĂąge dâĂ©ligibilitĂ© augmente de 2 ans chaque annĂ©e pour atteindre finalement lâĂąge lĂ©gal de la pension. Par consĂ©quent, la rĂšgle gĂ©nĂ©rale de lâoctroi de ces complĂ©ments sâĂ©teint progressivement.
2.4.3. Travailleurs Ă temps partiel avec allocation de garantie de revenus
Lâallocation de garantie de revenu (AGR) rĂ©sulte dâun calcul complexe dont lâobjectif est de permettre au travailleur Ă temps partiel involontaire dâobtenir davantage au niveau de ses revenus quâune allocation de chĂŽmage complet. Environ 50.000 personnes (dont 79% de femmes) bĂ©nĂ©ficient de ce systĂšme, ce qui est trĂšs peu par rapport au nombre total de travailleurs Ă temps partiel.
LâAGR consiste Ă dĂ©duire la rĂ©munĂ©ration nette de lâallocation pour chĂŽmage complet, cette derniĂšre Ă©tant majorĂ©e dâun supplĂ©ment horaire.
A partir de 2017, lâAGR devait ĂȘtre purement et simplement rĂ©duite de 50% pour celles et ceux qui prestent Ă temps partiel depuis 2 ans. Le gouvernement estimait que ces travailleuses/travailleurs sont responsables de leur « manque de travail » et quâil leur « suffisait » de dĂ©crocher un temps plein. Un dĂ©ni total de la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Dans certains secteurs (la grande distribution, le nettoyage, âŠ), câest le temps partiel ou câest rien du tout. Le gouvernement a finalement renoncĂ© Ă cette mesure pour la remplacer, Ă partir de 2018, par une cotisation de responsabilisation Ă charge des employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations vis-Ă -vis des travailleurs Ă temps partiel avec AGR25
Depuis le 1er janvier 2015, des mesures dâĂ©conomies ont nĂ©anmoins frappĂ© les travailleurs Ă temps partiel avec AGR : rĂ©duction des supplĂ©ments horaires pour les isolĂ©s et pour les cohabitants, rĂ©intĂ©gration du bonus Ă lâemploi dans la dĂ©finition de la rĂ©munĂ©ration nette. Câest sous la pression du PS quâen 2008, lâinclusion du bonus Ă lâemploi dans la rĂ©munĂ©ration nette prise en compte (pour le calcul de lâAGR) avait Ă©tĂ© supprimĂ©e. Cette inclusion augmentait le risque de piĂšge Ă lâemploi car ce que lâon accordait par le bonus Ă©tait repris par la rĂ©glementation du chĂŽmage.
Il convient de noter que les restrictions apportĂ©es au bĂ©nĂ©fice de lâAGR ne sont pas lâapanage du gouvernement MR N-VA. DĂ©jĂ en 2004, le rĂ©gime avait subi une cure dâaustĂ©ritĂ© imposĂ©e par les libĂ©raux26
23 Les accords interprofessionnels qui avaient suivi la fermeture, en 1982, de lâentreprise de transformation de cuivre VTR Ă Machelen (perte de 900 emplois). Les partenaires sociaux avaient Ă©tĂ© interpellĂ©s par des situations dramatiques oĂč des travailleurs ĂągĂ©s licenciĂ©s nâavaient pas droit Ă la prĂ©pension et quâils nâavaient pas dâautre choix que de revendre leur maison.
24 En 2013, le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active a Ă©tĂ© Ă©tendu jusquâĂ lâĂąge de 55 ans.
25 Loi-programme du 25 dĂ©cembre 2017 (article 156). Depuis la loi-programme du 22 dĂ©cembre 1989, les travailleurs Ă temps partiel involontaire ont un droit de prioritĂ© pour lâobtention dâun emploi vacant au sein de lâentreprise (travail Ă temps-plein ou autre travail Ă temps partiel plus avantageux). Pour le maintien de lâAGR, ces travailleurs sont dâailleurs tenus dâintroduire une telle demande. A dĂ©faut de sanction, il est Ă©vident que lâobligation patronale restait souvent lettre-morte.
26 Conseil des Ministres de Gembloux du 17 janvier 2004 (gouvernement Verhofstadt II, libĂ©ral-socialiste). Les libĂ©raux ont fait « payer » les acquis socialistes obtenus lors du Conseil dâOstende des 20 et 21 mars 2004 (mĂ©canisme biennal de liaison au bien-ĂȘtre des allocations sociales et des plafonds salariaux).
2.4.4. Raisons sociales et familiales
La dispense de disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail pour raisons sociales et familiales a Ă©tĂ© purement et simplement supprimĂ©e au 1er janvier 2015. Les chĂŽmeurs (en trĂšs grande majoritĂ© des femmes) nâavaient plus quâĂ choisir entre le risque dâune sanction ou la sortie « volontaire » du rĂ©gime des allocations de chĂŽmage. La mesure Ă©tait dâautant plus scandaleuse quâelle touchait des personnes qui faisaient preuve dâhonnĂȘtetĂ© par rapport aux conditions dâoctroi et de maintien des allocations de chĂŽmage. Il ne faut pas oublier que la dispense ne donne droit quâĂ une allocation dĂ©risoire de moins de 300 euros par mois.
Face au tollĂ© gĂ©nĂ©ral, le Ministre Kris Peeters a adouci la mesure mais uniquement en faveur dâun public restreint, soit les chĂŽmeurs qui se dĂ©clarent « aidants proches ». Or, la dĂ©finition de lâaidant proche est strictement dâordre mĂ©dical et lâONEM peut y apporter des restrictions faute dâun cadre lĂ©gal suffisant. Il nây a plus de marge pour dâautres situations sociales et familiales (Ă©ducation dâun enfant, problĂšmes de santĂ©, de garderie, de mobilitĂ©, etc.). De nombreuses personnes sâexposent dĂ©sormais Ă des sanctions pour non disponibilitĂ©.
2.4.5. ChÎmage pour raison économique
En 2013, les taux des allocations de chĂŽmage temporaire pour raison Ă©conomique ont Ă©tĂ© harmonisĂ©s (70% pour tous). Lâindemnisation ne dĂ©pend donc plus de la situation familiale.
Le gouvernement MR N-VA a non seulement rĂ©duit les allocations de 5% (le taux de remplacement passe ainsi de 70% Ă 65%) mais, depuis le 1er octobre 2016, elles ne sont attribuĂ©es - sauf exceptions - quâaux travailleurs qui rĂ©pondent aux conditions pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier des allocations ordinaires27. Cette derniĂšre mesure sâattaque Ă tous les travailleurs qui ne comptabilisent pas le nombre de jours de travail requis pour avoir droit au chĂŽmage ordinaire (ce nombre de jours augmente avec lâĂąge). Autrement dit, ces travailleurs sont doublement pĂ©nalisĂ©s : les difficultĂ©s de lâentreprise (avec parfois les abus patronaux que lâon connaĂźt trop bien) et la privation de toute indemnisation. Pour les travailleurs non Ă©ligibles aux allocations ordinaires, ils nâauront « quâà » puiser dans leurs Ă©conomies, faire appel au service social de lâentreprise (sâil existe !), Ă la solidaritĂ© familiale ou au CPAS.
2.4.6. ContrÎle de la disponibilité active
Depuis le 1er janvier 2015, il nây avait plus de limite dâĂąge pour lâapplication du contrĂŽle du comportement de recherche dâemploi. Celle-ci Ă©tait donc applicable jusquâĂ lâĂąge de la pension (sous le gouvernement Di Rupo, lâĂąge limite Ă©tait de 55 ans). Cette mesure dĂ©lirante ne concernait pas que les nouveaux entrants, ce qui voulait dire que des chĂŽmeurs ĂągĂ©s et des prĂ©pensionnĂ©s allaient brutalement devoir se justifier sur leur comportement de recherche dâemploi. Sous la pression syndicale, le Groupe des Dix Ă©tait parvenu en mars 2015 Ă un accord sur la problĂ©matique. Lâaccord Ă©tait divisĂ© en deux volets : dâune part, la suppression de lâeffet rĂ©troactif ; dâautre part, la suppression de la disponibilitĂ© active pour les nouveaux entrants et lâadaptation de la disponibilitĂ© passive (dispenses accordĂ©es suivant un critĂšre dâĂąge couplĂ© Ă une condition de carriĂšre).
FidĂšle Ă ses habitudes dâĂ©corner la concertation sociale, le gouvernement MR N-VA nâa entĂ©rinĂ© que le premier volet mais, pour le second, il a inventĂ© le concept de « disponibilitĂ© adaptĂ©e » qui nâest ni entiĂšrement « passive », ni entiĂšrement « active ». Le chĂŽmeur doit ĂȘtre inscrit comme demandeur dâemploi et collaborer positivement (sous peine dâĂȘtre sanctionnĂ©) Ă un accompagnement qui sâeffectue conformĂ©ment Ă un « plan dâaction individuel », câest-Ă -dire un plan qui doit tenir compte de son profil (expĂ©rience et compĂ©tences), de son Ăąge, de ses besoins et de ceux du marchĂ© du travail. Ce programme est proposĂ© par le service rĂ©gional de lâemploi.
En résumé :
âą A partir de leur 60e anniversaire, les chĂŽmeurs ĂągĂ©s ne sont plus tenus de rechercher activement un emploi mais ils doivent (en principe) rĂ©pondre Ă la condition de « disponibilitĂ© adaptĂ©e » jusquâĂ lâĂąge de la pension ;
âą Des dispenses Ă la « disponibilitĂ© adaptĂ©e » sont prĂ©vues. Elles ne sont jamais automatiques (elles doivent ĂȘtre demandĂ©es) et dĂ©pendent de conditions strictes.
Au regard de la rĂ©alitĂ© du marchĂ© du travail dâaujourdâhui, le gouvernement fait de lâactivation une simple fin en soi (« de lâactivation pour de lâactivation ») parce quâil sait trĂšs bien que les chances de retrouver un emploi sont quasi-inexistantes pour ce public.
2.4.7. Pensions
Dans une optique libérale, les périodes de chÎmage ne seraient pas tout à fait involontaires (certains se plaisent à penser que le chÎmeur de longue durée est responsable de sa situation) et elles ne comporteraient aucune « plus-value sociale »28
Le gouvernement MR N-VA a dĂ©cidĂ© que la deuxiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage ne donne plus des droits Ă la pension que sur la base dâun droit minimum (« salaire fictif limitĂ© »), soit environ 2.000 euros brut (ce qui devrait prĂ©server les trĂšs bas salaires). Dans la version initiale du projet, tous les chĂŽmeurs (avec ou sans complĂ©ment dâentreprise) en seconde pĂ©riode et dont le salaire de rĂ©fĂ©rence Ă©tait supĂ©rieur au droit minimum Ă©taient visĂ©s, Ă lâexception des chĂŽmeurs avec complĂ©ment dâentreprise (RCC) dans les cas de restructuration ou dâentreprise en difficultĂ©, de mĂ©tier lourd, de travail de nuit ou de carriĂšre longue29. AprĂšs un conflit avec les organisations syndicales et entre les partis de la majoritĂ©, il a Ă©tĂ© convenu que le systĂšme ne serait pas applicable aux travailleurs (sans RCC) qui entrent en chĂŽmage au plus tĂŽt Ă partir de 50 ans. Pour ce qui concerne les chĂŽmeurs avec RCC, le systĂšme imaginĂ© par le Ministre Daniel Bacquelaine est complexe (par ces mesures dĂ©rogatoires et transitoires)30 mais le « salaire fictif limitĂ© » nâĂ©pargnera pas certaines catĂ©gories de ces travailleurs.
Les pĂ©riodes assimilĂ©es constituent le principal mĂ©canisme de solidaritĂ© dans le rĂ©gime des pensions. Ce mĂ©canisme est donc rompu par une sĂ©lectivitĂ© complexe qui pĂ©nalisera fortement les chĂŽmeurs dont le salaire de rĂ©fĂ©rence Ă©tait moyen ou supĂ©rieur. Comme on lâa vu, la deuxiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage dĂ©pend de la durĂ©e de la carriĂšre. En sâattaquant Ă cette pĂ©riode pour les droits Ă la pension, le gouvernement MR N-VA sâen prend aussi au principe dâassurance car celui-ci fonctionne Ă deux niveaux : le premier a pour objectif de protĂ©ger immĂ©diatement le travailleur en cas de perte de ses revenus professionnels (le chĂŽmage, la maladie, etc.), le second entend remĂ©dier aux consĂ©quences ultĂ©rieures de cette perte de revenus (la pension). En outre, le gouvernement ne fait pas de diffĂ©rence entre ceux qui ont peu ou beaucoup travaillĂ©/cotisĂ©. Lâexception pour les chĂŽmeurs ĂągĂ©s dâau moins 50 ans relĂšve dâun constat selon lequel cette catĂ©gorie Ă©prouve des difficultĂ©s sur le marchĂ© de lâemploi, sans plus.
Les atteintes aux pĂ©riodes assimilĂ©es procĂšdent dâun mode de pensĂ©e qui consiste Ă dire que lâassurance sociale doit progressivement devenir subsidiaire Ă la « responsabilitĂ© ». Le mĂȘme raisonnement pourrait trĂšs bien ĂȘtre appliquĂ© au rĂ©gime de lâincapacitĂ© de travail si les vellĂ©itĂ©s (rĂ©currentes) des partis de droite de sanctionner les malades de longue durĂ©e « rĂ©calcitrants » aux plans de rĂ©intĂ©gration professionnelle devaient un jour aboutir. Le pire a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©. Les sanctions ne convergent pas (momentanĂ©ment ?) vers un raisonnement selon lequel lâincapacitĂ© ne serait pas tout Ă fait « involontaire ».
Une deuxiĂšme mesure qui restreint les droits des chĂŽmeurs pour le calcul de leur pension est la suppression des « 45 annĂ©es les plus favorables », la ligne directrice de la rĂ©forme sur lâunitĂ© de carriĂšre Ă©tant de « rĂ©compenser certains en sanctionnant tous les autres ». Les chĂŽmeurs ĂągĂ©s (avec ou sans complĂ©ment dâentreprise) sont clairement stigmatisĂ©s. Sâils dĂ©passent les 45 annĂ©es quand ils sont au chĂŽmage, leur pension se calculera dĂ©sormais sur les 45 premiĂšres annĂ©es. On comprendra que ce sont les travailleurs qui ont commencĂ© Ă travailler trĂšs tĂŽt qui payeront le coĂ»t de la rĂ©forme. Le gouvernement estime que les chĂŽmeurs ĂągĂ©s nâont « quâà » prendre leur pension car ils procĂšdent souvent dâune forme « dâingĂ©nierie sociale » tirant sur les pĂ©riodes assimilĂ©es pour augmenter le montant de leur pension. Il faut encore mentionner que lâinterdiction de la retraite anticipĂ©e pour les chĂŽmeurs avec complĂ©ment dâentreprise est dĂ©sormais levĂ©e. Par consĂ©quent, les travailleurs concernĂ©s risquent de subir des pressions de la part des employeurs qui ne manqueront pas de voir dans cette nouvelle mesure un nouvel allĂšgement de leurs charges (suppression du complĂ©ment dâentreprise).
2.4.8. Visites domiciliaires
28 Affirmer que le chĂŽmage ne prĂ©sente aucune « plus-value sociale » est une insulte aux milliers de demandeurs dâemploi qui font des efforts importants pour retrouver un emploi, qui suivent des formations pour amĂ©liorer leur employabilitĂ© ou pour dĂ©marrer une activitĂ© dâindĂ©pendant, qui se recyclent dans un mĂ©tier en pĂ©nurie ou qui cumulent les efforts avec une activitĂ© de bĂ©nĂ©vole.
29 La rĂ©forme nâa Ă©videmment pas dâimpact pour les personnes dont le droit au chĂŽmage nâest pas subdivisĂ© en pĂ©riodes (chĂŽmage Ă©conomique, allocations dâinsertion, temps partiel avec AGR, etc.).
30 ArrĂȘtĂ© royal du 19 dĂ©cembre 2017 modifiant lâarticle 24bis et lâarticle 34 de lâarrĂȘtĂ© royal du 21 dĂ©cembre 1967 portant rĂšglement gĂ©nĂ©ral du rĂ©gime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariĂ©s. Cet arrĂȘtĂ© royal fait actuellement lâobjet dâun recours auprĂšs du Conseil dâEtat par les trois organisations syndicales.
En 1999, le PS avait exigĂ© (et obtenu) une avancĂ©e majeure vers la fin des contrĂŽles inopinĂ©s au domicile des chĂŽmeurs qui sâapparentaient Ă de vĂ©ritables pratiques policiĂšres dâinvestigation. On se souviendra de cas « emblĂ©matiques » comme le relevĂ© du courrier sur la table de salon, celui du nombre de brosses Ă dents dans la salle de bain, le contrĂŽle de la garde-robe et mĂȘme lâinspection des lits !
Lors du gouvernement Verhofstadt 1er, câest la Ministre socialiste Laurette Onkelinx qui a achevĂ© la rĂ©forme en interdisant les visites domiciliaires sauf si lâintĂ©ressĂ© donne son accord explicite aprĂšs une audition prĂ©alable (le chĂŽmeur doit ĂȘtre invitĂ© Ă cette audition au moins 10 jours Ă lâavance et il a le droit de se faire assister par une tierce personne). Les droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution (inviolabilitĂ© du domicile et respect de la vie privĂ©e) se sont imposĂ©s face aux dĂ©rives dâune administration qui avait Ă©tĂ© jusquâĂ justifier ses mĂ©thodes au nom de la « prĂ©vention contre la fraude ».
Estimant que la lĂ©gislation actuelle donne « un coup de pouce Ă la fraude au lieu de la dĂ©courager », le gouvernement MR N-VA a supprimĂ© lâobligation lĂ©gale dâavertir prĂ©alablement le chĂŽmeur soupçonnĂ© dâavoir fait une fausse dĂ©claration de composition de mĂ©nage31. Non seulement la mesure est intimidante et disproportionnĂ©e par rapport au but recherchĂ©, mais elle est aussi inutile de lâaveu mĂȘme de lâONEM. En effet, les moyens mis Ă la disposition des fonctionnaires permettent aisĂ©ment de confronter lâexactitude dâune dĂ©claration de composition familiale avec des Ă©lĂ©ments qui tendent Ă la contredire. Ceci dans le cadre dâun dĂ©bat contradictoire dans les locaux de lâONEM et non pas lors dâune visite domiciliaire inopinĂ©e oĂč, au-delĂ de lâaspect humiliant pour la personne, des dĂ©rapages sont toujours possibles et lâont dâailleurs Ă©tĂ© - largement - dans les annĂ©es 90.
3. Sécurité sociale et aide sociale
Il est Ă©vident que des « passerelles » existent entre notre assurance chĂŽmage et notre systĂšme dâaide sociale : dâune part, des mĂ©canismes font que des chĂŽmeurs peuvent ĂȘtre exclus du bĂ©nĂ©fice des allocations et solliciter lâaide du CPAS (« dernier filet » contre lâinsĂ©curitĂ© dâexistence) et, dâautre part, des bĂ©nĂ©ficiaires de lâaide sociale (RIS ou aide financiĂšre ordinaire) peuvent ĂȘtre mis au travail par le CPAS pour renouer le lien dâadmissibilitĂ© Ă lâassurance (art. 60, § 7, et 61 de la loi organique).
Etant donnĂ© les possibilitĂ©s de « va et vient » entre les deux rĂ©gimes et le poids de la solidaritĂ© dans lâassurance chĂŽmage (qui gĂ©nĂšre au fil du temps un rapprochement avec les montants du RIS), il nâest pas Ă©tonnant que certains plaident pour une limitation dans le temps du bĂ©nĂ©fice de lâassurance.
Lâargument qui donne du grain Ă moudre aux partisans dâune telle rĂ©forme est la forfaitarisation qui intervient en troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage. En outre, le calcul de la pension sur base dâun droit minimum pour une partie des chĂŽmeurs qui sont en seconde pĂ©riode est un tremplin pour poursuivre la forfaitarisation. Le lien avec le dernier salaire (tant pour le chĂŽmage que pour la pension) serait ainsi progressivement limitĂ© aux seuls 12 premiers mois dâinactivitĂ©. Ensuite, un « passage » vers lâune ou lâautre forme dâaide sociale amĂ©nagĂ©e (ou non amĂ©nagĂ©e) serait organisĂ© avec lâimplication des CPAS. Un tel scĂ©nario nâest pas une fiction. Il a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par lâOpen VLD et la N-VA lors du conclave budgĂ©taire pour lâannĂ©e 2017.
4. Les allocations dâinsertion
4.1. La nature du rĂ©gime de lâindemnisation sur base des Ă©tudes
Les allocations dâinsertion ne relĂšvent ni dâune logique assurantielle ni dâune logique dâassistance32
Contrairement Ă ce que lâon pense parfois, il ne sâagit pas dâun droit « dĂ©rivĂ© » dans le sens oĂč il nâest pas requis quâun lien (de parentĂ©, de cohabitation ou dâalliance) existe entre un jeune qui a terminĂ© ses Ă©tudes et un titulaire de droits directs dans la sĂ©curitĂ© sociale des salariĂ©s. Ainsi, le droit est ouvert aux enfants des travailleurs indĂ©pendants ou des fonctionnaires au mĂȘme titre que ceux des salariĂ©s ou de tout jeune - en principe (voir 4.2.)
- qui a terminé ses études en Belgique et indépendamment du statut « social » de ses parents.
Les montants attribués sont forfaitaires, non dégressifs, et varient selon la situation de vie du jeune (chef de ménage, isolé ou cohabitant).
4.2. La condition méconnue de la nationalité
LâarrĂȘtĂ©-loi du 28 dĂ©cembre 1944 concernant la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs dispose, en son article 7, § 14, alinĂ©a 4, que sâagissant des travailleurs Ă©trangers ou apatrides, « le droit aux allocations sur la base des Ă©tudes suivies ne sâapplique que dans les limites dâune convention bilatĂ©rale ou internationale (âŠ) ». ConcrĂštement, les allocations sont accordĂ©es aux ressortissants dâEtats qui assimilent les ressortissants belges Ă leurs propres nationaux (pays de lâUnion europĂ©enne ou de lâEspace Ă©conomique europĂ©en) et aux ressortissants dâEtats avec lesquels la Belgique a conclu des accords bilatĂ©raux de rĂ©ciprocitĂ© en raison du fait que ces Etats fournissent ou ont fourni par le passĂ© un contingent important de main-dâĆuvre (Maroc, AlgĂ©rie, Tunisie, Turquie).
Dans une question prĂ©judicielle posĂ©e par le tribunal du travail de Bruxelles dans un litige qui opposait une ressortissante congolaise Ă lâONEM, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que lâarticle 7, § 14, alinĂ©a 4, de lâarrĂȘtĂ©-loi de 1944 ne violait pas les articles de la Constitution invoquĂ©s par la demanderesse (lus en combinaison avec certaines dispositions de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme)33. Mise Ă part la condition de nationalitĂ©, la ressortissante congolaise remplissait toutes les autres conditions dâoctroi des allocations dâinsertion de nature Ă dĂ©montrer son lien effectif avec la Belgique.
Dâautre part, rappelant quâil ne saurait ĂȘtre question de discrimination que si la diffĂ©rence de traitement entraĂźne une restriction disproportionnĂ©e des droits des personnes concernĂ©es, la Cour constitutionnelle a considĂ©rĂ© que la demanderesse avait droit Ă lâaide sociale accordĂ©e par le CPAS et quâil nâĂ©tait pas dĂ©nuĂ© de justification raisonnable - compte tenu entre autres du coĂ»t financier du systĂšme (qui nâest pas de lâassurance) - de rĂ©server lâallocation dâinsertion aux seuls nationaux et aux ressortissants de pays avec lesquels notre pays avait conclu un accord de rĂ©ciprocitĂ©.
4.3. La limitation dans le temps
Lors de la crise institutionnelle de 541 jours que notre pays a connue en 2010-2011, les libĂ©raux flamands ont mis comme condition Ă leur participation au gouvernement la limitation dans le temps des allocations dâinsertion.
Des amĂ©nagements au principe ont Ă©tĂ© rendus possibles pour lâaction des dĂ©putĂ©s socialistes. En outre, les dĂ©putĂ©s PS ont dĂ©posĂ© une proposition de loi visant Ă supprimer la limitation des allocations dâinsertion dans le temps pour les bĂ©nĂ©ficiaires qui prouvent une recherche active dâemploi34
4.4. Les mesures drastiques prises par le gouvernement MR N-VA
Depuis le 1er janvier 2015, la demande dâallocation dâinsertion doit ĂȘtre introduite avant le 25Ăšme anniversaire (auparavant câĂ©tait avant le 30Ăšme anniversaire). Depuis le 1er septembre 2015, les demandeurs dâemploi de moins de 21 ans doivent avoir obtenu le diplĂŽme de lâenseignement secondaire supĂ©rieur (y compris dans lâenseignement technique, professionnel et spĂ©cialisĂ©) ou avoir terminĂ© avec succĂšs une formation en alternance. Il ne sâagit donc plus dâavoir terminĂ© ses Ă©tudes mais bien de les avoir rĂ©ussies sous peine de devoir attendre lâĂąge de 21 ans pour introduire une demande dâallocations.
Le nouveau systĂšme sâattaque brutalement aux jeunes qui ont des parcours difficiles, qui ont un retard scolaire ou qui entreprennent de longues Ă©tudes. La perversitĂ© de lâabaissement de lâĂąge maximum rĂ©side aussi dans le fait quâune demande dâallocation ne peut jamais ĂȘtre introduite avant la fin du stage dâinsertion. Par consĂ©quent, un jeune qui atteint lâĂąge de 25 ans au cours de sa pĂ©riode de stage est exclu du bĂ©nĂ©fice des allocations (le jeune doit avoir fini son stage Ă 25 ans moins un jour au plus tard). Câest sans compter aussi que le stage est thĂ©oriquement de 12 mois. Il sâagit de 12 mois minimum Ă©tant donnĂ© quâil est prolongĂ© si le jeune nâa pas obtenu les deux Ă©valuations positives.
Signalons enfin que le gouvernement a dĂ©cidĂ© de rĂ©duire (ou plutĂŽt « dâinciter Ă rĂ©duire ») le salaire brut des jeunes de moins de 21 ans « sans expĂ©rience professionnelle » (notion Ă©lastique qui ne se limite pas au premier contrat de travail aprĂšs la fin des Ă©tudes)35. Si une compensation (exonĂ©rĂ©e de cotisations et de prĂ©compte professionnel) est obligatoire pour ne pas diminuer le salaire net, moins de salaire brut signifie aussi un calcul moins favorable pour les allocations de chĂŽmage. La mesure est scandaleuse et prĂ©sente aussi le risque de « carrousel » (remplacement de jeunes travailleurs non Ă©ligibles au systĂšme par dâautres qui le sont).
5. Une réforme structurelle des allocations de chÎmage
5.1. Lâindividualisation des droits36
La question de lâindividualisation des droits transcende Ă©videmment les particularitĂ©s propres au rĂ©gime du chĂŽmage. MĂȘme si quelques progrĂšs ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s ces derniĂšres annĂ©es37, les droits dĂ©rivĂ©s restent encore fort ancrĂ©s dans la sĂ©curitĂ© sociale. Pour une comprĂ©hension gĂ©nĂ©rale de la nĂ©cessitĂ© dâindividualiser les droits sociaux (neutralitĂ©, Ă©galitĂ©, Ă©quitĂ©, lutte contre la prĂ©caritĂ©), nous renvoyons le lecteur Ă lâEtat de la question publiĂ© par lâInstitut Emile Vandervelde en dĂ©cembre 2015 qui est prĂ©cisĂ©ment consacrĂ© Ă cette problĂ©matique38
Les dĂ©bats sur les visites domiciliaires des chĂŽmeurs et les transmissions automatiques des donnĂ©es Ă©nergĂ©tiques ont mis en Ă©vidence que la nĂ©cessitĂ© dâĂ©claircir des situations apparemment contradictoires nâexisterait tout simplement pas si les droits sociaux Ă©taient individualisĂ©s.
Dans une sociĂ©tĂ© oĂč deux revenus sont de plus en plus nĂ©cessaires pour rĂ©pondre aux besoins du mĂ©nage, la dĂ©gradation du droit Ă lâassurance pour les chĂŽmeurs cohabitants ayant perdu durablement leur emploi constitue une premiĂšre brĂšche dans notre systĂšme de protection contre la prĂ©caritĂ©. Non seulement le statut de cohabitant gĂ©nĂšre des tensions au sein des mĂ©nages (report de lâessentiel de la charge Ă©conomique sur le partenaire qui travaille) avec le risque de « casser les solidaritĂ©s », mais il est aussi profondĂ©ment injuste car le travailleur a peutĂȘtre davantage cotisĂ© quâun autre dont la configuration familiale est diffĂ©rente.
On refusera lâargument de « lâusage efficient des deniers de la sĂ©curitĂ© sociale », argument selon lequel câest prĂ©cisĂ©ment la perte dâun salaire unique au sein dâun mĂ©nage qui justifie un taux prĂ©fĂ©rentiel. La modulation familiale - qui justifierait une discrimination positive ou nĂ©gative - est dâautant moins pertinente que les publics ne sont absolument pas homogĂšnes au sein des catĂ©gories dans lesquelles, pourtant, on les « range ». Des « chefs de mĂ©nage » ou des « cohabitants » peuvent se trouver tout en haut ou tout en bas de lâĂ©chelle des salaires. Par ailleurs, les « catĂ©gories » ne rĂ©sistent plus aux nouvelles formes de vie comme, par exemple, la colocation (surtout chez les jeunes) oĂč on exige du chĂŽmeur et de ses colocataires (!) de prouver que chacun assume les charges de son « mĂ©nage personnel » (nourriture, entretien, loisirs, etc.), ceci indĂ©pendamment du partage du loyer et des charges locatives quâune certaine jurisprudence admet comme Ă©tant un mode normal de cohabitation vu le marchĂ© immobilier dans les grandes villes. A dĂ©faut de piĂšces justificatives, le chĂŽmeur se voit opposer la mise en commun du loyer et des charges locatives y affĂ©rentes, et le statut dâisolĂ© lui sera refusĂ© avec, Ă la clĂ©, rĂ©cupĂ©ration des « indus » et Ă©ventuellement sanction pour « fausse dĂ©claration ». La rĂ©glementation confine Ă lâabsurde.
Que lâon comprenne bien quâil ne sâagit pas, ici, dâopĂ©rer une individualisation « au rabais » qui serait complĂ©tĂ©e par un renvoi auprĂšs de diverses formes dâaide sociale alĂ©atoires octroyĂ©es par les CPAS pour rĂ©pondre à « lâĂ©tat de besoin » des mĂ©nages. Pour concrĂ©tiser cette rĂ©forme de grande envergure (pas uniquement dans le secteur du chĂŽmage), il faudra du temps et un budget important39
Lâindividualisation exige :
âą le maintien des droits acquis. Il nâest Ă©videmment pas question de provoquer un « choc social » dans la population en supprimant dâemblĂ©e le statut de « chef de mĂ©nage » ;
35 Loi du 14 dĂ©cembre 2017 relative Ă la relance Ă©conomique et au renforcement de la cohĂ©sion sociale. Ceci Ă contre-courant de lâaccord des partenaires sociaux du 28 mars 2013 qui supprimait les discriminations salariales basĂ©es sur lâĂąge.
36 170 engagements pour un futur idĂ©al (PS), Protections sociales (chapitre 14) - Lâindividualisation des droits sociaux : les droits attribuĂ©s Ă chacun indĂ©pendamment de sa situation familiale (proposition 146, p. 139).
37 En matiĂšre de chĂŽmage, le taux de remplacement est identique pour tous les chĂŽmeurs pendant les 12 premiers mois (quelle que soit leur situation familiale). Une mesure similaire a Ă©tĂ© prise dans lâincapacitĂ© de travail. Dans le secteur des pensions, la pension de survie a laissĂ© place Ă une allocation de transition.
38 Lâindividualisation des droits sociaux, Florence Lepoivre, Etat de la question (IEV), dĂ©cembre 2015.
39 170 engagements pour un futur idéal, p. 139.
âą un travail par Ă©tapes en donnant la prioritĂ© Ă lâalignement du statut cohabitant sur celui dâisolĂ© ;
⹠une information auprÚs des générations qui arrivent sur le marché du travail afin que leur choix de vie ne soit pas influencé par des « calculs » sur le « pour et le contre » (y compris au niveau fiscal) ;
âą les mĂ©nages monoparentaux confrontĂ©s au chĂŽmage (total ou partiel) doivent bĂ©nĂ©ficier dâun rĂ©gime prĂ©fĂ©rentiel tant que les services dâaccueil de lâenfance et les allocations familiales nâapportent pas une solution rĂ©ellement adaptĂ©e Ă la situation financiĂšre de ces mĂ©nages. On ne peut pas non plus dissocier cette problĂ©matique de celle des inĂ©galitĂ©s entre femmes et hommes dans la sphĂšre du travail. Le statut « chef de mĂ©nage » qui est reconnu Ă ces femmes qui Ă©lĂšvent seules des enfants sâapparente Ă une « prime Ă la solitude ». Lorsquâelles se remettent en couple ou lorsquâelles dĂ©cident de se solidariser avec dâautres personnes pour faire face aux difficultĂ©s de la vie quotidienne (logement, garde et bien-ĂȘtre des enfants, âŠ), elles basculent dans le statut le plus dĂ©favorable, celui de cohabitant. En supprimant ce dernier et en progressant dans lâindividualisation, on peut trĂšs bien envisager lâoctroi dâun supplĂ©ment comme dans le rĂ©gime des allocations familiales. Ce supplĂ©ment doit ĂȘtre au moins Ă©gal Ă la diffĂ©rence entre le taux mĂ©nage actuel et le taux isolĂ©40
5.2. La dégressivité des allocations et le principe assurantiel
La dĂ©gressivitĂ© des allocations de chĂŽmage est un vecteur dâanxiĂ©tĂ© et de contre-productivitĂ© dans le chef dâune personne Ă la recherche dâun emploi. La disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail ne se gagne pas en imaginant des « mĂ©canismes » qui aspirent progressivement le chĂŽmeur dans la pauvretĂ© et donc dans la « dĂ©brouille » au quotidien.
On a parfois prĂ©tendu que la rĂ©forme de 2012 avait renforcĂ© le principe dâassurance. En rĂ©alitĂ©, le « prix de lâassurance » a surtout Ă©tĂ© soldĂ© par un passage plus rapide dans la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage, sauf exceptions en fonction de lâĂąge, du passĂ© professionnel ou de lâincapacitĂ©. Les 65% pour tous en dĂ©but de chĂŽmage, câest positif mais cela ne vaut que pour 3 mois. La seconde pĂ©riode est pernicieuse dans la mesure oĂč les chĂŽmeurs (qui nâentrent pas dans les exceptions) subissent une dĂ©gressivitĂ© « accĂ©lĂ©rĂ©e ». Ceux qui nâont pas 5 ans de passĂ© professionnel passent rapidement en troisiĂšme pĂ©riode. Les autres bĂ©nĂ©ficient dâun « sursis » de 24 mois maximum (avec le couperet des phases de 6 mois).
Mettre fin Ă la dĂ©gressivitĂ©41 est techniquement complexe et exige des moyens budgĂ©taires importants dâautant plus quâune autre rĂ©forme doit ĂȘtre menĂ©e en parallĂšle, soit celle de lâindividualisation du droit.
Le dĂ©mantĂšlement des sous-pĂ©riodes de la seconde pĂ©riode de chĂŽmage implique Ă©videmment la suppression de la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage. Le forfait nâest rien dâautre que lâantichambre de la limitation dans le temps des allocations. Il nâa pas sa place dans un rĂ©gime dâassurance sociale.
5.3. Les travailleurs Ă temps partiel
La distinction entre les travailleurs Ă temps partiel involontaire (statut « maintien des droits ») avec AGR et sans AGR rĂ©sulte dâun pur calcul budgĂ©taire qui nâa pas de sens par rapport Ă la rĂ©alitĂ© souvent prĂ©caire que vivent ces travailleurs (des femmes pour la plupart). En effet, il suffit que le salaire dĂ©passe de quelques euros lâallocation de chĂŽmage complet (majorĂ©e du supplĂ©ment horaire) pour que le travailleur soit privĂ© de lâallocation complĂ©mentaire.
Le « maintien des droits » doit sâaccompagner :
âą dâune allocation suffisante pour un plus grand nombre de travailleurs Ă temps partiel involontaire (ce qui implique une rĂ©forme du calcul de lâAGR, notamment lâaugmentation du supplĂ©ment horaire et la neutralisation du bonus Ă lâemploi). ParallĂšlement, il tombe sous le sens que le droit doit aussi ĂȘtre individualisĂ© ;
âą dâune suppression du contrĂŽle de la disponibilitĂ© active des travailleurs Ă temps partiel avec AGR ;
âą dâune rĂ©forme de la rĂ©cente cotisation de responsabilisation Ă charge de lâemployeur (mise en place par le
40 En ce sens, p. 139 des 170 engagements pour un futur idéal
41 « (âŠ) Afin de respecter le principe fondamental qui rĂ©git la sĂ©curitĂ© sociale, Ă savoir le caractĂšre assurantiel de celle-ci, la suppression de la dĂ©gressivitĂ© des allocations de chĂŽmage, qui nâa pas dĂ©montrĂ© la moindre utilitĂ© dans la lutte contre le chĂŽmage et qui a uniquement pour consĂ©quence de prĂ©cipiter les chĂŽmeurs de longue durĂ©e dans la pauvretĂ© » (proposition 65 des 170 engagements pour un futur ideal, des allocations de chĂŽmage adaptĂ©es aux nouvelles rĂ©alitĂ©s, p. 74).
gouvernement MR N-VA). Le principe est positif mais le contrĂŽle et, surtout, le champ dâapplication et le mode de calcul ne sont pas transparents (risque de tension entre les « anciens » et les « nouveaux » travailleurs Ă temps partiel au sein des entreprises).
5.4. Un soutien réel à la jeunesse
En ce qui concerne les allocations dâinsertion, le caractĂšre dĂ©rogatoire au principe dâassurance qui sous-tend lâassurance chĂŽmage doit ĂȘtre maintenu afin de permettre Ă tous les jeunes de sâinsĂ©rer sur le marchĂ© de travail dans des conditions acceptables. On rappellera que les allocations dâinsertion ont pour objectif non pas dâindemniser un travailleur qui a Ă©tĂ© privĂ© de son travail pour des raisons indĂ©pendantes de sa volontĂ© mais de faciliter lâaccĂšs des jeunes au marchĂ© du travail42.
Par consĂ©quent, la mĂ©canique dâexclusion des jeunes qui terminent leurs Ă©tudes doit ĂȘtre supprimĂ©e.
A dĂ©faut dâaccord politique sur la suppression de la limitation dans le temps des allocations dâinsertion, quelles sont les alternatives possibles ?
âą Une rĂ©forme du stage pour lâobtention des allocations de chĂŽmage (nombre de jours de travail requis, pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence, Ăąge) afin de casser le « carrousel » des allocations dâinsertion et le tremplin vers lâexclusion. Câest particuliĂšrement important pour tous les emplois prĂ©caires (intĂ©rim, temps partiel, etc.).
âą Un Ă©largissement de la durĂ©e du droit aux allocations dâinsertion ou, Ă tout le moins, des possibilitĂ©s de prolongation qui ne sont pas discriminatoires. Exemple : les pĂ©riodes au cours desquelles le jeune demandeur dâemploi a obtenu une dispense (de disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail) pour suivre une formation ou des Ă©tudes ne sont pas neutralisĂ©es dans le calcul du crĂ©dit de 36 mois. Par contre, si au moment de lâexpiration de ce crĂ©dit une dispense est en cours, le jeune conserve ses allocations pendant toute la durĂ©e de la formation ou des Ă©tudes. Cette diffĂ©rentiation nâest pas logique. Elle nâincite pas le jeune Ă entamer une formation dĂšs le dĂ©but de sa pĂ©riode indemnisable. Au contraire, il y a un risque quâelle soit « instrumentalisĂ©e » dans lâunique but de prolonger le droit aux allocations.
âą Une durĂ©e du droit Ă©gale pour tous mais bien entendu portĂ©e « vers le haut ». Il nâest pas acceptable que des jeunes, souvent prĂ©carisĂ©s et contraints de vivre en cohabitation, soient discriminĂ©s par rapport Ă des jeunes chefs de mĂ©nage ou isolĂ©s.
Quant Ă lâouverture du droit aux allocations dâinsertion, les conditions supplĂ©mentaires imposĂ©es par le gouvernement MR N-VA sont totalement absurdes. Lâobjectif est clairement de tuer le rĂ©gime. LâĂąge de 30 ans maximum pour une premiĂšre demande doit ĂȘtre restaurĂ© et la condition dâobtenir un diplĂŽme doit ĂȘtre supprimĂ©e pour les moins de 21 ans. Pour ces derniers, une alternative pourrait ĂȘtre de conditionner le droit Ă lâengagement de suivre une formation.
ParallĂšlement, une rĂ©flexion est souhaitable concernant le maintien de la condition de nationalitĂ©. Il convient de cerner le contenu social exact de la protection offerte aux ressortissants belges dans les pays avec lesquels la Belgique a conclu un accord de rĂ©ciprocitĂ©. A partir dâune telle analyse, il faut se poser la question de savoir si lâargument de la rupture de la condition de rĂ©ciprocitĂ© est crĂ©dible ou suffisant dans lâhypothĂšse dâune ouverture du droit aux allocations dâinsertion aux ressortissants de tous les Etats Ă©trangers. En tout Ă©tat de cause, il nâest Ă©videmment pas question de supprimer les autres conditions de lâeffectivitĂ© du lien qui doit unir le ressortissant de nationalitĂ© Ă©trangĂšre « non privilĂ©giĂ© » Ă notre pays (rĂ©gularitĂ© du sĂ©jour, dĂ©tention dâun permis de travail, âŠ).
5.5. Lâactivation du comportement de recherche dâemploi
Le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active doit redĂ©finir un Ăąge « limite » rĂ©aliste par rapport au marchĂ© de lâemploi (60 ans est excessif) tout en nâabandonnant pas ceux qui ont dĂ©passĂ© cet Ăąge. A la demande de lâintĂ©ressĂ©, un service dâaide et de conseils pourrait remplacer la « disponibilitĂ© adaptĂ©e ». Cet entretien doit sortir du cadre Ă©triquĂ© de la recherche dâemploi pour rĂ©pondre aux besoins et aux aspirations du demandeur. La demande par lâintĂ©ressĂ© lui-mĂȘme offre des possibilitĂ©s dans le cadre de ce quâon appelle le « vieillissement actif » qui ne peut sâopĂ©rer dans un cadre contraignant.
Le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active des travailleurs Ă temps partiel involontaire avec AGR (en vigueur depuis le 1er septembre 2016) doit ĂȘtre supprimĂ©. Pourquoi ? Il existe des abus qui consistent Ă mettre en doute le caractĂšre rĂ©ellement involontaire du travail Ă temps partiel (suspicion de fausse dĂ©claration pour bĂ©nĂ©ficier du maintien des droits et Ă©ventuellement dâune allocation). Pour beaucoup de femmes, il sâagit pourtant dâun « choix contraint ». Elles sâexposent Ă une sanction si elles nâapportent pas des preuves suffisantes de recherche dâun emploi Ă temps plein ou, Ă tout le moins, dâune dĂ©marche active afin dâaugmenter leur temps de travail.
Pour les chĂŽmeurs complets qui nâont pas atteint lâĂąge « limite », le maintien de la « contractualisation » en cas dâĂ©chec lors du premier entretien doit ĂȘtre maintenu au regard de la philosophie qui sous-tend la disponibilitĂ© active. Afin dâassurer un Ă©quilibre entre les obligations qui incombent aux deux parties, un second entretien - sâil sâavĂšre positif - doit se solder par une offre concrĂšte et crĂ©dible permettant au chĂŽmeur de rĂ©intĂ©grer le marchĂ© de lâemploi43. Tant que le service rĂ©gional de lâemploi nâa pas rempli cette mission, un Ă©ventuel troisiĂšme entretien ne peut dĂ©boucher sur une sanction/exclusion.
En tout Ă©tat de cause, les sanctions doivent ĂȘtre revues et adaptĂ©es Ă lâindividualisation des droits. Il est inacceptable quâen cette matiĂšre aussi (et toujours), les cohabitants subissent des sanctions plus rapides et plus dures que les chefs de mĂ©nage et les isolĂ©s. Lâharmonisation des sanctions nâest Ă©videmment pas un « durcissement linĂ©aire » qui alignerait - par souci « dâĂ©galitĂ© » - tout le monde sur le sort actuel des cohabitants. Dâautre part, il sâimpose de prĂ©voir un droit de recours suspensif Ă chaque Ă©tape de la procĂ©dure (ce qui nâest pas le cas actuellement). Ainsi, par exemple, lors dâun premier entretien nĂ©gatif, le demandeur dâemploi Ă qui un « facilitateur » proposerait des obligations excessives ou irrĂ©alistes (cela existe !) doit avoir la possibilitĂ© dâintroduire un recours dans le dĂ©lai qui lui est imparti pour accepter ou ne pas accepter le « contrat » quâon tente de lui imposer.
6. Conclusion
Lâassurance chĂŽmage a Ă©tĂ© conçue pour couvrir un risque liĂ© Ă la perte de revenu en cas de manque de travail involontaire. A lâorigine, dans lâesprit des partenaires sociaux et des dĂ©cideurs politiques, cette situation ne pouvait ĂȘtre que transitoire, temporaire et marginale.
Cependant, Ă partir de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 70, le manque de travail est progressivement devenu durable. Câest ce quâon appelle le « chĂŽmage structurel ». Au fur et Ă mesure que ce phĂ©nomĂšne sâest dĂ©veloppĂ©, le rĂŽle de lâassurance sâest Ă©loignĂ© de la simple couverture dâun risque temporaire pour rĂ©pondre Ă un besoin liĂ© Ă la perte durable de revenu. Cependant, les impĂ©ratifs dâĂ©conomies budgĂ©taires qui ont vu le jour Ă partir des annĂ©es 80 ont amenĂ© les gouvernements Ă rendre le systĂšme de plus en plus sĂ©lectif et restrictif. Dâune part, une partie de la couverture du besoin a Ă©tĂ© rĂ©orientĂ©e au profit des chĂŽmeurs avec charge de famille au dĂ©triment des isolĂ©s et des mĂ©nages Ă deux revenus. Dâautre part, la tendance qui se dessine de plus en plus est de considĂ©rer lâassurance sociale comme lâaccessoire de la responsabilitĂ© individuelle. Cette « responsabilitĂ© » ne se limite pas au contrĂŽle de la disponibilitĂ© active et passive. Elle sâexprime aussi par la dĂ©gressivitĂ© qui nâest rien dâautre que le « marchepied » de la limitation dans le temps des allocations de chĂŽmage et par le dĂ©mantĂšlement des mĂ©canismes qui permettent un relĂąchement du lien entre la disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail et/ou de la carriĂšre professionnelle et le droit aux allocations de chĂŽmage (temps partiel involontaire, statut des chĂŽmeurs ĂągĂ©s, prĂ©pensions, dispense pour raisons sociales et familiales, etc.).
Notre rĂ©gime dâassurance chĂŽmage a Ă©tĂ© le meilleur rempart contre lâexclusion et le dĂ©veloppement de la pauvretĂ©. Aujourdâhui, ce rempart sâeffrite dangereusement sous le poids dâune rĂ©glementation plĂ©thorique qui, au fil du temps, a fini par Ă©branler les principes de justice sociale propre Ă notre pays.
Cette analyse, loin dâĂȘtre exhaustive, peut nous aider Ă approfondir les propositions ayant pour objectif de renouer avec le fil conducteur de notre sĂ©curitĂ© sociale, celui de prĂ©venir la pauvretĂ©.