L'assurance chomage-2018

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ETAT DE LA QUESTION

L’ASSURANCE CHÔMAGE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

Benoit ANCIAUX

DÉCEMBRE 2018

ER Gilles Doutrelepont13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles
POUR UNE RÉFORME
SOMMAIRE 1. Introduction 3 2. Les allocations de chĂŽmage 4 2.1. La modulation familiale des allocations 4 2.2. Le plan d’activation de recherche d’emploi 5 2.3. La dĂ©gressivitĂ© 5 2.3.1. PremiĂšre pĂ©riode de chĂŽmage (12 premiers mois) 6 2.3.2. DeuxiĂšme pĂ©riode (36 mois maximum) 6 2.3.3. TroisiĂšme pĂ©riode 6 2.3.4. Conclusion 6 2.4. Les attaques directes et indirectes du gouvernement MR N-VA 7 2.4.1. DĂ©gressivitĂ© « accĂ©lĂ©rĂ©e » en fonction du passĂ© professionnel 7 2.4.2. Suppression des complĂ©ments d’anciennetĂ© 8 2.4.3. Travailleurs Ă  temps partiel avec allocation de garantie de revenus 8 2.4.4. Raisons sociales et familiales 9 2.4.5. ChĂŽmage pour raison Ă©conomique 9 2.4.6. ContrĂŽle de la disponibilitĂ© active 9 2.4.8. Visites domiciliaires 10 3. SĂ©curitĂ© sociale et aide sociale 11 4. Les allocations d’insertion 11 4.1. La nature du rĂ©gime de l’indemnisation sur base des Ă©tudes 11 4.2. La condition mĂ©connue de la nationalitĂ© 12 4.3. La limitation dans le temps 12 4.4. Les mesures drastiques prises par le gouvernement MR N-VA 12 5. Une rĂ©forme structurelle des allocations de chĂŽmage 13 5.1. L’individualisation des droits 13 5.2. La dĂ©gressivitĂ© des allocations et le principe assurantiel 14
Etat de la Question 2018 ‱ IEV 3 5.3. Les travailleurs Ă  temps partiel 14 5.4. Un soutien rĂ©el Ă  la jeunesse 15 5.5. L’activation du comportement de recherche d’emploi 15 6. Conclusion 16

1. Introduction

Mieux adapter l’offre Ă  la demande est le dĂ©fi le plus important auquel notre marchĂ© du travail est (et sera) confrontĂ© aujourd’hui (et demain). Il ne s’agit pas d’un phĂ©nomĂšne qui touche exclusivement les demandeurs d’emploi mais aussi les travailleurs actifs qui sont de plus en plus exposĂ©s aux transformations Ă©conomiques et technologiques. Tant pour les premiers que pour les seconds, le risque de « dĂ©classement » est rĂ©el, surtout pour les moins qualifiĂ©s1

« De la destruction de certains emplois Ă  la modification profonde des relations de travail (individualisation des relations entre travailleurs et employeurs, structure en rĂ©seau et non plus pyramidale, etc.), la rĂ©volution numĂ©rique va avoir des consĂ©quences non nĂ©gligeables sur l’emploi (
). Dans le mĂȘme temps, l’économie 4.02 crĂ©era de nouvelles formes d’emplois desquels dĂ©couleront des nouveaux statuts »3

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on restera prudent sur ce qu’on appelle « les mĂ©tiers de demain ». Il est prĂ©fĂ©rable d’apprĂ©hender le phĂ©nomĂšne sous l’angle de l’évolution des fonctions. « Car Ă  l’avenir, on va passer d’une logique de mĂ©tier Ă  celle de portefeuille de compĂ©tences, avec une hybridation progressive des fonctions »4

D’autre part, bien qu’ils Ă©voluent aussi au niveau fonctionnel, des mĂ©tiers dits « classiques » (carreleur, carrossier, infirmier, boucher, cuisinier, etc.) sont aussi des mĂ©tiers d’avenir car ils souffrent actuellement de pĂ©nuries pour diverses raisons.

Certains se plaisent Ă  penser qu’il suffit d’opposer les chiffres du nombre d’emplois perdus Ă  ceux des mĂ©tiers en pĂ©nurie pour lesquels il y aurait quelques 143.000 offres d’emplois non satisfaites. Le slogan du « il n’y a qu’à » relĂšve du populisme. Il Ă©vacue d’emblĂ©e quatre problĂ©matiques qui sont au cƓur mĂȘme du diffĂ©rentiel entre l’offre et la demande : les qualifications « immĂ©diates » exigĂ©es par les employeurs5, les conditions de travail6, les ambitions personnelles du travailleur7 et un rĂ©gime d’allocations de chĂŽmage qui glisse dangereusement sur la pente de l’assistance8

S’il est donc primordial de renforcer les instruments dont disposent les pouvoirs publics et les partenaires sociaux afin qu’ils assurent cette transition9 dans une logique prospective du marchĂ© de l’emploi, il est tout aussi important de garantir Ă  la fois des emplois durables et de qualitĂ© et des moyens suffisants pour que les demandeurs d’emploi et les travailleurs actifs puissent y accĂ©der et - surtout - s’y maintenir.

Notre marché du travail est confronté à deux tendances lourdes.

La premiĂšre est le « dĂ©classement » que l’on observe sur le terrain qui aboutit, certes, Ă  une diminution des emplois peu qualifiĂ©s mais pas Ă  une diminution des emplois prĂ©caires. Au contraire, les travailleurs peu qualifiĂ©s sont de plus en plus soumis Ă  la concurrence de personnes de niveau de qualification intermĂ©diaire, qui les Ă©vincent mĂȘme dans la catĂ©gorie des professions dites « Ă©lĂ©mentaires ». Il s’ensuit que les exigences du marchĂ© - s’appuyant sur le gouvernement MR N-VA - fragmentent l’emploi au lieu de le construire, avec son cortĂšge d’insĂ©curitĂ© : « braderie » salariale, explosion du temps partiel, passage quasi-obligĂ© par l’intĂ©rim (avec parfois une « fidĂ©lisation » via des contrats Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e), moindre protection sociale, etc.

1 Les offres d’emploi qui exigent peu de qualification ne cessent de diminuer.

2 L’économie 4.0 (phĂ©nomĂšne de numĂ©risation des activitĂ©s de l’économie, quatriĂšme rĂ©volution industrielle) est entiĂšrement bĂątie sur un nouveau concept d’organisation des moyens de production et de distribution. Son fil directeur est la convergence du monde virtuel et de la gestion (finance/marketing) avec le monde rĂ©el, c’estĂ -dire en personnalisant - via (entre autres) la robotisation - la production des biens et services (ce qui implique une limitation ou mĂȘme une disparition des volumes « standardisĂ©s »).

3 170 engagements pour un futur idéal (PS), Emploi pour tous (chapitre 5), p. 67.

4 Le Forem a identifiĂ© les mĂ©tiers de demain, interview de Jean-Claude Chalon, directeur du service Analyse et prospective du marchĂ© de l’emploi (Amef), dans le journal Le Soir du 2 fĂ©vrier 2018.

5 CritĂšres qualitatifs exigĂ©s par les employeurs (diplĂŽme avec spĂ©cialisation, expĂ©rience professionnelle dans le secteur, connaissance approfondie des langues, etc.). Souvent les critĂšres sont excessifs. Les employeurs veulent des travailleurs opĂ©rationnels tout de suite (« clĂ©s sur porte ») alors que la formation continuĂ©e en entreprise est peut-ĂȘtre le meilleur gage de rĂ©ussite pour Ă©liminer les fonctions dites « critiques ».

6 Les conditions de travail ne se limitent pas à la pénibilité (horaires coupés, travail lourd, 
). Elles renvoient aussi à des salaires souvent trop bas par rapport aux exigences des employeurs.

7 On peut souscrire Ă  une obligation de « mise Ă  niveau » dans une activitĂ© professionnelle mais, en aucun cas, on ne peut adhĂ©rer Ă  un systĂšme qui obligerait un demandeur d’emploi Ă  se recycler dans une profession pour laquelle il n’a aucune motivation ou aucune possibilitĂ© matĂ©rielle de la poursuivre Ă  terme.

8 Un rĂ©gime de chĂŽmage qui n’assure pas la sĂ©curitĂ© d’existence est inacceptable et empĂȘche l’assurĂ© social de rechercher un emploi dans de bonnes conditions. Il gĂ©nĂšre une image nĂ©gative de soi, de l’isolement social, des problĂšmes de santĂ© et/ou de logement, etc. On peut se rĂ©fĂ©rer notamment Ă  certains passages d’un article publiĂ© dans le mensuel DĂ©mocratie - Les chĂŽmeurs : tous des glandeurs !?, 2 fĂ©vrier 2014, revue-democratie.be (rubrique Social > Protection sociale) - Ecrit par Christine Steinbach.

9 Partenariat entre les services régionaux et les opérateurs et/ou acteurs du marché (centres de compétence, etc.), formation en alternance, stages, formation continuée dans les entreprises, mesures sectorielles en faveur des groupes à risque, outplacement de qualité, 


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La seconde tendance est l’apparition de nouveaux « concepts » Ă©conomiques qui remettent parfois ouvertement en cause les fondements de notre droit du travail, de notre modĂšle social et de notre modĂšle fiscal. L’ubĂ©risation qui est une forme extrĂȘme de l’économie de plateforme10 exploite les failles juridiques de notre systĂšme socioĂ©conomique et crĂ©e de la concurrence dĂ©loyale et du dumping social (faux indĂ©pendants, contrats prĂ©caires, paiement Ă  la piĂšce, contournement des lois sociales, etc.). On assiste aussi Ă  la multiplication des boulots dits « d’appoint » qui bĂ©nĂ©ficient d’une exonĂ©ration sociale et fiscale : les flexi-jobs (d’abord dans le secteur horeca puis Ă©tendus dans d’autres secteurs) et, plus rĂ©cemment, les prestations effectuĂ©es au sein des sites agréés de l’économie de plateforme11 et la mesure « 500 euros par mois » pour les jobs de « proximitĂ© » ou de « temps libre » dont les avantages sont curieusement prĂ©sentĂ©s par le gouvernement comme « le prix de la cohĂ©sion sociale ».

La « nouvelle Ă©conomie » qui se dessine dĂ©montre la dĂ©rĂ©gulation de plus en plus forte de notre marchĂ© du travail. Le prĂ©sent Etat de la question n’a pas pour objet d’étudier l’état actuel et les perspectives du marchĂ© du travail en Belgique. De nombreuses Ă©tudes existent Ă  ce sujet et, Ă  ce propos, on peut se rĂ©fĂ©rer utilement aux travaux prospectifs du FOREM (percevoir les Ă©volutions futures des secteurs et mĂ©tiers afin d’influencer l’offre de prestation pour rĂ©pondre aux besoins de demain)12. Notre analyse, ici, se limite Ă  un fondement de notre sĂ©curitĂ© sociale, celui de l’assurance chĂŽmage qui est mise Ă  mal depuis plusieurs dĂ©cennies. Elle vise Ă©galement Ă  approfondir certaines propositions issues du Chantier des idĂ©es13

2. Les allocations de chĂŽmage

2.1. La modulation familiale des allocations

Dans le rĂ©gime du chĂŽmage, la diffĂ©rentiation « travailleur ayant charge de famille », « travailleur isolĂ© » et « travailleur cohabitant » peut apparaĂźtre de diverses maniĂšres. La plus connue est le taux diffĂ©renciĂ© (qui n’apparaĂźt aujourd’hui qu’en seconde pĂ©riode de chĂŽmage) mais la sĂ©lectivitĂ© s’exerce aussi via les minimums et les maximums.

Le caractĂšre liĂ© Ă  la famille de notre assurance chĂŽmage existait dĂšs le dĂ©but de la sĂ©curitĂ© sociale obligatoire. Pour s’en convaincre, il suffit de se rĂ©fĂ©rer Ă  l’article 7, § 1er, de l’arrĂȘtĂ©-loi du 28 dĂ©cembre 1944 concernant la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs salariĂ©s qui dispose encore aujourd’hui : « Dans les conditions que le Roi dĂ©termine, l’Office national de l’emploi a pour mission de (
) i) assurer, avec l’aide des organismes créées ou Ă  crĂ©er Ă  cette fin, le payement aux chĂŽmeurs involontaires et Ă  leur famille des allocations qui leur sont dues ». La dualitĂ© de l’assurance chĂŽmage qui s’exprime par un caractĂšre « en partie individuel » et « en partie liĂ© Ă  la famille » sera confirmĂ©e par des lĂ©gislations ultĂ©rieures. Ainsi, si l’article 7 de la loi du 29 juin 1981 Ă©tablissant les principes gĂ©nĂ©raux de la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs salariĂ©s se contente (sans plus) d’affirmer que les assurĂ©s sociaux en chĂŽmage involontaire complet ou partiel ont droit Ă  un revenu de remplacement, la disposition est immĂ©diatement « rattrapĂ©e » par l’article 3 qui dĂ©finit l’objectif de la sĂ©curitĂ© sociale (dans l’ensemble de ses branches) comme Ă©tant l’attribution d’un revenu de remplacement (ou de complĂ©ment) afin de prĂ©server le travailleur des consĂ©quences de certains risques du travail, de certaines situations de famille et conditions de vie.

La sĂ©lectivitĂ© familiale va ĂȘtre renforcĂ©e en pĂ©riode de crise et servir d’appui aux mesures prises pour tenter de maintenir l’équilibre financier de la sĂ©curitĂ© sociale.

Dans les annĂ©es 80, les deux gouvernements Martens-Gol ont surtout rĂ©duit les droits des chĂŽmeurs non chefs de mĂ©nage. Ce sont Ă©videmment les femmes qui payeront l’essentiel de la facture des « inflexions familialistes » de la politique menĂ©e par les gouvernements sociaux-chrĂ©tiens - libĂ©raux14. Ainsi, les droits des cohabitant(e)s seront rĂ©duits Ă  pas moins de quatre reprises : deux atteintes structurelles aux taux d’indemnisation15, une diminution de la seconde pĂ©riode de chĂŽmage16 et l’instauration d’un mĂ©canisme d’exclusion pour « chĂŽmage anormalement

10 A ce propos, voir L’économie collaborative et l’économie de plateforme pour construire une sociĂ©tĂ© plus juste, Nathan Lallemand, Etat de la Question (IEV), dĂ©cembre 2016.

11 Loi « De Croo ». Si le travailleur (peu importe son statut) perçoit un revenu infĂ©rieur Ă  5.000 euros brut par an, le taux d’imposition est de 10%.

12 https://www.leforem.be

13 170 engagements pour un futur idéal (PS).

14 La contradiction avec les politiques qui visent Ă  encourager les femmes Ă  intĂ©grer le marchĂ© du travail saute aux yeux. De plus, l’inĂ©galitĂ© de genre est accentuĂ©e par les dispenses de disponibilitĂ© accordĂ©es par l’ONEM qui profitent en trĂšs grande majoritĂ© aux hommes (prĂ©pensions, etc.).

15 ArrĂȘtĂ©s royaux du 30 mars 1982 et du 8 aoĂ»t 1986.

16 En 1986, la seconde période (12 mois) sera réduite de 6 mois (avec prolongation de 3 mois par année de travail).

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long » dont l’application dĂ©pendra des revenus du mĂ©nage17. Notons que, depuis 1981, les cohabitants qui entraient en troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage Ă©taient dĂ©jĂ  pĂ©nalisĂ©s par l’introduction d’une indemnitĂ© forfaitaire (Ă©gale Ă  40% du revenu minimum mensuel moyen garanti) sauf s’ils pouvaient prouver 20 ans de travail salariĂ© ou une incapacitĂ© de travail d’au moins 33%.

On peut affirmer que Martens-Gol a Ă©tĂ© le catalyseur d’un rĂ©gime de chĂŽmage de plus en plus sĂ©lectif basĂ© sur l’état de besoin rĂ©el ou supposĂ© des mĂ©nages. Si l’assurance sociale est par essence antinomique avec une enquĂȘte sur les moyens d’existence, cette dissociation doit fortement ĂȘtre nuancĂ©e. En effet, afin de dĂ©terminer si le taux « chef de mĂ©nage » peut ĂȘtre octroyĂ© au travailleur qui perd son emploi, l’état de besoin est apprĂ©hendĂ© par divers critĂšres de revenus18 (de remplacement ou mĂȘme de travail) dont disposent les personnes qui composent la cellule familiale de celui (ou de celle) qui perd son emploi.

Cette logique engendre des inĂ©galitĂ©s entre assurĂ©s sociaux. L’aspect « patriarcal »19 est dĂ©sexualisĂ© mais au profit de qui est considĂ©rĂ© comme le moteur Ă©conomique d’une cohabitation, l’homme le plus souvent.

2.2. Le plan d’activation de recherche d’emploi

C’est sous le deuxiĂšme gouvernement Verhofstadt (2003/2007) que la responsabilitĂ© « mesurĂ©e » des demandeurs d’emploi a vu le jour par rapport Ă  leur propre insertion sur le marchĂ© du travail20

La disponibilitĂ© active devient une nouvelle condition pour le maintien21 des allocations de chĂŽmage. Auparavant, seule la disponibilitĂ© dite « passive » (dont la notion n’était pas aussi vaste qu’aujourd’hui) Ă©tait contrĂŽlĂ©e Ă  l’exception de l’article 80 qui permettait aux chĂŽmeurs cohabitants menacĂ©s d’exclusion de prouver des efforts exceptionnels dans leur recherche d’emploi.

Le nouveau dispositif est une condition supplĂ©mentaire pour le maintien des droits au chĂŽmage. Pour les jeunes qui sortent des Ă©tudes, il est aujourd’hui une condition supplĂ©mentaire pour l’octroi et le maintien des allocations d’insertion (ex-allocations d’attente). Le plan d’activation a fait couler beaucoup d’encre et a suscitĂ© de nombreuses polĂ©miques. Certes, il est impossible d’assurer une parfaite Ă©galitĂ© des deux parties dans le processus. Dans le chef du « facilitateur », il y a toujours le risque de la subjectivitĂ© rĂ©elle ou d’une Ă©valuation dictĂ©e par la contrainte qu’elle soit budgĂ©taire ou tout simplement liĂ©e Ă  un « effet de groupe »22. Dans le chef du chĂŽmeur, de fausses recherches d’emploi et des jeux de manipulation sont Ă©galement possibles.

La philosophie du plan d’activation ne repose pas sur une « standardisation » qui induirait qu’il existe un « commun dĂ©nominateur » dans tout chĂŽmeur convoquĂ© pour une Ă©valuation. Une carence constatĂ©e dans le comportement doit tenir compte du profil socio-professionnel, de l’ñge et des conditions de vie de l’assurĂ© social. C’est l’objet mĂȘme de la « contractualisation » qui intervient Ă  l’issue d’un premier entretien s’il s’avĂšre nĂ©gatif.

En rĂ©sumĂ©, les allocations octroyĂ©es aux chefs de mĂ©nage et aux isolĂ©s sont rĂ©duites pendant quatre mois aux montants du revenu d’intĂ©gration sociale (RIS) Ă  l’issue d’un second entretien nĂ©gatif. Quant aux cohabitants, leurs allocations sont purement et simplement supprimĂ©es pendant quatre mois. A l’issue d’un troisiĂšme entretien nĂ©gatif, les chefs de mĂ©nage et les isolĂ©s continuent Ă  percevoir l’équivalent du RIS pendant six mois puis c’est l’exclusion dĂ©finitive. Par contre, les cohabitants sont directement exclus.

2.3. La dégressivité

Un rappel de la rĂ©glementation actuelle s’impose.

La rĂ©forme intervenue en 2012 n’a pas modifiĂ© le nombre de pĂ©riodes de chĂŽmage (il y en a trois) mais cellesci sont subdivisĂ©es autrement, un peu mieux indemnisĂ©es pendant les trois premiers mois, plus rapidement dĂ©gressives par la suite.

17 Le fameux « article 80 » de la réglementation du chÎmage.

18 Et non pas des « ressources » (revenu cadastral, revenus de biens mobiliers, etc.) comme dans les enquĂȘtes effectuĂ©es par les CPAS pour l’attribution du minimum de moyens d’existence.

19 170 engagements pour un futur idéal, op.cit. (Chapitre 14, Protections sociales, p.139).

20 La responsabilitĂ© « mesurĂ©e » signifie qu’il n’y a pas une obligation de rĂ©sultat dans le chef du chĂŽmeur mais bien une obligation de moyens.

21 Le maintien et non pas l’octroi des allocations, sauf pour les jeunes qui sortent des Ă©tudes qui verront une accessibilitĂ© aux allocations d’insertion de plus en plus contraignante Ă  partir de 2012.

22 Un facilitateur peut subir des pressions de la part de ses collĂšgues parce qu’il serait trop « laxiste ».

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2.3.1. PremiÚre période de chÎmage (12 premiers mois)

L’indemnisation est Ă©gale Ă  65% du salaire plafonnĂ© pour les trois premiers mois (plafond salarial supĂ©rieur). Elle est Ă©gale Ă  60% pour les trois mois suivants (mĂȘme plafond salarial) et Ă  60% pour les six derniers mois mais avec un plafond salarial moindre (plafond salarial moyen). Pendant la premiĂšre pĂ©riode, le taux d’indemnisation et le plafond salarial sont donc les mĂȘmes pour toutes les catĂ©gories mais le minimum diffĂšre selon la situation familiale.

La dĂ©gressivitĂ© s’exerce donc (dĂ©jĂ ) de trois maniĂšres : le taux diminue de 5% aprĂšs trois mois de chĂŽmage, le plafond salarial diminue aprĂšs six mois, le minimum est modulĂ© en fonction de la composition du mĂ©nage dĂšs le dĂ©but de la premiĂšre pĂ©riode.

2.3.2. DeuxiÚme période (36 mois maximum)

Pendant toute la deuxiĂšme pĂ©riode, le taux d’indemnisation est diffĂ©rent selon la catĂ©gorie Ă  laquelle appartient le chĂŽmeur. Les chefs de mĂ©nage conservent 60% de leur rĂ©munĂ©ration plafonnĂ©e, les isolĂ©s sont indemnisĂ©s Ă  concurrence de 55% et les cohabitants Ă  concurrence de 40%.

Le plafond salarial se rĂ©duit pour les trois catĂ©gories (plafond salarial de base). Le minimum est identique Ă  celui de la premiĂšre pĂ©riode Ă  l’exception du minimum « cohabitant » qui commence Ă  se rĂ©duire Ă  partir de la troisiĂšme sous-pĂ©riode.

Dans cette seconde période, il existe trois sous-périodes :

‱ la premiĂšre sous-pĂ©riode est fixe (deux mois) ;

‱ la seconde se calcule Ă  concurrence de deux mois par annĂ©e de travail salariĂ© (avec un maximum de dix mois) ;

‱ la troisiĂšme (pour autant qu’il reste un solde aprĂšs les dix mois) se calcule Ă  concurrence de deux mois par annĂ©e de travail (avec un maximum de 24 mois) mais une dĂ©gressivitĂ© intervient tous les six mois (donc quatre phases de six mois maximum).

Avec une telle mĂ©canique, on comprendra que celui qui ne comptabilise pas cinq ans de passĂ© professionnel passe rapidement Ă  la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage, donc au forfait. Exemple : un travailleur a un passĂ© professionnel de troi ans. Son indemnitĂ© « assurance » couvrira 12 mois (premiĂšre pĂ©riode) + 2 mois (sous-pĂ©riode fixe de la seconde pĂ©riode) + 6 mois (sous-pĂ©riode variable de la seconde pĂ©riode) = 20 mois. AprĂšs cette pĂ©riode, l’indemnitĂ© est forfaitaire (troisiĂšme pĂ©riode).

Il existe des exceptions qui tiennent compte du passĂ© professionnel (25 ans), de l’incapacitĂ© (inaptitude d’au moins 33%) ou de l’ñge (55 ans). Pour le chĂŽmeur concernĂ©, le montant de l’allocation auquel il a droit au cours de la seconde pĂ©riode est maintenu pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e.

2.3.3. TroisiÚme période

Les montants sont forfaitaires et n’ont plus aucun lien avec le salaire perdu. Ils varient en fonction de la configuration familiale de l’intĂ©ressĂ©.

2.3.4. Conclusion

Les explications qui ont Ă©tĂ© donnĂ©es ci-dessus n’ont pas la prĂ©tention d’épuiser la complexitĂ© du fonctionnement de la dĂ©gressivitĂ© dans toutes les situations que peuvent avoir les demandeurs d’emploi vis-Ă -vis de l’ONEM. Mais elles dĂ©montrent la dĂ©rive vers un systĂšme oĂč l’idĂ©e du « chĂŽmeur responsable de sa situation » supplante insidieusement le principe du droit Ă  un revenu de remplacement acceptable.

Notre sĂ©curitĂ© sociale a Ă©tĂ© bĂątie (notamment) sur le principe que chaque assujetti doit avoir une perspective claire de ses droits et de l’évolution de ses revenus en cas de perte d’emploi, de maladie ou de dĂ©part Ă  la retraite. Quelle est la prĂ©visibilitĂ© de sĂ©curitĂ© d’existence encore possible pour un demandeur d’emploi indemnisĂ© ?

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Il existe un tableau « technique » (avec une multitude de codes diffĂ©rents et de renvois Ă  des dispositions rĂ©glementaires) qui se trouve en annexe de l’article 114, § 1er, alinĂ©a 2, de l’arrĂȘtĂ© royal du 25 novembre 1991 portant rĂ©glementation gĂ©nĂ©rale du chĂŽmage. Nous le reproduisons, ici, pour que le lecteur comprenne bien ce « Ă  quoi » sont confrontĂ©s les chĂŽmeurs.

Période

(1) durĂ©e indĂ©terminĂ©e, s’il est satisfait au § 2, alinĂ©a 2

(2) si non-bĂ©nĂ©ficiaire du complĂ©ment d’anciennetĂ©

(3) si bĂ©nĂ©ficiaire du complĂ©ment d’anciennetĂ©

(4) la durée à laquelle peut prétendre le chÎmeur est fixée au § 2, alinéa 3 ou 5

(5) la durée à laquelle peut prétendre le chÎmeur est fixée au § 2, alinéa 4 ou 5

(6) pas d’application - voir les § 1er, alinĂ©a 3 et 4, § 2 et § 4

(7) pas d’application - voir les §§ 3 et 4

2.4. Les attaques directes et indirectes du gouvernement MR N-VA

La ligne directrice du gouvernement actuel n’est pas de cibler de nouvelles Ă©conomies sur les cohabitants (dont le statut a Ă©tĂ© rabaissĂ© Ă  des limites difficilement franchissables) mais de s’en prendre directement et indirectement (par le biais de la rĂ©forme des pensions) Ă  tous les chĂŽmeurs au travers des divers mĂ©canismes d’assurance et de solidaritĂ©.

Les atteintes - version « Michel » - Ă  la redistribution des revenus fondĂ©e sur la solidaritĂ© se distingue mĂȘme au niveau du saut d’index dont la linĂ©aritĂ© tranche avec les sauts d’index annuels appliquĂ©s pendant trois annĂ©es Ă  partir de 1984, lesquels ont Ă©tĂ© « adoucis » par une prime de rattrapage accordĂ©e aux allocateurs sociaux dĂ©tenteurs de revenus insuffisants (rĂ©fĂ©rence Ă  l’état de besoin). Le slogan MR N-VA des « compensations » accordĂ©es par l’enveloppe « bien-ĂȘtre » (rĂ©duites Ă  deux reprises sous cette lĂ©gislature) tĂ©moigne soit du cynisme soit de la mĂ©connaissance d’une loi que les libĂ©raux ont pourtant votĂ©e lors du pacte de solidaritĂ© entre les gĂ©nĂ©rations. Il faut garder Ă  l’esprit que les tensions au sein des composantes du gouvernement Michel ont parfois abouti Ă  des « amĂ©nagements » mais toujours 
 Ă  la marge !

2.4.1. Dégressivité « accélérée » en fonction du passé professionnel

Depuis le 1er novembre 2016, il faut désormais comptabiliser 25 ans de travail salarié pour échapper à la dégressivité « accélérée ».

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 8
d’indemnisation PremiĂšre pĂ©riode DeuxiĂšme pĂ©riode TroisiĂšme pĂ©riode Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 1 Phase 2.0 Phases intermĂ©diaires 2.1 Ă  2.4
de la période, exprimée en mois 3 3 6 2 ou indéterminé (1) maximum 10 ou indéterminé (4)
4 phases intermédiaires de 6 mois ou indéterminé
indétermi-
ayant charge de famille : pourcentage et montant limite 65 pct. limite C 60 pct. limite C 60 pct. limite B 60 pct. limite A 60 pct. limite A (6) (7) Travailleur isolé : pourcentage et montant limite 65 pct. limite C 60 pct. limite C 60 pct. limite B 55 pct. limite AY (2) limite A (3) 55 pct. limite AY (2) limite A (3) (6) (7) Travailleur cohabitant : pourcentage et montant limite 65 pct. limite C 60 pct. limite C 60 pct. limite B 40 pct. limite A 40 pct. limite A (6) (7)
Durée
maximum
(5)
né Travailleur

2.4.2. Suppression des complĂ©ments d’anciennetĂ©

A la suite de plusieurs accords interprofessionnels23, des complĂ©ments d’anciennetĂ© ont Ă©tĂ© introduits dans la rĂ©glementation du chĂŽmage fin des annĂ©es 80 Ă  l’initiative de Philippe Busquin, Ministre des Affaires sociales de l’époque. Ces complĂ©ments Ă©taient financĂ©s par une cotisation patronale spĂ©cifique (qui sera intĂ©grĂ©e plus tard dans la cotisation globale) et ils Ă©taient dus Ă  partir de l’ñge de 50 ans moyennant un an de chĂŽmage complet, une carriĂšre de salariĂ© d’au moins 20 ans et une demande de dispense de la disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail. L’objectif Ă©tait de rapprocher la situation des chĂŽmeurs ĂągĂ©s de celle des prĂ©pensionnĂ©s afin d’enrayer le chĂŽmage structurel des jeunes.

Notons que les conditions ont Ă©voluĂ© au fil du temps : obligation de maintenir la qualitĂ© de demandeur d’emploi jusqu’à un certain Ăąge (avec parfois des implications sur la disponibilitĂ© active du chĂŽmeur24) et, Ă  partir du 1er juillet 2012, relĂšvement Ă  55 ans de l’ñge d’octroi des complĂ©ments (sans toucher Ă  la condition de carriĂšre).

Concernant le volet « chĂŽmage », la suppression des complĂ©ments d’anciennetĂ© a Ă©tĂ© l’une des premiĂšres mesures prises par le gouvernement MR N-VA. Elle est effective depuis le 1er janvier 2015. Il existe des dĂ©rogations pour les travailleurs licenciĂ©s dans le cadre d’une restructuration d’entreprise et pour ceux qui Ă©taient occupĂ©s dans un mĂ©tier lourd mais, pour tous les autres chĂŽmeurs, la condition de carriĂšre est dĂ©sormais de 35 ans et l’ñge d’éligibilitĂ© augmente de 2 ans chaque annĂ©e pour atteindre finalement l’ñge lĂ©gal de la pension. Par consĂ©quent, la rĂšgle gĂ©nĂ©rale de l’octroi de ces complĂ©ments s’éteint progressivement.

2.4.3. Travailleurs Ă  temps partiel avec allocation de garantie de revenus

L’allocation de garantie de revenu (AGR) rĂ©sulte d’un calcul complexe dont l’objectif est de permettre au travailleur Ă  temps partiel involontaire d’obtenir davantage au niveau de ses revenus qu’une allocation de chĂŽmage complet. Environ 50.000 personnes (dont 79% de femmes) bĂ©nĂ©ficient de ce systĂšme, ce qui est trĂšs peu par rapport au nombre total de travailleurs Ă  temps partiel.

L’AGR consiste Ă  dĂ©duire la rĂ©munĂ©ration nette de l’allocation pour chĂŽmage complet, cette derniĂšre Ă©tant majorĂ©e d’un supplĂ©ment horaire.

A partir de 2017, l’AGR devait ĂȘtre purement et simplement rĂ©duite de 50% pour celles et ceux qui prestent Ă  temps partiel depuis 2 ans. Le gouvernement estimait que ces travailleuses/travailleurs sont responsables de leur « manque de travail » et qu’il leur « suffisait » de dĂ©crocher un temps plein. Un dĂ©ni total de la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Dans certains secteurs (la grande distribution, le nettoyage, 
), c’est le temps partiel ou c’est rien du tout. Le gouvernement a finalement renoncĂ© Ă  cette mesure pour la remplacer, Ă  partir de 2018, par une cotisation de responsabilisation Ă  charge des employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations vis-Ă -vis des travailleurs Ă  temps partiel avec AGR25

Depuis le 1er janvier 2015, des mesures d’économies ont nĂ©anmoins frappĂ© les travailleurs Ă  temps partiel avec AGR : rĂ©duction des supplĂ©ments horaires pour les isolĂ©s et pour les cohabitants, rĂ©intĂ©gration du bonus Ă  l’emploi dans la dĂ©finition de la rĂ©munĂ©ration nette. C’est sous la pression du PS qu’en 2008, l’inclusion du bonus Ă  l’emploi dans la rĂ©munĂ©ration nette prise en compte (pour le calcul de l’AGR) avait Ă©tĂ© supprimĂ©e. Cette inclusion augmentait le risque de piĂšge Ă  l’emploi car ce que l’on accordait par le bonus Ă©tait repris par la rĂ©glementation du chĂŽmage.

Il convient de noter que les restrictions apportĂ©es au bĂ©nĂ©fice de l’AGR ne sont pas l’apanage du gouvernement MR N-VA. DĂ©jĂ  en 2004, le rĂ©gime avait subi une cure d’austĂ©ritĂ© imposĂ©e par les libĂ©raux26

23 Les accords interprofessionnels qui avaient suivi la fermeture, en 1982, de l’entreprise de transformation de cuivre VTR Ă  Machelen (perte de 900 emplois). Les partenaires sociaux avaient Ă©tĂ© interpellĂ©s par des situations dramatiques oĂč des travailleurs ĂągĂ©s licenciĂ©s n’avaient pas droit Ă  la prĂ©pension et qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de revendre leur maison.

24 En 2013, le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active a Ă©tĂ© Ă©tendu jusqu’à l’ñge de 55 ans.

25 Loi-programme du 25 dĂ©cembre 2017 (article 156). Depuis la loi-programme du 22 dĂ©cembre 1989, les travailleurs Ă  temps partiel involontaire ont un droit de prioritĂ© pour l’obtention d’un emploi vacant au sein de l’entreprise (travail Ă  temps-plein ou autre travail Ă  temps partiel plus avantageux). Pour le maintien de l’AGR, ces travailleurs sont d’ailleurs tenus d’introduire une telle demande. A dĂ©faut de sanction, il est Ă©vident que l’obligation patronale restait souvent lettre-morte.

26 Conseil des Ministres de Gembloux du 17 janvier 2004 (gouvernement Verhofstadt II, libĂ©ral-socialiste). Les libĂ©raux ont fait « payer » les acquis socialistes obtenus lors du Conseil d’Ostende des 20 et 21 mars 2004 (mĂ©canisme biennal de liaison au bien-ĂȘtre des allocations sociales et des plafonds salariaux).

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 9

2.4.4. Raisons sociales et familiales

La dispense de disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail pour raisons sociales et familiales a Ă©tĂ© purement et simplement supprimĂ©e au 1er janvier 2015. Les chĂŽmeurs (en trĂšs grande majoritĂ© des femmes) n’avaient plus qu’à choisir entre le risque d’une sanction ou la sortie « volontaire » du rĂ©gime des allocations de chĂŽmage. La mesure Ă©tait d’autant plus scandaleuse qu’elle touchait des personnes qui faisaient preuve d’honnĂȘtetĂ© par rapport aux conditions d’octroi et de maintien des allocations de chĂŽmage. Il ne faut pas oublier que la dispense ne donne droit qu’à une allocation dĂ©risoire de moins de 300 euros par mois.

Face au tollĂ© gĂ©nĂ©ral, le Ministre Kris Peeters a adouci la mesure mais uniquement en faveur d’un public restreint, soit les chĂŽmeurs qui se dĂ©clarent « aidants proches ». Or, la dĂ©finition de l’aidant proche est strictement d’ordre mĂ©dical et l’ONEM peut y apporter des restrictions faute d’un cadre lĂ©gal suffisant. Il n’y a plus de marge pour d’autres situations sociales et familiales (Ă©ducation d’un enfant, problĂšmes de santĂ©, de garderie, de mobilitĂ©, etc.). De nombreuses personnes s’exposent dĂ©sormais Ă  des sanctions pour non disponibilitĂ©.

2.4.5. ChÎmage pour raison économique

En 2013, les taux des allocations de chĂŽmage temporaire pour raison Ă©conomique ont Ă©tĂ© harmonisĂ©s (70% pour tous). L’indemnisation ne dĂ©pend donc plus de la situation familiale.

Le gouvernement MR N-VA a non seulement rĂ©duit les allocations de 5% (le taux de remplacement passe ainsi de 70% Ă  65%) mais, depuis le 1er octobre 2016, elles ne sont attribuĂ©es - sauf exceptions - qu’aux travailleurs qui rĂ©pondent aux conditions pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier des allocations ordinaires27. Cette derniĂšre mesure s’attaque Ă  tous les travailleurs qui ne comptabilisent pas le nombre de jours de travail requis pour avoir droit au chĂŽmage ordinaire (ce nombre de jours augmente avec l’ñge). Autrement dit, ces travailleurs sont doublement pĂ©nalisĂ©s : les difficultĂ©s de l’entreprise (avec parfois les abus patronaux que l’on connaĂźt trop bien) et la privation de toute indemnisation. Pour les travailleurs non Ă©ligibles aux allocations ordinaires, ils n’auront « qu’à » puiser dans leurs Ă©conomies, faire appel au service social de l’entreprise (s’il existe !), Ă  la solidaritĂ© familiale ou au CPAS.

2.4.6. ContrÎle de la disponibilité active

Depuis le 1er janvier 2015, il n’y avait plus de limite d’ñge pour l’application du contrĂŽle du comportement de recherche d’emploi. Celle-ci Ă©tait donc applicable jusqu’à l’ñge de la pension (sous le gouvernement Di Rupo, l’ñge limite Ă©tait de 55 ans). Cette mesure dĂ©lirante ne concernait pas que les nouveaux entrants, ce qui voulait dire que des chĂŽmeurs ĂągĂ©s et des prĂ©pensionnĂ©s allaient brutalement devoir se justifier sur leur comportement de recherche d’emploi. Sous la pression syndicale, le Groupe des Dix Ă©tait parvenu en mars 2015 Ă  un accord sur la problĂ©matique. L’accord Ă©tait divisĂ© en deux volets : d’une part, la suppression de l’effet rĂ©troactif ; d’autre part, la suppression de la disponibilitĂ© active pour les nouveaux entrants et l’adaptation de la disponibilitĂ© passive (dispenses accordĂ©es suivant un critĂšre d’ñge couplĂ© Ă  une condition de carriĂšre).

FidĂšle Ă  ses habitudes d’écorner la concertation sociale, le gouvernement MR N-VA n’a entĂ©rinĂ© que le premier volet mais, pour le second, il a inventĂ© le concept de « disponibilitĂ© adaptĂ©e » qui n’est ni entiĂšrement « passive », ni entiĂšrement « active ». Le chĂŽmeur doit ĂȘtre inscrit comme demandeur d’emploi et collaborer positivement (sous peine d’ĂȘtre sanctionnĂ©) Ă  un accompagnement qui s’effectue conformĂ©ment Ă  un « plan d’action individuel », c’est-Ă -dire un plan qui doit tenir compte de son profil (expĂ©rience et compĂ©tences), de son Ăąge, de ses besoins et de ceux du marchĂ© du travail. Ce programme est proposĂ© par le service rĂ©gional de l’emploi.

En résumé :

‱ A partir de leur 60e anniversaire, les chĂŽmeurs ĂągĂ©s ne sont plus tenus de rechercher activement un emploi mais ils doivent (en principe) rĂ©pondre Ă  la condition de « disponibilitĂ© adaptĂ©e » jusqu’à l’ñge de la pension ;

‱ Des dispenses Ă  la « disponibilitĂ© adaptĂ©e » sont prĂ©vues. Elles ne sont jamais automatiques (elles doivent ĂȘtre demandĂ©es) et dĂ©pendent de conditions strictes.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 10
27 ArrĂȘtĂ© royal du 11 septembre 2016 renforçant les conditions d’octroi des allocations de chĂŽmage temporaire pour raisons Ă©conomiques versĂ©es par l’ONEM aux travailleurs.

Au regard de la rĂ©alitĂ© du marchĂ© du travail d’aujourd’hui, le gouvernement fait de l’activation une simple fin en soi (« de l’activation pour de l’activation ») parce qu’il sait trĂšs bien que les chances de retrouver un emploi sont quasi-inexistantes pour ce public.

2.4.7. Pensions

Dans une optique libérale, les périodes de chÎmage ne seraient pas tout à fait involontaires (certains se plaisent à penser que le chÎmeur de longue durée est responsable de sa situation) et elles ne comporteraient aucune « plus-value sociale »28

Le gouvernement MR N-VA a dĂ©cidĂ© que la deuxiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage ne donne plus des droits Ă  la pension que sur la base d’un droit minimum (« salaire fictif limitĂ© »), soit environ 2.000 euros brut (ce qui devrait prĂ©server les trĂšs bas salaires). Dans la version initiale du projet, tous les chĂŽmeurs (avec ou sans complĂ©ment d’entreprise) en seconde pĂ©riode et dont le salaire de rĂ©fĂ©rence Ă©tait supĂ©rieur au droit minimum Ă©taient visĂ©s, Ă  l’exception des chĂŽmeurs avec complĂ©ment d’entreprise (RCC) dans les cas de restructuration ou d’entreprise en difficultĂ©, de mĂ©tier lourd, de travail de nuit ou de carriĂšre longue29. AprĂšs un conflit avec les organisations syndicales et entre les partis de la majoritĂ©, il a Ă©tĂ© convenu que le systĂšme ne serait pas applicable aux travailleurs (sans RCC) qui entrent en chĂŽmage au plus tĂŽt Ă  partir de 50 ans. Pour ce qui concerne les chĂŽmeurs avec RCC, le systĂšme imaginĂ© par le Ministre Daniel Bacquelaine est complexe (par ces mesures dĂ©rogatoires et transitoires)30 mais le « salaire fictif limitĂ© » n’épargnera pas certaines catĂ©gories de ces travailleurs.

Les pĂ©riodes assimilĂ©es constituent le principal mĂ©canisme de solidaritĂ© dans le rĂ©gime des pensions. Ce mĂ©canisme est donc rompu par une sĂ©lectivitĂ© complexe qui pĂ©nalisera fortement les chĂŽmeurs dont le salaire de rĂ©fĂ©rence Ă©tait moyen ou supĂ©rieur. Comme on l’a vu, la deuxiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage dĂ©pend de la durĂ©e de la carriĂšre. En s’attaquant Ă  cette pĂ©riode pour les droits Ă  la pension, le gouvernement MR N-VA s’en prend aussi au principe d’assurance car celui-ci fonctionne Ă  deux niveaux : le premier a pour objectif de protĂ©ger immĂ©diatement le travailleur en cas de perte de ses revenus professionnels (le chĂŽmage, la maladie, etc.), le second entend remĂ©dier aux consĂ©quences ultĂ©rieures de cette perte de revenus (la pension). En outre, le gouvernement ne fait pas de diffĂ©rence entre ceux qui ont peu ou beaucoup travaillĂ©/cotisĂ©. L’exception pour les chĂŽmeurs ĂągĂ©s d’au moins 50 ans relĂšve d’un constat selon lequel cette catĂ©gorie Ă©prouve des difficultĂ©s sur le marchĂ© de l’emploi, sans plus.

Les atteintes aux pĂ©riodes assimilĂ©es procĂšdent d’un mode de pensĂ©e qui consiste Ă  dire que l’assurance sociale doit progressivement devenir subsidiaire Ă  la « responsabilitĂ© ». Le mĂȘme raisonnement pourrait trĂšs bien ĂȘtre appliquĂ© au rĂ©gime de l’incapacitĂ© de travail si les vellĂ©itĂ©s (rĂ©currentes) des partis de droite de sanctionner les malades de longue durĂ©e « rĂ©calcitrants » aux plans de rĂ©intĂ©gration professionnelle devaient un jour aboutir. Le pire a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©. Les sanctions ne convergent pas (momentanĂ©ment ?) vers un raisonnement selon lequel l’incapacitĂ© ne serait pas tout Ă  fait « involontaire ».

Une deuxiĂšme mesure qui restreint les droits des chĂŽmeurs pour le calcul de leur pension est la suppression des « 45 annĂ©es les plus favorables », la ligne directrice de la rĂ©forme sur l’unitĂ© de carriĂšre Ă©tant de « rĂ©compenser certains en sanctionnant tous les autres ». Les chĂŽmeurs ĂągĂ©s (avec ou sans complĂ©ment d’entreprise) sont clairement stigmatisĂ©s. S’ils dĂ©passent les 45 annĂ©es quand ils sont au chĂŽmage, leur pension se calculera dĂ©sormais sur les 45 premiĂšres annĂ©es. On comprendra que ce sont les travailleurs qui ont commencĂ© Ă  travailler trĂšs tĂŽt qui payeront le coĂ»t de la rĂ©forme. Le gouvernement estime que les chĂŽmeurs ĂągĂ©s n’ont « qu’à » prendre leur pension car ils procĂšdent souvent d’une forme « d’ingĂ©nierie sociale » tirant sur les pĂ©riodes assimilĂ©es pour augmenter le montant de leur pension. Il faut encore mentionner que l’interdiction de la retraite anticipĂ©e pour les chĂŽmeurs avec complĂ©ment d’entreprise est dĂ©sormais levĂ©e. Par consĂ©quent, les travailleurs concernĂ©s risquent de subir des pressions de la part des employeurs qui ne manqueront pas de voir dans cette nouvelle mesure un nouvel allĂšgement de leurs charges (suppression du complĂ©ment d’entreprise).

2.4.8. Visites domiciliaires

28 Affirmer que le chĂŽmage ne prĂ©sente aucune « plus-value sociale » est une insulte aux milliers de demandeurs d’emploi qui font des efforts importants pour retrouver un emploi, qui suivent des formations pour amĂ©liorer leur employabilitĂ© ou pour dĂ©marrer une activitĂ© d’indĂ©pendant, qui se recyclent dans un mĂ©tier en pĂ©nurie ou qui cumulent les efforts avec une activitĂ© de bĂ©nĂ©vole.

29 La rĂ©forme n’a Ă©videmment pas d’impact pour les personnes dont le droit au chĂŽmage n’est pas subdivisĂ© en pĂ©riodes (chĂŽmage Ă©conomique, allocations d’insertion, temps partiel avec AGR, etc.).

30 ArrĂȘtĂ© royal du 19 dĂ©cembre 2017 modifiant l’article 24bis et l’article 34 de l’arrĂȘtĂ© royal du 21 dĂ©cembre 1967 portant rĂšglement gĂ©nĂ©ral du rĂ©gime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariĂ©s. Cet arrĂȘtĂ© royal fait actuellement l’objet d’un recours auprĂšs du Conseil d’Etat par les trois organisations syndicales.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 11

En 1999, le PS avait exigĂ© (et obtenu) une avancĂ©e majeure vers la fin des contrĂŽles inopinĂ©s au domicile des chĂŽmeurs qui s’apparentaient Ă  de vĂ©ritables pratiques policiĂšres d’investigation. On se souviendra de cas « emblĂ©matiques » comme le relevĂ© du courrier sur la table de salon, celui du nombre de brosses Ă  dents dans la salle de bain, le contrĂŽle de la garde-robe et mĂȘme l’inspection des lits !

Lors du gouvernement Verhofstadt 1er, c’est la Ministre socialiste Laurette Onkelinx qui a achevĂ© la rĂ©forme en interdisant les visites domiciliaires sauf si l’intĂ©ressĂ© donne son accord explicite aprĂšs une audition prĂ©alable (le chĂŽmeur doit ĂȘtre invitĂ© Ă  cette audition au moins 10 jours Ă  l’avance et il a le droit de se faire assister par une tierce personne). Les droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution (inviolabilitĂ© du domicile et respect de la vie privĂ©e) se sont imposĂ©s face aux dĂ©rives d’une administration qui avait Ă©tĂ© jusqu’à justifier ses mĂ©thodes au nom de la « prĂ©vention contre la fraude ».

Estimant que la lĂ©gislation actuelle donne « un coup de pouce Ă  la fraude au lieu de la dĂ©courager », le gouvernement MR N-VA a supprimĂ© l’obligation lĂ©gale d’avertir prĂ©alablement le chĂŽmeur soupçonnĂ© d’avoir fait une fausse dĂ©claration de composition de mĂ©nage31. Non seulement la mesure est intimidante et disproportionnĂ©e par rapport au but recherchĂ©, mais elle est aussi inutile de l’aveu mĂȘme de l’ONEM. En effet, les moyens mis Ă  la disposition des fonctionnaires permettent aisĂ©ment de confronter l’exactitude d’une dĂ©claration de composition familiale avec des Ă©lĂ©ments qui tendent Ă  la contredire. Ceci dans le cadre d’un dĂ©bat contradictoire dans les locaux de l’ONEM et non pas lors d’une visite domiciliaire inopinĂ©e oĂč, au-delĂ  de l’aspect humiliant pour la personne, des dĂ©rapages sont toujours possibles et l’ont d’ailleurs Ă©tĂ© - largement - dans les annĂ©es 90.

3. Sécurité sociale et aide sociale

Il est Ă©vident que des « passerelles » existent entre notre assurance chĂŽmage et notre systĂšme d’aide sociale : d’une part, des mĂ©canismes font que des chĂŽmeurs peuvent ĂȘtre exclus du bĂ©nĂ©fice des allocations et solliciter l’aide du CPAS (« dernier filet » contre l’insĂ©curitĂ© d’existence) et, d’autre part, des bĂ©nĂ©ficiaires de l’aide sociale (RIS ou aide financiĂšre ordinaire) peuvent ĂȘtre mis au travail par le CPAS pour renouer le lien d’admissibilitĂ© Ă  l’assurance (art. 60, § 7, et 61 de la loi organique).

Etant donnĂ© les possibilitĂ©s de « va et vient » entre les deux rĂ©gimes et le poids de la solidaritĂ© dans l’assurance chĂŽmage (qui gĂ©nĂšre au fil du temps un rapprochement avec les montants du RIS), il n’est pas Ă©tonnant que certains plaident pour une limitation dans le temps du bĂ©nĂ©fice de l’assurance.

L’argument qui donne du grain Ă  moudre aux partisans d’une telle rĂ©forme est la forfaitarisation qui intervient en troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage. En outre, le calcul de la pension sur base d’un droit minimum pour une partie des chĂŽmeurs qui sont en seconde pĂ©riode est un tremplin pour poursuivre la forfaitarisation. Le lien avec le dernier salaire (tant pour le chĂŽmage que pour la pension) serait ainsi progressivement limitĂ© aux seuls 12 premiers mois d’inactivitĂ©. Ensuite, un « passage » vers l’une ou l’autre forme d’aide sociale amĂ©nagĂ©e (ou non amĂ©nagĂ©e) serait organisĂ© avec l’implication des CPAS. Un tel scĂ©nario n’est pas une fiction. Il a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par l’Open VLD et la N-VA lors du conclave budgĂ©taire pour l’annĂ©e 2017.

4. Les allocations d’insertion

4.1. La nature du rĂ©gime de l’indemnisation sur base des Ă©tudes

Les allocations d’insertion ne relùvent ni d’une logique assurantielle ni d’une logique d’assistance32

Contrairement Ă  ce que l’on pense parfois, il ne s’agit pas d’un droit « dĂ©rivĂ© » dans le sens oĂč il n’est pas requis qu’un lien (de parentĂ©, de cohabitation ou d’alliance) existe entre un jeune qui a terminĂ© ses Ă©tudes et un titulaire de droits directs dans la sĂ©curitĂ© sociale des salariĂ©s. Ainsi, le droit est ouvert aux enfants des travailleurs indĂ©pendants ou des fonctionnaires au mĂȘme titre que ceux des salariĂ©s ou de tout jeune - en principe (voir 4.2.)

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Loi-programme du 10 août 2015.
Il n’y a pas d’enquĂȘte sur les revenus pour les allocations d’insertion.

- qui a terminé ses études en Belgique et indépendamment du statut « social » de ses parents.

Les montants attribués sont forfaitaires, non dégressifs, et varient selon la situation de vie du jeune (chef de ménage, isolé ou cohabitant).

4.2. La condition méconnue de la nationalité

L’arrĂȘtĂ©-loi du 28 dĂ©cembre 1944 concernant la sĂ©curitĂ© sociale des travailleurs dispose, en son article 7, § 14, alinĂ©a 4, que s’agissant des travailleurs Ă©trangers ou apatrides, « le droit aux allocations sur la base des Ă©tudes suivies ne s’applique que dans les limites d’une convention bilatĂ©rale ou internationale (
) ». ConcrĂštement, les allocations sont accordĂ©es aux ressortissants d’Etats qui assimilent les ressortissants belges Ă  leurs propres nationaux (pays de l’Union europĂ©enne ou de l’Espace Ă©conomique europĂ©en) et aux ressortissants d’Etats avec lesquels la Belgique a conclu des accords bilatĂ©raux de rĂ©ciprocitĂ© en raison du fait que ces Etats fournissent ou ont fourni par le passĂ© un contingent important de main-d’Ɠuvre (Maroc, AlgĂ©rie, Tunisie, Turquie).

Dans une question prĂ©judicielle posĂ©e par le tribunal du travail de Bruxelles dans un litige qui opposait une ressortissante congolaise Ă  l’ONEM, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que l’article 7, § 14, alinĂ©a 4, de l’arrĂȘtĂ©-loi de 1944 ne violait pas les articles de la Constitution invoquĂ©s par la demanderesse (lus en combinaison avec certaines dispositions de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme)33. Mise Ă  part la condition de nationalitĂ©, la ressortissante congolaise remplissait toutes les autres conditions d’octroi des allocations d’insertion de nature Ă  dĂ©montrer son lien effectif avec la Belgique.

D’autre part, rappelant qu’il ne saurait ĂȘtre question de discrimination que si la diffĂ©rence de traitement entraĂźne une restriction disproportionnĂ©e des droits des personnes concernĂ©es, la Cour constitutionnelle a considĂ©rĂ© que la demanderesse avait droit Ă  l’aide sociale accordĂ©e par le CPAS et qu’il n’était pas dĂ©nuĂ© de justification raisonnable - compte tenu entre autres du coĂ»t financier du systĂšme (qui n’est pas de l’assurance) - de rĂ©server l’allocation d’insertion aux seuls nationaux et aux ressortissants de pays avec lesquels notre pays avait conclu un accord de rĂ©ciprocitĂ©.

4.3. La limitation dans le temps

Lors de la crise institutionnelle de 541 jours que notre pays a connue en 2010-2011, les libĂ©raux flamands ont mis comme condition Ă  leur participation au gouvernement la limitation dans le temps des allocations d’insertion.

Des amĂ©nagements au principe ont Ă©tĂ© rendus possibles pour l’action des dĂ©putĂ©s socialistes. En outre, les dĂ©putĂ©s PS ont dĂ©posĂ© une proposition de loi visant Ă  supprimer la limitation des allocations d’insertion dans le temps pour les bĂ©nĂ©ficiaires qui prouvent une recherche active d’emploi34

4.4. Les mesures drastiques prises par le gouvernement MR N-VA

Depuis le 1er janvier 2015, la demande d’allocation d’insertion doit ĂȘtre introduite avant le 25Ăšme anniversaire (auparavant c’était avant le 30Ăšme anniversaire). Depuis le 1er septembre 2015, les demandeurs d’emploi de moins de 21 ans doivent avoir obtenu le diplĂŽme de l’enseignement secondaire supĂ©rieur (y compris dans l’enseignement technique, professionnel et spĂ©cialisĂ©) ou avoir terminĂ© avec succĂšs une formation en alternance. Il ne s’agit donc plus d’avoir terminĂ© ses Ă©tudes mais bien de les avoir rĂ©ussies sous peine de devoir attendre l’ñge de 21 ans pour introduire une demande d’allocations.

Le nouveau systĂšme s’attaque brutalement aux jeunes qui ont des parcours difficiles, qui ont un retard scolaire ou qui entreprennent de longues Ă©tudes. La perversitĂ© de l’abaissement de l’ñge maximum rĂ©side aussi dans le fait qu’une demande d’allocation ne peut jamais ĂȘtre introduite avant la fin du stage d’insertion. Par consĂ©quent, un jeune qui atteint l’ñge de 25 ans au cours de sa pĂ©riode de stage est exclu du bĂ©nĂ©fice des allocations (le jeune doit avoir fini son stage Ă  25 ans moins un jour au plus tard). C’est sans compter aussi que le stage est thĂ©oriquement de 12 mois. Il s’agit de 12 mois minimum Ă©tant donnĂ© qu’il est prolongĂ© si le jeune n’a pas obtenu les deux Ă©valuations positives.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 13
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ArrĂȘt n° 9/2017 du 25 janvier 2017 (numĂ©ro du rĂŽle : 6356).
Doc
0784/001.

Signalons enfin que le gouvernement a dĂ©cidĂ© de rĂ©duire (ou plutĂŽt « d’inciter Ă  rĂ©duire ») le salaire brut des jeunes de moins de 21 ans « sans expĂ©rience professionnelle » (notion Ă©lastique qui ne se limite pas au premier contrat de travail aprĂšs la fin des Ă©tudes)35. Si une compensation (exonĂ©rĂ©e de cotisations et de prĂ©compte professionnel) est obligatoire pour ne pas diminuer le salaire net, moins de salaire brut signifie aussi un calcul moins favorable pour les allocations de chĂŽmage. La mesure est scandaleuse et prĂ©sente aussi le risque de « carrousel » (remplacement de jeunes travailleurs non Ă©ligibles au systĂšme par d’autres qui le sont).

5. Une réforme structurelle des allocations de chÎmage

5.1. L’individualisation des droits36

La question de l’individualisation des droits transcende Ă©videmment les particularitĂ©s propres au rĂ©gime du chĂŽmage. MĂȘme si quelques progrĂšs ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s ces derniĂšres annĂ©es37, les droits dĂ©rivĂ©s restent encore fort ancrĂ©s dans la sĂ©curitĂ© sociale. Pour une comprĂ©hension gĂ©nĂ©rale de la nĂ©cessitĂ© d’individualiser les droits sociaux (neutralitĂ©, Ă©galitĂ©, Ă©quitĂ©, lutte contre la prĂ©caritĂ©), nous renvoyons le lecteur Ă  l’Etat de la question publiĂ© par l’Institut Emile Vandervelde en dĂ©cembre 2015 qui est prĂ©cisĂ©ment consacrĂ© Ă  cette problĂ©matique38

Les dĂ©bats sur les visites domiciliaires des chĂŽmeurs et les transmissions automatiques des donnĂ©es Ă©nergĂ©tiques ont mis en Ă©vidence que la nĂ©cessitĂ© d’éclaircir des situations apparemment contradictoires n’existerait tout simplement pas si les droits sociaux Ă©taient individualisĂ©s.

Dans une sociĂ©tĂ© oĂč deux revenus sont de plus en plus nĂ©cessaires pour rĂ©pondre aux besoins du mĂ©nage, la dĂ©gradation du droit Ă  l’assurance pour les chĂŽmeurs cohabitants ayant perdu durablement leur emploi constitue une premiĂšre brĂšche dans notre systĂšme de protection contre la prĂ©caritĂ©. Non seulement le statut de cohabitant gĂ©nĂšre des tensions au sein des mĂ©nages (report de l’essentiel de la charge Ă©conomique sur le partenaire qui travaille) avec le risque de « casser les solidaritĂ©s », mais il est aussi profondĂ©ment injuste car le travailleur a peutĂȘtre davantage cotisĂ© qu’un autre dont la configuration familiale est diffĂ©rente.

On refusera l’argument de « l’usage efficient des deniers de la sĂ©curitĂ© sociale », argument selon lequel c’est prĂ©cisĂ©ment la perte d’un salaire unique au sein d’un mĂ©nage qui justifie un taux prĂ©fĂ©rentiel. La modulation familiale - qui justifierait une discrimination positive ou nĂ©gative - est d’autant moins pertinente que les publics ne sont absolument pas homogĂšnes au sein des catĂ©gories dans lesquelles, pourtant, on les « range ». Des « chefs de mĂ©nage » ou des « cohabitants » peuvent se trouver tout en haut ou tout en bas de l’échelle des salaires. Par ailleurs, les « catĂ©gories » ne rĂ©sistent plus aux nouvelles formes de vie comme, par exemple, la colocation (surtout chez les jeunes) oĂč on exige du chĂŽmeur et de ses colocataires (!) de prouver que chacun assume les charges de son « mĂ©nage personnel » (nourriture, entretien, loisirs, etc.), ceci indĂ©pendamment du partage du loyer et des charges locatives qu’une certaine jurisprudence admet comme Ă©tant un mode normal de cohabitation vu le marchĂ© immobilier dans les grandes villes. A dĂ©faut de piĂšces justificatives, le chĂŽmeur se voit opposer la mise en commun du loyer et des charges locatives y affĂ©rentes, et le statut d’isolĂ© lui sera refusĂ© avec, Ă  la clĂ©, rĂ©cupĂ©ration des « indus » et Ă©ventuellement sanction pour « fausse dĂ©claration ». La rĂ©glementation confine Ă  l’absurde.

Que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas, ici, d’opĂ©rer une individualisation « au rabais » qui serait complĂ©tĂ©e par un renvoi auprĂšs de diverses formes d’aide sociale alĂ©atoires octroyĂ©es par les CPAS pour rĂ©pondre Ă  « l’état de besoin » des mĂ©nages. Pour concrĂ©tiser cette rĂ©forme de grande envergure (pas uniquement dans le secteur du chĂŽmage), il faudra du temps et un budget important39

L’individualisation exige :

‱ le maintien des droits acquis. Il n’est Ă©videmment pas question de provoquer un « choc social » dans la population en supprimant d’emblĂ©e le statut de « chef de mĂ©nage » ;

35 Loi du 14 dĂ©cembre 2017 relative Ă  la relance Ă©conomique et au renforcement de la cohĂ©sion sociale. Ceci Ă  contre-courant de l’accord des partenaires sociaux du 28 mars 2013 qui supprimait les discriminations salariales basĂ©es sur l’ñge.

36 170 engagements pour un futur idĂ©al (PS), Protections sociales (chapitre 14) - L’individualisation des droits sociaux : les droits attribuĂ©s Ă  chacun indĂ©pendamment de sa situation familiale (proposition 146, p. 139).

37 En matiĂšre de chĂŽmage, le taux de remplacement est identique pour tous les chĂŽmeurs pendant les 12 premiers mois (quelle que soit leur situation familiale). Une mesure similaire a Ă©tĂ© prise dans l’incapacitĂ© de travail. Dans le secteur des pensions, la pension de survie a laissĂ© place Ă  une allocation de transition.

38 L’individualisation des droits sociaux, Florence Lepoivre, Etat de la question (IEV), dĂ©cembre 2015.

39 170 engagements pour un futur idéal, p. 139.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 14

‱ un travail par Ă©tapes en donnant la prioritĂ© Ă  l’alignement du statut cohabitant sur celui d’isolĂ© ;

‱ une information auprĂšs des gĂ©nĂ©rations qui arrivent sur le marchĂ© du travail afin que leur choix de vie ne soit pas influencĂ© par des « calculs » sur le « pour et le contre » (y compris au niveau fiscal) ;

‱ les mĂ©nages monoparentaux confrontĂ©s au chĂŽmage (total ou partiel) doivent bĂ©nĂ©ficier d’un rĂ©gime prĂ©fĂ©rentiel tant que les services d’accueil de l’enfance et les allocations familiales n’apportent pas une solution rĂ©ellement adaptĂ©e Ă  la situation financiĂšre de ces mĂ©nages. On ne peut pas non plus dissocier cette problĂ©matique de celle des inĂ©galitĂ©s entre femmes et hommes dans la sphĂšre du travail. Le statut « chef de mĂ©nage » qui est reconnu Ă  ces femmes qui Ă©lĂšvent seules des enfants s’apparente Ă  une « prime Ă  la solitude ». Lorsqu’elles se remettent en couple ou lorsqu’elles dĂ©cident de se solidariser avec d’autres personnes pour faire face aux difficultĂ©s de la vie quotidienne (logement, garde et bien-ĂȘtre des enfants, 
), elles basculent dans le statut le plus dĂ©favorable, celui de cohabitant. En supprimant ce dernier et en progressant dans l’individualisation, on peut trĂšs bien envisager l’octroi d’un supplĂ©ment comme dans le rĂ©gime des allocations familiales. Ce supplĂ©ment doit ĂȘtre au moins Ă©gal Ă  la diffĂ©rence entre le taux mĂ©nage actuel et le taux isolĂ©40

5.2. La dégressivité des allocations et le principe assurantiel

La dĂ©gressivitĂ© des allocations de chĂŽmage est un vecteur d’anxiĂ©tĂ© et de contre-productivitĂ© dans le chef d’une personne Ă  la recherche d’un emploi. La disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail ne se gagne pas en imaginant des « mĂ©canismes » qui aspirent progressivement le chĂŽmeur dans la pauvretĂ© et donc dans la « dĂ©brouille » au quotidien.

On a parfois prĂ©tendu que la rĂ©forme de 2012 avait renforcĂ© le principe d’assurance. En rĂ©alitĂ©, le « prix de l’assurance » a surtout Ă©tĂ© soldĂ© par un passage plus rapide dans la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage, sauf exceptions en fonction de l’ñge, du passĂ© professionnel ou de l’incapacitĂ©. Les 65% pour tous en dĂ©but de chĂŽmage, c’est positif mais cela ne vaut que pour 3 mois. La seconde pĂ©riode est pernicieuse dans la mesure oĂč les chĂŽmeurs (qui n’entrent pas dans les exceptions) subissent une dĂ©gressivitĂ© « accĂ©lĂ©rĂ©e ». Ceux qui n’ont pas 5 ans de passĂ© professionnel passent rapidement en troisiĂšme pĂ©riode. Les autres bĂ©nĂ©ficient d’un « sursis » de 24 mois maximum (avec le couperet des phases de 6 mois).

Mettre fin Ă  la dĂ©gressivitĂ©41 est techniquement complexe et exige des moyens budgĂ©taires importants d’autant plus qu’une autre rĂ©forme doit ĂȘtre menĂ©e en parallĂšle, soit celle de l’individualisation du droit.

Le dĂ©mantĂšlement des sous-pĂ©riodes de la seconde pĂ©riode de chĂŽmage implique Ă©videmment la suppression de la troisiĂšme pĂ©riode de chĂŽmage. Le forfait n’est rien d’autre que l’antichambre de la limitation dans le temps des allocations. Il n’a pas sa place dans un rĂ©gime d’assurance sociale.

5.3. Les travailleurs Ă  temps partiel

La distinction entre les travailleurs Ă  temps partiel involontaire (statut « maintien des droits ») avec AGR et sans AGR rĂ©sulte d’un pur calcul budgĂ©taire qui n’a pas de sens par rapport Ă  la rĂ©alitĂ© souvent prĂ©caire que vivent ces travailleurs (des femmes pour la plupart). En effet, il suffit que le salaire dĂ©passe de quelques euros l’allocation de chĂŽmage complet (majorĂ©e du supplĂ©ment horaire) pour que le travailleur soit privĂ© de l’allocation complĂ©mentaire.

Le « maintien des droits » doit s’accompagner :

‱ d’une allocation suffisante pour un plus grand nombre de travailleurs Ă  temps partiel involontaire (ce qui implique une rĂ©forme du calcul de l’AGR, notamment l’augmentation du supplĂ©ment horaire et la neutralisation du bonus Ă  l’emploi). ParallĂšlement, il tombe sous le sens que le droit doit aussi ĂȘtre individualisĂ© ;

‱ d’une suppression du contrĂŽle de la disponibilitĂ© active des travailleurs Ă  temps partiel avec AGR ;

‱ d’une rĂ©forme de la rĂ©cente cotisation de responsabilisation Ă  charge de l’employeur (mise en place par le

40 En ce sens, p. 139 des 170 engagements pour un futur idéal

41 « (
) Afin de respecter le principe fondamental qui rĂ©git la sĂ©curitĂ© sociale, Ă  savoir le caractĂšre assurantiel de celle-ci, la suppression de la dĂ©gressivitĂ© des allocations de chĂŽmage, qui n’a pas dĂ©montrĂ© la moindre utilitĂ© dans la lutte contre le chĂŽmage et qui a uniquement pour consĂ©quence de prĂ©cipiter les chĂŽmeurs de longue durĂ©e dans la pauvretĂ© » (proposition 65 des 170 engagements pour un futur ideal, des allocations de chĂŽmage adaptĂ©es aux nouvelles rĂ©alitĂ©s, p. 74).

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 15

gouvernement MR N-VA). Le principe est positif mais le contrĂŽle et, surtout, le champ d’application et le mode de calcul ne sont pas transparents (risque de tension entre les « anciens » et les « nouveaux » travailleurs Ă  temps partiel au sein des entreprises).

5.4. Un soutien réel à la jeunesse

En ce qui concerne les allocations d’insertion, le caractĂšre dĂ©rogatoire au principe d’assurance qui sous-tend l’assurance chĂŽmage doit ĂȘtre maintenu afin de permettre Ă  tous les jeunes de s’insĂ©rer sur le marchĂ© de travail dans des conditions acceptables. On rappellera que les allocations d’insertion ont pour objectif non pas d’indemniser un travailleur qui a Ă©tĂ© privĂ© de son travail pour des raisons indĂ©pendantes de sa volontĂ© mais de faciliter l’accĂšs des jeunes au marchĂ© du travail42.

Par consĂ©quent, la mĂ©canique d’exclusion des jeunes qui terminent leurs Ă©tudes doit ĂȘtre supprimĂ©e.

A dĂ©faut d’accord politique sur la suppression de la limitation dans le temps des allocations d’insertion, quelles sont les alternatives possibles ?

‱ Une rĂ©forme du stage pour l’obtention des allocations de chĂŽmage (nombre de jours de travail requis, pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence, Ăąge) afin de casser le « carrousel » des allocations d’insertion et le tremplin vers l’exclusion. C’est particuliĂšrement important pour tous les emplois prĂ©caires (intĂ©rim, temps partiel, etc.).

‱ Un Ă©largissement de la durĂ©e du droit aux allocations d’insertion ou, Ă  tout le moins, des possibilitĂ©s de prolongation qui ne sont pas discriminatoires. Exemple : les pĂ©riodes au cours desquelles le jeune demandeur d’emploi a obtenu une dispense (de disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail) pour suivre une formation ou des Ă©tudes ne sont pas neutralisĂ©es dans le calcul du crĂ©dit de 36 mois. Par contre, si au moment de l’expiration de ce crĂ©dit une dispense est en cours, le jeune conserve ses allocations pendant toute la durĂ©e de la formation ou des Ă©tudes. Cette diffĂ©rentiation n’est pas logique. Elle n’incite pas le jeune Ă  entamer une formation dĂšs le dĂ©but de sa pĂ©riode indemnisable. Au contraire, il y a un risque qu’elle soit « instrumentalisĂ©e » dans l’unique but de prolonger le droit aux allocations.

‱ Une durĂ©e du droit Ă©gale pour tous mais bien entendu portĂ©e « vers le haut ». Il n’est pas acceptable que des jeunes, souvent prĂ©carisĂ©s et contraints de vivre en cohabitation, soient discriminĂ©s par rapport Ă  des jeunes chefs de mĂ©nage ou isolĂ©s.

Quant Ă  l’ouverture du droit aux allocations d’insertion, les conditions supplĂ©mentaires imposĂ©es par le gouvernement MR N-VA sont totalement absurdes. L’objectif est clairement de tuer le rĂ©gime. L’ñge de 30 ans maximum pour une premiĂšre demande doit ĂȘtre restaurĂ© et la condition d’obtenir un diplĂŽme doit ĂȘtre supprimĂ©e pour les moins de 21 ans. Pour ces derniers, une alternative pourrait ĂȘtre de conditionner le droit Ă  l’engagement de suivre une formation.

ParallĂšlement, une rĂ©flexion est souhaitable concernant le maintien de la condition de nationalitĂ©. Il convient de cerner le contenu social exact de la protection offerte aux ressortissants belges dans les pays avec lesquels la Belgique a conclu un accord de rĂ©ciprocitĂ©. A partir d’une telle analyse, il faut se poser la question de savoir si l’argument de la rupture de la condition de rĂ©ciprocitĂ© est crĂ©dible ou suffisant dans l’hypothĂšse d’une ouverture du droit aux allocations d’insertion aux ressortissants de tous les Etats Ă©trangers. En tout Ă©tat de cause, il n’est Ă©videmment pas question de supprimer les autres conditions de l’effectivitĂ© du lien qui doit unir le ressortissant de nationalitĂ© Ă©trangĂšre « non privilĂ©giĂ© » Ă  notre pays (rĂ©gularitĂ© du sĂ©jour, dĂ©tention d’un permis de travail, 
).

5.5. L’activation du comportement de recherche d’emploi

Le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active doit redĂ©finir un Ăąge « limite » rĂ©aliste par rapport au marchĂ© de l’emploi (60 ans est excessif) tout en n’abandonnant pas ceux qui ont dĂ©passĂ© cet Ăąge. A la demande de l’intĂ©ressĂ©, un service d’aide et de conseils pourrait remplacer la « disponibilitĂ© adaptĂ©e ». Cet entretien doit sortir du cadre Ă©triquĂ© de la recherche d’emploi pour rĂ©pondre aux besoins et aux aspirations du demandeur. La demande par l’intĂ©ressĂ© lui-mĂȘme offre des possibilitĂ©s dans le cadre de ce qu’on appelle le « vieillissement actif » qui ne peut s’opĂ©rer dans un cadre contraignant.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 16
42 Voir l’arrĂȘt de la Cour de cassation du 8 octobre 2012 (S.11 0150.F).

Le contrĂŽle de la disponibilitĂ© active des travailleurs Ă  temps partiel involontaire avec AGR (en vigueur depuis le 1er septembre 2016) doit ĂȘtre supprimĂ©. Pourquoi ? Il existe des abus qui consistent Ă  mettre en doute le caractĂšre rĂ©ellement involontaire du travail Ă  temps partiel (suspicion de fausse dĂ©claration pour bĂ©nĂ©ficier du maintien des droits et Ă©ventuellement d’une allocation). Pour beaucoup de femmes, il s’agit pourtant d’un « choix contraint ». Elles s’exposent Ă  une sanction si elles n’apportent pas des preuves suffisantes de recherche d’un emploi Ă  temps plein ou, Ă  tout le moins, d’une dĂ©marche active afin d’augmenter leur temps de travail.

Pour les chĂŽmeurs complets qui n’ont pas atteint l’ñge « limite », le maintien de la « contractualisation » en cas d’échec lors du premier entretien doit ĂȘtre maintenu au regard de la philosophie qui sous-tend la disponibilitĂ© active. Afin d’assurer un Ă©quilibre entre les obligations qui incombent aux deux parties, un second entretien - s’il s’avĂšre positif - doit se solder par une offre concrĂšte et crĂ©dible permettant au chĂŽmeur de rĂ©intĂ©grer le marchĂ© de l’emploi43. Tant que le service rĂ©gional de l’emploi n’a pas rempli cette mission, un Ă©ventuel troisiĂšme entretien ne peut dĂ©boucher sur une sanction/exclusion.

En tout Ă©tat de cause, les sanctions doivent ĂȘtre revues et adaptĂ©es Ă  l’individualisation des droits. Il est inacceptable qu’en cette matiĂšre aussi (et toujours), les cohabitants subissent des sanctions plus rapides et plus dures que les chefs de mĂ©nage et les isolĂ©s. L’harmonisation des sanctions n’est Ă©videmment pas un « durcissement linĂ©aire » qui alignerait - par souci « d’égalitĂ© » - tout le monde sur le sort actuel des cohabitants. D’autre part, il s’impose de prĂ©voir un droit de recours suspensif Ă  chaque Ă©tape de la procĂ©dure (ce qui n’est pas le cas actuellement). Ainsi, par exemple, lors d’un premier entretien nĂ©gatif, le demandeur d’emploi Ă  qui un « facilitateur » proposerait des obligations excessives ou irrĂ©alistes (cela existe !) doit avoir la possibilitĂ© d’introduire un recours dans le dĂ©lai qui lui est imparti pour accepter ou ne pas accepter le « contrat » qu’on tente de lui imposer.

6. Conclusion

L’assurance chĂŽmage a Ă©tĂ© conçue pour couvrir un risque liĂ© Ă  la perte de revenu en cas de manque de travail involontaire. A l’origine, dans l’esprit des partenaires sociaux et des dĂ©cideurs politiques, cette situation ne pouvait ĂȘtre que transitoire, temporaire et marginale.

Cependant, Ă  partir de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 70, le manque de travail est progressivement devenu durable. C’est ce qu’on appelle le « chĂŽmage structurel ». Au fur et Ă  mesure que ce phĂ©nomĂšne s’est dĂ©veloppĂ©, le rĂŽle de l’assurance s’est Ă©loignĂ© de la simple couverture d’un risque temporaire pour rĂ©pondre Ă  un besoin liĂ© Ă  la perte durable de revenu. Cependant, les impĂ©ratifs d’économies budgĂ©taires qui ont vu le jour Ă  partir des annĂ©es 80 ont amenĂ© les gouvernements Ă  rendre le systĂšme de plus en plus sĂ©lectif et restrictif. D’une part, une partie de la couverture du besoin a Ă©tĂ© rĂ©orientĂ©e au profit des chĂŽmeurs avec charge de famille au dĂ©triment des isolĂ©s et des mĂ©nages Ă  deux revenus. D’autre part, la tendance qui se dessine de plus en plus est de considĂ©rer l’assurance sociale comme l’accessoire de la responsabilitĂ© individuelle. Cette « responsabilitĂ© » ne se limite pas au contrĂŽle de la disponibilitĂ© active et passive. Elle s’exprime aussi par la dĂ©gressivitĂ© qui n’est rien d’autre que le « marchepied » de la limitation dans le temps des allocations de chĂŽmage et par le dĂ©mantĂšlement des mĂ©canismes qui permettent un relĂąchement du lien entre la disponibilitĂ© pour le marchĂ© du travail et/ou de la carriĂšre professionnelle et le droit aux allocations de chĂŽmage (temps partiel involontaire, statut des chĂŽmeurs ĂągĂ©s, prĂ©pensions, dispense pour raisons sociales et familiales, etc.).

Notre rĂ©gime d’assurance chĂŽmage a Ă©tĂ© le meilleur rempart contre l’exclusion et le dĂ©veloppement de la pauvretĂ©. Aujourd’hui, ce rempart s’effrite dangereusement sous le poids d’une rĂ©glementation plĂ©thorique qui, au fil du temps, a fini par Ă©branler les principes de justice sociale propre Ă  notre pays.

Cette analyse, loin d’ĂȘtre exhaustive, peut nous aider Ă  approfondir les propositions ayant pour objectif de renouer avec le fil conducteur de notre sĂ©curitĂ© sociale, celui de prĂ©venir la pauvretĂ©.

Etat de la Question 2018 ‱ IEV 17
43
Voir la proposition
70
des 170 ENGAGEMENTS pour un FUTUR IDEAL, (La garantie Emploi pour tous, p. 70).

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RÉSUMÉ

L’assurance chĂŽmage est l’une des branches de la SĂ©curitĂ© sociale.

L’assurance chĂŽmage a Ă©tĂ© conçue pour couvrir un risque liĂ© Ă  la perte de revenu en cas de manque de travail involontaire. A l’origine, dans l’esprit des partenaires sociaux et des dĂ©cideurs politiques, cette situation ne pouvait ĂȘtre que transitoire, temporaire et marginale. Pourtant, dans les annĂ©es 70, le chĂŽmage est devenu structurel. Cette mutation a transformĂ© l’assurance chĂŽmage : de couverture d’un risque temporaire elle est devenue un besoin liĂ© Ă  la perte durable d’un revenu.

Notre rĂ©gime d’assurance chĂŽmage a Ă©tĂ© le meilleur rempart contre l’exclusion et le dĂ©veloppement de la pauvretĂ©. Aujourd’hui, ce rempart s’effrite dangereusement sous le poids d’une rĂ©glementation plĂ©thorique qui, au fil du temps, a fini par Ă©branler les principes de justice sociale propre Ă  notre pays.

Le présent Etat de la question, rédigé par Benoit Anciaux, aide le lecteur à approfondir les propositions ayant pour objectif de renouer avec le fil conducteur de la Sécurité sociale, celui de prévvenir la pauvreté.

Institut Emile Vandervelde Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles

Téléphone : +32 (0)2 548 32 11

Fax : + 32 (02) 513 20 19

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