vers l'abaissement de l'age de l'obligation scolaire à 3 ans-2017

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ETAT DE LA QUESTION

VERS L’ABAISSEMENT DE L’ÂGE DE L’OBLIGATION SCOLAIRE À TROIS ANS ?

Baptiste MEUR

DÉCEMBRE 2017

ER Gilles Doutrelepont13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles
SOMMAIRE 1. Introduction 3 2. Etat des lieux 3 2.1. Au niveau de la législation 3 2.2. Etat des lieux de l’inscription et de la fréquentation de l’école maternelle en Fédération Wallonie-Bruxelles 3 3. Abaisser l’âge de l’obligation scolaire à trois ans : vers une réforme plus global de l’enseignement maternel 5 3.1. Quels bénéfices d’une fréquentation de l’enseignement maternel ? 5 3.2. Balises à une mise en œuvre réussie de l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire à trois ans 6 3.2.1. De meilleures relations entre l’école et le milieu de vie de l’enfant 6 3.2.2. Prendre en compte les rythmes et les besoinsdes plus jeunes enfants 7 3.2.3. Des référentiels pour l’enseignement maternel 8 3.2.4. Une réforme de la formation initiale 8 4. Conclusion 8

1. Introduction

Depuis 2001, une étude portant sur la compréhension en lecture (PIRLS) est organisée par l’IEA (Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire)1

Les derniers résultats de cette étude placent la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) aux dernières places parmi les pays ou les régions de l’Union européenne. Une analyse plus approfondie des résultats permet une fois de plus de démontrer l’inégalité du système scolaire de la FWB. Les élèves issus de milieux favorisés obtiennent un résultat significativement supérieur à ces tests et sont dans la moyenne des pays ou des régions de l’Union européenne. Les redoublants obtiennent, eux, de moins bons résultats.2

En termes d’apprentissage et de bonne maitrise de la langue, de nombreuses études soulignent le caractère décisif des premières années d’éducation. Dans le prolongement des résultats de ces études concluant à l’effet bénéfique d’un enseignement de qualité dès le plus jeune âge, se pose la question de l’âge de l’obligation scolaire. Aujourd’hui fixé à six ans, plusieurs acteurs proposent un abaissement de l’âge de l’obligation de façon à assurer dès les premières années la meilleure éducation possible à tous les enfants.

L’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire constituera l’objet de cet Etat de la question.

Dans la première partie, nous dresserons brièvement un état des lieux de la situation actuelle sur le plan législatif. Nous dégagerons également plusieurs données concernant le taux d’inscription dans l’enseignement maternel et les bénéfices identifiés d’une fréquentation de l’enseignement maternel.

La seconde partie examinera l’idée d’abaisser l’âge de l’obligation scolaire à trois ans. Dans un premier temps, nous identifierons les avantages de cette proposition et son apport à une meilleure émancipation de tous les enfants. Dans un second temps, nous dégagerons plusieurs balises visant une mise en œuvre adéquate de l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire.

2. Etat des lieux

2.1. Au niveau de la législation

L’article 127 de la Constitution belge précise que les Communautés sont compétentes et règlent par décret ce qui concerne l’enseignement à l’exception « (…) de la fixation du début et de la fin de l›obligation scolaire »3

L’âge de l’obligation scolaire est donc une compétence fédérale. C’est la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire qui fixe l’âge de l’obligation scolaire à six ans. La loi stipule en effet que : « Le mineur est soumis à l’obligation scolaire pendant une période de douze années commençant avec l’année scolaire qui prend cours dans l’année où il atteint l’âge de six ans et se terminant à la fin de l’année scolaire, dans l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de dix-huit ans. »4

2.2. Etat des lieux de l’inscription et de la fréquentation de l’école maternelle en Fédération Wallonie-Bruxelles

Bien qu’il n’existe actuellement pas d’obligation d’inscription ou de fréquentation de l’enseignement maternel en FWB en deçà de l’âge de l’obligation scolaire, une écrasante majorité des enfants sont inscrits ou fréquentent l’enseignement maternel bien avant six ans.

Ce constat est confirmé par les indicateurs de l’enseignement. Le taux de scolarisation se définit comme le rapport entre la population scolarisée dans les établissements organisés ou subventionnés par la FWB et la population résidant en FWB. En FWB, le taux de scolarisation se situe aux alentours de 95% (97% pour les enfants âgés de 3

1 Pour plus d’informations, voir le site de l’administration de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.enseignement.be/index. php?page=25161, dernière consultation le 18 décembre 2017.

2 Voir notamment Les francophones de Belgique, cancres européens de la lecture, article disponible sur le site de L’Echo à l’adresse https://www.lecho.be/ economie-politique/belgique-general/Les-francophones-de-Belgique-cancres-europeens-de-la-lecture/9959753, dernière consultation le 19 décembre 2017.

3 Constitution belge, art. 127, § 1er, 2°, a), disponible sur le site internet du Sénat à l’adresse https://www.senate.be/doc/const_fr.html, dernière consultation le 19 décembre 2017.

4 Article 1er, § 1er, de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire, disponible sur internet à l’adresse http://www.gallilex.cfwb.be/document/ pdf/09547_001.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

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à 5 ans en 2016) depuis plusieurs années. La grande majorité des enfants sont donc inscrits dans l’enseignement maternel dès l’âge de 3 ans.5

Ces chiffres posent dès lors la question de l’utilité d’une mesure visant l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire. Ce taux de scolarisation masque pourtant une réalité contrastée.

Premièrement, 97 % des enfants qui sont inscrits, ce sont aussi 3% des enfants de 3 à 5 ans qui ne sont pas inscrits dans l’enseignement maternel. Ces 3% correspondent à plus de 5.000 enfants qui ne fréquentent pas l’enseignement maternel.6

Deuxièmement, qui dit inscription ne dit pas nécessairement fréquentation. Certains enfants, pourtant inscrits dans un établissement scolaire, ne fréquentent pas l’école de manière régulière.

Il n’existe actuellement pas de données officielles permettant de dresser un état des lieux précis de la fréquentation des enfants inscrits. Néanmoins, plusieurs études démontrent que certains facteurs permettent d’expliquer une fréquentation moins importante et de dresser le profil des enfants qui ne s’inscrivent pas ou ne fréquentent pas l’enseignement maternel.

Une étude portant sur la situation en Région bruxelloise spécifie que : « (…) L’équité d’utilisation repose sur des facteurs individuels et contextuels dont l’impact négatif sur les groupes sociaux défavorisés augmente lorsque l’offre est insuffisante. Sur le plan des familles, il est nécessaire d’avoir accès à l’information adéquate, de faire preuve d’une bonne capacité d’anticipation et de planification, et de bénéficier d’une stabilité de situation familiale et de domicile car tout se joue l’année qui précède l’entrée à l’école.

En outre, une familiarisation avec le système éducatif et avec les administrations, une connaissance suffisante du français ou du néerlandais sont également des facteurs importants pour qu’une issue favorable à la demande soit assurée mais ces caractéristiques ne sont pas aléatoirement distribuées dans les groupes sociaux. (…) Les différents facteurs de sélection des inscriptions ne se présentent pas uniquement dans les zones géographiques à pénurie mais également dans celles où elle n’est pas encore installée, ce qui généralise le risque d’iniquité, même là où la pression démographique n’est pas intense. »7

La bonne maitrise de la langue, l’organisation de la scolarité des enfants (il faut s’y prendre tôt pour obtenir une place en maternelle dans certaines zones en tension démographique), la stabilité de la situation familiale, le bon rapport avec l’institution scolaire sont autant de facteurs qui influencent l’inscription et la fréquentation de l’école maternelle.

Une autre enquête qualitative a également démontré que les enfants ne parlant pas le français à la maison sont plus nombreux à ne pas fréquenter l’enseignement maternel. Ces enfants se trouvent donc fortement pénalisés lorsque l’apprentissage au premier degré débute.8

2.3. L’inégalité du système scolaire en FWB

Les constats concernant l’état du système scolaire en FWB sont connus.

Premièrement, notre système scolaire entraine un taux de décrochage important. Le taux de décrochage scolaire en FWB est supérieur à la moyenne européenne.9

Deuxièmement, les niveaux de performance des élèves de la FWB sont fortement liés au milieu d’origine : les tests PISA de l’OCDE montrent qu’il existe d’importants écarts entre élèves issus de milieux autochtones par rapport aux élèves natifs ou ayant une origine liée à l’immigration. Cet écart de performance est deux fois plus important si l’on compare les 25% d’élèves les plus favorisés aux 25% d’élèves les moins favorisés.10

5 Indicateurs 2016 de l’enseignement, p. 12, http://www.enseignement.be/index.php?page=0&navi=2264

6 La population totale de l’enseignement en maternel s’élevait en 2014/2015 à 188.415 élèves. Voir La Fédération Wallonie-Bruxelles en chiffres (2017), disponible sur internet à l’adresse http://www.federation-wallonie-bruxelles.be/index.php?id=detail_article&no_cache=1&tx_ cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Baction%5D=show&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Bcontroller%5D=Document&tx_cfwbarticlefe_ cfwbarticlefront%5Bpublication%5D=2110&cHash=c1d2fed1668d3d0ef1abd4c94f5e0490, dernière consultation le 20 décembre 2017.

7 HUMBLET P., Croissance démographique bruxelloise et inégalité d’accès à l’école maternelle, Brussels studies, p. 10, disponible sur internet à l’adresse http:// journals.openedition.org/brussels/1041, dernière consultation le 19 décembre 2017.

8 GUÉRAND G., HULLEBROECK P., L’obligation scolaire, le défis de l’émancipation, p. 85, disponible sur le site de la Ligue d’enseignement et de l’éducation permanente à l’adresse https://ligue-enseignement.be/assets/obligation-scolaire.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

9 Quels sont les constats qui expliquent le lancement d’un Pacte pour un enseignement d’excellence ?, disponible sur le site internet du Pacte pour un enseignement d’excellence à l’adresse http://www.pactedexcellence.be/quels-constats-fondent-le-pacte-d-excellence/, dernière consultation le 4 novembre 2016.

10 Quels sont les constats qui expliquent le lancement d’un Pacte pour un enseignement d’excellence ?, disponible sur le site internet du Pacte pour un enseignement d’excellence à l’adresse http://www.pactedexcellence.be/quels-constats-fondent-le-pacte-d-excellence/, dernière consultation le 4 novembre 2016.

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Troisièmement, notre enseignement se situe également très en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE en termes d’équité. Les résultats des élèves issus de milieux défavorisés sont les plus faibles comparativement aux résultats des élèves d’origine socioéconomique plus privilégiée. La Fédération Wallonie-Bruxelles se classe au 57e rang sur 66 pays ayant participé à l’enquête PISA.11 En termes d’équité, la FWB se situe en deçà de la moyenne de l’OCDE et des groupes de ses pairs12 :

La Fédération Wallonie-Bruxelles organise, parmi les pays riches, le système où l’écart entre les élèves les plus forts et les élèves les plus faibles est le plus important. Plus qu’ailleurs, c’est au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles que la position socioéconomique des parents influence la performance des enfants.13

3. Abaisser l’âge de l’obligation scolaire à trois ans : vers une réforme plus global de l’enseignement maternel

3.1. Quels bénéfices d’une fréquentation de l’enseignement maternel ?

Vu ces constats, il est crucial aujourd’hui de se pencher sur les différentes mesures qui permettront à chaque élève d’acquérir les savoirs nécessaires à son émancipation.

De ce point de vue, l’importance de l’école maternelle dans le parcours scolaire de l’élève est attestée par de nombreuses études.

La Ligue de l’enseignement explique notamment que « (…) les activités proposées dans les classes maternelles concernent de multiples aspects, qui préparent les enfants à la suite de leur scolarité. Ces activités touchent toutes les facettes du développement de l’enfant mais elles ont comme point commun de le préparer à effectuer les apprentissages du 1er degré primaire. Parmi toutes les capacités que l’enseignement maternel contribue à éveiller, retenons en particulier (…) : la socialisation et l’intégration dans le groupe ; l’apprentissage de la langue de l’enseignement; des contacts répétés avec la culture écrite ; le développement de la dextérité manuelle, prémisse de l’apprentissage de l’écriture, et des compétences de base dans le domaine de l’éducation physique, de l’évolution dans l’espace, du schéma corporel ; l’éveil de l’attention de l’enfant et de sa concentration sur une tâche ; la créativité et le jeu ; le plaisir de la découverte et de l’apprentissage dans un environnement stimulant et plus varié que celui offert dans la seule vie familiale. »

Lors de débats parlementaires autour de la question de l’obligation scolaire, la Fondation Roi Baudoin a également souligné les bénéfices de la fréquentation d’un enseignement maternel de qualité. La fréquentation précoce de l’enseignement permettrait de renforcer les compétences langagières de l’enfant et de développer la maitrise de la langue d’enseignement.14

Selon une recherche menée pour le compte de la Fondation Roi Baudoin, une chercheuse conclut également qu’en FWB, « (…) le manque de connaissance et de maîtrise de la langue d’enseignement est une des causes principales d’échec scolaire, le constat d’une méconnaissance du français parlé ou écrit ou d’un manque d’habileté de lecture et de compréhension étant posé depuis plusieurs années. »15

Au-delà de la FWB, une étude suédoise a également démontré un lien positif évident entre la fréquentation précoce d’une structure d’accueil et les résultats scolaires des enfants de 8 à 13 ans.16 De nombreux rapports internationaux (Unicef, Innocenti, Eurydice) sont également unanimes pour reconnaitre les bénéfices d’une éducation de qualité précoce pour les enfants.17

11 Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB, Rapport à la Vice-Présidente, Ministre de l’Education, de la culture et de l’Enfance, Fédération Wallonie Bruxelles, Bruxelles, 10/06/2015, pp.52-53., Rapport disponible sur le site internet du Pacte pour un enseignement d’excellence http://www.pactedexcellence. be/wp-content/uploads/2015/01/Rapport-final-FWB.pdf, dernière consultation le 20 décembre 2017.

12 Rapport à la Vice-Présidente, Ministre de l’Education, de la culture et de l’Enfance, Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB, Op. cit., pp. 52-53. Chiffres établis selon la variance entre résultats des élèves pour la matière principalement testée cette année-là (mathématiques en 2012) et établis pour les 22 pays ayant participé à l’enquête. Pour l’ensemble des données voir Principaux résultatsde l’Enquête PISA 2012, disponible sur le site internet de l’OCDE à l’adresse http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results-overview-FR.pdf, dernière consultation le 13 avril 2016.

13 DANHIER J., DEVLEESHOUWER P., JACOBS D., RÉA A., Comment rendre notre système éducatif plus juste et plus efficace ?, contribution réalisée dans le cadre de l’opération de réflexion collective « Citoyens engagés », p.4. Disponible sur internet à l’adresse http://www.citoyensengages.be/Questions/Commentrendre-notre-systeme-educatif-plus-juste-e/Contexte.aspx?ThID=7, dernière consultation le 20 décembre 2017.

14 Contribution de la Fondation Roi Baudoin dans le cadre des débats parlementaires relatifs à l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire.

15 École maternelle, pauvreté et diversité culturelle, État des lieux et des connaissances, Fondation Roi Baudoin, p. 58, disponible sur internet à l’adresse https:// www.kbs-frb.be/fr/Virtual-Library/2014/310254, dernière consultation le 19 décembre 2017.

16 ANDERSSON B-E., Effects of Day-Care on Cognitive and Socioemotional Competence of Thirteen-Year-Old Swedish Schoolchildren, Child Development, Vol. 63, disponible sur internet à l’adresse https://www.jstor.org/stable/1130898?seq=1#page_scan_tab_contents, dernière consultation le 19 décembre 2017.

17 Avis relatif à l’abaissement de l’âge de la scolarité, disponible sur internet à l’adresse http://www.one.be/fileadmin/user_upload/presentation/Aspects_juridiques/Avis-Conseils/Notes/Avis_2016_01_Abaissement_de_l_27age_de_la_scolarite.pdf. Voir également La transition en cours dans la garde et l’éducation de l’enfant, UNICEF, Centre de recherche Innocenti, Bilan Innocenti 8, disponible à l’adresse https://www.unicef-irc.org/publications/pdf/rc8_fre.pdf, dernière consultation le 18 décembre 2017.

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3.2. Balises à une mise en œuvre réussie de l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire à trois ans

Ces constats soulignent l’importance de pouvoir assurer à tous les enfants une éducation de qualité le plus tôt possible. Un abaissement de l’obligation scolaire à trois ans semble opportun afin de permettre à tous les enfants de bénéficier des apports d’un enseignement de qualité.

L’immersion des jeunes enfants dans un environnement éducationnel de qualité représente une mesure précieuse pour lutter contre les inégalités dans l’enseignement et renforcer les acquis de tous les élèves. C’est un consensus qui se dégage des différentes études. Il permettra également une meilleure maitrise de la langue d’apprentissage. Un autre consensus qui se dégage des différents avis repose sur la mise en place de cette obligation scolaire. En effet, abaisser simplement l’âge de l’obligation scolaire ne suffit pas. La mesure doit être une des pierres d’une réforme plus globale visant à garantir un enseignement maternel de qualité.

L’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire doit s’accompagner d’autres mesures qui permettront effectivement de garantir la qualité de l’enseignement maternel et de bénéficier des bienfaits de cet abaissement. Au minimum, quatre domaines d’actions semblent devoir être privilégiés pour une mise en œuvre réussie : l’implantation de meilleures relations entre tous les parents et l’institution scolaire, la prise en compte du rythme des jeunes enfants, une meilleure formation des enseignants et l’adoption de référentiels pour l’enseignement maternel.

En amont, il est également évident qu’il est crucial de garantir à chaque enfant une place de qualité en maternel. Dans ce cadre, une attention particulière doit être portée aux zones en tension démographique.

3.2.1. De meilleures relations entre l’école et le milieu de vie de l’enfant

Comme le souligne Bernard Delvaux, en évoquant l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire, « l’effet positif d’une mesure telle que l’obligation d’inscription est conditionné par la nature de l’éducation préscolaire reçue et la qualité du contexte dans lequel elle se déroule. Elle dépend aussi largement de la (…) relation entre les familles et l’école. »18

L’école comporte ses propres normes et codes culturels dominants. Comprendre et respecter ceux-ci est nécessaire à la réussite scolaire telle qu’elle est conçue actuellement. Face à l’institution scolaire, certaines familles ne maitrisent pas nécessairement ces codes. Elles sont porteuses d’autres repères culturels et sociaux.19

Il est donc nécessaire de travailler sur cette relation et de fournir un travail de soutien à la parentalité. Ce travail relationnel est amené à créer un climat de confiance et faire en sorte que l’école soit effectivement fréquentée par l’ensemble des enfants et que les familles participent à l’apprentissage de leurs enfants.

De nombreuses recherches en éducation démontrent le poids considérable de l’environnement familial sur les performances de l’enfant : « Ainsi, les réalités familiales (…) sont susceptibles d’expliquer 85% de la variance des performances scolaires à 7 ans. »20 Les performances scolaires sont également dictées par « la précocité des déterminants du développement. »21 C’est donc également en impliquant le milieu de vie des enfants qu’il importe de travailler.

Plusieurs projets associant parents, enfants, familles, enseignants et assistants sociaux rencontrent cet objectif de faire de l’éducation l’affaire de tous. L’aspect de soutien à la parentalité y est central. C’est le paradigme choisi notamment par le concept de la cité de l’éducation.22 « La Cité de l’Education vise à faire réfléchir les acteurs sur leur action, à envisager la façon d’agir ensemble en coordonnant les différents projets (de soutien à la parentalité et de co-éducation) autour d’un référentiel commun (des outils, des méthodes…) qui donne une cohérence à l’ensemble de l’action. »23

18 DELVAUX, Bernard, MANGEZ, Eric, MAGALI, Joseph, Les familles défavorisées à l’épreuve de l’école maternelle. Collaboration, lutte, repli, distanciation, 2002, pp. 114-115, disponible sur internet à l’adresse http://www.enseignement.be/index.php?page=26044&id_fiche=119&dummy=24894, dernière consultation le 24 juin 2016.

19 DELVAUX, Bernard, MANGEZ, Eric, MAGALI, Joseph, Op. cit., p. 115.

20 POURTOIS, Jean-Pierre, DESMET, Huguette, L’éducation émancipatrice. De la co-éducation école-famille à la Cité de l’éducation, Savigny-sur-Orge, Philippe Duval, 2015, p. 28.

21 POURTOIS, Jean-Pierre, DESMET, Huguette, Eduquer, c’est l’affaire de tous. La cité de l’éducation, p. 21.

22 La Ville de Charleroi a par exemple été consacrée « Cité de l’éducation et de l’action sociale » pour 2009-2010. Voir sur le site internet de la Ville de Charleroi à l’adresse http://www.charleroi.be/node/5575, dernière consultation le 17 novembre 2016.

23 « Le Réseau International des Cités de l’Education », article disponible sur le site internet du RICE à l’adresse http://www.aifref.org/index.php/le-rice, dernière consultation le 22 septembre 2016.

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Les résultats positifs des cités de l’éducation portent tant sur le développement des enfants que sur l’émancipation des adultes. Les parents, issus de milieux défavorisés, osent franchir les portes de l’école et prendre une part active dans la société et leur environnement : « Dans cette société en mutation profonde où l’exclusion se fait croissante, les Cités de l’éducation optent pour un monde visant l’inclusion sociale. Et pour cela, il faut relier les gens ; il faut vivre, agir et éduquer ensemble. »24

3.2.2. Prendre en compte les rythmes et les besoins des plus jeunes enfants

Les jeunes enfants de trois ans n’ont sans doute pas les mêmes besoins que les enfants de six ans. Si l’on veut être certain que l’abaissement de l’obligation soit bénéfique et bien vécue, l’enseignement doit pouvoir prendre en compte ces besoins.

Ce point d’attention est également relevé par plusieurs acteurs de l’éducation. Le conseil d’avis de l’ONE25 explique notamment que le passage d’une structure d’accueil à l’enseignement peut s’avérer non bénéfique pour un enfant si toutes les conditions pour veiller à un accueil de qualité ne sont pas réunies.26

C’est notamment le cas de l’encadrement. Le ratio puériculteur/nombre d’enfants varie en fonction du type de milieu d’accueil. Par exemple, en crèche, l’encadrement est assuré au moins par un équivalent temps plein (ETP) puériculteur pour sept places.27

Dans l’enseignement maternel, le nombre d’enseignants encadrant les enfants est calculé en fonction du nombre d’élèves. Le calcul de l’encadrement est effectué par paliers de demi-équivalent temps plein (ETP) en fonction du nombre d’enfants. Le taux d’encadrement varie donc en fonction du nombre d’enfants mais peut s’avérer nettement plus important que celui rencontré en milieu d’accueil.

Pour un enseignement maternel de qualité, il convient donc d’assurer un encadrement efficace. Les premières mesures du Pacte pour un enseignement d’excellence s’inscrivent dans cette dynamique. Le nouveau tableau du calcul de l’encadrement, adopté suite à ces premières mesures, permet de toujours demeurer en moyenne sous la barre des 20 élèves par emploi généré. Dans l’ancien tableau de calcul, cette limite était dépassée, frôlant souvent les 22 enfants par enseignant. 28

Si des enfants de trois ans n’ont sans doute pas les mêmes besoins que des tous petits, il s’agira néanmoins de vérifier si un renforcement supplémentaire de l’encadrement n’est pas nécessaire pour garantir la qualité de l’enseignement.

Outre l’encadrement, un abaissement réussi de l’âge de l’obligation scolaire doit aussi s’envisager à travers la mise en place de mesures spécifiques pour ces très jeunes enfants. De ce point de vue, la Ligue des familles souligne l’importance d’infrastructures scolaires et de rythmes scolaires adaptés. La Ligue propose d’obliger l’inscription dès la troisième maternelle mais prône une fréquentation minimale à mi-temps pour les enfants de trois à quatre ans. A partir de trois ans et de la cinquième maternelle, les enfants devraient fréquenter l’établissement à plein temps.29 Les modalités de mise en œuvre de l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire devront donc étudiées. Par ailleurs, il est nécessaire de veiller à une meilleure articulation et des liens plus étroits entre le secteur de l’accueil de la petite enfance et l’enseignement. Le manque de lien entre les deux secteurs complique parfois le passage vers l’enseignement, la rupture pour les enfants pouvant être trop brutale entre le fonctionnement d’un milieu accueil et l’enseignement maternel.30

24 POURTOIS, Jean-Pierre, DESMET, Huguette, Op. cit., p.13.

25 Le conseil d’avis de l’ONE (Office de la naissance et de l’enfance) a pour mission de donner un avis sur toute question en rapport avec les missions de l’Office. Ses membres sont des représentants de la société civile.

26 Avis relatif à l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire, Conseil d’avis de l’ONE, disponible sur internet à l’adresse http://www.one.be/fileadmin/user_ upload/presentation/Aspects_juridiques/Avis-Conseils/Notes/Avis_2016_01_Abaissement_de_l_27age_de_la_scolarite.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

27 6 clés pour ouvrir son milieu d’accueil, p. 20, disponible sur le site internet de l’ONE à l’adresse http://www.one.be/fileadmin/user_upload/one_brochures/brochures_pros_et_benevoles/Accueil_de_l_enfant/0_3_/MASS/DIVERS/6_cles.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

28 Accord du gouvernement pour les maternelles et l’aide aux directeurs d’école : ce qui va changer dès septembre 2017 !, article disponible sur le site du Pacte pour un enseignement d’excellence à l’adresse http://www.pactedexcellence.be/index.php/2017/05/24/accord-sur-limportance-de-lecole-maternelle-ce-qui-vachanger-des-septembre-2017/, dernière consultation le 19 décembre 2017.

29 Enseignement maternel abaisser l’obligation scolaire ?, p. 7, article disponible sur le site de la ligue des familles à l’adresse https://www.laligue.be/Files/media/479000/479605/fre/enseignement-maternel.-abaisser-lobligation-scolaire.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

30 Voir à ce sujet VIENNE, Christiane, Rapport sur la pauvreté infantile et juvénile en Fédération Wallonie-Bruxelles, p. 80, rapport disponible sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.pfwb.be/le-travail-du-parlement/doc-et-pub/documents-parlementaires-et-decrets/documents/001499022, dernière consultation le 19 décembre 2017.

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3.2.3. Des référentiels pour l’enseignement maternel

Les objectifs de l’enseignement maternel sont définis au sein du décret missions.31 Néanmoins, à l’heure actuelle, il n’existe pas de référentiel pour l’enseignement maternel reprenant les modalités d’apprentissage spécialement adaptés aux premières étapes du développement de l’enfant. Pour assurer un encadrement à chaque enfant, il est nécessaire de définir ces référentiels, en respectant évidemment les rythmes d’apprentissage des jeunes enfants.

L’adoption de référentiels est d’ailleurs prévue par le Pacte pour un enseignement d’excellence.32

3.2.4. Une réforme de la formation initiale

La formation initiale des enseignants est un levier crucial pour garantir la qualité de notre enseignement. Actuellement, le niveau exigé de formation des enseignants varie en fonction de l’âge des enfants auquel l’enseignement se destine. Pourtant, dès les plus jeunes années, les défis sont nombreux et requièrent une formation adéquate pour permettre la transmission des acquis nécessaires à tous les enfants. En ce qui concerne l’enseignement maternel, le développement des acquis langagiers est crucial pour le futur développement des enfants.

De ce point de vue, la réforme de la formation initiale actuellement, en cours de discussion au sein du Gouvernement de la FWB, développe l’idée d’un socle de formation commun quel que soit le niveau d’enseignement. Cette proposition repose sur la volonté de renforcer les liens entre les niveaux d’enseignement et de faciliter le passage d’un niveau à un autre. Un renforcement de la maitrise du français et de la transmission du langage est également prévu au sein de cette réforme.33

4. Conclusion

Il règne un relatif consensus sur l’apport positif au développement de l’enfant d’un enseignement de qualité dès le plus jeune âge. Mais l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire constitue une mesure amenée à s’inscrire dans un ensemble plus large visant un enseignement maternel de qualité. Cet enseignement de qualité est destiné à lutter précocement contre les inégalités et à permettre à tous les enfants, indépendamment de leur milieu d’origine, de maitriser tous les acquis nécessaires à leur épanouissement. L’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire devrait donc s’accompagner de mesures pour favoriser de meilleures relations entre l’école et le milieu de vie de l’enfant, un renforcement de l’encadrement, la prise en compte des besoins et des rythmes des jeunes enfants, la mise sur pied de référentiels et une formation initiale des enseignants adaptée aux défis de notre enseignement maternel.

Les réformes actuellement menées en FWB dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence et relatives à la formation initiale des enseignants s’orientent dans cette voie.

31 Décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, art. 12, disponible sur le site internet du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://archive.pfwb.be/100000000000ce2, dernière consultation le 19 décembre 2017.

32 Avis n°3 du Groupe central du Pacte pour un enseignement d’excellence, p. 11, disponible sur le site internet du Pacte pour un enseignement d’excellence à l’adresse http://www.pactedexcellence.be/wp-content/uploads/2017/04/PACTE-Avis3_versionfinale.pdf, dernière consultation le 19 décembre 2017.

33 « Une formation initiale des enseignants renforcée pour un enseignement d’excellence », article disponible sur le site du cabinet du Vice-Président du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias à l’adresse https://marcourt.cfwb.be/une-formation-initiale-des-enseignants-renforcee-pour-un-enseignement-dexcellence/, dernière consultation le 19 décembre 2017.

Etat de la Question 2017 • IEV 8

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RÉSUMÉ

L’article 127 de la Constitution belge précise que les Communautés sont compétentes en matière d’enseignement à l’exception « (…) de la fixation du début et de la fin de l’obligation scolaire » Aujourd’hui, l’obligation scolaire est fixée à six ans.

Une écrasante majorité des enfants de trois à cinq ans fréquente l’enseignement maternel.

L’Etat de la question de l’Institut Emile Vandervelde examine l’idée d’abaisser l’âge de l’obligation scolaire à trois ans afin de faire profiter tous les enfants d’une fréquentation précoce. L’immersion des jeunes enfants dans un environnement éducationnel de qualité représente en effet une mesure précieuse pour lutter contre les inégalités dans l’enseignement et renforcer les acquis de tous les élèves. Notamment au niveau de la langue d’apprentissage.

Mais abaisser simplement l’âge de l’obligation scolaire ne suffit pas. La mesure doit être entourée de certaines balises et constituer une des pierres d’une réforme plus globale visant à garantir un enseignement maternel de qualité et une fréquentation bénéfique pour tous les enfants. Ces balises sont notamment une place de qualité pour chaque enfant (avec une attention particulière dans les zones en tension démographique), la mise en place de relations de confiance entre le milieu de vie de l’enfant et l’école, la prise en compte des besoins et des rythmes des jeunes enfants, l’adoption de référentiels pour l’enseignement maternel ou encore une réforme de la formation initiale des enseignants. Institut

l’Empereur,
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