L'écosocialisme-2017

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ETAT DE LA QUESTION

DÉCEMBRE 2017

L’ÉCOSOCIALISME

Guillaume LEPERE

ER Gilles Doutrelepont13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles
SOMMAIRE 1. Introduction 3 2. Préambule historique 3 3. Une tentative de définition de l’écosocialisme 4 3.1. L’ambition écosociale 4 3.2. Les cinq objectifs de l’écosocialisme 5 A. Assurer aux citoyens un accès juste et durable aux ressources naturelles  5 B. Partager équitablement les richesses  6 C. Garantir les droits sociaux fondamentaux 6 D. Revoir notre rapport au temps et favoriser les échanges humains 6 E. Permettre la participation pleine et entière des citoyens à la construction de la société 6 4. Quelques exemples d’écosocialisme dans la vie quotidienne 7 4.1. Le droit à un logement de qualité tout au long de la vie 7 4.2. Des coopératives d’énergie 7 4.3. Une mobilité accessible et respectueuse du cadre de vie 7 4.4. Des circuits courts pour une alimentation de qualité 8 5. Conclusion 8

1. Introduction

Dans le livre A New Green History of the World, Clive Ponting raconte l’histoire des habitants de l’île de Pâques, arrivés de Polynésie au 5e siècle après JC. Durant des siècles, ils construisirent une société très évoluée, avec une organisation sociale et religieuse élaborée. Signes de cet essor, ils érigèrent plus de 600 statues géantes en pierre. A son apogée au 16e siècle, cette société commença à décliner pour finalement disparaitre misérablement, victime des graves dégradations environnementales qu’elle avait elle-même provoquées.

Pour se développer, les habitants consommèrent de larges quantités de bois, menant à la déforestation complète de l’île. Cette disparition des arbres bouleversa l’organisation sociale ainsi que la vie quotidienne des habitants, privés de matériaux pour leur maison, la construction de canoës ou la fabrication de filets de pêche. La déforestation entraina aussi l’érosion des sols, affectant le rendement des cultures. Les conflits pour s’emparer de ressources de plus en plus rares s’amplifièrent au fur et à mesure que le nombre d’arbres se réduisait. Des cas de cannibalisme apparurent suite au manque de nourriture.

Clive Ponting achève son récit en faisant le lien avec l’espèce humaine dans son ensemble. Les besoins grandissants de nos sociétés se heurtent en effet à la limitation des ressources naturelles et Ponting de s’interroger sur la capacité de l’Homme actuel à trouver un mode de vie qui ne détruise pas l’environnement dont il a inévitablement besoin pour vivre1

La nécessité de dégager un juste équilibre entre le développement des sociétés humaines, qu’il soit social, économique ou culturel, et l’environnement dans lequel elles vivent est une question ancienne. Les groupes humains ont besoin d’inventer un mode de vie qui leur permette de s’inscrire dans la durée au risque de s’autodétruire avec leur écosystème.

Afin de prolonger la réflexion, cet État de la question a comme ambition d’analyser le concept d’écosocialisme au regard de cet objectif de développement équilibré. Nous examinerons d’abord certains concepts et notions qui ont précédé l’écosocialisme et dans lesquels il s’inscrit. Nous essayerons ensuite de définir l’écosocialisme. Enfin, nous aborderons quelques exemples d’écosocialisme déclinés dans la vie quotidienne.

2. Préambule historique

L’écosocialisme s’inscrit dans une longue tradition de réflexions qui ont pour objectif d’assurer un développement harmonieux des sociétés et de leurs habitants. La notion de développement recouvre à la fois des dimensions sociales, culturelles et économiques.

Parmi les divers concepts qui ont émergé de ces réflexions, un des plus connus est le développement durable (sustainable development en anglais). La Commission mondiale sur l’environnement et le développement (CMED) des Nations-Unies, sous la présidence de Gro Harlem Brundtland, ancienne Première ministre socialiste de la Norvège, a publié en 1987 le rapport Notre avenir à tous

Ce rapport définit pour la première fois la notion de développement durable : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

 le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et

 l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »2

Cette définition insiste clairement sur la durée dans laquelle le développement économique et social se déploie. Elle intègre aussi une dimension mondiale, avec des éléments communs à tous les pays, même si les interprétations peuvent différer d’un pays à l’autre. Le rapport souligne également la nécessité de transformer progressivement l’économie et la société, en soulignant les enjeux de l’accès aux ressources, de la répartition des charges et avantages, et du besoin d’équité entre citoyens d’une même génération et entre générations. Les investissements, le choix des techniques et les changements institutionnels doivent permettre de répondre aux aspirations de l’Homme pour aujourd’hui et pour l’avenir3

Le rapport Brundtland a été un élément déclencheur dans l’organisation de la Conférence sur l’environnement et

1 PONTING, Clive, A New Green History of the World. The Environment and the Collpase of Great Civilisations, Penguin Books, London, 2007, pp. 1-7.

2 CMED (Commission mondiale sur l’environnement et le développement), Notre avenir à tous, Rapport Brundtland, Oxford University Press, 1987, p. 40 (https:// www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf).

3 Ibidem.

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le développement des Nations-Unies (CNUED), lors du Sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992. 178 pays s’y sont entendus pour mettre en place des accords essentiels pour la planète tels que la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Déclaration sur les forêts. Ces États ont aussi adopté la Déclaration de Rio de Janeiro, établissant 27 principes pour le développement durable, et le programme Action 21 qui édicte des mesures concrètes en faveur du développement durable. Il s’agit d’étapes fondamentales dans la tentative de rendre notre monde plus durable4 Dans l’idée de trouver le juste équilibre entre besoins humains et limitations de l’environnement, il est intéressant d’analyser les liens qui peuvent exister entre écologie et équité sociale. Comme l’explique Edwin Zaccaï5, il existe divers courants de pensée écologique qui endossent des positions variées par rapport aux enjeux sociaux. Ces courants peuvent être synthétisés en cinq groupes même si l’approche reste néanmoins réductrice. En résumé, il s’agit de :

 l’écologie profonde qui se concentre sur la protection de la nature et de l’ensemble des espèces vivantes, sans se centrer sur l’Homme spécifiquement ;

 la gestion des risques et des techniques qui cherche à prendre en compte les coûts cachés des progrès technologiques et les risques qui y sont liés (avec l’élaboration notamment du principe de précaution) ;

 l’environnementalisme et le développement durable qui visent des objectifs divers et évolutifs, fixés à plusieurs niveaux (mondial, national, local) tels que la protection de certains éléments de la nature (réserves naturelles ou espèces protégées), de certaines de ses caractéristiques (qualité de l’air, de l’eau, des sols) ou de la qualité de certaines activités humaines (actions sur la mobilité, l’habitat) ; le développement durable prévoit plus largement de concilier l’environnement avec des enjeux sociaux et économiques, comme on l’a vu précédemment ;

 la modernisation écologique qui mise davantage sur les avancées technologiques et des mesures économiques pour réduire l’empreinte environnementale des activités humaines ;

 les critiques radicales du développement qui, comme leur nom l’indique, remettent fondamentalement en question le développement, en insistant sur le besoin de justice sociale et de préservation des ressources naturelles (songeons par exemple au mouvement pour la décroissance).

Edwin Zaccaï conclut son analyse en pointant que « dans leur ensemble, les objectifs de protection de l’environnement et d’équité sociale ne convergent, ni ne divergent nécessairement »6. Il apparait aussi qu’ « ayant connu des histoires disjointes, il faut constater que l’équité sociale et la protection de l’environnement ne sont pas des notions directement réductibles l’une à l’autre » et « qu’un accroissement des convergences entre écologie et équité sociale […] nécessite donc encore du travail, à la fois conceptuel et en termes d’analyses de situations »7

3. Une tentative de définition de l’écosocialisme

Sur base des concepts qui ont été développés par le passé et des enseignements qu’on peut en tirer, il est intéressant de prolonger la réflexion pour renforcer les liens entre environnement et justice sociale, dans une logique de progrès partagé des groupes humains. C’est une des visées de l’écosocialisme même si ce n’est pas la seule.

3.1. L’ambition écosociale

L’écosocialisme constitue un projet politique qui vise l’épanouissement et l’émancipation des citoyens. Il a pour ambition que les citoyens puissent vivre selon leurs aspirations propres et développer pleinement leurs compétences, dans le respect des règles collectives et dans des conditions de vie agréables (épanouissement). Il s’agit aussi pour les citoyens de pouvoir mettre en œuvre des projets de vie qui les stimulent, en se libérant de toutes les barrières qui pourraient empêcher la réalisation de ces projets ou qui les empêcheraient de s’épanouir (émancipation).

Ces barrières peuvent être de plusieurs ordres tels que l’origine sociale ou ethnique, la faiblesse des revenus, un déficit éducatif, des conditions de vie ou de travail dégradées, des discriminations basées sur la langue, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, les convictions religieuses ou philosophiques, etc.

4 GOUZÉE, Nadine et MAZIJN, Bernard, « Développement durable : concept, vision, transition » dans La société en mouvement. La Belgique sur une voie de développement durable ?, Gouzée, N. et Mazijn, B. (réd.), Academic and Scientific Publishers, Bruxelles, 2012, pp. 11-34.

5 ZACCAÏ, Edwin, « La pensée écologique face à l’équité sociale » dans Environnement et inégalités sociales, CORNUT, Pierre et alii. (éd.), Coll. Aménagement du territoire et environnement, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2007, pp. 73-81.

6 Ibid., p. 80.

7 Ibid., pp. 80-81.

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L’épanouissement et l’émancipation des citoyens dépendent de leurs propres choix, mais rien ne sera possible sans la force de la collectivité. Elle doit garantir un cadre qui permette à tous les citoyens de faire des vrais choix épanouissants. Chacun doit avoir la capacité et la liberté, égale pour tous, de mener des projets qui lui tiennent à cœur. L’action publique, en tant que fer de lance de la collectivité, doit être revalorisée.

Ce lien entre individu et collectivité est essentiel à plus d’un titre. Chaque individu doit pouvoir choisir librement sa vie, mais sans freiner les choix des autres ni restreindre les capacités d’action de la collectivité.

L’épanouissement et l’émancipation des citoyens ont vocation à être des objectifs universels, mais cette ambition nécessite de s’adapter aux diverses réalités locales de chaque groupe humain.

L’épanouissement et l’émancipation des citoyens, et de la collectivité, ne seront effectifs que s’ils s’inscrivent dans la durée. Tant les générations présentes que futures ont droit au bonheur. Le bien-être d’aujourd’hui ne peut hypothéquer la qualité de vie des citoyens de demain.

Comme le montre l’exemple de l’île de Pâques, pour se développer dans la durée, il importe à la fois d’améliorer les conditions de vie des citoyens tout en protégeant l’environnement. Ce progrès doit être également partagé par tous. Les gens qui vivent dans la pauvreté tout comme les gens qui vivent dans un environnement pollué ne peuvent s’épanouir pleinement. Il s’agit d’aborder de front la lutte contre les inégalités et la pauvreté, et la réponse aux défis environnementaux. Ces combats peuvent même se renforcer mutuellement.

Autrement dit, une société évoluée et durable doit offrir à chaque citoyen un cadre de vie de qualité : avoir un toit, se chauffer et s’éclairer, avoir accès à l’eau, manger à sa faim une nourriture de qualité, respirer un air de qualité, mener ses activités librement, se déplacer facilement, vivre en bonne santé, avoir accès à l’éducation et la culture, passer du temps avec sa famille et ses proches, se divertir. Dans l’écosocialisme, la notion d’environnement ne couvre pas que la protection de la nature, mais elle englobe aussi des dimensions sociales et culturelles8

Cette double préoccupation sociale et environnementale implique enfin de modifier en profondeur les schémas de pensée et les modèles économiques dominants. Il est également nécessaire de repenser l’organisation de nos sociétés.

Notre modèle actuel doit être réinventé pour rencontrer les défis sociaux et environnementaux. Il s’agit de passer d’une économie qui consomme de grandes quantités de ressources naturelles et d’énergies non renouvelables et qui produit beaucoup de déchets à une économie sobre en ressources qui permet de satisfaire les besoins de chacun de manière durable dans les limites de ce que peut offrir notre planète. Autrement dit, il faut apprendre à faire plus et mieux avec beaucoup moins9. Le progrès ne doit plus être conçu comme un moyen de produire toujours plus mais d’améliorer la qualité de vie de la société et des individus qui la composent.

3.2. Les cinq objectifs de l’écosocialisme

Afin d’assurer l’épanouissement et l’émancipation des citoyens, dans une logique écosociale, cinq objectifs majeurs sont à rencontrer. Ces objectifs sont interdépendants.

A. Assurer aux citoyens un accès juste et durable aux ressources naturelles

Pour s’épanouir et bénéficier d’un cadre de vie agréable, chaque citoyen doit pouvoir jouir des diverses ressources naturelles et des services qu’offre la nature (aliments pour boire et se nourrir, matériaux pour construire son logement, combustibles pour se chauffer, s’éclairer et se déplacer, produits naturels pour les cosmétiques et les médicaments, etc.).

Les ressources naturelles doivent également être gérées durablement, afin de leur laisser le temps de se régénérer (forêts, poissons, etc.) et de ne pas abîmer de manière irréversible l’environnement dont nous avons besoin pour vivre (pollutions, émissions de gaz à effet de serre, etc.).

Cette approche implique clairement de concilier les besoins individuels, le cadre de vie (ou l’environnement) et l’action collective. L’individu ne peut pas assurer seul tous ses besoins ni organiser une gestion des ressources naturelles qui les préserve dans la durée et à l’échelle mondiale. L’individu ne peut pas répondre seul à la crise climatique et environnementale.

L’action collective doit permettre de trouver un équilibre entre l’humain et la nature, afin de sortir d’une logique de consommation sans limite des ressources naturelles.

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8 GORCE, Gaëtan, L’Écosocialisme, Fondation Jean-Jaurès, Paris, 2015, p. 61. 9 GRANDJEAN Alain, LE TENO Hélène, Miser (vraiment) sur la transition écologique, coll. D’autres lendemains, Les Éditions de l’Atelier, Paris, 2014, pp. 55 & 72-73.

« Fondamentalement, la tâche consiste non seulement à élaborer un programme politique alternatif, mais aussi à énoncer une vision du monde différente, capable de rivaliser avec celle qui est à l’origine de la crise écologique – une vision fondée sur l’interdépendance plutôt que sur l’hyperindividualisme, sur la réciprocité plutôt que sur la domination, sur la coopération plutôt que sur la hiérarchie. »10

B. Partager équitablement les richesses

L’action collective et la coopération doivent permettre à chaque citoyen de bénéficier de revenus suffisants. Il n’est pas envisageable de s’épanouir si on est préoccupé par ce que ses enfants mangeront le lendemain ou parce qu’on est incapable de financer ses soins de santé. Les nombreuses richesses produites doivent être mieux réparties entre les

citoyens du monde11

En outre, réduire les inégalités permettrait aussi de diminuer les dégâts environnementaux. Dans une société très inégalitaire par exemple, si l’objectif est d’assurer un niveau de vie digne aux citoyens aux revenus les plus faibles, il faudrait dégager une très forte croissance économique pour y parvenir sans toucher aux écarts de richesse entre les gens. Cette intense croissance aurait plus que probablement des conséquences significatives sur l’environnement. Au contraire, un partage plus équitable des richesses offrirait à chacun un niveau de vie digne sans devoir réaliser une croissance aussi soutenue12

C. Garantir les droits sociaux fondamentaux

S’épanouir, s’émanciper et mener ses projets de vie nécessitent de ne pas avoir à s’inquiéter pour ses conditions de vie, quel que soit son âge ou son parcours, et de ne pas être menacé dans son existence propre.

Il est ainsi essentiel de pouvoir vivre et s’exprimer librement, de participer à la vie commune, de vivre en sécurité, de recevoir de la considération de la société, de vivre dans des conditions dignes, de travailler dans un cadre agréable et stimulant, d’avoir accès aux soins de santé, à l’éducation et la culture, de bénéficier d’argent en cas de perte de revenus, etc.

D. Revoir notre rapport au temps et favoriser les échanges humains

L’écosocialisme poursuit l’objectif de revoir notre rapport au temps, afin que l’individu puisse consacrer plus de temps à son propre épanouissement et aux relations avec les autres. Contre la tendance néolibérale qui incite à travailler toujours plus et consommer toujours plus, il s’agit d’envisager un mode de vie plus écologique et social. Ce rapport différent au temps se base en particulier sur la réduction du temps de travail. Elle permettra de dégager du temps pour soi-même (bricolage, potager, etc.) et pour les autres (renforçant ainsi le lien social). Se laisser plus de temps encouragera chacun à être moins stressé et à réfléchir davantage à sa consommation, afin de consommer autrement et mieux13

E. Permettre la participation pleine et entière des citoyens à la construction de la société

Pour réussir la transition vers une société écosociale, il est important d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre. Les projets de la société, qu’ils soient à petite échelle ou d’envergure, doivent impliquer les citoyens dans leur élaboration et leur mise en œuvre, afin que ces projets puissent bénéficier pleinement à la collectivité et non à quelques individus seulement.

L’objectif est de dynamiser notre culture démocratique et de « co-construire » les projets qui fonderont la société écosociale de demain, en rassemblant les citoyens, les travailleurs, les entrepreneurs, les associations, les pouvoirs publics et toutes les autres forces vives de la société.

L’écosocialisme appelle clairement à miser sur le terrain local. Chaque citoyen peut s’y approprier plus facilement le changement qu’à l’échelle du monde. Les initiatives citoyennes locales doivent être soutenues. Cette approche

10 KLEIN, Naomi, Tout peut changer. Capitalisme & changement climatique, Actes Sud, Arles, 2015, p. 519.

11 Il est ainsi choquant que huit hommes possèdent autant de richesses que la moitié la plus démunie des habitants de la terre (3,6 milliards de personnes) –OXFAM, Une économie au service des 99%, Rapport, janvier 2017, https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/bp-economy-for-99-percent160117-fr.pdf

12 LAURENT Eloi, POCHET Philippe, Pour une transition sociale-écologique. Quelle solidarité face aux défis environnementaux ?, coll. Politiques de la transition, Les Petits Matins/Institut Veblen, Paris, 2015, pp. 16-21.

13 SCHOR, Juliet B., La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé, traduit de l’américain par F. et P. Chemla, Éditions Charles Léopold Mayer, Paris, 2013, 261 p.

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n’exonère bien entendu pas d’agir à tous les niveaux en parallèle (national, européen, planétaire) pour y concrétiser le changement14

4. Quelques exemples d’écosocialisme dans la vie quotidienne

L’écosocialisme a vocation à se décliner de manière transversale dans l’ensemble des politiques publiques, en particulier dans le rôle de l’Etat, les services publics, les protections sociales, l’utilisation rationnelle de l’énergie et les énergies renouvelables, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, le logement, la mobilité, l’alimentation et la production, la transformation et la consommation de biens et services.

Nous nous concentrerons ici sur quatre exemples pratiques liés au logement, l’énergie, la mobilité et l’alimentation.

4.1. Le droit à un logement de qualité tout au long de la vie

L’accès à un logement de qualité est une condition indispensable à la concrétisation de l’écosocialisme. L’offre de logement doit être suffisante avec des prix abordables. L’intervention des pouvoirs publics est indispensable de ce point de vue.

Les logements doivent aussi être salubres, économes en énergie, construits dans des matériaux sains et intégrer la nature en leur sein (façades et toitures végétales, espaces verts à proximité, récupération de l’eau de pluie, etc.). Il s’agit de concilier le bien-être des individus, des loyers et charges raisonnables et la préservation de l’environnement.

Il est aussi essentiel de tenir bien davantage compte de l’évolution des ménages au fil de leur vie. Des logements composés de modules assemblables au gré des évolutions familiales et de la perte d’autonomie des citoyens sont à développer en partenariat avec des facultés d’architecture. Concrètement, des pièces doivent pouvoir être ajoutées ou retirées en fonction de l’arrivée ou du départ des enfants ; les pièces doivent pouvoir être réaménagées suite à une perte de mobilité.

4.2. Des coopératives d’énergie

La multiplication de coopératives d’énergie est un levier d’action écosocialiste intéressant. Ces coopératives peuvent investir à la fois dans des projets d’économie d’énergie dans les bâtiments (logements, bâtiments publics et associatifs, etc.) et dans la production d’énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes, biomasse, etc.).

Tant les pouvoirs publics locaux que les citoyens peuvent participer à ces coopératives, tout en veillant à ce qu’un accès plus avantageux soit octroyé aux citoyens à bas revenus.

Les avantages de ces coopératives sont nombreux. Elles contribuent à la protection de l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique. Elles assurent un développement plus aisé des énergies renouvelables en permettant aux citoyens, notamment les moins privilégiés, de bénéficier de la transition énergétique. Elles permettent enfin à la collectivité de reprendre la maitrise d’une ressource vitale, l’énergie.

4.3. Une mobilité accessible et respectueuse du cadre de vie

Une meilleure politique de mobilité nécessite de réfléchir conjointement à l’aménagement de l’espace public et à la mobilité. L’objectif est double : d’une part, garantir des emplois et des services (commerces, écoles, loisirs, etc.) proches des habitations, afin de réduire le nombre de longs déplacements ; d’autre part, mieux partager l’espace entre les piétons, les vélos, les transports publics, les voitures, les activités culturelles et festives, etc. Il s’agit ensuite de favoriser les modes de transport selon le principe STOP15, c’est-à-dire en privilégiant d’abord les piétons, puis les cyclistes, puis les transports publics, et enfin les transports privés. Dans les transports privés, on peut distinguer les usages collectifs (voitures partagées, covoiturage, etc.) et les usages purement individuels.

Cette approche favorise en priorité les modes de déplacements les moins chers pour les individus et la collectivité, qui contribuent à réduire la congestion, qui sont les plus bénéfiques pour la santé et qui ont le moins de conséquences négatives pour l’environnement et l’espace public.

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14 GORCE, Gaëtan, op.cit., pp. 41-48. 15 Stappers (piétons), Trappers (cyclistes), Openbaar vervoer (transports publics), Privé-vervoer (transports privés).

4.4. Des circuits courts pour une alimentation de qualité

Le développement de circuits courts pour distribuer les produits alimentaires comporte de grands avantages. La proximité entre le producteur et le consommateur permet de réduire les coûts liés aux intermédiaires qui se répercutent dans le prix de vente, tout en rémunérant mieux les agriculteurs. Cette proximité permet également de créer une relation de confiance entre les acteurs qui peut jouer sur la qualité des produits vendus. Les circuits courts contribuent aussi à soutenir les emplois locaux et à raccourcir les distances de livraison, ce qui s’avère bénéfique pour l’environnement.

Les pouvoirs publics et les collectivités territoriales ont également leur rôle à jouer pour soutenir les circuits courts. Ils peuvent par exemple prévoir des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics en vue d’approvisionner les cantines scolaires ou les repas dans les homes avec des produits locaux et de qualité.

5. Conclusion

Un des grands défis de l’humanité depuis la nuit des temps est d’assurer le progrès des sociétés humaines et de leurs habitants, en respectant les limites de l’environnement dans lequel elles vivent. Cet horizon s’est obscurci ces dernières décennies à cause d’une utilisation non raisonnée des ressources naturelles et d’inégalités toujours plus criantes, conséquences d’un capitalisme exacerbé. Aujourd’hui, les défis sociaux, climatiques et environnementaux sont indéniables.

Les problèmes de réchauffement climatique, de dégradation de la nature et de pollution de notre cadre de vie sont clairement liés à nos modèles économiques et à notre style de vie « occidentalo-centré ».

Il est dès lors essentiel d’établir un nouveau modèle de développement qui garantisse l’épanouissement et l’émancipation des citoyens, dans un cadre collectif apaisé, ici et ailleurs, aujourd’hui comme demain.

Dans la lignée du développement durable, qu’il prolonge et approfondi, l’écosocialisme veut offrir un espoir et des perspectives positives aux citoyens. Il poursuit l’objectif d’un monde plus juste, avec moins d’inégalités et un meilleur respect de notre environnement.

Pour mettre en œuvre l’écosocialisme, les citoyens doivent s’associer pour « co-construire » le monde idéal de demain. L’action publique et collective peut offrir une réponse au désenchantement ambiant, en réunissant les bonnes volontés autour d’un projet partagé, qu’il s’agisse des citoyens à titre individuel, des pouvoirs publics, de la société civile organisée ou des entreprises.

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RÉSUMÉ

Un des grands défis de l’humanité depuis la nuit des temps est d’assurer le progrès des sociétés humaines et de leurs habitants, en respectant les limites de l’environnement dans lequel elles vivent. Cet horizon s’est obscurci ces dernières décennies à cause d’une utilisation non raisonnée des ressources naturelles et d’inégalités toujours plus criantes, conséquences d’un capitalisme exacerbé. Aujourd’hui, les défis sociaux, climatiques et environnementaux sont indéniables.

Il est dès lors essentiel d’établir un nouveau modèle de développement qui garantisse l’épanouissement et l’émancipation des citoyens, dans un cadre collectif apaisé, ici et ailleurs, aujourd’hui comme demain.

Cet État de la question a comme ambition d’analyser le concept d’écosocialisme au regard de cet objectif de développement équilibré. La première partie examine certains concepts et notions qui ont précédé l’écosocialisme et dans lesquels il s’inscrit. La deuxième partie cherche à définir l’écosocialisme. La dernière partie aborde quelques exemples d’écosocialisme déclinés dans la vie quotidienne.

L’écosocialisme veut offrir un espoir aux citoyens. Il poursuit l’objectif d’un monde plus juste, avec moins d’inégalités et un meilleur respect de notre environnement.

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