la dette publique belge a 100% du PIB-2019

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ETAT DE LA QUESTION

LA DETTE PUBLIQUE BELGE À 100% DU PIB

DÉCEMBRE 2019

ER Gilles Doutrelepont13 Bd de l’Empereur1000 Bruxelles
SOMMAIRE 1. Introduction 3 3. La dette publique en Belgique 4 4. Maîtriser le ratio de la dette publique 6 5. D’autres paramètres à prendre en considération 7 6. Conclusion 9

1. Introduction

La maîtrise des dettes reste l’un des principaux piliers des règles européennes en matière de finances publiques. En Belgique, le niveau de la dette publique fait l’objet d’une attention très particulière.

Selon les dernières projections de la Banque nationale de Belgique (BNB), la dette de l’ensemble des administrations publiques belges devrait cependant repasser sous la barre des 100% du PIB en 20191, pour la première fois depuis 2008. Il s’agit d’un cap symbolique, en réalité sans grande conséquence économique ou financière. Entre un ratio de dette de 101% et un ratio 99% du PIB, la situation financière d’un Etat reste, intrinsèquement, très similaire.

Dans le même temps, les taux d’intérêt auxquels l’Etat belge emprunte se maintiennent à des niveaux particulièrement bas : pour la première fois, en juillet 2019, l’Etat a même emprunté à 10 ans à taux négatifs2

Ces deux événements sont l’occasion de s’interroger sur les perspectives, les risques liés à un niveau de dette publique qui reste élevé, ainsi que les facteurs qui permettent d’atténuer ces risques.

La deuxième section défini brièvement quelques notions relatives à la dette publique. La troisième section fait le point sur l’état de la dette publique en Belgique. La quatrième section explique pourquoi la Belgique se doit de tenir compte de son haut niveau de dette pour établir sa politique budgétaire. La cinquième section introduit plusieurs facteurs importants qui permettent d’atténuer le diagnostic concernant la dette publique. La dernière section conclut cette analyse.

2. Quelques notions

La dette publique

La dette publique, représente « l’encours de l’ensemble des emprunts contractés par l’État, les entités fédérées et les pouvoirs locaux pour faire face à leur besoin de financement »34

En d’autres termes, la dette représente l’accumulation des emprunts des administrations publiques contractés pour financer les déficits budgétaires annuels.

Lorsque l’on parle de la dette publique de la Belgique, cela comprend la dette de l’ensemble des niveaux de pouvoir, pas uniquement l’Etat fédéral. Chacun de ces niveaux de pouvoir gère sa dette propre, ainsi que celle de certains des organismes repris dans son périmètre. Pour évaluer l’endettement public en Belgique, les dettes de tous les pouvoirs publics sont « consolidées », c’est-à-dire additionnées.

Le ratio dette/PIB

Ratio dette/PIB : l’indicateur le plus utilisé concernant la dette, rapporte celle-ci au Produit intérieur brut (PIB). Le PIB est la valeur de la production de richesses nationales au cours d’une année. Rapporter la dette au PIB permet donc d’évaluer celle-ci au regard de la production de richesses.

Le ratio présente donc un intérêt pour étudier l’évolution de la dette dans le temps par rapport à la richesse nationale, mais aussi de réaliser des comparaisons internationales : comparer l’endettement de la France et de la Belgique en montants absolus n’apporte pas beaucoup d’enseignement sur leur niveau d’endettement (2.315 milliards d’euros contre 460 milliards), par exemple. En étudiant les ratios, cela apparaît plus clairement parce

1 BNB, Projections économiques pour la Belgique – Automne 2019, https://www.nbb.be/fr/articles/projections-economiques-pour-la-belgique-automne-2019 (consulté le 17/12/2019)

2 VRT, « Pour la première fois, la Belgique emprunte à un taux négatif à 10 ans », https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2019/07/22/pour-la-premiere-fois-la-belgique-emprunte-a-un-taux-negatif-a/ (consulté le 17/12/2019).

3 CRISP, Vocabulaire politique, Dette publique, http://www.vocabulairepolitique.be/dette-publique/ (consulté le 17/12/2019).

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que la dette de chaque pays est mise en rapport avec une mesure de la production économique de ce pays (le PIB) : 98% contre 100% (en 2018).

3. La dette publique en Belgique

Le niveau de dette

La dette publique globale en Belgique s’est établie à 100% du PIB pour 2018. Après un pic atteint en 1993 (137,8% du PIB), la dette a progressivement été réduite, pour atteindre 86,9% en 2007. Les crises économiques et financières déclenchées à partir de 2008, ont lourdement accru le déficit des pouvoirs publics et, à nouveau, poussé le ratio à la hausse, jusqu’à 107% du PIB en 2014. Depuis, la dette était à nouveau en baisse constante.

Graphique 1 : Dette de l’ensemble des administrations publiques (% PIB)

Source : Agence de la dette

Le graphique 2, ci-dessous, reprend l’évolution du solde de financement5 et du solde primaire (le solde excluant les charges d’intérêt), dont l’amélioration joue un rôle important dans la réduction du ratio de dette. Le graphique indique également la baisse continue du poids des charges d’intérêts6.

Graphique 2 : Soldes et charge d’intérêt en Belgique (% PIB)

Source : Agence de la dette.

5 Solde de financement : « Egalement appelé solde budgétaire, il correspond à la différence entre les recettes et les dépenses. Selon qu’il est positif, nul ou négatif, on dira que le budget est en excédent (ou en surplus), à l’équilibre ou en déficit » (Définition BNB, http://www.nbbmuseum.be/wp-content/ uploads/2016/10/5-Glossaire-abr%C3%A9viations-sources.pdf)

6 Agence fédérale de la dette, Ensemble des pouvoirs publics, Soldes primaires et de financement, https://www.debtagency.be/fr/chiffre/ensemble-des-pouvoirs-publics/datagovernmentdebtprimarysurplus (consulté le 17/12/2019).

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De près de 9% du PIB en 1995, le poids des charges d’intérêt a baissé continuellement, pour atteindre 2,3% en 2018. Cela bien que le solde primaire se soit dégradé après la crise financière et la crise des dettes souveraines, qui a suivi peu après.

En 2018, cette charge d’intérêt équivalente à 2,3% du PIB, pour l’ensemble des pouvoirs publics, représente 10,6 milliards d’euros, ce qui reste considérable. A titre de comparaison, le budget dévolu à la justice s’élève à un peu moins de 2 milliards d’euros.

A un niveau de 100% du PIB, la dette publique belge se place dans le peloton de tête au sein de l’Union européenne :

Graphique 3 : Dettes publiques dans l’Union européenne

Source : Eurostat.

En 2018, la Belgique est le 5e pays présentant la plus importante dette publique de l’Union européenne, après la Grèce (181% du PIB), l’Italie (135%), le Portugal (122%) et Chypre (100,6%), et à quelques longueurs de la France (98%) et de l’Espagne (97,6%).

Besoins de financement

Sur base annuelle, les pouvoirs publics belges doivent emprunter pour financer leur déficit (le cas échéant), ainsi que la dette à échéance (c’est-à-dire contracter de nouveaux emprunts pour rembourser les précédents).

En 2019, l’agence fédérale de la dette prévoyait des besoins bruts de financement de 35,67 milliards d’euros7 : 7,84 milliards pour financer le déficit de l’Etat fédéral, 23,37 milliards pour refinancer la dette arrivant à échéance en 2019, et 4,46 milliards pour préfinancer les besoins de 2020. A ces montants s’ajoutent les besoins des Régions et Communautés, qui doivent également financer leur déficit et le renouvellement de leur dette venant à échéance.

Ces montants doivent être empruntés sur les marchés financiers. Les institutions ou particuliers qui prêtent à l’Etat belge évaluent le risque que représente le prêt, et demandent une prime de risque. Plus le risque estimé est élevé, plus le taux d’intérêt demandé sera élevé.

Afin de déterminer le risque représenté par le prêt à un Etat, les prêteurs potentiels se basent notamment sur la notation, ou rating, émise par les agences de notation.

7 https://www.debtagency.be/fr/chiffre/etat-federal/datafederalstatefinancingplan

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Qui sont les émetteurs et les détenteurs de la dette belge ?

Dans une étude récente, la BNB s’attarde sur quelques caractéristiques de la dette (graphique 4).

La dette publique relève avant tout de l’Etat fédéral (82%). Cette situation s’explique notamment par le développement récent (relativement à celui de l’Etat belge) des Communautés et Régions.

Près de la moitié de la dette est détenue par des résidents belges, dont 13% par la BNB elle-même (pour le compte de la Banque centrale européenne (BCE)). 24% des détenteurs non belges sont localisés dans la zone euro, et 28% en dehors de celle-ci.

Graphique 4 : Répartition de la dette par entités et par origine des détenteurs

Source: BNB8

4. Maîtriser le ratio de la dette publique

Les pouvoirs publics doivent porter une attention particulière à l’accumulation de la dette. D’une part, celle-ci a un coût, les charges d’intérêts, qui peuvent devenir exorbitantes en cas d’envolée des taux, et de doute des marchés. D’autre part, les règles européennes imposent également des limites à l’endettement.

Le coût de la charge d’intérêt

Les emprunts publics ont un coût : les charges d’intérêts exigées par les prêteurs. Ces intérêts doivent être payés par le budget des pouvoirs publics, donc par les ressources prélevées sur les citoyens et les entreprises.

Une charge de la dette importante réduit la capacité de dépenses de l’Etat dans d’autres domaines, ou peut nécessiter de lever des impôts et des taxes plus conséquents.

Des risques prononcés en cas de crise économique

La récente crise des dettes souveraines l’a démontré : en cas de crise et de profonde incertitude, les marchés financiers (les prêteurs) peuvent remettre en cause la stabilité d’Etats fortement endettés, en refusant de prêter ou

8 BNB, “How risky is the high public debt in a context of low interest rates?”, https://www.nbb.be/en/articles/how-risky-high-public-debt-context-low-interestrates-0 (consulté le 17/12/2019).

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en exigeant des taux d’intérêt très élevés. Une hausse rapide des taux d’intérêt peut alors augmenter brusquement la charge d’intérêt des Etats, surtout si les besoins de financement (pour le déficit et les emprunts venant à échéance) sont élevés.

Or, plus la dette est élevée, plus les emprunts à renouveler sont importants, et plus le financement pourra entraîner de lourdes charges additionnelles. Les pays fortement endettés sont donc plus vulnérables à d’importantes hausses de taux.

Une telle situation alourdira le déficit, ce qui devrait être compensé par des efforts en termes d’économies et de recettes nouvelles, au détriment de dépenses publiques, d’investissements, etc.

Les pays lourdement endettés doivent donc être particulièrement attentifs à leur finances publiques, éviter des déficits trop prononcés qui les mettraient à mal en cas de choc économique. C’est le cas de la Belgique.

Les règles européennes en ce qui concerne la dette

Les règles européennes incitent également la Belgique à poursuivre la réduction du ratio de dette à un rythme soutenu.

Le critère de la dette, composante des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance, prévoit que « le taux d’endettement, à savoir la dette publique brute exprimée en pourcentage du PIB, ne dépasse pas 60% du PIB ou que le taux d’endettement diminue suffisamment et se rapproche de la valeur de référence de 60% du PIB à un rythme satisfaisant. « Suffisamment » et « rythme satisfaisant » signifient que l’écart entre le taux d’endettement et le seuil de 60% du PIB diminue de 1/20ème en moyenne par an sur une période de 3 ans (il s’agit du critère de réduction de la dette standard) »9

A l’origine, une telle limite à l’endettement devait, notamment, éviter que des Etats surendettés et en difficulté financière ne fassent pression sur la Banque centrale européenne pour obtenir des financements directs, ce qui lui est interdit10. Avec une dette publique à 100% du PIB, la réduction moyenne annuelle devrait s’élever à 2 points de pourcentage, soit une vitesse très élevée. La pertinence d’imposer un tel rythme est néanmoins remis en question (voir section 3).

5. D’autres paramètres à prendre en considération

Si le niveau de la dette en Belgique est toujours très haut, et doit rester une préoccupation majeure, l’étude de certains facteurs déterminants permet néanmoins d’améliorer quelque peu le diagnostic général sur l’endettement public. Nous en listons quelques-uns ci-dessous.

L’application trop stricte des règles est contreproductive

L’endettement public n’est, en lui-même, pas nécessairement une mauvaise chose : il permet de lisser les dépenses de l’Etat, de soutenir l’activité économique lorsque celle-ci s’essouffle, et d’investir. Dans cas, en réalité, comme l’affirme l’économiste Paul Krugman : « debt is good »11

L’accumulation excessive de dette peut, en revanche, être une source de coût, peser sur les finances publiques, et in fine rendre un pays instable. Il convient donc de veiller à maîtriser la dette publique, et de la réduire lorsque cela est souhaitable et possible, mais la réduire à marche forcée peut être contre-productif

Des politiques budgétaires trop restrictives, visant à assainir trop rapidement les finances publiques, risquent de mettre à mal la réduction du ratio de dette. Le scénario grec l’a encore largement démontré12

9 Conseil supérieur des Finances, Section « besoins de financement des pouvoirs publics », « Analyse des réalisations budgétaires récentes », 2019.

10 Paul Krugman et Maurice Obstfeld, « Economie internationale », Pearson Education, 2009.

11 Paul Krugman, “Debt is good”, https://www.nytimes.com/2015/08/21/opinion/paul-krugman-debt-is-good-for-the-economy.html (consulté le 17/12/2019).

12 Les Echos, “Et si la dette publique était un faux problème”, https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/et-si-la-dette-publique-etait-un-faux-probleme-991527 (consulté le 17/12/2019).

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Dans un récent rapport sur l’application des règles budgétaires, le Comité budgétaire européen (CBE) estime que respecter le critère de la dette et atteindre l’objectif de 60% du PIB pendant une période de faible croissance impliquerait des efforts démesurés pour les pays très endettés, « plus important que tout ajustement observé dans d’autres payes dans le passé ».

Le CBE reconnaît que, pour les pays qui ont un haut niveau de dette, il serait probablement plus intéressant de redéfinir un « rythme satisfaisant » de réduction de dette, plutôt que de se fixer sur le respect absolu du critère de la dette.

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), il n’y a d’ailleurs pas de logique économique derrière le ratio de 60% du PIB, imposé comme limite par le Pacte de Stabilité et de Croissance13

Il s’agirait également de moduler les règles en matière de dette, afin de favoriser les investissements publics. Le CBE souligne que, depuis 2015, les règles budgétaires ont « visé à offrir des incitants limités aux Etats membres pour s’engager dans des réformes structurelles et davantage d’investissements en liant l’introduction de flexibilité à l’adoption de réformes structurelles […] ainsi qu’à l’investissement public additionnel pour augmenter la croissance potentielle ». Or, le CBE constate que, très souvent, les gouvernements ont préféré repousser des investissements publics et des réformes structurelles.

La question de l’introduction d’une réelle « règle d’or » pour encourager l’investissement public reste donc posée. Il s’agit de permettre aux Etats d’emprunter pour investir, donc d’autoriser un déficit pour permettre de financer ces investissements. Pour le reste des dépenses, le solde budgétaire devrait être à l’équilibre.

Une maturité résiduelle moyenne longue

L’Agence fédérale de la dette a procédé ces dernières années à une extension de la maturité résiduelle moyenne14 En 2018, la maturité moyenne des dettes publiques dans les pays de l’OCDE atteignait 7,9 ans. En Belgique, la maturité résiduelle a progressivement été portée à 9,6 ans15. Cette extension de maturité présente plusieurs avantages, comme la réduction des besoins de financement annuels et la protection contre une remontée rapide des taux d’intérêts.

L’extension de la maturité résiduelle moyenne a un coût : la BNB évalue le coût total de ces opérations depuis 2010 à 2,1 milliards d’euros en 2019.

Compte tenu de son coût élevé, la validité de cette politique peut être débattue. En l’état, cela réduit cependant le risque sur la dette belge en cas de remontée des taux d’intérêt.

Des taux d’intérêt très bas

En 2018, le taux moyen pour les émissions d’obligations souveraines à 10 ans était de 0,81% en Belgique, pour 0,78% en France, et 0,40% en Allemagne. En juillet 2019, il passait en-dessous des 0%16. A leur pic historique en 1982, les taux d’intérêt payés par la Belgique s’élevaient à plus de 13%17

Le 12 décembre 2019, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait à nouveau maintenir inchangé le taux de ses principales opérations de refinancement18. Or, celui-ci impacte directement les taux auxquels empruntent les Etats de la zone euro. La BCE précisait également qu’elle maintiendrait ses taux inchangés tant qu’il n’y aurait pas de remontée robuste de l’inflation, dont l’objectif est d’être proche, mais sous les 2%, selon le mandat de la BCE.

Cette situation favorable pourrait ne pas durer. Ainsi que l’expose la BNB, « le contexte actuel de taux d’intérêt bas ne peut être considéré comme normal à moyen et long terme, et il serait imprudent pour la politique budgétaire

for the EU », https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2019/OFCEpbrief49.pdf (consulté le 17/12/2017).

14 La maturité de la dette est la date à laquelle le remboursement final est dû. La maturité résiduelle moyenne représente la moyenne pondérée des dates de remboursement de l’ensemble de l’encours de la dette, composé de tous les emprunts émis, non encore échus.

15 Ibid.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 European Central Bank, Monteray policy decisions, https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2019/html/ecb.mp191212~06d84240ae.en.html (consulté le 17/12/2019).

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13 Christophe Blot, Jérôme Creel, Magali Dauvin, Bruno Ducoudré, Raul Sampognaro, Xavier Timbeau et Andrew Watt, OFCE, Policy brief, « Some challenges ahead

de reposer sur le fait que ces conditions perdurent »19 .

Une certaine prudence s’impose, par conséquent, bien que la remontée des taux soit toujours incertaine. En tout état de cause, à plus court terme, il est cependant probable que les taux d’intérêt restent relativement bas. Au vu de la faiblesse des taux auxquels l’Etat belge emprunte actuellement, une remontée progressive accroîtrait la charge d’intérêt, mais ne mettrait pas directement à mal la soutenabilité de la dette publique20

Dans un contexte de taux d’intérêt bas, et, particulièrement, lorsque les taux d’intérêt implicites sur la dette sont inférieurs au taux de croissance de l’économie, des marges peuvent exister, même pour certains Etats endettés : De Grauwe et Ji (2019) concluent, par exemple, que « la plupart des pays de la zone euro [y compris la Belgique] ont la capacité d’user de politiques budgétaires comme outils pour combattre une récession prochaine sans risque de déstabiliser leur niveau de dette »21

Un large consensus au sein de la classe politique belge

Bien que les positions divergent sur la politique budgétaire à mener, il existe un large consensus sur l’importance à accorder à la maîtrise et à la soutenabilité de la dette publique. De ce fait, la Belgique pourrait être moins exposée à des soubresauts des marchés financiers22. André Sapir (2018) détaille:

“Il y avait, en Belgique, un consensus unanime parmi les politiciens sur la source de fragilité que représente un haut niveau de dette publique et que l’appartenance à l’euro était économiquement et politiquement vitale pour le bien-être du pays. Cet engagement absolu envers l’euro permit à la Belgique d’échapper très largement à la pression des marchés pour la prise de mesures d’austérité au pic de la crise des dettes souveraines de la zone euro. » Ce consensus perdure encore aujourd’hui. Il reste néanmoins à examiner l’impact que peut avoir l’absence prolongée d’un gouvernement fédéral de plein exercice.

Le ratio dette/PIB et le concept de dette nette

L’évaluation de la dette publique, telle que prévue par exemple par le Traité de Maastricht, ne prend en compte que la dette, sans tenir compte du patrimoine et des actifs de l’Etat. Or, les pouvoirs publics détiennent des actifs, que l’on peut mettre en regard des emprunts.

Le Fonds monétaire international (FMI), réalise des calculs pour évaluer la dette nette. Si l’on prend en compte les actifs financiers détenus par les pouvoirs publics, le FMI ramène la dette publique de la Belgique à 88,5% du PIB en 201823 (pour 100% en ce qui concerne la dette publique brute). Sont comptabilisés, notamment, des actifs tels que les participations de l’Etat dans les banques Belfius et BNP Paribas via la Société Fédérale de Participations et d›Investissement, les investissements des Sociétés régionales d’investissement (SRIW, PMV, finance&invest. brussels,…) dans les entreprises, etc.

Seuls les actifs financiers sont retenus, non le patrimoine global (bâtiments, routes, œuvres, recherche scientifique…) plus difficilement quantifiable. La valorisation de ces actifs permettrait de relativiser encore davantage la dette publique.

6. Conclusion

La soutenabilité de la dette belge n’est actuellement pas remise en cause. En baisse depuis 2014, elle devrait repasser sous les 100% du PIB.

19 Ibid.

20 Bruno Colmant, « La dette publique est-elle soutenable? », https://blog.degroofpetercam.com/fr/economie/1682/bruno-colmant-dette-publique-belge-soutenable (consulté le 17/12/2019).

21 Paul De Grauwe et Yuemei Ji, “Rethinking fiscal policy choices in the euro area”, https://voxeu.org/article/rethinking-fiscal-policy-choices-euro-area (consulté le 17/12/2019).

22 André Sapir, “High public debt in euro area countries: comparing Belgium and Italy”, Bruegel, Policy contribution, Septembre 2018.

23 FMI, IMF DataMapper, Net Debt, https://www.imf.org/external/datamapper/GGXWDN_G01_GDP_PT@FM/ADVEC/FM_EMG/FM_LIDC/PAK (consulté le 17/12/2019).

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Selon la BNB, la réduction de la dette devrait cependant rester l’objectif clé de la politique budgétaire en Belgique24, afin de démontrer aux marchés la capacité de l’Etat à tenir son budget, et d’être mieux armé face à une remontée rapide des taux d’intérêt et aux lourdes charges d’intérêt que cette remontée engendrerait.

Néanmoins, un certain nombre d’éléments viennent atténuer ce diagnostic. Les taux toujours très faibles, la maturité longue de la dette, la remise en question des règles européennes, par exemple, sont des éléments qui permettent de relativiser quelque peu l’impact du niveau élevé de la dette publique, et donner des orientations plus souples à la politique budgétaire.

Il faudra, à l’avenir, trouver le meilleur équilibre possible permettant à la fois d’assurer les investissements essentiels à la croissance future, la gestion adéquate du vieillissement de la population, ainsi que la maîtrise de la dette publique, afin de se préserver de sursauts des marchés financiers et d’une remontée des taux d’intérêts.

Etat de la Question 2019 • IEV 10
24 Ibid.

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RÉSUMÉ

Selon les dernières projections de la Banque nationale de Belgique, la dette de l’ensemble des administrations publiques belges devrait repasser sous la barre des 100% du PIB en 2019, pour la première fois depuis 2008. Il s’agit d’un cap symbolique, en réalité sans grande conséquence économique ou financière.

Dans le même temps, les taux d’intérêt auxquels l’Etat belge emprunte se maintiennent à des niveaux particulièrement bas : pour la première fois, en juillet 2019, l’Etat a même emprunté à 10 ans à taux négatif. Ces deux événements sont l’occasion de s’interroger sur les perspectives de la dette publique en Belgique.

Si le niveau de la dette en Belgique est toujours très haut, et doit rester une préoccupation majeure, l’étude de certains facteurs déterminants, formulés dans la présente analyse rédigée par Alex Reuter, permet néanmoins d’améliorer quelque peu le diagnostic général sur l’endettement public. Les taux toujours très faibles, la maturité résiduelle longue de la dette, la remise en question des règles européennes, par exemple, sont des éléments qui permettent de relativiser quelque peu l’impact du niveau élevé de la dette publique et de donner des orientations plus souples à la politique budgétaire.

Il faudra, à l’avenir, trouver le meilleur équilibre possible permettant à la fois d’assurer les investissements essentiels à la croissance future, la gestion adéquate du vieillissement de la population, ainsi que la maîtrise de la dette publique, afin de se préserver de sursauts des marchés financiers et d’une remontée des taux d’intérêts.

Institut Emile Vandervelde

Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles

Téléphone : +32 (0)2 548 32 11

Fax : + 32 (02) 513 20 19 iev@iev.be www.iev.be

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