
4 minute read
LE “GREEN GAP” EXISTE AUSSI ENTRE LES PAYS, MAIS QUELLE
IMPORTANCE ?
En tant qu’acteur de l’industrie alimentaire, nous voulons faire plus pour aider les consommateurs à prendre des décisions plus claires concernant l’impact climatique de leurs aliments. Dans l’état actuel des choses, il n’existe aucune méthode standard ou système d’étiquetage obligatoire que les marques alimentaires peuvent utiliser pour partager des informations sur le carbone dans leurs produits. Mais alors, comment font les consommateurs qui veulent manger plus vert ?
L’EMPREINTE CARBONE, UNE NOTION FLOUE
Sans information ni explication pour les consommateurs, il est impossible de connaître l’empreinte carbone des aliments. Nous avons constaté qu’un quart (25%) des personnes interrogées pensaient que la viande rouge était l’aliment le plus durable dans la liste suivante : viande rouge, fruits de mer, volaille, fruits et légumes et protéines végétales, un résultat qui va jusqu’à près de deux personnes sur cinq en Allemagne (38%). Encore en Allemagne, un pourcentage alarmant de 43% des répondants ont choisi les fruits et légumes comme l’aliment le moins respectueux du climat. Si le consommateur manque de connaissances à ce propos, avant même de passer la porte des magasins, comment pouvons-nous espérer un changement dans ses habitudes alimentaires alors que nous mettons toute la responsabilité sur lui ?
AVOIR CONSCIENCE DU “GREEN GAP” N’EST PAS SUFFISANT POUR LE COMBLER
Bien que la Suède soit le pays le plus sensibilisé à l’Accord de Paris des Nations Unies sur l’environnement (83%), seuls 3% des participants en Suède donnent la priorité à l’environnement lors de leurs choix de repas. Au RoyaumeUni, seulement 32% avaient entendu parler de l’Accord de Paris des Nations Unies, et pourtant le nombre de personnes plaçant l’environnement au premier plan lors du choix des aliments est resté presque le même qu’en Suède (4%). La prise de conscience des initiatives ne bousculera pas les choses à elle seule, nous avons encore besoin d’ajouter une couche supplémentaire dans la communication entre les consommateurs et les marques afin de les aider à déchiffrer l’impact carbone de leur alimentation. Alors quelque chose d’aussi simple qu’une étiquette carbone pourrait-il sauver la planète ?
Q: Un étiquetage plus clair des aliments durables vous encouragerait-il à faire des choix alimentaires plus durables dans votre magasin ?
STEFFEN HIRTH est titulaire d’un doctorat en sociologie et d’un diplôme en géographie sociale et économique. Il est chercheur à l’Institut de Recherche sur la Durabilité, École de la Terre et de l’Environnement, à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni. Avec l’aide de ses collaborateurs du projet H3 - Healthy Soil, Healthy Food, Healthy People - son travail sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire vise à améliorer la durabilité et la résilience du système alimentaire britannique.
L’enquête a révélé qu’une personne sur quatre estime, qu’en tant qu’individu, elle ne peut pas avoir d’impact sur son empreinte carbone, et seulement 12% des personnes interrogées pensent que l’alimentation est ce qui peut avoir le plus d’impact sur leur empreinte carbone (par rapport à d’autres secteurs comme les voyages de loisirs, l’énergie, les déplacements quotidiens et la consommation). D’après-vous, pourquoi si peu de gens pensent avoir une influence sur leur empreinte carbone, et plus précisément par le biais de leurs choix alimentaires ?
C’est compliqué. Nous avons évidemment une influence sur notre empreinte carbone individuelle, et l’alimentation est l’un des leviers les plus faciles et efficaces dont dispose un individu. Cependant, il est vrai que si quelqu’un abuse des transports aériens, agir sur cet aspect sera probablement plus efficace que sur son alimentation. Peu importe - pour atteindre les objectifs climatiques, nous devons utiliser les tous les leviers à notre disposition.
Niveau alimentation, la plupart d’entre nous font leurs courses quotidiennement, ainsi choisir une alimentation fraîche et riche en végétaux n’est pas forcément onéreux. Pourtant, il existe des facteurs qui limitent ce choix. Avec la hausse du coût de la vie, un nombre croissant de personnes dépendent des associations caritatives alimentaires. Les aliments biologiques ne sont pas disponibles partout ou simplement abordables. Ainsi, la façon dont les gens répondent à ces questions dépend beaucoup de l’endroit où ils vivent. Les personnes aisées des grandes villes ont un plus grand impact sur leur empreinte, car elles peuvent se permettre de choisir mais elles ont souvent une empreinte élevée à la base. Une société durable dépend d’une réglementation qui impose une transformation socialement juste, des prix élevés pour des émissions élevées et des changements drastiques dans les pratiques des producteurs et des détaillants. C’est pourquoi je comprends le sentiment que nous ne pouvons pas avoir un impact significatif sur notre empreinte – même si, d’une certaine façon, nous le pouvons tous. mais il s’agit d’une stratégie de campagnes politiques et commerciales classiques. Cela nous a déjà menés loin de la durabilité. L’autre option consiste à accepter que les gens peuvent ne pas être conscients et donc supprimer la nécessité pour eux de l’être en réglementant la disponibilité de la nourriture et les pratiques agricoles en leur nom. Poursuivre résolument ces deux options pourrait être la meilleure stratégie vers un système alimentaire durable.
À quel point est-il important de voter pour nos choix nutritionnels, afin de changer notre système alimentaire ?
25% des personnes interrogées ont choisi la viande rouge comme l’aliment le plus durable parmi une liste constituée de viande rouge, de fruits de mer, de fruits et légumes et de plantes. Pourquoi pensez-vous qu’il y a une si faible sensibilisation quant à l’impact de la viande rouge sur l’environnement ?
Soit les gens sont mal informés, soit ils ont mal compris la question. La société est en proie à des discours trompeurs. Concernant la viande rouge, les débats sur la “meilleure” viande et les pâturages régénératifs, popularisés à travers les documentaires font fausse impression. Le carbone stocké dans le sol par le pâturage régénératif ne compense pas l’effet d’atténuation du climat en substituant une “meilleure” viande aux aliments à base de plantes.
Pour en revenir à la question initiale, nous avons deux options. Sensibiliser les consommateurs est une évidence,
Pour atteindre les objectifs climatiques, nous devons diviser par trois voire quatre les émissions par habitant de l’UE avant 2030. D’ici sept ans, “nos” choix de repas devront être radicalement différents pour éviter que la Terre ne devienne un environnement inhabitable. Quand je dis “nos” choix, je ne parle pas de nous en tant qu’individus. Je veux dire nous, en tant qu’espèce et société. Le vote est un outil démocratique vital, mais je ne suis pas sûr d’approuver le “vote” pour ou contre des aliments, qu’ils soient bons ou mauvais.
Démocratiser l’alimentation responsable ne doit pas encourager les consommateurs à choisir entre de “bons” ou de “mauvais” aliments, même s’ils sont bien informés (ce rapport montre d’ailleurs que beaucoup ne le sont pas). La démocratie alimentaire devrait consister à réglementer collectivement les quantités de bœuf, de produits laitiers, de tomates sous serres chauffées, etc., que l’agriculture mondiale peut produire en toute sécurité, et créer des budgets carbone personnels pour un accès égalitaire aux aliments restants à fortes émissions, tout en accordant aux citoyens une souveraineté sur les aliments sains et durables.