Cumanana VI - FRA

SEPTEMBRE 2021

NÚMERO 6

Cumanana BULLETIN VIRTUEL DE CULTURE PERUVIENNE POUR L'AFRIQUE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU PÉROU

PATRIMOINE CULTUREL AFROPÉRUVIEN

MARÍA ELENA MOYANO

RECETTE

Héritage et ascendance africaine

Vie politique sur le terrain

Saveurs péruviennes, influences africaines

PAGE 1

PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL ET POPULATIONS AFRO-PÉRUVIENNES : UNE APPROCHE RODRIGO CHOCANO PAREDES ANTHROPOLOGUE La présence de l’ascendance africaine au Pérou remonte à l’arrivée des conquistadors espagnols et à la fondation de la colonie durant la première moitié du XIVe siècle. Les premiers ancêtres des populations afro-péruviennes actuelles sont arrivés sur le territoire national en tant que victimes d’esclavage, emmenés dans les colonies par les conquistadors espagnols pour y effectuer des travaux forcés.

Lors de cette première migration, les esclaves sont arrivés directement d’Afrique (Bozales) et d’Espagne ou d’autres colonies (Ladinos). Africains et personnes d’ascendance africaine étaient une minorité et se sont insérés dans le territoire en se mêlant à la population espagnole et autochtone.

Dans ce contexte, le patrimoine culturel immatériel (PCI) afro-péruvien contemporain consiste en une fusion complexe d’éléments adoptés des différentes cultures africaines dont provenaient les sujets asservis, outre les expressions d’Africains et d’Afrodescendants esclaves et libres venus d’Espagne et des Espagnols eux-mêmes, ainsi que des éléments culturels locaux du nouveau monde et des éléments nouveaux que les populations afro-péruviennes ont créés au cours de près de cinq cents ans de présence sur le territoire national.

Ce panorama devient encore plus complexe une fois pris en compte le contexte historique et culturel dans lequel cette fusion a eu lieu.

Nicomedes Santa Cruz Poète et compositeur péruvien Couverture de LP Cumanana

PAGE 2

Teresa Izquierdo Chef et promotrice de la cuisine afropéruvienne

Il s’agit notamment de l’esclavage des Africains et des personnes d’ascendance africaine pendant la colonie et les premières années de la République; de l’identification majoritaire des Afro-Péruviens aux secteurs populaires et ouvriers; la forte présence urbaine d’Afro-Péruviens à Lima et dans d’autres villes, d’une part, et de concentrations rurales le long de la côte, d’autre part, et la grande diffusion d’expressions culturelles afropéruviennes, -principalement de la musique et de la nourriture, et, dans une moindre mesure, la tradition orale- par l’industrie et les médias.

De toute évidence, la compréhension du PCI d’ascendance africaine serait incomplète si l’on ne tenait pas compte en outre du contexte social de pauvreté, d’exclusion et de discrimination que les populations afro-péruviennes ont connu depuis leur arrivée sur le territoire national actuel, qui se maintient aujourd’hui et même reproduit la situation des populations d’ascendance africaine dans tout le continent.

Selon l’étude spécialisée sur la population afro-péruvienne publiée par le Ministère de la Culture en 2015, 37 % de la population afro-péruvienne perçoit un salaire inférieur au salaire minimum vital, le taux d’accès à l’enseignement supérieur est nettement inférieur à la moyenne nationale (33,1 % contre 43,4 %) et 43,3 % ont déclaré avoir été victimes de discrimination.

Le défi à relever en ce qui concerne la promotion du PCI pour les populations afro-péruviennes consiste à promouvoir la sauvegarde des connaissances et des pratiques traditionnelles non seulement en raison de leur valeur culturelle intrinsèque, mais aussi en tant qu’éléments qui portent la mémoire historique des populations afro-péruviennes et qui peuvent constituer des outils précieux pour lutter contre des problèmes qui touchent directement les populations d’ascendance africaine, comme la pauvreté et la discrimination raciale.

Initialement publié sur : Patrimoine Culturel Immatériel Afropéruvien, Ministère de la Culture, a, 2016, páginas 13-14

PAGE 3

MARÍA ELENA MOYANO PROYECTO ESPECIAL BICENTENARIO On ne peut pas se souvenir de Maria Elena juste à cause de sa tragédie. Cela signifie oublier son parcours, qui est riche parce qu’il était le fidèle portrait de dizaines de jeunes qui, au début des années 1990, luttaient pour changer la réalité de leurs quartiers et pour l’avenir de leurs familles, à Puno, à Tumbes, à Villa El Salvador.

Maria Elena est née le 29 novembre 1958 à Barranco. Fille d’Eugenia Delgado Cabrera et d’Hermógenes Moyano Lescado, elle a sept frères : Rodolfo, Raúl, Carlos, Narda, Eduardo et Martha. Bien qu’elle vécut ses premières années à Barranco, elle s’installa ensuite à Surco, où elle résida jusqu’à ses douze ans, lorsque les Moyano Delgado s’installèrent dans le désert de Villa El Salvador, dans ce qui est aujourd’hui le Secteur 3 de ce district. Sa famille y habitait un terrain loué. "C’était quatre nattes comme un carré et une par-dessus. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de vent et que la nuit, le plafond était presque parti", se référait-elle dans son autobiographie.

Elle a fait ses études primaires à l’école Jorge Chávez, à quelques mètres de la Place principale de Surco, où elle a fait partie de l’équipe de volley. Selon son témoignage, se rendre à son école signifiait se réveiller à cinq heures du matin, traverser la ville jusqu’à Higuereta, puis marcher une demiheure. C’était une période difficile, sans père et avec une mère sans travail.

Entrée à l’université À la fin de l’école, sa famille lui a demandé, avec Martha, de postuler à l’université, à San Marcos surtout. Mais la crainte que l’argent ne suffise pas, a fait que Maria Elena a pris un cours de technicienne de bureau, et a demandé à ses frères de soutenir dans sa candidature Martha, qui n’a pas réussi à entrer.

Lorsque la date des examens de l’Université Garcilaso de la Vega allait arriver, son frère aîné, Carlos, leur a demandé de postuler toutes les deux, et lui verrait comment prendre en charge leur éducation.

Notre dirigeante a accepté à la condition de choisir sa carrière, car sa mère exigeait qu’elle étudie le droit, mais en n’acceptant pas une autre carrière, elle a dû mentir et a donc commencé à étudier la sociologie, bien qu’elle disait qu’elle ne s’était pas préparée dans une académie.

Gustavo, son partenaire, a soutenu son processus : postuler d'abord aux études de sociologie, et puis, avoir le courage d’aller voir les résultats de l’examen.

Malena raconte qu’elle n’a pas seulement menti à sa mère quand elle a postulé, elle a menti aussi à l’université. Dans la fiche de renseignements personnels, elle a déclaré qu’elle vivait à Barranco, et qu’ils avaient un père commerçant et très riche.

Après son passage dans la paroisse, elle et des centaines de jeunes du désert ont commencé à se réunir dans le local communal du secteur. C’est là qu’ils ont formé un groupe culturel et de soutien à la junte communale de Villa El Salvador. Parallèlement, à l’université, elle commence à s’engager dans des discussions sur la lutte des classes, et à questionner sa pauvreté et celle de son entourage.

Vie politique sur le terrain À cette époque, elle connaît les premières écoles de formation politique maoïstes qui apparaissent dans le sud de Lima, une de celles qui l’a captée. Moyano rapporte que les leçons étaient souvent ennuyeuses et déconnectées des intérêts des jeunes de sa communauté, ce qui a conduit beaucoup d’entre eux à abandonner l’activité communautaire. Cette expérience, en tant que membre du Parti Unifié Mariateguista, l’a amenée à participer à la prise des écoles publiques de Lima. En parallèle, elle a contribué à créer l’école pour jeunes enfants, où elle a été animatrice pendant quatre ans.

Après la grève des enseignants, où elle était dirigeante des animatrices de l’école Pachacutec de son secteur, près de l’avenue José Carlos Mariátegui, elle a des problèmes à la maison, pour avoir échoué ses examens, pour soutenir une grève ratée et pour être enceinte de Gustavo, avec qui elle était depuis cinq ans.

Une nouvelle étape commence dans sa vie. Leur premier enfant était né, mais leurs familles étaient au chômage et dans une pauvreté absolue, ce qui les oblige tous les deux à déménager sur le toit d’un immeuble à Miraflores, où ils pouvaient vivre en échange de gardiennage et de ménage du reste de l’immeuble.

PAGE 4 Un après-midi, des vêtements de l’une des propriétaires ont été volés sur le toit, qui a accusé Maria Elena et sa famille, ce qui a provoqué une altercation qui a accéléré son licenciement. La famille est retournée à Villa El Salvador.

C’était en 1983. À l’époque, Moyano a un nouveau-né, qu’elle gardait tout en alphabétisant des enfants de la région, et c'est grâce à cela qu’elle dirige la fondation du club des mères "Micaela Bastidas". Cela favorisa son élection en tant que soussecrétaire d’organisation de la Fédération populaire des femmes de Villa El Salvador. Ce poste lui a permis de devenir Présidente de la Fédération, poste qu’elle reprendra en 1988.

Enfrentamientos con Sendero Luminoso Durant cette période, Maria Elena se montre critique à l’égard du Sentier Lumineux et de sa participation aux processus politiques de Villa El Salvador. Elle fait déjà partie du Mouvement d’Affirmation Socialiste après son départ du PUM. Pour sa part, le Sentier Lumineux la considère comme une contre-révolutionnaire et réactionnaire. Entre 1989 et 1991, les affrontements entre Moyano et envoyés par l’organisation terroriste se sont multipliés, notamment parce que Maria Elena avait initié une expansion de l’image publique de sa Fédération, et parce qu’elle accusait directement les randonneurs des attentats survenus dans son district et son secteur. En 1991, Sendero fait exploser une bombe dans un entrepôt de la Fédération des Femmes et accuse Moyano de cet acte.

La situation s’est aggravée parce que Moyano a été élue au poste de maire-adjointe de Villa El Salvador en 1989, sous la direction de Michel Azcueta, ce qui coïncide avec l’assassinat du dirigeant ouvrier Enrique Castillo, en octobre de la même année, par le Sentier Lumineux, ce qui fait que Malena décide de répudier avec beaucoup plus de vigueur les actes du groupe terroriste.

La grève armée et la marche pour la paix Le 14 février 1992, le Sentier Lumineux décrète une grève armée, et Maria Elena organise ses compagnes dans une contre-marche appelée "Marche pour la paix". Outre la faible convocation par crainte de représailles, les terroristes déposent un paquet de dynamite à la maison du maire Azcueta.

Le 15 février 1992, après une journée de plage, Moyano et sa famille se sont rendus à une fête populaire dans le premier secteur de Villa El Salvador. Sur place, une membre du Sentier Lumineux réussit à blesser le policier qui la gardait, puis se rendit à l’endroit où notre leader se trouvait. La jeune fille de l’école Jorge Chávez a reçu deux balles dans la poitrine et la tête, puis a été dynamitée avec cinq kilos d’explosifs attachés à son corps.

La couverture du journal la República du 16 février 1992 avait pour titre "Ils la cribleront de balles, ils la dynamiteront... et NE POURRONT PAS LA TUER!".

A la fin de 1992, la Fédération des Femmes de Villa El Salvador regroupait 112 cantines populaires, nourrissait 30000 personnes par jour et gérait 507 Comités de Verres de Lait qui s’occupaient d’environ 60000 enfants, selon les données de la Commission Vérité et Réconciliation nationale.

Le 13 juin 2017, le Ministère de la Culture a accordé à titre posthume la distinction “Personnalité Méritoire de la Culture” à la jeune mère et étudiante en sociologie de Villa El Salvador "... en reconnaissance de sa défense active et courageuse des droits de l’homme en faveur des femmes, en tant que dirigeante de quartier et militante sociale.

Elle a revalorisé l’apport culturel de la femme afro-péruvienne à la construction d’un pays."

Non, ils n’ont pas pu la tuer.

Initialement publié sur: Proyecto Especial Bicentenariohttps://bicentenario.gob.pe/maria-elena-moyano-la-personalidad-meritoria-de-la-cultura-de-villa-el-salvador/

PAGE 5

RECETTE: RANFAÑOTE Le Ranfañote est un dessert à base de pain et de miel de "Chancaca" (produit élaboré avec du jus de canne à sucre, déshydraté et solidifié) qui est né dans la capitale du Pérou.

C’est l’un des plus anciens desserts du Pérou, développé à l’époque de la vice-royauté.

Pamela Cartagena, petite-fille d’Agustina Reyes Ballumbrosio, la reine du Ranfañote à Chincha, raconte les deux théories sur son origine : la première dit que le dessert est né des mains des esclaves d’ascendance africaine de Chincha.

La seconde théorie estime sa naissance au temps de la guerre du Pacifique.

INGRÉDIENTS

PREPARATION

4 pains de la veille Beurre 2 boules de Chancaca 3 clous de girofle ½ cuillère à café d’anis entier 1 morceau de zeste d’orange 1 tasse d’eau 125 grammes de noix 100 grammes de raisins secs (blonds et noirs) 100 grammes de fromage Paria haché en morceaux Noix de coco râpée et grillée

Couper le pain en cubes et le griller dans une poêle enduite de beurre. Réserver.

Placer dans une casserole l’eau, les boules de Chancaca, les clous de girofle, l’anis et le zeste d’orange. Faire bouillir jusqu’à ce que le mélange soit comme du miel.

Dans un bol, placer le pain, les noix de coco, les raisins secs et le fromage. Mélanger tout, ajouter le miel préparé et mélanger à nouveau.

Servir.

Publicado originalmente en: Patrimonio Cultural Inmaterial Afroperuano, Ministerio de Cultura, 2016, páginas 13-14