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Port Réunion
LES ÉCOSYSTÈMES CORALLIENS PROFONDS DÉVOILENT LEURS SECRETS AU LARGE DU PORT
À l’issue de quatre années de recherches passées au Grand Port Maritime de La Réunion (GPMDLR), Ludovic HOARAU a brillamment réussi sa soutenance en décembre dernier. Rencontre avec l’un des rares experts en France des écosystèmes coralliens mésophotiques (ECMs), qui vivent entre 30 et 150 mètres de profondeur.
INTERVIEW
LUDOVIC HOARAU, BIOLOGISTE MARIN ET DIPLÔMÉ D’UN DOCTORAT À L’UMR ENTROPIE, UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION

• En quoi les communautés coralliennes formentelles des écosystèmes d’une immense valeur ?
- Les récifs coralliens, qui recouvrent moins d’1 % de la surface des océans, abritent environ 30 % de la biodiversité marine mondiale. Ils protègent aussi des millions de personnes en jouant un rôle barrière, et nous offrent de précieux biens et services. On estime à 49 millions d’euros par an les services écosystémiques qu’ils rendent à La Réunion, entre la protection côtière, la pêche récifale, le tourisme et les loisirs.
Or, les coraux se dégradent inexorablement, du fait des changements environnementaux et autres pressions anthropiques. Sur l’île, on note une diminution du corail vivant depuis les années 1990. L’étude des écosystèmes coralliens mésophotiques (ECMs) n’a jamais été aussi urgente pour tenter de protéger les récifs.

• Vos recherches ont ainsi porté sur les ECMs ?
- Oui, j’ai souhaité étudier ces écosystèmes profonds, qui demeurent encore largement méconnus et bien moins documentés que ceux de la zone euphotique, plus proches de la surface. Dans le sud-ouest de l’océan Indien, il y a eu très peu de publications scientifiques sur le sujet. Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les ECMs composeraient environ 70 % de l’habitat récifal corallien au niveau global !
Les ECMs sont caractérisés par la présence d’organismes tels que les coraux dépendant de la lumière et autres organismes benthiques (vivant au fond des eaux) comme les algues, les éponges ou les antipathaires – également appelés « coraux noirs » – qui forment un habitat sur des fonds situés entre ~ 30 et 150 mètres en régions tropicales et subtropicales.

• Quel est votre sujet de thèse ?
- Ma thèse propose d’étudier l’écologie des ECMs à La Réunion, avec trois axes principaux : la structure des communautés macro-benthiques ; les processus démographiques et la connectivité génétique des coraux ; et enfin les implications des ECMs pour la conservation, ce qui revient à se poser notamment cette question : la zone mésophotique peut-elle être une zone refuge pour les coraux moins profonds, qui sont impactés par un grand nombre de menaces ? (réchauffement global et acidification des océans, mais également pollution, développement côtier, enrichissement nutritif, surpêche…)

• Pour ce faire, vous avez longuement exploré les eaux au large du Grand Port Maritime ?
- Ma thèse a pour objet d’améliorer les connaissances et la conservation des ECMs à La Réunion. Et elle vise notamment à valoriser le patrimoine naturel marin du Grand Port Maritime de La Réunion. Pour ce travail de recherche, plus de 260 heures de plongée ont eu lieu en recycleur dans plus de 60 stations couvrant les eaux de Saint-Leu, Saint-Paul, du Port et les coulées de lave de Sainte-Rose. Cela a permis de caractériser la lumière, la température, la salinité, de quantifier le recouvrement corallien, la densité des coraux et des cnidaires, cet embranchement auquel appartient le corail et qui inclut les gorgones et anémones de mer, etc.

Parmi toutes les stations étudiées sur l’île dans la zone mésophotique, c’est au Port Est que le taux de recrutement corallien – ou le nombres de larves de corail qui ont pu se fixer sur le substrat et s’y développer avec les tout premiers polypes fabriquant leur squelette calcaire – s’est avéré le plus fort ! Il s’agit de la première étude mondiale sur le recrutement des coraux au-delà de 50 mètres. Par ailleurs, nous avons découvert au Port Ouest des forêts animales marines 2 hébergeant une biodiversité extrêmement riche et jusque-là très peu documentée. C’est un site exceptionnel qu’il convient de protéger en priorité, des fils de pêche tout particulièrement.

• En quelques mots, quelles sont les principales conclusions de votre thèse ?
- Pour ce qui est des espèces coralliennes étudiées, on constate l’existence d’une forte connectivité génétique entre les différentes profondeurs et aussi d’un site d’étude à l’autre. Cela va dans le sens de l’existence d’une zone refuge profonde pour quelques espèces coralliennes, une hypothèse qui reste encore très débattue par les scientifiques.

TÉMOIGNAGE
LUCIE PENIN, MAÎTRESSE DE CONFÉRENCE À L’UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION

Les travaux de Ludovic Hoarau ont produit des résultats inattendus. Quand on compare les communautés de coraux à faible profondeur, elles se ressemblent. Tandis que plus profond, elles sont très différentes les unes des autres. Les écosystèmes marins du Port sont remarquables et cela aussi est une surprise !
Je m’intéresse depuis 20 ans au recrutement des coraux. Grâce à cette thèse, nous bénéficions de connaissances nouvelles autour de La Réunion. Ayant travaillé précédemment en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, je suis convaincue qu’il sera très intéressant de comparer cette étude sur les écosystèmes coralliens mésophotiques réunionnais avec celles menées dans les autres territoires ultramarins.