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Guadeloupe

RESTAURER L’HABITAT DE L’IGUANE DES PETITES ANTILLES, AVEC LES DÉSIRADIENS

L’Office national des forêts (ONF) Guadeloupe œuvre à reconstituer l’habitat naturel de l’iguane des Petites Antilles, un reptile endémique qui survit sur la Pointe des Colibris, à la Désirade. La population de l’île est pleinement associée au projet, qui a pour ambition de sauvegarder cette espèce à enjeu faunistique et patrimonial majeur.

Gestionnaire des parcelles appartenant à l’État sur la Pointe des Colibris, l’antenne guadeloupéenne de l’Office national des forêts (ONF) a bénéficié pour ce projet de restauration d’une subvention de 740 400 euros de l’Office français de la biodiversité (OFB), dans le cadre de « Mission Nature 2024 »

L’ÉVOLUTION DE LA POINTE DES COLIBRIS, SUR L’ÎLE DE LA DÉSIRADE

La Pointe des Colibris a été, au fil des années, « victime » de sa localisation excentrée à l’ouest de la Désirade. D’abord décharge sauvage, elle a ensuite servi de dépôt temporaire de matériaux issus d’un cyclone, puis a fait l’objet de dépôts de sargasses lors des premières campagnes de collecte. Enfin, le site a été fortement modifié par des prairies de pâturage depuis de nombreuses années.

Recréer un couvert végétal sur la Pointe des Colibris, pour protéger l’iguane des Petites Antilles.
© Nicolas Paranthoën

UN REPTILE PROCHE DE L’EXTINCTION

Aujourd’hui, ces sources de dégradation ont été levées et il devient urgent de restaurer le couvert végétal de la Pointe des Colibris, habitat de l’iguane des Petites Antilles qui, classé par l’UICN en danger critique d’extinction, ne subsiste plus que sur une poignée d’îles et îlets. La Pointe des Colibris, forêt domaniale du littoral, est un site de première importance pour l’espèce. Or, les effectifs y ont décliné, passant de 550 individus en 2012 à 150 en 2022.

UNE INITIATIVE ANCRÉE LOCALEMENT

Si le projet vise à restaurer l’habitat de ce reptile emblématique, il prend en compte les usages et usagers du site, pour en valoriser la qualité paysagère et offrir au public des aménagements adaptés.

INTERVIEW

MYLÈNE MUSQUET, DIRECTRICE RÉGIONALE DE L’ONF GUADELOUPE

Mylène Musquet, deuxième en partant de la gauche, en compagnie de représentants de l’OFB.
© France-Antilles
• Quelle est pour vous la condition indispensable à la réussite de cette restauration écologique ?

- Ce projet de restauration de la Pointe des Colibris prône des solutions fondées sur la nature, qui s’inscrivent dans un temps long. La clé de sa réussite n’est pas seulement technique et écologique, elle réside dans la collaboration et la contribution des Désiradiens à cette initiative. Les opérations de plantation et d’aménagement ne pourront être efficaces si les travaux mis en place ne sont pas partagés, expliqués et surtout, coconstruits avec la population.

Dépôt de sargasses et remblai sur la Pointe des Colibris, avant le démarrage des travaux de restauration écologique.
© ONF
• Concrètement, comment garantir l’ancrage du projet sur le territoire ?

- Nous avons pensé le projet avec les élus de la Désirade pour qu’il se déroule de A à Z ici, sur le territoire. Nous allons par exemple mobiliser le tissu socioéconomique local lors des différentes phases du projet.

Ainsi, une pépinière ou un agriculteur désiradien sera mis à contribution pour la production des plants, leur entretien et leur arrosage. La collaboration locale ira de la collecte des graines à la production des espèces que nous replanterons. Il en sera de même pour les travaux sur la piste d’accès et les zones de stationnement. Ces acteurs économiques seront des bénéficiaires directs de l’opération, qui devient alors à leurs yeux pleinement porteuse de sens

Cette plateforme d’observation, installée en 2020, permet d’admirer la beauté paysagère de ce site qui accueille l’une des dernières populations viables d’iguanes des Petites Antilles, une espèce en danger qui a bénéficié d’un Plan national d’actions.
© ONF Guadeloupe
• Comment s’assurer de la bonne acceptation du projet sur le long terme ?

- Tout d’abord, nous travaillerons avec les usagers du site : les habitués qui pratiquent la pêche à la ligne ou la randonnée. L’objectif n’est pas de mettre la nature sous cloche, mais de prendre en compte les usages et besoins des riverains qui sont compatibles avec les nouvelles orientations de réhabilitation du site, afin que le plus grand nombre puisse s’approprier les actions. Pour renforcer la communication et l’implication de tous, nous organisons aussi, avec le maire de la Désirade, des réunions publiques qui maintiennent le dialogue et facilitent la compréhension du projet.

La Pointe des Colibris, sur l’île de la Désirade.
© ONF Guadeloupe
Diurne et arboricole, l’iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) peut mesurer jusqu’à 1,60 mètre de long. Herbivore, il se nourrit de feuilles, de fleurs et de fruits.
© Anaïg Dantec / ONF Guadeloupe

Enfin, l’une des actions prévues concerne la création et l’animation d’une aire terrestre éducative à l’issue des travaux. Les élèves pourront ainsi participer aux phases de collecte de graines, aux plantations... Tout ceci concourt à une meilleure appropriation du site par l’ensemble de la population locale !

L’iguane des Petites Antilles est une espèce en voie d’extinction et dont le nombre d’individus ne cesse de baisser. L’aménagement et la restauration écologique de la Pointe des Colibris (...) de façon concertée avec les élus, les riverains et les scolaires permettront de réduire les menaces que constituent les collisions routières et la perte de la végétation naturelle, tout en sensibilisant les usagers aux enjeux de conservation de l’espèce.

Nicolas Paranthoën, chargé du projet Iguane des Petites Antilles à l’ONF

Rédaction et interview : Lucie Labbouz
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